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12 octobre 2020 1 12 /10 /octobre /2020 14:06

Les vitraux héraldiques (1541, ou XIXe) provenant du château d'Ecouen, et remontés dans la Galerie Duban du château de Chantilly.

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Sur le château de Chantilly et ses expositions :

Sur l'héraldique civile :

Sur la famille de Bourbon-Vendôme :

Les vitraux de la Sainte-Chapelle de Champigny-sur-Veude : la Vie de saint Louis.

 

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PRÉSENTATION.

 

"La galerie Duban est construite en 1846 par l'architecte Félix Duban (1798-1870), prenant la forme d'une extension sur la façade du petit château, côté cour, pour desservir les petits appartements. Elle est dans un premier temps décorée des vitraux de Psyché, aujourd'hui dans la galerie du même nom. Ils sont remplacés par six vitraux héraldiques provenant eux aussi du château d'Écouen et représentant les armes de Guillaume Gouffier de Bonnivet, compagnon d'armes d'Anne de Montmorency, du dauphin, le futur Henri II en 1541, peut-être celles de Philippe de Montmorency, évêque de Limoges et frère d'Anne, armes d'Antoinette de La Marck, femme de Henri Ier de Montmorency, fils d'Anne, armes d'Anne lui-même et de Marie de Montmorency, sœur cadette d'Anne et abbesse de Maubuisson. Les autres vitraux, qui datent du xixe siècle, portent les armes des Condé et des Orléans.." https://fr.wikipedia.org/wiki/Mus%C3%A9e_Cond%C3%A9

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"Les vitraux héraldiques de Chantilly.

Dans la galerie construite en 1845, Duban remonta cinq verrières anciennes au décor héraldique, dont certaines très restaurées, provenant d'Écouen, les cinq autres se révélant à l'analyse être des œuvres du xixe siècle.

Mme Perrot en a donné une analyse pertinente. Au premier groupe précédemment défini, elle rattache un vitrail portant les armoiries du connétable (l'écu est en fait moderne) et un second avec les armes également modernes d'Antoinette de La Mark.

Deux autres panneaux : l'un avec les armes pleines des Montmorency surmontées d'une mitre avec la crosse en pal et le second avec un écu en losange également aux armes des Montmorency surmontées d'une crosse en pal soulèvent le problème du personnage ici évoqué. Il n'existe en effet à cette date aucun évêque susceptible de porter les armoiries du premier panneau.

Quant au second, il pourrait s'agir de la sœur du connétable, Marie, abbesse de Maubuisson (1529-1543).

Le dernier panneau, aux armes de Guillaume Goufîier, devait faire partie d'une paire. Il rappelle certains des panneaux de la suite de Psyché. On sait d'autre part qu'en 1798 Alexandre Lenoir avait acheté à la veuve Pétrée, à Écouen, quarante-huit panneaux. Tailleur, le vitrier du Musée des Monuments français, dut vraisemblablement en acquérir d'autres puisqu'il en vendit en 1802 au marchand anglais J. C. Hamp. Il s'agit peut-être des six panneaux qui ont été remontés depuis dans la chapelle du Lord Maire, à Bristol. En 1816, Lenoir fit restaurer quarante-quatre panneaux d'arabesques pour remplacer les quarante-quatre panneaux de l'histoire de Psyché, rendus au prince de Condé. La fermeture peu après du Musée des Monuments français ne lui permit pas de réaliser cette présentation. En 1820, ils furent rendus eux aussi aux Condé qui les déposèrent au Palais Bourbon avant de les transporter à Chantilly." (Françoise Perrot)

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I. Armoiries de la maison de Bourbon- Condé et  du duc d'Aumale Henri d'Orléans (1822-1897). Verrière du XIXe.

 

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Armoiries des Bourbon, princes de Condé.

 

 

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D'azur à trois fleurs de lys d'or et au bâton péri en bande de gueules.

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Entry_Mus%C3%A9e_Cond%C3%A9_Chantilly.jpg

Vocabulaire : Péri.  "Péri" est le participe passé du verbe périr et qualifie un bâton raccourci, dont les extrémités ne touchent pas les bords de l'écu : "péri en bande", ou "péri en barre. Le bâton péri est une brisure, comme le lambel ou la bordure.

Selon Alain Rey (DHLF), ce participe passé a été adjectivé, d'abord au sens de "perdu, damné" (sorti d'usage), puis à la fin du XIVe dans le domaine maritime pour un bateau (emploi encore vivant mais spécialisé, et depuis 1561 en héraldique, par allusion probable au sens originel car la figure semble disparaître de l'écu. Alain Rey fait le rapprochement avec le terme d'héraldique "abîme" (1671), du grec abussos "très profond, dont on ne peut toucher le fond" désignant le centre de l'écu (qui ne peut toucher le bord?), et indique, ce qui ne manque pas  d'intérêt, que c'est Gide qui, en 1893, a rétablit le -y- originel dans l'expression "mise en abyme", devenue très courante mais qui trouve son origine dans l'héraldique.

 

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Armoiries d' Henri d’Orléans, duc d’Aumale, 1822-1897.

 

Armoiries d'azur trois fleurs de lys d'or au lambel d'argent aux trois pendants.

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Le lambel.

Puisque j'ai pris goût à la lexicologie, intéressons-nous à "lambel", cette brisure en forme de filet garni de pendants à la partie supérieure de l'écu. Alain Rey (DHLF) nous apprend que le mot, datant de 1283, vient du francisque °labba "morceau d'étoffe déchirée" qui a donné label, labiau nasalisé en lambiau, puis lambel et enfin lambeau.

Il est revenu depuis 1899 en français moderne avec l'anglicisme label "étiquette, bande de papier collé sur un produit commercialisé", spécialisation du sens originel "bande, frange de quelque chose". (CNRTL)

 

En français, c'est au XVe siècle que notre acceptation courante de "lambeau" pour un morceau de tissu déchiré irrégulièrement.

Dans un amusant retour à l'héraldique, lambeau, associé au néerlandais kijn, a donné lambequin, puis lambrequin pour désigner en 1581 des bandes d'étoffes découpées et descendant du heaume en encadrant l'écu.

Enfin, lorsque nous traitons quelqu'un de lambin parce qu'il traine trop et qu'il nous irrite par sa lenteur, nous transposons dans le domaine moral cette idée d'un chiffon qui traine !

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https://www.wikiwand.com/fr/Henri_d%27Orl%C3%A9ans_(1822-1897)

http://bibale.irht.cnrs.fr/bibale_img/003372.JPG

http://bibale.irht.cnrs.fr/23523

http://bibale.irht.cnrs.fr/bibale_img/003378.JPG

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Blasons héraldiques du château d'Écouen, remontés au château de Chantilly. Photographie lavieb-aile.

Blasons héraldiques du château d'Écouen, remontés au château de Chantilly. Photographie lavieb-aile.

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Armoiries de Henri de France, futur Henri II (1519-1559) comme dauphin et duc de Bretagne de 1536 à 1547. Verrière de 1541.

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 Les armes d'Henri de France sont  blasonnées ainsi : écartelé aux 1 et 4, contre-écartelé aux 1 et 4 d'azur à trois fleurs de lys d'or (France) et aux 2 et 3 d'or au dauphin d'azur, crêté, barbé, loré, peautré et oreillé de gueules (Dauphiné) ; aux 2 et 3, contre-écartelé aux 1 et 4 d'azur à trois fleurs de lys d'or et aux 2 et 3 d'hermine (Bretagne).

Pour satisfaire à cette description, il faudrait que les dauphins aient le corps bleu et la crête, la barbe, les nageoires, la queue et les ouïes de couleur rouge.

Or, ce n'est pas le cas ici, où les dauphins sont entièrement bleus, mais sont couronnés d'or. L'écu est couronné, et entouré du collier de l'Ordre de Saint-Michel.

 

 

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Je vais m'intéresser aux armes du Dauphiné :

 

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Par Odejea, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=2974948

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Loré : se dit des nageoires et de la queue d'un poisson qui sont d'un émail (une couleur, quoi) différent de celui du corps. Présent dans le dictionnaire de l'Académie Française 4ème édition, absent des autres éditions et du Trésor de la Langue Française. Présent dans le Littré sans fournir d'étymologie. Présent dans le dictionnaire de Pierre Richelet en 1780. Présent dans Antoine de Furetière 1694 sous la forme "lorré". Présent dans le Dictionnaire des Arts et des Sciences de l'Académie Française de 1694. Présent dans la Méthode ... du blason de Gilles André de la Roque en 1674, etc. En 1644, le terme est désuet et abandonné en dehors de l'héraldique (si il a été employé en dehors de cette sicence)  puisque Marc de Vulson écrit "Ce terme de lorré duquel les anciens Hérauds se sont servis, est ce que les modernes appellent les nageoires". De fait, on ne le retrouve pas utilisé en dehors de l'héraldique.

Je ne trouve une tentative de réflexion étymologique que dans le Wiktionnaire : "étymologie obscure, semble apparenté à l'ancien français loreise "à deux tranchants", ici désignant de façon métaphorique les deux nageoires du poisson héraldique, appelé "dauphin".

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Peautré. Se dit des poissons dont la queue est d'un émail  différent de l'ensemble du corps.

Wiktionnaire : dérive de peautre, "gouvernail" 

Godefroy donne "peautre, peaultre, piautre, biaultre, gouvernail, timon, poupe, barque. Ce nom est enregistré dans plusieurs dictionnaires du XVIIe siècle. On lit dans Dumez "Peautre, gouvernail ou timon de navire :  virer ou tourner le peautre."

 

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https://www.wikiwand.com/fr/Armorial_des_Cap%C3%A9tiens

http://bibale.irht.cnrs.fr/bibale_img/001423.JPG

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Blasons héraldiques du château d'Écouen, remontés au château de Chantilly. Photographie lavieb-aile.

Blasons héraldiques du château d'Écouen, remontés au château de Chantilly. Photographie lavieb-aile.

Blasons héraldiques du château d'Écouen, remontés au château de Chantilly. Photographie lavieb-aile.

Blasons héraldiques du château d'Écouen, remontés au château de Chantilly. Photographie lavieb-aile.

Blasons héraldiques du château d'Écouen, remontés au château de Chantilly. Photographie lavieb-aile.

Blasons héraldiques du château d'Écouen, remontés au château de Chantilly. Photographie lavieb-aile.

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Armoiries du connétable Anne de Montmorency .

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Armes : D’or à la croix de gueules, cantonnée de seize alérions d’or.

"Fils du baron Guillaume de Montmorency, il entre en possession de Chantilly en 1522. Protecteur des lettres et des arts, il est le créateur de la bibliothèque du château. Il est un des premiers princes à apposer sur ses reliures des marques d’appartenance : armes, nom ou titre, épée de connétable, initiale associée à celle de son épouse Madeleine de Savoie (A M), ou sa devise : APLANOS (droit devant en grec). Le château de Chantilly échoit ensuite à son fils François (1530-1579), puis en 1579 au frère cadet de celui-ci, Henri Ier (1534-1614)."

https://www.bibliotheque-conde.fr/expositions/histoire-de-la-reliure/reliures-aux-armes-des-seigneurs-de-chantilly-xvie-xixe-siecle/

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Alérion : 

 

 

Wiktionnaire : "(Héraldique) Meuble représentant une petite aigle mornée dans les armoiries. Il est donc représenté sans bec ni pattes avec un seul œil au milieu de la tête. Contrairement aux aiglettes et aiglons qui font aussi référence à une petite aigle mais représentées en nombre (sauf cas particulier de l’aiglette), l’alérion peut être aussi bien seul qu’en groupe. Il n’y a pas de confusion possible avec l’aigle contrairement à l’aiglette ou l’aiglon.

Également attesté sous la forme aillerion en moyen français, du vieux-francique *adalaro, aδalarjo (« aigle » → voir Adler en allemand, du gotique *adelâr « noble oiseau » → voir Adèle et *er)."

CNRTL : "B.− HÉRALD. et domaine de l'emblématique, gén. au plur. Petite(s) aigle(s) représentée(s) les ailes étendues, le vol abaissé, sans bec ni pattes et figurant sur les armoiries de certaines familles nobles ou de certaines villes ou provinces"

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http://racineshistoire.free.fr/LGN/PDF/Montmorency.pdf

Fils de Guillaume de Montmorency et d'Anne Pot, Anne de Montmorency est né le 15 mars 1493 à Chantilly. Il est mort à Saint-Denis le 12 novembre 1567. Il  est duc et pair de France, maréchal puis grand maître de France, baron des Baux et connétable et émule de Bayard. Cet homme extrêmement puissant, qui a symbolisé la Renaissance française, fut un ami intime des rois François Ier et Henri II. Il doit son prénom à Anne de Bretagne, dont il est le filleul, et a été élevé au château d'Amboise avec le futur roi François Ier, dont il est très proche.

Prisonnier à Pavie avec le roi, et libéré contre rançon, il négocie le traité de Madrid de 1526, qui met un terme au conflit de François Ier et de Charles Quint.

Il fait rénover le château de Chantilly et fait construire le château d'Écouen.

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Il a été Capitaine-Général des Suisses, Maréchal de France en 1522, Grand-Maître de France en 1526, Connétable de France le 10 février 1538. Il a été fait 1er duc de Montmorency en juillet 1551, et Généralissime en 1560. Il épouse le 10 janvier 1529 à Saint-Germain-en-Laye Madeleine de Savoie née vers 1510 et décédée en 1586 .

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Monogramme d'Anne de Montmorency avec l'épée de connétable en pal. Vitrail exposé au Musée de la Renaissance du château d'Écouen.

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Monogramme d'Anne de Montmorency. Vitraux exposés au château d'Écouen. Photographie lavieb-aile.

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Deux anges présentant les armes d'Anne de Montmorency, Paris, vers 1557, par Nicolas Beaurain. Le vitrail montre aussi  sa devise : APLANOS (droit devant en grec)Provenant de la Sainte-Chapelle du château de Vincennes et exposé au Musée de la Renaissance du château d'Écouen.

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Deux anges présentant les armes d'Anne de Montmorency, Paris, vers 1557, par Nicolas Beaurain. Photographie lavieb-aile.

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Blasons héraldiques du château d'Écouen, remontés au château de Chantilly. Photographie lavieb-aile.

Blasons héraldiques du château d'Écouen, remontés au château de Chantilly. Photographie lavieb-aile.

Blasons héraldiques du château d'Écouen, remontés au château de Chantilly. Photographie lavieb-aile.

Blasons héraldiques du château d'Écouen, remontés au château de Chantilly. Photographie lavieb-aile.

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Armoiries  de Marie de Montmorency, sœur cadette du connétable Anne, et abbesse de Maubuisson de 1524 à 1543.

 

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Les armes sont les mêmes que celle de son frère Anne d’or à la croix de gueules, cantonnée de seize alérions d’or, mais l'écu est losangique donc féminin, et doté d'une crosse en pal , permettant l'attribution à une abbesse.

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Blasons héraldiques du château d'Écouen, remontés au château de Chantilly. Photographie lavieb-aile

Blasons héraldiques du château d'Écouen, remontés au château de Chantilly. Photographie lavieb-aile

Blasons héraldiques du château d'Écouen, remontés au château de Chantilly. Photographie lavieb-aile.

Blasons héraldiques du château d'Écouen, remontés au château de Chantilly. Photographie lavieb-aile.

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Armoiries d'un évêque de Montmorency (Philippe, évêque de Limoges).

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Le blason des Montmorency est posé sur une crosse en pal et chargé d'une mitre brochant sur le tout; Ce sont des armoiries épiscopales.

Les auteurs hésitent à y voir les armes de Philippe de Montmorency, frère d'Anne et évêque de Limoges, peut-être parce qu'il était décédé une vingtaine d'année avant  la date présumée de ces vitraux.

"Philippe fut d'abord pourvu dans l'Église de Bayeux de la prébende de Cambremer en 1517. Il devint ensuite archidiacre de Blois dans l'Église de Chartres et chanoine de la Sainte-Chapelle de Paris ; et enfin on le nomma évêque-« comte » de Limoges ; mais il jouit peu de temps de tous ces honneurs, étant mort très jeune le 21 octobre de l'an 1519."

 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Philippe_de_Montmorency_(%C3%A9v%C3%AAque_de_Limoges)

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Blasons héraldiques du château d'Écouen, remontés au château de Chantilly. Photographie lavieb-aile

Blasons héraldiques du château d'Écouen, remontés au château de Chantilly. Photographie lavieb-aile

Blasons héraldiques du château d'Écouen, remontés au château de Chantilly. Photographie lavieb-aile.

Blasons héraldiques du château d'Écouen, remontés au château de Chantilly. Photographie lavieb-aile.

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Armoiries (?) d'Antoinette de la Marck.

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Les armoiries d'Antoinette de la Mark sont parti en 1 de Montmorency, et en 2 de la maison de la Marck  d'or, à la fasce échiquetée d'argent et de gueules de trois tires.

On nomme tire un rang de petits carrés bicolores d'un échiqueté. 

Ce sont, d'après les auteurs, les armes d'Antoinette de La Marck, fille de Robert IV de la Marck et de Françoise de Brezé et femme de Henri Ier de Montmorency (1534-1614), seigneur de Damville fils d'Anne de Montmorency. Par sa mère, elle est la petite fille de Diane de Poitiers et de Louis de Brezé. Le mariage a eu lieu en juin 1558 au château d'Écouen, et le couple eut les enfants suivants : Hercule comte d'Ostremont, mort en 1591. Henri ( 158-83) ; Charlotte (v.1571-1636) marié à Charles de Valois, duc d'Angoulême. Et Marguerite (1577-1660), qui épousa en 1593 Anne de Lévis.

Le blason surmonté de la couronne de duchesse est entouré de la cordelière à lacs d'amour, parfois considérée comme portée en leur écu par les veuves.

Mais je ne trouve nulle part la description du quartier en haut à droite, jaune à trois serviettes ou étoles rouges suspendues à une barre de même couleur. J'ignore même le nom de ce meuble. Il ressemble à la forme que prend le gonfanon  des armoiries de Catherine de Médicis, sur le second pavement du château d'Écouen réalisé en 1549-1551. Ce sont les armes d'Auvergne, d'or au gonfanon de gueules. On les trouve par exemple sur les armes d'Antoinette de la Tour-d'Auvergne, ... qui épousa en 1574 Charles-Robert de la Marck, frère d'Antoinette de la Marck.

https://gw.geneanet.org/jfdemers?lang=en&pz=richard&nz=lumley&ocz=6&p=antoinette&n=de+la+marck

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Et cette verrière, que le site pop.culture donne comme "Vitrail héraldique de la Galerie Duban à Chantilly, provenant d'Ecouen : armes de Antoinette de La Marck, femme de Henri de Damville, vers 1544 (avant restauration)" ne peut être antérieur à la date du mariage du couple, en 1588.


https://gw.geneanet.org/favrejhas?lang=fr&n=de+la+marck&oc=0&p=antoinetteLiens :

https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/joconde/00000106104

https://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_IV_de_La_Marck

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Blasons héraldiques du château d'Écouen, remontés au château de Chantilly. Photographie lavieb-aile.

Blasons héraldiques du château d'Écouen, remontés au château de Chantilly. Photographie lavieb-aile.

Blasons héraldiques du château d'Écouen, remontés au château de Chantilly. Photographie lavieb-aile.

Blasons héraldiques du château d'Écouen, remontés au château de Chantilly. Photographie lavieb-aile.

 

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Armoiries  de Guillaume II Gouffier de Bonnivet (v.1482-Pavie 1525), amiral de France fils de Guillaume I et de Philippa de Montmorency, tante paternelle d'Anne de Montmorency dont il fut compagnon d'armes  .

armes  Écartelé, au 1. & 4. de Gouffier,  d'or à trois jumelles de sable posées en fasce, au 2. & 3. de Montmorency.

Le blason est placé sous une couronne à rang de perles (baron ?) et entouré du collier de l'Ordre de Saint-Michel à double cordelière (après 1515).

"Guillaume II Gouffier, seigneur de Bonnivet, amiral de France [1517], né probablement vers 1482, fut l’un des principaux conseillers de François Ier depuis l’avènement de celui-ci, en 1515, jusqu’à son propre décès, le 24 février 1525 sur le champ de bataille de Pavie. Avant 1515, il avait figuré pendant plusieurs années dans le cercle des compagnons du jeune François d’Angoulême, futur François Ier. https://fr.wikipedia.org/wiki/Guillaume_Gouffier_de_Bonnivet

https://fr.wikipedia.org/wiki/Armorial_des_familles_de_France

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Blasons héraldiques du château d'Écouen, remontés au château de Chantilly. Photographie lavieb-aile.

Blasons héraldiques du château d'Écouen, remontés au château de Chantilly. Photographie lavieb-aile.

Les vitraux héraldiques provenant du château d'Ecouen, 1541, de la Galerie Duban à Chantilly.

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SOURCES ET LIENS.

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—MAGNE ( Lucien), 1888, Les vitraux de Montmorency et d'Ecouen, Firmin-Didot

https://archive.org/details/lesvitrauxdemont00magn/page/n11/mode/2up

— PERROT (Françoise), 1972, Les panneaux de vitrerie héraldique du château d' Écouen, au Musée Condé, dans Le Musée Condé, n° 3, octobre 1972, p. 11-18, 7 fig , compte-rendu dans  Erlande-Brandenburg Alain. Les cheminées peintes. In: Bulletin Monumental, tome 136, n°1, année 1978. p. 90; https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1978_num_136_1_6537

https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1978_num_136_1_6537

— RENTET, (Thierry), 2011,  Anne de Montmorency : Grand Maître de François Ier. Nouvelle édition [en ligne]. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2011 (généré le 12 octobre 2020). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/pur/105246>. , BN : 9782753567771. DOI : https://doi.org/10.4000/books.pur.105246.

