La baie 2 (donateur vers 1520 ; Résurrection vers 1570; Jugement dernier 3ème quart XVIe ; rest. 1999) de l'église de Saint-Nic. Une représentation de l'Enfer froid ?
Classement Monuments historiques le 10 novembre 1906.
Le nom de la commune proviendrait du nom d'un saint breton dénommé saint Maeoc ou saint Maëc ou saint Mic ou saint Nic. Le nom de la paroisse apparaît dès le XIe siècle dans des chartes sous les noms de Plebs Sent Nic in pago Porzoed ou Plebs Sent Mic, puis au XIVe siècle sous le nom de Seinctnic, puis en 1410 sous celui de « Saint Vic » et en 1599 Saint Nic. Issue d'un démembrement de la paroisse de l'Armorique primitive de Plomodiern, Saint-Nic dépendait de l'évêché de Cornouaille, ce qui fut maintenu au Concordat.
D'un premier édifice, il persiste, si on suit les dadations des auteurs du Corpus vitrearum, un fragment de verrière de 1520 représentant un donateur (cf. Baie 2).
L'église, en forme de croix latine a été reconstruite après 1550 : les inscriptions attestent la vitalité du chantier : mur Nord ou porche datant de 1561, mur Sud de 1562, arcades de la nef de 1566 avec l'inscription :"M. Le Parlat. Fa. 1566", et clocher de 1576. A cette époque, elle reçut ses verrières figurées, dont un Cycle de la Passion — très certainement dans la maîtresse-vitre —, et un Jugement dernier de belle facture. Les archives mentionnent qu'en 1578, la Fabrique se pourvoit de vitraux. Certains panneaux avaient été intégrés, comme celui du donateur de l'actruelle baie 2, datant vers 1520.
A une date indéterminée — sans-doute lors de la restauration générale achevée en 1838—, ces ensembles ont été regroupés dans le transept (Baie 1 au nord et Baie 2 au sud). On ôta alors les meneaux de ces baies du transept, et la partie inférieure de celle du sud fut murée pour en réduire la surface. Les panneaux qui les occupaient furent mêlés aux panneaux anciens récupérés de la vitre axiale. On relève deux Suites de la Passion différentes, l'une vers 1560, l'autre vers 1600. Or, si on se base sur les trois lancettes de la maîtresse-vitre, celle-ci n'a pu donner que six scènes en deux registres: des vitres exogènes sont donc été introduites.
Les verrières ont été restaurées en 1928 par Touraine, puis déposées pendant la guerre en 1942, remontées par Gruber en 1955, et reaturées et complétées en 1994 (baie 1) et 1998-1999 par le maître-verrier quimpérois Jean-Pierre Le Bihan.
Pour Gatouillat et Hérold, "seule une partie de ces vitraux appartenait donc à l'église, et les autres y on été rapportés pour remplir les verrières. Les panneaux de la série la mieux représentée [la Passion] qui comportait nécessairement des épisodes supplémentaires dont une Crucifixion, paraissant trop nombreux pour avoir logé dans la maîtresse-vitre, qui n'admettait que dix scènes disposées en deux registres au vu des dimensions de ses trois lancettes, il est probable qu'ils ont été importés ici depuis un édifice inconnu."
.
Description de la baie 2.
Une seule lancette de 2,80 m de haut et de 1,70 m de large est divisée en quinze panneaux dont on décrit deux registres. Mais cette verrière est recomposée, associant 1) un donateur en bas à gauche datant vers 1520, 2) à sa droite quatre panneaux d'un Jugement dernier et Resurrection des morts datant du 3ème quart du XVIe siècle, 3) en haut au milieu une Résurrection détachée d'une Passion datant vers 1570 et 4) des panneaux ornementaux créés par Le Bihan en 1999., parfois associés en haut à des pièces anciennes (angelots, frangments d'un Baiser de Judas).
La baie 2 de l'église de Saint-Nic. Photographie lavieb-aile.
La baie 2 de l'église de Saint-Nic. Photographie lavieb-aile.
.
.
Deux panneaux inférieurs gauches. Le donateur, un dignitaire ecclésiastique présenté par saint Jean (v.1520?).
.
Ce panneau provient peut-être de la maîtresse-vitre, avant qu'elle soit refaite vers 1560. La scène est surmontée d'un dais en grisaille à double volutes, identique à celui qui surmonte les scènes de la Passion de la baie 1 (mais ces dais sont-ils postérieurs?). Le sol est un carrelage noir et blanc en dents de scie, qu'on ne retrouve pas ailleurs. Il existe de nombreuses restaurations dans la partie basse.
Saint Jean est identifié à ses attributs : son manteau rouge, l'absence de barbe, ses cheveux blonds, son calice de poison d'où sort un dragon (ici en vert).
Le donateur pouvait être identifié par son blason suspendu au drap vert du prie-dieu, mais celui-ci a été effacé pendant la Révolution.
L'inscription en lettres gothiques miserere mei domine ("Prends pitié de moi Seigneur") ne permet pas non plus de connaître le donateur. Il s'agit d'un verset du Psaume 6, l'un des psaumes pénitentiels.
L'élément remarquable, c'est la chape pluviale porté par le donateur, qui est donc non seulement un écclesiastique, mais un dignitaire : Évêque ? Père abbé ? l'absence de crosse et de mitre ne plaide pas en faveur de ces hypothèses. Chanoine de Quimper ? La bande blanche tigrée de gris est-elle une aumusse ?
Ce panneau est plus ancien que les autres et daterait des années 1520. Connaît-on un dignitaire du début du XVIe siècle, prénommé Jean, et attaché à la paroisse de Saint-Nic ?
Le personnage le plus considérable fut Claude de Tréanna, "noble et discret messire, grand archidiacre de Cornouaille et recteur de St Nic". La famille Tréanna porte d'argent à la macle d'azur. Ces armes figurent sur le retable de la chapelle Saint-Côme, et le nom et le titre de Claude de Tréanna sont inscrits sur l'un des deux reliquaires provenant de cette chapelle, qui porte la date de 1680.
S'agirait-il d'un Abbé de Daoulas ? Dans la période concernée, nous trouvons, avec le prénom Jean :
1502-1519 : Jean du Largez, abbé de Daoulas, était originaire de Botlézan, évêché de Tréguier. En 1505, il est aussi nommé évêque suffragant de Quimper (administrant le diocèse à la place de Claude de Rohan, l'évêque titulaire, simple d'esprit) et en 1515 évêque de Vannes. Il démissionne en 1519 et meurt à l'abbaye de Daoulas le 5 juin 1533. On trouve une inscription portant son nom à Plougastel, Chapelle de la Fontaine Blanche.
1550-1573 : L'abbé Jean Le Prédour gouverne l'abbaye (ses armoiries se trouvent dans l'oratoire Notre-Dame-des-Fontaines). Il était originaire de la paroisse de Plourhan, diocèse de Saint-Brieuc).
1573-1581 : Jean de Kerguiziau, abbé de Daoulas, originaire du manoir de Kerguiziau en Bohars, il fut inhumé dans la chapelle du Faou, attenante à l'église abbatiale.
Jean du Largez, dans son rôle d'évêque suffragant de Quimper, serait un bon candidat dans notre recherche. Mais il n'a aucun lien connu avec Saint-Nic.
Cette chape pluviale en tissu d'or damassé est orné d'orfrois de scènes brodées rectangulaires dont quatre sont visibles et représentent sans-doute les apôtres puisque saint Pierre peut y être identifié par ses clefs. Saint Jean (sans barbe) est vraisemblablement en dessous.
On comparera ce donateur au portrait du recteur Henri de Coatsquiriou, peint vers 1566 à la chapelle de Kergoat à Quéménéven (proche de saint-Nic), devant un Jugement dernier (baie 9). Le visage aux cheveux courts, et toute la tenue, sont assez similaires. Les recteurs des paroisses bretonnes, d'origine nobles, portaient-ils de telles chapes?
.
La baie 2 de l'église de Saint-Nic. Photographie lavieb-aile.
La baie 2 de l'église de Saint-Nic. Photographie lavieb-aile.
La baie 2 de l'église de Saint-Nic. Photographie lavieb-aile.
La baie 2 de l'église de Saint-Nic. Photographie lavieb-aile.
La baie 2 de l'église de Saint-Nic. Photographie lavieb-aile.
La baie 2 de l'église de Saint-Nic. Photographie lavieb-aile.
.
.
Quatre panneaux inférieurs droits. Scènes d'un Jugement dernier (vers 1550-1575).
.
La scène est celle de la Résurrection des morts à l'appel des trompettes du Jugement, embouchées par les anges.
La baie 2 de l'église de Saint-Nic. Photographie lavieb-aile.
.
.
À gauche, un ange en manteau rouge et ailes vertes souffle dans sa trompe, mais on devine au dessus des nuées les saints et saintes (dont un moine et peut-être un évêque) en grisaille qui s'apprêtent à accueillir les élus. Il devait y avoir au moins quatre autre panneaux décrivant cette assemblée autour du Christ du Jugement.
Sous l'ange devant une architecture antique bleue, trois morts enveloppés de leur linceul, debout, mains jointes figurent parmi les élus. Ils regardent, en haut, des êtres nus poussés vers un lac par des démons (verre bleu, nuées en boucles de grisaille, personnages en grisaille, cheveux parfois rehaussés de jaune d'argent).
.
La baie 2 de l'église de Saint-Nic. Photographie lavieb-aile.
La baie 2 de l'église de Saint-Nic. Photographie lavieb-aile.
.
.
L'ange buccinateur de droite porte un manteau vert, des ailes violettes et un bandeau sur le front. Au dessous, un diable monstrueux conduits des damnés enchaînés vers un lac où quatre hommes et femmes nus font des gestes de supplication.
Il s'agit là très vraisemblablement d'une représentation de l'Enfer froid,an Ifern yen, un « enfer froid » mais brûlant, d’origine celtique, une conception a-chrétienne de l’enfer qui se serait maintenue en Bretagne .
Christian Maol relève une soixantaine de références à l’« ifern yen », à l’« abim yen » (l’abîme froid) ou la « maru yen » (la mort froide)en remontant au xve siècle. Comme le dit l'inscription de l’ossuaire de La Martyre , daté de 1619, et copie directe du Mirouer de la mort, ouvrage du recteur de Plougonven, Jehan An Archer Coz de 1519 : An maro : han ba : han : ifern : ien : pa : ho : soing : den : e : tle : crena : "La mort, et le jugement, et l'enfer froid, quand l'homme y songe, il doit trembler".
Selon Christian Moal, l’enfer froid punit les coupables de malice, de luxure et enfin d’envie. La représentation de l’enfer froid s’est formée et diffusée en France et a circulé en Bretagne où elle n’apparaît que dans une inscription de l’ossuaire de La Martyre (1619), copie du Miroir de la mort (1519), dans Buhez mab den (avant 1530) et dans la Passion d’Eozen Quilivéré (1530). Cette production, datée du XVIe siècle, s’inscrit dans un mouvement qui concerne la France et l’Europe, un thème à la mode à la Renaissance qui disparaît ensuite.
Iconographie :
.
.
.
.
.
La baie 2 de l'église de Saint-Nic. Photographie lavieb-aile.
.
.
Les deux panneaux inférieurs montrent la foule des ressuscités guidés par saint Pierre, manteau rouge et robe violette, tenant la clef du royaume des Cieux. La femme nue au premier plan pourraît être Éve, et Adam pourrait être à droite de saint Pierre. Le panneau inférieur droit rassemble divers fragments et les complète.
.
.
La baie 2 de l'église de Saint-Nic. Photographie lavieb-aile.
La baie 2 de l'église de Saint-Nic. Photographie lavieb-aile.
La baie 2 de l'église de Saint-Nic. Photographie lavieb-aile.
.
.
Six panneaux supérieurs droits. La Résurrection ou Sortie du Tombeau (vers 1600).
.
La baie 2 de l'église de Saint-Nic. Photographie lavieb-aile.
La baie 2 de l'église de Saint-Nic. Photographie lavieb-aile.
La baie 2 de l'église de Saint-Nic. Photographie lavieb-aile.
La baie 2 de l'église de Saint-Nic. Photographie lavieb-aile.
.
.
SOURCES ET LIENS.
— BARRIÉ (Roger) 1979 Étude sur le vitrail en Cornouaille au 16e siècle : Plogonnec et un groupe d'églises de l'ancien diocèse de Quimper / ; sous la direction d' André Mussat, 1979 Thèse de 3e cycle : Art et archéologie : Rennes 2 : 1979. Bibliogr. f. 9-32. 4 annexes (vol. 2)
— COUFFON (René) LE BARS 1959 1988, Notice sur Saint-Nic, Diocèse de Quimper et Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper, Association diocésaine, 1988. - 551 p.: ill.; 28 cm.
"Vitraux du XVIè siècle (C.) dans les fenêtres du transept : au nord, la Passion en sept panneaux, et, au sud, mosaïque d'un Jugement dernier avec donateur à genoux présenté par une sainte."
— GATOUILLAT (Françoise), HEROLD (Michel), 2005 "Les vitraux de Bretagne", Corpus Vitrearum France- Recensement VII, Presses Universitaires de Rennes, Rennes : 2005, 367pp. pages 192-193.
"Saint-Nic.Dépose et éloignement des vitraux pour sauvegarde durant l'état de guerre
Publié le 26 avril 2008 par jeanpierrelebihan2 Les illustrations ne sont pas reproduites et puevnet être consultées sur l'article original.
Ces deux baies nous apprennent que l'église possèdait au XVI°siècle plusieurs vitraux de sujet diffèrent. Tout d'abord une Passion à laquelle il faut ajouter un panneau de la baie sud offrant quelques éléments de la scène où le Christ recolle l'oreille du serviteur du grand prêtre,ayant servi dans les deux lieux et l'auteur étant, il y a de grande chance, le même.Nous trouvons ensuite une Résurrection du Christ Sujet qui occupe deux panneaux qui ne sont pas de la même main ni du même esprit que la Passion.
Par contre, pour le panneau supérieur de Saint Nic, ici à gauche,
sauf la tête du Christ,nous relevons que ce panneau est du même carton que celle que l'on voit à l'église de Saint-Thuriau dans le Morbihan.
Autre sujet, cette Crucifixion du haut de la baie nord n'est pas d'un atelier cornouaillais connu et où certaines présentations de personnages se retrouvent à Saint-Thuriau, entre autres,Marie et Marie Madeleine
Dans la baie sud,deux sujets n'ont aucun rapport entre eux: le Jugement Dernier et le Donateur.
Ce dernier pourrait provenir de la baie du chevet où aurait régner ses armoiries. Son intercesseur et saint patron est ici Saint Jean tenant de la main gauche la coupe d'où sortent les serpents
LES ARCHIVES D'AVANT LA REVOLUTION.
il y en a peu .On sait seulement qu’en 1578, la Fabrique se pourvoit de vitraux. S’agit-il des deux baies du transept. Cette date correspondrait assez bien aux scènes de la Passion mais encore plus particulièrement aux restes d’un Jugement Dernier dont l’esprit correspond bien aux canons de l’école de Fontainebleau. Ll'église comme les deux vitraux sont bien de la seconde partie du XVI° siècle; A première vue, l’église, elle-même, semble bien être de cette époque. Le porche est daté de 1561, ainsi que les socles de certaines statues. De 1566, on relève un texte entre deux arcades de la nef avec: "Parlat Fabricien". Quant au clocher, il est de 1576.Mais aucune date n’a encore été trouvée sur le choeur.
L’abbé Corentin Parcheminou, dans "une paroisse cornouaillaise pendant la révolution " relève des débris de verre peints dans les réseaux d’autres fenêtres, ce qui indique l'ancienne présence de vitraux à sujets religieux.
A cette fin du XVIe siècle, la commune devait être assez riche, car nous découvrons qu’en 1578 la Fabrique de la chapelle Saint-Côme et Saint Damien offre un reliquaire en argent doré.
LA REVOLUTION
Cette époque a vu l'envoi, par les mairies, du département, de peintres vitriers ou vitriers souvent incompétants, pour supprimer les armoiries qui étaient le symbole de la féodalité.Cela fut le cas ici à Saint-Nic;
En novembre 1790, le conseil municipal charge le procureur de la commune, Henry Join, de faire disparaître les enfeus et armoiries de l'église paroissial et "autres chapelles" Cependant, semble-t-il, on a hésité à briser les armoiries ds vitraux.
Cependant le 30 avril 1791,on fit appel à un vitrier quimpérois du nom de Jean Louis Cavellier qui se charge pour la somme de 72 livres d’enlever les écussons des vitres peintes de l’église paroissiale et de la chapelle Saint-Côme. En voulant enlever ces armoiries, il brise les vitres qui les encerclaient.Il ne semble pas avoir fait entièrement son travail, car un blason est signalé, par de Courcy en 1860, à la chapelle Saint-Côme. Cette façon de travailler a été le cas de nombreux vitraux du Finistère,
La restauration de 1929. Dès 1927, l'architecte Paul Génuys propose un devis de restauration de ces vitraux. dans lequel il signale que les deux baies ont été murées dans la partie inférieure.
Il lui semble que les vitraux sont restés enfouis dans la maçonnerie.
Un peintre verrier parisien, Tournel, le contacte, car ce dernier souhaiterait vivement restaurer ces vitraux. C'est ce verrier,qui, a reconstitué les manques des sujets figuratifs de façon approximative.
La RESTAURATION DE LA PASSION EN 1929 ;
Suivant le constat dressé par l’abbé Parcheminou, le verrier restaurateur s’est donc trouvé devant des vitraux dont les manques étaient en verre blanc et qui étaient évalués à une surface de 1m2 par l’architecte.
L’armature de ferrures, qui devra être conservée, partageait la verrière en 15 panneaux dont les sujets, au nombre de sept, emplissaient deux panneaux chacun.
Les manques en verre blanc concernaient les parties hautes de la Flagellation et du Couronnement d’épines. Un filet encore en verre blanc devait courir le long des fers verticaux et au-dessus des scènes de l’Arrestation et du Couronnement d’épines.
L’abbé Parcheminou signalait de chaque côté de la Crucifixion » dans les petits panneaux, il y a un ange à genoux adorant le Christ ».Actuellement, nous n’avons rien de cela ; nous nous trouvons devant deux têtes dont une ancienne qui n’est pas, semble-t-il, celle d’un ange.
Le verrier de 1929, qui pourrait être le verrier parisien Tournel, a donc reconstitué les manques des sujets figuratifs de façon approximative sans se référer à une source possible telle qu'un carton antérieur, ce qui est le cas ici pour beaucoup de panneaux.
Les filets verticaux ont été traités en cannelures. Ces pièces n’ont pas du résister à la rouille des ferrures et à la dépose de 1942 ; De nombreux plombs de casse les défiguraient.
Pour faire une séparation entre le panneau de l’Arrestation et le bas de celui du Portement de Croix, une clôture d’enclos, dans l’esprit des arrestations du XVI°, mais incompréhensible, a été posée.
L'abbé Parcheminou confirme en partie nos propos sauf pour ce dernier et ajoute-t-il "cela montre de façon saisissante, toute la distance qui sépare encore dans l'art du vitrail, les conceptions modernes de la technique ancienne".
La guerre 39-45
le 6 mai 1942, l’architecte Prieur propose un devis de dépose et d’éloignement des vitraux pour sauvegarde durant l'état de guerre. Ce qui est approuvé par Monsieur le Secrétaire général des Beaux Arts et dont l’exécution est demandée sans délai par les autorités d’occupation car «St Nic se trouve à proximité du rivage et au pied des collines du Ménez Hom. De plus cette commune se trouve sur la route de Quimper à Morgat».
Le devis se monte à 8 181 francs 35 et dans le dossier, il n’est fourni aucune photo ni carte postale comme il est demandé.
Les vitraux déposés devaient être mis en caisses avec couvercles vissés et remplies de copeaux ou de paille. Celles-ci devaient rejoindre un dépôt provisoire à Quimper. Les caisses restent dans l'église de Saint-Nic. Cela ne semble pas avoir été exécuté car la mémoire des habitants de Saint-Nic se rappelle très bien de ces caisses qui ont traversé la guerre dans l’église près du clocher et qui ont manqué d’être pulvérisées par un obus. Ils avaient subis des dégats suite à la chute de l'obus, on ne sait qu'elle en était le style.
Pour en remplacer les restes, il est prévu une vitrerie losange. L'atelier quimpérois Le Bihan-Saluden, qui s'en charge, a une correspondance fournie en 1946 avec Monsieur Chabal architecte des Monuments Historiques, en avril, juin et octobre 1946.
Celui-ci transmet la maquette à Mr Cornou à l’Inspection générale.
Copie du texte, voir les illustrations sur le lien :
"SAINT NIC ET SAINT FIACRE DU FAOUÊT
Lors de la restauration de la Passion que nous avons mené en 1995, (Atelier jean pierre le bihan) vitraux, nous sommes donc trouvés devant trois sujets d’une Passion:l’Arrestation, la Flagellation et le Couronnement d’épines, dont la restauration de 1929 ne nous
satisfaisait pas.Pour conforter nos propositions de remplacement des apports d’il y a soixante six ans, nous avons dû faire des recherches auprès des autres Passions du XVIème siècle.
Trois d’entre-elles présentaient des analogies :
Un bourreau tire la langue au Faouêt, le même bourreau de Saint-Nic est moins démonstratif.
Cet échange de cartons, ou utilisation du même, nous l’avons déjà relevé entre Guengat et Gouézec pour une Passion (Cf BSAF tome CXVIII 1989).
LES CARTONS
Une quinzaine d’années maximum séparent ces deux verrières du Faouêt, et de Saint-Nic. Nous sommes dans cette deuxième moitié du XVIème siècle qui a vu éclore entre autres de nombreuses Passions dans le Finistère et dont il nous en reste encore ving quatre. On peut estimer que leur nombre, il y a 400ans, à plus du double.
Beaucoup d’entre elles se ressemblent et l’appétit des chercheurs bretons des XIXème et Xxème siècle en a été stimulé.Cela n’est pas spécifique à notre région et ce réemploi de cartons, autant sur le plan national qu’européen n’est pas prêt à donner son dernier mot.
Mais je pense que la région Bretagne est la première pour le remploi de cartons d’un même sujet, qui est la Passion."
— PARCHEMINOU (Corentin), 1930, une paroisse cornouaillaise pendant la Révolution.
Mes sources principales sont l'article de Christian Moal, puis les articles de Jérôme Baschet.
— BASCHET (Jérôme), 1993 Les Justices de l’au-delà. Les représentations de l’enfer en France et en Italie (XIIe -XVe siècle), Rome, EFR, 1993, p. 437-448 et fig. 152-159.
https://journals.openedition.org/ccrh/2886
— BASCHET (Jérôme), 1993, Les justices de l'au-delà. Les représentations de l'enfer en France et en Italie (XIIe-XVe s.). Rome, Ecoles françaises d'Athènes et de Rome, 1993. Christe Yves, compte-rendu Cahiers de Civilisation Médiévale Année 1995 Suppl. 1995 pp. 4-7
En résumé, on retiendra ces quelques conclusions. L'enfer gothique est figuré le plus souvent par la gueule d'enfer — elle est déjà attestée au xne s. — d'abord comme seuil infernal, ensuite comme lieu de tourments. Celle-ci est également l'image usuelle de l'enfer dans les manuscrits contemporains. Elle est accompagnée par la marmite sur le feu qui, à partir du milieu du xine s. (Bourges, puis Rouen), tend à se confondre avec elle. Il est rare au nord des Alpes que Satan intronisé préside aux supplices infernaux. Le portail de Conques et celui de Notre-Dame de la Couture au Mans, un siècle plus tard, en présentent une illustration exceptionnelle. À cette courte liste, j'ajouterai un témoignage précoce mais très important, celui des tituli de Gauzlin pour le revers de la façade de Saint-Pierre de Fleury au début du xie s. « Satan enchaîné dans une prison qui vomit des flammes » évoque exactement le même sujet dans YHortus Deliciarum d'Herrade de Landsberg.
— BASCHET (Jérôme), 1985, "Les conceptions de l'enfer en France au XIVe siècle : imaginaire et pouvoir", Annales Année 1985 40-1 pp. 185-207
— FRAPPIER ( Jean), 1953,. "Châtiments infernaux et peur du Diable". In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1953, n°3-5. pp. 87-96;
La baie 214 (vers 1530) du bras sud du transept de la cathédrale de Troyes, les saints Claude et Paul entre les donateurs Pierre Pion et Jeanne Festuot présentés par leurs patrons.
