Le calvaire "aux trois larmes" (kersanton, XIVe siècle, Prigent ?) de la chapelle Saint-Herbot à Saint-Thonan et ses armoiries.
Ce calvaire de la chapelle Saint-Herbot est-il dû à l'atelier des Prigent ? Pour en juger, je propose de découvrir d'autres œuvres de Bastien ou Henry Prigent:
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Le calvaire de l'église de Dinéault (XVIe s, Prigent et XVIIe s. Roland Doré). (3 larmes)
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La chapelle Saint-Laurent de Rozalghen en Pleyben. Le calvaire (Bastien Prigent, vers 1555). (3 larmes)
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Les calvaires de l'église de Saint-Divy I : le calvaire de 1562.
Le calvaire (Fayet, 1552 ou Prigent 1542?) de l'église de Lopérec. (3 larmes)
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la Pietà du calvaire de la rue de Paris à Landerneau ( 3 larmes).
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La Collégiale du Folgoët XIII. Le calvaire. (Pietà : 3 larmes)
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La statue de saint Fiacre sur la chapelle Sainte Nonne de Dirinon.
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Le porche de l'église de Landivisiau III. Les apôtres et leur dais. Henry Prigent 1554-1565.
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Le porche de l'église de Landivisiau IV. Le bénitier, l'ange au goupillon.
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Le porche de l'église de Landivisiau VII. L'arcade intérieure et son tympan.
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Les sculptures extérieures du porche de l'église de Landivisiau.
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L'église Saint-Nicaise à Saint-Nic III. La Pietà en kersanton polychrome par les frères Prigent. (3 larmes)
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L'église de Guipavas III : les Apôtres du porche nord (1563).
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L'église Sainte-Marie-Madeleine de Dinéault IV. La statue de sainte Marguerite.
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La Collégiale Notre-Dame du Folgoët. V. Les statues de kersanton par l'atelier des Prigent (1527-1577). (Saint Yves, Vierge à l'Enfant, Christ aux liens ...)
et hors blog:
Attribution personnelle hors catalogue Le Seac'h :
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Le Noli me tangere et le Repas d'Emmaüs du Pénity de Locronan. (3 larmes)
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Ploéven II. La Déploration de l'église.(3 larmes)
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Saint-Ségal : le calvaire du bourg (vers 1550 et 1630, kersanton, atelier Prigent et Roland Doré) (3 larmes)
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La Pietà aux trois larmes (kersanton, XVIe, atelier Prigent) de la croix de Tal-ar-Groas à Crozon. (3 larmes)
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PRÉSENTATION. Site de la commune.
"La chapelle de Saint-Herbot est située au sud de la commune, en bordure de la VC1 menant vers Landerneau. Auparavant rattachée au domaine du Botiguéry, la commune de Saint-Thonan est devenue propriétaire de l'édifice en 1958 par acte de donation des époux Villiers, propriétaires du domaine.
Edifiée au XVIème siècle, la chapelle au plan rectangulaire est surmontée d'un clocheton carré couvert d'une flèche. Les rampants sont hérissés de crochets Renaissance et se terminent par des gargouilles en forme d'animaux symboliques. La porte gothique est surmontée d'une statue de saint Herbot, saint patron des bêtes à cornes.
La chapelle abritait plusieurs statues en bois polychrome datant également du XVIème siècle. Elles ont été restaurées. Quatre statues ont été replacées dans la chapelle et deux autres sont conservées en l'église Saint-Nicolas, située au bourg.
En 1987, la couverture de la chapelle, la porte et les vitraux ont été restaurés et l'extérieur a été aménagé.
Courant 1995, l'intérieur de la chapelle a été rénové par les bénévoles du comité de Saint-Herbot qui a financé une partie des travaux. La charpente présente la forme originale d'une coque de bateau renversée.
A quelques mètres de la chapelle, un calvaire représente la Vierge et Saint-Pierre, Saint-Jean et Madeleine, ainsi qu'un ange agenouillé.
Depuis 1979, le comité de Saint-Herbot organise chaque année les courses cyclistes sur le circuit du Botiguéry avec une arrivée devant la chapelle. Cette année 2022, les courses auront lieu le dimanche 12 juin.
A Saint-Herbot, il est également de tradition ancienne de sonner les cloches de la chapelle en l'honneur des mariés issus du secteur. Encore aujourd'hui, les voisins continuent de se réunir le jour des noces autour des mariés et leur famille à la chapelle pour célébrer l'événement au son des cloches de Saint-Herbot."
Le manoir de Botiguéry
"Unique maison seigneuriale de la commune, le manoir de Botiguéry est composé de plusieurs corps de bâtiments, dont la partie centrale, remaniée, est la plus ancienne.
