Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
30 décembre 2023 6 30 /12 /décembre /2023 10:54

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny.II . le registre supérieur, une chapelle fictive ou un précieux document ? 

.

Voir :

Le tableau (vers 1445-1446) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny, provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. I. Les personnages : Jean Jouvenel (1360-1431), sa femme Michelle de Vitry et leurs onze enfants.

.

Ce second article étudie le registre supérieur du célèbre tableau représentant la famille Jouvenel des Ursins en donateurs, tableau réalisé vers 1445-1456 et qui ornait un mur de leur chapelle de fondation Saint-Rémi au sud du chœur de la cathédrale Notre-Dame de Paris, lieu de sépulture du couple fondateur Jean Jouvenel des Ursins et Michelle de Vitry, du chancelier Guillaume des Ursins puis d'autres membres de cette famille.

"En mars 1415, le sire de Bourbon propose au chapitre de fonder une messe basse quotidienne, avec messe haute le dimanche, et de redécorer la chapelle Saint-Rémi, en laquelle seraient célébrés les offices. La proposition est apparemment sans suite. Vingt-six ans plus tard, les héritiers de Jean Jouvenel proposeront à leur tour au chapitre de leur concéder cette chapelle, dont ils renouvelleront le décor." (G. Eldin)

En effet, ce registre dépeint avec une grande précision un décor architectural en trompe-l'œil, comme ci les treize personnages étaient agenouillés, tournés vers l'est, devant une tenture damassée tendue entre les colonnes devant les niches à personnage et les vitraux de leur chapelle aux voûtes gothiques.

Il n'en est rien, car nous avons ici une absidiole centrale à sept baies encadrées par deux chapelles, ce qui ne correspond pas à la situation de la chapelle Saint-Rémi (aujourd'hui Saint-Guillaume). Néanmoins, comme l'avait suggéré Henry Kraus, ces statues ou ces vitraux peuvent-ils témoigner de l'aménagement de Notre-Dame de Paris au XVe siècle? La suggestion n'a pas été adoptée par les auteurs qui ont suivi, mais je souhaite présenter ici les détails de ce décor à la précision bluffante. Il semble bien témoigner, notamment par sa succession de vitraux armoriés, d'une réalité.

.

L'architecture.

.

.

Les personnages sont agenouillés devant le drap d'honneur, tendue entre deux colonnes à chapiteaux ornés de feuilles naissantes recourbées en crochets. Ces colonnes servent d'appui à trois arcades retombant sur des clefs tombantes 

 

.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny.II . le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny.II . le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

.

.

I. LES QUATRE BLASONS.

.

Je passerai rapidement, le sujet ayant été traité de façon chevronnée et exhaustive par Matteo Ferrari pour l'ARMMA.

À la retombée des arcades, au dessus des colonnes ou sur les clefs pendantes quatre anges aux ailes déployées présentent les armoiries familiales, alternativement  pleines , ou mi-parti de  Jean Jouvenel des Ursins et Michelle de Vitry.

On se souvient que les armes des Jouvenel étaient également figurées, sur la peinture, sur le tabard de Jean I et de cinq de ses fils, et que les armes des époux étaient également figurées sur le soubassement de leur tombeau, au centre de la chapelle Saint-Rémi .
.

Au total, ces quatre blasons montrent que le peintre représente  une chapelle décorée par la famille qui y a acquis des droits, de fondation, de sépulture et d'ornementation.

Dans la chapelle Saint-Rémi, il est évident que des blasons, dans cette disposition ou dans une autre, affichaient l'identité des propriétaires sur les murs. On les retrouvait sur le soubassement du tombeau, et, probablement sur les tentures, la ou les tapisseries, et sans doute encore sur les livres liturgiques.

.

.

.

1. Armoiries de la famille Jouvenel des Ursins, bandé d'argent et de gueules de six pièces, au chef d'argent soutenu d'or,  chargé d’une rose de gueules, boutonnée d’or.

.

Colonne de gauche, la plus proche de Jean Jouvenel des Ursins, au dessus d'un chapiteau. Le blason est incliné. L'ange aux ailes dorées est agenouillé en chevalier servant, vêtu d'une tunique longue à amict  ; sa courte chevelure est celle des fils de Jean.

.

.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

.

.

2. Armoiries du couple fondateur Jouvenel/Vitry.

.

Première clef pendante. L'ange est identique au premier. Le blason est incliné, c'est une targe soutenue par une sangle. Le parti Jouvenel est plus contourné, le parti Vitry (d’azur, à la fasce losangée de trois pièces d’or, accompagnée de trois merlettes du même) est à bord plus droit. L'azur s'est assombri et se rapproche du noir.

.

 

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

.

.

2. Armoiries de la famille Jouvenel des Ursins.

.

Deuxième clef pendante. La targe est soutenue par une sangle bien détaillée.

.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

.

.

4. Armoiries du couple fondateur Jouvenel/Vitry.

.

Au dessus de la colonne de droite. Le blason est coupé par le bord du tableau, mais on peut affirmer qu'il est mi-parti.

.

 

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

.

.

II. LES SIX NICHES À STATUES D'APÔTRES.

.

De gauche à droite, nous trouvons les apôtres Jacques le Majeur,  Jean, Barthélémy, Jacques le Mineur, Philippe et Simon. L'ordre n'est pas aléatoire, mais il suit globalement la séquence du Credo des apôtres (qui débute par Pierre et André), tel qu'il apparaît, notamment, en marge du calendrier des Petites Heures de Jean de Berry, BnF latin 18014 enluminé par Jean Le Noir élève de Jean de Pucelle. Dans ce calendrier, la séquence est Pierre, André, Jacques le majeur, Jean, Thomas, Jacques le Mineur, Philippe, Barthélémy, Matthieu, Simon et Thaddée. On retrouve, du même atelier, le même calendrier dans les Heures de Jeanne de Navarre BnF latin 3145 (1330-1340). De même, on retrouve ce Credo à la marge du calendrier des Grandes Heures de Jean de Berry, BnF Latin 919 illustré par Jean de Pucelle. Le même Jean Pucelle a enluminé le Bréviaire de Belleville BnF 10483 que Marie Jouvenel des Ursins eut en sa possession : son calendrier ne conserve aujourd'hui que la page où figure saint André. Dans tous ces cas, l'ordre des apôtres est le même. Mais aucun d'entre eux ne tient un attribut (il est désigné par une inscription).

Deuxième remarque, ils sont peints en grisaille. C'est précisément Jean Pucelle qui introduisit en France cette technique dans les enluminures vers 1325. Dans le Psautier de Jean de Berry BnF français 13091, les apôtres sont représentés par André Beauneveu en pleine page, assis, alternant avec des prophètes, tenant un attribut, et en grisaille.

Bien entendu, les apôtres peints ici sont bien différents de ceux dont je viens de citer les références. Ils sont très expressifs, leurs visages sont fortement caractérisés, leurs barbes sont longues et en bataille, comme leurs cheveux (sauf Simon).

En tout cas, l'ordre presque canonique  adopté dispense de rechercher ici un rapport avec les prénoms de Jean Jouvenel et de ses fils Jean II, Louis, Denis, Guillaume, Pierre, Michel  et Jacques.

.

 

1. Saint Jacques le Majeur tenant le bourdon et la besace frappé de la coquille et coiffé du chapeau de pèlerin.

.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

.

.

2. Saint Barthélémy tenant le couteau de dépeçage (ou saint Thomas ?).

.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

.

.

3. Saint Jean l'évangéliste, imberbe,  tenant la coupe de poison.

.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

.

.

4. Saint Jacques le Mineur tenant le bâton de foulon.

.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

.

.

5. Saint Philippe et sa croix à longue hampe.

.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

.

.

6. Saint Simon et sa scie.

.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

.

.

III. LES TREIZE BAIES ET LEURS VERRIÈRES.

.

Treize baies sont visibles sur cette peinture, dont onze clairement. Deux sous la première arcade de gauche, puis neuf sous la deuxième arcade  (dont sept, à une seule lancette ogivale, pour la chapelle d'axe), et à nouveau deux sous la dernière arcade, à droite. Les baies les plus latérales étant vues en enfilade, elles ne peuvent être décrites. Il en reste onze.

—1. Dans la première chapelle latérale, entre les statues de Jacques et de Barthélémy, une baie à remplage gothique à deux lancettes et un tympan à oculus en trèfle, armoriée , et écoinçons.

—2. Dans la même chapelle, à côté de la niche de Jean l'évangéliste, une baie a priori semblable, mais masquée par la clef pendante.

—3 à 9. Sept baies lancéolées à une seule lancette.

—10. Dans la  chapelle latérale à notre droite, à côté de la niche de Jacques l'évangéliste, une baie a priori semblable aux baies 1 à 3, mais masquée par la clef pendante.

—11. Dans la même chapelle latérale, entre les statues de Philippe et de Simon, une baie à remplage gothique à deux lancettes et un tympan à oculus en trèfle, armorié , et écoinçons.

.

Remarques :

Les armoiries des tympans des baies 1 et 11 sont celles de la famille Jouvenel des Ursins.

Chaque lancette abrite un personnage en pied, soit (1 et 11) dans une niche gothique, soit dans les baies 3 à 9, sur un soubassement hexagonal. Toutes se détachent sur un fond vitré à losanges et bordures.

.

Liste des personnages identifiables.

.

1a : un saint diacre ou moine, tenant un livre, et à gauche un objet non identifié. Saint Éienne tenant la pierre de son martyre, et la palme du martyre.

1b : un saint religieux ; saint Antoine???

3 : un saint évêque.

4 : saint Louis tenant la couronne d'épines ? 

5 : saint tenant une palme de martyre sur l'épaule gauche. Laurent tenant son grill ?

6 (au centre de la baie axiale) : la Vierge à l'Enfant.

7 : Marie-Madeleine.

8 : saint Pierre.

9 : une sainte tenant une croix sur l'épaule droite, et un livre (Hélène?).

11a : saint Michel terrassant le dragon.

11b : saint Christophe traversant le gué et portant l'Enfant.

.

 

 

.

.

Baie n°1.

.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

.

.

Baie n°1a. Saint Étienne tenant en main droite la pierre de sa lapidation, et en main gauche la palme du martyre.

.

Comparer à l'enluminure (peut-être du Maître de Jouvenel) du folio 313 des heures de Jeanne de France BnF NAL 3244.

.

Saint Étienne, Heures de Jeanne de France, 1440-1460, BnF NAL 3244 f.313v.

.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

.

.

Baie n°1b. Un saint moine, barbu, tenant un livre.

.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

.

.

Baies n° 3 à 9.

.

 

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

.

.

Baies n°3 et n°4 . Un saint évêque (saint Rémi évêque de Reims ?). Saint Louis tenant la couronne d'épines. 

.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

.

.

Baies n°4 et n° 5. Saint Louis tenant la couronne d'épines. Saint Laurent tenant son grill et la palme du martyre.

.

Comparer à saint Laurent des heures de Jeanne de France.

.

 

Saint Laurent, Heures de Jeanne de France, 1440-1460, BnF NAL 3244 f.315v.

.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

.

.

Baie n°6 : la Vierge à l'Enfant.

.

L'Enfant est tenu sur le côté droit.

.

La Vierge, Heures de Jeanne de France, 1440-1460, BnF NAL 3244 f.299v.

 

.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

.

.

Baie n°7 : Marie-Madeleine tenant le flacon d'onguent.

.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

.

.

Baie n°8 : saint Pierre tenant sa clef et un livre.