.
.
Voir sur les verrières hautes de la nef de la cathédrale de Troyes :
Cette verrière a été posée en 1534 (date du paiement des ferrures de la verrière au serrurier Pierre Belin). Au 14e siècle, aucun vitrail figuré n'est mentionné à cet emplacement mais en 1505, de la vitrerie y a été enlevée par le valet du peintre-verrier Jean Verrat.
Donateurs identifiés par leurs armoiries.
On reconnait sur leurs prie-dieu les armoiries à gauche de Pierre Pyon d'azur à la croix d'or à double traverse cantonné d'une étoile d'or à senestre, et à droite celles, miparti, de son épouse Jeanne Festuot en 1, Pyon,et en 2, d'azur à trois têtes de bélier d'argent qui sont Festuot.
Ces armoiries sont reprises au tympan, soit pleines, soit miparti au centre.
Les petites ogives tréflées des lancettes contiennent un blason d'azur à la croix double d'or, surmonté d'une étoile d'or en chef. A droite, du côté opposé, le même écu, mi-parti d'azur à trois têtes de bélier d'argent, armes des donateurs Pierre Pyon et de
1. Pierre PYON ou PION 1469-1539 chevalier du Saint-Sépulcre de Jérusalem , seigneur de Rumilly-les-Vaudes (Aube) et en partie de Ravières (Yonne), marchand de Troyes, échevin, marguillier à verge de la cathédrale.
Quelques données :
Il est fait mention d'un Pierre Pyon apothicaire à Troyes sous Louis XII
Pierre Pion se serait-il remarié ? : "Pierre Belin heritier de Pierre Pion , débouté de donation au profit de Jehan Festuot et consorts , heritiers de Jehanne Festuor , femme dudict Pion en premieres noces , par sentence du Bailly de Troyes du 10. May 1541 confirmee par Arrêt du 20 Decembre 1546 ."
Un Pierre Pyon né vers 1539 à Troyes et décédé avant 1579 est mentionné par les généalogistes.
Un Jacques PION ou Pyon (1556-1592 ) , maître orfèvre , a été député des orfèvres en 1564.
.
2. Jeanne Festuot, dame de Rumilly-les-Vaudes, veuve en première noce de Claude Bury, et décédée vers 1555.
Jeanne Festuot est peut-être la fille de Jean Festuot l'aîné seigneur de Ravières et de son épouse Denise Chapalain, qui donnèrent en 1500 les verrières 129 et 229 de la nef où est représentée l'Histoire de Tobie.
3. Le couple Pierre PION et Jeanne FESTUOT : édification peu avant 1532 du Manoir des Tourellesà Rumilly-lès-Vaudes,fondation de la chapelle Saint-Claude en 1528. Sépulture le 24 juin 1539 en la chapelle Saint-Claude à 70 ans.
a) Le couple fait édifier le manoir des Tourelles de Rumilly-les-Vaudes :
Pierre Pion acquit en 1523 la moitié de la terre de Rumilly., et en 1532 le manoir était qualifié de tout neuf par un pèlerin. "En dépit des mutilations révolutionnaires, on peut encore y identifier les armes de Pierre Pion et de sa femme Jeanne Festuot, riches marchands troyens, et celles d'Antoine de Vienne, abbé de Molesmes."
b) Fondation de la chapelle Saint-Claude en 1528. « Doyan et Chapitre de léglise de Troyes... avons receu la somme de deux mille livres tournois de messire Pierre Pion, chevalier de Jerusalem et de dame Jehanne Festuot, sa femme, seigneur et dame de Rumilly lez Vauldes en partie... Lesdiz Pion et sa femme ont à leurs frectz et despens fait décorer et accoustrer honestement ladicte chapelle Sainct-Claude; en icelle mis... les aornemens et choses qui sensuyvent, assavoir quatre tuniques decamelot, les deux noires et les deux jaulnes; une chasuble de camelot d'or et une aultre de camelot jaulne; deux autres chasubles lune de damas noir à offroiz d'or et l'autre de camelot noir; une chappe aussi de camelot noir touz à offroiz imagez des trépassés; un poille croisé de damas blanc avec deux paremens de camelot... un calice d'argent du poix de deux marcs, armoyrié des armes des ditz Pion et sa femme; quatre nappes, ung missel, ung livre pour chanter la messe sainct Claude, deux chandeliers, ung anceau... Accordons que nous serons tenuz de faire dire, chanter et célébrer par les deux marrégliers prebtres, les soubzchantre et vicaires dicelle église chascun à son tour et ordre à l'autel et chapelle de mondict seigneur sainct Claude, qui est la deuxiesme chapelle par devers lhostel épiscopal en entrant à main droitte en la nef dicelle église par le grand portal que lon y édifie de présent, une messe basse cothidianement et par chascun jour à tousjours perpetuellement... Quatre anniversaires chascun an aux QuatreTemps de lan... Le jour de la feste sainct Claude une messe haulte à diacre et soubzdiacre... Permettons à tousjours que les corps desditz Pion et sa femme, enfans deulx et de chascun deulx ensemble leur postérité... soient sepulturez ou charnier que lesdictz Pion et sa femme ont faict faire et caver de leurs deniers en icelle chapelle... D'attacher en ladicte chapelle ung tableau de cuivre à couverture de verre ou quel sera escript, exprimé et déclaré la présente fondation ... »
Néanmoins, cette chapelle avait été vitrée dès le XVe siècle :
"Les verrières des chapelles Saint-Claude au sud et Hennequin au nord ont été réalisées par le même peintre verrier Girard Le Noquat. La verrière de la chapelle Saint-Claude est posée entre juillet 1483 et juillet 1484. Elle est payée à Girard Le Noquat par le chapitre qui en est ldonc le donateur, à moins qu'un chanoine ait donné l'argent de sa donation au chapitre, comme c'est probablement le cas pour la verrière Hennequin. Les têtes de lancette gauche et droite contiennent les écus armoriés..... Or, Pierre Pyon et sa femme Jeanne Festuot ne fondent la chapelle Saint - Claude que le 3 juillet 1528. Leurs armes ont sans doute été rajoutées sur la verrière de la chapelle à cette époque et ce ne sont pas eux qui ont offert la verrière originelle . Le thème de cette dernière , la Transfiguration , est donné par le texte d'archives lui-même . De la verrière , il ne reste que la partie supérieure ." (D. Minois)
c) Sépulture le 24 juin 1539.
"Die festo B. Johannis XXIV junii anni MVc XXXIX coram dominis hujus ecclesie canonicis comparuerunt M. Johannes Le Gruyer, presentis ecclesie canonicus, dominus temporalis de Fontanis, honorabilis vir Symon Fouchier, procurator in curia laica, Jacobus Aubry, Guilelmus Granger, clericus, assistentibus G. Rogier, notario, et Petro Belin, executores testamenti hodierne defuncti, hora secunda, ut rumor est, post mediam noctem, nobilis viri petri Pion, dum viveret militis Hierosolimitani ac matricularii ad virgam in hac ecclesia, atque presentaverunt legendum testamentum dicti defuncti, rogantes ut domini volint disponere de officio et pompa funebri, per cujus testamenti lecturam constat eum velle inhumari hora medie noctis, situs et positus in cathedra lignea aut plumbea cum una camisia tele cerate, et supra eam habere cotam seu tunicam peregrini Hierosolimitani tam affabre confectam ut possibile erit, et ferri per vicarios in capellam B. Claudii, quam in hac ecclesia fundavit dictus defunctus, que omnia consenserunt domini modo predicto fieri, orantes pro salute anime ipsius qui septuagenarius fuit . ( Archiv. de l'Aube, reg. G. 1282, fol. 179 vo).»
847. Ce dit jour, en 1539, est décédé noble homme Pierre Pion, seigneur de Rumilly-les-Vaudes (Aube) et en partie de Ravières (Yonne), marguillier à verge de cette église en remplacement de noble homme Nicolas Laurent. Il fit le pélerinage du Saint-Sépulcre et fut reçu chevalier; à son retour il édifia dans cette église, en 1528, la chapelle Saint-Claude, dans laquelle il fonda une messe quotidienne à perpétuité et où il est inhumé. On lit dans un ancien Obituaire :
Die martis XXIV junii MDXXXIX obiit Petrus Pion, nobilis vir et miles Hierosolimitanus; novum pompe funebris genus voluit inhumari hora media noctis, situs et positus in cathedra lignea aut plumbea cum una camisia tele cerate et supra eam habens cottam seu tunicam peregrini Hierosolimitani tam affabre confectam ut possibile erit. Jacet in capella divi Claudii quam ipse fundavit et dotavit.
.
Description.
C'est la première fenêtre des transepts, à l'est, la plus rapprochée du choeur. Cette baie haute de 10 m et large de 5,50 m est composée de 6 lancettes lancéolées réunies 2 à 2 sous 1 soufflet et de 6 mouchettes et écoinçons au tympan. Un grand registre formé des 4 lancettes centrales est entourée de bordures du 16e siècle (motifs décoratifs, croix de Jérusalem alternant avec des verres colorés) au sein d'une vitrerie losangée du XXe siècle. : de g. à dr. : le donateur en armure Pierre Pyon présenté par saint Pierre ; saint Claude ; saint Paul ; la donatrice Jeanne Fuestot présentée par saint Jean l'Evangéliste.
Au tympan des bordures du 16e siècle sont entourées d'une vitrerie losangée du XXe siècle ; dans les lobes des mouchettes inférieures sont figurées 2 têtes à l'antique (une femme et un homme de profil) ; les soufflets contiennent les écus armoriés des donateurs dans une couronne de verre rouge.
.
La baie 214 (vers 1530) du bras sud du transept de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
La baie 214 (vers 1530) du bras sud du transept de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
La première lancette : Pierre Pyon en donateur présenté par saint Pierre.
.
Pierre Pyon est agenouillé, les mains jointes, devant son prie-Dieu, couvert d'un tapis brodé de ses armes, d'azur à la croix double d'or, avec une étoile de même au canton de sénestre. Il s'est fait représenter avec les insignes d'un chevalier de Jérusalem. Il est couvert d'une riche armure de guerre et d'un hoqueton de soie d'azur semée de croix potencées d'or, qui est de Jérusalem; sa tête est coiffée d'un chaperon de soie noire, rembourré de coton, qui se plaçait sous le bassinet, la salade ou le chapel de fer. Derrière lui, saint Pierre, son patron, lui posant délicatement la main sur la tête et portant de la main gauche une grande clef. (Ch. Fichot)
.
La baie 214 (vers 1530) du bras sud du transept de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
2°) Saint Claude en évêque et saint Paul.
Saint Paul a les deux mains appuyées sur la poignée de l'épée qui rappelle sa décollation.
Les culots comportent des masques Renaissance.
.
La baie 214 (vers 1530) du bras sud du transept de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
3°) La donatrice Jeanne Festuot, femme de Pierre Pyon, veuve en premières noces de Claude Bury, morte vers 1555.
La donatrice porte une coiffe noire perlée et un manteau violet doublé de fourrure. Une bague est visible à l'index.
Elle est agenouillée les mains jointes devant son prie-Dieu, avec son blason parti au 1 d'azur à la croix double d'or, accompagnée d'une étoile au canton de sénestre; au 2 d'azur à trois têtes de béliers d'argent.
Derrière la donatrice, saint Jean l'Évangéliste tient un calice de poison, duquel sort le petit dragon .
.
.
.
La baie 214 (vers 1530) du bras sud du transept de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
LE TYMPAN.
.
La baie 214 (vers 1530) du bras sud du transept de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
SOURCES ET LIENS.
.
— ARNAUD (Anne-François), 1837, Voyage archéologique et pittoresque dans le département de l'Aube, Troyes page 144.
— BIVER (Paul), 1908-1935, L'École troyenne de peinture sur verre. Non consulté.
— COFFINET (Abbé Jean-Baptiste), 1858, Les peintres-verriers de Troyes pendant trois siècles depuis 1375 jusqu'à 1690 "Peintres-verriers. Nomenclature des peintres-verriers de Troyes depuis 1375 jusqu'à 1690". Annales archéologiques, 1858, t. 18, p. 212-224.
— JUBAINVILLE (Henri d'Arbois de), 1862, "Documents relatifs aux travaux de construction faits à la cathédrale de Troyes pendant les XIIIe, XIVe et XVe siècles" [second article].Bibliothèque de l'École des chartes Année 1862 23 pp. 393-423
— LAFOND (Jean) 1955, "Les vitraux de la cathédrale Saint-Pierre de Troyes". In Société française d'archéologie, éd. Congrès archéologique de France : 113e session, Troyes, 1955. Orléans ; Nogent-le-Rotrou, 1957, p. 29-62.
— LIEZ (Jean-Luc), 2022, "Regard(s) sur l’héraldique à Troyes au XVIe siècle". ffhal-03940420f
https://hal.science/hal-03940420/document
—MARSAT (André), Charles J. Ledit, Angelico Surchamp · 1972 Cathédrale de Troyes, les vitraux
— MINOIS (Danielle), 2005 Le vitrail à Troyes : les chantiers et les hommes (1480-1560) .Sorbonne Université presses Corpus vitrearum France Etudes VI, 1 vol. (475 p.-XXIV p. de pl.) : ill. en noir et en coul., jaquette ill. en coul. ; 33 cm
— MINOIS (Danielle), 2003,La peinture sur verre à Troyes à la fin du Moyen Age thèse d'histoire de l'art Paris IV sous la direction de Fabienne Joubert et Michel Hérald,
Camille Georges Picavet, L. Morel-Payen. — Troyes et Provins (les villes d’art célèbres). — Paris, Laurens, 1910 [compte-rendu] Revue internationale de l'enseignement Année 1911 61 pp. 87-88
— MOREL-PAYEN (Lucien) sd, Guide-Souvenir de la cathédrale de Troyes Troyes, Imp. L. Droin, -
—PASTAN (Élisabeth C. BALCON (Sylvie), 2006, "Les vitraux du chœur de la cathédrale de Troyes (xiiie siècle)", Paris, Cths, coll. « Corpus vitrearum - France II », 2006, 539 p.
— PIGEOTTE (Léon),1870, Étude sur les travaux d'achévement de la cathédrale de Troyes de 1450 à 1630, Paris, Librairie archéologique de Didron, page 47.
— RIVIALE (Laurence), "Danielle Minois, Le vitrail à Troyes : les chantiers et les hommes (1480-1560). Paris, P.U.P.S., 2005, 475 p. (Corpus vitrearum France, études VI)." In: Bulletin Monumental, tome 166, n°1, année 2008. La galerie à Paris (XIVe-XVIIe siècle) pp. 85-86.
Les vitraux de la nef de la cathédrale de Troyes : les baies n°133 et 233 : légende de saint Sébastien ; réalisée en 1501 par Lievin Varin, don de la confrérie de Saint-Sébastien.
Avec 1 500 m² de verrières, allant du XIIIe au XIXe siècle, la cathédrale de Troyes est l’un des plus vitrées de France. Elle possède un triforium totalement vitré, (situé à mi-hauteur et qui fait le tour du bâtiment), ce qui est assez exceptionnel. Les vitraux de la cathédrale de Troyes sont considérés comme une œuvre majeure de la peinture sur verre en France.
Les 20 verrières hautes de la nef forment un ensemble homogène. Elles ont été réalisées entre 1498 et 1505 par plusieurs peintres-verriers dont le nom de certains sont connus (Pierre Maçon, Jean Verrat, Balthasar Godon, Lievin Varin et le cartonnier Nicolas Cordonnier). Parmi les 66 « verriers » recensés dans les archives entre 1470 et 1560, 37 peuvent être considérés comme des peintres verriers. Regroupés autour de la collégiale Saint- Urbain, ils travaillaient au sein de structures familiales et fondaient des dynasties, comme les Verrat ou les Macadré. Leur atelier était une petite structure dirigée par un peintre verrier qui n’employait qu’un ou deux serviteurs, selon ses moyens, comme on le voit à Paris et en Provence (D. Minois).
Selon le rédacteur de la notice de l'Inventaire, rédigée en 1999, "Leur iconographie répond à la seule volonté des multiples donateurs. Leur véritable lien provient plus de la technique que du style : les peintres-verriers ont mis l'accent sur la lisibilité des compositions (larges registres de scènes, mise en valeur des faits et gestes des personnages par la réduction du rôle de l'architecture et des arrières-plans, modelé très appuyé, absence de chef-d'oeuvre et de gravure sauf dans la baie 233). Certains aspects rappellent les vitraux du milieu du 13e siècle des parties hautes du choeur : la gamme colorée très vive avec barbes et cheveux en pleine couleur, la mise en plomb des yeux de certains personnages, les fonds de mosaïque. Si la Renaissance italienne ne s'y fait pas encore sentir, Jean Lafond reconnaît une influence venue de l'est dans la verrière de saint Pierre (notamment l'atelier strasbourgeois de Pierre d'Andlau). Pour Emile Mâle, la présence dans ces verrières d'une forte veine d'inspiration populaire évoque l'imagerie d'Epinal."
Au contraire, Danielle Minois (2003 ; 2005) souligne la cohérence de ces ensembles qui illustrent en un discours argumenté et savant l’histoire du salut. "Seul un clergé cultivé a pu élaborer ces programmes ; il l’a donc imposé aux donateurs qui l’ont financé. Parce que « le choix des sujets des verrières posées dans les églises est un reflet de la vie intellectuelle et religieuse », elle signale en outre les réactions des commanditaires face à la Réforme à travers les thèmes choisis, surtout après 1550 : l’histoire de Daniel ou de Tobie, la légende de l’hostie profanée. Elle montre comment les mêmes thèmes peuvent changer de sens face à un climat de remise en cause de l’Église romaine." (L. Rivale)
Ces 20 verrières hautes de la nef se répartissent entre les baies du triforium (galerie à trois arcades entre chaque travée), qui portent les numéros 127 à 136, et, au dessus de celles-ci, les baies hautes homologues portant les numéros 227 à 236. Selon la numérotation internationale des vitraux, les baies nord portent un numéro impair et les baies sud un numéro pair.
Les baies 133 (triforium) et 233 occupent la deuxième travée de la nef côté nord.
.
Nous avons donc ainsi :
a) du côté nord, depuis le transept vers le fond de la nef :
-baies 127 et 227 : Saints ; vie de saint Pierre. réalisée en 1502, don d'Henri II de Lorraine Vaudémont, évêque de Metz ;
-baies 129 et 229 : Histoire de Tobie. 1500 ; don de Jean Fuestot l'Aîné (marchand et bourgeois de Troyes dans l'Aube) et de Denise Chappelain sa femme. Monogramme [du peintre verrier en tête de lancette de la baie 129].
-131 et 231 : Adoration des mages, et Histoire de Job. Don de Jeanne de Mesgrigny veuve de Jean Molé. 1501. Inscription et armoiries. Monogramme d'un verrier au tympan.
-133 et 233 : légende de saint Sébastien ; réalisée en 1501 par Lievin Varin, don de la confrérie de saint Sébastien .
- 135 et 235 : Légende de la Vraie Croix ; réalisées entre 1501 et 1502 par Jean Verrat, don de Claude Dorigny, veuve de Jean Péricard. Armoiriesidentifiées. Monogrammes. Très restaurées au XIXe.
b) du côté sud :
-baies 128 et 228 : Calvaire ; saints et saintes. 1499 ; peintre-verrier Balthazar Godon ; armoiries (identifiées) : Jean Huyard chanoine de la cathédrale, et Guillaume Huyard avocat du roi à Troyes
-baies 130 et 230 : Arbre de Jessé. Verrières réalisées par Lievin Varin entre 1498 et 1499, don de Jean de Marisy et Guillemette Phélipe sa femme. En baie 230, toute la famille de Jean de Marisy et de Guillemette Phélipe (ses frères, ses 9 filles et belles-filles) est représentée au bas de cette verrière. Armoiries.
-baies 132 et 232 : Annonciation et Nativité. Parabole du Fils Prodigue. Don de Guillaume Molé et Simone Boucherat , 1499. Réalisée en 1499 peut-être par Pierre I maçon (inscription ne notant que son prénom). Armoiries identifiées, devise "en attendant", monogrammes [du verrier]
-baies 134 et 234 : Vie de Joseph (biblique) ; réalisée en 1499, don d'Agnès Bonjean, veuve de Jehan Thévenin (écuyer et notaire royal à Troyes) son mari . Armoiries identifiées et monogrammes en baie 134. Inscription mentionnant le commanditaire et la date en baie 234.
-baies 136 et 236 : Histoire de Suzanne et du prophète Daniel ; réalisées en 1499 , don de Jean Corart, marchand de Troyes et de Marguerite, sa femme (inscription) ; les vitraux du 15e siècle du triforium (baie 136) ont disparu et sont remplacés par des vitraux du 20e siècle sur le thème de l'histoire de Daniel.
.
.
Donation par la confrérie de saint Sébastien et datation en 1501 : inscription au triforium et en baie 233.
L'inscription qui court tout le long du registre inférieur des lancettes de la baie 233 indique :
LA CONFRARIE DE SAINT SEBASTIAEN ONT DONNE CESTE VERRIERE LAN MIL CINQ CENT UN. DIEU LES GARD[E]
Note : la graphie "confrarie Monsr Saint Sebastian" issue de l'ancien français (latin confratria) se retrouve dans les comptes de la confrérie en 1483-1486 (AD registre G2513). Elle comporte la liste de ceux "qui ont prins cierge"
.
Attribution et datation : d'après les archives de la cathédrale.
.
"Payé à un maçon pour aider Lyénin le verrier à refaire les escharfauds de la verrière de St. Sébastien"
Selon D. Minois, la pose de la verrière en trois fois révèle sans doute la fréquence des versements effectués par les confrères , la date de 1501 qui est inscrite correspondant au dernier acompte
.
Héraldique.
Selon la notice de la base Palissy; un écu armorié avait été mis en place en 1502/1503 par Jeançon Garnache et Nicolas Hulins, mais il a disparu.
.
Description
La baie 233, avec six lancettes réunies deux à deux sous deux mouchettes, et un tympan à treize ajours et écoinçons, mesure 10 m de haut et 6 m de large.
La baie 133, en dessous, au triforium, avec ses six lancettes réunies deux à deux sous un tympan à deux mouchettes et un soufflet, mesure 3, 50 m de haut et 6 m. de large.
.
La confrérie de saint Sébastien à Troyes.
La confrérie de saint Sébastien de Troyes est présente dans les comptes de la fabrique dès 1380. Si les créations de confréries à Troyes datent de ces années 1380, elles explosent vers 1510 et leurs nombres passent de 25 à 81 (S. Simiz). Celle de Saint-Sébastien doit son développement aux épidémies de peste, et donc aux soins d'inhumation.
Confrérie d'intercession ou de fonction ?
Le rôle de l'intercession auprès de saint Sébastien contre la peste est clairement énoncée sur la verrière de la cathédrale, comme elle l'est à Saint-Nizier de Troyes. Une épidémie a frappé Troyes entre 1491 et 1499, donnant tous son sens à l'invocation du tympan : Saint Sébastien ami de dieu garde nous de tous lieux de peste.
Dans les villes, la défense était confiée à des groupes d'archers et arbalétriers. Je n'ai trouvé que des documents insuffisants pour savoir si, à Troyes, la confrérie de saint Sébastien a été dès l'origine une confrérie d'archers, comme c'est attesté en 1520 sur la verrière du martyre de saint Sébastien de l'église Saint-Nizier de Troyes ("don de la confrérie des archers") qui comporte aussi des invocations contre la peste. La confrérie possédait aussi en 1515-1516 un autel en l'église Sainte-Madeleine de Troyes. Dans la cathédrale Saint-Pierre, leur autel se trouvait dans le transept méridional, et associé dès le XVe siècle à l'autel de Sainte-Hélène. Une messe y fut fondée dès 1340, des inhumations eurent lieu dans cette chapelle.
La confrérie possédait certainement un bâton de procession à l'effigie du saint patron, et sa garde était attribuée au bâtonnier. À Troyes en 1502-1503 ou 1512-1513, il s'agissait d'une femme. Lors de sa prise de fonction, elle offrait du linge d'autel pour la chapelle. La procession faisait le tour de la ville lors de la fête du saint. Le jour de la Saint-Sébastien on allait, en magnifique cortège, tirer le papegai sur le pré. Celui qui abattait l’oiseau était proclamé roi ; l’abattait-on trois années de suite, on devenait empereur. Le soir, on dînait aux frais de la ville.
