James Abbott Neil Whistler (1834-1903) avait installé son atelier à Londres où il dominait la Tamise et , le soir venu, il en arpentait les quais pour peindre des harmonies de couleur qui puissent rendre ces ambiances crépusculaires, brumeuses, à peine structurées par la silhouette du clocher de la vielle église de Chelsea ou du vieux pont de Battersea. C'était cet oiseau de nuit hantant le quartier de Andsey Row qui a peint les Nocturnes : Nocturne en Bleu et Or, Nocturne en Bleu et argent, Nocturne en Bleu et Vert, titres inspirés des Nocturnes de Chopin alors que ce sont les tableaux de Whistler qui inspireront à Debussy ses Nocturnes...
Or ce peintre très influencé par le japonisme ambiant et par les estampes de Hokusaï et de Hiroshige signait ses oeuvres de son initiale inscrite dans un cercle (comme le fera aussi Henri Rivière ) imitant les sceaux qui frappent les
Ukiyo-e orientales.
Or _nous y voilà_ Whistler avait transformé le W de son nom en une figure de papillon : c'est le fameux "monogramme au papillon", qui s'incrit par exemple en signature sur la potière de l' Arrangement en Noir et Gris n°1 que détient le Musée d'Orsay et qui représente sa mère, austère, puritaine, figée dans sa posture rigide. Quel contrepoint silencieux mais critique ne faut-il pas lire dans cette image du "moth" (si, en anglais, les papillons se disent butterfly, les papillons de nuit sont désignés par le nom de moth) opposé à "mother", quel manifeste cinglant et radical pour un monde léger, aèrien, fugace, épris de nuances, sensible, tendre, pour un mode de vie artiste, inspiré précisément de la notion japonaise de ukiyo fondée sur l'impermanence?
Vivre uniquement le moment présent
se livrer tout entier à la contemplation
de la lune, de la neige, de la fleur de cerisier,
et de la fleur d'érable... ne pas se laisser abattre
par la pauvreté et ne pas la laisser transparaître
sur son visage, mais dériver comme une calebasse
sur la rivière, c'est ce qui s'appelle ukiyo
Les contes du monde flottant (Ukiyo monogatari, Asai Ryoi, 1665)
En grec ancien,le papillon de jour se désignait par le mot psyché, qui représentait aussi l'âme : dans les mythes, on racontait que si Prométhée avait modelé le corps humain avec de l'argile, Athéna l'avait animé en lui insufflant un papillon, sa psyché...
Mais le papillon de nuit se disait phalaena, issu sans-doute de phalos, brillant, et de phao, luire, briller, pour désigner ces insectes blancs attirés par la lumière des feux. De là vient notre mot phalène qu'on utilise pour les papillons de nuit de la famille des géomètres (lequel nom vient du comportement d'arpenteur de leurs chenilles).
Et en gec moderne, comment se dit papillon? Ah mais bien-sûr, chez Lavieb-aile nous allons vous le dire : cela se dit petalouda ! Ah mais c'est que :
On n'est pas des imbéciles,
On a mêm'de l'instruction
Au lycée d 'Pa-pa
Au lycée d' Pa-pi
Au lycée d' Papillon !
(Chanson Au lycée de Papillon, paroles Georgius, musique Juel, 1936 )
Elève Labélure?...Présent ! Vous qui faîtes le malin, dîtes-nous le en Tamoul !
En Tamoul papillon se dit thattaan et en occitan parpalhol ,
en néerlandais de vlinder et en polonais motyl !
Le sujet est neuf,
Bravo vous aurez neuf !
Elève Peaudarent? ...présent! Traduisez le nous en finnois !
En finnois on dit perhonen et en estonien liblikas, en napolitain palomma et en malgache lolo,
en japonais dites-le chôchô et en espéranto papuo.
Trés bien répondu
Je vous donn' huit, pas plus !
Elève Isaac ? ...présent!
En arithmétique vous êt's admirable traduisez papillon en Hindi !
Monsieur l'Inspecteur, je sais tout ça par coeur!
En Hindi ça se dit titli et en italien farfalla
En espagnol on dit mariposa et en portugais borboleta,
En arabe farashâ et en hébreu parpar.
Elève Isaac, mon p'tit
vous aurez neuf et d'mi !
Elève Trouffigne ? ...présent!
Vous êtes unique en géographie? dites nous donc ça en danois !
En danois il faut dire sommerfugl et en allemand der schmetterling
A Charleroi dites palvole et à Locronan ur valafenn!
Vous ét's trés calé
J'donne dix sans hésiter !
(merci au blog Voyages de Sylvie sur over-blog.com )
Le Cul doré, Euproctis similis. lieu : l'Aber, Crozon
J'avais observé la chenille de ce bombyx, et voici maintenant l'imago. Comme tous les animaux blancs , il n'est pas facile à photographier, et lui n'est qu'une masse de poils et de plumes exubérante et éblouissante dans laquelle on se perd.