.

Saint Pierre, Heures de Jeanne de France, 1440-1460, BnF NAL 3244 f.312v.

.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

.

.

Baie n°9.

.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

.

.

Baie n° 10.

.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

.

.

Baie n° 11. Saint Michel et saint Christophe.

.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

.

.

Saint Michel , un saint psychopompe, et saint Christophe, saint apotropaïque (donc tous les deux invoqués pour la Bonne Mort)  sont réunis aussi (avec saint Jacques) sur la baie 34 de l'abbaye de la Trinité à Vendôme datant du XVe siècle , avec des points communs frappants avec cette peinture, notamment la symétrie des postures avec le bâton/lance en diagonale:

.

 

Baie 34 de l'abbaye de la Trinité à Vendôme. Photo lavieb-aile.

Voir aussi pour voir le soubassement ndoduc.com

.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

.

.

Baie n° 11a : saint Michel terrassant le dragon.

.

Note : on ne peut écarter l'hypothèse qu'il s'agisse de saint Georges terrassant le dragon, si c'est bien ce dernier qui, ailé, est représenté sur un livre d'heures à l'usage de Nantes enluminé par le Maître de Jouvenel (et le Maître de Boccace) au folio 166 du B.L Add.28785, accompagné d'une prière à ce saint.

.

.

 

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

.

.

Baie n° 11b. Saint Christophe traversant le gué en s'aidant de sa perche, l'Enfant-Jésus sur l'épaule gauche.

.

Comparer avec l'enluminure par le Maître du Smith-Lesouef dans un ouvrage principalement enluminé par le maître de Jouvenel des Ursins, les Heures à l'usage d'Angers BnF 3211 p.224  datées entre 1450 et 1455:

.

 Horae ad usum Andegavensem BnF NAL 3211 page 224,  O beneuré amy de Dieu saint Christofle vrai champion de la foy , enlumineur Maître du Smith-Lesouëf

.


 

 

 

.

L'intention de cette série de mon blog est de replacer chaque œuvre dans un ensemble iconographique étudiant les variations et les reprises du thème de saint Christophe traversant le gué en portant le Christ enfant sur ses épaules. Et de faire apparaître l'importance de ce culte au XVe et XVIe siècle.

A Quimper, ce culte tenait une place prépondérante

Saint Christophe sur les vitraux de la cathédrale de Quimper :

Autres exemples iconographiques :

.

 

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

Le tableau (v. 1445) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny : le registre supérieur. Photographie lavieb-aile 2023.

.

.

 

DISCUSSION.

.

Je ne suis pas qualifié pour tenter d'identifier l'éventuel sanctuaire représenté ici (seule l'analyse par moteur de recherche d'une large base de données des sites candidats actuels ou détruits mais documentés pourrait y prétendre; ou un heureux hasard) et je préfère me débarrasser de cette contrainte et admettre qu'il s'agit d'un décor fictif, afin de faire remarquer plusieurs points qui soulignent l'intérêt de ce décor.

1. Bien que les statues d'apôtres soient attestées dès les premières cathédrales, le thème des Credo apostoliques, ordonnant ces statues dans un ordre fixé (quoique sujet à variation) se diffuse en iconographie dans les livres enluminés par Jean Pucelle et son élève Jean Le Noir au XIVe siècle, pour le compte du duc de Berry, se retrouve dans les vitraux sur des sites aussi prestigieux que la Sainte-Chapelle de Bourges, toujours pour le duc de Berry (en grisaille, cartons d'André Beauneveu, v.1395) et la cathédrale du Mans (rose nord, vers 1430-1435)  et en sculpture, par exemple, en la chapelle de Jean de Bourbon à Cluny vers 1460. La famille Jouvenel adopte donc pour sa chapelle fictive un thème très à la mode dans l'entourage du roi.

2. La précision avec laquelle le peintre représente ici ses vitraux, et leur mise en plomb, laisse supposer qu'il connait bien le sujet. Selon Philippe Lorentz, "durant tout le XVe siècle, la quasi totalité de ceux à qui on commande des vitraux sont des peintres de chevalet" et des peintres de retables, en Bourgogne, en Provence ou ailleurs. Mes connaissances sont minimes, mais je ne connais pas d'exemple de représentation aussi réaliste des vitraux en peinture à cette époque. Soit l'artiste anonyme est parti d'un espace vitré réel, soit il est un de ces peintres-verriers créateur des cartons de vitraux.

3. C'est bien à la fin du XIVe et au XVe siècle que les peintres-verriers se mettent à placer dans leurs lancettes un seul personnage, de plein pied, dans une niche architecturale, alors que dans les siècles antérieurs, les lancettes historiées faisaient se succéder de bas en haut des scènes dans des cadres de formes géométriques savantes et variées. Ces lancettes à un seul personnage se voient, par exemple, en Normandie (Rouen Saint-Maclou, cathédrale d'Evreux (baie 17 v.1370), Saint-Lô, Carentan, Pont-Audemer 1475 (baie 17), Verneuil sur-Avre 1470, Caudebec-en-Caux, Bourg-Achard ( baie 3 vers 1430) et en Bretagne en la cathédrale de Quimper à la fin du XVe siècle (baies 105, 109, 113 par exemple). Conclusion : la chapelle représentée sur la peinture est bien contemporaine de la famille Jouvenel qui y est représentée. Et ces niches architecturées intégrent le vitrail dans l'architecture fictive du monument.

4. Le choix des onze personnages identifiés sur les vitraux est parfaitement cohérent avec le programme iconographique des grands sanctuaires mariaux du XVe siècle, notamment dans la chapelle d'axe où la Vierge occupe la place centrale. Il manque sainte Catherine à côté de Marie-Madeleine. La présence de saint Louis est conforme à nos attentes.

5. Bien que les représentations d'intérieur de chapelles, avec leurs vitraux, sont nombreuses en peinture (d'enluminures notamment) comme en témoigne l'inventaire Biblissima, cette représentation ne devient réaliste voire "illusioniste" qu'au XVe siècle. C'est alors qu'on trouve ces décors d'absides ou chapelles rayonnantes vues en perspective (ou en trompe-l'œil) derrière des accolades à clefs pendantes. En voici quelques exemples :

) Messe de l'Avent,  missel de Louis de Guyenne, Bibliothèque Mazarine folio 7, par le Maître de Bedford, 1415. Célébration d'une messe en la Sainte-Chapelle de Paris. Mais le décor des vitraux est remplacé par des losanges. N.B : Denis Juvenel des Ursins fut écuyer et échanson de Louis de Guyenne. Ce dernier avait une dévotion toute particulière pour la Sainte-Chapelle. Le manuscrit est resté inachevé au décès du Dauphin le 18 décembre 1415.

.

Paris. Bibliothèque Mazarine, Ms 406 folio 7, Missale Parisiense [latin]. Enlumineur Maître de Bedford

 

.

2°) L'Annonciation, Heures d'Etienne Chevalier, Jean Fouquet 1452-1460. Intérieur de la Sainte-Chapelle de Bourges. On reconnait dans les verrières les apôtres dessinés par André Beauneveu vers 1395.

.

 

.

 

 

3°)Les Heures de l'année liturgique, la Messe de Noël,  Très Riches Heures du duc de Berry, Musée Condé, Chantilly, MS65 f°158v par Jean Colombes, 1485 (sur un dessin antérieur, peut-être des Limbourg, ou du Maître de Bedford).

On y a reconnu l'intérieur de la Sainte-Chapelle de Paris. Mais l’architecture de celle-ci est plus fidèlement rendue au frontispice du Missel de Louis de Guyenne (supra), enluminé par le Maître de Bedford (Inès Villela-Petit, Bibliothèque nationale de France, 2008).

Notez l'ange scutifère sur la clef tombante, comme sur la peinture des Jouvenel, et le réseau de nervures en arrière des arcades.

 

.

 

.

4°)Les Obsèques de Raymond Diocrès,  Très Riches Heures du duc de Berry, Musée Condé, Chantilly, MS65 f°86v par Jean Colombes, 1485 (sur un dessin antérieur, peut-être des Limbourg, ou du Maître de Bedford).

 

.

.

 

.

5. Dans un processus inverse, ou de mise en abyme, certains vitraux des chapelles du XVe siècle représentent, comme sur ces enluminures, l'intérieur de chapelles avec leurs vitraux..

 L'Annonciation de la baie Jacques Cœur, ou baie 25 de la cathédrale de Bourges, datant de 1451 peut-être par Jacob de Littemont.

Les quatre personnages ont été placés dans une architecture complexe, voutée d'ogives ornées de fleurs de lys sur fond bleu. A la différence de la peinture des Jouvenel (réalisée 5 ans auparavant), mais selon le même procédé, c'est la scène liturgique qui figure au premier plan, devant une tenture rouge damassée tendue entre les colonnes. Au premier plan de la partie supérieure, les clefs pendantes s'avancent dans l'espace fictif, devant la voûte nervurée. 

.

 

Photo lavieb-aile

 

.

L'Annonciation baie n°25, cathédrale de Bourges. Photo lavieb-aile.

.

 

Les vitraux de la peinture peuvent-ils représenter  ceux de Notre-Dame, soit ceux de la chapelle axiale, soit ceux de la chapelle Saint-Rémi au XVe siècle ?

.

Réponse : on ne sait pas.

"Il ne reste plus rien de la vitrerie médiévale, à l'exception de deux médaillons médiévaux aujourd'hui replacés dans la chapelle Saint-Guillaume, ... ancienne chapelle Saint-Rémi, mais provenant d'un autre emplacement.
Les historiens ne possèdent aucune information sur la nature des vitraux du XIIe siècle et sur l'iconographie retenue pour les trois niveaux d'élévation. L'historienne du vitrail Françoise Gatouillat rappelle que la vitrerie de cette époque a dû se constituer grâce à des donations, mais sans doute aussi avec des remplois des verrières de l'église que la nouvelle cathédrale remplaçait. Ainsi, un triomphe de la Vierge, offert par l'abbé Suger, a été réutilisé dans les tribunes.
Au XIVe siècle, le problème de la cathédrale restait sa pénombre extrême. Et la vitrerie en place allait en faire les frais : quelques verres blancs joignirent les étages supérieurs ; parfois des scènes diverses en camaïeu ou en grisaille et jaune d'argent. Néanmoins des chapelles reçurent des vitraux historiés avec commanditaires à leur partie inférieure, mais on les compte sur les doigts d'une main. Rappelons que les confréries, pourvoyeuses habituelles de vitraux, étaient interdites de séjour dans la cathédrale de Paris (voir le financement de la construction plus haut). Pis encore au XVIIIe siècle : les vitraux des grandes fenêtres seront détruits pour gagner de la lumière.
Les seuls vitraux médiévaux importants qu'il nous reste sont les trois grandes roses du XIIIe siècle"

https://www.patrimoine-histoire.fr/Patrimoine/Paris/Paris-Notre-Dame.htm

Source : La cathédrale Notre-Dame de Paris, La Nuée Bleue, collection La grâce d'une cathédrale, 2012, article de Françoise Gatouillat.

.

L'architecture représentée sur la peinture peut-elle correspondre à elle de Notre-Dame, soit ceux de la chapelle axiale, soit ceux de la chapelle Saint-Rémi au XVe siècle ?

Réponse : non, ce qui est représenté ici est une absidiole axiale et deux chapelle latérales, or le chevet de Notre-Dame ne possède pas de chapelles rayonnantes (comme en la cathédrale de Bourges) et de chapelle absidiale  axiale plus importante, (comme en la cathédrale du Mans ou en celle de Rouen, par exemple.