—Saint-Nizier de Troyes vers 1520
Inscription : DON DE LA CONFRERIE DES ARCHERS ET INVOCATION CONTRE LA PESTE (BANDEROLES DES ECOINÇONS)
Sujet : saint Sébastien au martyr est décoré du collier de l'ordre de Saint-Michel. fond damassé au tympan
Au pied de ce pilier était l'autel de la confrérie de Saint-Sébastien en 1515-1516. Cette oeuvre est caractéristique des statues auboises du 16e siècle représentant Saint-Sébastien portant le collier de l'ordre de Saint-Michel qui fut créé par Louis XI, en 1469. Elle pourrait avoir été créée à l'épo
.
Le lien entre la verrière et le theâtre religieux.
J'ai souligné ce lien pour les verrières consacrées à Job, à Tobie et à Daniel : il peut aussi être argumenté pour la légende de saint Sébastien.
"En 1497, la ville de Chalon-sur-Saône, qui depuis six ans souffre de la peste, décide, pour désarmer la colère de Dieu, de faire jouer le mystère de Saint-Sébastien. Abbeville représente, en 1458, le jeu de Monsieur saint Adrien, en 1493, la vie de Monsieur saint Roch. Souvent, à la suite de ces représentations, les spectateurs formaient des associations pieuses qui perpétuaient le culte des défenseurs de la cité contre les épidémies. Les confréries vouées à un et souvent à plusieurs de ces saints protecteurs abondaient."
Le manuscrit d'un Mystère de saint Sébastien du XVe siècle en vers français est conservé par la BnF NAF 1051
Arlima signale l'Histoire de Monseigneur saint Sébastien BnF fr 12539, incomplet, du XVe siècle, et L'ystoire de monseigneur sainct Sebastien, pour la premiere journee a LX personnaiges… jouee par les habitans de Lans-en-Villard, en Savoie (en mai 1567), manuscrit du XVIe siècle BnF NAF 7521.
.
Saint Sébastien et le collier de l'Ordre de Saint-Michel.
Saint Sébastien porte, sur ces baies 133 et 233, le collier de l'Ordre de Saint-Michel, dans sa première version bien entendu (l'Ordre a été créé en 1469 mais François Ier a remplacé en 1515 les aiguillettes en double las du collier par une cordelière). Cette particularité se retrouve à la même époque dans la statuaire de l'Aube, et un bel exemple de statue en bois est conservé au Musée de l'Archerie et du Valois de Crépy-en-Valois, datant de la fin du XVe/début XVIe siècle.
Laurent Hablot a étudié ces Sébastien au collier est souligne que, "en Champagne au moins, le port de ce collier par le saint patron des confréries d'archers permettait de faire le lien entre ces milices, avatars des francs archers de l'Ordonnance et le service du roi, une façon aussi d'ennoblir à travers son patron la confrérie comme personne morale à défaut que ses membres roturiers puissent prétendre à cette distinction royale réservée à la noblesse. Au XVIe-XVIIe, plusieurs de ces confréries décerneront au "roi du Papegau" un collier très proche formellement des colliers d'ordre de chevalerie (dans le Nord et en Flandres, quasi répliques de la Toison d'or). Peut-être qu'à Troyes au XVIe siècle déjà le roi du Papegai recevait un collier imitant celui du Saint-Michel ? "(*)
(*) J.P. Finot, in Les archers, arbalétriers et arquebusiers de Troyes (1858), décrit la cérémonie hebdomadaire du tir au joyau ou du tir à l'oiseau et les honneurs réservés au vainqueur, mais ne parle pas d'un collier.
Quatre autres exemples de Sébastien au collier de Saint-Michel sont décrits en ligne (il en existerait plus d'une dizaine) :
— Verrière : baie 4, Martyre de saint Sébastien, vers 1520, église de Saint-Nizier à Troyes. Inscription au tympan CONFRERES ARCHERS GARDEZ-VOUS D'EPIDEMIE DE PESTILENCE.
"Située au 19e siècle (signalement Fichot) : au premier pilier du transept, faisant l'angle du bas-côté du choeur à gauche. Au pied de ce pilier était l'autel de la confrérie de Saint-Sébastien en 1515-1516. Cette oeuvre est caractéristique des statues auboises du 16e siècle représentant Saint-Sébastien portant le collier de l'ordre de Saint-Michel qui fut créé par Louis XI, en 1469. "
Les baies 133 et 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
LA BAIE 133 (TRIFORIUM).
.
La baie 133 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
1 et 2. Les membres de la confrérie de Saint-Sébastien, en donateurs.
.
Une vingtaine de membres de la confrérie de Saint-Sébastien sont agenouillés mains jointes sous un espace voûté et nervuré.
La baie 133 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
Le tympan et les têtes de lancettes.
Dans chacun des trois tympans sont figurées des flèches entourées de phylactères ; et dans les deux premères têtes de lancettes, au dessus des donateurs, ces mêmes phylactères portent l''inscription : LES CONFRERES DE ST SEBASTIAEN.
.
La baie 133 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
La baie 133 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
Les femmes sont nombreuses parmi les membres de la confrérie. C'est une femme qui est placée en premier (est-ce elle qui a la charge du bâton, qui malheureusement n'est pas figuré ?), suivie de deux épouses, et de cinq femmes en fin de cortège. Parmi celles-ci, nous trouvons une religieuse, les autres sont en riches robes bourgeoises.
À côté de la première femme, un homme porte une robe blanche fourrée aux manches, puis deux ou trois couples, et cinq clercs identifiables à leur tonsure : aucun indice ne laisse penser à une réunion d'archers.
.
La baie 133 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
La baie 133 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
La baie 133 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
La baie 133 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
3 et 4. Sébastien exhorte un chevalier (armure, bonnet à plume, épée) à se convertir puis viennent Dioclétien et Maximien.
.
La baie 133 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
5 et 6. Sébastien (qui porte le collier de l'Ordre de Saint-Michel) invite les deux frères jumeaux Marc et Marcelin ( qui ont été condamnés à être décapités en raison de leur foi chrétienne) à proclamer leur foi. Zoè femme de Nicostrate, retrouve la parole et voit un ange notant sur un livre les paroles du saint.
.
La Légende :
Jacques de Voragine La Légende dorée (1261-1266) Traduction par T. de Wyzewa. Perrin et Cie, 1910 (p. 92-97).
"Sébastien, originaire de Narbonne et citoyen de Milan, était animé d’une foi chrétienne très ardente. Mais les empereurs païens Maximien et Dioclétien avaient pour lui une telle affection qu’ils l’avaient nommé chef de la première cohorte, et l’avaient attaché à leur personne. Et lui, il ne portait la chlamyde militaire que pour pouvoir aider et consoler les chrétiens persécutés.
"Or comme, un jour, deux frères jumeaux, Marcellin et Marc, allaient être décapités pour s’être refusés à abjurer la foi du Christ, leurs parents vinrent les trouver pour les engager à se laisser fléchir. Leur mère, d’abord, se présenta devant eux, les cheveux dénoués, les vêtements déchirés, la poitrine nue, et leur dit : « Ô mes fils chéris, une misère inouïe et un deuil affreux s’abattent sur moi ! Malheureuse que je suis, je perds mes fils de leur propre gré ! Si l’ennemi me les avait enlevés, je serais allée les lui reprendre au plus fort du combat ; si des juges s’étaient emparés d’eux pour les mettre en prison, je me serais fait tuer pour les délivrer. Mais ceci est un nouveau genre de mort, où la victime prie le bourreau de la frapper, où le vivant aspire à ne plus vivre, et invite la mort au lieu de l’éviter. Ceci est un nouveau genre de souffrance, où la jeunesse des fils, spontanément, se perd, tandis que la vieillesse des parents est condamnée à survivre ! » Ensuite arriva le père, conduit sur les bras de ses esclaves ; et ce vieillard, la tête couverte de cendres, s’écria : « Je suis venu dire adieu à mes fils, qui, de leur plein gré, ont voulu nous quitter ! Ô mes fils, bâton de ma vieillesse et sang de mon cœur, pourquoi avez-vous ainsi soif de la mort ? Que tous les jeunes gens viennent pleurer sur ces jeunes gens obstinés à périr ! Que tous les vieillards viennent pleurer avec moi sur la mort de mes fils ! Et vous, mes yeux, éteignez-vous à force de larmes, pour que je ne voie pas mes fils tomber sous le glaive ! » Puis arrivèrent les femmes des deux jeunes gens, tenant dans leurs bras leurs fils, et gémissant, et disant : « À qui nous confiez-vous, qui prendra soin de ces enfants, qui se partagera vos biens ? Avez-vous donc des cœurs de fer, vous qui dédaignez vos parents, repoussez vos femmes, reniez vos fils ? » Et déjà le courage des deux jeunes gens commençait à mollir, lorsque saint Sébastien, qui assistait à la scène, s’avança et dit : « Braves soldats du Christ, que ces flatteries et ces prières ne vous fassent pas renoncer à la couronne éternelle ! » Puis, se tournant vers les parents, il leur dit : « Soyez sans crainte ! Ils ne seront pas séparés de vous, mais, au contraire, ils iront vous préparer au Ciel des demeures durables ! » Et pendant que saint Sébastien parlait ainsi, il se trouva entouré d’une grande lumière descendue du ciel, et on le vit soudain revêtu d’un manteau étincelant de blancheur, avec sept anges debout devant lui."
.
"Et Zoé, la femme de Nicostrate, dans la maison de qui les deux gens étaient gardés, vint se prosterner aux pieds de Sébastien, et l’implora par signes, car elle avait perdu l’usage de la parole. Alors le saint dit : « Si je suis le serviteur du Christ, et si les choses que j’ai dites sont vraies, ô toi qui as ouvert la bouche du prophète Zacharie, ouvre la bouche de cette femme ! » Et la femme, retrouvant la parole, s’écria : « Béni soit ton discours, et bénis ceux qui croient à ce que tu dis ! car j’ai vu un ange debout devant toi et tenant un livre où il inscrivait toutes tes paroles ! » "
.
La baie 133 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
Le collier de l'Ordre de Saint-Michel.
C'est une représentation schématisée des entrelacs, mais les coquilles sont indiscutables.
.
La baie 133 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
LA BAIE 233.
.
La baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Lancettes de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
7 et 8. Sébastien rend la parole à Zoé, femme de Nicostrate.
.
Saint Sébastien, en commandeur, nimbé, vêtu d'un manteau écarlate brodé d'hermines et portant le collier de l'Ordre de Saint-Michel, bénit Zoé, qui fléchit le genou, mains jointes. Derrière elle, son mari Nicostrate, en la maison duquel les chrétiens étaient gardés, et un homme tenant une croix.
.
Inscription Sct SEBASTIAEN. N rétrograde.
.
La graphie Sebastiaen, déjà notée dans l'inscription de donation, est attestée en Flandres, ce qui pourrait être un indice sur l'origine du verrier Lièvin Varrin.
.
Lancettes de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
9 et 10. Saint Policarpe baptise les chrétiens devant saint Sébastien.
.
Saint Sébastien porte la même tenue et le même collier de l'Ordre de Saint-Michel.
.
Inscription S~ct POLIC[A]RPE.
La Légende :
"Et telles étaient la grâce et la vertu divines de la parole de saint Sébastien que non seulement il fortifia Marcellin et Marc dans la constance du martyre, mais qu’il convertit aussi leur père Tranquillin, et leur mère, et d’autres personnes, qui toutes furent baptisées par le prêtre Polycarpe."
.
Lancettes de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
11 et 12. Policarpe et Saint Sébastien brise les idoles.
.
Policarpe, tonsuré, vêtu d'une robe rouge d'un surplis blanc et d'une chape rouge, et armé d'un sabre, pénètre dans la chambre du préfet de Rome Chromace, et brise de son arme une idole en or placée sur une colonne . La tête de l'idole ainsi que son étendard tombent. En effet, Sébastien a refusé de guérir Chromace qui était très malade, tant que les idoles ne seraient pas détruites.
Les idoles détruites, Chromace ne guérit pas, car il avoue alors qu'il possédait chez lui une chambre où était représenté tout le système des étoiles, qui lui permettait de prédire l'avenir. La chambre est détruite, et Chromace est guéri. Il se convertit, ainsi que son fils Tiburce et 4000 personnes.
.
Saint Sébastien porte toujours le collier de l'Ordre de Saint-Michel. Il lève la main sur deux idoles encore intactes.
.
Lancettes de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
13 et 14. Comparution de Sébastien devant Dioclétien.
.
La Légende indique comment le préfet Fabien fait supplicier les chrétiens convertis, dont Tiburce, Zoé, Marcellin et Marc. Puis, il va dénoncer Sébastien à l'empereur Dioclétien.
Sébastien porte toujours le collier de l'Ordre de Saint-Michel.
"Après cela, ce préfet dénonça Sébastien à l’empereur Dioclétien, qui, l’ayant appelé, lui dit : « Ingrat, je t’ai placé au premier rang dans mon palais, et toi tu as travaillé contre moi et mes dieux ! » Et Sébastien : « Pour toi et pour l’État romain j’ai toujours prié Dieu, qui est dans le Ciel. » "
.
Lancettes de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
15 et 16. Sébastien est criblé de flèches par deux archers.
.
Sébastien, qui avait été nommé centurion par Dioclétien et Maximien, est martyrisé par ses propres archers.
"Après cela, ce préfet dénonça Sébastien à l’empereur Dioclétien, qui, l’ayant appelé, lui dit : « Ingrat, je t’ai placé au premier rang dans mon palais, et toi tu as travaillé contre moi et mes dieux ! » Et Sébastien : « Pour toi et pour l’État romain j’ai toujours prié Dieu, qui est dans le Ciel. » Alors Dioclétien le fit attacher à un poteau au milieu du champ de Mars, et ordonna à ses soldats de le percer de flèches. Et les soldats lui lancèrent tant de flèches qu’il fut tout couvert de pointes comme un hérisson ; après quoi, le croyant mort, ils l’abandonnèrent."
Cette scène a été représentée de très nombreuses fois, elle s'impose à toute la statuaire du saint. L'allure de bel éphèbe nu et blond, le bras droit levé au dessus de la tête, la colonne et ses liens, ainsi que le nombre des flèches répondent à des codes éprouvés. De même, la posture chorégraphique des archers, et leurs tenues exubérantes et marginales proches de celles des Lansquenets, sont retrouvés partout.
Lancettes de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Lancettes de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
17 et 18. Sainte Lucine et Policarpe retirent les flèches.
.
Inscription Scta LVCIANA / S POLICARPE
La Légende dorée est un peu différente ; selon Charles Fichot, c'est ici "une erreur du peintre verrier" car c'est une veuve nommée Irène, dont le mari saint Castule était mort pour la foi, qui recueillit le corps, le soigna et rétablit la santé de Sébastien.
.
Lancettes de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Lancettes de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
. 19 et 20. Sébastien survit à sa sagittation et comparait à nouveau devant Dioclétien
.
Inscription Sct SEBASTIE[N]
Le collier de l'Ordre de Saint-Michel est bien visible avec ses coquilles saint-Jacques.
"Et voici que peu de jours après, saint Sébastien, debout sur l’escalier du palais, aborda les deux empereurs et leur reprocha durement le mal qu’ils faisaient aux chrétiens. Et les empereurs dirent : « N’est-ce point là Sébastien, que nous avons fait tuer à coups de flèches ? » Et Sébastien : « Le Seigneur a daigné me rappeler à la vie, afin qu’une fois encore je vienne à vous, et vous reproche le mal que vous faites aux serviteurs du Christ ! »
.
Lancettes de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Lancettes de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
21 et 22 : Sébastien est condamné à être bastonné à mort.
.
Alors les empereurs le firent frapper de verges jusqu’à ce que mort s’ensuivît."
.
Là encore, la danse des bourreaux est caractéristique, rejoignant celle des soldats flagellant le Christ dans les innombrables représentations de sa Passion.
Saint Sébastien a retrouvé son collier de l'Ordre de Saint-Michel.
Dans les têtes de lancette se trouvent des branches de chêne nouées.
.
Lancettes de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Lancettes de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
18 et 19. Saint Sébastien est jeté dans un égout afin que son corps ne soit pas découvert .
.
Inscription : DIOCLETIEN / S SEBASTIEN
"...et ils firent jeter son corps à l’égout, pour empêcher que les chrétiens ne le vénérassent comme la relique d’un martyr. Mais, dès la nuit suivante, saint Sébastien apparut à sainte Lucine, lui révéla où était son corps, et lui ordonna de l’ensevelir auprès des restes des apôtres : ce qui fut fait. Il subit le martyre vers l’an du Seigneur 187."
.
Lancettes de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Lancettes de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
LE TYMPAN.
.
Tympan de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
Une inscription est répartie en plusieurs phylactères :
SC~TSSE SEBASTIAN / SAINT SEBASTIAN AMI ED DIEV.
SAINT SEBASTIAN /GARDE NOUS EN TOVS LIEVX DE PESTE.
Et dans les écoinçons :
LA CONFRARIE DE SAINT SEBASTIEN ONT FAIT FAIRE CETTE VERRIERE.
.
Tympan de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Tympan de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
20 . Sainte Lucine retire le corps de la fosse. Une effigie de saint Sébastien assiste à la scène, dans des nuées, tenant la flèche de son martyre.
.
Tympan de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Tympan de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
21 . Sainte Lucine ensevelit le corps de Sébastien aidée de Policarpe, devant saint Pierre et saint Paul (patrons de la cathédrale).
.
Tympan de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Tympan de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
22. Les âmes de saint Sébastien, et des autres martyrs, menées par deux anges montent au ciel où ils sont accueillies par Dieu le Père.
.
Tympan de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
SOURCES ET LIENS.
— COFFINET (Abbé Jean-Baptiste), 1858,Les peintres-verriers de Troyes pendant trois siècles depuis 1375 jusqu'à 1690 "Peintres-verriers. Nomenclature des peintres-verriers de Troyes depuis 1375 jusqu'à 1690". Annales archéologiques, 1858, t. 18, p. 212-224.
— HABLOT (Laurent), 2023, "Saint Sébastien et l'ordre de Saint-Michel", in L’Ordre de Saint-Michel et l'essor du pouvoir royal, Musée national des ordres de chevalerie et de la Légion d’Honneur - Château d’Amboise,p. 151-154.
— JUBAINVILLE (Henri d'Arbois de), 1862, "Documents relatifs aux travaux de construction faits à la cathédrale de Troyes pendant les XIIIe, XIVe et XVe siècles" [second article].Bibliothèque de l'École des chartes Année 1862 23 pp. 393-423
— LAFOND (Jean) 1955, "Les vitraux de la cathédrale Saint-Pierre de Troyes". In Société française d'archéologie, éd. Congrès archéologique de France : 113e session, Troyes, 1955. Orléans ; Nogent-le-Rotrou, 1957, p. 29-62.
—MARSAT (André), Charles J. Ledit, Angelico Surchamp · 1972 Cathédrale de Troyes, les vitraux
— MINOIS (Danielle), 2005 "Le vitrail à Troyes : les chantiers et les hommes (1480-1560)" .Sorbonne Université presses Corpus vitrearum France Etudes VI, 1 vol. (475 p.-XXIV p. de pl.) : ill. en noir et en coul., jaquette ill. en coul. ; 33 cm
— MINOIS (Danielle), 2003, thèse d'histoire de l'art Paris IV sous la direction de Fabienne Joubert et Michel Hérald, La peinture sur verre à Troyes à la fin du Moyen Age
—PASTAN (Élisabeth C. BALCON (Sylvie), 2006, "Les vitraux du chœur de la cathédrale de Troyes (xiiie siècle)", Paris, Cths, coll. « Corpus vitrearum - France II », 2006, 539 p.
— RIVIALE (Laurence), "Danielle Minois, Le vitrail à Troyes : les chantiers et les hommes (1480-1560). Paris, P.U.P.S., 2005, 475 p. (Corpus vitrearum France, études VI)." In: Bulletin Monumental, tome 166, n°1, année 2008. La galerie à Paris (XIVe-XVIIe siècle) pp. 85-86.
Les vitraux de la cathédrale de Troyes : la baie 236 ou Histoire de Daniel réalisée par un verrier anonyme , don en 1499 de Jean Corart ou Coiffart, marchand de Troyes et de Marguerite, sa femme. La baie 136 est moderne sauf le tympan aux monogrammes JC.
Avec 1 500 m² de verrières, allant du XIIIe au XIXe siècle, la cathédrale de Troyes est l’un des plus vitrées de France. Elle possède un triforium totalement vitré, (situé à mi-hauteur et qui fait le tour du bâtiment), ce qui est assez exceptionnel. Les vitraux de la cathédrale de Troyes sont considérés comme une œuvre majeure de la peinture sur verre en France.
Les 20 verrières hautes de la nef forment un ensemble homogène. Elles ont été réalisées entre 1498 et 1505 par plusieurs peintres-verriers dont le nom de certains sont connus (Pierre Maçon, Jean Verrat, Balthasar Godon, Lievin Varin et le cartonnier Nicolas Cordonnier). Parmi les 66 « verriers » recensés dans les archives entre 1470 et 1560, 37 peuvent être considérés comme des peintres verriers. Regroupés autour de la collégiale Saint- Urbain, ils travaillaient au sein de structures familiales et fondaient des dynasties, comme les Verrat ou les Macadré. Leur atelier était une petite structure dirigée par un peintre verrier qui n’employait qu’un ou deux serviteurs, selon ses moyens, comme on le voit à Paris et en Provence (D. Minois).
Selon le rédacteur de la notice de l'Inventaire, rédigée en 1999, "Leur iconographie répond à la seule volonté des multiples donateurs. Leur véritable lien provient plus de la technique que du style : les peintres-verriers ont mis l'accent sur la lisibilité des compositions (larges registres de scènes, mise en valeur des faits et gestes des personnages par la réduction du rôle de l'architecture et des arrières-plans, modelé très appuyé, absence de chef-d'oeuvre et de gravure sauf dans la baie 233). Certains aspects rappellent les vitraux du milieu du 13e siècle des parties hautes du choeur : la gamme colorée très vive avec barbes et cheveux en pleine couleur, la mise en plomb des yeux de certains personnages, les fonds de mosaïque. Si la Renaissance italienne ne s'y fait pas encore sentir, Jean Lafond reconnaît une influence venue de l'est dans la verrière de saint Pierre (notamment l'atelier strasbourgeois de Pierre d'Andlau). Pour Emile Mâle, la présence dans ces verrières d'une forte veine d'inspiration populaire évoque l'imagerie d'Epinal."
Au contraire, Danielle Minois (2003 ; 2005) souligne la cohérence de ces ensembles qui illustrent en un discours argumenté et savant l’histoire du salut. "Seul un clergé cultivé a pu élaborer ces programmes ; il l’a donc imposé aux donateurs qui l’ont financé. Parce que « le choix des sujets des verrières posées dans les églises est un reflet de la vie intellectuelle et religieuse », elle signale en outre les réactions des commanditaires face à la Réforme à travers les thèmes choisis, surtout après 1550 : l’histoire de Daniel ou de Tobie, la légende de l’hostie profanée. Elle montre comment les mêmes thèmes peuvent changer de sens face à un climat de remise en cause de l’Église romaine." (L. Rivale)
Ces 20 verrières hautes de la nef se répartissent entre les baies du triforium (galerie à trois arcades entre chaque travée), qui portent les numéros 127 à 136, et, au dessus de celles-ci, les baies hautes homologues portant les numéros 227 à 236. Selon la numérotation internationale des vitraux, les baies nord portent un numéro impair et les baies sud un numéro pair.
Les baies 136 (triforium) et 236 occupent la première travée côté sud.
.
Nous avons donc ainsi :
a) du côté nord, depuis le transept vers le fond de la nef :
-baies 127 et 227 : Saints ; vie de saint Pierre. réalisée en 1502, don d'Henri II de Lorraine Vaudémont, évêque de Metz ;
-baies 129 et 229 : Histoire de Tobie. 1500 ; don de Jean Fuestot l'Aîné (marchand et bourgeois de Troyes dans l'Aube) et de Denise Chappelain sa femme. Monogramme [du peintre verrier en tête de lancette de la baie 129].
-131 et 231 : Adoration des mages, et Histoire de Job. Don de Jeanne de Mesgrigny veuve de Jean Molé. 1501. Inscription et armoiries. Monogramme d'un verrier au tympan.
