La chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal : l'entrée monumentale (vers 1541-1567).
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Voir sur cette chapelle :
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Iconographie des saints Côme et Damien : la chapelle Saint-Sébastien de Saint-Ségal.
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La chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal : le retable du chœur (vers 1710).
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La chapelle Saint-Sébastien : la cloche de 1902, et celle de 1599.
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La chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal : Les sculptures du clocher (vers 1694).
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PRÉSENTATION.
La chapelle Saint-Sébastien n'appartient pas stricto sensu à un enclos paroissial, mais à un enclos cultuel, ou placître, car elle n'a jamais été une chapelle paroissiale et n'a donc jamais eu ni ossuaire, ni baptistère. Son terrain était limité par une clôture associant la porte monumentale jadis fermée par une grille (qui ne s'ouvrait que pour les grandes occasions) et qui a eu le nom d'Arc de triomphe, et une pierre verticale ou échalier reliant cet arc à l'emmarchement du calvaire.
La perte de cette grille ne permet plus de percevoir la continuité de cette clôture.
L'appellation habituelle d'"arc de triomphe" est trompeuse, cette entrée étant plutôt réservée aux défunts.
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Dédiée à St Sébastien que l'on implorait pour se préserver de la peste a pour origine la terrible épidémie qui venant de Brest s'étendit jusqu'à Hanvec et le Faou, cette chapelle fut installée dans la seconde moitié du XVIe siècle sur les terres du Seigneur de Kergoët dont la famille participa aux rénovations et transformations de la chapelle jusqu'à la fin du XVIIIème siècle, comme en attestent les armoiries du calvaire ou des peintures murales qui ornent la chapelle. Elle était un lieu de pardons (7 encore avant la Première Guerre Mondiale), pénitence, rogations, etc) . Ogée y signale en juillet le "pardon des Guignes" "fameux dans le pays" tant les cerises y réussissaient.
Pour comprendre le site, il faut regarder sur une carte la disposition géographique de la chapelle dans une boucle de l'Aulne : isolée en pleine campagne à l'écart des routes et à 3 kms du bourg, elle ne peut justifier son allure monumentale qu'en suppossant qu'elle attirait des pèlerins qui venaient des environs ( Dinéault, Tregarvan, Port Launay, Saint-Segal, le Pont de Buis, Pleyben), de préférence, par la voie fluviale, en naviguant sur l’Aulne et en gravissant la colline (l'altitude de Saint-Sébastien est de 55 m). La chapelle possédait (et possède toujours) de précieuses reliques, dont celle de Sébastien.
Voir la carte IGN, mais aussi la photo aérienne qui montre la richesse agricole du lieu (la terre était amendée par le maerl marin amené par bateau); repérer la source (pas de chapelle sans sa fontaine) et le ruisseau qui descend vers l'Aulne, et les maisons (dont celle du chapelain) : au XIXe, on comptait là 30 habitants.
On repérera le lieu-dit Lezaon, où se trouvait le manoir des seigneurs de Kergoët ; et on visualisera, sur la carte 1820-1866, le chemin qui monte de la rive et traverse Le Rest.
La carte de Cassini montrera la route Châteaulin-Saint-Ségal-Rosnoën (Quimper-Brest) à la fin du XVIIIe.
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"L'entrée monumentale
Établie sur la bordure orientale de l'enclos, la porte monumentale se cale, au prix de quelques ébréchures, contre le contrefort de la chapelle. Cette situation assez peu habituelle indique que le gros des pèlerins arrivé par la mer montait des rives de l'Aulne par un chemin qui abordait l'enclos de ce coté.
Le tracé de la porte s'inscrit dans un rectangle construit sur le carré et la diagonale. L'arc plein cintre en pierre de kersanton s'intègre dans une façade en pierre blonde « de Logonna » raidie par des contreforts aux moulures en talon qui, reprises dans la tablette horizontale au dessus de l'arcature, supporte une sorte d'architrave rustique. Trois niches à fronton courbe orné d'un motif issu de la coquille Saint-Jacques librement interprétée la rythme. Une grille de fer à deux battants de six barreaux et croix latine, passablement oxydés, ferme le passage. Les ornements classiques portés par la structure médiévale (sic) situe l'ouvrage dans la seconde moitié du XVIe siècle à la charnière entre les deux époques." (Castel et Leclerc)
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Datation : 1541-1567 : par assimilation avec le chevet et les bras du transept porteur des armoiries de Jean de Kergoët et Perrine de Kerpaen et celles de Gilette du Kergoët et Michel du Bot : deuxième moitié du XVIe siècle ( mariage Jean de Kergoët et Perrine de Kerpaen en 1541, mariage Kergoët/du Bot 1554).
