Vierge allaitante II :
Chapelle Notre-Dame de Kergoat, Quéméneven:
I : statues, bannières et mobilier
Lorsque le visiteur se présente à la chapelle de Kergoat, il trouve un panneau qui lui indique que le Pardon de Notre-Dame de Kergoat était réputé dans toute la Cornouaille depuis le Moyen-Âge : on y venait pour y guérir des hémorragies, des maladies sanguines ou pour se protéger des incendies.
Une reproduction du célèbre tableau de Jules Breton (1867-1906) Le Pardon de Notre-Dame de Kergoat (Musée de Quimper) permet de constater l'ampleur de la grande procession qui, après les vêpres, fait le tour de la chapelle : en tête, un porteur de bannière, puis vient un groupe d'hommes en costume noir ou écru, tenant des cierges ; et parmi eux, les pénitents qui marchent pieds-nus. Viennent ensuite les femmes qui portent le brancard sur lequel est installé la statue de Notre-Dame de Kergoat. S'agit-il de celle-ci, qui se trouve aujourd'hui exposée dans la nef et entourée d'ex-voto ? :
Elle est précédée par une femme qui porte une bannière, laquelle est vraisemblablement celle-ci :
La bannière de tête serait alors celle de la paroisse de Quéménéven, dédiée à Saint Ouen :
En réalité, un examen du tableau lui-même Jules Breton, le Pardon de Kergoat http://www.mbaq.fr/fileadmin/user_upload/fonds-ecran/oeuvres/breton-kergoat-1280.jpg montre que la première statue est celle de Sainte-Anne apprenant à lire à la petite Marie : c'est, je pense, la statue de granite de Ste-Anne la Palud. La bannière enrubannée qui la suit n'est guère identifiable, elle voisine une statue de sainte Marguerite . Une autre bannière représente une piéta, puis vient une croix, un dais, et d'autres bannières. En tête, un porteur de bannière se plie en avant pour un salut de bannière avant de rentrer sous le porche ouest. Trois jeunes femmes sont en costume de drap rouge avec un tablier d'or, qui est celui de Ploaré, la commune proche de Douarnenez. Puis viennent des filles plus jeunes en aube blanche de communiantes, et encore, derrière elles, une foule immense. Il est possible de reconnaître les guises ou mode vestimentaires, dites glazig, rousig, giz Fouen, penn sardin, bigouden et kaper. On distingue même des coiffes jaunes , ce sont les borledenn de deuil jaune.
Entrons dans les détails : En tête, les deux porteurs de bannière sont en costume glazik ; les premiers pénitents sont bigoudens, puis le suivant en costume blanc est Giz fouen, avec le saint-sacrement brodé dans le dos comme le porteur de lutrin de Guiscriff ( Guiscriff : un lutrin anthropomorphe en costume breton.). Celui qui suit en costume bleu-roi et bragou braz sombre est de Ploaré, les deux suivants pieds-nus sont glazik. Les cinq femmes qui encadrent Sainte Anne ont revêtu les costumes de mariage de drap rouge ou noir de Quéménéven. En arrière-plan de ces quéménévenoises émergent les coiffes penn-sardin et les châles des douarnenetistes; et la mendiante à gauche porte le "capot" utilisé pour protèger de la pluie. link
Les bretons venaient parfois de loin, marchaient durant la nuit pour communier le matin, ou bien couchaient dans des granges, et c'était des chiffres de 10 000, 15 000 pèlerins, qu' accompagnaient des centaines de mendiants et d'estropiés. Le soir, les sonneurs animaient la fête, on allumait de grands feux.
Les fidèles avaient formulé des voeux pendant l'année : telle femme en couche avait promis de vendre son alliance au pardon, et de la racheter aux enchères qui se dérouleraient au pied du calvaire. D'autres avaient promis à la Madone de ceindre la chapelle d'un double tour de cordon de cire, d'autres s'étaient engagés pour un triple tour de bougies effilées, et d'autres encore offraient des ex-voto en cire de telle partie du corps qui s'était trouvée guérie après les dévotes invocations. C'est à la sacristie qu'on achetait ces bougies, ces objets de cire mais c'était pour que le bedeau la récupère et la revende aux paroissiens. Dans La Bretagne Contemporaine, de Félix Benoist, 1865, l'auteur, à propos du pardon de Kerdévot, précise que les cordons de cire offerts par les fidèles sont bénis, puis revendus par petits morceaux pour être allumés au chevet des mourants et des trépassés.