-133 et 233 : légende de saint Sébastien ; réalisée en 1501 par Lievin Varin, don de la confrérie de saint Sébastien ; un écu armorié d'Odard Hennequin mis en place en 1502-1503 par Jeancon Garnache et Nicolas Hulins a disparu.
- 135 et 235 : Légende de la Vraie Croix ; réalisées entre 1501 et 1502 par Jean Verrat, don de Claude Dorigny, veuve de Jean Péricard. Armoiriesidentifiées. Monogrammes. Très restaurées au XIXe.
b) du côté sud :
-baies 128 et 228 : Calvaire ; saints et saintes. 1499 ; peintre-verrier Balthazar Godon ; armoiries (identifiées) : Jean Huyard chanoine de la cathédrale, et Guillaume Huyard avocat du roi à Troyes
-baies 130 et 230 : Arbre de Jessé. Verrière réalisée par Lievin Varin entre 1498 et 1499, don de Jean de Marisy et Guillemette Phélipe sa femme. En baie 230, toute la famille de Jean de Marisy et de Guillemette Phélipe (ses frères, ses 9 filles et belles-filles) est représentée au bas de cette verrière. Armoiries.
-baies 132 et 232 : Annonciation et Nativité. Parabole du Fils Prodigue. Don de Guillaume Molé et Simone Boucherat , 1499. Réalisée en 1499 peut-être par Pierre I maçon (inscription ne notant que son prénom). Armoiries identifiées, devise "en attendant", monogrammes [du verrier]
-baies 134 et 234 : Vie de Joseph (biblique) ; réalisée en 1499, don d'Agnès Bonjean, veuve de Jehan Thévenin (écuyer et notaire royal à Troyes) son mari . Armoiries identifiées et monogrammes en baie 134. Inscription mentionnant le commanditaire et la date en baie 234.
-baies 136 et 236 : Histoire de Suzanne et du prophète Daniel ; réalisées en 1499 , don de Jean Corart, marchand de Troyes et de Marguerite, sa femme (inscription) ; les vitraux du 15e siècle du triforium (baie 136) ont disparu et sont remplacés par des vitraux du 20e siècle sur le thème de l'histoire de Daniel.
.
Datation vers 1500 et donation par Jean et Marguerite COIFFART.
.
Les données s'appuient sur l'inscription qui court le long du bord inférieur de la baie 236 et qui énonce :
Jean Corart marchant demeurant a Troyes et Marguerite sa femme ont donnée ceste verriere lequel trepassa le 4 jour de septembre l'an mil IIII IIII et XIX [1499]. Priez Dieu pour eulx .
On estime (D. Minois) qu'il faut compter un an entre la donation, et la réalisation d'une verrière.
"La formulation , qui donne la date du décès du donateur ... laisse entendre que la donation faisait partie de son testament. Cette inscription est la seule indication de cette verrière dont aucun texte d'archives ne fait mention . Le nom de famille de la donatrice n'est pas connu . Aucun blason ne permet de confirmer l'identité des donateurs . Il est probable que ceux-ci avaient offert les deux niveaux de la verrière , triforium et baie haute .. Le sujet développé dans les lancettes est l'Histoire de Daniel, issue de l'Ancien Testament. Au tympan, au milieu d'une cour de séraphins aux ailes bleues, trônent le Christ et la Vierge, surmontés par la colombe de l'Esprit. L'auteur de cette verrière n'est pas connu. P. Biver, avec beaucoup de prudence, suggère que ce pourrait être Pierre, l'auteur du Fils Prodigue. Toutefois, aucune trace d'archive ne confirme cette hypothèse"
Aucune donnée d'archive ou de généalogie ne donne des renseignements sur ce couple "CORART". Mon hypothèse est la suivante : il faudrait lire plutôt "COIFFART/COIFFARD" arprès une faute de graphie par l'artiste initial ou les restaurateurs.
La famille Coiffart (ou Coiffard) est à la fin du XVe et au XVIe siècle une famille considérable de Troyes, qui sera alliée aux Hennequin , aux Mesgrigny, puis en 1644 aux Molé (les familles donatrices des vitraux de la cathédrale) et dont un membre, Nicolas, devint maire de la ville en 1534 et 1550-54. Les Archives départementales référencient onze membres, dont cinq Jehan ou Jean. Un Jean Coiffart est chanoine de la cathédrale de Troyes. Un Jehan Coiffart est Tabellion de l'officialité (en ?). En 1478-1480, Nicole Coiffart, chanoine, verse 50 sols pour la verrière de la bibliothèque de la cathédrale. Il fut enterré à dans la cathédrale Saint-Pierre le 7 mai 1494. On peut le rapprocher de Nicolas Coiffart, doyen du chapitre de la cathédrale de Troyes. Un autre chanoine se nomme Juvénal Coiffart.
"Une autre tombe couvrait le corps de Nicole Coiffart, doyen de l'église de Troyes. Il est représenté dans un cercle, vu à mi-corps, en costume, la tête nue, et au moment où il consacre l'hostie les mains jointes au-dessus du calice. Autour de sa tête est un rouleau déployé sur lequel on lit: Deus propicius esto michi peccatori; dans le cercle, cet acte de foi: Credo quod redemptor, meus vivit in novissimo die de terra surrecturus sum et rursum circumdabor pella mea et in carne mea videbo Deum salvatorem meum. Et au-dessous du cercle l'épitaphe ainsi disposée :
Cy gist vénérable et discrète personne maistre Nicole Coiffart, prestre, licencié ès-lois et décrets, doyen et chanoine en ceste église, en laquelle a fondé en son vivant la feste de l'Ascencion notre Seigneur, festée le jour et le lendemain, vne messe de requiem solemnelle, qui trespassa l'an mil CCCC 1111xx et XIII, le VIIe jour du moys de may.Demandons à Dieu que par sa grâce, De ses péchés pardon lui face. Amen." (A. F. Arnaud)
En 1499, la famille de marchand n'avait pas été anoblie, et aucun blason ne figure sur cette verrière, à la différence des autres. Plus tard Nicolas Coiffart seigneur de Saint-Benoît-sur-Seine, portera comme armoiries de gueules à trois coiffes ardentes d'or.
La lignée de Jehan COIFFART et Marguerite XXX est parfaitement référencée par les généalogistes :
Jehan Coiffart, fils de Colin, et de Marguerite Le Celtier, eurent 14 enfants entre 1424 et 1449, mais la plupart décédèrent et, outre Avantin Coiffart, chanoine de Soissons , on retient essentiellement leur fils Guyon.
Guyon Coiffart 1449-1509 Lieutenant à la prévôté de Troyes marié à Jeanne Piétrequin †1518, dont 1. Jean Coiffart (mars 1487 julien – Troyes, -31 août 1494 - Saint-Rémy - Troyes, à l'âge de 7 ans. 2. Nicolas Coiffart 1490-1559, écuyer, lieutenant civil au baillage de Troyes seigneur de Saint-Benoit-sur-Seine maire de Troyes en 1534 marié à Guillemette Pinette , dont Nicole Coiffart 1535-1567 et Edme Coiffart 1544- seigneur de Marcilly-Le-Haye qui épouse Edmée Le Gras de Vaubercey, fille de Pierre Le Gras de Vaubercey, dont : Marguerite Coiffart qui épousa Jérôme de Mesgrigny, seigneur de Villebertain (1582 - 1636). Un Jean Coiffart seigneur de Vermoise, est juge-consul de Troyes en 1575.
Outre cette généalogie, mon meilleur indice sur le couple Jehan Coiffart et son épouse Marguerite est un obit de l'obituaire de l'abbaye de Saint-Loup, située alors à Troyes intra-muros. On y lit l'obit de Jehan (Johannis) COIFFART, clerc et marguilier de Saint-Loup et son épouse Marguerite (Margarete) par lequel ils ont versé trente livres tournois pour un office anniversaire du décès de Jehan Coiffart le 28 novembre 1484 après 59 ans de mariage. Soit un mariage en 1424-1425, cohérent avec les données généalogiques. Il est possible que la donation de la verrière a été faite par Marguerite Coiffart décédée plus tardivement.
.
.
Pour être complet, signalons un Nicolas COCHART mentionné dans les comptes de la cathédrale comme clercs jurés en 1408.
.
Attribution.
.
L'artiste n'apparait pas dans les comptes de la cathédrale. On a évoqué le nom du verrier "Pierre".
Le tympan de la baie 136 montre un monogramme aux lettres J et D (?) entrelacées, comme dans la baie 234. Mais comme ce vitrail a été refait au XXe siècle, il y a un doute sur la validité de cette information.
.
Restauration.
En 1558, Pierre Soudain, verrier (auteur de la Rose de la cathédrale), reçoit IX l. pour avoir lavé, nettoyé et "racoustre" la verrière de l'Hystoire de Daniel."
Les vitraux de la cathédrale ont été restaurés par Vincent-Larcher à partir de 1845
.
Description.
.
La baie 236, avec six lancettes réunies deux à deux sous deux mouchettes ( décor réparti en trois registres ) , et un tympan à treize ajours et écoinçons , mesure 10 m de haut et 6 m . de large.
La baie 136, en dessous, au triforium, avec ses six lancettes réunies deux à deux sous un tympan à deux mouchettes et un soufflet, mesure 3, 50 m de haut et 6 m. de large.
Toutes les deux sont consacrées à l'histoire de Suzanne (chapitre 16 de la tradution du Livre de Daniel de la Bible dans la Septante) et au prophète Daniel (Bible, Livre de Daniel), ont été réalisées par le même peintre verrier anonyme (monogramme JD) et ont été commanditées par Jean Corart [sic] et son épouse Marguerite.
Je débuterai par la baie 136, moderne, pour respecter le fil narratif du Livre de Daniel. Puis je poursuivrai le récit sur la baie 236. Je présenterai ensuite le couple des donateurs et je terminerai par le tympan.
.
Le thème du Livre de Daniel, les verrières de Troyes et le théâtre.
J'ai déjà souligné les rapports des thèmes des verrières hautes de la nef de Troyes, toutes offertes à la toute fin du XVe siècle ou en 1500, celles de Job, de l'Adoration des Mages et de Tobie, avec le théâtre religieux et les Mystères dont le jeu est attesté à cette époque. J'ai fait remarquer les rapports de ces histoires bibliques avec les textes du Mistère du Vieil Testament , fort répandu vers 1480, dont les manuscrits sont perdus mais qui fut imprimé à Paris en 1494 et réédité ensuite.
Dans la deuxième partie du Vieil Testament, le chapitre XLI traite de l'histoire de Suzanne et de Daniel , juste après les histoires de Job (XXXIX), et de Tobie (XL). Cette histoire est narrée en 2166 vers, le jeu impose douze acteurs. Elle est divisée en épisodes "Comme Susanne s'en va en son jardin....Des faulx juges et de Joachim. Comme les faulx juges guettent Suzanne. De l'adoration du dieu Bel et des viandes qu'on lui apportoit [...] Comme Daniel fut getté en la fosse aux lions. De Suzanne et des hjuges qui l'abusent." Dans Le Viel Testament, l'histoire de Suzanne est tissée dans tous les autres épisodes du Livre de Daniel, sans doute pour en faire, sur scène, un personnage navette que les spectateurs suivent comme guide.
Je donnerai deux extraits de ce texte dans mon commentaire de cette verrière.
J. de Rothschild a recensé les treize pièces théâtrales consacrées à Daniel en latin du XIIe au XVIIIe siècle (Danielis Ludus), les neuf versions en français (la première à Abbeville en 1477), les trois versions italiennes, les treize versions allemandes et une version polonaise : c'est dire la popularité de ce Jeu. L'Histoire de Suzanne fait elle aussi l'objet de multiples drames, par exemple L'Histoire de saincte Susanne, Troyes, Nicolas Oudot 1621.
Il me semble tout à fait plausible que les divers bourgeois donateurs des verrières de Troyes aient assisté à ce Mistère du Vieil Testament, et que ces jeux aient inspiré leur choix.
Le Livre de Daniel et les enlumineurs de Champagne.
La scène de Suzanne et les vieillards, ou celle de Daniel dans la fosse aux lions, ont été également très représentées par les enlumineurs des Bibles historiées, Bréviaires ou des Livres d'Heures. Et notamment, les Heures de Louis de Laval, gouverneur de Champagne entre 1465 et 1473, consacrent une quarantaine de folios (329v et suiv) à Daniel, avec les enluminures de Jean Colombe et autres artistes locaux. On sait que l'iconographie de ce livre se retrouve dans le Livre d'Heures de Guyot le Peley, bourgeois de Troyes affilié aux donateurs des verrières de Troyes.
.
Les baies 136 (triforium) et 236 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
LA BAIE 136 (XXe SIÈCLE).
.
La baie 136, qui avait été brisée (Fichot 1899 p.230), a été refaite "au XXe siècle" hormis les tympans qui sont d'origine. L'artiste a repris le thème de l'histoire de Daniel, qui devait y figurer puisque tout le début du Livre manque dans la baie 236.
.
Histoire de Daniel, baie 136 (triforium) de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
1 et 2. Les deux premières lancettes de gauche. Deux des songes de Nabuchodonosor.
.
Nabuchodonosor, roi de Babylone, a assiégé Jérusalem et a emmené ses habitants en exil, et, parmi eux, Daniel et ses trois amis Ananias, Azarias et Misaël.
Livre 1 Le roi ordonna à Ashpénaz, chef de ses eunuques, de faire venir quelques jeunes Israélites de race royale ou de famille noble. Ils devaient être sans défaut corporel, de belle figure, exercés à la sagesse, instruits et intelligents, pleins de vigueur, pour se tenir à la cour du roi et apprendre l’écriture et la langue des Chaldéens.[...] Parmi eux se trouvaient Daniel, Ananias, Misaël et Azarias, qui étaient de la tribu de Juda.
Le deuxième année de son règne le roi fit un songe, et il exigea de ses devins et mages non seulement qu'ils l'interprètent, mais aussi qu'ils puissent le deviner auparavant, sous peine de mort. Ils échouent.
Mais le Dieu d'Israël révèle à Daniel et à ses compagnons le rêve du roi.
Daniel se présente à lui et dit :
"Ô roi, voici ta vision : une énorme statue se dressait devant toi, une grande statue, extrêmement brillante et d’un aspect terrifiant. Elle avait la tête en or fin ; la poitrine et les bras, en argent ; le ventre et les cuisses, en bronze ; ses jambes étaient en fer, et ses pieds, en partie de fer, en partie d’argile. Tu étais en train de regarder : soudain une pierre se détacha d’une montagne, sans qu’on y ait touché ; elle vint frapper les pieds de fer et d’argile de la statue et les pulvérisa. Alors furent pulvérisés tout ensemble le fer et l’argile, le bronze, l’argent et l’or ; ils devinrent comme la paille qui s’envole en été, au moment du battage : ils furent emportés par le vent sans laisser de traces. Quant à la pierre qui avait frappé la statue, elle devint un énorme rocher qui remplit toute la terre."
.
Description : Le peintre-verrier a représenté le roi endormi sur son lit avec l'inscription NABUCODONOSOR. Au dessus de lui, un arbre est enchainé et malgré ses feuilles, il ne peut s'élever et son tronc est tronqué. Au pied du lit, sur un tabouret, la statue se dresse, en chef de guerre couronné, tenant le sceptre, et en armure. Une pierre rose se dirige vers ses pieds et va le frapper.
.
Le songe de l'arbre enchaîné.
L'arbre se réfère au deuxième songe de Nabuchodonosor, selon le chapitre 4 :
"Moi, Nabucodonosor, j’étais tranquille dans ma maison et satisfait dans mon palais. J’ai eu un songe : il m’a effrayé. Sur mon lit, je fus troublé par des pensées obsédantes et, dans mon esprit, par des visions. J’ai donné l’ordre d’introduire en ma présence tous les sages de Babylone, pour qu’ils me fassent connaître l’interprétation du songe. Alors, les magiciens, les mages, les devins et les astrologues entrèrent, et je leur racontai le songe, mais ils ne m’ont pas fait connaître son interprétation. En dernier lieu, Daniel se présenta devant moi – son nom est Beltassar, selon le nom de mon dieu, et il a en lui l’esprit des dieux saints. Je lui racontai le songe : « Beltassar, chef des magiciens, tu as en toi l’esprit des dieux saints, je le sais, et aucun mystère ne t’embarrasse. Voici le songe que j’ai fait ; dis-moi son interprétation.
Sur mon lit, je regardais les visions de mon esprit : Voici un arbre, au milieu de la terre, d’une gigantesque hauteur. L’arbre grandit, et il devint puissant, sa hauteur atteignait le ciel, et on le voyait de toute la terre. Son feuillage était beau et son fruit abondant ; il y avait en lui de la nourriture pour tous. Les animaux sauvages s’abritaient sous lui ; les oiseaux du ciel demeuraient dans ses branches ; toute créature se nourrissait de lui. Sur mon lit, je regardais les visions de mon esprit, lorsqu’un Vigilant, un être saint, descendit du ciel. Il criait à pleine voix : Abattez l’arbre et coupez ses branches ! Arrachez son feuillage et jetez son fruit ! Que les bêtes quittent son abri, et les oiseaux, ses branches ! Mais la souche avec les racines, laissez-les dans la terre, dans des chaînes de fer et de bronze, dans l’herbe des champs. L’arbre sera trempé de la rosée du ciel, il partagera avec les bêtes l’herbe de la terre. Son cœur d’homme sera changé, un cœur de bête lui sera donné. Alors, des temps, au nombre de sept, passeront sur lui.
"Tel est le songe que j’ai eu, moi, le roi Nabucodonosor. Toi, Beltassar, donne-moi son interprétation, car aucun des sages de mon royaume n’a pu m’en faire connaître l’interprétation. Mais toi, tu le peux, puisque l’esprit des dieux saints est en toi. »
Beltassar répondit : « Mon seigneur, que le songe soit pour tes ennemis, et son interprétation pour tes adversaires ! L’arbre que tu as vu, grand, puissant, élevé, atteignant le ciel et visible de toute la terre, dont le feuillage était beau et le fruit abondant, en qui il y avait de la nourriture pour tous, sous lequel s’abritaient les animaux sauvages, et dans les branches duquel demeuraient les oiseaux, c’est toi, ô roi ! Tu es devenu grand et puissant, tu as grandi au point d’atteindre le ciel, et ta domination s’étend jusqu’aux extrémités de la terre.Puis, ô roi, tu as vu un Vigilant, un être saint descendu du ciel et qui disait : “Abattez l’arbre et détruisez-le, mais laissez dans la terre la souche avec les racines, dans des chaînes de fer et de bronze, dans l’herbe des champs, et qu’il soit trempé de la rosée du ciel, et partage le sort des animaux sauvages, jusqu’à ce que sept temps passent sur lui.”
Cette vision, ô roi, en voici l’interprétation, la décision du Très-Haut qui atteint mon seigneur le roi : Tu seras chassé d’entre les hommes, tu auras ta demeure avec les animaux sauvages, on te nourrira d’herbe, comme les bœufs, tu seras trempé de la rosée du ciel, et sept temps passeront sur toi, jusqu’au moment où tu reconnaîtras que le Très-Haut est maître du royaume des hommes et le donne à qui il veut. Et si l’on a dit de laisser en terre la souche avec les racines de l’arbre, c’est que ta royauté se maintiendra quand tu auras reconnu que le Ciel est le maître. Aussi, que mon conseil te paraisse bon, ô roi : rachète tes péchés par la justice, et tes fautes par la pitié envers les malheureux. S’il en est ainsi, ta tranquillité se prolongera. »
.
Extrait du texte du Vieil Testament :
—Daniel "Le quart régne qui regnera Par les jambes de ceste ymage Qui sont de fer , a bref langage, Est signifié , sans mescompte . Tout ainsi commele fer dompte Tous autres metaulx, on verra Que ce régne cy domptera Autres régnes : soyez certains, Sera le régne des Rommains, Qui sera en haulte excellence" .
.
Histoire de Daniel, baie 136 (triforium) de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
3. et 4. Daniel interprète le songe de la statue aux pieds d'argile : la prophétie des quatre royaumes.
.
"C’est à toi, le roi des rois, que le Dieu du ciel a donné royauté, puissance, force et gloire. C’est à toi qu’il a remis les enfants des hommes, les bêtes des champs et les oiseaux du ciel, quelle que soit leur demeure ; c’est toi qu’il a rendu maître de toute chose : la tête d’or, c’est toi. Après toi s’élèvera un autre royaume inférieur au tien, ensuite un troisième royaume, un royaume de bronze qui dominera la terre entière. Il y aura encore un quatrième royaume, dur comme le fer. De même que le fer brise et écrase tout, de même, il pulvérisera et brisera tous les royaumes. Tu as vu les pieds qui étaient en partie d’argile et en partie de fer : en effet, ce royaume sera divisé ; il aura en lui la force du fer, comme tu as vu du fer mêlé à l’argile. Ces pieds en partie de fer et en partie d’argile signifient que le royaume sera en partie fort et en partie faible. Tu as vu le fer associé à l’argile parce que les royaumes s’uniront par des mariages ; mais ils ne tiendront pas ensemble, de même que le fer n’adhère pas à l’argile.
Or, au temps de ces rois, le Dieu du ciel suscitera un royaume qui ne sera jamais détruit, et dont la royauté ne passera pas à un autre peuple. Ce dernier royaume pulvérisera et anéantira tous les autres, mais lui-même subsistera à jamais. C’est ainsi que tu as vu une pierre se détacher de la montagne sans qu’on y ait touché, et pulvériser le fer, le bronze, l’argile, l’argent et l’or. Le grand Dieu a fait connaître au roi ce qui doit ensuite advenir. Le songe disait vrai, l’interprétation est digne de foi. »
.
Description : Daniel, imberbe et jeune dans sa tunique blanche ( c'est un tout jeune homme) , est nimbé. Ses trois compagnons, en désaccord avec le texte biblique, sont âgés, barbus, et montrent des éléments les présentant comme Juifs selon les codes du temps : bonnet conique, franges aux bords des vêtements, coiffe à oreillettes et châle sur la tête.
Devant eux est assis Nabuchodonosor sous un pavillon près de son garde à hallebarde et plumet.
.
Note : l'inscription en grisaille NABUCODONOSOR imite les lettres gothiques aux fûts perlées des vitraux de la baie 236, mais le peintre du XXe siècle pourtant remarquable est incapable de reprendre le tour de force de tracer cette inscription en lettres isolées, faites d'une pièce de verre coloré. Nous évaluons mieux l'art des verriers de Troyes vers 1500.
.
Histoire de Daniel, baie 136 (triforium) de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
5 et 6. Nabuchodonosor reconnaît le Dieu d'Israël.
" Alors, le roi Nabucodonosor tomba face contre terre. Se prosternant devant Daniel, il ordonna qu’on lui présente une offrande de céréales et un sacrifice d’agréable odeur. Le roi prit la parole et dit à Daniel : « En vérité, votre Dieu est le Dieu des dieux, le Seigneur des rois, celui qui révèle les mystères, puisque tu as su nous révéler ce mystère. » Puis le roi conféra un rang élevé à Daniel et lui offrit de riches et nombreux cadeaux. Il lui donna autorité sur toute la province de Babylone et en fit le préfet suprême de tous les sages de Babylone. Daniel demanda au roi de confier l’administration de la province de Babylone à Sidrac, Misac et Abdénago. Quant à Daniel, il était à la cour du roi. "
.
Description : Le roi est agenouillé tête nue devant Daniel qui le domine et désigne son Dieu. Le choix de montrer ici le Crucifié est discutable dans cette scène vétéro-restamentaire.
.
Histoire de Daniel, baie 136 (triforium) de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
Le monogramme du peintre verrier ou du donateur dans les tympans du triforium.
.
Comme le signale Charles Fichot en 1899, alors que les lancettes avaient été brisées, leurs tympans persistaient et le monogramme, attribué par Fichot à Jean Corart, y ont été relevées. Toutefois ce relevé est inversé et en miroir de la réalité.
.
.
On peut lire ce monogramme JC ou JD. Le monogramme JC peut correspondre à Jehan Coiffart. On pourrait comprendre que le donateur, n'ayant pas d'armoiries, ait placé ici ses initiales. Les monogrammes des peintres verriers qui figurent dans les autres baies sont bien différents, à type de clefs barrées et s'apparentent aux marques des artisans tailleurs de pierre.
.
.
Mais le monogramme est assez proche de celui qui figure sur la baie 134 , offerte par Jehan Thévenin et Agnès Bonjean. Il a été recensé par l'abbé Coffinet dans sa monographie sur les peintres-verriers.