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Published by jean-yves cordier - dans Chantilly Vitraux Héraldique
31 décembre 2015 4 31 /12 /décembre /2015 23:46

La Grande Singerie de Chantilly. La Grande Songerie ? Première partie.

Aujourd'hui, je vous propose de m'accompagner dans un décor de rêve, celui de la Grande Singerie du château de Chantilly, que le peintre animalier Christophe Huet a peint en 1737 pour le prince de Bourbon. Ici tout est ironie et drôlerie, légèreté, finesse des allusions, renversement des rôles et des valeurs. Un pur produit de l'esprit du XVIIIe siècle : champagne ! chantilly ! cotillons, masques et bergamasques !

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GÉNÉRIQUE pour faire patienter le public.

   Si vous m'avez suivi jusque là, vous savez que nous sommes dans le Grand Cabinet d'angle, l'ancien bureau où le prince de Condé recevait ses invités et tenait ses réunions. Poussons la porte de la pièce voisine : petite, carrée,  mesurant environ 5 à 6 m de coté et ses murs sont dotés de lambris blanc et or, typiques de la période Régence. Ce premier décor a été peint en 1717-1718, et c'est vingt ans plus tard qu'il recevra les peintures du peintre animalier Christophe Huet (Pontoise, 1700- 1759).

A main droite, deux baies vitrées. Devant nous, une porte nous mènerait vers la Grande Galerie des Batailles. Mais la pièce développe sur notre gauche ses trois parois décorées successivement d'une grande glace, de deux grands panneaux de singerie, d'une porte, de deux autres panneaux, d'une cheminée (avec son écran  au Singe Maître d'école) alors que deux autres panneaux prennent place entre les portes et les fenêtres. 

 

Puisque les deux portes reçoivent aussi leur décor d'arabesque (c'est ainsi que l'on nommait au XVIIIe siècle les singeries), et puisqu'une troisième porte, fermée, se remarque sur le mur opposé aux fenêtres, c'est un ensemble de cinq grands panneaux et trois portes qui se propose à notre curiosité gourmande, complété par le plafond. 

Le programme iconographique s'ordonne sur plusieurs thèmes entremêlés : les Continents, les Sens, les Arts, etc..Nicole Garnier-Pelle a su les discerner, et je suivrai ses indications. Mais ces thèmes sont accessoires, nous ne sommes pas aux temps studieux de la Renaissance et ils cèdent le pas à la fantaisie.

— Vous me dites ? Ah, qui est ce prince de Condé, alors maître des lieux à Chantilly ? Peut-être il y a-t-il parmi nous une prof d'histoire qui...

— Louis IV Henri de Bourbon-Condé, né à Versailles le 18 août 1692 et mort à Chantilly le 27 janvier 1740, 7e prince de Condé ( en1710), duc de Bourbon, duc d'Enghien et duc de Guise, pair de France, etc ... a été nommé Chef du Conseil de Régence à la mort de Louis XIV (1715-1723) aux cotés du Régent, le duc d’Orléans. Il devint Premier ministre (1723-1726) à la mort du duc d’Orléans, avant de connaître la disgrâce à la fin de 1725, et de s'exiler à Chantilly. S'étant considérablement enrichi, il pouvait se consacrer à son château, à la chasse, ou au Cabinet de Curiosité qu'il installa tout près de nous, dans les pièces qui suivent la Grande Galerie des Batailles. Il appréciait fort les peintures de Huet, car il commanda, avant même la Grande Singerie qui occupe l'étage noble, une Petite Singerie au rez-de-chaussée (1735), et une troisième Singerie qui fut détruite à la Révolution.

— Connaît-on d'autres décors analogues par Huet ?

— Oui-da, vous pouvez encore visiter les Singeries du château de Champs-sur-Marne, peint pour le financier Paul Poisson de Bourvallais, et le Cabinet des Singes de l'hôtel de Rohan-Strasbourg, dans le Marais, pour le cardinal de Soubise et Prince-évêque de Strasbourg François-Armand de Rohan. Tenez, mademoiselle, pouvez-vous nous lire  ce texte d'une élève des Beaux-arts, Catherine Auguste ?

"Le décor de la Grande Singerie est révélateur du goût pour l’Extrême-Orient dès le début du règne de Louis XV. D’autres exemples précèdent.

D’abord le thème de la singerie remonte au Moyen Age. Le singe par ses attitudes souvent comiques aux yeux de l’homme se prête parfaitement aux caricatures, aux « singeries » des activités humaines. Les plus anciens exemples se rencontrent dans les marges des manuscrits enluminés du XIIIe au XVe siècle. On y voit des singes s’activent avec parodie dans des rinceaux végétaux.

Celui de la chinoiserie en tant que thème décoratif est plus récent et elle est une pure création occidentale. Dès la fin du XVIIe siècle, Berain introduit le motif du Chinois pour les modèles de la Tenture des grotesques chinois. Les ornemanistes disposaient en cette fin de siècle d’une puissante documentation sur la Chine qui représentait pour l’Européen, l’exotisme, les oiseaux merveilleux, la richesse des fruits, l’insouciance et la gaieté. Outre l’engouement pour l’Extrême-Orient, l’attirance pour la chinoiserie venait d’une lassitude pour les ornements classiques ; elle répondait ainsi à un besoin de fantaisie. Cette pure création occidentale, où un Chinois ne pourrait s’y reconnaître, participe au renouvellement du répertoire ornemental traditionnel. Par sa souplesse, ses possibilités allégoriques elle s’insère très rapidement aux arabesques, au système rocaille où les singes trouvent leur place dans cet amalgame venu d’Orient. Avant la Grande Singerie de Christophe Huet, on peut citer Watteau, Boucher ou Audran. Watteau fut l’auteur d’une trentaine de peintures exécutées au château de la Muette en 1710-1716 dont il ne reste que les œuvres gravées par Boucher. Et Claude Audran, dont Huet fut un collaborateur, avait décoré des plafonds dans le goût de la chinoiserie notamment celui de l’hôtel Angran de Fonspertuis à Paris en 1721." http://www.meublepeint.com/chantilly-grande-singerie-huet.htm

— (Un visiteur, à sa voisine) Ce conférencier  est incollable !

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I. La porte à double vantail.

Poussons donc la porte. Oh !

Source image Wikipédia :

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Impressionnant, n'est-ce-pas ! Mais refermons la porte derrière nous, attention madame, merci, tournons-nous. Voici :

 

 

L'une des portes de la Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

L'une des portes de la Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Le vantail de droite, rendant ironiquement hommage au duc de Bourbon comme chef de guerre et Grand-Maître de France,  nous montre un singe soldat comme emblème de l'Art de la Guerre.

 

 

Vantail droit de l'une des portes de la Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Vantail droit de l'une des portes de la Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

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Ce  Porte-étendard porte, selon Nicole Garnier, le drapeau et l'uniforme de la maison de Condé. Mais comment en trouver une description ? Peut-être en le comparant à la tenue des officiers du Régiment de Bourbon de 1734 à 1757 ? "Les drapeaux du régiment de Bourbon avaient un quartier bleu, un autre rouge, le troisième noir et le quatrième feuille morte. Son premier habit était distingué par les parements et le collet rouges, avec doubles poches en long garnies chacune de 9 boutons disposés par 3 en patte d’oie ; il y avait 5 boutons sur la manche. La veste était rouge ; les boutons et le galon de chapeau était d’argent." (Général Susane) 

Ou bien à la tenue du  Régiment de Bourbon cavalerie de 1740 ?

  

 Ce dernier avait des étendards « de soye bleue, Soleil d’or au milieu & 4 fleurs de lys brodées en or aux coins, & frangez d’or ». Mais avant 1740, ils étaient de « soye ventre de biche, Soleil d’or au milieu, les armes de Condé & fleurs de lys d’or aux coins, & frangez d’or »  .

 

Le détail crucial, car nous le retrouverons tout-à-l'heure à propos de la tenue de chasse, est le qualificatif de couleur "ventre-de-biche". Le XVIIIe siècle a été sans-doute le siècle le plus créatif en termes de couleurs. Quelle est la couleur d'un ventre de biche ?

  • D'une couleur brun clair tirant sur le roux ou le chamois. 1609 « d'une couleur brun clair » (CNRTL)
  • Blanc roussâtre, faisant partie du champ chromatique orange. (Wiktionnaire) : Le comte Esterhazy choisit pour son régiment la couleur ventre de biche ou chamois, fort à la mode sous Louis XV. — (Les Hussards, de Chamborant (2e Hussards)., Firmin-Didot & Cie, 1897, p. 250
 

Une planche présente l'uniforme du 21e Condé et du 22e Bourbon entre 1737 et 1762 ; remarquez le tricorne à nœud blanc du 21e Condé ; remarquez aussi que le drap n'est pas blanc, mais presque chamois, pour ne pas dire "ventre-de-biche".

Cavalerie dite légère, française et étrangère (Mouillard - Les régiments sous Louis XV) http://pfef.free.fr/Anc_Reg/Unif_Org/Mouillard/Planches/03_05.htm

Cavalerie dite légère, française et étrangère (Mouillard - Les régiments sous Louis XV) http://pfef.free.fr/Anc_Reg/Unif_Org/Mouillard/Planches/03_05.htm

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En novembre 2018, j'ai reçu ce message d'un éminentissime spécialiste en uniformologie ; qu'il en soit éminentissimement remercié:

 

"Le petit singe est bien un officier du régiment d'infanterie de Condé suivant l'ordonnance uniformologique de 1720 à 1736 . A noter toutefois que l'habit gris fut encore porté jusqu'aux années 1740 bien que l'uniforme blanc fut prescrit pour l'ensemble des régiments dès 1734 .

Le Gorgerin (ou hausse-col qui fut arboré jusqu'au XIXe ) était l'un des signes caractéristiques pour signaler les officiers d'infanterie avant l'apparition des guenilles à Choiseul (épaulettes de grades) au cours des années 1760 , et il fut d'ailleurs conservé par la suite comme protection symbolique . Dans l'armée royale , la nature de conception et la couleur du métal du gorgerin était dénominative de l'origine du corps de troupes : française, allemande, suisse , irlandaise , etc .

L'excès de galons dorés sur l'uniforme d'officier de ce petit singe est tout à fait représentatif de l'infanterie du début du Siècle des Lumières qui permettait encore bien des excès vestimentaires .

La forme de la poche est également tout à fait conforme à l'ordonnance et aux modes de cette période , tout comme le plumetis rouge au tricorne bordé d'un galon d'or fin .

Idem pour la cocarde bicolore qui deviendra entièrement noire par la suite , puis blanche à la fin des années 1750 .

Pour ce qui est de l’étendard (la cavalerie étant munie de guidons, bannières ) , il n'est pas étonnant que vous ne l'ayez pas trouvé car vous avez recherché dans les drapeaux régimentaire or , ici, l’étendard porté par ce petit singe est l'étendard colonel d'infanterie , blanc sur fond de semi de fleurs de lys d'or . S'il existait plusieurs étendards régimentaires par unité, il existait aussi un , deux voire ou trois étendards colonel suivant le nombre de bataillon en général . Vous ne pouviez pas l'atteindre par la voie de recherche des drapeaux régimentaires . Le cordon bleu sur le fond blanc étant ici certainement en rapport avec la détention de l'Ordre du Saint-Esprit par le colonel (en l’occurrence le Prince de Condé ) .

Les uniformes des planches Mouillard que vous présentez dans votre article sont en réalité blancs et non ventre de biche (première couleur de la Maison de Condé avant le chamois Condé qui est plus rose orangé) car seuls les musiciens de ces régiments étaient autorisés à porter la livrée complète de leur colonel . Il y avait une couleur générale du justaucorps – puis habit à la française - (en dehors des régiments étrangers) pour la cavalerie de ligne comme pour l'infanterie . Autrement , c’était des unité particulières , privées , des troupes légères comme celle des Volontaires de Clermont-Prince , à Louis de Bourbon-Condé , qui portaient la livrée intégrale de Clermont-Condé , ventre de biche et rouge .

J'ai découvert en 2002 l'implication de ce régiment dans les chasses à la Bête du Gévaudan de 1764 à 1765 . Mes travaux et ma planche illustrée de reconstitution consacrés à cette unité se trouvent à la Bibliothèque de Chantilly . S'y trouve aussi un prestigieux Manuscrit (seulement deux exemplaires au Monde) par Henry du Rosnel et Guillemard en 1776 , que je vous invite à aller étudier à l'occasion d'un passage au Musée Condé , qui répondra à vos questions et attentes en matière de connaissances des livrées de chasses et autres de la Maison de Condé . "

Patrick Pierre Louis Berthelot, historien uniformologue , spécialiste du XVIIIe s , des livrées des Maisons civiles et militaires , de la vénerie royale de Louis XV et de Louis XVI , des Eaux et Forêts , de la Louveterie , etc … 

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Eh bien ! je lui tire mon tricorne !

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Vantail droit de l'une des portes de la Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Vantail droit de l'une des portes de la Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

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Ce vantail comporte, en dessous, un petit panneau intermédiaire (j'ai oublié de le photographier ;  l'image qui suit qui a été inversée par le site, vient de Wikigallery.org )  avec un boulet de canon chauffé par un feu stylisé, et, dans les anses du dit boulet, deux refouloirs destinés à enfoncer la gargousse de poudre.

Cette artillerie est encadrée par un rameau d'olivier et par un rameau de chêne.

—Un chêne rouvre, si on en juge par le court pédoncule du gland.

 

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Et, plus bas, un panneau rectangulaire chargé de divers motifs. Que voyez-vous ?

— Des boulets dressés en tas devant un baril de poudre !

— Deux boulets, qui m'ont bien l'air d'être reliés par une chaîne.

— Un fusil, une poire à poudre, et une hallebarde !

— Les bustes d'un homme et d'une femme, piqués sur des sortes de haches ; peut-être les ennemis du royaume ?

— Une étoffe à bandes bleues et or.

— Une médaille d'or, suspendus à une chaîne...

— Et tout en haut ?

— un bonnet à plume, bien peu martial. Et un chaudron à deux poignées. 

 

Vantail droit de l'une des portes de la Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Vantail droit de l'une des portes de la Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

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Porte vers le cabinet d'angle, vantail gauche.

Après avoir caricaturé son commanditaire, sur le vantail gauche, Christophe Huet trace de lui  un "autoportrait en singe" aussi cocasse que celui de Normann Rockwell

Comme chez cet artiste, le godet d'eau est en équilibre instable, l'appui-main joue un rôle emblématique, le couvre-chef tourne le peintre en ridicule, et les clins d'œil abondent, comme les deux rouleaux de papier suspendus en X sous le chevalet, qui singent les deux bâtons entrecroisés du Maître de France.

 

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On s'amuse aussi à découvrir qu'aux deux bustes en grisaille du vantail droit  répondent deux têtes à chapeau pointu, l'un à moustache droite, l'autre à moustache tombante.

On n'oubliera pas non plus de remarquer la carafe de vin et le verre à demi-vide que le singe-peintre a pris soin de placer à coté de main. 

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Vantail gauche de l'une des portes de la Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Vantail gauche de l'une des portes de la Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

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C. Huet, Le Maître peintre, pl. 29, Singeries...Guélard, 1743. Gallica.

C. Huet, Le Maître peintre, pl. 29, Singeries...Guélard, 1743. Gallica.

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Vantail gauche de l'une des portes de la Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Vantail gauche de l'une des portes de la Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

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Comme chez Rockwell, l'autoportrait se donne en abyme, puisque le panneau inférieur du vantail porte à son sommet une toile cloutée sur son cadre, représentant... le singe-peintre . Puis viennent, suspendus à une guirlande, son porte-main, ses pinceaux et sa palette, au dessus d'une esquisse à la pierre noire. La palette est la même que celle employée par le singe, avec le même ordre des couleurs (blanc-jaune-rouge-...) et le même emplacement du godet.

...puis, en suivant le fil de suspension, la pierre noire ou le porte-fusain, une règle graduée, une équerre,

...le fil se terminant, comme tout fil à plomb, par une rondelle et un plomb.

Encore plus bas c'est un buste de plâtre destiné à peindre "d'après la bosse", c'est-à-dire d'après une figure moulée, le plus souvent comme ici sur un antique (une tête grecque féminine).

Ici — mais c'est vrai partout sur ces lambris — l'esprit fin, léger, aimant l'impromptu et la pirouette, se donne libre cours sur les éléments graphiques non figuratifs directement hérités des grotesques, ces volutes, ces lignes brisées et recourbées sur elles-mêmes, ces feuilles et plumes d'or déroulant leur dos épineux, ces chorégraphies de traits virevoltant, s'envolant, sautillant et développant une musique spirituelle et gracieuse.

 

 

 

Vantail gauche de l'une des portes de la Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Vantail gauche de l'une des portes de la Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

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Vantail gauche de l'une des portes de la Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Vantail gauche de l'une des portes de la Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

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— C'est encore long ? Tu as mis assez d'argent dans le parcmètre ?

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II. Le panneau de la Chasse. L'Amérique. Le Toucher.

 

 

 

 

C'est lors d'une de ces chasses, le 27 juillet 1724, que « ...Mr le duc de Melun courait le cerf avec Mr le duc (de Bourbon, prince de Condé), ils en avaient déjà pris un, et en couraient un second. Mr le duc et Mr de Melun trouvèrent dans une voie étroite le cerf qui venait droit à eux ; Mr le duc eut le temps de se ranger, Mr de Melun crut qu'il aurait le temps de croiser le cerf et poussa son cheval. Dans le moment le cerf l'atteignit d'un coup d'andouiller si furieux, que le cheval, l'homme et le cerf en tombèrent tous trois. Mr de Melun eut la rate coupée, le diaphragme percé et la poitrine refoulée. Mr le duc, qui était seul auprès de lui, banda sa plaie avec son mouchoir, et y tint la main pendant trois quarts d'heure ; le blessé vécut jusqu'au lundi suivant qu'il expira à six heures et demie du matin, entre les bras de Mr le duc, et à la vue de toute la cour qui était consternée d'un spectacle si tragique. Dès qu'il fut mort, le roi partit de Versailles et donna au comte de Melun le régiment du défunt. Il est plus regretté qu'il n'était aimé ; c'était un homme qui avait peu d'agréments, mais beaucoup de vertus et qu'on était forcé d'admirer... ».

 

La maîtresse de M. le Duc, la marquise de Prie, avait beaucoup d’influence sur lui. Elle se contentait néanmoins, pour l’essentiel, de protéger les arts et les lettres.

Panneau de la Chasse, Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Panneau de la Chasse, Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

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Vous voyez ici une femme légèrement vêtue au dessus d'un body léopard, coiffée d'une toque à plumes rouges, et chaussée de soques à bout recourbé, laissant le pied presque nu sous un laçage argenté. Le manteau de gaze bleue constellé de fleurs d'or n'est pas sans évoquer, par un trait d'ironie, le drapeau aux couleurs du duc de Bourbon. La lance et l'arc qu'elle tient benoîtement pourrait en faire une nouvelle Diane chasseresse, mais elle n'a pas la froideur lunaire et  hautaine d'Artémis. Quand au trône bleu-métal sur laquelle elle siège comme sur la gueule d'un canon, il pourrait faire d'elle une Pythie. 

Elle regarde avec bienveillance un singe vêtu comme un Marquis de Carabas, et qui lui fait "les honneurs du pied".

Les honneurs du pied ?

Oui, regardez bien : le singe qui tient son tricorne, et n'a pas ôté ses éperons, accourt pour lui présenter la patte du cerf que les chasseurs viennent d'abattre. C'est un terme de vénerie : Après avoir  et sonné l'hallali par terre et achevé la bête, on procède, avant la curée,  à la "cérémonie du pied" accompagnée de la sonnerie des cors. Le veneur lève le pied avant droit de l'animal et le coupe à la première jointure ; la peau de la jambe est nattée selon les conventions d'usage,  puis le veneur le pose sur une cape ou un linge et, faisant le tour des invités, il le présente à celui qu'il veut honorer tout particulièrement. On sonne alors les honneurs. Cet "honneur du pied" est une récompense ultime, un grand moment de fierté et de jouissance pour l'invité. 

Ah, "il prend son pied", c'est cela ?

Littéralement, oui. Et il le fera naturaliser et monter en souvenir du "laisser-courre", la journée de chasse. Mais le veneur peut encore offrir le pied à la reine de la journée, qui peut alors honorer le chasseur de son choix ...ou de son cœur.

La chasse à courre est l'occupation de la plus haute importance à Chantilly, et, au XIXe siècle sous le duc d'Aumale, les annales ont soigneusement notées le nom de ceux qui ont eu l'honneur du pied : la duchesse Decazes le 27 décembre 1877, le comte de Chézelles le 31 du même mois, la duchesse d'Uzès le 6 novembre 1882, le maréchal de Mac-Mahon le 24 novembre 1879, la baronne Gustave de Rothschild le 12 novembre 1883 et  le duc de Bragance le 28 janvier 1886.

