Une pièce de la Tenture de l'histoire de Psyché (Sully-sur-Loire, >1609) : Psyché va chercher la laine d'or des brebis.
Exposition Le siècle de François Ier, Jeu de Paume, Chantilly.
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Le thème de Psyché, tiré du roman latin L'Âne d'or, de l'écrivain africain Apulée (IIème siècle après J.C.) connut un vif succès au moment de sa redécouverte au XVIème siècle. D'autant plus que le mythe de l'Amour et de Psyché se double d'une lecture allégorique et philosophique : Psyché signifie l'âme en grec et ses aventures symbolisent l'expiation, la rédemption et l'accession à l'immortalité de l'âme humaine. Ou de la façon dont l'Amour et la Beauté ont, pour l'être humain éphémère, quelque-chose d'impérissable. Dans une des péripéties de cette riche légende, Psyché est contrainte par Vénus, qui cherche la perte de cette humaine rivale, à récolter la laine de paisibles moutons, qui sont en réalité de terribles bêtes féroces si on les approche. Comment va-t-elle supporter cette épreuve ?
Vous le saurez en son temps, après avoir découvert les secrets de cette tapisserie. La résolution des épreuves initiatiques, cela se mérite.
Cette tenture de 3,60 m de haut et 5,10 m de large, en laine et soie, vient des appartements dits de Psyché du musée départemental du château de Sully-sur-Loire. Elle fait partie d'un ensemble de six pièces ayant appartenu à l'épouse de Maximilien de Béthune II duc de Sully, et acquis par Gustave Lebaudy avec quelques souvenirs du ministre de Henri IV, pour le château de Rosny-sur-Seine dont il était propriétaire depuis 1869. En 1994, elles ont été achetées après mise aux enchères de l'hôtel Drouot par le Conseil Général du Loiret pour un montant de 910 000 Frs, et placées à Sully-sur-Loire.
"Ayant figurées au château de Dizier (Loir-et-Cher), elles se trouvaient vers 1900 dans le hall d'entrée de l'hôtel Watel-Dehaynin, une grande demeure de la Belle-Époque, puis passa dix ans plus tard au château de Rosny, ancienne résidence de sully (1559-1641) alors propriété de Paul Lebaudy. C'est à ce même moment que la série fut étudiée par Max Petit-Delchet (1910)". (Vittet, 2009)
Ces tentures provenant d'un atelier parisien indeterminé et datée d'après 1609 (mariage du duc Maximilien de Béthune) sont issues du retissage partiel d'une série de 26 pièces , d'une longueur totale de plus 126 mètres, qui a été acquis (et sans-doute tissé à son intention) par François Ier à des artisans flamands. Ces tapisseries contenaient des fils d'or et d'argent, ce qui a entraîné sous le Directoire leur destruction par le feu pour récupérer les métaux précieux...
La tenture de Sully-Crécy qui nous occupe a été datée par Jean Vittet vers 1609 grâce aux figures héraldiques visibles sur la bordure supérieure. L'écu en losange signale que les armoiries sont celles d'une femme. Les armes en écartelé des familles de Béthune d'argent à la fasce de gueules et de Créqui (ou Créquy) d'or, à un créquier de gueules attirent l'attention sur le mariage de Maximilien de Béthune II (1588-1634), le fils de "Sully" le ministre d'Henri IV , avec Françoise de Créquy :
Wikipédia : "Maximilien II de Béthune, marquis de Rosny, grand-maître de l'artillerie de France, fils du précédent ; né en 1588, décédé le 1er septembre 1634, marquis de Rosny, prince d'Henrichemont, baron de Bontin, est un aristocrate français des xvie et xviie siècles.
Fils de Maximilien de Béthune, duc de Sully (1559-1641) et d'Anne de Courtenay (1564-1589), il fut Surintendant des fortifications et Grand maître de l'artillerie de France (1610) sous Louis XIII. Etant protestant, et beau-frère de Henri II de Rohan, il est démis de sa charge, en 1622.
Il épouse le 15 septembre 1609 Françoise de Créquy (morte le 23 janvier 1656), fille de Charles II de Créquy."