.
.
Histoire de Daniel, baie 136 (triforium) de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Histoire de Daniel, baie 136 (triforium) de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
LA BAIE 236.
.
Histoire de Daniel, baie 236 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
7. Suzanne ferme la porte de son jardin, accompagnée de ses deux servantes, afin de prendre un bain.
L'épouse de Joakim, un israélite de Babylone, était très belle ; et elle se prénommait Suzanne. Joakim était très riche, et il possédait un jardin auprès de sa maison ; les Juifs affluaient chez lui, car il était le plus illustre d’entre eux. Etparmi ceux-ci, étaient deux vieillards, élus juges cette année-là. "Lorsque le peuple s’était retiré, vers midi, Suzanne entrait dans le jardin de son mari, et s’y promenait." Livre de Daniel 13:7
Mais pour l'observer, deux juges se sont cachés dans le jardin. Car ils la désiraient.
"—SUSANNE (à Joachin) Mon amy, affin d 'abreger mon propos, il faict si treschault Qu'il mefault aller soullager , Car en effect le cueur me fault. ' C 'est ung jardin qui beaucop vault : Il est frès, il est umbrageux ; Puis la fontaine saulte hault ; Est il possible d 'estre mieulx ?
—JOACHIN Allez , le plaisir de mes yeulx , Mon amour, la belle des belles, Humble maintien , cueur gracieux ; On n 'en trouve guéres de telles.
—SUSANNE Ou estes vous, mes damoyselles? Venez après moy vistement.
—LA PREMIÉRE DAMOYSELLE ' Nous y allons.
—SUSANNE Ça, ça , pucelles ; Cheminons tout beau , bellement."
.
Histoire de Daniel, baie 236 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
8. Suzanne au bain est surprise par les deux vieillards .
.
"Lorsque le peuple s’était retiré, vers midi, Suzanne entrait dans le jardin de son mari, et s’y promenait. Les deux anciens la voyaient chaque jour entrer et se promener, et ils se mirent à la désirer : ils pervertirent leur pensée, ils détournèrent leurs yeux pour ne plus regarder vers le ciel et ne plus se rappeler ses justes décrets. Tous deux brûlaient de convoitise, mais ne se l’avouaient pas l’un à l’autre, car ils avaient honte d’avouer leur désir de s’unir à elle. Chaque jour, ils guettaient avidement l’occasion de la voir. Un jour, ils se dirent l’un à l’autre : « Rentrons chez nous, c’est l’heure de déjeuner », et ils se séparèrent. Mais chacun revint sur ses pas, et ils se retrouvèrent au même endroit. Se questionnant alors mutuellement, ils s’avouèrent leur désir. Et ils se mirent d’accord sur le moment où ils pourraient la trouver seule. Ils guettaient le jour favorable, lorsque Suzanne entra, comme la veille et l’avant-veille, accompagnée seulement de deux jeunes filles ; il faisait très chaud, et elle eut envie de prendre un bain dans le jardin. Il n’y avait personne, en dehors des deux anciens qui s’étaient cachés et qui l’épiaient. Suzanne dit aux jeunes filles : « Apportez-moi de quoi me parfumer et me laver, puis fermez les portes du jardin, pour que je puisse prendre mon bain. »Ainsi firent-elles : fermant la porte du jardin, elles entrèrent dans la maison par la porte de service pour y chercher ce que Suzanne leur avait demandé. Elles ne virent pas les anciens, qui étaient cachés."
.
Histoire de Daniel, baie 236 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
9. Un faux témoignage : Suzanne est accusée par les vieillards d'avoir trompé son mari avec un jeune homme.
.
"Les deux anciens la voyaient chaque jour entrer et se promener, et ils se mirent à la désirer : ils pervertirent leur pensée, ils détournèrent leurs yeux pour ne plus regarder vers le ciel et ne plus se rappeler ses justes décrets. Tous deux brûlaient de convoitise, mais ne se l’avouaient pas l’un à l’autre, car ils avaient honte d’avouer leur désir de s’unir à elle. Chaque jour, ils guettaient avidement l’occasion de la voir. Un jour, ils se dirent l’un à l’autre : « Rentrons chez nous, c’est l’heure de déjeuner », et ils se séparèrent. Mais chacun revint sur ses pas, et ils se retrouvèrent au même endroit. Se questionnant alors mutuellement, ils s’avouèrent leur désir. Et ils se mirent d’accord sur le moment où ils pourraient la trouver seule. Ils guettaient le jour favorable, lorsque Suzanne entra, comme la veille et l’avant-veille, accompagnée seulement de deux jeunes filles ; il faisait très chaud, et elle eut envie de prendre un bain dans le jardin. Il n’y avait personne, en dehors des deux anciens qui s’étaient cachés et qui l’épiaient. Suzanne dit aux jeunes filles : « Apportez-moi de quoi me parfumer et me laver, puis fermez les portes du jardin, pour que je puisse prendre mon bain. » Ainsi firent-elles : fermant la porte du jardin, elles entrèrent dans la maison par la porte de service pour y chercher ce que Suzanne leur avait demandé. Elles ne virent pas les anciens, qui étaient cachés. Dès que les jeunes filles furent sorties, les deux anciens surgirent, coururent vers Suzanne et lui dirent : « Les portes du jardin sont fermées, on ne nous voit pas ; nous te désirons, sois consentante et viens avec nous. Autrement nous porterons contre toi ce témoignage : il y avait un jeune homme avec toi, et c’est pour cela que tu as renvoyé les jeunes filles. » Suzanne dit en gémissant : « De tous côtés, je suis prise au piège : si je vous cède, c’est la mort pour moi ; et si je refuse de céder, je n’échapperai pas à vos mains. Mieux vaut pour moi tomber entre vos mains sans vous céder, plutôt que de pécher aux yeux du Seigneur. »
Alors Suzanne poussa un grand cri, et les deux anciens se mirent à crier contre elle. L’un d’eux courut ouvrir les portes du jardin. Les gens de la maison, entendant crier dans le jardin, se précipitèrent par la porte de service pour voir ce qui arrivait à Suzanne. Quand les anciens eurent raconté leur histoire, les serviteurs furent remplis de honte, car jamais on n’avait dit pareille chose de Suzanne. Le lendemain, le peuple se rassembla chez Joakim son mari. Les deux anciens arrivèrent, remplis de pensées criminelles contre Suzanne, et décidés à la faire mourir. Ils dirent devant le peuple : « Envoyez chercher Suzanne, fille d’Helkias, épouse de Joakim. » On l’envoya chercher. Elle se présenta avec ses parents, ses enfants et tous ses proches. Suzanne avait les traits délicats et elle était belle à voir.
Comme elle était voilée, ces misérables ordonnèrent qu’on la dévoile, pour pouvoir profiter de sa beauté.
Tous les siens pleuraient, ainsi que tous ceux qui la voyaient. Les deux anciens se levèrent au milieu du peuple, et posèrent les mains sur sa tête. Tout en pleurs, elle leva les yeux vers le ciel, car son cœur était plein de confiance dans le Seigneur.
Les anciens déclarèrent : « Comme nous nous promenions seuls dans le jardin, cette femme y est entrée avec deux servantes. Elle a fermé les portes et renvoyé les servantes. Alors un jeune homme qui était caché est venu vers elle, et a couché avec elle. Nous étions dans un coin du jardin, nous avons vu le crime, et nous avons couru vers eux. Nous les avons vus s’unir, mais nous n’avons pas pu nous emparer du jeune homme, car il était plus fort que nous : il a ouvert la porte et il s’est échappé. Mais elle, nous l’avons saisie, et nous lui avons demandé qui était ce jeune homme ; elle n’a pas voulu nous le dire. De tout cela, nous sommes témoins. » L’assemblée les crut, car c’étaient des anciens du peuple et des juges, et Suzanne fut condamnée à mort."
.
Inscription SVSANE. (N rétrograde).
.
Histoire de Daniel, baie 236 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
10. Joakim, les servantes et le père de Suzanne assistent au jugement des vieillards et se lamentent.
.
Inscription JOACHIN (N rétrograde).
.
Histoire de Daniel, baie 236 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
11. Suzanne est conduit au supplice par deux bourreaux, devant les deux juges.
.
Inscription SUSANE (N rétrograde).
.
Histoire de Daniel, baie 236 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Histoire de Daniel, baie 236 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
12. Daniel s'écrit : "je suis innocent de la mort de cette femme !".
.
"Comme on la conduisait à la mort, Dieu éveilla l’esprit de sainteté chez un tout jeune garçon nommé Daniel, qui se mit à crier d’une voix forte : « Je suis innocent de la mort de cette femme ! » Tout le peuple se tourna vers lui et on lui demanda : « Que signifie cette parole que tu as prononcée ? » Alors, debout au milieu du peuple, il leur dit : « Fils d’Israël, vous êtes donc fous ? Sans interrogatoire, sans recherche de la vérité, vous avez condamné une fille d’Israël. Revenez au tribunal, car ces gens-là ont porté contre elle un faux témoignage. » "
.
Inscription DANIEL (N rétrograde)
.
Histoire de Daniel, baie 236 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
13. Daniel siège au tribunal et confond les deux vieillards : il innocente Suzanne .
.
"Tout le peuple revint donc en hâte, et le collège des anciens dit à Daniel : « Viens siéger au milieu de nous et donne-nous des explications, car Dieu a déjà fait de toi un ancien. » Et Daniel leur dit : « Séparez-les bien l’un de l’autre, je vais les interroger. »
Quand on les eut séparés, Daniel appela le premier et lui dit : « Toi qui as vieilli dans le mal, tu portes maintenant le poids des péchés que tu as commis autrefois en jugeant injustement : tu condamnais les innocents et tu acquittais les coupables, alors que le Seigneur a dit : “Tu ne feras pas mourir l’innocent et le juste.” Eh bien ! si réellement tu as vu cette femme, dis-nous sous quel arbre tu les as vus se donner l’un à l’autre ? » Il répondit : « Sous un sycomore. » Daniel dit : « Voilà justement un mensonge qui te condamne : l’Ange de Dieu a reçu un ordre de Dieu, et il va te mettre à mort. »
Daniel le renvoya, fit amener l’autre et lui dit : « Tu es de la race de Canaan et non de Juda ! La beauté t’a dévoyé et le désir a perverti ton cœur. C’est ainsi que vous traitiez les filles d’Israël, et, par crainte, elles se donnaient à vous. Mais une fille de Juda n’a pu consentir à votre crime. Dis-moi donc sous quel arbre tu les as vus se donner l’un à l’autre ? » Il répondit : « Sous un châtaignier. » Daniel lui dit : « Toi aussi, voilà justement un mensonge qui te condamne : l’Ange de Dieu attend, l’épée à la main, pour te châtier, et vous faire exterminer. »
Alors toute l’assemblée poussa une grande clameur et bénit Dieu qui sauve ceux qui espèrent en lui. Puis elle se retourna contre les deux anciens que Daniel avait convaincus de faux témoignage par leur propre bouche. "Conformément à la loi de Moïse, on leur fit subir la peine que leur méchanceté avait imaginée contre leur prochain : on les mit à mort. Et ce jour-là, une vie innocente fut épargnée. Helkias et sa femme louèrent Dieu au sujet de leur fille Suzanne, avec Joakim son mari et tous leurs proches, parce qu’il ne s’était trouvé en elle rien de répréhensible. À partir de ce jour, Daniel devint grand aux yeux du peuple."
Inscription DANIEL (N rétrograde)
.
Histoire de Daniel, baie 236 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
14 et 15 : les deux vieillards sont condamnés à mort et lapidés par deux bourreaux.
.
Notez la tenue bariolée bleue et orange, et les chausses ajustées, caractéristiques des bourreaux ou des soldats, tandis que les gens biens portent des vêtements de couleur unie.
Les pierres (de même que les boules rouges dans les coins de chaque panneau) ont sans doute été montées en chef d'œuvre (malgré les plombs réparant les casses successives).
.
Histoire de Daniel, baie 236 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Histoire de Daniel, baie 236 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
16. Début de Festin de Balthazar, chapitre 5 du Livre de Daniel. L'inscription sur le mur.
.
Balthazar est, dans ce Livre, le fils de Nabuchodonosor. Il adore les faux-dieux. Un jour, il donne un grand festin et fait servir les plats et les boissons dans la vaisselle spoliée par son père dans le Temple de Jérusalem. Avec ses grands, ses épouses et ses concubines.
Mais
"Soudain on vit apparaître, en face du candélabre, les doigts d’une main d’homme qui se mirent à écrire sur la paroi de la salle du banquet royal. Lorsque le roi vit cette main qui écrivait, il changea de couleur, son esprit se troubla, il fut pris de tremblement, et ses genoux s’entrechoquèrent."
.
Note : le chien blanc au collier rouge rappelle le chien de Tobie dans la verrière 229.
L'inscription est tracée par la main tenant un stylet blanc. Il est étonnant que l'artiste n'en n'ait pas donné le texte, devenu une sentence.
Voir :
.
.
.
Histoire de Daniel, baie 236 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Histoire de Daniel, baie 236 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
17. Suite du festin de Balthazar.
.
Histoire de Daniel, baie 236 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
18. Le roi Balthazar demande sans succès à ses mages de déchiffrer l'inscription.
.
"Le roi cria de faire entrer les mages, les devins et les astrologues. Il prit la parole et dit aux sages de Babylone : « L’homme qui lira cette inscription et me l’interprétera, on le revêtira de pourpre, on lui mettra un collier d’or, et il sera le troisième personnage du royaume. » Tous les sages du roi entrèrent donc, mais ils ne purent lire l’inscription ni en donner au roi l’interprétation. Le roi Balthazar en était épouvanté : son visage changea de couleur, et les grands du royaume furent atterrés."
.
Histoire de Daniel, baie 236 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
19. Daniel donne au roi Balthazar le sens de l'inscription "Mené, Mené Tequèl, Ou-Phrasine".
La reine suggère au roi de faire appel aux dons de Daniel.
" J’ai entendu dire aussi que tu es capable de donner des interprétations et de résoudre des questions difficiles. Si tu es capable de lire cette inscription et de me l’interpréter, tu seras revêtu de pourpre, tu porteras un collier d’or et tu seras le troisième personnage du royaume. » Daniel répondit au roi : « Garde tes cadeaux, et offre à d’autres tes présents ! Moi, je lirai au roi l’inscription et je lui en donnerai l’interprétation. Ô roi, le Dieu Très-Haut avait donné à ton père le roi Nabucodonosor la royauté, la grandeur, la gloire et la splendeur. La grandeur qui lui était donnée faisait trembler de crainte devant lui tous les peuples, nations et gens de toutes langues. Il tuait qui il voulait, laissait vivre qui il voulait ; il élevait qui il voulait, abaissait qui il voulait. Mais lorsque son cœur devint hautain, son esprit dur jusqu’à l’orgueil, il fut jeté à bas de son trône royal, et sa gloire lui fut retirée. On le chassa d’entre les hommes, son cœur devint comme celui des bêtes ; il demeura avec les ânes sauvages, on le nourrissait d’herbe comme les bœufs ; son corps était trempé par la rosée du ciel, jusqu’au moment où il reconnut que le Dieu Très-Haut est maître du royaume des hommes et place à sa tête qui il veut.
Toi, son fils Balthazar, tu n’as pas abaissé ton cœur, et pourtant, tu savais tout cela.Tu t’es élevé contre le Seigneur du ciel ; tu t’es fait apporter les vases de sa Maison, et vous y avez bu du vin, toi, les grands de ton royaume, tes épouses et tes concubines ; vous avez entonné la louange de vos dieux d’or et d’argent, de bronze et de fer, de bois et de pierre, ces dieux qui ne voient pas, qui n’entendent pas, qui ne savent rien. Mais tu n’as pas rendu gloire au Dieu qui tient dans sa main ton souffle et tous tes chemins.
C’est pourquoi il a envoyé cette main et fait tracer cette inscription. En voici le texte : Mené, Mené, Teqèl, Ou-Pharsine. Et voici l’interprétation de ces mots : Mené (c’est-à-dire “compté”) : Dieu a compté les jours de ton règne et y a mis fin ; Teqèl (c’est-à-dire “pesé”) : tu as été pesé dans la balance, et tu as été trouvé trop léger ; Ou-Pharsine (c’est-à-dire “partagé”) : ton royaume a été partagé et donné aux Mèdes et aux Perses. »
Alors, Balthazar ordonna de revêtir Daniel de pourpre, de lui mettre au cou un collier d’or et de proclamer qu’il deviendrait le troisième personnage du royaume."
L'inscription condamnant le roi est souvent citée sous la forme MANÉ TECKEL PHARES.
La main de Dieu tenant la plume ou le stylet se retrouve au dessus de la tête de Daniel.
.
Histoire de Daniel, baie 236 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
20. Conformément à la prophétie de Daniel, le roi Balthazar est tué le lendemain même par Darius.
"Cette nuit-là, Balthazar, le roi des Chaldéens, fut tué." Daniel 5:30
"Darius le Mède reçut le royaume. Il avait soixante-deux ans." Dn 6:1
.
Inscription DARIVS.
.
Histoire de Daniel, baie 236 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
21. le prophète Hababuc apporte un repas à Daniel jeté dans la fosse aux lions.
Sous le règne de Darius , les Babyloniens vénéraient Bēl et aussi un grand serpent. Cyrus demande à Daniel d'adorer ce dernier, ce que Daniel refuse de faire. À son tour, pour montrer que le serpent n'était pas un dieu, Daniel affirme qu'il pouvait le tuer sans épée, ni bâton. Darius lui accorde le droit de tenter. Daniel fabriqua des boules empoisonnées, que le serpent mangea et dont il mourut. Les prêtres de Bēl se retournèrent contre Darius et menacèrent de le déposer s'il ne leur livrait pas Daniel. Le roi cède et les prêtres jettent Daniel dans la fosse où se trouvaient sept lions affamés. Daniel reste six jours dans la fosse.
Le petit prophète Habacuc se trouvait en Judée ; il avait fait cuire un repas et il partait pour le donner aux moissonneurs. Or, l'ange du Seigneur le saisit par les cheveux du sommet du crâne et le transporta à Babylone, au-dessus de la fosse aux lions. Habacuc donna à manger à Daniel.
Le septième jour, Darius vint pleurer son ami Daniel, et le trouva bien vivant ! Le roi loua le Dieu de Daniel et les prêtres de Bēl furent jetés dans la fosse et dévorés aussitôt.
.
Histoire de Daniel, baie 236 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
Le texte biblique est savoureux :
Il y avait alors en Judée le prophète Habacuc. Il venait de faire cuire une bouillie et de mettre des petits morceaux de pain dans une corbeille, pour aller les porter aux moissonneurs dans les champs. L’ange du Seigneur dit à Habacuc : « Le repas que tu tiens, porte-le à Babylone, à Daniel, dans la fosse aux lions. » Habacuc dit : « Seigneur, je n’ai jamais vu Babylone et je ne connais pas la fosse. » L’ange du Seigneur le saisit par le sommet de la tête, le porta par les cheveux et, dans la violence de son souffle, le déposa à Babylone au-dessus de la fosse. Habacuc cria : « Daniel, Daniel, prends le repas que Dieu t’envoie ! » Daniel dit alors : « Tu t’es souvenu de moi, mon Dieu ; tu n’abandonnes pas ceux qui t’aiment. »
L'artiste a représenté Hababuc sur une nuée, transportée par l'ange qui le soutient par les cheveux.
Inscription principale : ABACHUC.
Inscription sur le galon de la manche : ABACH[UC]
Inscription sur le col : ROER
.
Comparez avec :
.
.
Histoire de Daniel, baie 236 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
22. Daniel dans la fosse aux lions.
Daniel 14 :39-42.
" Il se leva et mangea. L’ange de Dieu ramena aussitôt Habacuc à l’endroit d’où il venait. Le septième jour, le roi vint pleurer Daniel. Il arriva à la fosse et regarda. Voici que Daniel s’y trouvait, assis. Alors le roi s’écria d’une voix forte : « Tu es grand, Seigneur, Dieu de Daniel ! Il n’est pas d’autre Dieu que toi ! ». Puis il fit sortir Daniel de la fosse et y jeta ceux qui avaient voulu causer sa perte : ils furent aussitôt dévorés devant lui.
.
Inscription DANIEL.
.
Histoire de Daniel, baie 236 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
LES LANCETTES E ET F, REGISTRE INFÉRIEUR : LE COUPLE DE DONATEURS.
.
Les donateurs (1499) de la baie 236 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
Jehan Coiffart présenté par saint Jean-Baptiste.
.
Jean-Baptiste s'identifie par sa barbe et ses longs cheveux, par son manteau en poil de chameau, et à l'agneau posé sur le livre et tenant l'étendard de la Résurrection. Il s'identifie également par l'nscription ECCE AGNUS DEI.
Jehan Coiffart est agenouillé, mains jointes sur une croix, mais à la différence des autres donateurs, bourgeois anoblis, il n'est pas face à un prie-dieu portant un livre de prières, et nappé d'un drap à ses armes.
Par contre, la couleur violette de son manteau est celle de tous les donateurs.
.
Jehan Coiffart, donateur en 1499 de la baie 236 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
Marguerite Coiffart présentée par sainte Marguerite.
La sainte est figurée, comme toujours, sortant du dos d'un dragon ailé, et tenant en main le crucifix qui l'a aidé à s'échapper du monstre qui l'avait avalée. La queue du dragon s'élève jusqu'à la branche de la croix.
Marguerite Coiffart est agenouillée mains jointes, elle aussi n'a pas de prie-dieu. Elle porte une robe bleue, une coiffe noire, un chapelet à gros grains, et un sac rouge coincé entre thorax et bras : ce pourrait être son livre de prière, enveloppé dans son sac de transport selon la mode des "livres de ceinture".
.
.
Marguerite Coiffart, donatrice en 1499 de la baie 236 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
LE TYMPAN.
.
En haut, la colombe du Saint-Esprit vole dans les rayons diffusés par une nuée. Cela répond au panneau supérieur de la baie 229 (Dieu le Père) et 232 (le Christ).
Plus bas, est représenté le Couronnement de la Vierge (à gauche) par le Père (à droite) bénissant et tenant le globe du monde. Les deux personnages, assis sur des cathèdres, se détachent sur un ciel rouge à neuf étoiles blanches.
Presque tout le reste du tympan est occupé par neuf séraphins aux ailes bleues.
Les écoinçons recoivent soit des fleurs de lys, soit des branches écotées.
.
Tympan de la baie 236 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Tympan de la baie 236 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Tympan de la baie 236 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
.
.
SOURCES ET LIENS.
— COFFINET (Abbé Jean-Baptiste), 1858,Les peintres-verriers de Troyes pendant trois siècles depuis 1375 jusqu'à 1690 "Peintres-verriers. Nomenclature des peintres-verriers de Troyes depuis 1375 jusqu'à 1690". Annales archéologiques, 1858, t. 18, p. 212-224.
— JUBAINVILLE (Henri d'Arbois de), 1862, "Documents relatifs aux travaux de construction faits à la cathédrale de Troyes pendant les XIIIe, XIVe et XVe siècles" [second article].Bibliothèque de l'École des chartes Année 1862 23 pp. 393-423
— LAFOND (Jean) 1955, "Les vitraux de la cathédrale Saint-Pierre de Troyes". In Société française d'archéologie, éd. Congrès archéologique de France : 113e session, Troyes, 1955. Orléans ; Nogent-le-Rotrou, 1957, p. 29-62.
— LIEZ (Jean-Luc), 2022, "Regard(s) sur l’héraldique à Troyes au XVIe siècle". ffhal-03940420f
https://hal.science/hal-03940420/document
—MARSAT (André), Charles J. Ledit, Angelico Surchamp · 1972 Cathédrale de Troyes, les vitraux
— MINOIS (Danielle), 2005 Le vitrail à Troyes : les chantiers et les hommes (1480-1560) .Sorbonne Université presses Corpus vitrearum France Etudes VI, 1 vol. (475 p.-XXIV p. de pl.) : ill. en noir et en coul., jaquette ill. en coul. ; 33 cm
— MINOIS (Danielle), 2003, thèse d'histoire de l'art Paris IV sous la direction de Fabienne Joubert et Michel Hérald, La peinture sur verre à Troyes à la fin du Moyen Age
—PASTAN (Élisabeth C. BALCON (Sylvie), 2006, Les vitraux du chœur de la cathédrale de Troyes (xiiie siècle), Paris, Cths, coll. « Corpus vitrearum - France II », 2006, 539 p.