Par assimilation avec celle du calvaire porteur des armoiries de Jean de Kergoët et Perrine de Kerpaen : terminus post quem 1541, terminus ante quem 1567, date du mariage d'Alain du Kergoët et Julienne de Trégain, qui auraient placé leurs armoiries si la date était ultérieure.
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Matériau : microdiorite quartzite et (statues) kersantite.
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Contexte :
Règne de Henri II 1547-1559 puis François II (1559-1560) et Charles IX (1560-1574), avant la Guerre de la Ligue en Bretagne 1588-1598.
Date de l'enclos d'ARGOL et son arc de triomphe : 1575. Date du calvaire de Pleyben 1555.
Date des ateliers de sculpteurs :
- Henry et Bastien Prigent 1527-1577 ( calvaire de Plougonven, 1554, et Pleyben, 1555.)
- Fayet (1552-1563), le second compagnon de l'atelier des Prigent : auteur du calvaire de Lopérec, 1552.
- Le compagnon des Prigent sur le calvaire de Pleyben (1555)
- Maître de Plougastel (1570-1621), calvaire de Plougastel 1602-1604.
- Le Maître de Guimiliau , calvaire éponyme 1581-1588.
- Le Maître de Saint-Thégonnec : calvaire éponyme 1610.
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Attribution :
Pour moi : atelier des Prigent, comme le calvaire adjacent. Pour Castel et Le Seac'h, atelier du Maître de Saint-Thégonnec.
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Entrée monumentale de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.
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La frise centrale : le martyre de saint Sébastien.
Microdiorite quartzite, deuxième moitié XVIe.
La scène, représentée à la même époque sur les sablières du chœur, est emblématique du saint. Les blessures infligées au corps athlétique du saint, qui affiche une parfaite et vertueuse indifférence, est une allégorie de toute blessure sacrée, et en premier lieu des cinq plaies du Christ lors de sa Passion (ces Cinq Plaies faisant alors l'objet d'une vénération remarquable à Pleyben comme en témoigne un sacraire, et les sablières). D'où l'importance de bien tracer, dans la pierre, les trous des flêches.
On sait que, dans la Vie de saint Sébastien de la Légende Dorée, ce dernier, officier romain converti au christianisme, fut condamné par Dioclétien à être attaché à un pieu et à être frappé de flèches par ses propres soldats.
La même scène figure par exemple à la chapelle Saint-Fiacre du Faouët.
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Entrée monumentale de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.
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Les cinq fusées surmontées de roses du blason de Kergoët figurent, sculptées dans le microdiorite quartzite, juste en dessous du saint. Elles ne permettent pas une datation précise.
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Entrée monumentale de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.
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La statue du saint est placée dans une niche centrale. Elle tranche, par la teinte sombre de la kersantite, avec l'ocre de la pierre de Logonna. Le saint est lié par un pied et par les bras aux branches et au tronc d'un arbre. Seulement vêtu d'un pagne qui évoque bien-sûr le Crucifié, il élève légèrement ses grands yeux en amande. Sa chevelure en boules forme une couronne de rayons. (Cette coiffure évoque le style du premier atelier du Folgoët). Pour Y.-P. Castel, "le modelé fruste du visage ne permet pas d'attribuer cette sculpture à quelque atelier défini.". Quand à E. Le Seac'h, elle élude la question.
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Entrée monumentale de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.
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Le saint Sébastien du calvaire du bourg :
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Entrée monumentale de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.
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De part et d'autre se campent les deux archers . "Traités en demi-relief, vêtus d'un casque et de chausses, coiffés de chapeaux, l'un d'eux, fiérot, le poing à la hanche, attend son tour pour décocher sa flèche. " (Castel et Leclerc)
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Entrée monumentale de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.
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Un archer. Un vase rempli de lys.