Plan de Notre-Dame : https://passerelles.essentiels.bnf.fr/fr/image/926747b1-1473-4117-8441-ef7668e80a69-plan-notre-dame-paris.

Il faudrait encore comparer ce chevet avec celui des cathédrales de Troyes (origine de la famille Jouvenel), de Laon, dont Jean II Jouvenel était évêque ou de Reims, dont Jacques Jouvenel était archevêque , ou de Poitiers.

.

Quels sont les éléments descriptifs dont nous disposons sur la chapelle Saint-Rémi ?

La chapelle Saint-Rémi, actuelle chapelle Saint-Guillaume, est conjointe (non séparée par un mur) de la chapelle Saint-Pierre-et-Saint-Etienne, actuelle chapelle d'Harcourt, plus à l'est. Elle est éclairée aujourd'hui par une large baie à 2x2 lancettes à vitrerie et un tympan à trois roses, devant lequel le mausolée de Jean Jouvenel et Michelle de Vitry est disposé (alors que le dessin de Guilhermy le montre devant un mur). En effet, C.P. Gueffier signale en 1753 que la peinture étudiée ici était placée contre le mur devant lequel était le tombeau, de marbre noir. 

.

Quels sont les éléments descriptifs dont nous disposons sur les chapelles du chœur de Notre-Dame ?

Document décrivant le déambulatoire et le chevet de Notre-Dame :

"Un double collatéral environne tout le chevet. Quatre piliers et dix-sept colonnes le partagent en deux galeries. Le nombre de ses travées est donc de vingt, c’est-à-dire qu’il en a cinq de plus que le chœur et l’abside ensemble. La différence du rayon de la courbe à décrire explique naturellement cet accroissement dans le nombre des arcs et dans celui des points d’appui nécessaires pour les soutenir. C’est d’ailleurs toujours le même système dans la structure des voûtes. Seulement, au rond-point, comme la disposition des travées à couvrir ne se prêtait plus au croisement régulier des nervures, on s’est contenté de réunir entre eux les points d’appui par des arcs en ogive, dont les intervalles ont été remplis au moyen de portions de voûtes de formes diverses. Les colonnes libres et les groupes engagés dans les murs de refend des chapelles appartiennent à la première construction, comme le prouvent suffisamment le style de leurs chapiteaux et les feuilles en relief sur les angles de leurs socles. Deux harpies, l’une mâle, l’autre femelle, à corps d’oiseau et tête humaine, sculptées dans un feuillage, sur un chapiteau, entre les septième et huitième chapelles au sud, marquent la transition du style qui se plaisait à l’emploi des personnages et des animaux, à celui qui leur a substitué presque exclusivement le règne végétal.

Si de la colonnade intermédiaire nous passons aux chapelles, nous voyons qu’elles présentent un total de vingt-trois travées. À mesure qu’on s’éloigne du centre, le nombre des subdivisions devient forcément plus considérable.  Les cinq premières, de chaque côté, n’ont pas plus d’une travée d’étendue. La première surtout est plus restreinte encore, envahie par le massif qui renferme l’escalier de la tribune.

Vers le rond-point, l’architecte du xive siècle a voulu que ses chapelles fussent plus dégagées et plus élégantes. Il a donc pris le parti de supprimer huit murs de refend pour avoir deux chapelles doubles et trois triples. Le collatéral y a gagné plus de légèreté et plus de lumière. Dans les chapelles simples, les nervures croisées reposent sur des colonnettes engagées dans les angles. Les chapelles doubles et triples ont des faisceaux de colonnes pour soutenir leurs voûtes et leurs arcs doubleaux. Les nervures sont rondes, quelques-unes même avec ce filet en saillie sur le tore qui devint ordinaire dans la seconde moitié du xiiie siècle. Le feuillage des clefs et des chapiteaux, chêne, lierre, trèfle, vigne, etc., a été traité avec une délicatesse et une vérité charmantes. Les arcs doubleaux et les arcs d’ouverture sont fortifiés de nombreuses moulures toriques. Il est intéressant de comparer sur place, et souvent dans l’espace d’une même travée, la manière du xiie siècle et celle du xive. Il est resté dans plusieurs de ces chapelles, comme dans quelques-unes de celles de la nef, des piscines creusées dans les murs et surmontées de petits pignons. Tout était prévu. Ainsi, ces piscines présentent un double bassin, l’un communiquant avec l’extérieur par un déversoir pour rejeter l’eau qui a servi à purifier les mains du prêtre avant le canon de la messe ; l’autre, percé d’un conduit qui va se perdre dans le sol même de l’église, afin de ne pas laisser tomber sur une terre profane l’eau dont le prêtre se lave les doigts après avoir touché aux saintes espèces.

Quelques vagues indices de peinture murale s’aperçoivent çà et là sur les murs des chapelles absidales. Les traces d’une décoration polychrome plus complète se sont trouvées sous le badigeon dans les trois chapelles du fond. On a découvert il y a quelques mois sur le mur de refend de droite de la chapelle du fond, une belle peinture du xive siècle représentant la Vierge assise sur un trône avec l’enfant Jésus ; à gauche est saint Denis à genoux tenant sa tête entre ses bras ; à droite un évêque également agenouillé ; au-dessus de la Vierge on voit deux anges enlevant une âme sous forme d’un jeune homme nu. Une arcature en pierre entourait cette peinture, qui se trouvait probablement placée au-dessus du tombeau de Matiffas de Bucy, le fondateur de ces chapelles. L’évêque placé à la droite de la sainte Vierge serait alors le pieux prélat. Dans la crainte de voir disparaître ces restes qui dénotent un art fort avancé, les architectes les ont fait copier en fac simile de grandeur naturelle par M. Steinheil. " (M. De Guilhermy et Viollet-le-Duc 1856)

 

Dans ces chapelles latérales du choeur de Notre-Dame, les statues que signalent Gueffier au XVIIIe siècle sont rares : ce sont, sur des colonnes,  celles de Simon de Batifas évêque de Paris, fondateur des chapelles saint Nicaise, saint Rigobert et saint Louis (*), d'une part, et, dans la chapelle Saint-Denis et Saint-Georges, celle de Denis Dumoulin, évêque de Paris patriarche d'Antioche et conseiller de Charles VII, décédé en 1441 Cette statue fut brisée à la Révolution.

(*)En 1602 les chapelles Saint-Louis et Saint-Rigobert sont rassemblées pour accueillir les tombeaux du cardinal et du maréchal de Retz. La chapelle est aujourd’hui connue sous le vocable de Notre-Dame-des-Sept-Douleurs.

 

Remarque : Sur le mur méridional de la chapelle d'axe de Notre-Dame de Paris, dédiée à saint Nicaise, subsiste aujourd'hui une importante peinture murale du XIVe siècle parisien. Vestige du tombeau à enfeu de Simon Matifas de Bucy, évêque de Paris de 1290 à 1304, l'œuvre, lourdement restaurée par Viollet-le-Duc au XIXe siècle, constitue pourtant possiblement l'unique témoignage de l'activité de Jean Pucelle, connu pour ses enluminures, dans le domaine de la peinture monumentale. En effet, Jean-Marie Guillouet est parvenu à cette attribution, en 2008, en la rapprochant de  la Crucifixion et l’Adoration des Mages des folios 68v. et 69 des Heures de Jeanne d’Evreux (entre 1325 et 1328), conservées au Metropolitan Museum de New York. Cela confirme que les artistes enlumineurs pouvaient réaliser, non seulement des cartons de vitraux, mais aussi des peintures monumentales, et cela démontre l'intérêt de recherches de cet ordre.

.

Peinture murale, chapelle axiale Saint-Nicaise, Notre-Dame de Paris

.

.

Jean Pucelle, Heures de Jeanne d'Evreux folio 69, Adoration des Mages.

.

On remarque l'absence sur la peinture de statues dressées sur des colonnes, soit des donateurs, soit des patrons des chapelles :

"Nous avons connaissance, de manière plus ou moins fragmentaire, de treize supports établis ainsi au devant ou à l'intérieur des chapelles pour recevoir une statue. Ces statues représentaient des donateurs, tels que Simon Matiffas de Bucy, à l'entrée de la chapelle Saint-Nicaise, au devant de son tombeau, Michel du Bec, devant l'entrée de la chapelle Saint-Michel, Etienne de Suizy, "contre un pilier de sa chapelle", Thomas de Courcelles, Jean de Courcelles, encadrant l'autel de la chapelle Saint-Martin-Sainte-Anne, l'évêque Denis du Moulin devant la chapelle Saint-Denis-Saint-Georges, ainsi qu'un chanoine non identifié dans la chapelle de la Décollation.  Des statues à l'effigie de leurs saints patrons ou d'autres personnages étaient placées soit isolément soit vis-à-vis de ces donateurs : saint Michel face à Michel du Bec, l'Enfant Jésus et saint Joseph dans la chapelle de la Décollation, saint Denis face à Denis du Moulin. Dans certains cas, des saints intercesseurs pouvaient même être placés sur le même support que les donateurs. [...] La décoration projetée par Etienne Yver dans la chapelle Saint-Nicolas comportait apparemment un ensemble de statues reposant sur deux colonnes, sur le thème de l’Annonciation. Dès le XIVe siècle, on trouvait en la chapelle Saint-Crépin-Saint-Crépinien une représentation de ces saints, qui pourrait bien avoir été exposée de la même façon que les saints que nous avons mentionnés." (G. Eldrin)

Un exemple : la statue de Beatrix de Bourbon, morte en 1383, en sa chapelle funéraire  des Jacobins de Paris (aujourd'hui conservée à la basilique de Saint-Denis) :

.

.

.

Un témoignage important est la façon dont Philippe de Mortvilliers aménagea sa chapelle funéraire, dans le chœur de Saint-Martin-des-Champs, et, notamment, de l'existence de statues sur colonnes ou culots.

.

Cet avocat d'Amiens, conseiller de Jean Sans Peur puis du duc de Bedford, fut nommé premier président du Parlement de Paris pour le parti "bourguignon" en 1418 et accompagna, pendant l'occupation anglaise, l'évêque de Beauvais Pierre Cauchon auprès de Jean de Lancastre. Dans le même temps, du côté "armagnac", Jean Jouvenel des Ursins était premier président du Parlement à Poitiers, et le rival direct de Philippe de Mortvilliers. En 1436, Charles VII réunit les deux parlements.

Philippe de Mortvilliers mourut en 1436 (cinq ans après Jean Jouvenel). Il s'était soucié dès 1426 de fonder sa chapelle funéraire au prieuré clunisien de Saint-Martin-des-Champs en la chapelle Saint-Nicolas, la deuxième chapelle rayonnante nord du chevet, et d'y élever un tombeau pour lui et son épouse Jeanne de Drac . Mais, à la différence des Jouvenel, l'ensemble des textes très détaillés concernant les diverses tractations avec les religieux de Saint-Martin-des-Champs, le financement de la chapelle, les cérémonies liturgiques, l'aménagement et l'ameublement de celle-ci, les calices, vêtements liturgiques et parements d'autels (le poste le plus coûteux), missels et livres (à ses armes et d'emblèmes), etc. ont été conservés et Philippe Plagnieux en a rendu compte. Du monument funéraire lui-même, seule le gisant de Philippe de Mortvilliers, en pierre et marbre blanc, est conservé au Louvre.