Je fais passer parmi vous cette image : je l'ai trouvée sur la toile, avec cette légende : " Trophée de chasse pied d'honneur: patte de cerf à dix cors. Présentée sur un écu en bois avec cartouche: «Forêt d'Orléans. Rallye Fontainebleau. Cerf dix cors Attaqué à la vallée du Diable. Pris à la Cour Dieu après 2h de Chasse. Les honneurs à Mme Pierre Vatron. Le 4 octobre 1986.»

 

"La vénerie demeura des siècles durant l'une des activités favorites du roi et des princes du sang. Chantilly vécut ainsi au rythme des chasses de ses illustres propriétaires comme le prouve la richesse des témoignages recueillis en ces lieux depuis la fin de la disgrâce du Grand Condé en 1659 jusqu'à la mort du duc de Chartres en 1910. D'imposants moyens furent consentis à l'exercice du noble déduit qui, lorsque des hôtes illustres honoraient Chantilly de leur présence, donnait lieu au déploiement d'un faste sans égal. Un vaste territoire réservé aux laisser-courre princiers constitue la plus évidente illustration de cette passion cynégétique qui s'exprime également par le raffinement de la production artistique qu'elle a su inspirer dans l'architecture comme dans le décor de la demeure.  "

Ce singe qui porte son cor en bandoulière est le "piqueux". Il porte la tenue de chasse aux couleurs du duc de Bourbon: "ventre de biche à parements amarante".

Selon le comte des Nétumières (p.34), reprenant Paul Petit, en 1816, à la formation de l'équipage, le surtout ou habit de petite tenue pour les gens de l'équipage était en drap de laine ventre de biche à col et parements de velours amarante et orné de boutons en argent aux armoiries de Condé et de galons  or et argent.

C'était aussi la livrée des valets du maître de Chantilly.

Un dessin de 1829 du Musée Condé montre Louis-Henri Prince de Condé duc de Bourbon (1756-1830) en tenue de chasse :

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— Et de l'adjectif amarante, vous ne dites mot ?

— Ah, amarante, la couleur des bérets de parachutiste ! C'est un rouge-pourpre plus clair que le bourgogne. Elle tient son nom de plantes qui ne fânent pas, d'où leur nom grec ἀμάραντος, « immortelle », avec le a- privatif a- associé au  verbe  signifiant « flétrir, se faner ». Ces fleurs  sont donc un symbole de l’immortalité, ce qui justifie le choix d'un velours amarante pour des activités de guerre ou de chasse assez exposées aux dangers.  Ah, un monsieur veut intervenir ?

— Je me souviens d'avoir lu sous la plume de Jean-Baptiste Charcot la phrase suivante, qui m'avait marquée par la préciosité de sa poésie  : "Le ciel était taché seulement d’une main nuageuse de fines dentelles amarante qui se tendait comme pour nous souhaiter la bienvenue." ( Dans la mer du Groenland, 1928). Quel talent chez ce médecin de Neuilly-sur-Seine !

 —  ?

 

 

 

 

 

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— Que fait le singe de droite ? Il tient une lettre cachetée.

— Et une canne à pommeau d'argent.

— Et un bonnet doré et...amarante.

— Ne serait-ce pas le duc lui-même, caricaturé en amant ?

— Mystère, mystère...

 

 

 

 

 

 

 

Panneau de la Chasse, Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Panneau de la Chasse, Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Au dessus de cette belle dame courtisée, Christophe Huet a peint, de bas en haut, une cible de tir conservant le score d'un tireur habile, un cor de chasse ...

— dites "une trompe de chasse", comme les veneurs ! Accordée en ré, et non en mi bémol comme dans les fanfares ! Elle fait un tour et demi, soit 4,545 m.,  c'est la Dampierre de 1729. 

— Eh, vous êtes féru ! Je reprends ... deux arcs, et leur carquois, sur un filet de chasse au gibier d'eau (également figuré au plafond) . Des rubans bleus et rouges, et, de chaque coté, un miroir.

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Panneau de la Chasse, Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Panneau de la Chasse, Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

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Plus haut encore, un magot chinois, qui a du se tromper de panneau, et qui tient au bout de deux longs manches un éventail et une poterie. Ces deux éléments dont je n'ai pas élucidé le rôle encadrent une tête de cerf.

— cinq cornes sur chaque bois, c'est un jeune dix-cors.

Panneau de la Chasse, Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Panneau de la Chasse, Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

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En dessous de la dame, une étoffe rayée admirable par les jeux de transparence maîtrisés par le peintre sert de support à un ensemble d'objets de chasse : une dague, une gibecière et une blague de poudre. 

Mais l'essentiel de ce décor n'est sans-doute pas, une fois de plus, dans les objets représentés, mais dans la façon dont ils sont traités. Voyez les deux piques de chasseur dont les manches sont fichés dans des supports dorés. Des engins meurtriers, certes, mais dont la fonction cruelle est démentie par les pompons et les glands, qui s'enroulent sur la hampe ; et dont les pointes acérées est coiffée par deux couvercles comme la flamme d'une bougie. Voyez ces guirlandes fleuries, voyez ces gazes vaporeuses qui se transforment en génies bleutés, voyez ces franges, ces fanfreluches plumeuses, voyez comme ces arabesques sont féminines : aucune concession n'est accordée à Mars et à Nemrod, tout flotte dans un entre-deux irréel comme dans une opérette futile, toute agressivité et virilité cynégétique tombe en quenouille sous l'effet de rires cristallins. 

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Panneau de la Chasse, Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Panneau de la Chasse, Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

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III. Le "Magot chinois". L'Asie. Le Goût.

"Le Magot chinois", c'est le nom donné par Nicole Garnier, Conservateur  général (sic) du patrimoine chargée du Musée Condé de Chantilly, à ce personnage aux moustaches de mandarin, à la bouche facétieuse, allongé dans un hamac et jouant du tambour et d'une sorte de maracas. 

C'est amusant, car le terme "magot" désigne d'une part (dès 1476)  un singe à queue rudimentaire, le Magot de Gibraltar Macaca sylvanus, et d'autre part, depuis 1698 avec la forme initiale magau, un bibelot à figure grotesque de porcelaine ou de jade qui tire son nom du roi eu pays de Magog, en Asie. On l'imagine, joufflu, ventre bedonnant s'échappant d'une robe de soie multicolore, pieds nus, tête rasée préservant la mèche rituelle, dans l'accumulation de poncifs que la manufacture de Chantilly appliqua à des sucriers, vases, et encriers.

Cela me permet de tenter d'identifier sur le plan zoologique le modèle des singes de cette Singerie. Le Magot, c'est Macaca sylvanus, la seule espèce de primate — excepté l'homme...—  que l'on peut trouver en habitat naturel  en Europe, et qui fut probablement introduit par les Maures . On le nomme aussi  Macaque de Barbarie, Magot ou Macaque berbère. Il figurait par exemple dans la ménagerie de Milan à la fin du XIVe. Les macaques berbères, disponibles au Moyen-Âge  en plus grand nombre que n'importe quelle autre espèce de singe, sont par excellence les singes du pauvre. À l'âge adulte, un magot mâle pèse rarement plus de 15 kg et peut mesurer jusqu'à 60 cm. Petit singe déjà imposant, il est assez docile pour se laisser apprivoiser par les montreurs d'animaux dans l'objectif d'amuser les habitants des villes et des campagnes dans des spectacles. C'est grâce aux bateleurs qui parcourent les contrées que la figure de l’animal devient familière, au moins dans les villes.

 Wikipédia

 

— Pourtant, les singes représentés ici ont le pelage du pourtour de la face qui est blanc. Et le singe de droite est doté d'une queue. Ne s'agirait-il pas du singe vert, Chlorocebus sabaeus, ou Callitriche ? ....bien qu'ils aient, certes des favoris blancs, mais une face sombre.

— Jacques Christophe Valmont de Bomare, qui fut le directeur du Cabinet d'histoire naturelle du Prince de Condé, distinguait en 1775 avec Brisson cinq races : Ceux qui n'ont point de queue, mais le museau court (Orang-Outang, Paresseux,...) ; les Cynocéphales qui n'ont point de queue, mais qui ont une tête allongée ; les singes à queue très courtes (babouins) ; les 29 espèces de Cercopithèques,  qui ont une longue queue et le museau court ; et les Cercopithèques cynocéphales...à queue longue et tête allongée. La majeure partie des singes de Christophe Huet ont une queue visible, ce sont donc selon ces distinctions des Cercopithèques. Sapajou ? Sagouin ? Tamarind ? Je retiens le Singe vert en raison des poils blancs de ses joues. Planche dans Buffon p. 283

François Alexandre Aubert de la Chesnaye des Bois ...

— Ah, j'adore ! 

— Aubert de la Chesnaye des Bois, disais-je, atteste de la présence de Cercopithèques (sans en distinguer l'espèce) à la ménagerie de Chantilly. En 1759.

 

 

Panneau chinois, Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Panneau chinois, Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

— Laissons ces questions posées, et  revenons à notre personnage. Je ne lui trouve aucune ressemblance avec un bibelot, et il m'évoque plutôt un gai compagnon du duc, déguisé en chinois, avec sa moustache postiche, sa boucle d'oreille en or, sa luxueuse robe damassée sur laquelle est passée une veste courte de couleur rouge...

— Mais ce sont les couleurs ventre-de-biche et amarante !

— Bien vu ! 

Il joue d'un tambour à grelot, et d'un idiophone à manche : deux instruments à percussion (alors que le panneau de la Chasse était dédié à la famille des Cuivres). L'instrument à manche n'est-il pas un moulin à prière tibétain ( mani korlo) détourné de son pieux usage ?

Les deux singes sont "chinoisés" de façon caricaturale, affublés qu'ils sont, comme leur maître, de chapeaux chinois à plumet et de soieries bleu, blanc et or . 

— Mais ce sont les couleurs de l'étendard du porte-drapeau ! Et celle du manteau de la Diane chasseresse !

— Bravo, bravo, j'ai une belle équipe d'auditeur .

Le singe de droite frappe avec une baguette sur une sorte de triangle où sont enfilées des anneaux d'or. 
Celui de gauche joue d'un instrument à archet très long qui ne semble comporter qu'une seule corde : serait-ce une Trompette marine ?
 
Panneau chinois, Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Panneau chinois, Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

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Plus bas, une médaille d'or est frappée du profil d'un mandarin chinois à chapeau conique. Puis vient une théière et trois tasses à thé en porcelaine bleue, posés sur un plateau ...à grelots.

 

Panneau chinois, Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Panneau chinois, Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

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En partie haute, nous retrouvons la disposition à deux bustes de grisaille déjà rencontré sur la porte, mais les personnages ont, bien-sûr, des traits "chinois" prononcés sans grand souci d'authenticité, avec boucle d'oreille en goutte d'eau, ébauche de natte, et moustache tombante.

Au centre, un idiophone, dont on supposera qu'il est fait de onze lames de bambou plutôt que de métal , afin d'évoquer le nom chinois  du xylophone, 木琴;  mù qín. 

Cet instrument est posé devant une feuille de papier où sont inscrites quatre lignes (horizontales !)  de caractères  noirs : il serait très amusant qu'il s'agisse d'une partition en notation chinoise, ou gongche  工尺 ... , mais la ressemblance n'est que vague avec des caractères comme ceux-ci :

Bien-sûr, tout cela est surmonté d'un parasol octogonal à glands de passementerie, d'où retombent d'évanescentes mousselines aux emblématiques couleurs bleus et or .

A gauche, il faudrait savoir identifier ces instruments de musique, mais on distingue des flûtes, un tuyau évasé comme le bourdon d'une cornemuse, un manche surmonté d'une tête à grelots, ...

A droite, une lance, un arc et son carquois. 

Huet s'est-il inspiré d'objets exotiques des collections du cabinet de  curiosités ?

 

 

 

 

 

Panneau chinois, Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Panneau chinois, Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

La description de ce panneau s'achève avec le registre supérieur où se découvrent sur des perchoirs dorés quatre oiseaux (hirondelles et/ou bergeronnettes), tandis que quatre lampions (bleus et blancs) sont suspendus à une branche.

 

Panneau chinois, Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Panneau chinois, Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

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— On ferme, on ferme, messieurs-dames, le château va fermer ses portes.

— Déjà ! Mais ce n'est pas fini !

— Rendez-vous demain matin, et nous continuerons la visite.

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Emprunté sur la toile : deux tableaux de Chardin, dont son Singe peintre, réalisé trois ans après les Singeries de Huet et son autoportriat en peintre-singe.

Jean-Siméon CHARDIN  Le Singe antiquaire  Vers 1726  Musée du Louvre

Ce singe en robe de chambre qui examine des médailles avait pour pendant un Singe peintre, disparu.

Au long de sa carrière, Chardin porta à plusieurs reprises ce regard ironique sur les collectionneurs.

 Les singeries étaient à la mode : on en connaît notamment de Watteau, à qui le tableau fut jadis attribué. 

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Jean-Siméon CHARDIN Le singe peintre  Vers 1739 - 1740 Musée du Louvre.
Ce tableau dont on connaît plusieurs autres versions est peut-être 
celui du Salon de 1740,

qui avait pour pendant un Singe antiquaire, disparu. Comme Watteau, Lancret ou Huet,

Chardin s'inspire sans doute des singeries de Téniers, peintre flamand très en vogue au XVIIIe siècle.

Le singe semble bien, ici, un Singe vert Chlorocebus sabaeus .

Comme chez Huet, on retrouve le modèle en bosse, la carafe (de vin ?), l'appuie-main,

et la tenue militaire avec veste de velours et tricorne.

 

 

 

SOURCES ET LIENS.

— Très bonne description et nombreuses images sur :

http://www.meublepeint.com/chantilly-grande-singerie-huet.htm

http://www.linternaute.com/sortir/monument/photo/la-grande-singerie-du-chateau-de-chantilly-restauree/singes-geometres.shtml

http://singeries.picnpin.com/singes-et-singeries-a-la-renaissance

 

GARNIER-PELLE (Nicole), 2008,  Les Singeries, Paris, Nicolas Chaudun - Fondation pour le domaine de Chantilly,coll. « Trésors de Chantilly »,‎ septembre 2008 (ISBN 978-2-35039-063-5, LCCN 2008487526)

GARNIER-PELLE (Nicole), 2010 Anne Forray-Carlier et Marie-Christine Anselm, Singeries et exotisme chez Christophe Huet, Saint-Rémy-en-l’Eau, Monelle-Hayot,.

— GARNIER-PELLE (Nicole),  Une émission de la radio Canal Académie
Nicole Garnier, conservateur en chef du patrimoine au château de Chantilly présente la restauration de la Grande Singerie achevée en janvier 2008 et le programme iconographique de ce décor du XVIIIe siècle.

— GAUDRON ( Amandine ) Le singe médiéval Histoire d'un animal ambigu : savoirs, symboles et représentations  http://theses.enc.sorbonne.fr/2014/gaudron

— HUET, (Christophe), 1741-1743,- Singeries, ou différentes actions de la vie humaine représentées par des singes / gravées sur les desseins de C. Huet ; gravure de Guélard, édité par J. Guélard 2 suites de 12 pl. gravées : gravure à l'eau-forte Bnf Dept estampes et photographie 4TF-11

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b55006444q

 

—   Un reportage photographique de Cécile Debise pour l'Internaute
Une vingtaine de photographique avec détails des peintures de la Grande Singerie du château de Chantilly pendant leur restauration.

—  Un dossier de presse sur la restauration de la Grande Singerie

—  Depuis le magazine La Tribune de l'art
Pour voir les cinq panneaux restaurés de décors d'animaux peints par Christophe  Huet de la chambre de Monsieur le Prince au château de Chantilly.

—  Sur le site de l'Institut de France, propriétaire du château de Chantilly
Sur la restauration de cinq paysages avec animaux de Christophe Huet ; ces peintures sont encastrées dans des boiseries blanc et or de la chambre de Monsieur le Prince au château de Chantilly ; sont expliquées les techniques picturales de Christophe Huet et les restaurations engagées.

—  Les singeries
Nicole Garnier-Pelle, Editions Nicolas Chaudun, 2008, 80 pages

—  Les peintures du XVIIIe siècle du musée Condé
Nicole Garnier-Pelle, Editions du Musée Condé, 1995, 221 pages

—  L’Art décoratif en Europe, Classique et Baroque
Chinoiseries, pp 225-324
Alain Gruber, Editions Citadelles & Mazenod, 1992,

—  Les singeries de Christophe Huet : Exposition-dossier, Musée des beaux-arts de Valenciennes, 23 décembre 2006-19 mars 2007
Virginie Frelin, Marie-Christine Anselm, Editions Musée des Beaux-Arts de Valenciennes, 2007, 56 pages

—  Chinoiseries : Le rayonnement du goût chinois sur les arts décoratifs des XVIIe et XVIIIe siècles
Madeleine Jarry, Editions VIlo, 1981, 258 pages

— Chinoiseries
Dawn Jacobson, Editions Phaidon, 1999, 240 pages

— Les Singeries de Chantilly
Christophe Levadoux, docteur en histoire de l’art, in L’Estampille – L’Objet d’Art, n°435, mai 2008, pp 42-51

— Le cabinet d’histoire naturelle du duc de Bourbon
Christophe Levadoux, in Bulletin du musée Condé, 2008

— Restauration de la Petite Singerie : http://www.wukali.com/chateau-de-chantilly-la-petite-singerie-a-ouvert-ses-portes-apres-11-mois-de-travaux#.Voai4_nhCM8

— Vidéo : http://www.dailymotion.com/video/x4gaeo_la-grande-singerie-du-chateau-de-ch_creation

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Published by jean-yves cordier - dans Chantilly
30 décembre 2015 3 30 /12 /décembre /2015 18:53

Ma visite de la Grande Singerie de Chantilly. Deuxième partie.

Voir :

La Grande Singerie de Chantilly. La Grande Songerie ? Première partie.

Retour au château de Chantilly, dans l' antichambre, située dans les Grands appartements, entre la Galerie des Batailles et le cabinet de travail du prince de Condé, où je poursuis ma visite de la Grande Singerie : suivez le guide !

IV.  La porte à double vantail du fond : le singe géographe et le singe sculpteur.


 situation : entre le panneau du "Magot chinois" et celui de "l'Idole chinoise".


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Image Mélanie Demarié 


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 Description.

Comme les deux autres portes, celle-ci comporte deux vantaux, chacun orné d'un panneau supérieur, d'un petit panneau intermédiaire et d'un panneau inférieur. Le vantail de droite s'inscrit sous le thème de la Géographie, le vantail .gauche sous celui de la Sculpture, et la porte est ainsi dédié aux Arts et aux Sciences. Par allusion spéculaire aux passe-temps du duc de Bourbon à Chantilly, lorsqu'il n'y chasse pas à courre.

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a) Le vantail de droite : le singe géographe.

Ce singe studieux  est assis sur une mappemonde. Il porte une veste jaune moutarde à revers noirs, et sa queue, qui s'échappe derrière lui, tout comme les poils blancs de sa gueule et de ses favoris, pourraient aider un simiologue à en déterminer le genre, si ce n'est l'espèce. Accroché à sa ceinture par une chaînette, un étui lui sert à ranger son matériel de travail, mais je ne le décrire plus précisément qu'en parlant d'une sorte de pince, et d'une sorte de couteau. Christophe Huet n'oublie pas de le ridiculiser par un chapeau chinois ou mongol en fourrure d'où s'échappent, comme les flammes du Stromboli, deux plumes rouge et orangé.

Notre homologue primate a déroulé devant lui une carte tendue entre deux baguettes, et y mesure une distance à l'aide d'un compas à pointe sèche. Quelqu'un parvient-il à lire le nom inscrit dans sa partie haute ?

— FLAN... peut-être Flandre ? Ce serait une carte de l'Europe de l'Ouest ?

— On reconnaît aussi un cartouche rond tenu par des Allégories.

— Comme il serait amusant de s'approcher et de chercher avec une loupe d'autres indices !

— Mais ne trouverions-nous pas des indices dans la Bibliothèque du château, par lequel nous sommes passés ce matin ? Attendez-moi, j'y cours.

...

— Cela vaut ce que cela vaut, mais j'ai trouvé ceci : un parchemin du XVIe siècle, Cote Ms 701.dans sa reliure ancienne de maroquin vert, aux armes de Bourbon-Condé : Description des côtes de Flandre et de Zélande, par Jean Roche , dédicacé au "  très magnanime et très crestien roy Henry deuxième de ce nom, Jehan Roche, dict le petit boiteux.... ». Mais ce n'est là  qu'un des 17 titres ...tenez celui-ci , en maroquin rouge du XVIe : Abrégé de géographie des quatre parties du monde, par N. Clémen

Le singe géographe, Porte, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Le singe géographe, Porte, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Le singe géographe : inspiré par Joris Hoefnagel ?

L'enlumineur Joris Hoefnagel avait peint en 1591-1594 sur le Livre de modèles calligraphiques écrit par Georg Bocskay divers singes, dont , sur le folio 76, deux singes manipulant des instruments de géographie; Bien-sûr, ce précieux manuscrit restant dans les collections privées n'était pas accessible au peintre français, mais l'influence peut avoir cheminé par d'autres voies.

L'image est de mauvaise qualité et en noir et blanc, car elle est photographiée sur le livre de Théa Vignau-Willberg (Vignau-Schuurman),  Die Emblematischen Element im Werke Joris Hoefnagel provenant de sa thèse soutenue en 1969 à Leyden.