On promettait aussi de faire le tour de la chapelle à genoux, ou un marin extravagant, sous prétexte d' être rescapé d'un naufrage, grimpait au sommet du clocher et s'y pendait, tête en bas et bras en croix... (Breizh-Izel, ou la vie des bretons d'Armorique, 3 : 15, 1844).
Le rite d'entourer un sanctuaire de cire est ancien. Au Moyen-Âge, et jusqu'à la Révolution à Quimper (le jour de la Chandeleur) et à Nantes, c'était la ville elle-même qui était ceinte d'un cordon de cire qui courait le long des remparts, pour protéger les habitants de la peste ou d'autres périls.
Le tableau exposé à Quimper permet de voir à quoi ressemblent ces cordons, et de constater une triple rangée d'une sorte de gros cable blanc qui courent le long du mur, à deux mètres de haut pour passer au dessus des portes.
Le pardon de Kergoat a lieu le dimanche qui suit le 15 août.
Dans le choeur, les chérubins dominent le "baldaquin à colonnes corinthiennes avec entablement à volutes" (MH, JP Ducouret et Cl. Quillivic) du 18e siècle. D'un triangle représentant la Trinité où s'inscrit en hébreu carré le tétragramme divin, des rayons lumineux partent en traversant des nuées où jouent des angelots.
Sur le maître-autel à gradins sont posés deux anges adorateurs en bois, du 18è siècle, à genoux sur leur nuage.
Sainte Marguerite :
Sainte Françoise Romaine:
Elle est la fondatrice des Oblats de Saint Benoit.
Saint Mathurin :
Ce diacre du IIIe siècle est le patron des clowns, des bouffons, mais c'est aussi en Bretagne le patron des marins, et au Moyen-Âge, il était invoqué "pour les fous et les épouses insupportables"(http://damien.jullemier.pagesperso-orange.fr/sts/st-mathurin.htm). La légende lui attribue en effet la guérison de Theodora, belle-fille démoniaque de l'empereur romain.
Cette statue en bois polychrome du 18e siècle est proche de celle qu'abrite l'église de Locronan, à quelques kilomètres de Kergoat, et on retrouve notamment la moustache typique, la chasuble rouge, le manipule au bras gauche, et le surplis (ici enrichi d'une broderie florale noire).
Mais je n'ai pas trouvé l'explication du personnage tronqué, torse nu, qui se tient à ses pieds. Je pensais qu'il s'agissait d'un de ses attributs, comme les petits enfants au pied de Saint Nicolas, mais les statues que j'ai vues ne s'accompagnent pas de ce double singulier.
Treize chapelles de Bretagne lui sont dédiées, mais celles qui abritent sa statue sont plus nombreuses, comme celle de Saint They à Cleden-Cap Sizun.
Sainte Barbe :
Saint Jean-Baptiste :
Saint Jean l'Évangéliste :
Saint-Ouen :
Le mobilier : orgues et chaire à prêcher :
Le buffet d'orgue a été restauré en 1998 après l'avoir été en 1841 (inscription Jean Rividic Trésorier Peint par Cassaigne 1841) . L'association Evit Buez ar chapel Kergoat a financé l'installation en février 2011 des 53 tuyaux réalisée par Hervé Cail, facteur d'orgue à Plouzévédé. Les 28 plus petits sont muets et servent à l'ornementation, mais les plus gros pourraient se faire entendre si l'association pouvait installer un orgue. Le dernier instrument daté du XVIIe et restauré en 1852 a résonné pour la dernière fois le 22 septembre 1880 quand furent bénies les nouvelles cloches. Il s'agit d'un orgue que l'on doit au facteur Jules Heyer (1818-1900) qui l'a construit en 1853 (il est aussi responsable de 16 autres instruments dans le Finistère).
Chaire à prêcher :
restaurée en 2010, elle est l'oeuvre de Claude Mazier, maître-menuisier à Quimper à qui on doit aussi la clôture de choeur, la partie menuiserie du retable du rosaire et du retable-lambris de l'extrème-onction à Kergoat ; selon l'inventaire des Monuments Historiques, elle est "un exemple relativement rare de chaire du 18e assez dépouillée".
L'abat-voix hexagonal:
La cuve :