"Cette provenance semble confirmée par la présence du chiffre DB tissé en fils précieux sur la bordure inférieure, qui'il faut lire De Béthune, l'usage du XVIIe siècle étant parfois d'intégrer la particule dans le nom." (Vittet, 2009) Voir le chiffre de Henri de Béthune HDB relevée sur une reliure, et le chiffre MPDH de Michel Particelli d'Hémery sur la tenture de Psyché du palais de Justice d'Orléans.
Néanmoins selon J. Vittet, la tenture n'apparaît pas à l'inventaire de Maximilien-François de Béthune (vers 1614-1661), fils unique de Maximilien II de Béthune et de Françoise de Créquy, alors qu'un ensemble de sept (et non de six) pièces d'une tenture de Psyché est mentionné dans l'hôtel parisien de Charles de Créquy, quai Malaquais, en 1687. Archives Nationales, Minutier central, CXIII, 135, 21 mars 1687 : Transcription des prisées du mobilier de l'inventaire dressé après le décès de "très haut et très puissant seigneur monseigneur Charles duc de Créquy, pair de France, prince de Poix ..." à la demande de sa veuve Armande de Lusignan, duchesse de Créquy", :
"Garde-meuble au dessus du grand escalier : 1 tenture racontant l'histoire de Psiché fabrique de Paris contenant sept pièces faisant vingt-cinq aulnes [20,50 m] sur 2 aulnes et demy [presque 3 m] de haut le tout ou environ doublé par bandes, prisé deux mil livres cy IIM livres."
Les six pièces de Sully mesurent, elles, 20,50 m sur 3,60 m.
Une série de six pièces.
La tenture de Sully-Créquy ne comporte, par rapport aux 26 pièces de son modèle appartenant à François Ier, que six pièces. Ce sont, pour reprendre les titres des gravures du Maître au Dé, :
- Psyché desespéré par la fuite de l'Amour (fragment), 375 x 180 cm.
- Psyché se jetant dans le fleuve, 365 x 240 cm.
- Psyché raconte à ses sœurs son malheur, ou Les sœurs de Psyché la persuadent que son mari est un serpent, 360 x 340 cm.
- Céres refuse d'aider Psyché, 368 x 320 cm
- Psyché va chercher la laine d'or, 365 x 510 cm
- Psyché sur la barque de Charon. 366 x 457 cm
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Armoiries parti Béthune et Créquy, tenture de Psyché, Psyché cherchant la laine d'or, Musée de Sully-sur-Loire, photographie lavieb-aile.
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On comparera la tenture à la gravure par le Maître au Dé du Musée du Louvre Inv. 4014, "Psyché allant sur l'ordre de Vénus chercher la Toison d'or" d'après un dessin perdu de Michiel Coxie I, qui est une copie d'après Raffaello Santi, dit Raphael.
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Pourtant, pour Jean Vittet, .les tapisseries de Sully-sur-Loire sont trop éloignées des gravures du Maître au Dé et de Veleziano pour accepter qu'elles aient inspiré les cartonniers. Il reprend donc l'hypothèse soulevée par Thomas Campbell, qui voit dans le Flamand Pieter Coecke Van Aelst (1502-1550) l'auteur des cartons, en raison de la cohérence stylistique avec quatre autres tentures de Bruxelles réalisées pour les Habsbourg et les Médicis (les Poésies ; Vertumne et Pomone ; La Création du Monde ; La Conquète de Tunis). Pieter Coecke d'Alost , élève de Bernard Van Orley, accomplit un voyage en Italie avant de s'installer à Anvers en 1527 dans l'atelier de jan Van Dornicke, d'en épouser la fille et de succéder à son beau-père (inversement, sa propre fille épousera Pieter Brueghel l'Ancien).
Comparer la Psyché présentée ici avec cette Ève : La Création du monde, Florence, Palazzo Putti avant 1551 : Dieu accuse Adam et Ève après la Chute. Tissée sous la direction de Jan de Kempeneer et Frans Ghieteels à Bruxelles . Exposition Grand Design. Pieter Coecke van Aelst and Renaissance tapestry, Metropolitan Museum of Art, 2014-2015
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En somme, ces tentures n'ont pas la même source que les célèbres vitraux de la Galerie de Psyché à Chantilly, qui ont été exécutés de 1542 à 1544 pour décorer la galerie du château d'Ecouen, construit pour le Connétable Anne de Montmorency (1493-1567), compagnon d'armes et ministre du roi François Ier, puis du roi Henri II. Les vitraux s'inspirent en-effet des gravures exécutées en Italie par Agostino dei Mussi, dit Veneziano (1490-1540) et Bernardo Daddi dit le Maître au Dé (actif de 1532 à 1550) d'après des dessins attribués à Raphaël, mais dus probablement au flamand Michiel Coxcie (1499-1592). C'est un ensemble de 32 gravures (plus une planche non numérotée) édité pour la première fois par Antonio Salamanca – marque Ant Sal. exc.— vers 1530, légendés de vers en italien .