Cette image surexposée montre au moins un repère : l'antenne en peigne. Si développée, c'est donc à un mâle que j'ai affaire, et le tête se trouve donc là ; il est posé à l'envers, suspendu à cette feuille.
si je fais pivoter l'image à 180 °, je m'y retrouve un peu mieux:
Mais quel est ce pompon, ce plumet qui se dresse sur son dos ? Gracieusement, il m'offre à voir le truc à qui il doit et son nom et sa réputation : lorsqu'il est inquiété, il simule la mort et tombe en catalepsie, pattes appliquées contre le corps, ailes refermées, tout en arquant son abdomen vers le haut pour présenter cette masse velue couleur de paille, la bourre anale dont les poils contiennent une substance toxique.
Avant l'alerte, il était ainsi (image pivotée ) :
Je n'ai guère inquiété ce bombyx autrement qu'en l'éclairant de ma lampe frontale, aussi ne m'a-t-il pas offert le grand jeu de la crise cataleptique et est-il prudemment resté accroché à sa feuille.
Moins surexposé, la photographie laisse l'antenne se fondre en cette masse ovale de couleur abricot, mais montre deux taches noires. La présence de celles-ci " près du tornus" est spécifique, et me permet d' enrichir mon vocabulaire : le tornusest l'angle anal de l'aile, postero-distal.
En inversant encore une image , on retrouve cet abdomen jaune d'or et cette débauche de pilosité neigeuse qui affecte même les pattes.
Le Zérène du groseiller,ou Phalène mouchetée, Abraxas grossulariata.Lieu : L'Aber, Crozon.
Le 28 mai 2010, Frédéric Mitterand, Ministre de la Culture, a participé aux Lyriades de la Langue Française, 5ème rencontre de Liré, pour éclairer les participants par son discours sur la langue française tout en célébrant le 450ème anniversaire de la mort, au château de La Turmelière, de l'auteur du sonnet "Heureux qui comme Ulysse", cité avec beaucoup d'originalité par le ministre, et de la "Défense et l'illustration de la langue française", Joachim du Bellay. On se mobilise en haut-lieu : la langue française est menacée.
Les mots s'usent, disparaissent, et avant que Larousse ne publie en 1988 son "Obsolète, ou dictionnaire des mots perdus", un fils naturel du Prince de Conti, Pougens, atteint de cécité à 24 ans, rédigeait le "Vocabulaire des mots tombés en désuétude " (1794).
L'orthographe se perd aussi, et j'aurais dû écrire groseillier sur l'image et non groseiller.
Mais les mots se chassent comme les papillons, et cette nuit-là, en rentrant avec cette image de papillon noir et jaune, j'avais fait un beau coup de filet : Zérène, un mot en Z pour le Scrabble ou pour jouer à dire "Une zérène zigzague entre les ziggourats", un nom qui viendrait du latin zerena, desséché, aride, qui me permet de découvrir Zerene Eurydice, le papillon officiel de l'état de Californie, ou Zerene fritillary, autre papillon d' Amérique du Nord.
Et puis Abraxas ! celui-là, je vais l'épingler, je ne vais pas le relâcher : il nous conduit droit chez les magiciens, les amateurs de Da Vinci Code et des sciences occultes, mais aussi chez les amateurs d'amulettes, car un abraxas désigne, avec ses sept lettres symbolisant les sept jours, les sept _ en Esotérie il n'y en a que sept_ planètes, les" sept premières lettres du nom hébreu de Dieu" (?), le grand Tout, le cosmos, Abraxas Panthée.C'était un dieu des gnostiques grecs discîples de Basilide d'Alexandrie. On grave sa représentation sur des intailles et des gemmes, notamment sous sa forme d'anguipède alectorocephale, ce tronc d'homme dont la tête est celle d'un coq, les jambes deux serpents et qui tient un fouet et un bouclier où on inscrit des lettres magiques, iota alpha omega ou d'autres trés secrètes que l'on ne prononce pas sans danger, comme, par exemple,abracadabra, dérivé bien-sûr d'abraxas.
Évidemment, n'être que l' Abraxas grossulariata, du groseillier, cela réduit beaucoup la puissance des forces occultes.
La Découpure, Scoliopteryx libratrix. lieu : Moulin-neuf, Plonéour-Lanvern.
Le Ptérophore blanc, Pterophorus pentadactylus. Finistère.
La Noctuelle pâle, Aletia pallens. Plouzanè.
Le Phalène du sureau, Ourapteryx sambucaria Plouzané.
La Phalène ondée, l'Incertaine, Xanthorhoe fluctuata. Plouzané.
La Bordure entrecoupée, la Marginée : Lomaspilis marginata.Plouzané.
La Noctuelle à museau, Hypena proboscidalis. Plouzané.
La Phalène picotée, Ematurga atomaria.
La Lichénée des ponts