"On a montré comment les démarches entreprises par la famille Jouvenel pour inhumer à Notre-Dame, plus de dix ans après sa mort, l'ancien président du parlement de Poitiers, constituaient une réplique aux fondations effectuées en l'église de Saint-Martin-des-Champs par Philippe de Morvilliers. Ce dernier avait présidé le parlement de Paris durant l'occupation anglaise tandis que Jean Jouvenel présidait celui de Poitiers et les occasions de rivalité n'avaient pas manqué entre les deux familles. [...]. Rien d'étonnant par conséquent à ce que la famille Jouvenel ait repris à son compte les principes appliqués par son rival dans l'une des chapelles du chevet de Saint-Martin-des-Champs : droit d'inhumation étendu aux descendants par filiation directe issue de mariage, célébration d'une messe quotidienne dans la chapelle, représentation physique, sur un tombeau élévé de terre, des chefs de la lignée sous la forme de sculptures dont la peinture devait accroître le réalisme. L'instauration de la procession le jour de l'obit des différents membres de la famille peut elle-même apparaître comme une copie de la procession qui le jour de l'obit du président de Morvilliers devait après la célébration se rendre du choeur au tombeau du fondateur, y chanter plusieurs oraisons avant de s'en retourner en entonnant une antienne à saint Martin." (G. Eldin)

.

Les fondateurs déjà figurés en gisants se firent  représenter sous forme de statues, également de pierre, mais cette fois debout. Adossées aux deux piliers d'entrée de la chapelle, sous un dais ouvragé, elles se dressent sur des consoles en forme d'anges présentant leurs armoiries. A l'instar des gisants, mais de façon nettement plus ostentatoire, ces statues représentent les deux personnages au sommet de leur gloire, vêtus de costumes de cérémonie . Philippe de Morvilliers est vêtu de sa longue robe rouge de premier président du Parlement, et tient un curieux édicule ( une maquette symbolisant la chapelle Saint-Nicolas?). Quant à son épouse, mains jointes, mondaine et élégante, elle porte un riche habit doré,. Sur les deux piles composées de la chapelle, dessinées par Gaignières, grimpent deux tiges de rinceaux à feuilles de chêne.Elles s'entrecroisent et déterminent des médaillons, séparés par la devise hac virtutis iter, puis enchâssent alternativement les armes des deux époux et la herse liée à F Y.

.

Roger de Gaignières, BnF, Est. RESERVE Pe-11-Fol.

.

Philippe de Morvilliers et Jeanne du Drac dans le choeur de l'église de st-Martin des Champs Gaignières, BnF, Est. RESERVE Pe-11-Fol.

 

.

 

.

 

.

 

.

SOURCES ET LIENS.

.

 

BATTIFOL (Louis), 1894, Jean Jouvenel, prêvôt des marchands de la ville de Paris (1360-1431), thèse, Honoré Champion

https://ia600201.us.archive.org/17/items/jeanjouvenelpr00batiuoft/jeanjouvenelpr00batiuoft.pdf

https://www.mediterranee-antique.fr/Auteurs/Fichiers/ABC/Batiffol_L/Jouvenel_Jean/Jouve_10.htm

BATTIFOL (Louis), 1893, L'origine italienne des Juvenel des Ursins, Bibliothèque de l'école des Chartes

https://www.persee.fr/doc/bec_0373-6237_1893_num_54_1_447749

 

BOUCHOT, Henri, Inventaire des dessins exécutés pour Roger de Gaignières et conservés aux départements des estampes et des manuscrits, Paris 1891.

DEMURGER ( Alain), « La famille Jouvenel. Quelques questions sur un tableau », Annuaire-Bulletin de la Société de l’Histoire de France, 1997 (1999), p. 31-56.

https://books.google.fr/books?id=wEwo4Lx75-8C&pg=PA55&lpg=PA55&dq=%22ce+sont+les+representations+de+nobles+personnes+messire%22&source=bl&ots=AoJTrBx6NL&sig=ACfU3U3jgikE9L_rPNh2Z0OLR3S8tB6khw&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwjc4qbU66KDAxWtcKQEHfo8Ay8Q6AF6BAgKEAM#v=onepage&q=%22ce%20sont%20les%20representations%20de%20nobles%20personnes%20messire%22&f=false

ELDIN (Grégoire), 1994, Les chapellenies à Notre-Dame de Paris (XIIe au XVIe siècles) ,thèse de l' Ecole nationale des Chartes, 3 volumes, vol.I

https://bibnum.explore.psl.eu/s/psl/ark:/18469/465kd

"La relation étroite entre décor et sépulture, que l'on ressent particulièrement à la fin du Moyen Âge, nous a conduit plusieurs fois déjà, dans notre étude des tombeaux, à évoquer la décoration des chapelles. Notre propos n'est pas ici de présenter l'aspect de chacune d'elles ; ces éléments ont été réunis dans la description topographique que l'on trouvera en fin d'étude. Il est plutôt de nous interroger sur les règles qui ont présidé à l'aménagement des chapelles, tout en sachant que l'information réunie, qui restera toujours fragmentaire, ne permet pas d'analyse de type statistique.

L'un des écueils auxquels nous nous heurtons est notamment le fait qu'une bonne part de notre documentation se compose de descriptions portant non sur des oeuvres, mais sur des projets, dont rien ne confirme qu'ils furent suivis d'exécution.

L'information dont nous disposons témoigne d'un nombre respectable d'entreprises de décoration des chapelles du tour du choeur. Pour les chapelles de la nef, les données sont beaucoup plus rares. Il est probable qu'elles aient été beaucoup plus négligées. Comme on l'a vu, elles n'avaient attiré que très peu de sépultures.

Comme pour les inhumations, les fondateurs de chapellenies ou de cycles de messes peuvent être tenus pour responsables d'une bonne part des réalisations. L'étroitesse des chapelles, dont on a dit qu'elle expliquait en partie que l'on n'eût élevé que très peu de tombeaux au-dessus du sol, peut aussi justifier l'usage consistant à dresser sur des colonnettes les représentations des donateurs. A plusieurs reprises, les délibérations du chapitre attestent du souci de ne pas endommager les maçonneries de l'édifice en y insérant des pièces rapportées.

Nous avons connaissance, de manière plus ou moins fragmentaire, de treize supports établis ainsi au devant ou à l'intérieur des chapelles pour recevoir une statue. Ces statues représentaient des donateurs, tels que Simon Matiffas de Bucy, à l'entrée de la chapelle Saint-Nicaise, au devant de son tombeau, Michel du Bec, devant l'entrée de la chapelle Saint-Michel, Etienne de Suizy, "contre un pilier de sachapelle", Thomas de Courcelles, Jean de Courcelles, encadrant l'autel de la chapelle Saint-Martin-Sainte-Anne, l'évêque Denis du Moulin devant la chapelle Saint-Denis-Saint-Georges, ainsi qu'un chanoine non identifié dans la chapelle de la Décollation.  Des statues à l'effigie de leurs saints patrons ou d'autres personnages étaient placées soit isolément soit vis-à-vis de ces donateurs : saint Michel face à Michel du Bec, l'Enfant Jésus et saint Joseph dans la chapelle de la Décollation, saint Denis face à Denis du Moulin. Dans certains cas, des saints intercesseurs pouvaient même être placés sur le même support que les donateurs. [...] La décoration projetée par Etienne Yver dans la chapelle Saint-Nicolas comportait apparemment un ensemble de statues reposant sur deux colonnes, sur le thème de l’Annonciation. Dès le XIVe siècle, on trouvait en la chapelle Saint-Crépin-Saint-Crépinien une représentation de ces saints, qui pourrait bien avoir été exposée de la même façon que les saints que nous avons mentionnés.

Qui sont les commanditaires de ces sculptures ? On les connaît dans le cas des frères de Courcelles et d'Etienne Yver. Faut-il en déduire que tous les personnages représentés en aient eux-mêmes fait la demande ? Marcel Aubert propose la date de 1330 pour la figuration du plus ancien de ces personnages, Simon Matiffas de Bucy. Il n'est pas impossible en effet qu'après l’achèvement des chapelles du choeur on ait souhaité commémorer par une série de statues à leur effigie certains personnages ayant contribué à la construction. Ainsi auraient été élevées les statues de Michel du Bec et d'Etienne de Suizy. Il est fort possible également que cet ensemble de sculptures — pour peu qu'il s'agisse effectivement d'une commande d'ensemble, or rien n'est moins sûr — ait été financé par un ou des personnages lui-même ou eux-mêmes désireux d'être représenté. Mais n'espérons pas connaître le poids exact de la modestie ou de la vanité de chacun de ces personnages

Nous n'irons pas jusqu'à assimiler ces statues, comme l'a proposé H. Kraus, à celles figurées sur le tableau représentant la famille Jouvenel des Ursins, que l'on entrevoit dans des niches placées entre les fenêtres d'un déambulatoire. La comparaison s'impose, mais point l'identification. (H. Kraus, Notre-Dame's vanished médiéval glass, dans la Gazette des Beaux-arts, t. LXVIII, n° 1172 (septembre 1966), p. 140 et suiv.).

Les craintes du chapitre quant à la maçonnerie de l'édifice ne laissèrent point de choix à ceux qui souhaitèrent orner les murs des chapelles à leurs frais : la peinture était la seule façon de les décorer de façon permanente, l'utilisation de tentures constituant le moyen de les revêtir de façon provisoire. Les Jouvenel des Ursins envisagent également de faire peindre le mur séparant la chapelle Saint-Rémi de la chapelle Saint-Géraud. Avant eux, le sire de Bourbon et ses gens avaient envisagé de réaménager la même chapelle en y faisant notamment peindre la Vierge, entourée de leurs armoiries. (27 mars 1415, LL 112, p. 43).

Moins accessibles au badigeonnage, les voûtes des chapelles ont plus longtemps que les murs conservé la trace de peintures. Plusieurs donateurs y firent peindre leurs armoiries. La date de ces travaux n'est pas connue, mais les observateurs de l'époque moderne ont pu reconnaître ainsi les armes des Jouvenel des Ursins à la voûte de la chapelle Saint-Rémi et celles de Denis Dumoulin à celle de la chapelle Saint-Denis-Saint-Georges.

Mais la famille Jouvenel des Ursins offrit le premier cas de fidélité durable à une fondation. Cette fidélité pluriséculaire fut cependant axée sur le droit de sépulture concédé à la descendance du président du parlement de Poitiers.

 

 

 

FERRARI (Matteo),  , Paris, Notre-Dame (chapelle Jouvenel des Ursins), base ARMMA/SAPRAT

https://armma.saprat.fr/monument/paris-notre-dame-chapelle-jouvenel-des-ursins/ 

FERRARI (Matteo),  Paris, Hôtel Jouvenel des Ursins, base ARMMA/SAPRAT

https://armma.saprat.fr/monument/paris-hotel-des-ursins/

FERRARI (Matteo),  Troyes, Hôtel Jouvenel des Ursins, base ARMMA/SAPRAT

https://armma.saprat.fr/monument/troyes-hotel-juvenal-des-ursins/

 

 

—  GUILHERMY (Ferdinand de), 1873, Inscription de la France du Ve au XVIIIe, t. 1. Ancien diocèse de Paris, Paris, Imprimerie nationale, 1873.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6377940n/f94.item.r=

https://gallica.bnf.fr/view3if/ga/ark:/12148/btv1b69074450/f2

PATTOU (Etienne)

http://racineshistoire.free.fr/LGN/PDF/Jouvenel-des-Ursins.pdf

REYNAUD, (Nicole), 1999 « Les Heures du chancelier Guillaume Jouvenel des Ursins et la peinture parisienne autour de 1440 », Revue de l’Art, 126, 1999, p. 23-35.