La tour carrée comporte des fenêtres à larmier et une porte qui pourrait provenir de l'ancien manoir. Flanquée de pilastres ioniques, elle est surmontée d'un fronton orné d'un macaron en bosse. L'aile ouest date de la fin du XIXème siècle. Au début du XXème siècle, l'ensemble domanial est encore agrandi.
Situé en contrebas, l'ancien moulin est partiellement conservé."
La description d'Yves-Pascal Castel en 1980.
2863. Saint-Herbot, chapelle, granite, kersanton, hauteur=5 m. XVIè s. Tertre. Socle cubique. Fût rond, écots. Croisillon, culots, écu au cerf, autre mi-parti, au revers, statues géminées: Vierge-Pierre, Jean-Madeleine, ange à genoux. Croix détruite, il reste un Christ lié. [YPC 1980]
Description.
L'exploration de la carte IGN Geoportail montre la proximité de cette chapelle Saint-Herbot avec le château de Botiséguy, et montre aussi le paysage valloné par les rivières, (avec leurs moulins) qui se jettent dans l'Elorn en aval de Landerneau.
C'est à Landerneau qu'était établi un prolifique atelier de sculpture de kersanton, une pierre extraite dans la rade de Brest et conduite par bateau à Landerneau : l'atelier de Bastien et Henry Prigent (1527-1577). J'ai décrit dans ce blog les nombreux calvaires qui leur sont attribués, et dont l'une des particularités, non constante et non propre exclusivement à cet atelier, tient dans le trois larmes sous les yeux des personnages réunis au pied de la croix, Marie, Jean et Marie-Madeleine, assistant à la Crucifixion de Jésus. Tout près de cette chapelle, on peut envoir à Saint-Divy et à La Forest-Fouenant de magnifiques exemples.
Le calvaire est placé devant la chapelle, à son sud, et ses deux faces sont orientées ouest-est. La face principale, orientée vers l'ouest, a perdu son Christ en croix, mais le croisillon porte encore la Vierge au calvaire, éplorée, à notre gauche, et Jean, également en larmes, à notre droite. L'écu au cerf entre les bras du croisillon renvoie à la famille Le Jeune [LE YAOUANCQ], seigneur de Botiguéry aux XVe et XVIe siècle.
L'autre face montre sur le croisillon Marie-Madeleine, tenant son pot d'aromates et portant les mêmes larmes groupées par trois que Jean (avec lequel elle est géminée) et la Vierge. Saint Pierre, portant sa clef à anneau losangique, est géminée avec Marie. Au centre, le Christ en Croix s'adossait vraisemblablement au crucifix perdu.
On trouve également sur cette face, au diamant du croisillon, un écu mi-parti, dont les armes de l'époux, en 1, sont celles de la famille Parscau. On sait que Vincent de Parscau (né à Saint-Thonan vers 1527 et décédé en 1591) épousa vers 1555 Jeanne Le Jeune dame de Botiguery, fille d'Hervé Le Jeune (ca 1530) et de Catherine du Com. Ils eurent un fils Olivier de Parscau qui épousa en 1581 Anne de Kersulguen, dont Jeanne du Parscau. Le blason mi-parti ne correspond néanmoins pas à l'alliance Parscau/Kersulguen (ni à l'alliance en 1559de Vincent de Parscau avec Françoise de Penfentenyo), les armes en 2 associant une croix pattée centrale et trois coquilles Saint-Jacques (Kerven ?).
https://gw.geneanet.org/akermadec?n=le+jeune+de+botiguery&oc=&p=herve
https://gw.geneanet.org/jcbo?lang=fr&p=jeanne&n=le+jeune&oc=1
https://abers-patrimoine.bzh/kpoi/site-archeologique-dilliz-coz/
C'est ce couple Vincent de Parscau/Jeanne Le Jeune qui fit construire l'église Saint-Nicolas de Saint-Thonan en 1586 : la pierre d'angle portant leurs armes mi-parti a été retrouvée dans le presbytère en 1966.
I. LA FACE PRINCIPALE.
Sur le fût de granite à écots (reliant la croix à la symbolique de l'arbre) est scellé le croisillon de kersanton qui porte sur les côtés les statues de la Vierge au calvaire et de Jean au calvaire ; au centre, sans écu, le bas-relief du cerf passant des Le Jeune de Botiguéry. Au centre, le crucifix perdu, avec sa croix, est remplacé par un socle cubique sculpté d'un ange orant (l'autre face de ce socle n'est que dégrossi, témoignant d'un réaménagement ou d'un réemploi). Posé sur ce socle, le Christ aux liens est ici vu de dos.