Raphael a peint les cartons de la Loggia de Psyché de la Villa Farnesina (1516-1517) de Rome pour Agostino Ghigi, riche marchand siennois devenu banquier du Saint-Siège , et en laissa la réalisation à Guilio Romano et deux autres peintres. Plusieurs décors ont été réalisés ensuite sur le même thème en Italie dans la première moitié du XVIe siècle, à Naples par Polidoro da Caravaggio, ou au Palais du té de Mantoue par Guilio Romano. Ou à Gênes par Perino del Vaga pour la villa de Fassolo de l'Amiral Andrea Doria, et à Rome par le même artiste au château Saint-Ange pour le pape Paul III.
En effet, le courant humaniste néoplatonicien florentin et ferrarais a interprété l'histoire de Psyché comme "la pleine communion de l'âme (Psyché) avec Dieu, l'adhésion parfaite de la volonté et de l'esprit à la vérité, qui en est l'objet." C'est ce qu'écrit Marsile Ficin, membre de l'Académie néoplatonicienne réunie à la villa Careggi, dans le De Voluptate (1547). Précisons que l'Histoire de Psyché s'achève par les noces d'Eros et de Psyché, et la naissance d'une petite Volupté.
AUTRES TENTURES DE PSYCHÉ VERS 1660.
Tenture de Psyché au château de Pau.
Un autre ensemble de tenture est conservé à Pau, depuis le XIXe siècle :
" Elle provient de l'atelier parisien de Raphaël de la Planche, Rue de la Chaise. Elle est composée de six pièces, dont cinq sont visibles dans le salon attenant à la chambre du roi, dit de ce fait, Salon Psyché. Le premier tableau montre une vieille fileuse contant l'histoire de Psyché à une jeune captive ; dans le deuxième, Psyché est amenée à son époux, le troisième représente le somptueux mais solitaire repas de la jeune épousée et le quatrième sa toilette, enfin dans le cinquième tableau, Psyché, désespérée d'avoir perdu son époux, implore l'aide de la déesse Cérès. Crdp Bordeaux
Tenture à 8 fils d'or, laine et soie, haute lisse, 351 cm x 313 cm
La vieille raconte l'histoire de Psyché. (342 cm x 317 cm)
Le repas de Psyché (351 cm x 409 cm)
Psyché au temple de Céres. (353 cm x 212 cm)
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Les tapisseries du palais de Justice d'Orléans. (Avant 1650)
Jusqu'en 2015, quatre tapisseries de l'Histoire de Psyché étaient conservées au Palais de Justice d’Orléans où elles ont été installées après la Révolution Française. Elles portent en bordure le chiffre MPDH de Michel Particelli d'Hémery, né à Lyon en 1596, contrôleur-général en 1643 sous Mazarin puis surintendant des Finances en 1648 sous la régence d'Anne d'Autriche. Elles ont ensuite constitué un des trésors du château du Duc de Penthièvre à Châteauneuf-sur-Loire.
Le 6 septembre 2013, sur proposition de la Première Présidente de la Cour d’appel d’Orléans et du préfet de la Région Centre, l’Etat suggérait de les déposer au château de Sully . Le Département du Loiret, propriétaire du lieu, a accepté ce dépôt et s’est engagé à restaurer ces tapisseries classées Monument Historique depuis 1909. Un partenariat financier avec l’État a ainsi permis de sauver ces œuvres et de les présenter pour la première fois au public dans la chambre du roi du château de Sully, en juin 2015. (magcentre.fr)
On y trouve notamment :
- Psyché accueillie par Zéphyr dans le palais de l'Amour. 305 x 115 cm
- Psyché raconte à ses sœurs son malheur (ou : Les sœurs de Psyché la persuadent que son mari est un serpent), 305 x 310 cm.