Photo RMN

https://www.photo.rmn.fr/archive/87-005856-2C6NU0HGUCXF.html

https://www.fontaine-fourches.com/625.Histoire.annexe.1.famille.Juvenal.des.Ursins.html

 

Source du deuxième article

AUBERT (Marcel) , 1950, La cathédrale Notre-Dame de Paris. Notice historique et archéologique, page 86

https://archive.org/details/lacathdraleno00aube/page/86/mode/2up

DAVIS (Michael T.), 1998, "Splendor and Péril: the Cathedral of Paris. 1290-1350" . Art Bulletin, LXX X (1998), p. 34-66.

https://www.jstor.org/stable/3051253

—  FREIGANG (Christian), 2002,  "Chapelles latérales privées. Origines, fonctions, financement: le cas de Notre-Dame de Paris", in  Art, cérémonial et liturgie au Moyen Age, actes du colloque de 3e cycle Romand de Lettres, Lausanne-Fribourg, 24-25 mars, 14-15 avril, 12-13 mai 2000 (sous la dir. de Nicolas Bock, Peter Kurmann, Serena Romano et Jean-Michel Spieser), Paris, 2002.

https://d-nb.info/1212516060/34

Les nouvelles chapelles commencent à être bâties comme annexes de la nef. Le chevet, en revanche, ne se verra enrichi de ces espaces supplémentaires que pendant la deuxième moitié du XIIIe et au début du XIVe siècle . Les chapelles latérales de Notre-Dame ne sont donc évidemment pas à confondre avec les absidioles entourant souvent les déambulatoires des grandes églises romanes et gothiques.

...chapellenie. dont les fondations ont été des fois interprétées comme témoignage de la construction matérielle d'une de ces édicules annexes. Cependant, fundare, construere ou edificare unam capellaniam veut, dans notre contexte, surtout dire la dotation d'un bénéfice avec la charge du prêtre de célébrer régulièrement une ou plusieurs messes dans une église, et souvent à un autel précis. Généralement, il s'agit de messes commémoratives pour le fondateur et ses proches, après la mort de celui-ci. la dotation d'un tel bénéfice. S'y ajoute, dès le début du XIIIe siècle, que le fondateur désigne un autel particulier qu'il dote aussi des instruments liturgiques nécessaires, des habits, de la vaisselle et/ou de la lumière.

[...]Ctte constatation peut être confirmée pour le clerc et professeur Eudes de Sens qui, en 1315, fait dotation d'une chapellenie dans la chapelle St-Pierre et St-Etienne (la cinquième, côté sud, du déambulatoire), où il sera également enseveli. Les anciennes représentations dans les vitraux nous renseignent davantage sur le contexte de cette fondation: on y voyait le frère et les parents d'Eudes, dont le père avait déjà fondé une messe annuelle pour son fils, en 1303. La figure d'Eudes, en habit de diacre, portait une chapelle dans sa main. C'est ici presque une véritable chapelle privée, où plusieurs chapellenies sont consacrées à une même famille et où figure un donateur, Eudes lui-même, en tant que fondateur de la chapelle elle-même. [...]

La chapelle latérale a, dans ce contexte, tendance à devenir un point de repère très important. Cette tendance à la concentration familiale et à l'isolation est confirmée par l'organisation de l'entretien des chapelles.... Apparemment, les chapelles avaient des clôtures en forme de treillage, ce qui interdisait l'accès à toute personne non autorisée.

Conformément aux prescriptions ecclésiastiques, au XIIe siècle, ne se trouvent à l'intérieur, dans le chœur, que des tombeaux de la famille royale et des évêques. Cependant, l'abbaye de St-Victor étant plus prestigieuse comme lieu de sépulture pour les évêques parisiens durant tout le XIIe siècle, ceux-ci ne deviennent plus nombreux qu'ave c Eudes de Sully, en 1208. Suivent les chanoines qui, dès le milieu du XIIIe siècle, ne sont plus enterrés principalement dans le cloître, mais aussi dans la nef et ses chapelles, ainsi que dans les chapelles du chevet. Il convient cependant de souligner que les laïcs n'étaient nullement privés de tels privilèges, comme le montre l'exemple du chevalier Robert de Millet, qui aura en 1329 son tombeau figuré dans la quatrième chapelle côté nord des parties droites du chevet.

Les chapelles individuelles ne deviennent plus intéressantes qu'au moment où elles peuvent également servir de lieu de sépulture du fondateur et de cadre de représentation familiale par les médias de l'image et de l'épigraphie, vers la fin du XIIIe siècle. Mais il est important de constater que l'architecture reste, jusqu'au XIVe siècle, un cadre neutre et non soumis à une quelconque intervention du donateur. En fait, l'étonnante homogénéité des chapelles latérales de Notre-Dame peut être comprise à la lumière de cet aspect. Même si l'on peut observer quelques modifications dans les détails durant l'étape de construction des chapelles de la nef, avant le milieu du XIIIe siècle, l'espace mis à disposition des fondateurs, comme la largeur des fenêtres et la richesse du remplage, ne changent pratiquement pas. En ce qui concerne les chapelles du chevet, leur ressemblance à l'identique résulte d'un esprit de standardisation qui ne connaît presque pas de modifications. Les chapelles suivent un plan préétabli, et cela n'est pas seulement l'application d'un procédé développé par l'architecture gothique du XIIIe siècle, procédé qui consiste en la conception théorique préalable d'une partie architecturale. L'unité du langage architectural des chapelles, qui forment, par leurs gables ajourés, un ensemble indissociable avec les nouveaux bras des transepts ainsi qu'ave c la Porte Rouge, démontre clairement que les chapelles latérales ne sont nullement des espaces individuels, indépendants du reste de la cathédrale. Ceci est confirmé par leur disposition à l'intérieur, où il ne faut pas surestimer l'aspect d'isolement des espaces annexes. Certes, en ce qui concerne les parties droites, les contreforts s'imposent naturellement en tant que clôtures entre les chapelles. Quant aux chapelles rayonnantes cependant, il y a des groupements de chapelles à deux et à trois unités. Ces chapelles ont donc un caractère ambigu, puisqu'elles peuvent également être interprétées comme un agrandissement de l'intérieur de la cathédrale par un troisième déambulatoire . Le fait que les chapelles étaient, de toute évidence, séparées du déambulatoire par des clôtures à serrures ne contredit pas cette observation. Ces clôtures étaient des treillages translucides qui laissaient pénétrer le jour des fenêtres et permettaient d'entendre publiquement le service divin. Les chapelles font donc visiblement partie de l'ensemble architectural de l'église principale.

 

 

 GUEFFIER, (Claude-Pierre ), 1753, Curiosités de l'église Notre-Dame de Paris, avec l'explication des tableaux qui ont été donnés par le corps des orfèvres, BnF Arsenal 8-H-13286

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1518656k/f65.item

GUILLOUET (Jean-Marie ), Guillaume Kazerouni. 2008, Une nouvelle peinture médiévale à Notre-Dame de Paris : le tombeau de Simon Matifas de Bucy. Revue de l'Art, 2008, I (158), pp.35-44. 

Sur le mur méridional de la chapelle d'axe de Notre-Dame de Paris, dédiée à saint Nicaise, subsiste aujourd'hui une importante peinture murale du XIVe siècle parisien. Vestige du tombeau à enfeu de Simon Matifas de Bucy, évêque de Paris de 1290 à 1304, l'œuvre, lourdement restaurée par Viollet-le-Duc au XIXe siècle, constitue pourtant possiblement l'unique témoignage de l'activité de Jean Pucelle dans le domaine de la peinture monumentale. Des relevés et documents indirects permettent de reconstituer en partie l'histoire matérielle de ce monument et d'en évaluer la place dans l'histoire de l'art du premier tiers du XIVe siècle.

https://shs.hal.science/halshs-00560732

 

 

KRAUS (Henry ), 1966, Notre-Dame's vanished medieval glass I : the iconography II : the donors ,la Gazette des beaux-arts,

KRAUS (Henry ), 1993, A prix d'or, L'argent des cathédrales / L'argent des cathédrales de Henry Kraus, les Éditions du Cerf, CNRS Éditions, 2012

https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1993_num_151_3_3398_t1_0532_0000_4

KRAUS (Henry ), 1967, Notre-Dame's vanished medieval glass ,la Gazette des beaux-arts, 1967 - 32 pages

KRAUS (Henry ), 1969 "New Documents for Notre-Dame's Early Chapels", Gazette des Beaux-Arts, CXI (1969). p. 121-134. k

KRAUS (Henry ), 1970. "Plan of the early Chapels of Notre-Dame de Paris", Gazette des Beaux-Arts, CXII (1970). p. 271.

Les premières chapelles latérales de la cathédrale Notre-Dame n'ont assurément pas eu la même fonction. Toutefois, une documentation abondante et quelques vestiges de l'ancien mobilier des chapelles nous permettent de redessiner les conditions de leur fondation et de leur édification, ainsi que d'expliquer leur forme architecturale et leur place dans la genèse des oratoires privés latéraux des XIVe et XVe siècles. L

Chapelle Saint-Guillaume

https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/palissy/PM75000728

PLAGNIEUX Philippe 1993 La fondation funéraire de Philippe de Morvilliers, premier président du Parlement. Art, politique et société à Paris sous la régence du duc de Bedford

Bulletin Monumental  Année 1993  151-2  pp. 357-381

 

Partager cet article
Repost0
31 juillet 2023 1 31 /07 /juillet /2023 10:20

 

.

Femme je suis pauvrette et ancienne,

Qui rien ne sais; oncques lettre ne lus.

Au moutier vois dont suis paroissienne

Paradis peint, où sont harpes et luz,

Et un enfer où damnés sont boullus:

L'un me fait peur, l'autre joie et liesse.

La joie avoir fais moi, haute Déesse,

A qui pécheurs doivent tous recourir,

Comblés de foi, sans feinte ne paresse:

En cette foi je veux vivre et mourir.

"Dame du ciel, regente terrienne" François Villon (1431 - 1463),

"Ballade pour prier Notre Dame", in Le Testament.

.

PRÉSENTATION.

.

Historique.

La construction de l'église Notre-Dame de Kernascléden, un édifice en granite construit dans le style  gothique flamboyant, entièrement voûtée de pierres, avec un plan en croix terminé par un chevet plat, a été prévue vers 1420 sous Alain VIII de Rohan et Beatrix de Clisson. En 1428, Marguerite de Bretagne, femme d´Alain IX de Rohan, et soeur du duc Jean V, lui lèguait 40 sous dans son testament.

La présence, à la croisée du transept, des armes de Jean V et de son épouse Jeanne de France, morte en 1433, marque l´état d´avancement des travaux à cette date. Les armes de Bertrand de Rosmadec, évêque de Quimper, mort en 1445, à la voûte du bras nord, fournissent un autre indice chronologique.

Une intense activité  règne en ces années centrales du 15e siècle : dans les trois travées du choeur, on relève, d´ouest en est, les armes de Louis II de Rohan-Guémené, qui succède à son père en 1457 ; du vicomte Jean II, fils d´Alain IX, vicomte de Rohan de 1461 à 1516 et maître d´ouvrage des châteaux de Josselin et Pontivy ; de François II enfin, qui ceint la couronne ducale en 1458.

