Faire ses débuts en entomologie nécessite de connaître le B.A.BA : comment différencier un diptère d'un hyménoptère, ou, plus concrétement , reconnaître une mouche ayant l'aspect d'une abeille : les diptères ont deux ailes, l'une à droite et l'autre à gauche ..., et les hyménoptères deux paires d'ailes.
I. Les Brachycères.
Compter les ailes me permet de ne pas me faire piéger par Éristalis tenax (Linnaeus, 1758), l'Éristale gluante,de la famille des Syrphes ou Syrphides, dont les membres se plaisent à porter les vives couleurs et les rayures des hyménoptères. Celle-ci se contente de deux bandes orangées sur l'abdomen, peu visibles ici.
Le premier détail qui éveille ma curiosité, ce sont les antennes. En comparaison, voilà les antennes d'un hyménoptère :
Les antennes des mouches du groupe Brachycera, comme l'Éristale, sont courtes (brachy-, courte, ceros, corne), et constituées de trois articles : le troisième est dotée d'une longue soie, ou arista, ou encore chète antennaire. Cette antenne aristée , les diffère des nématocères, aux antennes filiformes (nematos= fil). Le chète peut être velu (chez E. pertinax, l' E.opiniâtre), ou glabre chez E. tenax. Les deux sont communes : alors Obstinée, ou Tenace ?
Voyons : • une bande de pilosité est visible entre les deux yeux ? Tenace !
• les pattes sont noirâtre mais la base des tibias et genoux est jaunâtre ? Tenace !
• le ptérostigma est court ? ( c'est le point noir du bord de l'aile) Tenace !
• le chète antennaire est nu ? Tenax, tenaxior, tenaxissime !
Donc une mouche cosmopolite de 14 à 16 mm, grande pollinisatrice des fleurs.
tout cela grâce à :
http://aramel.free.fr/INSECTES15terterter.shtml
Mais ces Éristales sont surtout réputées pour leurs capacités de vol ; elles peuvent réaliser un vol stationnaire surtout en plein soleil , immobile au dessus des ombelles des fleurs, ou encore voler latéralement, et planer à la perfection.
Les ailes des mouches sont mues par des muscles puissants qui leur permettent du 200 battements/secondes, des vitesses de 7 km/h, et de parcourir 10 km par jour . Mais les Sylphes sont des championnes capables de migration au long cours.
Je vais donc regarder cette aile de plus près :
C'est une vraie voile de windsurf, très rigide, et qui a une particularité : la vena spurae ou spuria propre aux Syrphes : c'est une fausse nervure (elle n'est reliée à aucune autre),un épaississement de la membrane alaire qui passe entre la nervure radiale et les nervures médianes.. Pour comprendre cela, il me faut d'abord découvrir le Système Comstock-Needham, du nom de deux entomologistes de la première moitié du XXème siècle, qui ont donné une nomenclature des nervures des ailes qui s'applique à tous les insectes et en démontre l'homologie.
Dans ce système, on part du bord antérieur de l'aile et on nomme successivement les nervures
• Costa abréviation C, le bord antérieur
• Subcosta, abr. Sc,
• Radius, abr R, divisée en R et en Secteur radial,
• Media, abr. M. divisée en M1,M2...
• Cubitus, abr. Cu, donnant Cu1, Cu2,
• Veines anales 1A, 2A, 3A.
Ces nervures sont réunies par des transversales, par ex. médiocubitale m-cu, etc... qui délimitent des cellules costale, subcostale, radiale, médiane, cubitale ou anale.
Elles sont, pour les plus grosses, capables de contenir des nerfs, des trachées, et de l'hémolymphe, et donc de se gonfler pour cambrer ou aplatir l'aile comme le plus fin des régatiers creusant ou aplatissant sa voile selon le vent.
Le Vena spuria, (latin spurius,a,um :bâtard, illégitime, faux) c'est cette marque sombre, ce faux pli épais et droit qui court au milieu de l'aile.
Une autre particularité, c'est que les nervures, les vraies, au lieu d'atteindre le bord de l'aile, se rèunissent entre elles : ces arcades caractéristiques se nomment les faux bords.
Je vais chercher dans mes archives, quand le lierre fleurissait, une image qui montre les marques oranges typiques de l'abdomen.
Avant de laisser ces tenaces éristales, "saviez-vous que" deux Éristales du Costa Rica ont été nommées par Chris Thomson, l'une du nom de Bill Gates, l'autre du nom de son associé Paul Allen ? Ce sont Eristalis gatesi, Thomson, 1997 et Eristalis alleniThomson, 1997, qui témoigneront pour la postérité de tout ce que ces deux philanthropes ont fait pour la Diptérologie.
II. DES NÉMATOCERES : LES BIBIONS.
Les Bibions, ce sont les mouches de Saint-Marc, et comme la Saint-Marc se fête le 25 avril, cela signifie qu'on voit ces petites mouches apparaître en masse au début du printemps.
Le genre Bibio, que l'on doit à Geoffroy (1762) compte 25 espèces européennes, et comme on en trouve 18 en France, j'ai deux chances sur 18 de ne pas me tromper en nommant celle-ci Bibio marci, la plus commune, ou B. lanigerum, avec ses poils laineux sur l'abdomen ; mieux, je vais même affirmer que c'est un mâle, avec sa grosse tête et ses yeux qui se touchent :
Mais si Saint Marc ne m'a pas bien conseillé et que je me suis trompé dans mon identification, je compte sur vous pour rectifier ; car ce qui me chaut, à moi, ce sont les haltères. Oui, je ne vais pas m'intéresser à ces deux belles ailes antérieures et à leurs nervures, mais à ces reliquats des ailes postérieures que possèdent toutes les mouches mais qu'elles cachent le plus souvent : ces deux masselottes noires ici bien visibles.
Les balanciers ou haltères sont drôlement intéressants. Je vais me permettre du copiè-collé de Wikipédia car je ne vois rien de plus à dire que :
"Les haltères fonctionnent comme des gyroscopes à structure vibrante : les haltères en vibrant tendent à maintenir leur plan de vibration, et si le corps de l'insecte tourne ou change de direction en vol, une force de torsion se développe que l'animal détecte avec des organes sensoriels connus sous le nom de sensilles campaniformes localisées à la base des haltères.
Les haltères agissent ainsi comme un système d'équilibration et d'orientation, aidant les mouches à réaliser leurs acrobaties aériennes rapides. Elles jouent un rôle important en stabilisant l'assiette de ces insectes durant le vol et fournit également un rétro-contrôle aux muscles des ailes pour stabiliser les moments des forces aérodynamiques. Ce sont les équivalents des indicateurs d'attitude dans un avion."
Bien-sûr, on a envie de savoir ce que sont ces sensilles campaniformes (en forme de cloche) : ce sont des mécanorécepteurs, tout simplement.
P.S Attention, aucune identification de diptère n'est sérieuse sans une bonne compètence, une clé d'identification, et une loupe binoculaire : je ne dispose d'aucun de ces trois outils.