— RIVIALE (Laurence), "Danielle Minois, Le vitrail à Troyes : les chantiers et les hommes (1480-1560). Paris, P.U.P.S., 2005, 475 p. (Corpus vitrearum France, études VI)." In: Bulletin Monumental, tome 166, n°1, année 2008. La galerie à Paris (XIVe-XVIIe siècle) pp. 85-86.
Ce second article étudie le registre supérieur du célèbre tableau représentant la famille Jouvenel des Ursins en donateurs, tableau réalisé vers 1445-1456 et qui ornait un mur de leur chapelle de fondation Saint-Rémi au sud du chœur de la cathédrale Notre-Dame de Paris, lieu de sépulture du couple fondateur Jean Jouvenel des Ursins et Michelle de Vitry, du chancelier Guillaume des Ursins puis d'autres membres de cette famille.
"En mars 1415, le sire de Bourbon propose au chapitre de fonder une messe basse quotidienne, avec messe haute le dimanche, et de redécorer la chapelle Saint-Rémi, en laquelle seraient célébrés les offices. La proposition est apparemment sans suite. Vingt-six ans plus tard, les héritiers de Jean Jouvenel proposeront à leur tour au chapitre de leur concéder cette chapelle, dont ils renouvelleront le décor." (G. Eldin)
En effet, ce registre dépeint avec une grande précision un décor architectural en trompe-l'œil, comme ci les treize personnages étaient agenouillés, tournés vers l'est, devant une tenture damassée tendue entre les colonnes devant les niches à personnage et les vitraux de leur chapelle aux voûtes gothiques.
Il n'en est rien, car nous avons ici une absidiole centrale à sept baies encadrées par deux chapelles, ce qui ne correspond pas à la situation de la chapelle Saint-Rémi (aujourd'hui Saint-Guillaume). Néanmoins, comme l'avait suggéré Henry Kraus, ces statues ou ces vitraux peuvent-ils témoigner de l'aménagement de Notre-Dame de Paris au XVe siècle? La suggestion n'a pas été adoptée par les auteurs qui ont suivi, mais je souhaite présenter ici les détails de ce décor à la précision bluffante. Il semble bien témoigner, notamment par sa succession de vitraux armoriés, d'une réalité.
.
L'architecture.
.
.
Les personnages sont agenouillés devant le drap d'honneur, tendue entre deux colonnes à chapiteaux ornés de feuilles naissantes recourbées en crochets. Ces colonnes servent d'appui à trois arcades retombant sur des clefs tombantes
.
Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny.II . le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.
Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.
.
.
I. LES QUATRE BLASONS.
.
Je passerai rapidement, le sujet ayant été traité de façon chevronnée et exhaustive par Matteo Ferrari pour l'ARMMA.
À la retombée des arcades, au dessus des colonnes ou sur les clefs pendantes quatre anges aux ailes déployées présentent les armoiries familiales, alternativement pleines , ou mi-parti de Jean Jouvenel des Ursins et Michelle de Vitry.
On se souvient que les armes des Jouvenel étaient également figurées, sur la peinture, sur le tabard de Jean I et de cinq de ses fils, et que les armes des époux étaient également figurées sur le soubassement de leur tombeau, au centre de la chapelle Saint-Rémi .
.
Au total, ces quatre blasons montrent que le peintre représente une chapelle décorée par la famille qui y a acquis des droits, de fondation, de sépulture et d'ornementation.
Dans la chapelle Saint-Rémi, il est évident que des blasons, dans cette disposition ou dans une autre, affichaient l'identité des propriétaires sur les murs. On les retrouvait sur le soubassement du tombeau, et, probablement sur les tentures, la ou les tapisseries, et sans doute encore sur les livres liturgiques.
.
.
.
1. Armoiries de la famille Jouvenel des Ursins, bandé d'argent et de gueules de six pièces, au chef d'argent soutenu d'or, chargé d’une rose de gueules, boutonnée d’or.
.
Colonne de gauche, la plus proche de Jean Jouvenel des Ursins, au dessus d'un chapiteau. Le blason est incliné. L'ange aux ailes dorées est agenouillé en chevalier servant, vêtu d'une tunique longue à amict ; sa courte chevelure est celle des fils de Jean.
.
.
Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.
.
.
2. Armoiries du couple fondateur Jouvenel/Vitry.
.
Première clef pendante. L'ange est identique au premier. Le blason est incliné, c'est une targe soutenue par une sangle. Le parti Jouvenel est plus contourné, le parti Vitry (d’azur, à la fasce losangée de trois pièces d’or, accompagnée de trois merlettes du même) est à bord plus droit. L'azur s'est assombri et se rapproche du noir.
.
Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.
.
.
2. Armoiries de la famille Jouvenel des Ursins.
.
Deuxième clef pendante. La targe est soutenue par une sangle bien détaillée.
.
Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.
.
.
4. Armoiries du couple fondateur Jouvenel/Vitry.
.
Au dessus de la colonne de droite. Le blason est coupé par le bord du tableau, mais on peut affirmer qu'il est mi-parti.
.
Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.
.
.
II. LES SIX NICHES À STATUES D'APÔTRES.
.
De gauche à droite, nous trouvons les apôtres Jacques le Majeur, Jean, Barthélémy, Jacques le Mineur, Philippe et Simon. L'ordre n'est pas aléatoire, mais il suit globalement la séquence du Credo des apôtres (qui débute par Pierre et André), tel qu'il apparaît, notamment, en marge du calendrier des Petites Heures de Jean de Berry, BnF latin 18014 enluminé par Jean Le Noir élève de Jean de Pucelle. Dans ce calendrier, la séquence est Pierre, André, Jacques le majeur, Jean, Thomas, Jacques le Mineur, Philippe, Barthélémy, Matthieu, Simon et Thaddée. On retrouve, du même atelier, le même calendrier dans les Heures de Jeanne de Navarre BnF latin 3145 (1330-1340). De même, on retrouve ce Credo à la marge du calendrier des Grandes Heures de Jean de Berry, BnF Latin 919 illustré par Jean de Pucelle. Le même Jean Pucelle a enluminé le Bréviaire de Belleville BnF 10483 que Marie Jouvenel des Ursins eut en sa possession : son calendrier ne conserve aujourd'hui que la page où figure saint André. Dans tous ces cas, l'ordre des apôtres est le même. Mais aucun d'entre eux ne tient un attribut (il est désigné par une inscription).
Deuxième remarque, ils sont peints en grisaille. C'est précisément Jean Pucelle qui introduisit en France cette technique dans les enluminures vers 1325. Dans le Psautier de Jean de Berry BnF français 13091, les apôtres sont représentés par André Beauneveu en pleine page, assis, alternant avec des prophètes, tenant un attribut, et en grisaille.
Bien entendu, les apôtres peints ici sont bien différents de ceux dont je viens de citer les références. Ils sont très expressifs, leurs visages sont fortement caractérisés, leurs barbes sont longues et en bataille, comme leurs cheveux (sauf Simon).
En tout cas, l'ordre presque canonique adopté dispense de rechercher ici un rapport avec les prénoms de Jean Jouvenel et de ses fils Jean II, Louis, Denis, Guillaume, Pierre, Michel et Jacques.
.
1. Saint Jacques le Majeur tenant le bourdon et la besace frappé de la coquille et coiffé du chapeau de pèlerin.
.
Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.
.
.
2. Saint Barthélémy tenant le couteau de dépeçage (ou saint Thomas ?).
.
Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.
.
.
3. Saint Jean l'évangéliste, imberbe, tenant la coupe de poison.
.
Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.
.
.
4. Saint Jacques le Mineur tenant le bâton de foulon.
.
Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.
.
.
5. Saint Philippe et sa croix à longue hampe.
.
Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.
.
.
6. Saint Simon et sa scie.
.
Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.
.
.
III. LES TREIZE BAIES ET LEURS VERRIÈRES.
.
Treize baies sont visibles sur cette peinture, dont onze clairement. Deux sous la première arcade de gauche, puis neuf sous la deuxième arcade (dont sept, à une seule lancette ogivale, pour la chapelle d'axe), et à nouveau deux sous la dernière arcade, à droite. Les baies les plus latérales étant vues en enfilade, elles ne peuvent être décrites. Il en reste onze.
—1. Dans la première chapelle latérale, entre les statues de Jacques et de Barthélémy, une baie à remplage gothique à deux lancettes et un tympan à oculus en trèfle, armoriée , et écoinçons.
—2. Dans la même chapelle, à côté de la niche de Jean l'évangéliste, une baie a priori semblable, mais masquée par la clef pendante.
—3 à 9. Sept baies lancéolées à une seule lancette.
—10. Dans la chapelle latérale à notre droite, à côté de la niche de Jacques l'évangéliste, une baie a priori semblable aux baies 1 à 3, mais masquée par la clef pendante.
—11. Dans la même chapelle latérale, entre les statues de Philippe et de Simon, une baie à remplage gothique à deux lancettes et un tympan à oculus en trèfle, armorié , et écoinçons.
.
Remarques :
Les armoiries des tympans des baies 1 et 11 sont celles de la famille Jouvenel des Ursins.
Chaque lancette abrite un personnage en pied, soit (1 et 11) dans une niche gothique, soit dans les baies 3 à 9, sur un soubassement hexagonal. Toutes se détachent sur un fond vitré à losanges et bordures.
.
Liste des personnages identifiables.
.
1a : un saint diacre ou moine, tenant un livre, et à gauche un objet non identifié. Saint Éienne tenant la pierre de son martyre, et la palme du martyre.
1b : un saint religieux ; saint Antoine???
3 : un saint évêque.
4 : saint Louis tenant la couronne d'épines ?
5 : saint tenant une palme de martyre sur l'épaule gauche. Laurent tenant son grill ?
6 (au centre de la baie axiale) : la Vierge à l'Enfant.
7 : Marie-Madeleine.
8 : saint Pierre.
9 : une sainte tenant une croix sur l'épaule droite, et un livre (Hélène?).
11a : saint Michel terrassant le dragon.
11b : saint Christophe traversant le gué et portant l'Enfant.
.
.
.
Baie n°1.
.
Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.
Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.
.
.
Baie n°1a. Saint Étienne tenant en main droite la pierre de sa lapidation, et en main gauche la palme du martyre.
.
Comparer à l'enluminure (peut-être du Maître de Jouvenel) du folio 313 des heures de Jeanne de France BnF NAL 3244.
.
.
Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.
Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.
.
.
Baie n°1b. Un saint moine, barbu, tenant un livre.
.
Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.
Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.
.
.
Baies n° 3 à 9.
.
Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.
.
Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.
Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.
.
.
Baies n°3 et n°4 . Un saint évêque (saint Rémi évêque de Reims ?). Saint Louis tenant la couronne d'épines.
.
Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.
.
.
Baies n°4 et n° 5. Saint Louis tenant la couronne d'épines. Saint Laurent tenant son grill et la palme du martyre.
.
Comparer à saint Laurent des heures de Jeanne de France.
.
.
Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.
Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.
.
.
Baie n°6 : la Vierge à l'Enfant.
.
L'Enfant est tenu sur le côté droit.
.
.
Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.
.
.
Baie n°7 : Marie-Madeleine tenant le flacon d'onguent.
.
Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.
.
.
Baie n°8 : saint Pierre tenant sa clef et un livre.
.
.
Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.
.
.
Baie n°9.
.
Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.
.
.
Baie n° 10.
.
Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.
Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.
.
.
Baie n° 11. Saint Michel et saint Christophe.
.
Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.
.
.
Saint Michel , un saint psychopompe, et saint Christophe, saint apotropaïque (donc tous les deux invoqués pour la Bonne Mort) sont réunis aussi (avec saint Jacques) sur la baie 34 de l'abbaye de la Trinité à Vendôme datant du XVe siècle , avec des points communs frappants avec cette peinture, notamment la symétrie des postures avec le bâton/lance en diagonale:
Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.
Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.
.
.
Baie n° 11a : saint Michel terrassant le dragon.
.
Note : on ne peut écarter l'hypothèse qu'il s'agisse de saint Georges terrassant le dragon, si c'est bien ce dernier qui, ailé, est représenté sur un livre d'heures à l'usage de Nantes enluminé par le Maître de Jouvenel (et le Maître de Boccace) au folio 166 du B.L Add.28785, accompagné d'une prière à ce saint.
.
.
Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.
Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.
.
.
Baie n° 11b. Saint Christophe traversant le gué en s'aidant de sa perche, l'Enfant-Jésus sur l'épaule gauche.
.
Comparer avec l'enluminure par le Maître du Smith-Lesouef dans un ouvrage principalement enluminé par le maître de Jouvenel des Ursins, les Heures à l'usage d'Angers BnF 3211 p.224 datées entre 1450 et 1455:
.
.
.
L'intention de cette série de mon blog est de replacer chaque œuvre dans un ensemble iconographique étudiant les variations et les reprises du thème de saint Christophe traversant le gué en portant le Christ enfant sur ses épaules. Et de faire apparaître l'importance de ce culte au XVe et XVIe siècle.
A Quimper, ce culte tenait une place prépondérante
Saint Christophe sur les vitraux de la cathédrale de Quimper :
Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.
Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.
.
.
DISCUSSION.
.
Je ne suis pas qualifié pour tenter d'identifier l'éventuel sanctuaire représenté ici (seule l'analyse par moteur de recherche d'une large base de données des sites candidats actuels ou détruits mais documentés pourrait y prétendre; ou un heureux hasard) et je préfère me débarrasser de cette contrainte et admettre qu'il s'agit d'un décor fictif, afin de faire remarquer plusieurs points qui soulignent l'intérêt de ce décor.
1. Bien que les statues d'apôtres soient attestées dès les premières cathédrales, le thème des Credo apostoliques, ordonnant ces statues dans un ordre fixé (quoique sujet à variation) se diffuse en iconographie dans les livres enluminés par Jean Pucelle et son élève Jean Le Noir au XIVe siècle, pour le compte du duc de Berry, se retrouve dans les vitraux sur des sites aussi prestigieux que la Sainte-Chapelle de Bourges, toujours pour le duc de Berry (en grisaille, cartons d'André Beauneveu, v.1395) et la cathédrale du Mans (rose nord, vers 1430-1435) et en sculpture, par exemple, en la chapelle de Jean de Bourbon à Cluny vers 1460. La famille Jouvenel adopte donc pour sa chapelle fictive un thème très à la mode dans l'entourage du roi.
2. La précision avec laquelle le peintre représente ici ses vitraux, et leur mise en plomb, laisse supposer qu'il connait bien le sujet. Selon Philippe Lorentz, "durant tout le XVe siècle, la quasi totalité de ceux à qui on commande des vitraux sont des peintres de chevalet" et des peintres de retables, en Bourgogne, en Provence ou ailleurs. Mes connaissances sont minimes, mais je ne connais pas d'exemple de représentation aussi réaliste des vitraux en peinture à cette époque. Soit l'artiste anonyme est parti d'un espace vitré réel, soit il est un de ces peintres-verriers créateur des cartons de vitraux.
3. C'est bien à la fin du XIVe et au XVe siècle que les peintres-verriers se mettent à placer dans leurs lancettes un seul personnage, de plein pied, dans une niche architecturale, alors que dans les siècles antérieurs, les lancettes historiées faisaient se succéder de bas en haut des scènes dans des cadres de formes géométriques savantes et variées. Ces lancettes à un seul personnage se voient, par exemple, en Normandie (Rouen Saint-Maclou, cathédrale d'Evreux (baie 17 v.1370), Saint-Lô, Carentan, Pont-Audemer 1475 (baie 17), Verneuil sur-Avre 1470, Caudebec-en-Caux, Bourg-Achard ( baie 3 vers 1430) et en Bretagne en la cathédrale de Quimper à la fin du XVe siècle (baies 105, 109, 113 par exemple). Conclusion : la chapelle représentée sur la peinture est bien contemporaine de la famille Jouvenel qui y est représentée. Et ces niches architecturées intégrent le vitrail dans l'architecture fictive du monument.
4. Le choix des onze personnages identifiés sur les vitraux est parfaitement cohérent avec le programme iconographique des grands sanctuaires mariaux du XVe siècle, notamment dans la chapelle d'axe où la Vierge occupe la place centrale. Il manque sainte Catherine à côté de Marie-Madeleine. La présence de saint Louis est conforme à nos attentes.
5. Bien que les représentations d'intérieur de chapelles, avec leurs vitraux, sont nombreuses en peinture (d'enluminures notamment) comme en témoigne l'inventaire Biblissima, cette représentation ne devient réaliste voire "illusioniste" qu'au XVe siècle. C'est alors qu'on trouve ces décors d'absides ou chapelles rayonnantes vues en perspective (ou en trompe-l'œil) derrière des accolades à clefs pendantes. En voici quelques exemples :
1°) Messe de l'Avent, missel de Louis de Guyenne, Bibliothèque Mazarine folio 7, par le Maître de Bedford, 1415. Célébration d'une messe en la Sainte-Chapelle de Paris. Mais le décor des vitraux est remplacé par des losanges. N.B : Denis Juvenel des Ursins fut écuyer et échanson de Louis de Guyenne. Ce dernier avait une dévotion toute particulière pour la Sainte-Chapelle. Le manuscrit est resté inachevé au décès du Dauphin le 18 décembre 1415.
.
.
2°) L'Annonciation, Heures d'Etienne Chevalier, Jean Fouquet 1452-1460. Intérieur de la Sainte-Chapelle de Bourges. On reconnait dans les verrières les apôtres dessinés par André Beauneveu vers 1395.
.
.
3°)Les Heures de l'année liturgique, la Messe de Noël, Très Riches Heures du duc de Berry, Musée Condé, Chantilly, MS65 f°158v par Jean Colombes, 1485 (sur un dessin antérieur, peut-être des Limbourg, ou du Maître de Bedford).
On y a reconnu l'intérieur de la Sainte-Chapelle de Paris. Mais l’architecture de celle-ci est plus fidèlement rendue au frontispice du Missel de Louis de Guyenne (supra), enluminé par le Maître de Bedford (Inès Villela-Petit, Bibliothèque nationale de France, 2008).
Notez l'ange scutifère sur la clef tombante, comme sur la peinture des Jouvenel, et le réseau de nervures en arrière des arcades.
.
.
4°)Les Obsèques de Raymond Diocrès, Très Riches Heures du duc de Berry, Musée Condé, Chantilly, MS65 f°86v par Jean Colombes, 1485 (sur un dessin antérieur, peut-être des Limbourg, ou du Maître de Bedford).
.
.
.
5. Dans un processus inverse, ou de mise en abyme, certains vitraux des chapelles du XVe siècle représentent, comme sur ces enluminures, l'intérieur de chapelles avec leurs vitraux..
L'Annonciation de la baie Jacques Cœur, ou baie 25 de la cathédrale de Bourges, datant de 1451 peut-être par Jacob de Littemont.
Les quatre personnages ont été placés dans une architecture complexe, voutée d'ogives ornées de fleurs de lys sur fond bleu. A la différence de la peinture des Jouvenel (réalisée 5 ans auparavant), mais selon le même procédé, c'est la scène liturgique qui figure au premier plan, devant une tenture rouge damassée tendue entre les colonnes. Au premier plan de la partie supérieure, les clefs pendantes s'avancent dans l'espace fictif, devant la voûte nervurée.
.
.
.
Les vitraux de la peinture peuvent-ils représenter ceux de Notre-Dame, soit ceux de la chapelle axiale, soit ceux de la chapelle Saint-Rémi au XVe siècle ?
.
Réponse : on ne sait pas.
"Il ne reste plus rien de la vitrerie médiévale, à l'exception de deux médaillons médiévaux aujourd'hui replacés dans la chapelle Saint-Guillaume, ... ancienne chapelle Saint-Rémi, mais provenant d'un autre emplacement.
Les historiens ne possèdent aucune information sur la nature des vitraux du XIIe siècle et sur l'iconographie retenue pour les trois niveaux d'élévation. L'historienne du vitrail Françoise Gatouillat rappelle que la vitrerie de cette époque a dû se constituer grâce à des donations, mais sans doute aussi avec des remplois des verrières de l'église que la nouvelle cathédrale remplaçait. Ainsi, un triomphe de la Vierge, offert par l'abbé Suger, a été réutilisé dans les tribunes.
Au XIVe siècle, le problème de la cathédrale restait sa pénombre extrême. Et la vitrerie en place allait en faire les frais : quelques verres blancs joignirent les étages supérieurs ; parfois des scènes diverses en camaïeu ou en grisaille et jaune d'argent. Néanmoins des chapelles reçurent des vitraux historiés avec commanditaires à leur partie inférieure, mais on les compte sur les doigts d'une main. Rappelons que les confréries, pourvoyeuses habituelles de vitraux, étaient interdites de séjour dans la cathédrale de Paris (voir le financement de la construction plus haut). Pis encore au XVIIIe siècle : les vitraux des grandes fenêtres seront détruits pour gagner de la lumière.
Les seuls vitraux médiévaux importants qu'il nous reste sont les trois grandes roses du XIIIe siècle"
Source : La cathédrale Notre-Dame de Paris, La Nuée Bleue, collection La grâce d'une cathédrale, 2012, article de Françoise Gatouillat.
.
L'architecture représentée sur la peinture peut-elle correspondre à elle de Notre-Dame, soit ceux de la chapelle axiale, soit ceux de la chapelle Saint-Rémi au XVe siècle ?
Réponse : non, ce qui est représenté ici est une absidiole axiale et deux chapelle latérales, or le chevet de Notre-Dame ne possède pas de chapelles rayonnantes (comme en la cathédrale de Bourges) et de chapelle absidiale axiale plus importante, (comme en la cathédrale du Mans ou en celle de Rouen, par exemple.
Plan de Notre-Dame : https://passerelles.essentiels.bnf.fr/fr/image/926747b1-1473-4117-8441-ef7668e80a69-plan-notre-dame-paris.
Il faudrait encore comparer ce chevet avec celui des cathédrales de Troyes (origine de la famille Jouvenel), de Laon, dont Jean II Jouvenel était évêque ou de Reims, dont Jacques Jouvenel était archevêque , ou de Poitiers.
.
Quels sont les éléments descriptifs dont nous disposons sur la chapelle Saint-Rémi ?
La chapelle Saint-Rémi, actuelle chapelle Saint-Guillaume, est conjointe (non séparée par un mur) de la chapelle Saint-Pierre-et-Saint-Etienne, actuelle chapelle d'Harcourt, plus à l'est. Elle est éclairée aujourd'hui par une large baie à 2x2 lancettes à vitrerie et un tympan à trois roses, devant lequel le mausolée de Jean Jouvenel et Michelle de Vitry est disposé (alors que le dessin de Guilhermy le montre devant un mur). En effet, C.P. Gueffier signale en 1753 que la peinture étudiée ici était placée contre le mur devant lequel était le tombeau, de marbre noir.
.
Quels sont les éléments descriptifs dont nous disposons sur les chapelles du chœur de Notre-Dame ?
Document décrivant le déambulatoire et le chevet de Notre-Dame :
"Un double collatéral environne tout le chevet. Quatre piliers et dix-sept colonnes le partagent en deux galeries. Le nombre de ses travées est donc de vingt, c’est-à-dire qu’il en a cinq de plus que le chœur et l’abside ensemble. La différence du rayon de la courbe à décrire explique naturellement cet accroissement dans le nombre des arcs et dans celui des points d’appui nécessaires pour les soutenir. C’est d’ailleurs toujours le même système dans la structure des voûtes. Seulement, au rond-point, comme la disposition des travées à couvrir ne se prêtait plus au croisement régulier des nervures, on s’est contenté de réunir entre eux les points d’appui par des arcs en ogive, dont les intervalles ont été remplis au moyen de portions de voûtes de formes diverses. Les colonnes libres et les groupes engagés dans les murs de refend des chapelles appartiennent à la première construction, comme le prouvent suffisamment le style de leurs chapiteaux et les feuilles en relief sur les angles de leurs socles. Deux harpies, l’une mâle, l’autre femelle, à corps d’oiseau et tête humaine, sculptées dans un feuillage, sur un chapiteau, entre les septième et huitième chapelles au sud, marquent la transition du style qui se plaisait à l’emploi des personnages et des animaux, à celui qui leur a substitué presque exclusivement le règne végétal.
