Les vitraux de l'église Saint-Thurien à Plogonnec IV :
Le vitrail de la Résurrection et des Saints.
Le 29 juin 1730, le conseil de fabrique décide d'agrandir la chapelle Saint-Herbot pour la mettre en harmonie avec celle de Saint-Claude. Pour cela, on agrandit la baie, qui est alors vitrée de verres incolores. Puis, en 1860, le recteur Dupont décide de transférer les vitraux de la chapelle Saint Théleau à l'église paroissiale.
I. Saint Théleau, et la chapelle Saint-Theleau à Plogonnec.
Saint Théleau :
Saint Théleau, ou Thélo, (Telio, Tilio ou Telo en breton), est un saint gallois du VIème siècle que la peste chasse de son pays en 547. Traversant la Manche, il rejoint alors à Dol Saint Samson, gallois également et disciple de Saint-ildut, et il seconde l'Abbé de Dol "pendant sept ans et sept mois" avant de revenir en pays de Galles. Il y fonde le monastère de Llandeilo et devient évêque de Llandaff ; 25 localités galloises portent son nom. Curieusement, alors que le culte de Saint Samson est très peu implanté en Basse-Bretagne, celui de saint-Théleau y est présent à Locronan, Landeleau (lann-theleau), Leuhan et Daoulas, alors que ce saint n'a jamais séjourné en Finistère. Certains suggèrent que son implantation y est due au fait que Sant Telo est représenté chevauchant un cerf et qu'il reprend l'attribut du dieu gaulois Cernunnos (dont le nom signifie Le Cornu) : le cerf, animal mythique des celtes, symbolise par la repousse annuelle de ses bois le retour cyclique des forces vitales. En effet, l'iconographie qui le représente avec cet animal semble propre à la Bretagne et ne pas être connu dans les églises galloisses (Site Catholic.org). Ses reliques ont été conservées en pays de Galles, mais aussi à Plogonnec, Landeleau et Saint-Télo (22).
La légende transmise à Landeleau est celle-ci : "le Saint quand il arriva en ce pays se bâtit d'abord un ermitage et construisit ensuite une église à laquelle il désira joindre un térritoire pour former une paroisse. S'étant abouché avec le seigneur de Châteaugall, celui-ci lui dit : "je t'abandonne tout le territoire dont tu pourras faire le tour en une nuit, mais il est bien-entendu qu'au chant du coq, en quelque lieu que tu sois tu feras halte [...] Saint Théleau se tenant sur le seuil de la porte se mit à siffler, aussitôt un cerf sortit du bosquet et vint s'agenouiller aux pieds du Saint ; celui-ci, la nuit tombée, monta sur le cerf et se mit en route, l'animal galopant de toute la vitesse de ses jambes, mais comme il traversait la cour de Caste ar Gall, les gens lâchèrent sur eux les chiens, le saint n'eut que le temps de sauter sur un chêne, tandis que le cerf se réfugiait dans les bois." (Chanoine Peyron)
On trouve ici le thème de la délimitation du territoire sacré par un saint monté sur un animal ou derrière les boeufs d'une charrue, comme Raymondin qui, dans le roman de Mélusine, utilise la peau d'un cerf merveilleux pour délimiter le territoire de Lusignan, mais aussi celui du saint maîtrisant les énergies sauvages et cosmiques en chevauchant un animal soli-lunaire, comme Merlin, Hervé, Karieff, Léonard ou Magloire. Le cerf de Saint Théleau évoque aussi le cerf psychopompe ou celui qui assure le passage du héros, dans les romans de la Table Ronde, vers le monde du merveilleux, l'Autre-Monde. Et il rejoint aussi le cerf portant une croix dans sa ramure et qui apparaît pour le convertir à Saint-Hubert, Saint Eustache ou au Saint Julien des Trois Contes de Flaubert, trois princes qui s'adonnaient à la cruauté bestiale de la chasse : "Pourquoi me persécutes-tu ?" . ( A Cast, à quelques kilomètres de Plogonnec, cette chasse de saint-Hubert est représenté en sculpture monumentale).