Enfin, une inscription latine et française, gravée en relief sur une pierre encastrée dans le mur nord du choeur, indique que, le 2 septembre 1453, la chapelle fut dédicacée par Yves de Pontsal, évêque de Vannes, et qu´elle fut voûtée en 1464 par Pierre et J. Le Bail. Ces voûtes portent des peintures murales exceptionnelles tant dans le chœur (vie de la Vierge et vie du Christ) que dans le bras nord du transept (anges musiciens).

 

Sur les murs sud et ouest du bras sud du transept,  une  fresque célèbre  représente une danse macabre qui se composait à l'origine d'une suite de 31 personnages (l'Ankou, 15 vifs et 15 morts). Elle a été découverte en 1912 par l'avocat Guy Ramard, féru de peintures murales étudiées en Mayenne, et qui souleva de son canif quelques morceaux du badigeon de lait de chaux qui les recouvraient, pour constater l'existence d'une jambe, voisine d'un fémur ; il y reconnu une Danse macabre.

Sur le mur ouest, au dessus de la fin de la danse macabre,  sur le  tympan délimité par les  nervures de la voûte, est peinte une représentation de l'enfer, a priori contemporaine de la danse macabre. Elle a été découverte par Louis Joseph  Yperman en 1923, tandis qu'il procédait au relevé et à la restauration de la voûte du chœur, et qu'il poursuivait l'exploration de la danse macabre en y découvrant un cardinal et un écuyer.

 

 

 

En 1923, les peintures murales sont consolidées par Ypermann, qui en fait le relevé et dégage dans le transept la Danse macabre et l´Enfer. Une nouvelle campagne de restauration est lancée en 1996. 

Elles ont été relevées par Elisabeth Faure en 1956.

Leur datation est incertaine : on lit la date forcément inexacte "vers 1440" sur le site pop.culture.gouv.fr, ou bien celle de vers 1470, ou bien "troisième quart du XVe siècle". L'étude du contexte iconographique et scripturaire  du thème de l'Enfer et des peines réservées aux damnés selon leurs péchés, incite à retarder cette datation à la toute fin du XVe siècle, après 1592 : c'est l'hypothèse que je vais défendre ici.

.

Description.

Sur le fond ocre rouge de la peinture murale sont dessinés en contours par traits noirs des damnés aux proies aux tourments de l'enfer, et ces malheureux sont fort malmenés par des démons armés de crochets . Les uns et les autres sont de couleur blanche, car conservés par le peintre en réserve sur le fond ocre. Les instruments du supplice sont peints en ocre jaune.

La peinture et son support sont hélas conservés de manière lacunaire, tant pour la danse macabre que pour l'enfer ; de ce dernier, il persiste environ 60%, et on y reconnait  deux marmites infernales au centre, un arbre sec en haut, une roue à gauche et un tonneau tourné à la broche à droite, instruments du supplice d'une foule de damnés menés par une foule de diables.

.

 

Elle est à rapprocher des peintures de l'église Saint-Pierre de Mont-Dol (mur sud de la nef) qui dépeint également  les divers tourments de l'enfer infligés aux damnés : diable brouettant une charretée de damnés ; démon chevauchant une damnée ; supplice de la roue éternelle ; pendus à l'arbre fatal de la science du bien et du mal ; Satan dévorant un enfant de malédiction tandis que sa mère flambe ; damné précipité dans le trou de l'abîme. Ou encore de la fresque de la cathédrale d'Albi. La datation précise de ces deux œuvres n'est pas connue mais il a été démontré que la fresque d'Albi est postérieure à 1493.

.

 

 

 

 

 

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

.

.

 

.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

.

.

Les culots des nervures : deux masques.

.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

.

.

I. Le supplice de la roue destiné aux orgueilleux.

.

Du côté gauche, nous voyons une roue, ou du moins son contour car presque toute la peinture a disparu. L'axe de cette roue à huit rayons est posé sur un tréteau. Si on connait les représentations des Peines de l'enfer, anciennes mais qui s'organisent en sept châtiments, autant que de péchés capitaux, dans la dernière décade du XVe siècle, il est facile de reconnaître ici  le premier supplice, précisément celui de la roue, qui punit le péché d'orgueil. Dans cette tradition, plusieurs roues tournent  entre de hautes montagnes, et les damnés y sont attachés, passant leur éternité à monter puis à être précipité dans les flammes tandis que  Léviathan, « capitaine des orgueilleux », préside à leurs tortures en les frappant d'un bâton de feu.

Mais ici, nous ne voyons plus ces damnés, même en scrutant les dessins des parties jaunes . Tout au plus, au dessus de la roue, un diable se distingue, armé d'un bâton, et il pourrait se charger de frapper les suppliciés.

.

.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

.

.

Sources :

 

1. La Vison de saint Paul. BM Toulouse Ms. 815, 1220-1270. La roue exposant au froid glacial et au feu.

Dans l'Apocalypse de Paul, apocryphe chrétien du IV ou Ve siècle, est racontée la Vision de saint Paul (Visio Pauli) ou descente de ce saint aux enfers accompagné d'un ange (ou de saint Michel),  à l'issue de laquelle Paul obtient un repos le dimanche pour les damnés.

Ce texte a été très lu et très copié aux premiers siècles de notre ère et tout le moyen âge. Sa tradition s’étend pendant tout l’Occident médiéval, se diffusant sous des formes remaniées jusqu’à Dante. Il a eu beaucoup de succès dans les langues vernaculaires du Moyen Âge européen, avec des traductions françaises, provençales, roumaines, anglaises, galloises, allemandes, danoises, bulgares, serbes, toutes étant en langue ancienne. Entre le VIIIe et le xXIe siècle en particulier, de nombreuses versions latines abrégées et remaniées foisonnent, privilégiant surtout la vision des supplices infernaux infligés aux damnés (ce sera d'ailleurs le cas en français, par exemple, où l’on ne retient presque plus que cela). C’est ainsi  que  toute l’imagerie de l’Enfer qui a puisé abondamment dans l’Apocalypse de Paul. (d'après Wikipedia)

Le manuscrit de Toulouse en donne une version en vers français, enluminée. Voir :

https://www.persee.fr/doc/roma_0035-8029_1895_num_24_95_5887

Sur la miniature complète, on voit à gauche, saint Paul et l'archange. A droite, une roue à laquelle se tiennent des damnés, et que trois démons , un au centre et les deux autres sur les côtés, font tourner, exposant les damnés suucesivement au froid glacial et au feu.

Texte :

Pus vit un leu mult glacial  O merveillouse peine e mal ; De l'un part ardant estoit, D'autre part ardant estoit : « Ceo tu veiez en ces turmenz  Mal fierent a totes genz,  Car a mal fere ceo acoustumerent  E de nul homme pité ne averent.  Iceus sur la reo mys sunt,  Ffreid e chaud graunt seuffrunt."

Texte latin :

Post hec vidit viros ac mulieres in loco glaciali, et ignis urebat de media parte et de media frigebat. Hi erant nocuerunt. qui orphanis et viduis  nocuerunt. (Après cela, il vit des hommes et des femmes dans un endroit gelé, et le feu brûlait au milieu et froid au milieu. Ils ont été maltraités, ceux qui ont fait du mal aux orphelins et aux veuves.)

 

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b105602030/f122.item

.

BM Toulouse Ms 815 f. 59v

 

.

 

2. Église de Mont-Dol (22), peinture murale, fin XVe.

.

La peinture murale schématisée par ce relevé n'est peut-être pas la source de celle de Kernascléden, mais  s'inspire des mêmes sources, qui vont suivre. Trois damnés sont liés sur la roue tournée indéfiniment par un diable, tandis que deux autres démons les blessent avec l'extrémité d'un épieu (cf. Léviathan et le pieu enflammé, infra). Le bâtit en bois est semblable à celui de Kernascléden, le nombre des rayons également.

Le diable tournant la manivelle est se devine  à Kernascléden, correspondant alors au fragment conservé en diagonale en dessous de l'axe.

La peinture de Mont-Dol : schéma puis cliché :

.

Peinture murale (XVe siècle) de l'église de Mont-Dol.

.

Peinture murale du Mont-Dol, l'Enfer, XVe siècle.

 

.

3. Compost et kalendrier des bergiers Guiot Marchant, Paris 1491, 1493 , Paris 1496 et Nicolas Le Rouge 1529.

.

Les gravures et enluminures des éditions successives rapportent les visions de l'enfer décrites par Lazare :

"On racontait que Lazare, après sa résurrection, avait révélé les mystères de l'autre monde. Il fit ce récit, disait-on, le jour où Jésus dîna chez Simon le Lépreux; ce jour-là, l'homme formidable qui avait traversé la mort, et qui semblait avoir depuis lors un sceau sur la bouche, consentit à parler : il décrivit aux convives les supplices de l'Enfer. Voilà ce qu'on pouvait lire dans un sermon attribué à saint Augustin et dans l' Histoire scolastique de Pierre Comestor, voilà ce qu'on pouvait entendre au théâtre quand on jouait la Passion." (E. Mâle 1908)

.

Première vision : les orgueilleux punis par le supplice de la roue :

"Premierement, dit le lazare, j'ay veu des roues en enfer tres haultes en une montaigne situées en maniere de moulins continuelement en grant impetuosites tournans ; lesquelles roues avoient crampons de fer où estoient les orgueilleux et orgueilleuses pendus et attachés."

"Orgueil entre les autres péchés est comme roy maistre et capital . Un roy toujours à grant compaignie de gens. Si a orgueil grant compaignie d'autres vices." 

Les âmes des orgueilleux et orgueilleuses sont liées à des roues qui sont entrainées — continuellement et sans aucun repos — par des manivelles actionnées par les diables.

"Pour ce que l'orgueilleux se veut élever sur les autres hommes le diable en fait comme d'une noix que l'oiseau dure laquelle ne peut casser avec son bec et la porte en haut et la laisse choir sur une pierre  sur quoi se rompt adonc descend et la mange. Ainsi le diable élève les orgueilleux et les fait choir et trébucher en enfer" (Compost).

Les roues petites ou grandes sont placées sur une montagne toute embrasée de soufre et de feu. Dans l'Art de bien mourir de 1491, ces roues sont équipées intérieurement et extérieurement de crampons et attaches de fer ardent axquels les suppliciés sont pendus et attachés, et ceux-ci protestent par des pleurs, des cris, et des hurlements horribles tandis qu'ils blasphèment le nom de Dieu.

Auprès de la montagne est postée une bête géante, nommée Léviathan, qui frappe de son pieu de feu les âmes lorsqu'elles parviennent au sommet des roues en leur criant "Descendez maudits orgueilleux, descendez en feu et soufre ardent, abaissez-vous en l'abime de damnation pour ce que vous vous êtes élevés au monde et vanité d'orgueil. Que vous profitent maintenant vos grandes pompes et habillements dissolus, vos chaînes d'or, vos pierres précieuses et vos longues et superflues queues", etc... (Art de bien mourir)

.

  —1491 : Compost et calendrier des bergiers, Paris, Guiot Marchant. BM Bourges f.b1

http://www.bvh.univ-tours.fr/Consult/consult.asp?numfiche=905&index=21&numtable=B180336101_INC166&mode=1&ecran=0

— 1493 : Compost et calendrier des bergiers, Paris, Guiot Marchant. Bnf Velins 518

Le Calendrier des bergers ed. 1493 BnF VELINS-518 vue 76

.