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L'archer nous regarde de face, mais se tient de profil (bas-relief oblige), un pied en avant, l'arc bandé, les bras nus (les manches gênerait le tir). La main gauche est placée au dessous de la flèche.
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Entrée monumentale de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.
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Je ne partage pas l'opinion de Castel et Leclerc lorsqu'ils écrivent : "Derrière le premier archer un grand vase à deux anses débordant de fleurs de lis, accessoire habituels des scènes de l'Annonciation, témoigne d'un archange Saint Michel et d'une Vierge disparus. Ce type de représentation se rencontre sur les seuils d'église, comme à Bodilis, La Martyre, Pleyben, ou Rumengol, revêt une signification symbolique si clairement en rapport avec l'accueil qu'il n'est guère nécessaire de l'expliciter."
En effet, rien n'autorise à penser qu'une Annonciation a pu trouver place ici, ce qui supposerait une modification profonde de la frise. Surtout, c'est donner une importance excessive à un motif décoratif qui s'explique parfaitement : le lys,symbole de pureté, peur rendre hommage à la pureté d'âme du saint martyr.
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Entrée monumentale de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.
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"À l'angle du faîte s'accroupit un chien, une sculpture laissée sous le coup de l'outil, avec, sur l'arrière, un masque d'homme. " (Castel et Leclerc)
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Entrée monumentale de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.
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Saint François d'Assise.
kersanton, maître de Saint-Thégonnec, 1550-1610.
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"En revanche, saint Yves et saint François portent les marques de celui du Maître de Saint-Thégonnec. Une certaine moue des lèvres imprimée aux visages est un indice qui ne trompe pas."
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J'ai déjà fait remarquer (peinture murale de la chapelle) que saint François montrant ses stigmates est représenté non seulement sur ces peintures de date inconnue mais encadrées par les armoiries de Kergoët, mais aussi sur le calvaire du bourg, à coté de saint Sébastien. Que le prénom François a été attribué à plusieurs membres de la famille de Kergoët. Et que le thème de la réception des stigmates et celui de la sagittation de saint Sébastien ont en commun celui de la blessure sacrée.
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Le saint porte la robe de bure (mais étrangement plissée et dotée de manches larges à rabats), le capuchon couvrant les épaules et l'arrière de la tête, le cordon à deux nœuds de capucin (il en manque donc un). Il montre ses paumes transpercées, tandis que les pieds sont chaussés. La paume gauche et le tiers supérieur droit sont brisés.
C'est Yves-Pascal Castel qui a isolé, parmi les styles des ateliers de sculpteurs bas-bretons, celui du Maître de Thégonnec, auteur du calvaire éponyme en 1610, à l'aide d' un "indice qui ne trompe pas, une certaine moue imprimée sur le visage". Puis qui a retrouvé cette moue sur les statues de saint François et de saint Yves de cet arc de triomphe, ainsi qu'aux 25 figures du calvaire. Emmanuelle Le Seac'h a repris à son compte cette attribution. À cet atelier actif à Landerneau "vers 1600" est aussi attribué, sur le critère de la "moue triste", le calvaire de Locquénolé, et six autres vestiges de calvaire.
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Entrée monumentale de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.
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Comparer avec le calvaire de Saint-Ségal.
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Entrée monumentale de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.
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Saint Yves.
kersanton, maître de Saint-Thégonnec, 1550-1610.
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Il se reconnaît à la barrette, au chaperon, au livre ou au sac à procès pendu au bras et aussi au geste de l'argumentation, l'index de la main droite joignant le pouce de la main gauche.
Comme saint François et saint Sébastien, il figure aussi sur le calvaire du bourg de Saint-Ségal, portant la même tenue et effectuant le même geste énumératif de l'argumentation. Et on y discerne mieux le rouleau de parchemin tenu dans le creux de la main gauche, pourtant présent ici.
Le geste des doigts, qu'il faut différencier du "comput digital médiéval" plus complexe, a déjà été étudié par Y.-P. Castel :
"La gestuelle oratoire
Le geste de l’argumentateur , à considérer certains personnages de la Passion sur les grands calvaires, n’appartient pas en exclusivité à saint Yves. Les deux premiers doigts – pouce sur index, index sur index – appuyés l’un sur l’autre, s’apprêtent à faire le décompte des arguments que le locuteur va énumérer. Ainsi, au porche de Bodilis (1570), sur les petits calvaires de Saint-Yves à Landudal (1605), de Saint-Claude à Plougastel-Daoulas et de l’église de Plounéour-Ménez (vers 1630). Le geste de l’argumentation est, de même, évident dans la statue à l’intérieur de l’église de Sainte-Sève. Il s’inspire des gravures populaires comme celle qui rappelle l’image du portail de Saint-Yves : un édifice démoli en 1823, où se réunissait à Paris la confrérie fondée en 1348."