 

Joris Hoefnagel, ( Frankfurt, 1591-1594)    Georg Bocskay, 1571-1573, Schriftmusterbuch, folio 76, Kunsthistorisches Museum, Wien, KK.975

Joris Hoefnagel, ( Frankfurt, 1591-1594)    Georg Bocskay, 1571-1573, Schriftmusterbuch, folio 76, Kunsthistorisches Museum, Wien, KK.975

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Joris Hoefnagel, ( Frankfurt, 1591-1594)    Georg Bocskay, 1571-1573, Schriftmusterbuch, folio 76, Kunsthistorisches Museum, Wien, KK.975

Joris Hoefnagel, ( Frankfurt, 1591-1594)    Georg Bocskay, 1571-1573, Schriftmusterbuch, folio 76, Kunsthistorisches Museum, Wien, KK.975

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Joris Hoefnagel, ( Frankfurt, 1591-1594)    Georg Bocskay, 1571-1573, Schriftmusterbuch, folio 76, Kunsthistorisches Museum, Wien, KK.975

Joris Hoefnagel, ( Frankfurt, 1591-1594)    Georg Bocskay, 1571-1573, Schriftmusterbuch, folio 76, Kunsthistorisches Museum, Wien, KK.975

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Dans la partie haute du panneau, le peintre a suspendu un rapporteur, une équerre, une règle graduée, un compas d'épaisseur, un fil à plomb. Les outils d'un géomètre, d'un maçon ou architecte plutôt que ceux d'un géographe.

— A la bibliothèque, je n'ai compté que 4 ouvrages traitant des Arts mathématiques.

 

 

 

Porte du fond, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Porte du fond, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

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— Voyons la partie basse du panneau. Quel est cet objet doré ?

— Un cadran solaire, avec son style triangulaire central projetant son ombre. Une fois de plus, il faudrait revenir avec un expert en gnomonique, et pouvoir scruter la peinture à la loupe.

— El les lorgnons ! Avec quel humour ils sont accrochés à des traits graphiques purement décoratifs, sans aucune réalité concrète !

 

Porte du fond, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Porte du fond, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

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Le panneau inférieur.

Il représente un hommage au cabinet de physique du duc de Bourbon.Un peu de lecture : 

 

Germain Bapst , Histoire d'un cabinet minéralogique,  Revue des Deux Mondes, tome 110, 1892 

"Le duc de Bourbon, premier ministre de Louis XV, après la mort du régent, avait fait, dans les opérations de Law, une fortune colossale. Disgracié et exilé dans son château, en 1726, à l’arrivée au pouvoir de son successeur, le cardinal Fleury, il se livra à l’étude de l’histoire naturelle et s’occupa à réunir une collection des plus complètes.

A peine est-il retiré à Chantilly, où il vit dans la plus grande opulence, qu’il recrute des correspondants dans toutes les parties du monde : tantôt il prie le supérieur des Récollets du Canada de lui envoyer les types des oiseaux les plus bizarres de l’Amérique du Nord ; une autre fois, il donne mission à un capitaine de vaisseau de la compagnie des Indes de lui rapporter tout ce que l’on peut acheter de coquillages dans les Indes occidentales. D’autres missionnaires, jésuites, lazaristes ou franciscains et des diplomates même, sont sans cesse chargés de lui procurer des pièces pour sa collection ; à Paris, enfin, il achète à des marchands, ou se fait céder par des amateurs, des séries d’objets déjà toutes constituées [1]. Aussi, lorsqu’il meurt, en 1740, le cabinet de Chantilly existe-t-il déjà, et son fils et héritier, le futur généralissime de l’armée émigrée, appelle pour le diriger un savant français du nom de Valmont de Bomare .

La minéralogie était de beaucoup la partie la plus importante de ce cabinet. [...trouva place dans ] ..la première des quatre salles de la galerie d’histoire naturelle qui existaient au moment de la Révolution.

La première était le cabinet de physique ; on y pénétrait par une galerie célèbre dans l’histoire du château, nommée galerie « des Conquêtes » ou des « Actions de M. le Prince , » parce que les victoires du grand Condé y étaient représentées en douze grands tableaux. [...].

En entrant par la galerie « des Conquêtes » dans ce cabinet de physique, qui était à l’un des angles du château, on trouvait à gauche et en face des fenêtres qui éclairaient la pièce, des séries d’armoires ou vitrines murales renfermant des instruments de physique.

Entre les croisées, il y avait d’autres vitrines et, dans le fond, au milieu du panneau, on voyait le fameux meuble minéralogique, ayant, devant lui, au centre, divers objets de dimension assez grande tels qu’un planétaire, des télescopes, une balance romaine, etc."

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On trouve ici représenté un télescope, une sphère céleste , dite sphère armillaire, et un buste de femme, dont le seul indice d'identification est un croissant dans les cheveux, évoquant Diane.

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Porte du fond, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Porte du fond, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

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Le panneau intermédiaire.

 

.Je vous le présente maintenant , car il est en rapport avec le cabinet d'histoire naturelle du duc, qui vient juste après le cabinet de physique. je reprends ma lecture : 

"AncrePar un passage étroit, dont les murs étaient entièrement couverts de panoplies, d’armes et de vêtemens de sauvages, on pénétrait dans trois autres pièces consacrées au cabinet d’histoire naturelle proprement dit. Elles étaient, comme la première, garnies tout autour d’armoires et de gradins au centre. Dans les armoires se trouvaient des bocaux, des oiseaux et des animaux empaillés, et sur les gradins, des coquillages et d’autres objets qui n’avaient rien à redouter des injures de l’air ni de la poussière. Au plafond et au-dessus des portes étaient accrochés des crocodiles empaillés, des lézards, des cornes de cerfs et de rennes, des fanons de baleines, des noix de coco et d’autres objets analogues, qui aujourd’hui nous paraîtraient d’une ornementation un peu bizarre."

 

Certes, les éléments les plus faciles à identifier, ce sont les dix grelots dorés suspendus par de grands anneaux à une ficelle —un ruban si vous voulez— aux supports fictifs. Par les sons cristallins qu'on imagine tinter au moindre souffle, ils confèrent une légèreté de bon aloi, légèreté à laquelle participent aussi les plumes jaunes ou rouge et bleu qui hérissent en joyeuse crinière les formes chimériques dorées, mi-feuillage, mi-concrétion marine. 

— Cela me rappelle ces vers de  Voltaire dans La Pucelle, chapitre III

Voici le temps de l'aimable Régence,

Temps fortuné, marqué par la Licence,

Où la Folie, agitant son grelot,

D'un pied léger parcourt toute la France,

Où nul mortel ne daigne être dévot,

Où l'on fait tout, excepté pénitence

— Oui, Huet met des grelots partout, c'est presque sa marque de fabrique.

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Mais au centre, nous trouvons un flacon de verre serti sur un support doré, et, si nous y prêtons attention, nous découvrons à l'intérieur un orthoptère (plus vraisemblablement qu'une libellule). Les longues antennes le classent parmi les sauterelles. Peut-être Tettigonia viridissima.

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Les autres formes sombres de la boite entomologique sont donc d'autres insectes.

Dites, c'est passionnant, car le cabinet d'histoire naturelle de Chantilly était de tout premier ordre !

 Dezallier d'Argenville  l'a décrit en 1742 , je devrais vous trouver ça sur mon portable...Voilà, écoutez :

Ancre" Le Cabinet de M. le Duc de Bourbon , qui se voit à Chantilly proche Senlis , à dix lieues de Paris, réunit toutes les parties de l'Histoire Naturelle dans deux pièces de suite, placées à l'entrée du petit Château. La première de forme longue toute entourée d'armoires, offre une grande quantité de Bocaux étiquetés aux armes du Prince. Cette pièce consacrée au régne Minéral, outre les Bols, les Sels, les Souphres, les Bitumes, les fossiles, et les Pierres figurées qui s'y voient en abondance, expose les Pierres précieuses parmi lesquelles se remarque une Améthiste renfermant une bulle d'air qui suit la direction qu'on lui donne , & quantité de Dendrittes . La suite des Métaux, et des Minéraux de France et d' étranger , est des plus complètes, on y voit plusieurs végétations chymiques en or ou en argent. Les tiroirs qui occupent le bas des armoires, sont remplis de quantité de Pétrifications , de Congellations , de Cristallisations , de Marbres , Icthyopetres , Ardoizes arboriées d'Allemagne, de Suisse et de saint Chaumont. La deuxième pièce qui est plus grande & de forme quarrée, renferme le règne Végétal de l'Animal. Des armoires pareilles à celles de la première pièce , contiennent des Bocaux remplis de fruits , de feuilles d'arbres, de plantes terrestres et marines de l'Europe & des Païs étrangers , des bois differens , des plumes de diverses parties Animales, Le Plafond est orné de grands Poissons de Reptiles & d'Amphybies. On trouve dans les tiroirs d'en bas les Eponges, les Coraux , les Plantes marines , ou les Coquillages compris dans quatorze tiroirs , partagés en compartimens revêtus de Taffetas verd , où chaque pièce est encastrée avec beaucoup d'art. On a pratiqué dans la croisée en face de la cheminée des gradins garnis de Phioles, dont l'arrangement est de bon goût. Les vitres de cette croisée sont peintes en jaune, pour faire un fond agréable à toutes ces belles choses : y on y voit des Serpens , des Oyseaux, des Reptiles , des Madrépores, de très belles Roches , d'Amethiste et de Calcédoine Orientales  Dans une petite antichambre à côté, est une armoire en vernis rouge , remplie de tiroirs, où sont arrangés sous des verres et dans des tubes, différens insectes rares & curieux."

AncreAncreAncre AncreAncreL'armoire en vernis rouge ! Ses tiroirs ! Ses verres et ses tubes ! Ses insectes rares et curieux ! Ils m'apparaissent ! 

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Porte du fond, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Porte du fond, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

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b) Le vantail de gauche : le singe sculpteur.

— Ah, je vous réserve une surprise ! Mais regardons le panneau supérieur : un singe portant bésicles, tablier jaune sur robe blanche...et amarante, un foulard à franges sur les épaules, un bonnet où se dresse l'inévitable et ridicule plumet, s'affaire devant un bloc de marbre. Il a posé maillet, marteau à tête triangulaire, ciseaux, pointerolle, et il vérifie au fil à plomb la verticalité du bloc qu'il a dégrossi. Il a dessiné l'épure des contours d'une statue de femme grecque  à l'aide d'une pierre noire ou d'un crayon de maçon. Le modèle qu'il reproduit est placé au dessus de lui, c'est, à l'antique,  une femme à la toilette, tentant de dissimuler sa poitrine et de ramener le pan de sa robe tandis qu'elle se sauve.

Le singe sculpteur, Porte du fond, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Le singe sculpteur, Porte du fond, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

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— je fais circuler une copie de la planche gravée du Peintre sculpteur de Huet .

 

Le Sculpteur, pl. 12, C. Huet, Singeries, ou actions...Guélard 1743.

Le Sculpteur, pl. 12, C. Huet, Singeries, ou actions...Guélard 1743.

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— Et la surprise ?

Je suis sûr que vous n'avez rien remarqué de particulier, mais approchez-vous, en prenant garde au mobilier. Voyez, sur le bloc de marbre, on peut lire une date. Non ?

— Si ! 1757 ?

—   Nicole Garnier, lors de sa préparation en 1994 du catalogue des peintures du XVIIIe, s'est aidée de la lumière ultra-violette (lampe de Wood) et elle a lu : 1737Or, auparavant, cette Grande Singerie était attribuée à Watteau, notamment par le duc d'Aumale et par Goncourt, mais Watteaui est décédé en 1721. Cela l'excluait donc, de même que les autres candidats comme Jean Berain, célèbre comme son père dans les arabesques mais décédé en 1726.

Et Claude Autran III, qui avait eu Watteau comme élève ? C'est le maître du genre des arabesques et des grotesques  ! C'est lui qui a peint les plafonds  de l'hôtel de Flesselles et de l'hôtel de Mme de Verrue. Sans compter celui récemment découvert à Paris, rue de Condé !

C'était un candidat de choix, mais il est décédé en 1734.

Et Claude Gillot ?

Il était mort depuis 1722 !

Aussi cette date a permis d'attribuer sans ambages la Grande Singerie à Christophe Huet. Remarquez que le boudoir de la Petite Singerie porte elle aussi un indice permettant de l'attribuer à Huet : sous le jeu d'arc surmonté des armes de Condé , on lit PRIX RAMPORTE 1735. C'est cohérent, car Huet travaillait en 1734-1735 pour la famille de Condé.

Et au château où nous nous trouvons, nous sommes passé dans la chambre du prince de Condé où nous avons vu cinq tableaux animaliers de Christophe Huet, où celui-ci s'est inspiré des animaux de la ménagerie de Chantilly ! 

Certes, mais ces cinq tableaux ont été peints en 1735 pour Mademoiselle de Clermont, Marie-Anne de Bourbon-Condé, la sœur du prince, pour son hôtel parisien du Petit-Luxembourg.

Le singe sculpteur, Porte du fond, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Le singe sculpteur, Porte du fond, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

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Panneau intermédiaire.

Il ne manque pas de charme et d'ironie non plus, puisqu'il représente deux oiseaux posés sur des dentelles dorées autour d'un miroir : celui-de droite s'y mire, s'y découvre déformé et grossi, et gonfle ses plumes comme s'il était en  face d' un mâle concurrent.

 

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Panneau intermédiaire,  Porte du fond, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Panneau intermédiaire, Porte du fond, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

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Panneau inférieur.

Parmi les rinceaux et guirlandes, les mousselines vaporeuses et les couronnes, les lignes d'arabesques en volutes et en formes géométriques, les coiffes de plumes faisant l'éventail, les faveurs de velours et les rubans noués,  un premier miroir est suspendu à un abat-jour, puis un miroir à main est lié à une canne et à un autre objet que je n'identifie pas.

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Bas de porte, Porte du fond, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.
Bas de porte, Porte du fond, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Bas de porte, Porte du fond, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

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V. L'Idole chinoise, d'après la déesse Ki Mâo Sao de Watteau. L'Europe. L'Odorat.

Que voyez-vous ?

Une dame sous une tonnelle,  accoudée à un banc de jardin, parmi les fleurs. Des pêchers ou cerisiers comme au Japon, mais où se remarquent des gousses comme des pois-de-senteur.

Ah "senteur", je te crois, car un peu plus haut, les fleurs par brassées (pivoine ? roses?) sont si épanouies qu'elles doivent embaumer. La dame doit être enivrée.

Et elle tient une ombrelle...

Non, ce n'est pas une ombrelle, mais un jeu d'enfant, un moulin à vent en papier ! Je t'assure !

Et dans l'autre main ? Prêtes-moi les jumelles...ah c'est trop drôle, c'est une sorte de marotte à quatre faces qui doivent tourner au vent et faire sonner les petits grelots qui y sont attachés : drelin drelin, drelin drelin...Et le plumet bleu doit s'agiter avec des frou frou... C'est délicieux !

C'est la reine des zéphyrs et des effluves...

Regardez sa coiffure : une plume noire, légère, légère,  mais l'axe qui déploie la dentelle de gaze rouge ou transparente  se termine par un petit bras où quatre perles sont pendues. Si on ajoute les deux perles noires en goutte d'eau de ses oreilles, lorsqu'elle tourne la tête, ses Non Non Non doivent être accompagnées d'une cascade de clochettes !

Bleu, bleu pâle, blanc jaune, rose, les couleurs de sa robe, de sa veste sans manche et de sa ceintures sont un rappel adouci de celles du propriétaire de Chantilly.

Les deux singes sont prosternés et font monter vers elle les fumées de leur brûle-parfum. Où le peintre a-t-il été chercher cela ?

—  Il s’agit probablement d’un pastiche de la scène d’adoration de la déesse Ki Mao Sao peinte par Watteau pour un plafond du château de la Muette (détruit) et gravée par Aubert , Paris  1731 sous le titre "Idole de la déesse Ki Mâo Sao dans le royaume de Ming au pays de Laos ".

 

Montrez la reproduction que vous avez amené. Ah, mais Huet surpasse de beaucoup Watteau par sa fantaisie !

 

https://fr.pinterest.com/pin/463941199092758701/

 

 

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L'Idole chinoise, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

L'Idole chinoise, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

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L'Idole chinoise, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

L'Idole chinoise, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

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L'Idole chinoise, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

L'Idole chinoise, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

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L'Idole chinoise, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

L'Idole chinoise, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

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L'Idole chinoise, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

L'Idole chinoise, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

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Au dessus d'elle, quatre instruments sont suspendus : une mandoline, un tambourin sans peau, une corne en S comme un serpent, et le triangle où sont enfilés des anneaux de métal. De chaque coté, encore deux parasols à 12 grelots. Plus haut encore, des brûle-parfums.

Ô plaisirs des sens, ô polyphonie des sens jusqu'à l'ivresse ! Emmenez-moi à Chantilly sous Louis XV !

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L'Idole chinoise, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

L'Idole chinoise, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

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VI. L'Alchimiste. [L'Ottoman]. La Vue.

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Rapprochez-vous. Faites attention à l'écran de cheminée. Tout le monde voit ?

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Emprunt sur la toile de cette photo : Copyright François Pitrou-Charlie

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J'attendais d'être arrivé à ce panneau pour préciser que cette antichambre était destinée à accueillir les collections de porcelaine chinoise et autres objets extrême-orientaux du prince de Condé. Celles que vous avez admiré dans la salle des porcelaines du Musée Condé.

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   Animé par le souci d' éviter les importations coûteuses, le duc avait décidé, pour occuper son exil à Chantilly,  de rechercher le secret de la porcelaine de Chine et du Japon. Pour cela, il fit venir un chimiste nommé Cicaire Cirou, et créa une  manufacture de porcelaine tendre à Chantilly  entre 1725 et 1735 (cette porcelaine ne contient pas de kaolin, argile blanche dont les gisements en France ne seront découverts que dans la seconde moitié du XVIIIe siècle à Limoges). Le duc de Bourbon possédait une collection de porcelaines japonaises décorées à l'émail selon les techniques découvertes par Sakaida Kaikemon et poursuivies par sa famille. Il  en fit alors copier les décors , il fait construire illico une manufacture de porcelaine et, parallèlement, il crée pour son usage personnel une manufacture de laques et une manufacture d’indiennes, si proches des originaux qu’on ne peut les distinguer, selon les contemporains.   

   Jean-Antoine Fraisse, responsable de la manufacture d’indiennes, copie donc en 1735 les motifs "kakiemon" des porcelaines et les dessins des indiennes de la collection du duc de Bourbon, et les reproduit en taille-douce, procédé de gravure en creux sur métal, dans son Livre de Desseins chinois.  Nous sommes seulement deux ans avant la décoration de la Grande Singerie .

— Ce Livre de Desseins est-il dans la Bibliothèque de Chantilly ?

— Bien-sûr, c'est l'un des trois exemplaires enluminés à la main. La Bnf en possède un autre.  Je vous ai amené une planche, folio 55  mise en ligne par la Réunion des Musées Nationaux. Regardez les dignitaires prosternés, ceux qui tiennent des brûle-parfums, et vous imaginerez que Huet a pu s'en inspirer.

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Cette introduction étant faite, découvrons le panneau, et cherchons les indices permettant de décrypter le portrait de cet Alchimiste comme celui du duc industrieux.

 

 

 

 

L'Alchimiste, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

L'Alchimiste, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

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L'indice le plus évident, c'est ce grand mongol ou cet ottoman en bonnet et col de fourrure, robe à franges, chaussures pointues qui tient d'une main une longue cuillère plongée dans un pot, tandis que sa main gauche est posée sur un livre, comme une ménagère en train de suivre une nouvelle recette. Mais il regarde un bocal où sont conservés des serpents, dont on espère qu'ils ne figurent pas dans la liste des ingrédients du potage. Tout cela sent un peu la sorcellerie, d'autant qu'un dragon, certes de petite taille, traverse en volant le toit de la pergola.

Que contiennent les bocaux en grès ou en verre des étagères basses ? Vous arrivez à lire les étiquettes, vous ?

Là où vous voyez l'exercice de pratiques occultes, je ne vois qu'une description de la fabrication de la porcelaine. Le chaudron central, dont on pense qu'il est posé sur un brasero, domine une motte jaune crème accompagné d'un couteau : n'est-ce pas un bloc d'argile ? Je vous lis  la description de la fabrication de la porcelaine de Chantilly :  "Cette pâte est obtenue à partir de matériaux extraits des sols de la région (marne de Luzarches, sable d'Aumont, etc.) et de poudre d'os broyés. Cuite à plus basse température que la porcelaine dure, elle permet l'usage d'une gamme de couleurs sous couverte beaucoup plus variée." 

Dans ce cas, le singe de gauche est en train de dessiner un décor un un vase...qui n'est pas vraiment en porcelaine, tant-pis.

 

 

 

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L'Alchimiste, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

L'Alchimiste, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

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L'Alchimiste, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

L'Alchimiste, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

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Et le singe de droite, lui, est en train de peindre sur une feuille de papier-peint des motifs chinois car, même s'il s'applique sur un ananas assez proche de nos damas à grenades, je vois au dessus de lui une belle courtisane, un seigneur à chapeau pointu, et un guerrier .

Vous avez une bonne vue, ou une excellente imagination? Mais je suis d'accord, ce sont trois personnages orientaux.

 

C'est le portrait de Jean-Antoine Fraisse, en singe !