1°) La Vierge aux trois larmes sous chaque paupière inférieure. Kersanton, XVIe siècle.
Cette Vierge au visage encadré d'un voile épais, "en coque" et vêtu d'un manteau dont le pan droit revient se fixer à la ceinture sous le coude gauche a eu la tête brisée et rescellée, mais elle a perdu une partie du nez de la bouche et du menton.
Les yeux sont globuleux et semblent fermés, et les trois larmes sous chaque paupière ont bien les caractéristiques de ce milieu du XVIe siècle, avec un filet se terminant par une goutte épaisse. Ces larmes se retrouvent sur des panneaux peints, sur des retables (nord de la France et Pays-Bas), mais aussi, sur une bonne part des Passions des maîtresses-vitres du Finistère, et sur les Vierges de Pitié et Déplorations Bretonnes, réservés aux trois mêmes personnages, Marie, Jean et Marie-Madeleine. Elles témoignent de l'importance du culte du sang versé par les Christ et des larmes versées en retour par gratitude et compassion, justifiant la floraison de ces calvaires, de ces Vierges de Pitié et de ces Passions dans les diocèses de Basse-Bretagne.
https://www.lavieb-aile.com/2020/11/devotion-franciscaine-aux-plaies-du-christ-a-la-cour-ducale-de-bretagne-au-xve-siecle-l-exemple-d-isabelle-stuart.html
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On peut noter ici la coiffe fine en dentelle sous le chaperon épais ; les deux mains jointes ; ou les solides chaussures de cuir.
2°) Saint Jean aux trois larmes sous chaque paupière inférieure. Kersanton, XVIe siècle.
Jean, imberbe, cheveux bouclés, tête grave (avec une petite bouche fortement concave et une lèvre inférieure faisant lippe), porte une robe boutonnée sous un manteau fermé par une patte, la main sur la poitrine tandis qu'il retient le pan du manteau de la main gauche, est pieds nus comme tout pôtre.
Ses trois larmes sous chaque paupière sont parfaitement visibles.
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L'ange orant. Kersanton, XVIe siècle.
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Le cerf sculpté en bas-relief sur le diamant du croisillon : les armes des Le Jeune.
Depuis le XVe siècle, la famille Le Jeune ou Jaouancq détient le fief de Botiguéry avec Rivoallon, puis Yvon, ect.
Lors de la Réformation de l'évêché de Léon en 1443, une seule famille noble est mentionnée à Saint-Thonan :
an Iaouancq (an) ou Le Jeune, seigneur de Botiguéry, paroisse de Saint-Thonan. Leurs armes sont de sable au cerf passant d’argent.
https://man8rove.com/fr/blason/q2evs1x-le-jeune-alias-le-jaouancq#google_vignette
On le retrouve , dans un écu, sur un culot de la statue de saint Herbot au dessus de la porte de la chapelle.
II. LA FACE SECONDAIRE : SAINTE MARIE-MADELEINE ET SAINT PIERRE. CHRIST AUX LIENS.
1°) Sainte Marie-Madeleine aux trois larmes sous chaque paupière inférieure. Kersanton, XVIe siècle.
La sainte a une place majeure dans l'expression du chagrin devant la mort du Christ, et dans le versement de larmes ; elle vient immédiatement après la Vierge et Jean dans toutes des Déplorations, tandis que les peintres et sculpteurs la représentent agenouillée au pied de la Croix, se tordant les mains de douleur en voyant le sang couler des pieds du Rédempteur. Dans les Évangiles, elle tient la première place dans les soins apportés au Tombeau et dans les Apparitions du Christ réssuscité. Dans maintes œuvres, on la voit tenir le flacon d'aromates nécessaires à l'embaumement, voire même pratiquant des gestes de tendresse et de soins au cadavre du Christ.
Ici, elle tient le récipient (type albarello avec un couvercle à bouton) devant sa poitrine, les yeux ouverts mais au regard lointaint et triste.
Le visage est caractérisé par des yeux très globuleux, sans pli palpébral , un nez étroit, une toute petite bouche sous le philtrum, et un menton fin, en avant et pointu. Les trois larmes sont bien là, parfaitement visibles.
Sa robe à col rond est ajustée sur sa poitrine, son manteau forme un pan qui revient sous la manche gauche où il est fixé, mais on remarquera surtout ses cheveux très longs descendant sur le côté, et mieux encore la manère par laquelle les nattes sont entourées d'un voile : celui-ci, dont je fais remarquer régulièrement l'existence dans la statuaire de Basse-Bretagne au XVIe siècle, tant il est singulier, ne couvre pas la tête, mais seulement l'occiput avant de passer derrière la nuque. Voir mes développements ici.