Si de la colonnade intermédiaire nous passons aux chapelles, nous voyons qu’elles présentent un total de vingt-trois travées. À mesure qu’on s’éloigne du centre, le nombre des subdivisions devient forcément plus considérable. Les cinq premières, de chaque côté, n’ont pas plus d’une travée d’étendue. La première surtout est plus restreinte encore, envahie par le massif qui renferme l’escalier de la tribune.
Vers le rond-point, l’architecte du xive siècle a voulu que ses chapelles fussent plus dégagées et plus élégantes. Il a donc pris le parti de supprimer huit murs de refend pour avoir deux chapelles doubles et trois triples. Le collatéral y a gagné plus de légèreté et plus de lumière. Dans les chapelles simples, les nervures croisées reposent sur des colonnettes engagées dans les angles. Les chapelles doubles et triples ont des faisceaux de colonnes pour soutenir leurs voûtes et leurs arcs doubleaux. Les nervures sont rondes, quelques-unes même avec ce filet en saillie sur le tore qui devint ordinaire dans la seconde moitié du xiiie siècle. Le feuillage des clefs et des chapiteaux, chêne, lierre, trèfle, vigne, etc., a été traité avec une délicatesse et une vérité charmantes. Les arcs doubleaux et les arcs d’ouverture sont fortifiés de nombreuses moulures toriques. Il est intéressant de comparer sur place, et souvent dans l’espace d’une même travée, la manière du xiie siècle et celle du xive. Il est resté dans plusieurs de ces chapelles, comme dans quelques-unes de celles de la nef, des piscines creusées dans les murs et surmontées de petits pignons. Tout était prévu. Ainsi, ces piscines présentent un double bassin, l’un communiquant avec l’extérieur par un déversoir pour rejeter l’eau qui a servi à purifier les mains du prêtre avant le canon de la messe ; l’autre, percé d’un conduit qui va se perdre dans le sol même de l’église, afin de ne pas laisser tomber sur une terre profane l’eau dont le prêtre se lave les doigts après avoir touché aux saintes espèces.
Quelques vagues indices de peinture murale s’aperçoivent çà et là sur les murs des chapelles absidales. Les traces d’une décoration polychrome plus complète se sont trouvées sous le badigeon dans les trois chapelles du fond. On a découvert il y a quelques mois sur le mur de refend de droite de la chapelle du fond, une belle peinture du xive siècle représentant la Vierge assise sur un trône avec l’enfant Jésus ; à gauche est saint Denis à genoux tenant sa tête entre ses bras ; à droite un évêque également agenouillé ; au-dessus de la Vierge on voit deux anges enlevant une âme sous forme d’un jeune homme nu. Une arcature en pierre entourait cette peinture, qui se trouvait probablement placée au-dessus du tombeau de Matiffas de Bucy, le fondateur de ces chapelles. L’évêque placé à la droite de la sainte Vierge serait alors le pieux prélat. Dans la crainte de voir disparaître ces restes qui dénotent un art fort avancé, les architectes les ont fait copier en fac simile de grandeur naturelle par M. Steinheil. " (M. De Guilhermy et Viollet-le-Duc 1856)
Dans ces chapelles latérales du choeur de Notre-Dame, les statues que signalent Gueffier au XVIIIe siècle sont rares : ce sont, sur des colonnes, celles de Simon de Batifas évêque de Paris, fondateur des chapelles saint Nicaise, saint Rigobert et saint Louis (*), d'une part, et, dans la chapelle Saint-Denis et Saint-Georges, celle de Denis Dumoulin, évêque de Paris patriarche d'Antioche et conseiller de Charles VII, décédé en 1441 Cette statue fut brisée à la Révolution.
(*)En 1602 les chapelles Saint-Louis et Saint-Rigobert sont rassemblées pour accueillir les tombeaux du cardinal et du maréchal de Retz. La chapelle est aujourd’hui connue sous le vocable de Notre-Dame-des-Sept-Douleurs.
Remarque : Sur le mur méridional de la chapelle d'axe de Notre-Dame de Paris, dédiée à saint Nicaise, subsiste aujourd'hui une importante peinture murale du XIVe siècle parisien. Vestige du tombeau à enfeu de Simon Matifas de Bucy, évêque de Paris de 1290 à 1304, l'œuvre, lourdement restaurée par Viollet-le-Duc au XIXe siècle, constitue pourtant possiblement l'unique témoignage de l'activité de Jean Pucelle, connu pour ses enluminures, dans le domaine de la peinture monumentale. En effet, Jean-Marie Guillouet est parvenu à cette attribution, en 2008, en la rapprochant de la Crucifixion et l’Adoration des Mages des folios 68v. et 69 des Heures de Jeanne d’Evreux (entre 1325 et 1328), conservées au Metropolitan Museum de New York. Cela confirme que les artistes enlumineurs pouvaient réaliser, non seulement des cartons de vitraux, mais aussi des peintures monumentales, et cela démontre l'intérêt de recherches de cet ordre.
.
.
.
.
On remarque l'absence sur la peinture de statues dressées sur des colonnes, soit des donateurs, soit des patrons des chapelles :
"Nous avons connaissance, de manière plus ou moins fragmentaire, de treize supports établis ainsi au devant ou à l'intérieur des chapelles pour recevoir une statue. Ces statues représentaient des donateurs, tels que Simon Matiffas de Bucy, à l'entrée de la chapelle Saint-Nicaise, au devant de son tombeau, Michel du Bec, devant l'entrée de la chapelle Saint-Michel, Etienne de Suizy, "contre un pilier de sa chapelle", Thomas de Courcelles, Jean de Courcelles, encadrant l'autel de la chapelle Saint-Martin-Sainte-Anne, l'évêque Denis du Moulin devant la chapelle Saint-Denis-Saint-Georges, ainsi qu'un chanoine non identifié dans la chapelle de la Décollation. Des statues à l'effigie de leurs saints patrons ou d'autres personnages étaient placées soit isolément soit vis-à-vis de ces donateurs : saint Michel face à Michel du Bec, l'Enfant Jésus et saint Joseph dans la chapelle de la Décollation, saint Denis face à Denis du Moulin. Dans certains cas, des saints intercesseurs pouvaient même être placés sur le même support que les donateurs. [...] La décoration projetée par Etienne Yver dans la chapelle Saint-Nicolas comportait apparemment un ensemble de statues reposant sur deux colonnes, sur le thème de l’Annonciation. Dès le XIVe siècle, on trouvait en la chapelle Saint-Crépin-Saint-Crépinien une représentation de ces saints, qui pourrait bien avoir été exposée de la même façon que les saints que nous avons mentionnés." (G. Eldrin)
Un exemple : la statue de Beatrix de Bourbon, morte en 1383, en sa chapelle funéraire des Jacobins de Paris (aujourd'hui conservée à la basilique de Saint-Denis) :
.
.
.
Un témoignage important est la façon dont Philippe de Mortvilliers aménagea sa chapelle funéraire, dans le chœur de Saint-Martin-des-Champs, et, notamment, de l'existence de statues sur colonnes ou culots.
.
Cet avocat d'Amiens, conseiller de Jean Sans Peur puis du duc de Bedford, fut nommé premier président du Parlement de Paris pour le parti "bourguignon" en 1418 et accompagna, pendant l'occupation anglaise, l'évêque de Beauvais Pierre Cauchon auprès de Jean de Lancastre. Dans le même temps, du côté "armagnac", Jean Jouvenel des Ursins était premier président du Parlement à Poitiers, et le rival direct de Philippe de Mortvilliers. En 1436, Charles VII réunit les deux parlements.
Philippe de Mortvilliers mourut en 1436 (cinq ans après Jean Jouvenel). Il s'était soucié dès 1426 de fonder sa chapelle funéraire au prieuré clunisien de Saint-Martin-des-Champs en la chapelle Saint-Nicolas, la deuxième chapelle rayonnante nord du chevet, et d'y élever un tombeau pour lui et son épouse Jeanne de Drac . Mais, à la différence des Jouvenel, l'ensemble des textes très détaillés concernant les diverses tractations avec les religieux de Saint-Martin-des-Champs, le financement de la chapelle, les cérémonies liturgiques, l'aménagement et l'ameublement de celle-ci, les calices, vêtements liturgiques et parements d'autels (le poste le plus coûteux), missels et livres (à ses armes et d'emblèmes), etc. ont été conservés et Philippe Plagnieux en a rendu compte. Du monument funéraire lui-même, seule le gisant de Philippe de Mortvilliers, en pierre et marbre blanc, est conservé au Louvre.
"On a montré comment les démarches entreprises par la famille Jouvenel pour inhumer à Notre-Dame, plus de dix ans après sa mort, l'ancien président du parlement de Poitiers, constituaient une réplique aux fondations effectuées en l'église de Saint-Martin-des-Champs par Philippe de Morvilliers. Ce dernier avait présidé le parlement de Paris durant l'occupation anglaise tandis que Jean Jouvenel présidait celui de Poitiers et les occasions de rivalité n'avaient pas manqué entre les deux familles. [...]. Rien d'étonnant par conséquent à ce que la famille Jouvenel ait repris à son compte les principes appliqués par son rival dans l'une des chapelles du chevet de Saint-Martin-des-Champs : droit d'inhumation étendu aux descendants par filiation directe issue de mariage, célébration d'une messe quotidienne dans la chapelle, représentation physique, sur un tombeau élévé de terre, des chefs de la lignée sous la forme de sculptures dont la peinture devait accroître le réalisme. L'instauration de la procession le jour de l'obit des différents membres de la famille peut elle-même apparaître comme une copie de la procession qui le jour de l'obit du président de Morvilliers devait après la célébration se rendre du choeur au tombeau du fondateur, y chanter plusieurs oraisons avant de s'en retourner en entonnant une antienne à saint Martin." (G. Eldin)
.
Les fondateurs déjà figurés en gisants se firent représenter sous forme de statues, également de pierre, mais cette fois debout. Adossées aux deux piliers d'entrée de la chapelle, sous un dais ouvragé, elles se dressent sur des consoles en forme d'anges présentant leurs armoiries. A l'instar des gisants, mais de façon nettement plus ostentatoire, ces statues représentent les deux personnages au sommet de leur gloire, vêtus de costumes de cérémonie . Philippe de Morvilliers est vêtu de sa longue robe rouge de premier président du Parlement, et tient un curieux édicule ( une maquette symbolisant la chapelle Saint-Nicolas?). Quant à son épouse, mains jointes, mondaine et élégante, elle porte un riche habit doré,. Sur les deux piles composées de la chapelle, dessinées par Gaignières, grimpent deux tiges de rinceaux à feuilles de chêne.Elles s'entrecroisent et déterminent des médaillons, séparés par la devise hac virtutis iter, puis enchâssent alternativement les armes des deux époux et la herse liée à F Y.
.
.
.
.
.
.
SOURCES ET LIENS.
.
— BATTIFOL (Louis), 1894, Jean Jouvenel, prêvôt des marchands de la ville de Paris (1360-1431), thèse, Honoré Champion
—BOUCHOT, Henri, Inventaire des dessins exécutés pour Roger de Gaignières et conservés aux départements des estampes et des manuscrits, Paris 1891.
—DEMURGER ( Alain), « La famille Jouvenel. Quelques questions sur un tableau », Annuaire-Bulletin de la Société de l’Histoire de France, 1997 (1999), p. 31-56.
"La relation étroite entre décor et sépulture, que l'on ressent particulièrement à la fin du Moyen Âge, nous a conduit plusieurs fois déjà, dans notre étude des tombeaux, à évoquer la décoration des chapelles. Notre propos n'est pas ici de présenter l'aspect de chacune d'elles ; ces éléments ont été réunis dans la description topographique que l'on trouvera en fin d'étude. Il est plutôt de nous interroger sur les règles qui ont présidé à l'aménagement des chapelles, tout en sachant que l'information réunie, qui restera toujours fragmentaire, ne permet pas d'analyse de type statistique.
L'un des écueils auxquels nous nous heurtons est notamment le fait qu'une bonne part de notre documentation se compose de descriptions portant non sur des oeuvres, mais sur des projets, dont rien ne confirme qu'ils furent suivis d'exécution.
L'information dont nous disposons témoigne d'un nombre respectable d'entreprises de décoration des chapelles du tour du choeur. Pour les chapelles de la nef, les données sont beaucoup plus rares. Il est probable qu'elles aient été beaucoup plus négligées. Comme on l'a vu, elles n'avaient attiré que très peu de sépultures.
Comme pour les inhumations, les fondateurs de chapellenies ou de cycles de messes peuvent être tenus pour responsables d'une bonne part des réalisations. L'étroitesse des chapelles, dont on a dit qu'elle expliquait en partie que l'on n'eût élevé que très peu de tombeaux au-dessus du sol, peut aussi justifier l'usage consistant à dresser sur des colonnettes les représentations des donateurs. A plusieurs reprises, les délibérations du chapitre attestent du souci de ne pas endommager les maçonneries de l'édifice en y insérant des pièces rapportées.
Nous avons connaissance, de manière plus ou moins fragmentaire, de treize supports établis ainsi au devant ou à l'intérieur des chapelles pour recevoir une statue. Ces statues représentaient des donateurs, tels que Simon Matiffas de Bucy, à l'entrée de la chapelle Saint-Nicaise, au devant de son tombeau, Michel du Bec, devant l'entrée de la chapelle Saint-Michel, Etienne de Suizy, "contre un pilier de sachapelle", Thomas de Courcelles, Jean de Courcelles, encadrant l'autel de la chapelle Saint-Martin-Sainte-Anne, l'évêque Denis du Moulin devant la chapelle Saint-Denis-Saint-Georges, ainsi qu'un chanoine non identifié dans la chapelle de la Décollation. Des statues à l'effigie de leurs saints patrons ou d'autres personnages étaient placées soit isolément soit vis-à-vis de ces donateurs : saint Michel face à Michel du Bec, l'Enfant Jésus et saint Joseph dans la chapelle de la Décollation, saint Denis face à Denis du Moulin. Dans certains cas, des saints intercesseurs pouvaient même être placés sur le même support que les donateurs. [...] La décoration projetée par Etienne Yver dans la chapelle Saint-Nicolas comportait apparemment un ensemble de statues reposant sur deux colonnes, sur le thème de l’Annonciation. Dès le XIVe siècle, on trouvait en la chapelle Saint-Crépin-Saint-Crépinien une représentation de ces saints, qui pourrait bien avoir été exposée de la même façon que les saints que nous avons mentionnés.
Qui sont les commanditaires de ces sculptures ? On les connaît dans le cas des frères de Courcelles et d'Etienne Yver. Faut-il en déduire que tous les personnages représentés en aient eux-mêmes fait la demande ? Marcel Aubert propose la date de 1330 pour la figuration du plus ancien de ces personnages, Simon Matiffas de Bucy. Il n'est pas impossible en effet qu'après l’achèvement des chapelles du choeur on ait souhaité commémorer par une série de statues à leur effigie certains personnages ayant contribué à la construction. Ainsi auraient été élevées les statues de Michel du Bec et d'Etienne de Suizy. Il est fort possible également que cet ensemble de sculptures — pour peu qu'il s'agisse effectivement d'une commande d'ensemble, or rien n'est moins sûr — ait été financé par un ou des personnages lui-même ou eux-mêmes désireux d'être représenté. Mais n'espérons pas connaître le poids exact de la modestie ou de la vanité de chacun de ces personnages
Nous n'irons pas jusqu'à assimiler ces statues, comme l'a proposé H. Kraus, à celles figurées sur le tableau représentant la famille Jouvenel des Ursins, que l'on entrevoit dans des niches placées entre les fenêtres d'un déambulatoire. La comparaison s'impose, mais point l'identification. (H. Kraus, Notre-Dame's vanished médiéval glass, dans la Gazette des Beaux-arts, t. LXVIII, n° 1172 (septembre 1966), p. 140 et suiv.).
Les craintes du chapitre quant à la maçonnerie de l'édifice ne laissèrent point de choix à ceux qui souhaitèrent orner les murs des chapelles à leurs frais : la peinture était la seule façon de les décorer de façon permanente, l'utilisation de tentures constituant le moyen de les revêtir de façon provisoire. Les Jouvenel des Ursins envisagent également de faire peindre le mur séparant la chapelle Saint-Rémi de la chapelle Saint-Géraud. Avant eux, le sire de Bourbon et ses gens avaient envisagé de réaménager la même chapelle en y faisant notamment peindre la Vierge, entourée de leurs armoiries. (27 mars 1415, LL 112, p. 43).
Moins accessibles au badigeonnage, les voûtes des chapelles ont plus longtemps que les murs conservé la trace de peintures. Plusieurs donateurs y firent peindre leurs armoiries. La date de ces travaux n'est pas connue, mais les observateurs de l'époque moderne ont pu reconnaître ainsi les armes des Jouvenel des Ursins à la voûte de la chapelle Saint-Rémi et celles de Denis Dumoulin à celle de la chapelle Saint-Denis-Saint-Georges.
Mais la famille Jouvenel des Ursins offrit le premier cas de fidélité durable à une fondation. Cette fidélité pluriséculaire fut cependant axée sur le droit de sépulture concédé à la descendance du président du parlement de Poitiers.
—FERRARI (Matteo), , Paris, Notre-Dame (chapelle Jouvenel des Ursins), base ARMMA/SAPRAT
—REYNAUD, (Nicole), 1999 « Les Heures du chancelier Guillaume Jouvenel des Ursins et la peinture parisienne autour de 1440 », Revue de l’Art, 126, 1999, p. 23-35.
—DAVIS (Michael T.), 1998, "Splendor and Péril: the Cathedral of Paris. 1290-1350" . Art Bulletin, LXX X (1998), p. 34-66.
https://www.jstor.org/stable/3051253
— FREIGANG (Christian), 2002, "Chapelles latérales privées. Origines, fonctions, financement: le cas de Notre-Dame de Paris", in Art, cérémonial et liturgie au Moyen Age, actes du colloque de 3e cycle Romand de Lettres, Lausanne-Fribourg, 24-25 mars, 14-15 avril, 12-13 mai 2000 (sous la dir. de Nicolas Bock, Peter Kurmann, Serena Romano et Jean-Michel Spieser), Paris, 2002.
https://d-nb.info/1212516060/34
Les nouvelles chapelles commencent à être bâties comme annexes de la nef. Le chevet, en revanche, ne se verra enrichi de ces espaces supplémentaires que pendant la deuxième moitié du XIIIe et au début du XIVe siècle . Les chapelles latérales de Notre-Dame ne sont donc évidemment pas à confondre avec les absidioles entourant souvent les déambulatoires des grandes églises romanes et gothiques.
...chapellenie. dont les fondations ont été des fois interprétées comme témoignage de la construction matérielle d'une de ces édicules annexes. Cependant, fundare, construere ou edificare unam capellaniam veut, dans notre contexte, surtout dire la dotation d'un bénéfice avec la charge du prêtre de célébrer régulièrement une ou plusieurs messes dans une église, et souvent à un autel précis. Généralement, il s'agit de messes commémoratives pour le fondateur et ses proches, après la mort de celui-ci. la dotation d'un tel bénéfice. S'y ajoute, dès le début du XIIIe siècle, que le fondateur désigne un autel particulier qu'il dote aussi des instruments liturgiques nécessaires, des habits, de la vaisselle et/ou de la lumière.
[...]Ctte constatation peut être confirmée pour le clerc et professeur Eudes de Sens qui, en 1315, fait dotation d'une chapellenie dans la chapelle St-Pierre et St-Etienne (la cinquième, côté sud, du déambulatoire), où il sera également enseveli. Les anciennes représentations dans les vitraux nous renseignent davantage sur le contexte de cette fondation: on y voyait le frère et les parents d'Eudes, dont le père avait déjà fondé une messe annuelle pour son fils, en 1303. La figure d'Eudes, en habit de diacre, portait une chapelle dans sa main. C'est ici presque une véritable chapelle privée, où plusieurs chapellenies sont consacrées à une même famille et où figure un donateur, Eudes lui-même, en tant que fondateur de la chapelle elle-même. [...]
La chapelle latérale a, dans ce contexte, tendance à devenir un point de repère très important. Cette tendance à la concentration familiale et à l'isolation est confirmée par l'organisation de l'entretien des chapelles.... Apparemment, les chapelles avaient des clôtures en forme de treillage, ce qui interdisait l'accès à toute personne non autorisée.
Conformément aux prescriptions ecclésiastiques, au XIIe siècle, ne se trouvent à l'intérieur, dans le chœur, que des tombeaux de la famille royale et des évêques. Cependant, l'abbaye de St-Victor étant plus prestigieuse comme lieu de sépulture pour les évêques parisiens durant tout le XIIe siècle, ceux-ci ne deviennent plus nombreux qu'ave c Eudes de Sully, en 1208. Suivent les chanoines qui, dès le milieu du XIIIe siècle, ne sont plus enterrés principalement dans le cloître, mais aussi dans la nef et ses chapelles, ainsi que dans les chapelles du chevet. Il convient cependant de souligner que les laïcs n'étaient nullement privés de tels privilèges, comme le montre l'exemple du chevalier Robert de Millet, qui aura en 1329 son tombeau figuré dans la quatrième chapelle côté nord des parties droites du chevet.
Les chapelles individuelles ne deviennent plus intéressantes qu'au moment où elles peuvent également servir de lieu de sépulture du fondateur et de cadre de représentation familiale par les médias de l'image et de l'épigraphie, vers la fin du XIIIe siècle. Mais il est important de constater que l'architecture reste, jusqu'au XIVe siècle, un cadre neutre et non soumis à une quelconque intervention du donateur. En fait, l'étonnante homogénéité des chapelles latérales de Notre-Dame peut être comprise à la lumière de cet aspect. Même si l'on peut observer quelques modifications dans les détails durant l'étape de construction des chapelles de la nef, avant le milieu du XIIIe siècle, l'espace mis à disposition des fondateurs, comme la largeur des fenêtres et la richesse du remplage, ne changent pratiquement pas. En ce qui concerne les chapelles du chevet, leur ressemblance à l'identique résulte d'un esprit de standardisation qui ne connaît presque pas de modifications. Les chapelles suivent un plan préétabli, et cela n'est pas seulement l'application d'un procédé développé par l'architecture gothique du XIIIe siècle, procédé qui consiste en la conception théorique préalable d'une partie architecturale. L'unité du langage architectural des chapelles, qui forment, par leurs gables ajourés, un ensemble indissociable avec les nouveaux bras des transepts ainsi qu'ave c la Porte Rouge, démontre clairement que les chapelles latérales ne sont nullement des espaces individuels, indépendants du reste de la cathédrale. Ceci est confirmé par leur disposition à l'intérieur, où il ne faut pas surestimer l'aspect d'isolement des espaces annexes. Certes, en ce qui concerne les parties droites, les contreforts s'imposent naturellement en tant que clôtures entre les chapelles. Quant aux chapelles rayonnantes cependant, il y a des groupements de chapelles à deux et à trois unités. Ces chapelles ont donc un caractère ambigu, puisqu'elles peuvent également être interprétées comme un agrandissement de l'intérieur de la cathédrale par un troisième déambulatoire . Le fait que les chapelles étaient, de toute évidence, séparées du déambulatoire par des clôtures à serrures ne contredit pas cette observation. Ces clôtures étaient des treillages translucides qui laissaient pénétrer le jour des fenêtres et permettaient d'entendre publiquement le service divin. Les chapelles font donc visiblement partie de l'ensemble architectural de l'église principale.
— GUEFFIER, (Claude-Pierre ), 1753, Curiosités de l'église Notre-Dame de Paris, avec l'explication des tableaux qui ont été donnés par le corps des orfèvres, BnF Arsenal 8-H-13286
—GUILLOUET (Jean-Marie ), Guillaume Kazerouni. 2008, Une nouvelle peinture médiévale à Notre-Dame de Paris : le tombeau de Simon Matifas de Bucy. Revue de l'Art, 2008, I (158), pp.35-44.