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L'Alchimiste, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

L'Alchimiste, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

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— Au dessus, deux hirondelles s'abreuvent à une vasque tulipée où sont dressées des fleurs blanches en pompon.

— Papa, c'est toujours les mêmes qui décrivent. A moi maintenant ! Moi je vois un serpent qui a été noué sous un abat-jour, et de l'autre coté un lézard sous son parasol. Pouah !

— Et moi un soufflet, comme Mamie pour sa cheminée!

— Et moi, un entonnoir !

— Un tamis !

— Papa, là, c'est une canne !

— Sur le coté, un seau et sa pelle !

— Dites, vous êtes venu avec vos six enfants !

 

 

L'Alchimiste, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

L'Alchimiste, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

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La description de la partie basse va être plus ardue. Un écureuil, bien-sûr...

...L'animal emblématique de Nicolas Fouquet, Surintendant des finances avant d'être déchu, mais à une autre époque.

...le symbole de l'épargne ?

...ou celui de l'économie ?

— Sans-doute un peu tout cela, car l'instrument sur lequel il est installé est considéré comme étant une presse à billets. Adieu la porcelaine, nous abordons un autre aspect de la personnalité du duc de Bourbon.

— Presse à billets ?

— C'est ce qui est écrit partout.

— Je reconnais plutôt là une presse à balancier, pour la frappe des monnaies !

— De la monnaie de singe !

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J'peux lire, p'pa, j'peux lire , dis ?

"Le balancier se présentait comme une presse agissant par percussion du flan par les coins au moyen d'un arbre posé sur un socle, portant une vis et muni de deux bras d'acier, qui étaient prolongés par de lourdes boules de plomb et actionnés par 8 à 12 hommes au moyen de courroies attachées à des anneaux à l'extrémité des barres. La vis portait le coin mobile qui venait frapper le flan posé sur le coin fixe. Les équipes se relayaient tous les quarts d'heure tant le travail était pénible et fatigant." (Wikipédia)

C'est en 1840 que cette presse fut supplantée par la presse à levier.

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Le duc de Bourbon joua un rôle clé dans le krach du système de Law, en se rendant  demandant en février 1720 au siège de la banque générale (devenue banque royale) rue Quincampoix pour y  convertir en or ses billets   pour un montant de 25 milions de livres, comme le fit au même moment son cousin le Prince de Conti, pour 14 millions. Le duc en sort grandement enrichi , mais Law démissionne le 29 mai de sa charge de Contrôleur général et s'enfuit de Paris en décembre.

La peinture de Christophe Huet reste évasive, et met en place des motifs que les invités du duc , conviés à admirer ici la collection de porcelaine, décryptent parfaitement comme un éloge du maître de Chantilly dans sa capacité à développer ses richesses. 

 

 

 

 

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L'Alchimiste, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

L'Alchimiste, Grande Singerie, château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

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C'est au cours de cette période qu'il joue un rôle clé dans le krach du système de Law, en demandant au printemps 1720 à convertir ses billets de la Banque générale en or, comme le fit au même moment son cousin le Prince de Conti.

 

Il s’était grandement enrichi (plus de 20 millions de livres) grâce au « système de Law ». Cela lui permettait de mener grand train à Chantilly où il entretenait un magnifique équipage de vénerie. Louis XV y passa un mois, du 30 juin au 1er août 1724, chassant presque tous les jours. Il y revint en 1725, y passant cette fois-ci deux mois (du 8 juin au 8 août).

 

 

 

 Après deux ans d’exercice, le duc de Bourbon se trouvait détesté de tous. Suite à l’effondrement du système de Law, il fallait assainir les finances, exercice qui rendait peu populaire, même s’il était en réalité conduit par le financier Joseph Paris Duverney. Un lit de justice fut nécessaire, le 8 juin 1725, pour faire enregistrer par le parlement de Paris les mesures fiscales indispensables.

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VII. La porte vers la Galerie des Batailles.

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L'un de ses vantaux nous offre un singe musicien, un autre un singe funambule, 

Porte vers la Galerie des Batailles, Grande Singerie,  château de Chantilly, photo lavieb-aile

Porte vers la Galerie des Batailles, Grande Singerie, château de Chantilly, photo lavieb-aile

1°) Le vantail de droite : le singe funambule.

a) le panneau supérieur.

C'est ce panneau supérieur qui montre un singe (à favoris blancs, et doté d'une longue queue) jouant un funambule. Il est vêtu d'une chemise blanche et porte des nœuds de satin rouge (ou "amarante") et bleus. Il s'agit peut-être d'une allusion au maître de maison, mais, dans tous les cas, la figure de l'acrobate s'aventurant dans les airs participe du ton général de ce cycle des Singeries, celui de la légèreté et de la grâce aérienne.

 

 

 

Singe funambule, porte vers la Galerie des Batailles, Grande Singerie,  château de Chantilly, photo lavieb-aile

Singe funambule, porte vers la Galerie des Batailles, Grande Singerie, château de Chantilly, photo lavieb-aile

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Singe funambule, porte vers la Galerie des Batailles, Grande Singerie,  château de Chantilly, photo lavieb-aile

Singe funambule, porte vers la Galerie des Batailles, Grande Singerie, château de Chantilly, photo lavieb-aile

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b) Le panneau intermédiaire.

Il reprend le motif des grelots dorés accrochés à un fil, qui évoque aussi les mouvements animés de l'air qui les mets en branle. On retrouve aussi le tambourin sans peau déjà rencontré. Un hautbois (ou chalemie, musette, ) est associé à un grelot d'argent. Nous retrouvons aussi les plumes bleues et blanches  en éventail sur une coque annelée et épineuse, jaune vif.

 

 

 

Porte vers la Galerie des Batailles, Grande Singerie,  château de Chantilly, photo lavieb-aile

Porte vers la Galerie des Batailles, Grande Singerie, château de Chantilly, photo lavieb-aile

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c) Le panneau inférieur.

Il porte un simple bouquet , et un couple d'hirondelles (approximatives) posées sur un support circulaire. Légèreté, fragilité éphémère de l'instant...

 

 

Porte vers la Galerie des Batailles, Grande Singerie,  château de Chantilly, photo lavieb-aile
Porte vers la Galerie des Batailles, Grande Singerie,  château de Chantilly, photo lavieb-aile

Porte vers la Galerie des Batailles, Grande Singerie, château de Chantilly, photo lavieb-aile

2°) Le vantail de gauche : le singe musicien.

Ce joueur de tambourin et de flûte, coiffé d'un chapeau de paille et vêtu d'un costume blanc comportant une veste longue à 8 boutons médians évoque les tambourinaires provençaux jouant une flûte à trois trous nommée galoubet

Image A. Bravay

 

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Image Velaux

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Image ici

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Le tambour du singe porte, bien-sûr, le soleil d'or et les couleurs bleu et blanc de l'étendard du Prince de Condé.

— Holà ! J'ai trouvé mieux : un dessin de Christophe Huet lui-même, de 1741 :

 

 

 

 

C. Huet, Le Tambourin, Pl. 11,  "Singeries ou différentes actions de la vie humaine, représentées par des singes,", Guélard 1743.

C. Huet, Le Tambourin, Pl. 11, "Singeries ou différentes actions de la vie humaine, représentées par des singes,", Guélard 1743.

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Singe musicien, porte vers la Galerie des Batailles, Grande Singerie,  château de Chantilly, photo lavieb-aile

Singe musicien, porte vers la Galerie des Batailles, Grande Singerie, château de Chantilly, photo lavieb-aile

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Le panneau intermédiaire.


Voilà un panneau qui m'intéresse ! Non pas pour le bleuet, les pois de senteurs, les anémones, et pas non plus pour l'escargot, (sans-doute quelque Helix aspersa ou Petit-Gris) ...

— Quoique... vous êtes sûr qu'il ne s'agit pas d'une forme enantiomorphe, dont la coquille est enroulée à gauche ? Car la coquille de tous les escargots terrestres est dextre, et non senestre , hormis quelques cas rarissimes ! 

— Là, je laisse cela aux spécialistes. Non, ce qui m'intéresse, c'est ce papillon. En 1737, Réaumur a déjà publié les deux premiers tomes de ses Mémoires pour servir à l'histoire des Insectes :

Tome I : Sur les Chenilles et les Papillons, Imprimerie royale, Paris, 1734, 654 p., 50 pl. .

Tome II : Suite de l'Histoire des Chenilles et des Papillons et l'Histoire des Insectes ennemis des Chenilles, Imprimerie royale, Paris, 1736, 514 p., 38 pl. . Il y donne les représentations précises (en planches gravées et donc monochromes) des principaux papillons autochtones.

Or, le papillon représenté par Huet n'a pas de réalité entomologique. Sa trompe en spirale pourrait être celle d'un Sphinx colibri, ses couleurs celles d'une Petite Tortue ou d'une Vanesse, et son ocelle, celle d'une Mégère ! Ce qui montre qu'au deuxième tiers du XVIIIe siècle, on peint toujours les papillons tels qu'on les imagine, et non comme on les observerait si on en prenait le temps. Il restent hors du champ du naturalisme scientifique. C'est d'ailleurs vrai dans cette  Grande Singerie pour toutes les espèces qui ne sont pas du gibier pour les chasseurs.

 

Mais sur un autre plan, les papillons manquaient jusque là dans ce grand déploiement du vocabulaire de la danse aérienne, après les fleurs agitées par la douce brise, les oiseaux, les plumes, les parfums et les rubans. 

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Porte vers la Galerie des Batailles, Grande Singerie,  château de Chantilly, photo lavieb-aile.

Porte vers la Galerie des Batailles, Grande Singerie, château de Chantilly, photo lavieb-aile.

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Le panneau inférieur.

 

Les leitmotiv reviennent ici à qui mieux mieux : grelots, plumes, plumes de paon, ombrelles en suspension balancées par le zéphyr, fleurs, fruits et cynorhodons, et la musique continue, avec ici sous un lutrin et sa partition, une viole de gambe à cinq cordes, un tambour, une guitare, une cornemuse, que Catherine et Jean-Luc Matte n'ont pas oublié de placer dans leur encyclopédie http://jeanluc.matte.free.fr/invchantilly.htm. Ils y détaillent "le sac vert et un seul tuyau visible : le tuyau mélodique, cylindrique, à léger pavillon et doté de 6 trous. Il est monté sur le sac via une petite souche en forme de tête animale."

— Et un serpent, comme sur le lutrin de Saint-Louis  à Brest, qui date de 1759 !

Maman, un serpent, c'est un instrument de musique ?

Puisqu'on te le dit !

Bien qu'il soit en bois, il appartient à la famille des cuivres. 

Nicole Garnier le désigne sous le nom d'ophicléide...

C'est une erreur, l'ophicléide est apparu près d'un siècle plus tard, tout équipé de clefs,  puisque son nom signifie précisément "serpent à clefs". 

Observons maintenant cet espèce de tête de Pierrot Gourmand sous son éventail de plumes : il porte un costume de bouffon, avec la collerette dentelée à grelots et le bonnet bicolore.

Et ses boucles d'oreilles à grelots aussi !

Il porte en guise de coiffe des ailes de papillon à ocelles et macules noires, sans aucune vraisemblance entomologique à nouveau. 

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Porte vers la Galerie des Batailles, Grande Singerie,  château de Chantilly, photo lavieb-aile.

Porte vers la Galerie des Batailles, Grande Singerie, château de Chantilly, photo lavieb-aile.

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Porte vers la Galerie des Batailles, Grande Singerie,  château de Chantilly, photo lavieb-aile.

Porte vers la Galerie des Batailles, Grande Singerie, château de Chantilly, photo lavieb-aile.

VIII. Le plafond.

 

La fortune amassée par le Prince de Condé lui permettait de mener grand train à Chantilly où il entretenait un magnifique équipage de vénerie. Louis XV y passa un mois, du 30 juin au 1er août 1724, chassant presque tous les jours. Il y revint en 1725, y passant cette fois-ci deux mois (du 8 juin au 8 août). La chasse est donc tout naturellement à l'honneur sur le plafond de la Grande Singerie.

Alors que les peintures précédentes étaient réalisées sur bois, celles-ci sont peintes sur plâtre, celui qui enduit le lattis de bois du plafond. Ce dernier a beaucoup souffert des infiltrations d'eau (il fut un temps où on ne se déplaçait pas dans la galerie voisine sans son parapluie), et le travail de Christophe Huet a été largement restauré.

 

Ce décor fonctionne peut-être en écho ironique de celui des  Grandes Écuries construites par l'architecte Jean Aubert à la demande de Louis-Henri de Bourbon en 1721. Dans la  Cour des Chenils  on y soignait  cinq meutes de chiens (500 chiens), alors que le personnel qui s’en occupait habitait à l’étage. Les écuries accueillaient  240 chevaux .

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1°) La chasse au sanglier.

C'est une action de chasse , celle où un sanglier grimpé sur un rocher est "au ferme", c'est à dire tenu sur place par la meute. C'est le moment culminant. Quelqu'un saurait-il préciser de quelle race sont les chiens blancs à taches noires ? "A l'époque de Louis XV, indique Guy de Laporte en 2004, le chien français de la vénerie princière a une robe toute blanche, avec quelques petites taches oranges, jaunes ou fauves disséminées, les oreilles foncées avec de nombreuses marques blanches et une bordure fauve dorée vers la face qui est blanche" (p.59)

A droite, un singe piqueur porte son cor en bandoulière, tandis qu'à gauche, un singe chasseur épaule son fusil.

Ce que je remarque, c'est la façon dont le réalisme de cette chasse est habilement superposé à une infrastructure parfaitement onirique de formes imaginaires (la "rocaille en or au centre), de feuillages et de fleurs qui font figure d'arbres, de palmiers fort déplacés à Chantilly, de fruits rouges (fraises ou cynorhodons) dont l'échelle n'est pas respectée, sans compter le réseau d'architecture bleu et or incluant des scènes à l'antique (qu'il faudrait identifier l'une après l'autre) : tout un monde dont l'extravagance ne nous choque pas, car chaque élément participe à l'impression générale féerique, joviale et festive, comme un ballet donné sur une scène de théâtre et dont personne ne nous demande d'être dupe plus d'un instant.

Rien à voir, donc, avec les sombres et héroïques tableaux cynégétiques  habituels, mais un coté déluré bien en accord avec le propos général des Singeries : l'art de singer les humains.

La tenue des singes est celle de la livrée de chasse de Chantilly, ventre-de-biche et amarante, avec pour le piqueur une ceinture bleue (couleur du prince de Condé) et pour le chasseur une gibecière ou une cartouchière.

 

 
 Plafond de la Grande Singerie,  château de Chantilly, photo lavieb-aile.

Plafond de la Grande Singerie, château de Chantilly, photo lavieb-aile.

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 Plafond de la Grande Singerie,  château de Chantilly, photo lavieb-aile.

Plafond de la Grande Singerie, château de Chantilly, photo lavieb-aile.

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2°) La chasse au daim.

Selon Guy Laporte, "de 1748 à 1760, les principaux animaux courus furent le sanglier et le chevreuil ; de 1760 à 1775, le cerf, le daim et le chevreuil ; de 1775 à 1785, tous les animaux courables." Sous le duc d'Aumale, "Le cerf et le sanglier sont donc les animaux de la vénerie des Princes, le chevreuil et le daim sont chassés épisodiquement faute de cerf, et sont souvent tirés avant d'être pris" (Chasse à courre, chasse de cour, 2004, page 54).

— Tonton, c'est quoi la différence entre le cerf et le daim ?

— Demandes à ta tante...

— Euh, la diff... le daim, c'est la femelle du cerf, non?

— Et le chevreuil alors ?

— C'est leur petit, quoi !

Un vieux monsieur, docte : Tout faux ! Ce sont trois espèces animales, le Cerf élaphe Cervus elaphus, le Daim Dama dama ...

— Le dalaï lama ?

— ... et le Chevreuil Capreolus capreolus.  La robe du cerf adulte est très différente de celle du daim par le fait qu'elle n'est tachetée en aucune saison (elle est brune rougeâtre l'été, et  gris brunâtre l'hiver). Tandis que le daim est fauve tacheté de blanc. Seule la robe du faon du cerf n'ayant pas encore atteint l'âge de six mois est ornée de mouchetures blanches. Pas de risque de se tromper : une robe tachetée d'un adulte, c'est un daim. Le chevreuil, lui, a une robe unie ; il  est aussi plus petit et moins lourd que le daim.  Les bois du cerf et ceux du daim sont également différents, car   le bois  du daim est plat,  terminé par une palette, ses bouts sont aplatis et palmés alors qu'il se finit chez le cerf par une empaumure formée de plusieurs pointes de section rondes ressemblant à des andouillers.  La queue du daim est plus longue que celle du cerf.

J'ajoute que si la femelle du cerf est est la biche, celle du daim est la daine et celle du chevreuil la chevrette. Et que les petits des trois espèces portent le nom de faon.

— Eh ben voilà, tu vois.  Maintenant, regardes sur le plafond pour vérifier.

— Sur le rocher doré, il y a un serpent. Et un oiseau dans son nid.

— Un faucon pèlerin . Et à coté, un oiseau blanc à crête jaune.

— Un dragon, à gauche. Un autre, à droite !

— Un faisan en vol, au dessus du singe. Tiens, ce singe en tenue de chasse de Chantilly part à l'attaque du daim avec un épée...

— Et le singe de droite porte son épée à la ceinture et brandit une dague. Je vois sa trompe de chasse !

— Non, c'est sa corne d'appel, retenue par son lacet de cuir. 

 Plafond de la Grande Singerie,  château de Chantilly, photo lavieb-aile.

Plafond de la Grande Singerie, château de Chantilly, photo lavieb-aile.

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3°) Chasse au filet.

 

 

Deux branches de jeunes saules ont été réunies et servent à accrocher un filet, vers lequel sera rabattu le gibier à plume levé par les chiens. Mais la chasse a pris fin, et un faisan est suspendu au filet, ainsi qu'un cor de chasse.  Deux chiens, blancs à taches fauves, se reposent. Dans le ciel évoluent des hirondelles et autres oiseaux, comme par une belle fin de journée d'été. Deux serpents grimpent dans le filet. Un porc-épic et un lièvre encadrent la scène.
 

 

 Plafond de la Grande Singerie,  château de Chantilly, photo lavieb-aile.

Plafond de la Grande Singerie, château de Chantilly, photo lavieb-aile.

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 Plafond de la Grande Singerie,  château de Chantilly, photo lavieb-aile.

Plafond de la Grande Singerie, château de Chantilly, photo lavieb-aile.

4°) Autre chasse au filet.

C'est le même dispositif d'un filet entre  deux saules (déracinés), mais ici un carquois, une corne,  une dague et une gibecière composent le trophée. Les serpents sont remplacés par des reptiles. Les chiens ont des taches noires et non plus fauves. Les mêmes oiseaux volent dans les airs, tenant dans leur bec les brindilles nécessaires à leur nid. Un lapin a remplacé le lièvre, et un écureuil le porc-épic. On retrouve la tenture damassée  bleue et or, peut-être aux armes du duc, à revers de rayures, de chaque coté du filet. Et aussi, en cherchant bien, on trouve le papillon qui ornait le milieu de porte, près d'un gland ou autre graine en train de germer.

 

 Plafond de la Grande Singerie,  château de Chantilly, photo lavieb-aile.
 Plafond de la Grande Singerie,  château de Chantilly, photo lavieb-aile.

Plafond de la Grande Singerie, château de Chantilly, photo lavieb-aile.

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 Plafond de la Grande Singerie,  château de Chantilly, photo lavieb-aile.

Plafond de la Grande Singerie, château de Chantilly, photo lavieb-aile.

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5°) Les quatre coins. 

a) La chinoise rouge au parasol.

Un paon ; un luth ; une clochette; une mandoline.

 Plafond de la Grande Singerie,  château de Chantilly, photo lavieb-aile.

Plafond de la Grande Singerie, château de Chantilly, photo lavieb-aile.

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b) Un chinois musicien.

Chinois à tresse rituelle robe rouge damassée de grenades d'or, portant une épée (?) à la ceinture et un étui en bandoulière. Un instrument de musique suspendu sous le parasol.

 

 Plafond de la Grande Singerie,  château de Chantilly, photo lavieb-aile.

Plafond de la Grande Singerie, château de Chantilly, photo lavieb-aile.

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c) La dame jaune.

Traits vaguement asiatiques. Robe bleue à fleurs ou feuilles argent. Instrument à cordes suspendu sous le parasol.

 

 Plafond de la Grande Singerie,  château de Chantilly, photo lavieb-aile.

Plafond de la Grande Singerie, château de Chantilly, photo lavieb-aile.

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d) Chinois en kimono bleu.

Chapeau de paille à grelot. Ustensile à long manche (lanterne ?). Lyre, ombrelle et moulinet à vent. Guirlandes de fleurs.

 Plafond de la Grande Singerie,  château de Chantilly, photo lavieb-aile.

Plafond de la Grande Singerie, château de Chantilly, photo lavieb-aile.

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La restauration de 2007-2008.

La Grande Singerie a connu plusieurs campagnes de restauration au cours de son histoire.  La précédente restauration datait de 1841, et avait été réalisée par les équipes du Louvre.

