Sur le sentier côtier de la Pointe du Gouin à Camaret, je remarque ce nid qui emmitoufle les branches d'un prunellier : les chenilles sont bien visibles, et mon guide Quel est donc ce papillon de Heiko Bellmann chez Nathan me donne la solution : Euproctis chrysorrhoea (Linnaeus ,1758), le Bombyx cul-brun, ce papillon de nuit tout blanc, sauf lorsqu'il fait apparaître l'extrémité de son abdomen couleur fauve.
Outre le prunellier,le Cul-brun pond aussi ses oeufs sur le pommier, le poirier,l'aubépine, le chêne pédonculé ou le charme, sous forme d'ooplaques allongées sur les feuilles ou les rameaux.
Ces chenilles ont confectionné à l'extrémité de ce rameau un nid communautaire d'une dizaine de centimètres à l'abri duquel elles ont hiverné sous leur forme initiale de 4 millimètres : mais les chaleurs estivales de ces derniers jours ( fin mars- début avril), elles sortent de leur moustiquaire et viennent se chauffer sur la canopée de leur tente, croquant à l'occasion un bourgeon bien tendre. Puis elles grandissent, terminent leur croissance de chenille, s'aventurent, mais, tel nos adolescents, reviennent au nid après chaque repas. On voit ici les "grands" qui crânent fièrement à l'extérieur, alors que les petits, encore en maternelle, doivent rester au chaud dans la smala.
Ces chenilles de 45 mm de long présentent une rangée subdorsale de stries blanches sur chaque flanc, pourvue sur les segments 9 et 10 d'une verrue médio-dorsale infundibuliforme rouge. Celles-ci sécrètent un liquide que la chenille répand avec sa tête sur tout son corps, mais dont la fonction peut-être répulsive n'est pas connue avec certitude.Elle est dotèe de poils urticariants capables de provoquer de vives réactions cutanées.
Des nids semblables, j'en verrai par la suite des dizaines sur le sentier côtier, puis bien d'avantage, et je vérifierai cette règle que lorsqu'on a appris à reconnaître une chose, on constate combien on était aveugle et qu'on ignorait des observations pourtant bien visibles.
Le Cul-brun est décrit par Linné sous le protonyme Phalaena chrysorrhea sous le n° 28 des Bombyces ; il cite en référence Réaumur et son histoire des insectes, I, phal,2,t 22.
Il décrit ainsi la chenille : nodosa, pilosa, nigra, robro lineata.
Le nom du genre Euproctis -Hübner,1819 - signifie, sauf votre respect, " joli cul" par allusion à l'abdomen brun garni d'une bourre de poils dont la femelle se servira pour réaliser un feutrage couvrant les oeufs qu'elle a pondu.
l'épithète chrysorrhoea formé du grec chrysos, or, et de -rheo,s'écouler : il se rapporte aux belles fesses du papillon callipyge, et si Verlaine pouvait écrire Votre âme est un paysage choisi
Que vont charmant masques et bergamasques, ...
...Linné, lui prend sa lyre et dit au Cul-brun Votre cul est une rivière d'or. Pourquoi pas.
Spuler (1908) donne à chrysorrhoeale sens de "surabondance d'or", qualifiant la bourre prolifique de Madame Cubrun, qui finit par produire une masse plus importante que son propre abdomen.
Enfin A.M.Emmet cite Haworth (1803) qui trouve que ce qualificatif de chrysorrhoea convient mieux à Euproctis similis, celui que nous appelons le Cul-doré, et il propose comme épithète spécifique phaeorhoeus, de -phaios, sombre, ce qui n'est pas galant.