— 1496 : Compost et calendrier des bergiers, Paris, Guiot Marchant. BnF RES M-V-33 vue 76

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k87105966/f72.item.zoom

— 1529 : Le grant Kalendrier et compost des bergiers Nicolas Le Rouge, Troyes

Le grant Kalendrier et compost des Bergiers , Nicolas le rouge Troyes 1529 vue 77 Gallica

.

4. L'art de bien mourir, Antoine Vérard Paris 1492 et 1498.

Dans l'Art de bien mourir de1492 de  l'aiguillon de la crainte divine pour bien mourir, Antoine Vérard reprend les gravures de Guiot Marchant , et les peines de l'enfer sont adaptées aux sept péchés capitaux : l'Orgueil (la roue), l'Envie ( le fleuve de froid), la Colère ou Ire et la félonie (découpage en pièces de boucheries), la Paresse (morsure de serpents), l'Avarice  (chaudron), la Gloutonnerie (gavage par des crapauds) et la Luxure (puits de soufre puant).

C'est la même image que dans le Calendrier des bergers, mais les crampons et ferrures en crocs sont représentés ; et des dragons ailés viennent menacer les damnés de leurs mâchoires.

.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k10485615/f221.item

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k110625v/f209.item.zoom

.

L'Art de bien mourir, 1498, BnF Réserve des livres rares, RES-D-859 vue 209 Gallica

.

5. Jugement dernier de la cathédrale d'Albi, fresque commandée par l’évêque Louis d’Amboise dans les toutes dernières années du XVe siècle.

.

L'artiste s'est inspiré du Calendrier des bergers de Guiot Marchant et c'est son texte qui est porté en inscription. Ls scène est plus violente, plus animée, et on croit entendre les cris et les hurlements. Les dragons ailés de l'Art de bien mourir sont remplacés par des monstres démoniaques.

.

d'après cliché Yann Roques 2017

.

.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

.

.

II. Le supplice du chaudron réservé aux avares.

.

Sur la peinture murale, deux chaudrons sont représentés, celui-ci, et un autre plus grand à droite. Les deux contiennent des damnés.

Nous pourrions les considérer comme liés au même châtiment, car nous manquons d'indice pour les différencier, et nous ne voyons pas de flammes précisant la situation. Mais tentons de les distinguer.

Dans celui-ci , une quinzaine de têtes des deux sexes sont réunies, tandis qu'un diable à grandes cornes les martyrise de son bâton, qui est sans doute un croc. Ce serait le chaudron réservé aux avaricieux, dans la cinquième vision de Lazare. L'autre serait le puits des luxurieux.

.

 

 

.

 

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

.

.

Dossier iconographique  sur le supplice du chaudron :

.

Dans la cinquième vision de Lazare, les avaricieux et avaricieuses sont plongés dans des chaudrons et chaudières d'huile bouillante, de plomb et d'autres métaux fondus. Un diable appelé Mammon les tourmente avec une broche de fer.

.

"Quintement dist le lazare jai veu des chaulderons et chaudières plaines dhuyles bouillante et de plomb et d'aultres métaux fondus [dans] esquels estoient plongés les avaricieux et avaricieuses pour les saouler de leurs maulvaises avarices.

On doit scavoir que l'avaricieux est plus inique à Dieu car plus ayme gaigner ung denier que l'amour de Dieu mieux ayme perdre Dieu que perdre une maille car souvent pour peu de chose il ment ou jure ou parjure et peche mortellement. "(Le grant Kalendrier, N. Le Rouge 1529)

.

a) Le chaudron bouillant est représenté précocément, bien avant la systémisation des sept peines réservés aux damnés, comme image de l'enfer, au même titre que la gueule de l'enfer. On le voit sculpté sur l'ancien jubé de la cathédrale de Bourges, en place dès 1237.

 

b) il apparait vers 1475 dans les illustrations de la Cité de Dieu de Saint Augustin, traduite par  Raoul de Presles.

.

La Cité de Dieu Saint Augustin, auteur ; Raoul de Presles (1316-1382), traducteur ; Maître de l'Échevinage, enlumineur, Rouen, vers 1475. BnF, Manuscrits, Français 28 f. 249v

.

Dans ces deux enluminures assez semblables de la traduction française de la Cité de Dieu, il est placé entre l' "puits" des luxurieux et l'enfer froid réservé aux envieux.

 

 

.

La cité de Dieu traduite par Raoul de Presles, BnF ms fr 19, vers 1469-1473

.

.

La Cité de Dieu, traduction de "Raoul de Praelles". Bibliothèque Sainte-Geneviève Ms 246 f.389

 

.

Les gravures et enluminures des calendriers des bergiers de 1491 à 1529

.

—1491 : BM Bourges :

http://www.bvh.univ-tours.fr/Consult/consult.asp?numfiche=905&numtable=B180336101%5FINC166&mode=1&ecran=0&index=25

 

.

— 1493

Compost et calendrier des bergiers

.

.

Calendrier des bergiers de 1493.

.

—Compost et kalendrier des bergiers 1498, Genève :

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k113373q/f62.item

— Calendrier des bergiers, Lyon, Claude Nourry 1508 :

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k656153/f93.item

— Grant kalendrier des bergiers Nicolas Le Rouge Troyes 1529.

Le grant Kalendrier, Nicolas Le Rouge 1529 vue 81

.

La peinture de la cathédrale d'Albi reprend la description du Calendrier des bergiers de 1493.

.

Cathédrale d'Albi.

.

L'art de bien mourir d'Antoine Vérard 1492 :

.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1527585x/f79.item

.

 
L'art de bien mourir.

.

 

 

.

 

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

.

.

III. Le supplice de l'arbre sec aux branches acérées réservé aux héritiers d'un usurier couché dans le puits.

.

Description.

.

Un arbre se dresse à partir d'un puits où baignent des damnés. Aux branches acérées de cet arbre sec sont pendus sept autres damnés, qui y sont liés ou transpercés  en diverses parties de leurs corps. Ils sont tourmentés par quatre ou cinq diables qui les mordrent, les griffes, les fouettent ou les aggripent de leurs crocs.

 

 

Iconographie et sources.

 

1. Les Visions de saint Paul.

a) Dans la Vision de saint Paul, l'apôtre est invité par un ange à découvrir successivement  les sept différents tourments des damnés ; et  parmi ceux-ci est décrit un arbre aux branches enflammées . H. Shiklds  a donné la transcription d'un incunable imprimé à Lyon vers 1470 (BnF RES H 155) mais en a retrouvé la source datant du XIIIe siècle (v. 1243), montrant que la Descente de saint Paul aux Enfers était déjà populaire au XIIIe siècle

"A l'entrée d'enfer sainct Pol vit un grant arbre planté et mis dont le siege par vérité si est de charbons tout embrasé" (et les branches toutes enflambees.) (f. d, iv r° col. 1) Les brainches sont de feu,  li rain sont anflamé, Des broiches sont li rain antor anvironné, Plus ardant et plus âpre que charbons alumé (et les branches toutes enflambees et les rames toutes boutonees de flambe et de boutons mille fois plus ardans que ne seroit le fer quant il seroit chauffé le plus fort qu'on pourroit.)

b) L'épisode est décrit est illustré dans le manuscrit de la Bibliothèque de Toulouse Ms 815 f.058, du début du XIVe siècle (Vision de saint Paul, anglo-normand, texte traduit du latin par Henri d'Arci) : Saint Michel conduit saint Paul par la main et lui montre l'enfer tout ouvert. L' enfer est représenté par une gueule qui s'ouvre vers le ciel et d'où sortent, d'un côté un arbre de feu, auquel sont pendus de nombreux pécheurs, de l'autre une tour munie de deux tourelles entre lesquelles est une porte fermée.

Le texte indique :Vidit vero Paulus ante portas inferni arbores igneas et peccatores cruciatos et suspensos in eis. Alii pendebant pedibus, alii manibus, alii linguis, alii capillis, alii auribus, alii brachiis.

 

"E Ore pur fet vous seint garnir Michel les : vous « Poul, dirrai. veiez ;  Les peines d'enfern ore entendez. Devaunt la porte vit arbres ardanz E sur eus peccheurs pendre pluranz, Les uns par les meins, autres par les piez, Acuns par les chevus, acuns par les niez, Uns par les langes, uns par les oiez, Plusurs par les bras furent pendez."

.

 

Visions de saint Paul, 14e s. (début) Toulouse, BM, 0815 f.058

.

Visions de saint Paul, 14e s. (début) Toulouse, BM, 0815 f.058

.

Certes, il s'agit ici d'un arbre enflammé, et non d'un arbre aux branches acérées ou "arbre sec". Mais la description des pécheurs pendus "les uns par les mains, les autres par les pieds, d'autres par les cheveux ou par le nez, d'autres par les langes, par les oreilles et par les bras" correspond parfaitement à celle de la peinture de Kernascléden.

.

2. L'Art de bien mourir d'Antoine Vérard ( 1ère édition 1492). L'arbre de l'usurier et de ses héritiers.

Le supplice de l’arbre sec n’apparaît pas dans les illustrations des Visions de Lazare du Calndrier des bergiers, et il est décrit seulement dans un passage de l’Art de bien Mourir, où l'auteur rapporte les visions de l'enfer d'un saint homme conduit par un ange : il voit  un arbre pousser du ventre d’un damné au plus profond d’un puits . 

Lart de bien mourir . Traduction par  Guillaume Tardif de l'Ars moriendi - Éditeur  :  Pierre Le Rouge (I), Gillet Couteau et Jean Ménard (II-IV) pour Antoine Vérard (Paris) BnF Arsenal, Arsenal, RESERVE 4-T-2592 f.120r

 

 

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k10485615/f251.item.zoom

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1513115c/f196.item.zoom

Le même passage se retrouve dans les éditions successives comme par exemple dans L'Art de mourir, BnF RES D-6323 Nicolas Bonfons (Paris) 1573-1618, 9ème chapitre « de plusieurs peines infernales » , vue 196

"Et de ce avons un exemple en un livre appelé l'échelle du ciel que l'âme d'un saint homme dévot fut ravie et menée en enfer par son bon ange pour voir les peines des damnés : et vit la dite âme un homme qui était couché à l'envers au profond d'un puits d'enfer du ventre duquel sortait un grand arbre de merveilleuse hauteur lequel était fort branchu et rempli de grands étendus rameaux desquels pendaient des âmes damnées d'hommes et de femmes. Et dudit lieu sortait une flamme de feu horrible de laquelle étaient tourmentés les dites âmes qui pendaient aux dits rameaux. Et lors la dite âme toute épouvantée demanda à son bon ange que ce pouvait être et pour quelle cause ceux qui étaient pendus aux dits rameaux étaient ainsi cruellement tourmentés. À laquelle l'ange répondit que celui qui était couché au profond du puys était père et premier commencement originel de tous ceux qui pendaient aux dits rameaux et qu'il avait été autrefois très pauvre ; mais qu'il s'était enrichi par ses vivres et larcins et qu'il n'avait point restitué les choses mal acquises même que finalement il était ainsi trépassé en ce puits en Enfer. Disait aussi le dit ange que ceux qui étaient pendus aux dits rameaux étaient héritiers du dessus dit usurier, lesquels avaient possédé sciemment les dits biens ainsi injustement acquis par le dit usurier. Et qu'à cette cause eux et tous ceux qui descendaient d'eux lesquels retiendraient sciemment les dits bien mal acquis seraient ainsi damnés et [cruciés] au puys d'enfer comme ceux qui y pendaient. En quoi appert clairement que les usuriers et rapineurs de ce monde doivent bien craindre la justice de Dieu et qu'ils ne se doivent pas damner pour leurs enfants desquels ils n'auront aucune consolation en enfer : mais tout reproche, opprobre et désolation."