Celle de 2007 a été assurée par la Fondation pour la Sauvegarde et le Développement du domaine de Chantilly et le World Monuments Fund. Des mesures de conservation préventive et de protection des œuvres ont été prises, vue la rareté de cet ensemble décoratif. Cette dernière restauration s’est effectuée “en conservation”, rien n’a été démonté et restauré ailleurs. Le public a pu, de juin 2007 à janvier 2008, observer sur place, le travail de l’équipe des restaurateurs. Restaurateurs des peintures : Equipe Société ARCANES Cinzia Pasquali- Véronique Sorano (mandataires) . Restaurateurs de dorures : Atelier Mariotti (Nicolas Mariotti)

 

Le plafond de la Grande Singerie du Musée Condé de Chantilly, en cours de restauration, 2007

Le plafond de la Grande Singerie du Musée Condé de Chantilly, en cours de restauration, 2007

© Musée Condé de Chantilly

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Le mobilier en place :

Il s'agit de quatre chaises et un canapé en bois doré de Georges Jacob et d'un écran de cheminée avec une huile sur toile de Christophe Huet, La leçon de lecture des singes, acquis par le duc d'Aumale en 1880

 

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ANNEXE. Une initiation à la vénerie.

Conservé en archive d'un forum par "Rekkared, Archiviste" :

http://archivesrr.forumactif.com/t601-de-la-cynegetique-de-la-venerie

La cynégétique est l'art de la chasse dont une branche est la vénérie, l'art de la chasse à courre.


La vènerie est l'art de chasse avec des chiens courrants des animaux sauvages - lapin, lièvre, renard, cerf, daim, chevreuil, sanglier, loup & ours. 

Les principes de la vènerie médiévale

La vènerie repose sur l'action de chiens courants chassant en meute. Ce sont les chiens qui chassent l'animal couru jusqu'à sa prise, animal qui bénéficie de la fuite ou de la ruse pour sa défense.

Le rôle du veneur

Dès l'âge de sept ans, un maître-veneur devait lui apprendre à aimer et à soigner les chiens par tous les moyens, y compris le châtiment corporel. L'enfant devenait successivement "valet de chien", puis vers vingt ans, "aide" ; enfin, il "veneur", portant cor, couteau souvent estortoire, pour écarter les branches. C'était l’homme le plus important de la chasse à courre et son existence était dévouée à son métier. 

Le veneur devait soigner les chiens, entretenir les chenils, tresser des filets, relever les traces et débusquer l'animal, crier et sonner : il chasse "à cor et à cri", avec sa corne de chasse et sa voix, fait le bois avec son limier, chien courant employé à la recherche du gibier et se déplace à cheval ou à pied.

Le veneur, chargé de mener les chiens courant, prend soin de ne pas s'immiscer dans la confrontation entre la meute et l'animal chassé, mais il peut, s'ils tombent en défaut, les relever.

Il faut distinguer cinq races de chiens de chasse : l'alant, le lévrier, le courant, le chien d'oiseau et le mâtin. Hormis le lévrier, ce sont des chiens lourds et lents. Les chiens les plus forts et les plus sauvages étaient choisis pour chasser l'ours, le loup et le sanglier. Le lévrier était placé en tête en tête pour ses qualités esthétiques et sa sociabilité, et ensuite les chiens courants qui sont la base des meutes.

Un équipage doit découpler un nombre minimum de chiens courants créancés de races spécialisées. Ce nombre est fixé à :

30 pour le cerf et le sanglier, le loup et l'ours, 
20 pour le chevreuil et le daim, 
10 pour le renard, 
6 pour le lièvre et le lapin

Le déroulement de la chasse à courre

La vènerie médiévale était une chasse qui se pratiquait en dehors de la période de reproduction des animaux, soit en automne et en hiver.

Au jour dit, dès l'aube, le veneur s'en va "faire le bois" en forêt avec son "limier", afin de reconnaître l'emplacement des animaux susceptibles d'être chassés.

Ensuite, un "équipage" se rassemble dans un lieu ouvert avant la chasse. La chasse se déroule sous l'autorité d'un "maître d'équipage" qui reste à cheval, qu'il s'agisse d'une vénérie à cheval ou à pied, l'équipage chassant montée ou démontée, selon. Là, le maître d'équipage "prend le rapport", décide de se porter sur telle ou telle "brisée" et donne haut et fort aux membres de l'équipage, aux invités et aux suiveurs toutes les recommandations qui conviennent pour le bon déroulement de la chasse.

Les chiens sont ensuite emmenés sur le lieu choisi pour "fouler", derrière un veneur à pied ou à cheval. Si "l'attaque" est faite avec des "rapprocheurs", les chiens de meute devaient être donnés dès que possible après le "lancer", à la voie de l'animal déhardé ou encore donnés à l'écoute.

La chasse débute alors. Elle est ponctuée par les fanfares de "circonstances" signalées avec la corne de chasse et la voix du veneur, qui chasse "à cor et à cri", indiquant ses différentes phases : "la compagnie", "la vue", "le bien-aller", "le défaut", "le change", "le débuché", "le changement de forêt", "le relancé", "le bat-l'eau", etc... Si l'animal est pris, il sonne "l'hallali".

La prise marque la fin de la chasse. Au chevreuil, au renard, au lièvre et au lapin, les chiens "coiffent" l'animal pris. Au cerf, au sanglier, au loup et à l'ours, le veneur intervient pour servir l'animal qui tient les "abois" ou le "ferme". Les armes utilisées étaient l'épieu ou l'épée pour tuer alors l'animal. Par rapport à la fauconnerie, la vénerie offrait un plaisir plus sportif, plus violent et plus dangereux. C'était pour l'aristocratie une manifestation de sa force guerrière. Le maître d'équipage prenait toute disposition pour que cette conclusion soit aussi rapide et nette que possible.

Après la prise, la curée vise à rappeler les circonstances de la chasse, récompenser les chiens et saluer les participants, est sonnée selon le rituel de la vènerie.

La journée se clôturait par un banquet au cours duquel le gibier pris était consommé.
_________________
Sources :
- Centre d'études médiévales de Nice (org. par), La chasse au Moyen Age : actes du colloque de Nice, 22-24 juin 1979, "Publications de la Faculté des lettres et des sciences humaines de Nice", 20, Les Belles Lettres, Paris, 1980, 554 p. 
- LONGUEVIALLE Christian de (préf.) & ANTHENAISE Claude d', Le Livre de la chasse de Gaston Phoebus, comte de Foix [Gaston III, 1387-1391], Bibliothèque de l'Image, Paris, 2002, 94 p.
- TILANDER Gunnar (éd. avec introd., glossaire et reproduction des 87 miniatures du manuscrit 616 de la Bibliothèque nationale de Paris par), Gaston Phébus, Livre de Chasse, E. G. Johansson, Karlshamn, 1971, 453 p.
- Site officiel de la vénérie. 

 

SOURCES ET LIENS.

—Exposition 2011 Singes et Dragons. La Chine et le Japon à Chantilly au XVIIIe siècle  

http://www.institut-de-france.fr/fr/article/903-exposition-singes-et-dragons-la-chine-et-le-japon-%C3%A0-chantilly-au-xviiie-si%C3%A8cle

Bibliothèques et manuscrits du château de Chantilly.

http://www.bibliotheque-conde.fr/collections-et-catalogues/bibliotheque/manuscrits/

FRAISSE (Jean-Antoine) / GARNIER (Nicole), 2011,   Livre de desseins chinois d'après des originaux de Perse, des Indes, de la Chine et du Japon [Reprod. en fac-sim.] 1 vol. (159 p.) Fac-sim. de l'exemplaire conservé au Musée Condé, Chantilly. - En appendice, inventaire du duc de Bourbon Édition : Saint-Rémy-en-l'Eau : M. Hayot , impr. 2011 Éditeur scientifique : Nicole Garnier-Pelle

GARNIER (Nicole), PASQUALI (Cynxia)  SORANO STEDMAN (Véronique) , 2009,  « La restauration de la grande singerie de Christophe Huet à Chantilly »,  in Technê, n°30,  2009, Les peintres autour de Watteau.

 — GARNIER (Nicole), PASQUALI (Cyntia SORANO STEDMAN (Véronique), 2008, « Chantilly, musée Condé : Restauration de la Grande Singerie », N. Garnier, C. Pasquali, V. Sorano Stedman, in La Revue des Musées de France – Revue du Louvre, février 2008. 

 HUET (Christophe), 1741-1743,-  Singeries, ou différentes actions de la vie humaine représentées par des singes / gravées sur les desseins de C. Huet ; gravure de Guélard, édité par J. Guélard . 2 suites de 12 planches gravées à l'eau-forte.   Bnf Dept Estampes et photographie 4TF-11

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b55006444q

L'art des arabesques de Jean Berainhttp://www.meublepeint.com/jean-berain-style-reduit.htm

 

INIZAN (Christelle), 2011, -« Découverte à Paris d’un plafond peint à décor de singeries attribué à Claude III Audran, Antoine Watteau et Nicolas Lancret », In Situ [En ligne], 16 | 2011, mis en ligne le 22 août 2011. URL : http://insitu.revues.org/805 ; DOI : 10.4000/insitu.805 

LAPORTE (Guy) 2004, Chasse à courre, chasse de cour : fastes de la vénerie princière à Chantilly au temps des Condés et des Orléans, 1659-1910   La Renaissance du livre 2004 Collection Références  363 p. ; ill. en coul., couv. ill. en coul. ; 32 cm 

Singes et singeries à la Renaissance 

http://singeries.picnpin.com/singes-et-singeries-a-la-renaissance

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23 novembre 2015 1 23 /11 /novembre /2015 22:37

La mort d'un ami : Bataille de Zama, tenture de l'Histoire de Scipion.

Exposition Le siècle de François Ier, du roi guerrier au roi mécène", Chantilly du 7 septembre au 7 décembre 2015.

Voir aussi à propos de cette exposition :

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Je voudrais privilégier un détail de la Bataille de Zama présentée lors de cette exposition : au premier plan, mais à l'extrême gauche, un soldat romain se penche sur le corps sans vie de son ami, et il pleure. Autour de lui, la bataille du général romain Scipion contre son ennemi Hannibal déploie son tumulte, les éléphants barrissent, affolés par les sons stridents des trompettes et du joueur de serpent. Les cornacs hurlent leurs ordres. Les cavaliers chargent, l'infanterie repousse les bêtes monstrueuses avec des porte-feux.

Plus rien de cela n'existe pour celui qui a perdu son frère d'arme. Son chagrin crée autour de lui une bulle de silence, un cristal de glace au sein duquel brille l'essentiel. La certitude que ce qui vient de se briser avait une valeur supérieure, absolue. La Patrie, la Victoire, l'Honneur restent au seuil de cette parenthèse qui se referme comme un pavillon de deuil autour des deux amis.

C'est cette scène que je veux montrer ici, bien que je fasse figurer aussi les informations documentaires nécessaires.

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La pièce de la tenture exposée à Chantilly mesure 9 mètres de long et 4,80 mètres de haut. Je ne suis pas parvenu pas à la photographier en entier. Elle appartient aux collections nationales du Palais Royal de Madrid, après avoir été achetée en 1544 par Marie de Hongrie, sœur de Charles Quint et gouvernante des Pays-Bas.

Elle est l'une des premières rééditions de la tenture originelle de l'Histoire de Scipion, dite La belle tapisserie du roi,  que François Ier acquit auprès des ateliers de Bruxelles,  et qu'il acheva de payer en  avril 1535 : l'une des plus grandes de celles qu'il posséda, avec ses 22 pièces de 4,76 m de haut et son total linéaire de 143 mètres. Il l'avait commandé à Marc Crétif, marchand vénitien établi à Venise, après que ce dernier lui eut présenté 3  pièces. Selon Michel Hochman, elle avait initialement été réalisée pour le cardinal vénitien Francesco Corner, (1478-1543) pour son séjour à Rome lors du conclave de 1521-1522, dans le souci d'exalter l'origine légendaire de sa famille, les Corner affirmant descendre de la gens Cornelia, à laquelle appartenait Scipion l'Africain.

La Bataille de Zama (1544) de Jules Romain correspond, avec cinq autres panneaux de Madrid, à la première partie de la tenture Les Hauts faits de Scipion, les Gestes

La scène, tirée du récit de Tite-Live sur la seconde guerre punique dans l'Histoire de Rome (XXX, 33, 4-16), représente l'ultime bataille qui opposa Scipion et l'armée romaine aux Carthaginois à  Zama (Siliana, nord-ouest de la Tunise), en 202 avant notre ère . Les éléphants placés aux premières lignes de l'armée carthaginoise s'élancent sur les Romains, renversant hommes et chevaux. Sur la gauche, effrayé par le son de la trompette et du cor, un éléphant se retourne contre son propre camp. Au premier plan, Scipion, , entraîne ses hommes à sa suite et les encourage à repousser l'ennemi à coups de javelot et d'épée.

L'idée fondamentale de la composition a été de montrer l'armée carthaginoise, avec ses éléphants en première ligne, plaçant ainsi le spectateur dans la même position que les romains qui doivent les affronter.


 Rappel : Rome et Carthage.  Publius Cornelius Scipio, né en 235, assiste en 216 à la bataille de Cannes, remportée par Hannibal, qu'il considère alors comme un conquérant, à l'égal d'Alexandre et de Pyrrhus. En 211, Scipion est nommé proconsul, en Espagne et remporte des victoires sur les carthaginois. Le romain envisage un moment de porter la guerre directement en Afrique mais il est rappelé à Rome où il est élu consul, en 205. Il se voit attribué la Sicile et a pour mission de prendre Carthage. Scipion débarque près de Bizerte et remporte la victoire à Zama. Hannibal choisit l'exil et offre ses services au roi de Syrie, Antiochos III, qui désire combattre la puissance romaine. Il y retrouve son ancien rival, devenu Scipion l'africain. De nouveau battu, Hannibal se suicide en 183, la même année Scipion décède dans sa propriété de Liternum, où il s'était retiré. 

Revenons à la tenture de François Ier , qui fut brûlée en 1797 pour en récupérer les métaux précieux : elle comportait deux cycles distincts, Les Gestes et ses 12 pièces représentant divers épisodes glorieux de la deuxième guerre punique, jusqu'à Zama ; et les Triomphes, 10 pièces montrant l'entrée à Rome du vainqueur. Les premiers dessins qui servirent de modèles aux Gestes sont de Jules Romains et de Jean-François Penni, et datent des premières années 1520.  Les premières tapisseries pouraient dater de 1524. Puis François Ier aurait commandé des dessins complémentaires à Jules Romain.

 

Jules Romain,  dessin de la Bataille de Zama (détail) Musée Royaux des Beaux-Arts de Belgique

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Dessin conservé au Louvre inv.3717 selon Astier de la Vigerie 1907 :

 

 

Bataille de Zama, dessin, Louvre, in Astier 1907 planche XIII.

Bataille de Zama, dessin, Louvre, in Astier 1907 planche XIII.

Gravure de Cornelis Cort de 1567  (conservé au Metropolitan Museum ?) partiellement disponible en ligne (Wikipédia) : elle porte au dos, selon Astier 1907, l'inscription Ex archetypo Raphaelis Urbinatisquod est apud thomam cavalierum patricium romanum, excudebat Romae Antonius Lafrerius Scovani.

 

La tenture de François Ier fut fort admirée et fort copiée. Le Louvre conserve dix pièces d'une copie de copie par la manufacture des Gobelins sur des cartons de François Bonnemer. Jacques d'Albon, seigneur de Saint-André et maréchal de France depuis 1547, commanda à Bruxelles, probablement vers 1558,  une Histoire de Scipion en dix pièces représentant les hauts faits, dont six directement copiées sur la tenture du roi. A cette tenture d'Albon s'ajoute celle du Quirinal, celle du Palais Michiel, signée de Leyniers.

La tenture de Madrid possède une bordure à rinceaux, sans chiffres ni armoiries, sans personnages. C'est, selon Astier 1907, la plus voisine du dessin n°3717 du Louvre, quoiqu'il faille y ajouter "une bande de 1/4 environ à droite, où figurent deux cavaliers, de nombreux fantassins, ainsi que deux ou trois éléphants. Et une bande de 1,9 m environ où un homme court derrière les chevaux."

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Image http://fineartamerica.com/featured/battle-of-zama-16th-c-spain-madrid-everett.html

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Ma propre photo, bien médiocre :

 

Bataille de Zama, Tenture de l'Histoire de Scipion, Madrid.

Bataille de Zama, Tenture de l'Histoire de Scipion, Madrid.

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Les détails de la charge des éléphants, vaillamment repoussée par les Romains.

 

Bataille de Zama, Tenture de l'Histoire de Scipion, Madrid.

Bataille de Zama, Tenture de l'Histoire de Scipion, Madrid.

Bataille de Zama, Tenture de l'Histoire de Scipion, Madrid.
Bataille de Zama, Tenture de l'Histoire de Scipion, Madrid.

Bataille de Zama, Tenture de l'Histoire de Scipion, Madrid.

La mort d'un soldat, pleuré par son ami.

Bataille de Zama, Tenture de l'Histoire de Scipion, Madrid.

Bataille de Zama, Tenture de l'Histoire de Scipion, Madrid.

La mort d'un ami, Bataille de Zama, Tenture de l'Histoire de Scipion, Madrid.

La mort d'un ami, Bataille de Zama, Tenture de l'Histoire de Scipion, Madrid.

Des fleurs.

 

Bataille de Zama, Tenture de l'Histoire de Scipion, Madrid.
Bataille de Zama, Tenture de l'Histoire de Scipion, Madrid.

Bataille de Zama, Tenture de l'Histoire de Scipion, Madrid.

SOURCES ET LIENS.

ASTIER DE LA VIGERIE (Emmanuel Raoul d'), 1907– La belle tapisserye du roy, 1532-1797, et les tentures de Scipion l'Africain, Paris H. Champion, 398 pp

https://archive.org/stream/labelletapissery00asti#page/n123/mode/2up

—  HOCHMANN ( Michel) , 2004 – Venise et Rome 1500-1600: deux écoles de peinture et leurs échanges, Droz, 664 pp. https://books.google.fr/books/about/Venise_et_Rome_1500_1600.html?id=VVkFELS4m4oC&redir_esc=y

 


 

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6 novembre 2015 5 06 /11 /novembre /2015 10:18

Une pièce de la Tenture de l'histoire de Psyché (Sully-sur-Loire, >1609) : Psyché va chercher la laine d'or des brebis.

Exposition Le siècle de François Ier, Jeu de Paume, Chantilly.

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Le thème de Psyché, tiré du roman latin L'Âne d'or, de l'écrivain africain Apulée (IIème siècle après J.C.) connut un vif succès au moment de sa redécouverte au XVIème siècle. D'autant plus que le mythe de l'Amour et de Psyché se double d'une lecture allégorique et philosophique : Psyché signifie l'âme en grec et ses aventures symbolisent l'expiation, la rédemption et l'accession à l'immortalité de l'âme humaine. Ou de la façon dont l'Amour et la Beauté ont, pour l'être humain éphémère, quelque-chose d'impérissable. Dans une des péripéties de cette riche légende, Psyché est contrainte par Vénus, qui cherche la perte de cette humaine rivale, à récolter la laine de paisibles moutons, qui sont en réalité de terribles bêtes féroces si on les approche. Comment va-t-elle supporter cette épreuve ?

Vous le saurez en son temps, après avoir découvert les secrets de cette tapisserie. La résolution des épreuves initiatiques, cela se mérite.

Cette tenture de 3,60 m de haut et 5,10 m de large, en laine et soie, vient des appartements dits de Psyché du musée départemental du château de Sully-sur-Loire. Elle fait  partie d'un ensemble de six pièces ayant appartenu à l'épouse de Maximilien de Béthune II duc de Sully, et acquis par Gustave Lebaudy avec quelques souvenirs du ministre de Henri IV,  pour le château de Rosny-sur-Seine dont il était propriétaire depuis 1869. En 1994, elles ont été achetées après mise aux enchères de l'hôtel Drouot par  le Conseil Général du Loiret pour un montant de 910 000 Frs, et placées à Sully-sur-Loire. 

"Ayant figurées au château de Dizier (Loir-et-Cher), elles se trouvaient vers 1900 dans le hall d'entrée de l'hôtel Watel-Dehaynin, une grande demeure de la Belle-Époque, puis passa dix ans plus tard au château de Rosny, ancienne résidence de  sully (1559-1641) alors propriété de Paul Lebaudy.  C'est à ce même moment que la série fut étudiée par Max Petit-Delchet (1910)". (Vittet, 2009)

 

Ces tentures provenant d'un atelier parisien indeterminé et datée d'après 1609 (mariage du duc Maximilien de Béthune)  sont issues du retissage partiel d'une série de 26 pièces , d'une longueur totale de plus 126 mètres, qui a été acquis (et sans-doute tissé à son intention) par François Ier à des artisans flamands. Ces tapisseries contenaient des fils d'or et d'argent, ce qui a entraîné sous le Directoire leur destruction par le feu pour récupérer les métaux précieux...

La tenture de Sully-Crécy  qui nous occupe  a été datée par Jean Vittet vers 1609 grâce aux figures héraldiques visibles sur la bordure supérieure.  L'écu en losange signale que les armoiries sont celles d'une femme. Les armes en écartelé des familles de Béthune d'argent à la fasce de gueules  et de Créqui (ou Créquy) d'or, à un créquier de gueules attirent l'attention sur le mariage de Maximilien de Béthune II (1588-1634), le fils de "Sully" le ministre d'Henri IV , avec Françoise de Créquy : 

 Wikipédia : "Maximilien II de Béthune, marquis de Rosny, grand-maître de l'artillerie de France, fils du précédent ;  né en 1588, décédé le 1er septembre 1634, marquis de Rosny, prince d'Henrichemont, baron de Bontin, est un aristocrate français des xvie et xviie siècles.