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La compagnie des saints, Yves et François, qui encadrent la scène centrale n'est pas fortuite. Le prêtre trégorrois, avocat des pauvres, mort en 1303, estimait fort les frères mineurs du Povello de l'Ombrie.
"Saint Yves et saint François.
Sur les calvaires, saint Yves est souvent associé à François d’Assise : calvaires de Dinéault, Loguispar , du Drennec , de Plougastel-Daoulas, Tinduff, 1639, de Plouhinec , de Saint-Thégonnec, Bodéniry et Croas-Calafrès par Roland Doré .
L’iconographie associe aussi, comme on l’a déjà fait remarquer plus d’une fois, Yves et François. L’origine de l’affinité s’explique par le fait qu’au cours de ses études parisiennes, le jeune Kermartin avait suivi au couvent des Franciscains les leçons de théologie des maîtres de l’ordre. Séduit par leur idéal de pauvreté, Yves avait continué à Rennes les rapports initiés à Paris. Ajoutons que les frères mineurs, voués au culte de la Croix, ont participé, sans doute plus que d’autres, à l’érection des monuments en l’honneur du signe chrétien par excellence. On l’a vu sur les croix et les calvaires, l’alliance Yves/François est un thème non négligeable. On le constate aussi dans les statues placées de part et d’autre du fronton de la porte monumentale à l’enclos de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. L’association se retrouve dans des porches. Si à la porte intérieure de Landivisiau (1554) saint Yves est seul en bas à gauche, la porte intérieure de Bodilis, datée 1570, montre François au-dessus de lui. À Saint-Houardon de Landerneau la liaison, moins stricte, est réelle : Yves, en bas à gauche, François de l’autre côté au quatrième rang…"
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Entrée monumentale de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.
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Comparez avec le saint Yves du calvaire du bourg de Saint-Ségal :
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Entrée monumentale de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.
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Entrée monumentale de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.
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SOURCES ET LIENS.
— Le beau site de la mairie :
http://www.mairie-saintsegal.fr/lieux-et-monuments.htm
— CASTEL (Yves-Pascal), LECLERC, (Guy), s.d, La chapelle Saint-Sébastien , son calvaire, ses retables, ed. Commune de Saint-Ségal.
— CASTEL (Yves-Pascal), 2004,Saint Yves et ses statues, in Saint Yves et les Bretons, Presses Universitaires de Rennes, sous la direction de Jean-Christophe Cassard et Georges Provost, pages 199-213.
https://books.openedition.org/pur/22411?lang=fr
— CASTEL (Yves-Pascal), 1983, La floraison des croix et calvaires dans le Léon sous l'influence de Mgr Roland de Neufville (1562-1613), Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest Année 1983 90-2 pp. 311-319
https://www.persee.fr/doc/abpo_0399-0826_1983_num_90_2_3130
— CASTEL (Yves-Pascal), 2005, Guide des sept grands calvaires bretons, Minihy-Levenez
http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/f0824151eb305fc701d19c07bec6270b.pdf
— COUFFON, René, LE BARS, Alfred. Diocèse de Quimper et de Léon. Nouveau répertoire des églises et chapelles. Quimper : Association Diocésaine, 1988. p. 418-419
http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/0ffd39bdf24d89d00ff35b034d2685b0.pdf
— INVENTAIRE GENERAL Région Bretagne (Service de l'Inventaire du patrimoine culturel), enquête 2009.
http://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/dossier/chapelle-saint-sebastien-saint-sebastien-saint-segal/3161081b-4d98-4287-a98a-4abeed58a9dc
— MADEC (Yves), 1915, Saint-Sébastien en Saint-Ségal
https://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/fc72b7a373375935ed358e8dbd9c8cd4.pdf
— SPREV:
http://www.sprev.org/centre-sprev/saint-segal-eglise-saint-sebastien/
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