Arrivant un matin devant les prairies des sablières de Bodonou à saint Renan, je découvre un grand spectacle de toiles d'araignées scintillant au soleil ... le temps de prendre quelques photographies, tout a disparu, et je cherche en vain parmi les graminées la féerie de ces tentes illuminées : je ne vois plus rien.
I . Tetragnatha extensa et sa toile.
On a reconnu Tetragnatha extensa(Linnaeus, 1758), la Tétragnathe étirée, qui fréquente les lieux humides : ses deux pattes antérieures sont beaucoup plus grandes que les autres, mais elle les étend devant elle pour ressembler à une brindille. Son céphalothorax est roux doré, son abdomen est allongé, variant du vert au blanc argenté, rayé d'une paire de lignes courbes allant du brun rougeâtre au jaune. Sa toile sphérique est généralement horizontale, centrée par un grand trou où elle attend sa proie. Elle y accueille les araignées sauteuses, les moustiques, les éphémères et les insectes volants, qu'elle emballera d'un papier de soie, avant d'y injecter des sucs gastriques. Servir frais, à boire à la paille.
Je compte 16 à 20 rayons sur ces toiles, 16 tours de spires de fil gluant, 3 tours de spires de fil non gluant au centre du moyeu où se tient la tétragnathe, avant la zone libre qui lui permet d'évoluer rapidement. Toutes ces toiles sont ici verticales.
II. L'Épeire des roseaux Larinioides cornutus .
Cette araignée tend son filet à proximité des rivières et des étangs, ou parfois au dessus de l'eau ; elle fréquente aussi les fossés et les prairies humides. Je l'ai observé souvent le long des côtes, sur les sentiers qui longe les dunes. Elle rapproche d'un fil solide deux roseaux, des graminées ou des ombelles et bâtit une toile de 10 à 26 rayons, au moyeu formé de six ou sept tours de spires un peu bâclés, sans trou central, puis va se réfugier dans une cachette, une petite cabine de soie blanche régulière comme un calice qu'elle peut camoufler par un origami de tiges, de feuilles ou d'épis de graminées, où elle attend qu'une proie signale sa présence.
Origami :
Elle mesure moins de 15 mm pour la femelle, à peine 8 mm pour le mâle, et se reconnaît à son dessin dorsal typique : un triangle alternant des bandes noires et blanches comme des marches d'escalier d'une petite Tour Effel, sur un fond de couleur variable, souvent crème ou blanc gris craquelé comme un vieil oeuf de Pâques, mais parfois brun rougeâtre.
En Baie de Goulven, les Épeires des roseaux ont récupéré les ombelles desséchées et à partir des rayons des inflorescences, ont fabriqué des petits godets ouverts vers le haut (ce qui fait exception à leurs habitudes ) pour y établir leur repaire où on les voit, pattes en avant, attendre la bonne aventure.
Autour de la tente, c'est un vrai campement où s'accumulent les provisions, les déchets, et le départ du téléphérique vers la toile-piège. Ici, l'Épeire est en train de ramener de la chasse une pauvre mouche.
Et ici, elle répare sa toile. Celle-ci sera démontée chaque jour ( en la mangeant pour que rien ne se perdre) et rebâtit le lendemain.
Le mâle est toléré sur la toile de la femelle, ce qui est une exception dans cette famille d'araignée. Mais parfois, il me semble que cela peut tourner mal :
Voilà la photographie d'un mâle que l'on identifie grâce aux deux "gants de boxe" situés en avant de sa tête.
Au mois d'octobre, au lieu de se laisser mourir de froid comme ses congénères, l' Épeire des roseaux pénètre à l'intérieur d'une tige creuse d'ombellifère (qui lui sert décidément à tout) , souvent en couple. Elle y résistera, grâce à un super antigel, à des températures de -7°, voire même, pour les mieux équipées, de - 25°.
Épeire des roseaux : forme brune à Pontavennec, Saint-Renan.
Sur les rives de l'étang voisin, je trouve une forme brun-rougeâtre, et des toiles très sommaires (mais c'est, alors, une fin de journée, avant le démontage du cirque) :
Et puis tout de même un forme claire :
Parfois, les toiles sont de vrais poubelles, ou des porte-trophées : ici, les dépouilles de Zygaena trifolii et de papillons
Source : les deux exceptionnels numéros 73 et 74 de la revue La Hulotte, 1997, Le Petit Guide des Araignées à Toiles Géométriques.