Fils de Maximilien de Béthune, duc de Sully (1559-1641) et d'Anne de Courtenay (1564-1589), il fut Surintendant des fortifications et Grand maître de l'artillerie de France (1610) sous Louis XIII. Etant protestant, et beau-frère de Henri II de Rohan, il est démis de sa charge, en 1622.

Il épouse le 15 septembre 1609 Françoise de Créquy (morte le 23 janvier 1656), fille de Charles II de Créquy."

   

 

 

"Cette provenance semble confirmée par la présence du chiffre DB tissé en fils précieux sur la bordure inférieure, qui'il faut lire De Béthune, l'usage du XVIIe siècle étant parfois d'intégrer la particule dans le nom." (Vittet, 2009) Voir le chiffre de Henri de Béthune HDB relevée sur une reliure, et le chiffre  MPDH de Michel Particelli d'Hémery sur la tenture de Psyché du palais de Justice d'Orléans.

Néanmoins selon J. Vittet, la tenture n'apparaît pas à l'inventaire de Maximilien-François de Béthune (vers 1614-1661), fils unique de Maximilien II de Béthune et de Françoise de Créquy, alors qu'un ensemble de sept (et non de six) pièces d'une tenture de Psyché est mentionné dans l'hôtel parisien de Charles de Créquy, quai Malaquais, en 1687. Archives Nationales, Minutier central, CXIII, 135, 21 mars 1687 : Transcription des prisées du mobilier de l'inventaire dressé après le décès de "très haut et très puissant seigneur monseigneur Charles duc de Créquy, pair de France, prince de Poix ..." à la demande de sa veuve Armande de Lusignan, duchesse de Créquy", :

"Garde-meuble au dessus du grand escalier : 1 tenture racontant l'histoire de Psiché fabrique de Paris contenant sept pièces faisant vingt-cinq aulnes [20,50 m] sur 2 aulnes et demy [presque 3 m] de haut le tout ou environ doublé par bandes, prisé deux mil livres cy IIM livres."

Les six pièces de Sully mesurent, elles, 20,50 m sur 3,60 m.

Une série de six pièces.

La tenture de Sully-Créquy ne comporte, par rapport aux 26 pièces de son modèle appartenant à François Ier, que six pièces. Ce sont, pour reprendre les titres des gravures du Maître au Dé, :

  • Psyché desespéré par la fuite de l'Amour (fragment), 375 x 180 cm.
  • Psyché se jetant dans le fleuve, 365 x 240 cm.
  • Psyché raconte à ses sœurs son malheur, ou Les sœurs de Psyché la persuadent que son mari est un serpent, 360 x 340 cm.
  • Céres refuse d'aider Psyché, 368 x 320 cm
  • Psyché va chercher la laine d'or, 365 x 510 cm
  • Psyché sur la barque de Charon. 366 x 457 cm

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Armoiries parti Béthune et Créquy, tenture de Psyché, Psyché cherchant la laine d'or, Musée de Sully-sur-Loire, photographie lavieb-aile.

Armoiries parti Béthune et Créquy, tenture de Psyché, Psyché cherchant la laine d'or, Musée de Sully-sur-Loire, photographie lavieb-aile.

 

 

  .

On comparera la tenture à la gravure par le Maître au Dé du Musée du Louvre Inv. 4014, "Psyché allant sur l'ordre de Vénus chercher la Toison d'or" d'après un dessin perdu de  Michiel Coxie I, qui est une copie d'après Raffaello Santi, dit Raphael. 

 

 

 

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Pourtant, pour Jean Vittet, .les tapisseries de Sully-sur-Loire sont trop éloignées des gravures du Maître au Dé et de Veleziano pour accepter qu'elles aient inspiré les cartonniers. Il reprend donc l'hypothèse soulevée par Thomas Campbell, qui  voit dans le Flamand Pieter Coecke Van Aelst (1502-1550) l'auteur des cartons, en raison de la cohérence stylistique avec quatre autres tentures de Bruxelles réalisées pour les Habsbourg et les Médicis (les Poésies ; Vertumne et Pomone ; La Création du Monde ; La Conquète de Tunis). Pieter Coecke d'Alost , élève de Bernard Van Orley, accomplit un voyage en Italie avant de s'installer à Anvers en 1527 dans l'atelier de jan Van Dornicke, d'en épouser la fille et de succéder à son beau-père (inversement, sa propre fille épousera Pieter Brueghel l'Ancien). 

Comparer la Psyché présentée ici avec cette Ève : La Création du monde, Florence, Palazzo Putti avant 1551 : Dieu accuse Adam et Ève après la Chute. Tissée sous la direction de Jan de Kempeneer et Frans Ghieteels à Bruxelles Exposition Grand Design. Pieter Coecke van Aelst and Renaissance tapestry, Metropolitan Museum of Art, 2014-2015

.

En somme, ces tentures n'ont pas la même source que les célèbres vitraux de la Galerie de Psyché à Chantilly, qui ont été exécutés de 1542 à 1544 pour décorer la galerie du château d'Ecouen, construit  pour le Connétable Anne de Montmorency (1493-1567), compagnon d'armes et ministre du roi François Ier, puis du roi Henri II. Les vitraux s'inspirent en-effet des gravures exécutées en Italie par Agostino dei Mussi, dit Veneziano (1490-1540) et Bernardo Daddi dit le Maître au Dé (actif de 1532 à 1550) d'après des dessins attribués à Raphaël, mais dus probablement au flamand Michiel Coxcie (1499-1592).  C'est un ensemble de 32 gravures (plus une planche non numérotée) édité pour la première fois par Antonio Salamanca – marque Ant Sal. exc.— vers 1530, légendés de vers en italien .

Raphael a peint les cartons de la Loggia de Psyché de la Villa Farnesina  (1516-1517) de Rome pour Agostino Ghigi, riche marchand siennois devenu banquier du Saint-Siège , et en laissa la réalisation à Guilio Romano et deux autres peintres. Plusieurs décors ont été réalisés ensuite sur le même thème en Italie dans la première moitié du XVIe siècle, à Naples par Polidoro da Caravaggio, ou au Palais du té de Mantoue par Guilio Romano. Ou à Gênes par Perino del Vaga pour la villa de Fassolo de   l'Amiral Andrea Doria, et à Rome par le même artiste au château Saint-Ange pour le pape Paul III.

En effet, le courant humaniste néoplatonicien florentin et ferrarais a interprété l'histoire de Psyché comme "la pleine communion de l'âme (Psyché) avec Dieu, l'adhésion parfaite de la volonté et de l'esprit à la vérité, qui en est l'objet." C'est ce qu'écrit Marsile Ficin, membre de l'Académie néoplatonicienne réunie à la villa Careggi,  dans le De Voluptate (1547).  Précisons que l'Histoire de Psyché s'achève par les noces d'Eros et de Psyché, et la naissance d'une petite Volupté.

AUTRES TENTURES DE PSYCHÉ VERS 1660.

Tenture de Psyché au château de Pau.

Un autre ensemble de tenture est conservé à Pau, depuis le XIXe siècle :

  "  Elle provient de l'atelier parisien de Raphaël de la Planche, Rue de la Chaise. Elle est composée de six pièces, dont cinq sont visibles dans le salon attenant à la chambre du roi, dit de ce fait, Salon Psyché. Le premier tableau montre une vieille fileuse contant l'histoire de Psyché à une jeune captive ; dans le deuxième, Psyché est amenée à son époux, le troisième représente le somptueux mais solitaire repas de la jeune épousée et le quatrième sa toilette, enfin dans le cinquième tableau, Psyché, désespérée d'avoir perdu son époux, implore l'aide de la déesse Cérès. Crdp Bordeaux  

Catalogue Joconde

Tenture à 8 fils d'or, laine et soie, haute lisse,   351 cm x 313 cm

La vieille raconte l'histoire de Psyché. (342 cm x 317 cm)

Le repas de Psyché (351 cm x 409 cm)

La toilette de Psyché

Psyché au temple de Céres. (353 cm x 212 cm)

Psyché portée sur la montagne

 

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Les tapisseries du palais de Justice d'Orléans. (Avant 1650)

Jusqu'en 2015, quatre tapisseries de l'Histoire de Psyché étaient conservées au  Palais de Justice d’Orléans où elles ont été installées après la Révolution FrançaiseElles portent en bordure le chiffre MPDH  de Michel Particelli d'Hémery, né à Lyon en 1596, contrôleur-général en 1643 sous Mazarin puis surintendant des Finances en 1648 sous la régence d'Anne d'Autriche. Elles ont ensuite constitué un des trésors du château du Duc de Penthièvre à Châteauneuf-sur-Loire. 

Le 6 septembre 2013, sur proposition de la Première Présidente de la Cour d’appel d’Orléans et du préfet de la Région Centre, l’Etat suggérait de les déposer au château de Sully . Le Département du Loiret, propriétaire du lieu, a accepté ce dépôt et s’est engagé à restaurer ces tapisseries classées Monument Historique depuis 1909. Un partenariat financier avec l’État a ainsi permis de sauver ces œuvres et de les présenter pour la première fois au public dans la chambre du roi du château de Sully, en juin 2015.  (magcentre.fr)

On y trouve notamment :

  • Psyché accueillie par Zéphyr dans le palais de l'Amour. 305 x 115 cm
  • Psyché raconte à ses sœurs son malheur (ou : Les sœurs de Psyché la persuadent que son mari est un serpent), 305 x 310 cm.
  • .

Les tapisseries d'Azay-le-Rideau : vers 1560, Bruxelles, pour Giovanni Battista Castello pour son palais de Gênes,

  • Le repas de Psyché dans le palais de l'Amour.
  • Psyché reçoit ses sœurs dans le palais de l'Amour. Psyché découvrant l’Amour endormi ; Le sommeil de Psyché (?). 
  • Psyché et Cerbère.

(trois tapisseries de la même suite sont conservées à Londres et à Edimbourg).

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Les tapisseries du château de Cadillac (Gironde) :- scènes empruntées au   Maître au Dé, d’après Michel Coxcie, 1570-1580  Paris ou Fontainebleau.

 

  •  Zéphyr enlevant Psyché sur ordre de l’Amour
  • Psyché fait des présents à ses sœurs
  • Psyché regardant l’Amour endormi,
  • Psyché à la poursuite de Cupidon.

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Les tapisseries du château de Fontainebleau.

Elles comportent une bordure "à fonds orange marquetée de jaune, avec rinceaux entremeslez de crotesques. Les armes de France dans le milieu du haut,  et dans le milieu du bas deux L couronnés"" (inventaire général du Mobilier) et le n° d'inventaire 47. Elles sortent de l'atelier parisien de Sébastien-François de la Planche (fils de Raphaël,  et petit-fils de François), rue de la Chaise au Faubourg Saint-Germain. Il reste 4 pièces de la série originelle de 6.

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PSYCHÉ VA CHERCHER LA LAINE D'OR, TENTURE DE SULLY-SUR-LOIRE.

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Tenture de Psyché,  Psyché cherchant la laine d'or, Musée de Sully-sur-Loire, photographie lavieb-aile.

Tenture de Psyché, Psyché cherchant la laine d'or, Musée de Sully-sur-Loire, photographie lavieb-aile.

 


 

Tenture de Psyché,  Psyché cherchant la laine d'or, Musée de Sully-sur-Loire, photographie lavieb-aile.

Tenture de Psyché, Psyché cherchant la laine d'or, Musée de Sully-sur-Loire, photographie lavieb-aile.

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Il est temps d'entrer dans le vif du sujet. Que représente cette tenture ? Et, avant cela, que raconte l'Histoire de Psyché ? En voici un résumé :

"La légende de Psyché est une longue nouvelle enchâssée dans L’Âne d’or (ou Les Métamorphoses) d’Apulée (iie siècle après J-C). Dans ce célèbre roman, l’auteur raconte les aventures d’un certain Lucius transformé en âne pour avoir voulu percer les mystères de la magie. Condamné à errer à travers le monde, Lucius est confronté à plusieurs situations au cours desquelles lui sont narrés divers récits qui le conduisent peu à peu à la « purification » de son être. Sur sa route, il rencontre une vieille femme qui lui raconte le mythe de Psyché.

Psyché, dont la beauté était telle que la déesse Vénus elle-même en était jalouse, était la plus jeune des trois filles d’un roi. De tous côtés on accourait pour l’admirer et des temples lui étaient dédiés. Un jour, Vénus, ne supportant plus l’affront que lui faisait la divine beauté de cette mortelle, ordonna à son fils Cupidon de la blesser d’une de ses flèches afin qu’elle tombe amoureuse de l’homme le plus misérable qui soit. Mais dès qu’il vit Psyché, Cupidon s’éprit d’elle. Avec l’aide de Mercure, le dieu de l’amour enleva Psyché, la conduisit dans son palais et s’unit à elle dans l’obscurité. Il ne lui révéla pas son identité et lui fit jurer qu’elle n’essaierait jamais de découvrir son visage ou ils le paieraient tous deux de leur bonheur. Ainsi, des nuits durant, Psyché ne voit pas son mystérieux époux. Poussée par la curiosité et les mauvais conseils de ses sœurs, elle ne peut cependant résister à la tentation, et, une nuit, allume une lampe et contemple Cupidon endormi. Par mégarde, elle laisse tomber une goutte d’huile brûlante sur le corps de son époux qui se réveille et disparaît. Désespérée, et l’ayant cherché en vain, elle se résout à faire appel à Vénus. Indignée (de la désobéissance de son fils) et toujours furieusement jalouse, la déesse impose à la jeune mortelle une série d’épreuves. De son côté, malheureux et dévoré par l’amour, Cupidon ne peut demeurer éloigné de Psyché : il la rejoint et demande justice auprès de Jupiter afin que soient reconnus leur amour et leur mariage. Jupiter convoque alors les dieux de l’Olympe à une assemblée qui décidera du sort de la jeune femme. Au final, l’immortalité est accordée à la belle et le mythe se termine par un repas de noces."

Les quatre épreuves sont les suivantes (Wikipédia) :

"D'abord, elle doit trier, en une soirée, un énorme tas de grains de variétés différentes. Par bonheur, des fourmis, prises de pitié, l'aident à accomplir sa tâche, et le tas est trié à temps.

Ensuite, elle est contrainte de rapporter à Vénus de la laine de moutons à la toison d'or

Puis elle doit rapporter de l'eau du Styx

Enfin, la jeune femme doit mettre dans une boîte une parcelle de la beauté de Proserpine, la reine des Enfers."

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La tenture représente la deuxième épreuve. Je vous propose de lire le texte de l'Histoire de Psyché par Apulée, dans sa traduction française :

Deuxième épreuve : les brebis à la toison d'or (L'Âne d'or, Chapitre VI, 11, 3 - 13, 1).

"Cependant Cupidon, confiné au fond du palais, y subissait une réclusion sévère. On craint qu'il n'aggrave sa blessure par son agitation turbulente : surtout, on veut le séquestrer de celle qu'il aime. Ainsi séparés, bien que sous le même toit, les deux amants passèrent une nuit cruelle. Le char de l'Aurore se montrait à peine, que Vénus fit venir Psyché, et lui dit : Vois-tu ce bois bordé dans toute sa longueur par une rivière dont les eaux sont déjà profondes, bien qu'encore voisines de leur source ? Un brillant troupeau de brebis à la toison dorée y paît, sans gardien, à l'aventure: il me faut à l'instant un flocon de leur laine précieuse. Va, et fais en sorte de me le rapporter sans délai."

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Tenture de Psyché,  Psyché cherchant la laine d'or, Musée de Sully-sur-Loire, photographie lavieb-aile.

Tenture de Psyché, Psyché cherchant la laine d'or, Musée de Sully-sur-Loire, photographie lavieb-aile.

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(Apulée, L'Âne d'or, chap.VI, 12, 1-5) : la rencontre avec le Roseau.

"Psyché court, vole; non pour accomplir l'ordre de la déesse, mais pour mettre un terme à ses maux dans les eaux du fleuve. Or, voici que, de son lit même, un vert roseau, doux organe d'harmonie, inspiré tout à coup par le vent qui l'agite et qui murmure, se met à prophétiser en ces termes :  Pauvre Psyché, déjà si rudement éprouvée, garde-toi de souiller par ta mort la sainteté de mes ondes, et n'approche pas du formidable troupeau qui paît sur ce rivage.  Tant que le soleil de midi darde ses rayons, ces brebis sont possédées d'une espèce de rage. Tout mortel alors doit redouter les blessures de leurs cornes acérées, le choc de leur front de pierre, et la morsure de leurs dents venimeuses;  mais une fois que le méridien aura tempéré l'ardeur de l'astre du jour, que les brises de la rivière auront rafraîchi le sang de ces furieux animaux, tu pourras sans crainte gagner ce haut platane nourri des mêmes eaux que moi, et trouver sous son feuillage un sûr abri.  Alors tu n'auras, pour te procurer de la laine d'or, qu'à secouer les branches des arbres voisins, où elle s'attache par flocons. "

 

Tenture de Psyché,  Psyché cherchant la laine d'or, Musée de Sully-sur-Loire, photographie lavieb-aile.

Tenture de Psyché, Psyché cherchant la laine d'or, Musée de Sully-sur-Loire, photographie lavieb-aile.

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Psyché et le Roseau, Tenture de Psyché,  Psyché cherchant la laine d'or, Musée de Sully-sur-Loire, photographie lavieb-aile.
Psyché et le Roseau, Tenture de Psyché,  Psyché cherchant la laine d'or, Musée de Sully-sur-Loire, photographie lavieb-aile.

Psyché et le Roseau, Tenture de Psyché, Psyché cherchant la laine d'or, Musée de Sully-sur-Loire, photographie lavieb-aile.

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(Apulée, l'Âne d'or, chap. VI, 13, 1)

"Ainsi le bon roseau faisait entendre à Psyché de salutaires conseils. Elle y prêta une oreille attentive, et n'eut pas lieu de s'en repentir; car, en suivant ses instructions, elle eut bientôt fait sa collecte furtive, et retourna vers Vénus, le sein rempli de cet or amolli en toison. "

 

Tenture de Psyché,  Psyché cherchant la laine d'or, Musée de Sully-sur-Loire, photographie lavieb-aile.

Tenture de Psyché, Psyché cherchant la laine d'or, Musée de Sully-sur-Loire, photographie lavieb-aile.

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Les brebis.

Elles sont représentées à l'extrême droite de la tenture

Bordure à monogramme et les Brebis,  Tenture de Psyché,  Psyché cherchant la laine d'or, Musée de Sully-sur-Loire, photographie lavieb-aile.

Bordure à monogramme et les Brebis, Tenture de Psyché, Psyché cherchant la laine d'or, Musée de Sully-sur-Loire, photographie lavieb-aile.

Détail de la tenture : végétation.

Tenture de Psyché,  Psyché cherchant la laine d'or, (détail) Musée de Sully-sur-Loire, photographie lavieb-aile.

Tenture de Psyché, Psyché cherchant la laine d'or, (détail) Musée de Sully-sur-Loire, photographie lavieb-aile.

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Les détails de bordure.

Les monogrammes.

Ils sont surmontés de la couronne ducale. Jean Vittet y lit — "peut-être" — les lettres CCKK, "renvoyant hypothétiquement au nom de Françoise de Créqui, voire à celui de Charles de Créqui (mort en 1687) (Vittet, 2009), dit "le duc de Créquy" car il était duc de Poix"  . Il était ami de Louis XIV et ambassadeur. Il y aurait alors discordance entre le chiffre CCKK et les armoiries féminines. Le décryptage des lettres entrelacées reste hypothétique. J'y lis pour ma part deux L  et deux C en miroir, réunis par un entrelacs.

 

Monogramme, Tenture de Psyché,  Psyché cherchant la laine d'or, Musée de Sully-sur-Loire, photographie lavieb-aile.

Monogramme, Tenture de Psyché, Psyché cherchant la laine d'or, Musée de Sully-sur-Loire, photographie lavieb-aile.

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Les six pièces de tenture présentées à Sully-sur-Loire présentent une magnifique bordure à figures et guirlandes de fruits, imitant les stucs en reliefs, dans l'esprit des encadrements des fresques de Fontainebleau, notamment ceux que Primatice créa pour ce château. Les figures allongées sur la bordure supérieure des tapisseries se retrouvent d'ailleurs exactement sur un projet d'encadrement de stuc conçu par cet artiste avant 1540 (Paris, Mobilier national). (Six tapisseries offertes à Charles Quint par François Ier reproduisent les peintures du plafond de la Grande Galerie de Fontainebleau). Les stucs en poudre de marbre sculptée de la Grande Galerie sont dus à Rosso Fiorentino, entre 1535 et 1537, puis au  Primatice  à partir de 1540 .  Ils associent des guirlandes de fruits et de fleurs, des putti ailés, des personnages allongés aux postures alanguis et aux formes allongées , des cuirs aux capricieuses volutes, et ces stucs prennent une importance égale aux fresques qu'ils encadrent.

 

Bordures de la Tenture de Psyché,  Psyché cherchant la laine d'or, Musée de Sully-sur-Loire, photographie lavieb-aile.
Bordures de la Tenture de Psyché,  Psyché cherchant la laine d'or, Musée de Sully-sur-Loire, photographie lavieb-aile.