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Les tapisseries d'Azay-le-Rideau : vers 1560, Bruxelles, pour Giovanni Battista Castello pour son palais de Gênes,
- Le repas de Psyché dans le palais de l'Amour.
- Psyché reçoit ses sœurs dans le palais de l'Amour. Psyché découvrant l’Amour endormi ; Le sommeil de Psyché (?).
- Psyché et Cerbère.
(trois tapisseries de la même suite sont conservées à Londres et à Edimbourg).
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Les tapisseries du château de Cadillac (Gironde) :- scènes empruntées au Maître au Dé, d’après Michel Coxcie, 1570-1580 Paris ou Fontainebleau.
- Zéphyr enlevant Psyché sur ordre de l’Amour,
- Psyché fait des présents à ses sœurs,
- Psyché regardant l’Amour endormi,
- Psyché à la poursuite de Cupidon.
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Les tapisseries du château de Fontainebleau.
Elles comportent une bordure "à fonds orange marquetée de jaune, avec rinceaux entremeslez de crotesques. Les armes de France dans le milieu du haut, et dans le milieu du bas deux L couronnés"" (inventaire général du Mobilier) et le n° d'inventaire 47. Elles sortent de l'atelier parisien de Sébastien-François de la Planche (fils de Raphaël, et petit-fils de François), rue de la Chaise au Faubourg Saint-Germain. Il reste 4 pièces de la série originelle de 6.
- La Vieille raconte l'histoire de Psyché,
- Psyché portée sur la montagne, (395 cm x 606 cm)
- La Toilette de Psyché,
- Le Repas de Psyché.
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PSYCHÉ VA CHERCHER LA LAINE D'OR, TENTURE DE SULLY-SUR-LOIRE.
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Tenture de Psyché, Psyché cherchant la laine d'or, Musée de Sully-sur-Loire, photographie lavieb-aile.
Tenture de Psyché, Psyché cherchant la laine d'or, Musée de Sully-sur-Loire, photographie lavieb-aile.
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Il est temps d'entrer dans le vif du sujet. Que représente cette tenture ? Et, avant cela, que raconte l'Histoire de Psyché ? En voici un résumé :
"La légende de Psyché est une longue nouvelle enchâssée dans L’Âne d’or (ou Les Métamorphoses) d’Apulée (iie siècle après J-C). Dans ce célèbre roman, l’auteur raconte les aventures d’un certain Lucius transformé en âne pour avoir voulu percer les mystères de la magie. Condamné à errer à travers le monde, Lucius est confronté à plusieurs situations au cours desquelles lui sont narrés divers récits qui le conduisent peu à peu à la « purification » de son être. Sur sa route, il rencontre une vieille femme qui lui raconte le mythe de Psyché.
Psyché, dont la beauté était telle que la déesse Vénus elle-même en était jalouse, était la plus jeune des trois filles d’un roi. De tous côtés on accourait pour l’admirer et des temples lui étaient dédiés. Un jour, Vénus, ne supportant plus l’affront que lui faisait la divine beauté de cette mortelle, ordonna à son fils Cupidon de la blesser d’une de ses flèches afin qu’elle tombe amoureuse de l’homme le plus misérable qui soit. Mais dès qu’il vit Psyché, Cupidon s’éprit d’elle. Avec l’aide de Mercure, le dieu de l’amour enleva Psyché, la conduisit dans son palais et s’unit à elle dans l’obscurité. Il ne lui révéla pas son identité et lui fit jurer qu’elle n’essaierait jamais de découvrir son visage ou ils le paieraient tous deux de leur bonheur. Ainsi, des nuits durant, Psyché ne voit pas son mystérieux époux. Poussée par la curiosité et les mauvais conseils de ses sœurs, elle ne peut cependant résister à la tentation, et, une nuit, allume une lampe et contemple Cupidon endormi. Par mégarde, elle laisse tomber une goutte d’huile brûlante sur le corps de son époux qui se réveille et disparaît. Désespérée, et l’ayant cherché en vain, elle se résout à faire appel à Vénus. Indignée (de la désobéissance de son fils) et toujours furieusement jalouse, la déesse impose à la jeune mortelle une série d’épreuves. De son côté, malheureux et dévoré par l’amour, Cupidon ne peut demeurer éloigné de Psyché : il la rejoint et demande justice auprès de Jupiter afin que soient reconnus leur amour et leur mariage. Jupiter convoque alors les dieux de l’Olympe à une assemblée qui décidera du sort de la jeune femme. Au final, l’immortalité est accordée à la belle et le mythe se termine par un repas de noces."