La chapelle Saint-Théleau :
Située à la limite de Plogonnec et de Locronan, cette jolie chapelle a été fondée, comme l'atteste l'inscription en lettres gothiques de la tourelle sud, "Le 22 jour de may 1544 fust fonde cest". D'autres inscriptions datent la sacristie de 1695 (V:MIO:A:LE:GRAND:/F:PERFIOV:F:1695), le bras nord de 1727. Les comptes de fabrique mentionnent l'existence des verrières et leur entretien régulier jusqu'en 1676. En 1778, un aveu de prééminence mentionne les armoiries de Léon, et celles de Coatanezre (armes qui se retrouvent à Ergué-Gaberic au tympan de St-Guinial) sur les baies axiale et méridionale. Puis les verrières sont prélevées pour créer la vitre que nous étudions, et il ne reste que des débris de vitraux dans les remplages de la fenêtre du chevet (anges portant les instruments de la Passion) et du transept sud (anges).
En 1976, alors que la toiture venait d'être restaurée entièrement; la foudre détruisit la flèche et en partie la chambre des cloches ; le clocher fut reconstruit les années suivantes.Le grand pardon de saint Théleau a lieu le dimanche après la Saint-Jean.
II Le vitrail des Saints et de la Réssurection en Baie 7.
Il est daté par le Corpus Vitrearum de 1525-1530 et 2ème moitiè du XVIème siècle, de 1550 par Roger Barrié dans sa thèse. Mesurant 3,50m de haut et 1,90 m de large, il se compose de trois lancettes de trois panneaux et demi. Il a été recomposé en 1862 par l'entreprise quimpéroise Manceaux-Gueguen à partir de panneaux de la chapelle Saint-Théleau, en associant une scène de réssurection de trois panneaux venant du registre supérieur de la maîtresse vitre, avec des panneaux représentant des saints, au prix d'un fort travail de recomposition de panneaux brisés, et de remplissage par bordure et maçonnerie pour compenser la différence le largeur des lancettes entre st-Théleau et la baie du bras nord du transept, alors nommé chapelle saint-Mathurin.
Il a été déposé comme les autres verrières avant la dernière guerre, pour être reposé par J.J. Gruber en 1953
1. Le registre inférieur.
-Panneau A1 daté du 3ème quart du XVIème s.
Saint Nicolas bénissant la tempête : tel est le titre accordé à cette scène, bien que Roger Barriè, plus prudent, considérait que cette identification n'était que possible, mais que tout autre saint breton (irlandais ou gallois traversant la Manche, par exemple) pouvait faire l'affaire. La nef et son gréement correspond aux navires du début du XVIème siècle. Cette embarcation de trois mats, le grand-mat équipé d'une hune pour le guetteur, le mat d'artimon étant gréé d'une voile latine qu'on voit ici ferlée, est-elle une caraque, très ronde dotée d'un château ou gaillard arrière (ici bien visible) destiné à placer les archers en hauteur, mais aussi d'un château avant (ici discutable), ou bien une caraque atlantique type 1510 intermédiaire avec le galion ? Les caraques, qui peuvent atteindre 250 à 1000 tonneaux, sont grées de deux voiles carrées sur le grand-mat, d'une voile carrée sur le mat de misaine, et d'une civadière sur le beaupré.
-Panneau B1 datant du 3ème quart du XVIè s., complété.
Saint diacre bénissant, devant une tenture verte damassée et frangée; j'ignore sur quel critère on l'intitule diacre et non évêque alors qu'il tient la crosse : j'ai encore beaucoup à apprendre. Au dessus d'une tunicelle la chasuble rouge vermillon est ornée d'une croix dorée.
Panneau C1 datant de la fin du XVIème s. complété, avec de nombreux collages et quelques restaurations.