Sur le mur méridional de la chapelle d'axe de Notre-Dame de Paris, dédiée à saint Nicaise, subsiste aujourd'hui une importante peinture murale du XIVe siècle parisien. Vestige du tombeau à enfeu de Simon Matifas de Bucy, évêque de Paris de 1290 à 1304, l'œuvre, lourdement restaurée par Viollet-le-Duc au XIXe siècle, constitue pourtant possiblement l'unique témoignage de l'activité de Jean Pucelle dans le domaine de la peinture monumentale. Des relevés et documents indirects permettent de reconstituer en partie l'histoire matérielle de ce monument et d'en évaluer la place dans l'histoire de l'art du premier tiers du XIVe siècle.
https://shs.hal.science/halshs-00560732
—KRAUS (Henry ), 1966, Notre-Dame's vanished medieval glass I : the iconography II : the donors ,la Gazette des beaux-arts,
—KRAUS (Henry ), 1993, A prix d'or, L'argent des cathédrales / L'argent des cathédrales de Henry Kraus, les Éditions du Cerf, CNRS Éditions, 2012
—KRAUS (Henry ), 1969 "New Documents for Notre-Dame's Early Chapels", Gazette des Beaux-Arts, CXI (1969). p. 121-134. k
—KRAUS (Henry ), 1970. "Plan of the early Chapels of Notre-Dame de Paris", Gazette des Beaux-Arts, CXII (1970). p. 271.
Les premières chapelles latérales de la cathédrale Notre-Dame n'ont assurément pas eu la même fonction. Toutefois, une documentation abondante et quelques vestiges de l'ancien mobilier des chapelles nous permettent de redessiner les conditions de leur fondation et de leur édification, ainsi que d'expliquer leur forme architecturale et leur place dans la genèse des oratoires privés latéraux des XIVe et XVe siècles. L
—PLAGNIEUX Philippe 1993 La fondation funéraire de Philippe de Morvilliers, premier président du Parlement. Art, politique et société à Paris sous la régence du duc de Bedford
Le tableau (vers 1445-1446) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny, provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. I. Les personnages : Jean Jouvenel (1360-1431), sa femme Michelle de Vitry et leurs onze enfants
.
.
PRÉSENTATION.
.
"Sur ce long tableau peint, s’alignent les membres de l’opulente famille Jouvenel des Ursins affichant leurs tabards armoriés. Celle-ci comprend en effet un prévôt des marchands de Paris, un président du Parlement de Poitiers, deux évêques et archevêques, un chancelier royal. Parmi les dames, se trouvent une veuve, deux religieuses, et deux femmes mariées reconnaissables à leur coiffure à cornes. Sur fond de brocarts d’or en relief, ce portrait collectif figurait dans la chapelle familiale fondée dans le chœur de la cathédrale de Paris. Il représente l’un des rares témoignages de la peinture parisienne au milieu du 15e siècle, en un temps encore trouble de la Guerre de Cent ans. Daté entre 1445 et 1449. Versé au Musée des monuments français en 1795 ; entré au Louvre en 1829 ; déposé par le Louvre en 1985. 1,65 m de haut 3,50 m de large N° Inventaire : RF 9618" (Notice du musée)
Il s'agirait (A. Demurger) d'une commande collective des membres de la famille Jouvenel encore vivants en 1445-1449, incluant les vivants et les défunts dans l'ordre de leur chronologie de naissance, et ne représentant, hors le couple fondateur, que les enfants et non leurs conjoints.
"Le contrat de fondation de la chapelle a été passé sous le scel de la prévôté de Paris, le 14 juin 1443, fondation effectuée plus de dix ans après la mort de Jean Jouvenel, et dont l'objet principal de ia fondation est d'obtenir le droit de sépulture pour feu Jean Jouvenel, son épouse et ceux de leurs héritiers qui voudront y élire sépulture. Il débute par « Premièrement requièrent avoir la chapelle de Saint Remy."Les fondateurs cèdent au chapitre moitié du moulin des Chambres Hugues, à Paris sur la Seine, ainsi que 4 1. 14 s.p. d'autres revenus ; le tout est estimé 60 l.p. de rente, mais qui doit aussi financer la célébration d'un obit solennel. Chaque messe est payée 16 d.p. à celui qui la célèbre. La seule rétribution des messes s'élève donc à 26 I. 6 s. 8 d.p. Service : Une messe basse chaque jour à huit heures : le lundi du Saint-Esprit, mardi de Requiem, mercredi de Notre Dame, jeudi du Saint -Esprit, vendredi de Requiem, samedi de Notre Dame et le dimanche du jour ; les jours de fête solennelle, on célébrera du jour, en faisant commémoration des défunts ; après chaque messe, le célébrant dira un De profundis et une collecte en aspergeant le tombeau d'eau bénite. Intention : "Pro defuncto domino Jacobo (sic) Juvenel et suis parentibus et amicis. Règles de collation : Le 30 décembre 1443, l'un des fondateurs, Jean Jouvenel, évêque de Beauvais, désigne cinq prêtres, auxquels le chapitre ajoute deux autres célébrants ; chacun célèbre un jour de la semaine."
"On a montré il y a peu que les démarches entreprises par la famille Jouvenel pour inhumer à Notre-Dame, plus de dix ans après sa mort, l'ancien président du parlement de Poitiers, constituaient une réplique aux fondations effectuées en l'église de Saint-Martin-des-Champs par Philippe de Morvilliers. Ce dernier avait présidé le parlement de Paris durant l'occupation anglaise tandis que Jean Jouvenel présidait celui de Poitiers et les occasions de rivalité n'avaient pas manqué entre les deux familles. [...]. Rien d'étonnant par conséquent à ce que la famille Jouvenel ait repris à son compte les principes appliqués par son rival dans l'une des chapelles du chevet de Saint-Martin-des-Champs : droit d'inhumation étendu aux descendants par filiation directe issue de mariage, célébration d'une messe quotidienne dans la chapelle, représentation physique, sur un tombeau élévé de terre, des chefs de la lignée sous la forme de sculptures dont la peinture devait accroître le réalisme. L'instauration de la procession le jour de l'obit des différents membres de la famille peut elle-même apparaître comme une copie de la procession qui le jour de l'obit du président de Morvilliers devait après la célébration se rendre du choeur au tombeau du fondateur, y chanter plusieurs oraisons avant de s'en retourner en entonnant une antienne à saint Martin." (G. Eldin)
Cette commande participe d'une stratégie commémorative de cette famille de marchands de draps de Troyes venant d'accéder à la noblesse, associant l'acquisition d'une chapelle privative au chœur même de Notre-Dame en 1443-1444 (par Jean II, archevêque de Reims, Guillaume, chancelier de France, Jacques patriarche et évêque d'Antioche, et Louis bailli de Troyes), la commande d'un mausolée de Jean I et son épouse en cette chapelle vers 1449, diverses donations, comme le don le 12 juin 1456, à la date de la mort de Michelle de Vitry, de 200 écus d'or pour fonder un anniversaire à Notre-Dame.
C'est là un privilège insigne :
"Lorsque les chanoines de Paris furent de plus en plus nombreux à se faire enterrer dans la cathédrale, l'inhumation des laïques y demeura exceptionnelle. Les deux cas que nous avons cités pour le XIVe siècle sont uniques. Unique aussi celui de la famille Jouvenel des Ursins au XVe siècle. A notre connaissance, Elizabeth de Hainaut, Pemelle épouse de Galeran le Breton, Pemelle épouse de Pierre Mulet et Michelle de Vitry furent ainsi les quatre seules femmes inhumées à Notre-Dame du XIIe au XVe siècle. Toutes ne le furent que dans la tombe de leur époux."
"Les autres fondateurs laïques de chapellenies ne semblent pas avoir prétendu se faire inhumer dans la cathédrale, soit qu'ils disposassent déjà d'un sépulcre familial dans une autre église ou un cimetière parisien, soit qu'il leur apparût que l'inhumation sous les voûtes de la cathédrale n'était pas ouverte à des gens de leur qualité. Observons que l'iconographie des trois tombeaux connus de laïques inhumés alors à Notre-Dame, ceux de Pierre Mulet [ ou Millet, en 1329,dans la chapelle Saint-Jean-Baptiste-Sainte-Marie-Madeleine. cf.Bibl. Nat Est., Pe 11 a rés. ], de Jean Jouvenel et de Guillaume Jouvenel, veut marquer leur appartenance à la catégorie sociale des chevaliers. Ils ne sauraient être confondus avec de simples bourgeois de Paris." (G. Eldin)
.
.
.
Pour citer encore Grégoire Eldin,
"Ce grand tableau mesurant 3,50 x 1,65 m porte le numéro 15 dans le catalogue des peintures françaises des XIVe au XVIe siècles dû à Charles Sterling et Hélène Adhémar, Musée national du Louvre. Peintures ; école française, XIVe et XVIe siècles, Paris, éd. des Musées nationaux, 1965. Il ne fait pas de doute que ce tableau a bien orné la "chapelle des Ursins". Sa présence y est du moins attestée durant le XVIIIe siècle ; vers 1722, le manuscrit du Musée Notre-Dame note en effet que trois prédécesseurs de l'actuel marquis de Trainel sont enterrés dans la chapelle, "ce que les curieux peuvent voir et examiner facilement parce qu'on a nettoyé et donné une nouvelle couleur à un tombeau élevé de trois pieds de terre avec les statues et un tableau où les plus considérables de la famille sont peints. Il y a aussi quelques tombes de cuivre sur le pavé de la chapelle". Au milieu du siècle, Charpentier signale lui aussi cette peinture, dont il indique les mensurations, onze pieds de long sur cinq pieds de haut, qui correspondent bien à celles du tableau conservé. Plusieurs questions demeurent : on ne sait encore qui en fit la commande, ou quand il fut accroché pour la première fois en la chapelle et à quel emplacement. Le plan de la cathédrale publié par Charpentier place l'autel de cette chapelle au pied de la fenêtre et rien ne porte à penser que cet emplacement ne soit pas celui d'origine.
.
.
La position du tombeau et des priants de Jean Jouvenel et Michelle de Vitry, le long du mur occidental, tournés vers l'autel, tels que les représente le dessin exécuté pour Gaignières, semble logique. Il serait tout aussi naturel que le tableau ait regardé l'autel, en étant placé en arrière ou à côté du tombeau. Le dessin du tombeau de la collection Gaignières ne l'y montre pas, bien qu'une autre pièce de ladite collection représente ce tableau et le signale conservé en la chapelle Saint-Rémi (Bibl.nat., Est., Oa 15 rés., fol. 30). Le tableau pourrait encore, comme l'a proposé Maurice Vloberg (cité par H. Kraus, Notre-Dame's vanished médiéval glass, dans Gazette des Beaux-arts, t. LXVIII, n°1172 (septembre 1966), p. 140 et suiv.), avoir été offert pour orner une autre partie de la cathédrale,en particulier le sanctuaire. Il pourrait avoir été replacé dans la chapelle lors de la réalisation du vœu de Louis XIII. H. Kraus indique que le dessinateur de Gaignières a noté que ce tableau était même la copie d'une tapisserie exécutée pour décorer le sanctuaire, ce que suggère le tableau lui-même. On observera que le chancelier Guillaume Juvénal des Ursins (dixième personnage en partant de la gauche) est représenté en avant de ses frères et soeurs et muni comme ses parents d'un prie-dieu."
D'après l'une de leurs requêtes, le mur en avant duquel serait placé le tombeau devait également faire l'objet d'une peinture ("Et dessus y faire une representacion sur une tumbe eslevee ou seront mises et apposées les representacions en ymages du feu seigneur et de ladite dame. Et de consentir que ledit costé de mur de ladite chappelle ilz peussent et puissent faire peindre a leur plaisir et faire changer les voirrieres d'icelle chappelle se bon leur sembloit". Les témoignages transmis notamment par la collection Gaignières ne sont peut-être qu'une vision partielle de la réalité médiévale.
Dans la supplique lue en chapitre le 3 mars 1442, les Jouvenel demandent avant tout de pouvoir disposer de la chapelle comme d'une sépulture :
" C'est ce que les heritiers de feu Jehan Jouvenel a son vivant seigneur de Treynel requièrent pour le fait de sa sépulture. Premièrement requièrent qu'il plaise a messeigneurs de l'eglise de leur bailler la chapelle d'emprés celle de Saint Crespin du costé de ladite chapelle de Saint Crespin pour faire une representacion dudit feu de Treynel et de madame sa femme et puissent ensepulturer oudit lieu le corps dudit feu seigneur et cellui de ladite dame après son trespas et aussi desdits heritiers et des leurs qui vouldront la eslire leur sépulture et que chacun jour soyt chantee en ladite chapelle une messe basse cestassavoir le lundi du Saint Esperit, le mardi de Requiem et le mercredi de Notre Dame, le jeudi du Saint Esperit, le vendredi de Requiem, le samedi de Notre Dame et le dimenche du jour. Et que le corps de l'eglise soy chargé de faire dire et continuer ladite messe et lesdits heritiers feront reparer et habiller ladite chapelle et la garniront de oumemens et vestemens. "
Acte en date du 14 juin 1443 : "Premièrement requièrent avoir la chapelle de Saint Remy et le costé dextre joignant du pillier pour la faire une volte en façon de sépulcre et dessus faire une representacion sur une tombe ou seront les ymages ou representacions desd. seigneur et dame" ; "et de consentir que led. costé de mur de lad. chappelle ilz peussent et puissent faire peindre a leur plaisir et faire changer les voirrieres d'icelle chappelle se bon leur sembloit".
"A la messe quotidienne instituée par le contrat du 14 juin 1443, l'un des fils de Jean Jouvenel, Guillaume, chancelier, ajoute en 1469 la célébration par les enfants de choeur et leur maître, le 14 de chaque mois, dans la chapelle Saint-Rémi, où il demande à être inhumé, des vigiles, des vêpres des défunts et le lendemain, c'est-à-dire le 15, de la messe des apôtres, célébrée en l'honneur de saint Guillaume des Déserts. Après la mort du chancelier, cette messe mensuelle sera transformée en obit célébré le quantième correspondant à la date du décès (Guillaume Jouvenel avait fondé en 1460 une messe solennelle de saint Guillaume célébrée chaque année le 15 mars dans le choeur et devant être transformée à sa mort en obit (Bibl. nat., ms lat. 5185 c.c., éd. Guérard, t. IV, p. 40-42). La deuxième fondation, célébrée en la chapelle, s'ajouta à la première (acte passé le 30 janvier 1369 (n. st.), ibid., p. 42-43).. Guillaume mourut en juin 1472 et fut effectivement inhumé dans la chapelle familiale. En 1481, une procession fut en outre instituée à l'issue des obits de Jean Jouvenel, de Michelle de Vitry et de leur fils Jean. Ces jours là, les clercs assemblés dans le choeur devaient, après la célébration de l’obit et la procession de l'Ave Regina qui se faisait chaque jour avant la grand’messe, se rendre en chantant devant la chapelle Saint-Rémi pour y accomplir une station. Plusieurs oraisons et psaumes étaient alors récités sous la conduite du prêtre devant célébrer la grand'messe du jour. La procession faisait ensuite le tour du choeur en chantant le répons « Sancte Remigi» . Bien avant l'arrivée des Jouvenel à Paris, saint Rémi avait été le patron de cette chapelle. Nous ne croyons pas que ce fut pour cette raison que les héritiers de Jean Jouvenel demandèrent au chapitre de pouvoir y faire leur sépulture. Les termes de leurs diverses suppliques ne montrent pas qu'il connaissent forcément le nom de cette chapelle, qu'ils désignent à plusieurs reprises par le nom de chapelles voisines. Mais les superbes carrières qui menèrent deux de ces Champenois à la tête de la province ecclésiastique de Reims et le sens aigu du culte des saints qui caractérise la deuxième moitié du XVe siècle ont ainsi contribué à restituer au saint patron de cette chapelle une réalité liturgique. " (G. Eldin)
La chapelle était un lieu de sépulture pour le couple fondateur, pour leur fils Guillaume, puis pour François Jouvenel des Ursins, baron de Trainel, seigneur de Doue et de La Chapelle-en-Brie, mort le 20 avril 1547, et de sa femme Anne, dame d’Armenonville, morte en 1561 (tombe de cuivre à leur effigie au milieu de la chapelle Bibl. nat., Est., Pe 9 rés) ; de Jean des Ursins, évêque de Tréguier, mort le 4 novembre 1566 ; de Christophe des Ursins, marquis de Trainel, gouverneur de Paris et d'Ile-de-France, seigneur de La Chapelle, de Doue et d'Armenonville, chevalier des ordres du roi, pour lequel un obit solennel suivi d'une station en la chapelle des Ursins fut fondé en 1588, et devant la chapelle, tombe de pierre à l'effigie de Louis Jouvenel des Ursins, conseiller en Parlement, chanoine de Paris, archidiacre de Champagne en l'église de Reims, mort le 23 novembre 1520. (encore G. Eldin)
.
Je m'interrogerai dans un deuxième article, à la suite de H. Kraus, sur la participation (avérée) des Jouvenel au décor de la chapelle. J'étudierai ce décor, partiellement mais précisément visible sur la peinture qui nous intéresse, avec notamment la série de vitraux qu'ils pourraient avoir commandés.
.
.
Représentation des donateurs au XVe et XVe siècle.
a) sur les vitrauxSur les vitraux anciens, les donateurs se font représenter en couple, madame derrière monsieur, ou monsieur à gauche et madame à droite ... Les nobles ou les marchands font figurer leurs armoiries, ou leurs emblèmes.
...ou en famille, et alors, souvent, le père de famille se met à gauche devant ses nombreux fils et la mère de famille de l'autre côté, devant ses filles.
b) Parmi les peintures murales du XVe siècle, celles de Merléac, ou de Kermaria an Iskuit, en Côtes d'Armor, montre une famille entière, un lignage où le couple premier est suivi des descendants, par couple. Voir aussi Mesnard-la-Barotière.
Bref (si je puis dire), on a compris que mon but ne sera pas d'être succinct...
.
La famille Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
.
.
.
.
1 et 2. Jehan Juvenal des Ursins chevalier seigneur et baron de Trainel conseiller du roi et damme Michie de Vitry.
.
La famille Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
.
.
"La famille Jouvenel des Ursins, qui avait son hôtel particulier sur l’Île de la Cité, avait élu sa sépulture dans la cathédrale Notre-Dame et plus précisément dans la chapelle Saint-Rémi (actuelle chapelle Saint-Guillaume), située à la sixième travée du déambulatoire du chœur, sur le côté sud." (M. Ferrari)
"En 1443 Michelle de Vitry avait obtenu le droit de sépulture dans la chapelle par le chapitre pour elle et pour sa postérité : une concession plus qu’extraordinaire, à cette époque, pour des laïcs. Elle avait ainsi obtenu l’autorisation à faire « au joignant dudit mur une voute en façon de sepulture (un enfeu, donc), et dessus une représentation sur une tombe eslevée, où seroient mises et apposees les representation en images dudit feu seigneur et de la dite dame, et de faire peindre a leur plaisir le dist costè du mur, et faire changer les verrieres d’iceluy, se bon leur sembloit » (doc. cit. par Demurger 1997, p. 41). Michèle put alors faire rapatrier le corps de son mari, qui était mort à Tours, et réaliser le tombeau que devait accueillir sa dépouille et celle de son conjoint." (M. Ferrari)
"A la fin du XIXe siècle, la chapelle abritaient encore la tombe de Guillaume des Ursins († 1472) et celle de François des Ursins († 1547) et de sa femme, Anne l’Orfèvre (voir ci-dessous). Le mausolée de Jean Jouvenal des Ursins († 1431), prévôt des marchands de Paris, et de sa femme, Michelle de Vitry († 1456), avait été en revanche déjà démantelé. Seulement les statues des deux défunts, représentés en prière, avaient été sauvegardées : initialement déposées à Versailles, elles ont pu regagner leur emplacement d’origine dans l’église Notre-Dame en 1955, installées sur un socle qui suggère leur emplacement surélevé originaire (les têtes des deux priants ont été refaites aux XIXe siècle)." (M. Ferrari)
.
.
En effet, le tableau formait l'exacte correspondance du mausolée où Jean de Jouvenel et Michelle de Vitry figuraient en donateurs, sculptés dans la pierre, dans la même posture et la même tenue que sur le tableau.
.
.
L'aspect actuel du mausolée (et de la chapelle saint Guillaume de la cathédrale Notre-Dame) est celui-ci :
.
.
La famille Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
.
.
1. Jean Jouvenel des Ursins, prêvôt des marchands de Paris (1388), président à mortier au parlement de Paris, décédé le 1er avril 1431 à Tours.
.
"La généalogie de cette famille commence avec Pierre Jouvenel des Ursins (attesté comme marchand drapier à Troyes en 1360) et dame d'Assenay, parents de Jean Jouvenel des Ursins.
"Né entre 1350 et 1360, après avoir achevé les études en droit à Orléans et à Paris, Jean Jouvenel fut avocat à Troyes, conseiller au Châtelet (1381) et avocat au Parlement de Paris (1384). L’année 1388 représente un tournant décisif dans la carrière de Jean Jouvenel : Charles VI établit la charge de garde de la prévôté des marchands de la ville de Paris, qui avait été supprimée après la révolte des Maillotins en 1383, et Jean fut nommé garde prévôt des marchands. Il occupa brillamment cette fonction, parvenant à rétablir une partie des privilèges parisiens révoqués en 1383. En 1400 il laissa cette charge et fut nommé avocat du roi au Parlement. Anobli en 1407, il fut chancelier du dauphin Louis (1413) et président de la Cour des aides (1417). Proscrit par les Bourguignons qui prirent le pouvoir à Paris (1418), Jean Jouvenel s’enfuit à Poitiers avec le nouveau dauphin Charles (le futur Charles VII). Là, il devint en 1419 président au Parlement de Paris (établi à Poitiers) et ensuite de celui de Languedoc à Toulouse (1420), jusqu'à sa mort en 1431.
En 1436, Michelle de Vitry et leurs onze fils revinrent à Paris, qui était de nouveau sous le contrôle royal. " (Wikipedia)
Le couple a eu seize enfants entre 1387 et 1410. Deux garçons sont morts au bout de quelques jours et trois filles ont sans doute aussi disparu avant 1445 (à 9, 11 et 21 ans).
.
Jean de Jouvenel est agenouillé, sur un coussin de velours noir à glands dorés, devant un prie-dieu recouvert de la même étoffe d'or damassée que la tenture, mais à rinceaux. Il est tourné vers notre gauche, donc vers l'est —là où devait se dresser l'autel de la chapelle. Ses mains sont jointes (comme tout donateur), il porte une bague en or à l'annulaire gauche.
Son heaume, englobant le cou, à visière, est posé sur le prie-dieu. La cotte de maille est visible , couvrant le cou. L'armure est bien visible en partie basse, avec des solertets à la poulaine et des éperons à tige longue ( 20 ou 30 cm?), à molette à huit pointes. L'épée dans son fourreau est suspendue à la ceinture côté gauche.
La cuirasse est recouverte du tabard à ses armes (empruntées aux Orsini !), bandé d’argent et de gueules de six pièces, au chef d’argent soutenu d’or et chargé d’une rose de gueules.
Il est probable que le juriste Jean Jouvenel des Ursins n'ait jamais porté cette tenue de chevalerie, qui serait de pure convention.
Il porte un anneau d'or sur l'annulaire gauche (le seul visible).
.
Le sol (qui pourrait témoigner du sol réel de la cathédrale) est bicolore noir et blanc, à petits carreaux formant des dessins géométriques.
.
N.B Son signet de 1393 porte un chien accroupi, portant un manteau à ses armes. Celui de 1396, est très semblable, mais l'animal est interprété comme étant un ours assis. Son sceau utilisé en 1390-1394 porte un écu bandé de six pièces, au chef chargé de trois roses, penché, timbré d'un heaume de profil cimé d'un chien accroupi, supporté par deux lévriers [colletés].
La famille Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
La famille Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
.
.
Le livre de prière de Jean Jouvenel est minutieusement représenté, comme celui de son épouse et, plus loin, celui de son fils Guillaume, que j'étudierai plus longuement.
Il est ouvert sur le verset du psaume 69 :2 Deus in adiutorium intende (Dieu venez à mon aide) et de son répons D[omi]ne ad adiuvandum [ me festina] (Seigneur, hâtez-vous de me secourir). C'est la classique prière d'introduction des heures de Notre-Dame (ou des heures de la Croix) tirée du premier verset du psaume 69 et de son répons , qui est suivi de la doxologie trinitaire mineure : Gloria Patri et Filio et Spiritui sancto. Sicut erat in principio, et nunc, et semper, in sæcula sæculorum. Amen.
https://gregorien.info/chant/id/1965/0/fr
Heures de Jeanne de France : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8571085n/f84.item
Heures de Guillaume de Jouvenel : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10532604q/f13.item
On lit ensuite, sur la deuxième page l'initiale O rouge, suivi de tenpore, qui pourrait difficilement correspondre à "et in omni tempore corpus meum et animam meam". La forme orthographique tenpore est attesté dans l'épigraphie.
.
.
La famille Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.