Bordures de la Tenture de Psyché, Psyché cherchant la laine d'or, Musée de Sully-sur-Loire, photographie lavieb-aile.

 

 

Annexe : la vieille femme racontant l'Histoire de Psyché.

 

 

http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/joconde_fr?ACTION=CHERCHER&FIELD_1=REF&VALUE_1=50170000771

SOURCES ET LIENS.

— BERTHON (Guillaume) 2014, « Psyché à la Renaissance ou les renaissances de Psyché ? », Acta fabula, vol. 15, n° 3, Notes de lecture, Mars 2014, URL : http://www.fabula.org/acta/document8510.php, page consultée le 05 novembre 2015.

— VITTET (Jean), 2009, L'énigme de « L'Histoire de Psyché », L'Objet d'Art hors-série n°43, mai 2009, pp.33-43. 

— FERRIGNO (Amélie) 2013,, « Agostino Chigi et le mythe de Psyché », Cahiers d’études romanes [En ligne], 27 | 2013, URL : http://etudesromanes.revues.org/4114

— LA FONTAINE, Les Amours de Psyché et Cupidon (1669)

 http://www.mediterranees.net/mythes/psyche/lafontaine/raphael/psyche10.htm

APULEE, Les Métamorphoses, ou l'Âne d'or, Bibliotheca Classica Selecta  La traduction française retenue ici est celle parue dans M. Nisard, Pétrone, Apulée, Aulu-Gelle. Oeuvres complètes, Paris, 1860, p. 266-414

http://bcs.fltr.ucl.ac.be/Apul/meta0.html

— GRUBER (Gerlinde), VIREY WALLON ( Aude), 1995, –" Les tentures à sujets mythologiques de la grande galerie de Fontainebleau",  Revue de l'Art Volume 108  Numéro 1  pp. 23-31 

http://www.persee.fr/doc/rvart_0035-1326_1995_num_108_1_348198

MAILHO-DABOUSSI (Lorraine), 2010, Les tapisseries : étude d'une collection publique. In Situ n° 13. http://www4.culture.fr/patrimoines/patrimoine_monumental_et_archeologique/insitu/article.xsp?numero=13&id_article=mailho-507

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Published by jean-yves cordier - dans Chantilly
27 octobre 2015 2 27 /10 /octobre /2015 08:24

La lettre de Soliman le Magnifique à François Ier. Exposition Le siècle de François Ier au Jeu de Paume de Chantilly. Ma découverte des "Tughra".

Sur cette exposition, voir :

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La lettre en entier.

http://lionel.le.tallec.free.fr/2/TH/Enigme12/bismarklettre.jpg

Détail de la lettre.

 

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Il s'agit d'un rouleau de papier entoilé de 2,04 m de haut sur 35,5 cm de large  conservé à la Bnf sous la référence Supplément turc 822. Une succession de lignes d'écriture arabe tantôt à l'encre noire ou tantôt à la peinture dorée encadrent deux motifs calligraphiques bleus rehaussés de poudre d'or. Il porte la mention Istanbul, 14 serval 942 H6 avril 1536) 

L'élément bleu qui ressemble à une tête de crevette ou de shadok malicieux est le monogramme du sultan Soliman le Magnifique : le tughra (ou toghra). 

 

Ce document fait partie du groupe de lettres adressées par le sultan Soliman au roi de France François Ier entre 1525 et 1543. Le sultan entretenait aussi une correspondance avec différents éminents interlocuteurs européens, reflet du rôle de l’empire ottoman dans le Bassin méditerranéen au XVIe siècle. Dans le cadre de ces échanges diplomatiques, les drogmani (interprètes) jouaient un rôle de premier plan.  En 1536, l'ambassadeur Jean de la Forêt négocia des Capitulations, des accords commerciaux, sur le modèle de celles contractées entre la Sublime Porte et les villes de Venise (1540) et de Gênes. La première Capitulation a été conclue entre le vizir Ibrâhîm Pasha et l’ambassadeur.

Cette lettre avait été précédée d'une autre lettre de même format, datée de février 1526, dans laquelle le Sultan se déclarait prêt à aider François Ier, le Roi de France, emprisonné et son pays envahi, afin qu’il puisse en être libéré. (voir en annexe).

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La lettre.

L’administration, de plus en plus organisée sous le règne de Soliman (Süleyman  Kanuni, "le Législateur") , assiste le pouvoir central incarné par le sultan et le diwân, conseil suprême de l’État dirigé par le Grand Vizir. Une importante bureaucratie est au service de la chancellerie et la rédaction des documents officiels était confiée à des secrétaires oeuvrant par spécialité.  Les lettres sont toujours rédigées selon le même plan : invocation, titulature, contenu. 

a) Invocation et titulature.

La lettre  débute par une formule d’invocation et l’énoncé de la titulature du sultan :  quatre lignes dorées sont calligraphiées selon le mode  thuluth. Le thuluth (ثلث) est un style calligraphique inventé par Ibn Muqla pour les langues utilisant l'alphabet arabe. Considéré comme l'un des six styles canoniques de la calligraphie arabe, il se caractérise par de hautes hampes et est souvent utilisé pour les titres.

b) Le contenu

 Ses quatorze lignes sont rédigées en écriture dîwânî noire. L’écriture dîwânî, avec ses lettres serrées pour éviter les contrefaçons, est particulièrement utilisée pour les documents officiels. Le bilan de la campagne victorieuse d’Irak contre les Safavides est rapporté au roi de France. S’ensuit une partie consacrée à la réception de l’ambassadeur Jean de la Forêt par le diwânet à l’installation d’un ambassadeur permanent à Istanbul. (Jean de La Forest,  Abbé de Saint-Pierre-le-Vif à Sens, pro notaire et secrétaire du roi François Ier, il fut premier ambassadeur de France en Turquie de 1525 à 1538.)

c) La tughra.

Les Tuğra sont apparus à peu près en même temps que les signatures en Europe dans tous les États de culture turque, 

Le monogramme impérial ("Tuğra",  « tughra » ou « tugra » (en arabe : طغراء), ) enluminé en bleu et doré est apposé entre les deux parties du texte. Le nom du sultan rédigé en gros caractères naskhî vient occuper un large espace au-dessus des deux dernières lignes du texte. Les styles thuluth et naskhî appartiennent aux six styles de calligraphie (Aklâm-i sitta) apparus après la réforme mise en œuvre à l’époque abbasside, abondamment utilisés dans la calligraphie ottomane notamment dans les corans. 

L’élément le plus frappant de ce document est la tughra, qui ressort spectaculairement de la feuille.

La sere. est placé dans la partie basse. Elle comporte les lettres principales du nom du sultan, son titre, la kunya (« père de ») et, depuis  Mehmed II (1444-1481),  la formule al-Muzaffar da'iman « toujours victorieux ». On lit ici  Suleyman shah bin Selim shah han el-muzaffer daima  "Soliman, le fils de Selim, toujours victorieux".  La sere  est réalisée par un secrétaire spécialisé (tugrakes), d’après un dessin du nisanci, un membre titulaire du diwân. L’enluminure y apparaît dès le XVIe siècle pour les documents importants.

Ici, le sere bleu et or , un groupe de lettres formant le nom,  est décoré d’enroulements végétaux dorés ornés de petits motifs foliés et fleuris complétés par un semis de motifs en « s » évoquant des nuages tchi. On reconnaît le répertoire utilisé dans les ateliers ottomans dès le second quart du XVIesiècle, et qui apparaît abondamment sur la céramique d’Iznik. Le style « tughra » désigne d’ailleurs une série de pièces ornées de motifs concentriques bleus agrémentés de feuilles et de fleurs. Quant aux nuages tchi d’origine chinoise, abondamment représentés dans l’art timuride au XVe siècle, ils sont présents sur divers supports des arts décoratifs ottomans : céramique de la première moitié du XVIe siècle, textiles, reliures,...

La sere est complété par  :

  • les beyze (larges boucles à gauche du nom), en turc «œuf» ou "ovale". Selon certaines interprétations de la conception de la tughra , les beyze symbolisent les deux mers sur lesquelles les sultans exercent leur domaine: le cercle extérieur, plus large, est la mer Méditerranée et l'intérieur, plus petite, sur la mer Noire. 
  • les tugh ("hampes" ), sont les lignes verticales sur le haut de la tughra. Les trois tugh signifient l' indépendance. Les lignes en forme de S traversant les mâts sont appelés zülfe et elles rappellent que les vents soufflent de l'est à l'ouest, le mouvement traditionnel des Ottomans.
  •  les kol ou hancer  sont les deux lignes verticales représentant une épée ou un poignard,  symbole de pouvoir et de force. 

 

 

 

Source : http://www.bleublancturc.com/Turqueries/Soliman.htm /  Wikipédia.

 

 

http://www.offi.fr/expositions-musees/chateau-et-musee-de-la-renaissance-1798/francois-ier-et-soliman-le-magnifique-34900.html

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http://expositions.bnf.fr/montesquieu/albums/orient/

 

 

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Les photos que j'ai pu prendre lors de ma visite de l'exposition le 25 octobre 2015 se sont avérés de piètre qualité, notamment en raison du faible éclairage du document. Dire que les images sont disponibles sur Gallica ! Je l'ai découvert lorsque j'avais terminé cet article ! 

Néanmoins je  partagerai généreusement en ligne mes clichés...

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Le tughra de Soliman le Magnifique, 1536, Bnf Suppl. turc 822, photo lavieb-aile.

Le tughra de Soliman le Magnifique, 1536, Bnf Suppl. turc 822, photo lavieb-aile.

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La lettre comporte un autre élément calligraphique en encre ou peinture bleue, mais à propos duquel je n'ai pas trouvé d'informations.

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Lettre de Soliman le Magnifique, 1536, Bnf Suppl. turc 822, photo lavieb-aile.

Lettre de Soliman le Magnifique, 1536, Bnf Suppl. turc 822, photo lavieb-aile.

Les lignes d'écriture dîwânî noire .

 

Lignes 7 et 8 puis 9 et 10,  Lettre de Soliman le Magnifique, 1536, Bnf Suppl. turc 822, photo lavieb-aile.
Lignes 7 et 8 puis 9 et 10,  Lettre de Soliman le Magnifique, 1536, Bnf Suppl. turc 822, photo lavieb-aile.

Lignes 7 et 8 puis 9 et 10, Lettre de Soliman le Magnifique, 1536, Bnf Suppl. turc 822, photo lavieb-aile.

Lignes 12 et 13, Lettre de Soliman le Magnifique, 1536, Bnf Suppl. turc 822, photo lavieb-aile.
Lignes 12 et 13, Lettre de Soliman le Magnifique, 1536, Bnf Suppl. turc 822, photo lavieb-aile.

Lignes 12 et 13, Lettre de Soliman le Magnifique, 1536, Bnf Suppl. turc 822, photo lavieb-aile.

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Ligne 14, Lettre de Soliman le Magnifique, 1536, Bnf Suppl. turc 822, photo lavieb-aile.

Ligne 14, Lettre de Soliman le Magnifique, 1536, Bnf Suppl. turc 822, photo lavieb-aile.

Quelques Tughras.

 

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Document. La traduction de la lettre de février 1526 de Soliman à François Ier.

Lettre du Sultan Soliman le Magnifique dans laquelle il affirme être prêt à aider François Ier, le Roi de France, emprisonné et son pays envahi, afin qu’il puisse en être libéré.
1526

Allah le Très-Haut, Celui qui donne, Celui qui enrichit, Celui qui aide
Avec la diligence d’Allah gloire à Son Pouvoir, que Sa parole soit la plus haute,
Et avec les miracles du maître des Prophètes, le modèle du groupe des purs, Muhammad l’élu (SAAWS), celui qui est doté d’une barakah immense, avec le soutien des quatre âmes saintes, Abî Bakr, ‘Umar, ‘Uthmân et ‘Alî, qu’Allah soit satisfait d’eux tous et de tous les proches d’Allah.

Toghra [Monogramme İmpérial]
[Soliman, le fils de Selim, toujours victorieux]

Moi, qui suis le sultan des sultans, le souverain des souverains, le distributeur des couronnes aux monarques de la surface du globe, l'ombre de Dieu sur la terre, le sultan et le padichah de la Mer Blanche (Méditerranée), de la Mer Noire, de la Roumélie, de l'Anatolie, de la Province de Karaman, de la Province de Sivas, de la Province de Zülkadriye (Maraş), de la Province de Diyarbakir, du Kurdistan, de l'Azerbaïdjan, de la Perse (de l’Iran), de Damas, d’Alep, de l’Egypte, de Mecque, de Médine, de Jérusalem, de l’Arabie, du Yémen et de plusieurs autres contrées que mes nobles aïeux et mes illustres ancêtres conquirent par la force de leurs armes, et que mon auguste majesté a également conquises avec mon glaive flamboyant et mon sabre victorieux, sultan Suleiman-Khan (Sultan Soliman le Magnifique). Toi qui es François, le roi du pays de France. Vous avez envoyé une lettre à ma Porte, asile des souverains, par laquelle vous avez fait savoir que l'ennemi s'est emparé de votre pays, et que vous êtes actuellement en prison, et vous avez demandé ici aide et secours pour votre délivrance. Prenez donc courage, et ne vous laissez pas abattre. Il n'est pas étonnant que des empereurs soient défaits et deviennent prisonniers. Sachez que comme l’ont fait nos glorieux ancêtres et nos illustres aïeux ; moi aussi, ceint de mon sabre, je ne m’abstiens pas de faire des expéditions et des conquêtes. Je suis prêt en tout temps à guerroyer. Seule est exécutée, chose voulue par Allah. Vous apprendrez de votre agent (ambassadeur) ce que je ferais. 1526, İstanbul.

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ET APRÈS ?

Petits collés wikipédiesques à visée didactique :

 

EN 1532 : Antoine de Rincon / Janus Bey.

L'ambassadeur de France Antoine de Rincon semble avoir traité  avec Janus Bey, diplomate et interprète de Soliman le Magnifique  un sauf-conduit pour une ambassade du gouverneur ottoman d'Alger en 1532.

 

En 1538 : Antoine de Rincon, ( francisation de l'espagnol Antonio Rincón ) Seigneur de Germolles (Bourgogne), devient Ambassadeur de France auprès de la Sublime Porte  entre 1538 et 1541, chargé de renouveler l’alliance avec Soliman le Magnifique. Il est assassiné avec César Fregoso sur le Pô aux environs de Pavie sur ordre de l'empereur par le gouverneur du Milanais, Alfonso de Avalos (1502-1546), marquis del Vasto. Cet assassinat soulève une très grande émotion dans toutes les cours d'Europe.

 

Décembre 1541 :   François Ier décida alors d'envoyer auprès de Soliman Antoine Escalin des Aimars, dit Polin, né et mort à La Garde-Adhémar (1498?-1578) baron de La Garde-Adhémar, seigneur de Pierrelatte, Général des Galères du Roi de France, et commanditaire de la première Réale (vaisseau amiral de la flotte française). Il le charge de nouer avec lui une alliance militaire contre Charles Quint, dès décembre 1541, à la suite de la défaite de Charles-Quint au Siège d'Alger (1541).

Antoine Escalin se rend auprès de la Sublime Porte, porteur du projet de François Ier d'assaillir l'empereur Charles Quint de tous côtés, en « Ongrye », « Flandres », et « Espaigne ». Il convainc ainsi Soliman II d'envoyer auprès de François Ier Kheir-el-Din, dit Barberousse, en 1543.

Devenu le 21 mai 1542 « lieutenant général en […] l’armée de mer du Levant » du roi de France par lettre de chancellerie royale, il se retrouve de fait placé à la tête d'une entreprise qui choque toute la Chrétienté. Parti au printemps 1543 de Constantinople vers les côtes françaises, accompagné d'au moins 110 galères turques7 et de 27 000 hommes (Ottomans et de la régence d'Alger), il arrive au large de Cannes en juillet 1543. Afin de détourner la colère de Barberousse, furieux d'observer que rien n'avait été préparé sur place pour le confort de ses hommes, il obtient de François Ier la possibilité de mener à bien le siège de Nice, qui doit servir d'exutoire à la colère barbaresque.

À la suite de l'échec du siège de Nice, levé le 8 septembre 1543, il réquisitionne la ville de Toulon et en chasse les habitants : les hommes de Barberousse s'y installent jusqu'au printemps 1544.

Le chef barbaresque, plus furieux encore du fait que lui et ses hommes s'étaient vu refuser le droit de faire butin à Nice, exige d'Antoine Escalin qu'il le laisse rentrer auprès de son maitre, Soliman II, et qu'il l'accompagne. Antoine Escalin venait alors d'être nommé, en avril 1544, Général des Galères par le roi de France.

Cette dernière expédition à Constantinople nous est connue par un journal que tint l'aumônier de la Réale, navire amiral d'Antoine Escalin, nommé Jérôme Maurand, originaire d'Antibes.

Les Turcs pillèrent les côtes italiennes, avant que, par prudence, Antoine Escalin ne se détache de la flotte avec ses quelques bâtiments chrétiens afin de s'entretenir directement avec Soliman II avant l'arrivée de Barberousse à Constantinople. Il craignait que le rapport que ce dernier pourrait faire de son séjour en France n'entraine sur lui le courroux du sultan.

Les navires français quittèrent la capitale ottomane en septembre 1544.

 

 

— 28 décembre 1546, Compiègne, Aramon / Janus Bey.

 Lettre de François 1er au grand drogman « Janus Bei », Compiègne, 28 décembre 1546, Paris, Bibliothèque nationale de France, Ms. Occid. N.a.f. 7974, f. 1-2.Lettre  remise par Gabriel de Luetz. et contresignée par le secrétaire d'État Claude de L'Aubespine (coin en bas, à droite) 

Magnifique Seigneur par le Sr daramon n[ot]re conseiller et Maistre d'hostel ordinaire prñt porteur nous avons entendu la grande et bonne affection que avez envere nous et combien vous vous emploié..et de bon coeur. sieur Janus Bei, grant droguement du Grant Seigneur, 

1546 : Gabriel de Luetz.

Nommé officiellement par François Ier ambassadeur en 1546, en remplacement de son prédécesseur, Antoine Escalin des Aimars, Gabriel de Luetz connait déjà l'Empire ottoman en raison d'une mission antérieure en Turquie. C'est lui qui fit conclure, sous l'inspiration du pape Paul III, l'alliance entre Soliman II et le roi de France, contre laquelle Charles Quint poussa de si hauts cris. Il est resté célèbre parmi les diplomates français au Levant pour avoir accompagné Soliman le Magnifique dans sa longue et difficile campagne de Perse de 1548 à 1549, équipée relatée par un homme de sa suite, Jean Chesneau, dans son Voyage de Monsieur d'Aramon.

Gabriel de Luetz rejoint son poste à la Sublime Porte, accompagné par une vaste suite de scientifiques, Jean de Monluc, le botaniste Pierre Belon, le naturaliste Pierre Gilles d'Albi, le cosmographe André Thévet, le voyageur Nicolas de Nicolay qui publièrent leurs conclusions à leur retour au France et contribuèrent grandement au développement de la science en France pendant la Renaissance.

En 1547, lorsque Soliman le Magnifique attaque la Perse au cours de la deuxième campagne de la guerre entre Ottomans et Safavides, la France lui envoie l'ambassadeur Gabriel de Luetz pour l'accompagner dans sa campagne. Dans le cadre de l'Alliance franco-ottomane, Gabriel de Luetz donne des conseils militaires essentiels à Soliman, notamment lorsqu'il le conseille sur l'emplacement de l'artillerie au cours du siège de Van.

En 1551, le roi Henri II de France envoie l'ambassadeur Gabriel de Luetz depuis Marseille avec deux galères afin de rejoindre la flotte ottomane devant le port de Tripoli en Afrique du Nord. Officiellement il doit intervenir pour faire cesser le siège de la ville, tenue par l'Ordre de Malte, ce dernier n'étant pas alors reconnu comme ennemi de l'Alliance franco-ottomane contre les Hasbourg. Mais il ne peut qu'assister au siège de la ville et à sa prise par le grand amiral ottoman, Sinân Pacha. À cette occasion, l'ambassadeur obtint de ses alliés la grâce des Chevaliers de Malte qui avaient tenu la place. Son rôle sera par la suite très critiqué par Charles Quint et le pape Jules III, l'accusant d'avoir favoriser la chute de la ville.

À la fin de l'année 1551, Gabriel de Luetz, possédant une parfaite connaissance de l'Orient et ayant acquis une exceptionnelle expérience du pays et de ses gouvernants, rejoint la cour de Soliman à Edirne.

Gabriel de Luetz meurt en 1553 ou 1554 de retour en Provence, et son poste d'ambassadeur est transmis à .Michel de Codignac

SOURCES ET LIENS.

— Gallica : la lettre de Soliman, Supplément turc 822 :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84150019/f5.image.r=.langFR.zoom

http://www.qantara-med.org/qantara4/public/show_document.php?do_id=830

— Tughra : http://squarekufic.com/2015/05/07/tughra-the-unbearable-beauty-of-a-signature-and-its-custumization/

— Le site des tughra : http://tugra.org/en/index.asp

— http://cihanhukumdari.istanbul.edu.tr/Kanuni-Sultan-Suleyman-Fransa-Krali-Fransuva-Mektup.html

— https://fr.wikipedia.org/wiki/Alliance_franco-ottomane

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Published by jean-yves cordier - dans Chantilly

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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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