Les quatre épreuves sont les suivantes (Wikipédia) :
"D'abord, elle doit trier, en une soirée, un énorme tas de grains de variétés différentes. Par bonheur, des fourmis, prises de pitié, l'aident à accomplir sa tâche, et le tas est trié à temps.
Ensuite, elle est contrainte de rapporter à Vénus de la laine de moutons à la toison d'or
Puis elle doit rapporter de l'eau du Styx
Enfin, la jeune femme doit mettre dans une boîte une parcelle de la beauté de Proserpine, la reine des Enfers."
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La tenture représente la deuxième épreuve. Je vous propose de lire le texte de l'Histoire de Psyché par Apulée, dans sa traduction française :
Deuxième épreuve : les brebis à la toison d'or (L'Âne d'or, Chapitre VI, 11, 3 - 13, 1).
"Cependant Cupidon, confiné au fond du palais, y subissait une réclusion sévère. On craint qu'il n'aggrave sa blessure par son agitation turbulente : surtout, on veut le séquestrer de celle qu'il aime. Ainsi séparés, bien que sous le même toit, les deux amants passèrent une nuit cruelle. Le char de l'Aurore se montrait à peine, que Vénus fit venir Psyché, et lui dit : Vois-tu ce bois bordé dans toute sa longueur par une rivière dont les eaux sont déjà profondes, bien qu'encore voisines de leur source ? Un brillant troupeau de brebis à la toison dorée y paît, sans gardien, à l'aventure: il me faut à l'instant un flocon de leur laine précieuse. Va, et fais en sorte de me le rapporter sans délai."
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Tenture de Psyché, Psyché cherchant la laine d'or, Musée de Sully-sur-Loire, photographie lavieb-aile.
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(Apulée, L'Âne d'or, chap.VI, 12, 1-5) : la rencontre avec le Roseau.
"Psyché court, vole; non pour accomplir l'ordre de la déesse, mais pour mettre un terme à ses maux dans les eaux du fleuve. Or, voici que, de son lit même, un vert roseau, doux organe d'harmonie, inspiré tout à coup par le vent qui l'agite et qui murmure, se met à prophétiser en ces termes : Pauvre Psyché, déjà si rudement éprouvée, garde-toi de souiller par ta mort la sainteté de mes ondes, et n'approche pas du formidable troupeau qui paît sur ce rivage. Tant que le soleil de midi darde ses rayons, ces brebis sont possédées d'une espèce de rage. Tout mortel alors doit redouter les blessures de leurs cornes acérées, le choc de leur front de pierre, et la morsure de leurs dents venimeuses; mais une fois que le méridien aura tempéré l'ardeur de l'astre du jour, que les brises de la rivière auront rafraîchi le sang de ces furieux animaux, tu pourras sans crainte gagner ce haut platane nourri des mêmes eaux que moi, et trouver sous son feuillage un sûr abri. Alors tu n'auras, pour te procurer de la laine d'or, qu'à secouer les branches des arbres voisins, où elle s'attache par flocons. "
Tenture de Psyché, Psyché cherchant la laine d'or, Musée de Sully-sur-Loire, photographie lavieb-aile.
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Psyché et le Roseau, Tenture de Psyché, Psyché cherchant la laine d'or, Musée de Sully-sur-Loire, photographie lavieb-aile.
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(Apulée, l'Âne d'or, chap. VI, 13, 1)
"Ainsi le bon roseau faisait entendre à Psyché de salutaires conseils. Elle y prêta une oreille attentive, et n'eut pas lieu de s'en repentir; car, en suivant ses instructions, elle eut bientôt fait sa collecte furtive, et retourna vers Vénus, le sein rempli de cet or amolli en toison. "
Tenture de Psyché, Psyché cherchant la laine d'or, Musée de Sully-sur-Loire, photographie lavieb-aile.
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Les brebis.