Il représente le miracle de Saint-Éloi évêque de Noyon, orfèvre, ministre de Dagobert, mais que la légende présente comme un simple maréchal-ferrand qui, pour ferrer plus facilement un cheval rétif, trouva plus simple de profiter de ses pouvoirs de thaumaturge pour couper la patte, la ferrer sur l'enclume avant de la remettre en place.
Éloi, barbu, est vêtu d'un habit vert recouvert du tablier de forgeron et non de celui de maréchalerie, qui se divise en deux pièces sur les cuisses. Il tient en main ce qui ressemble à un brochoir, qui sert à enlever les clous du sabot, à moins que ce soit une reinette, qui sert au parage, ou un outil mixte.
Le propriétaire qui regarde, ébahi, le travail est vêtu d'une tunique rouge, bragou braz et de guêtres.
Roger Barrié mentionne dans sa thèse que la chapelle saint-Théleau est également nommée saint-Éloy.
2. Registre moyen :
Panneau A2 :
Les fragments d'un évêque bénissant ont été largement complétés d'éléments récents.
Panneau C2 :
datant du 3ème quart du XVIème siècle.
C'est le panneau représentant Saint Théleau chevauchant son cerf élaphe ; il tient la crosse et porte la mitre de l'évêque, et porte une grande cape rouge frangée et bordée d'orfrois.
3. Registre supérieur .
Panneaux A3 et A4
panneau très restauré du 3ème quart du XVIème siècle représentant Saint Edern chevauchant un cerf : cet ermite gallois de la fin du IXème siècle se distingue de Saint Théleau (en habit d'évêque) par son costume de moine. C'est le patron de la paroisse de Plouedern. Formidable ! Les blochets de l'église Saint-Edern à Plouedern. où se voit sa statue de cavalant sur un cervidé.
Panneau C3 et C4
datant aussi du 3ème quart du XVIème siècle, restauré.
Il montre un saint (auréole) pèlerin ( bourdon, chapeau) qui marche pied-nus mais à bon pas, tenant un objet non identifié dans la main droite. On peut y voir Saint Jacques (la grande barbe correspond à son iconographie) ou Saint Roch (Corpus vitrearum) ou bien (Roger Barrié), Saint Ronan, venant à grande enjambée de la paroisse voisine de Locronan, et tenant à la main sa célèbre cloche.
Panneaux B2, B3, B4 : Christ ressuscité.
Datant de v.1560, ces trois panneaux peu restaurés sont les plus beaux du vitrail, et reprennent l'iconographie des différentes Passions ou Résurrections de la région (par exemple Confort-Meilars : Vitrail de la Résurrection à Confort-Meilars.)
Le Christ vêtu du manteau rouge de la résurrection montre les cinq plaies de sa Passion et tient la croix hastée devenue emblème et houlette du Bon Berger. Il se dresse debout, enjambant le tombeau vide au grand effarement de deux soldats romains, tandis qu'un troisième, glaive en main, somnole sur sa hallebarde et son bouclier rond à godrons .
Le tympan
Datant de 1525-1530, il a conservé sa place d'origine. Il se compose de cinq ajours représentant Dieu le Père et quatre anges en grisaille rehaussée de jaune d'argent ;dans le soufflet, le Père Eternel, coiffé d'une tiare pontificale, est vêtu d'une aube, d'une étole croisée et d'une chape orfrayée au fermoir quadrilobé.
Les anges volent à l'intérieur des mouchettes, présentant qui la colonne et la lanterne des gardes, qui la coupe de boisson amère (ou le calice de l'agonie), qui la colonne de la flagellation et la bourse de trente deniers. celui qui , à gauche, ne porte rien de défini serait placé récemment puisque R. Barrié ne l'a pas décrit. Je lui imagine l'éponge de vinaigre dans la main gauche.
Source :
Les vitraux de Bretagne, F. Gatouillat et M. Hérold, Corpus Vitrearum, Presses Universitaires d Rennes, 2005 p. 159.
Etude sur le vitrail en Cornouaille au XVIème siècle, Roger Barriè, thése de troisième cycle, Université de Haute-Bretagne, Rennes 1978.