2°) Saint Pierre tenant sa clef. Kersanton, XVIe siècle.
Il s'agit à l'évidence d'une statue du même atelier, qui a produit des quantités de statues de saint Pierre soit pour les calvaires (*), soit pour les séries d'apôtres des porches.
(*) Dinéault, Quimper-Locmaria
Le Christ aux liens. Kersanton, XVIe siècle.
Là encore le Christ aux liens est très fréquent sur les calvaires bas-bretons du XVIe siècle : par exemple à Bourg-Blanc, au Folgoët, Guisssény, Landerneau, Loc-Brévalaire, Saint-Divy.
On retrouve sur ce visage le traitement de la barbe peignée et de la moustache adoptée pour le saint Pierre.
Le Christ porte la couronne d'épines et le manteau de dérision sur un pagne court ; ses poignets sont liés, et il tenait, avant qu'il ne se brise, un roseau.
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Les armoiries mi-parti De Parscau /de Kerven.
Le milieu du croisillon porte un écu mi-parti qui a échappé aux marteaux des révolutionnaires. En 1, on reconnait les armes de la famille Le Pascau, de sable à trois quintefeuilles d’argent, ce qui renvoie à priori à Vincent de Parscau, écuyer, seigneur de Menan à Plouguerneau, né à Saint-Thonan, décédé en 1591 et qui devint seigneur de Botiguéry par son mariage avec Jeanne Le Jeune, héritière de Botiguéry fille de Hervé Le Jeune et de Catherine du Com.
Note : Olivier Parscau représente encore sa paroisse de Plouguerneau (comme seigneur de Menan) à la Montre de 1557, mais la famille quitta Menan envahi par les sables et s'établit ensuite à Botiguéry.
https://man8rove.com/fr/blason/q2evs1x-le-jeune-alias-le-jaouancq#google_vignette
Mais en 2, ce ne sont pas les armes de la famille Le Jeune. On remarque au centre une croix potencée, et deux coquilles, ce qui correspond aux armes de Kerven ou Kerguen , d’argent à la croix potencée ou alisée, au pied fourché, d’argent, accompagnée de 3 coquilles de même, 2 en flancs et 1 en pointe (Vicomte Frotier de la Messelière ). Cette alliance est cohérente avec le fait que les deux familles Le Jeune et Kerven sont citées parmi les familles nobles de Ploudaniel, mais n'est pas cohérente avec les données généalogiques.
Je pose l'hypothèse suivante : le calvaire avec ses deux statues géminées et son Christ aux liens du XVIe siècle (et pour moi attribuées à Prigent avant 1577) aurait été remonté sur un croisillon ultérieur; ce qui expliquerait la fraicheur ou bonne conservation des armes des deux faces.
Le seul indice pour une alliance Pascau/Kerven est un échange sur le forum du Centre généalogique du Finistère évoquant une "Marie, dame de Kerven" qui pourrait correspondre si je comprends bien à Marie Liminic, dame de Plessis, épouse de Bernard de Pascau, sr de Botiguery (fils de Claude et petit-fils de Vincent), ou bien à leur fille.
Mais ceci est très aventureux : je conserve néanmoins mon hypothèse : ces armoiries ne dateraient pas du XVIe siècle, et pourraient même être assez récentes.
SOURCES ET LIENS.
—CASTEL (Yves-Pascal), 1980, Saint-Thonan n° 2663 "saint-Herbot n°1" Atlas des croix et calvaires du Finistère.
https://societe-archeologique.du-finistere.org/croix/saint_thonan.html
—COUFFON (René); 1988, , "Notice sur Bourg-Blanc", Nouveau répertoire des églises et chapelles du diocèse de Quimper
https://www.diocese-quimper.fr/wp-content/uploads/2021/01/SAINTHON.pdf
"CHAPELLE SAINT-HERBOT A Bodiguéry. Edifice de plan rectangulaire à clocheton très évidé amorti par une petite flèche carrée. Il remonte au XVIè siècle mais a été très remanié. Mobilier Statues - en bois polychrome : sainte Trinité qui a perdu son Christ, saint Jean, saint Herbot, saint non identifié ; - en kersanton, autre saint Herbot, au-dessus de la porte gothique.
Sur le placitre, croix de granit : statues géminées sur le croisillon, Crucifix manquant, Christ aux liens."
—LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre de Basse-Bretagne. Les ateliers du XVe au XVIIe siècle, PUR éditions.
— autres
http://www.infobretagne.com/saint-thonan.htm
https://www.saint-thonan.fr/tourisme/patrimoine.html