Elles sont représentées à l'extrême droite de la tenture
Bordure à monogramme et les Brebis, Tenture de Psyché, Psyché cherchant la laine d'or, Musée de Sully-sur-Loire, photographie lavieb-aile.
Détail de la tenture : végétation.
Tenture de Psyché, Psyché cherchant la laine d'or, (détail) Musée de Sully-sur-Loire, photographie lavieb-aile.
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Les détails de bordure.
Les monogrammes.
Ils sont surmontés de la couronne ducale. Jean Vittet y lit — "peut-être" — les lettres CCKK, "renvoyant hypothétiquement au nom de Françoise de Créqui, voire à celui de Charles de Créqui (mort en 1687) (Vittet, 2009), dit "le duc de Créquy" car il était duc de Poix" . Il était ami de Louis XIV et ambassadeur. Il y aurait alors discordance entre le chiffre CCKK et les armoiries féminines. Le décryptage des lettres entrelacées reste hypothétique. J'y lis pour ma part deux L et deux C en miroir, réunis par un entrelacs.
Monogramme, Tenture de Psyché, Psyché cherchant la laine d'or, Musée de Sully-sur-Loire, photographie lavieb-aile.
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Les six pièces de tenture présentées à Sully-sur-Loire présentent une magnifique bordure à figures et guirlandes de fruits, imitant les stucs en reliefs, dans l'esprit des encadrements des fresques de Fontainebleau, notamment ceux que Primatice créa pour ce château. Les figures allongées sur la bordure supérieure des tapisseries se retrouvent d'ailleurs exactement sur un projet d'encadrement de stuc conçu par cet artiste avant 1540 (Paris, Mobilier national). (Six tapisseries offertes à Charles Quint par François Ier reproduisent les peintures du plafond de la Grande Galerie de Fontainebleau). Les stucs en poudre de marbre sculptée de la Grande Galerie sont dus à Rosso Fiorentino, entre 1535 et 1537, puis au Primatice à partir de 1540 . Ils associent des guirlandes de fruits et de fleurs, des putti ailés, des personnages allongés aux postures alanguis et aux formes allongées , des cuirs aux capricieuses volutes, et ces stucs prennent une importance égale aux fresques qu'ils encadrent.
Bordures de la Tenture de Psyché, Psyché cherchant la laine d'or, Musée de Sully-sur-Loire, photographie lavieb-aile.
Annexe : la vieille femme racontant l'Histoire de Psyché.
http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/joconde_fr?ACTION=CHERCHER&FIELD_1=REF&VALUE_1=50170000771
SOURCES ET LIENS.
— BERTHON (Guillaume) 2014, « Psyché à la Renaissance ou les renaissances de Psyché ? », Acta fabula, vol. 15, n° 3, Notes de lecture, Mars 2014, URL : http://www.fabula.org/acta/document8510.php, page consultée le 05 novembre 2015.
— VITTET (Jean), 2009, L'énigme de « L'Histoire de Psyché », L'Objet d'Art hors-série n°43, mai 2009, pp.33-43.
— FERRIGNO (Amélie) 2013,, « Agostino Chigi et le mythe de Psyché », Cahiers d’études romanes [En ligne], 27 | 2013, URL : http://etudesromanes.revues.org/4114
— LA FONTAINE, Les Amours de Psyché et Cupidon (1669)
http://www.mediterranees.net/mythes/psyche/lafontaine/raphael/psyche10.htm
— APULEE, Les Métamorphoses, ou l'Âne d'or, Bibliotheca Classica Selecta La traduction française retenue ici est celle parue dans M. Nisard, Pétrone, Apulée, Aulu-Gelle. Oeuvres complètes, Paris, 1860, p. 266-414
http://bcs.fltr.ucl.ac.be/Apul/meta0.html
— GRUBER (Gerlinde), VIREY WALLON ( Aude), 1995, –" Les tentures à sujets mythologiques de la grande galerie de Fontainebleau", Revue de l'Art Volume 108 Numéro 1 pp. 23-31
http://www.persee.fr/doc/rvart_0035-1326_1995_num_108_1_348198
— MAILHO-DABOUSSI (Lorraine), 2010, Les tapisseries : étude d'une collection publique. In Situ n° 13. http://www4.culture.fr/patrimoines/patrimoine_monumental_et_archeologique/insitu/article.xsp?numero=13&id_article=mailho-507