.

3) La peinture de l'enfer de l'église de Mont-Dol.

La fresque de Kernascléden représente les damnés directement empalés sur les rameaux pointus. Celle du Mont-Dol montre des corps pendant des arbres par les pieds ou par le cou. Dans les deux cas, l’imagination des peintres semble s’être nourrie des lectures du passage de l’Art de bien Mourir. En effet, dans les deux cas, l'arbre est planté dans un puits. 

Le peintre de Dol a représenté au premier plan, un démon à deux cornes jetant un damné dans le puits de l'abîme.

https://www.patrimoine-histoire.fr/P_Bretagne/DolDeBretagne/Mont-Dol-Saint-Pierre.htm

.

Relevé des peintures murales du Mont-Dol, l'Enfer.

.

.

 

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

.

.

Relevé par Elisabeth Faure en 1956 (aquarelle)

 

.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

.

.

IV. Le supplice du puits pour punir la luxure : la septième peine.

.

Description.

.

Ce bassin est assez comparable au chaudron voisin, mais son rebord est plus fin, et nous ne voyons que sa margelle, et non le ventre d'un récipient. Je postule qu'il s'agit ici du puits des luxurieux. Nous ne voyons, comme pour le chaudron, que les têtes de damnés, des deux sexes. Certains sont chauves, d'autres hommes  ont les cheveux longs (des nobles ?) ou sont tonsurés.

 

Un grand diable, à gauche (Asmodée ?), les enfourche ou les repousse du pied. Son ventre est orné d'un visage tirant la langue, dont les deux yeux sont bien visibles. Un autre, aussi grand mais plus velu, à l'extérieur et à gauche, croche de sa fourche dans les têtes des damnés, sans doute pour les introduire dans le puits. Un troisième se devine sur la droite.

.

 

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

.

.

La septième peine, le puits des luxurieux : iconographie.

.

 

"Septiemement dit le lazare iay veu une plaine et champaigne d' puiys profonz plains de feu et de soufre dont yssoit fumée trouble esquels les luxurieux et luxurieuses estoient tormentés.

De tous péchez luxure est le plus plaisant au diable pour ce qu'il macule le corps et l'ame ensemble et par lequel il gaigne deux personnes ensemble et aussi pour ce qu'il se vante n'en être point entache. En quoy semble le luxurieux être plus difforme que le diable en la superabondance de ce peche. Le marchant est bien fol qui fait marchandise de quoy il sait bien qu'il se repentira , et aussi le luxurieux a beaucoup de peine et despents ses biens pour accomplir sa volupté dont après se repent de la peine prinse et de ses biens despendus, mais il n'est pas quitte pour ainsi soy repentir sans faire pénitence. Le luxurieux vivant en son péché est tourmenté de trois tourments d'enfer, et de chaleur et de puanteur et de remords de conscience car il art par concupiscence, il est puant par son infamete car tel peche est toute puanteur qui macule le corps que tous les aultres pechiez ne maculent point mais ne maculent que l'ame.

Luxure est la fosse du diable dans laquelle il fait cheoir les pecheurs desquels aydent au diable a eulx getter dedans quant vont pres de la fosse en laquelle scaivent bien que le diable veult les mettre.

Pour ce bonne chose est escouter la femme, meilleure chose est non la regarder, et très bonne chose est ne la point toucher.

A ce peche appartiennent les ordes paroles et vilaines chansons et attouchements deshonnestes qui sont de luxures parquoy on peche souvent lesquelles parolles et chansons ne abhorent point maquereaulx et maquerelles, ruffiens et ruffiennes, paillars et putains et ceulx qui frequentent et ayment leur compaignie ou qui ayment et desirent perseverer en ce vilain peche de luxure. " (Le grant Kalendrier)

.

La Cité de Dieu de Saint Augustin, traduite par  Raoul de Presles vers 1475.

 

.

 

La Cité de Dieu, BM Sainte-Geneviève, ms 246 f. 389v

.

Les Calendrier des bergiers de 1491 à 1529.

.

—Calendrier des bergiers de 1491 : BM. Bourges :

http://www.bvh.univ-tours.fr/Consult/consult.asp?numfiche=905&numtable=B180336101%5FINC166&mode=1&ecran=0&index=27

—Calendrier des bergiers de 1493:

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b86267664/f82.item

.

La septième peine, Calendrier des bergiers Guy Marchant 1493, BnF Réserve des livres rares, VELINS-518 fig.82

 

.

Calendrier des bergiers 1496

.

Compost et kalendrier des bergiers 1496, BnF Réserve des livres rares, RES M-V-33 fig. 78.

.

——Grant calendrier des bergiers de 1529, Troyes, Nicolas Le Rouge:

 

Le grant kalendrier, N. Le Rouge 1529 p.83

 

.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k110625v/f222.item.zoom

.

L'art de bien mourir Antoine Vérard Paris 1492 page 114v :

 

.

"Le saint homme Lazarus disait qu'après il avait vu une autre peine merveilleuse. Car il disait avoir vu un certain lieu grand et spacieux à la manière d'une grande champaigne laquelle était pleine de puits grands et horribles et au milieu il y en avait un plus grand que tous les autres. Le dit puits était merveilleusement profond plein de feu et de soufre et jetait fumées abominables et puantes. Les parfondites du dit puits venaient toutes répondre au puits du milieu qui était le grand gouffre et puits d'enfer ou quel lucifer est couché loge et enchaine. Et de dans le dit puits sont les âmes des maudits luxurieux et luxurieuses lesquelles sont âprement brûlées et tourmentées par un diable nommé Asmodeus et autres diables ses satellites lesquels ne cessent jour et nuit de battre et de flageller les dites âmes desquelles les calamiteux pleurs cris et hurlements sont si horribles et épouvantables qu'il n'est homme vivant qui les sussent exprimer."

"

 

.

 

 

La peinture murale du Mont-Dol.

.

.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

.

.

Le démon Asmodée.

.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

.

.

L'acolyte d'Asmodée.

.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

.

.

V. Le supplice de la barrique tournée par les diables.

.

Description.

La fresque de Kenascléden montre un tonneau animé à la manivelle par deux diables ; dans cette baratte infernale les âmes des damnés tournent sans fin. En haut, un troisième diable participe à la rotation du tonneau qu'il pousse de ses pieds tout en dévorant un damné. Les trois semblent chanter et danser joyeusement. Malgré la détérioration de la peinture, les diables portent des oreilles d'âne, des cornes (ou des bois de cerf), des cheveux longs, des gueules hilares à crocs et des pattes fourchues.

Nous ne voyons pas si l'intérieur de cette barrique est hérissé de pointes, comme dans certains supplices médiévaux, ou s'il est exposé aux flammes. Nous ne savons pas si ce supplice est réservé aux ivrognes, selon le principe de la pénalité  médiévale où le coupable doit être puni par là où il a péché, et en détournant pour cela les objets de son quotidien (J. Baschet)

.

Sources.

.

"Le même tonneau placé à l’horizontale et actionné à la manivelle par un diable apparaît dans une version latine de l’Ars Moriendi des années 1480-1485. S’il n’y a pas copie servile, l’inspiration peut être retenue, d’autant que sur le côté de l’image, un autre diable remue les âmes de la chaudière, dans une composition qui est aussi celle de l’église. "(Christian Moal)

 

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1040412v/f32.item

.

Ars moriendi « Quamvis secundum philosophum … » [circa 1480-1485 ?] BnF Réserve des livres rares, XYLO-24 vue 32.

 

.

Ars moriendi « Quamvis secundum philosophum … » [circa 1480-1485 ?] BnF Réserve des livres rares, XYLO-24 vue 32. (détail)

.

 

 

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.

.

.

CONCLUSION.

.

L'examen de ces sources iconographiques et textuelles semble indiquer que la réalisation de la  peinture de l'Enfer de Kernascléden est postérieure à la publication du Calendrier des bergiers et de l'Art de bien mourir, après 1491 ou 1492, tout comme la fresque de la cathédrale d'Albi et des peintures de Mont-Dol. Il reste à confronter cette analyse aux conclusions des analyses stylistiques  de cette peinture.

.

.

.

SOURCES ET LIENS.

Mes sources principales sont l'article de Christian Moal, puis les articles de Jérôme Baschet.

 — BASCHET (Jérôme), 1993 Les Justices de l’au-delà. Les représentations de l’enfer en France et en Italie (XIIe -XVe siècle), Rome, EFR, 1993, p. 437-448 et fig. 152-159.

https://journals.openedition.org/ccrh/2886

 — BASCHET (Jérôme), 1993,  Les justices de l'au-delà. Les représentations de l'enfer en France et en Italie (XIIe-XVe s.). Rome, Ecoles françaises d'Athènes et de Rome, 1993. Christe Yves, compte-rendu Cahiers de Civilisation Médiévale  Année 1995  Suppl. 1995  pp. 4-7

 En résumé, on retiendra ces quelques conclusions. L'enfer gothique est figuré le plus souvent par la gueule d'enfer — elle est déjà attestée au xne s. — d'abord comme seuil infernal, ensuite comme lieu de tourments. Celle-ci est également l'image usuelle de l'enfer dans les manuscrits contemporains. Elle est accompagnée par la marmite sur le feu qui, à partir du milieu du xine s. (Bourges, puis Rouen), tend à se confondre avec elle. Il est rare au nord des Alpes que Satan intronisé préside aux supplices infernaux. Le portail de Conques et celui de Notre-Dame de la Couture au Mans, un siècle plus tard, en présentent une illustration exceptionnelle. À cette courte liste, j'ajouterai un témoignage précoce mais très important, celui des tituli de Gauzlin pour le revers de la façade de Saint-Pierre de Fleury au début du xie s. « Satan enchaîné dans une prison qui vomit des flammes » évoque exactement le même sujet dans YHortus Deliciarum d'Herrade de Landsberg.

 — BASCHET (Jérôme), 1985, Les conceptions de l'enfer en France au XIVe siècle : imaginaire et pouvoir, Annales  Année 1985  40-1  pp. 185-207

https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1985_num_40_1_283151

— BASCHET (Jérôme) Les fresques du Camposanto de Pise

https://e-l.unifi.it/pluginfile.php/1066072/mod_resource/content/0/BASCHET_Les%20justices...%201993.pdf

—DESCHAMPS (Paul), 1957, "Notre-Dame de Kernascleden" , dans Congrès archéologique de France, 1957, Cornouaille, Orléans 1957, p. 100-113

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3210063v/f102.item.r=Landr%C3%A9varzec

— DESHOULIÈRES (François), 1924, La danse macabre de Kernascleden (Morbihan) [compte-rendu] Bulletin Monumental  Année 1924  83  pp. 195-196

https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1924_num_83_1_12028_t1_0195_0000_3

— FRAPPIER ( Jean), 1953,. Châtiments infernaux et peur du Diable. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1953, n°3-5. pp. 87-96; 

https://www.persee.fr/doc/caief_0571-5865_1953_num_3_1_2020

—KERMOAL (Christian), 2020,  « L’enfer froid en images (xve et xvie siècles) », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest 

https://journals.openedition.org/abpo/6473

—MÂLE (Émile), 1908, L’art religieux de la fin du Moyen Âge en France, Paris, 1908,  p. 471-475 ;

https://archive.org/details/lartreligieuxdel00mluoft/page/470/mode/2up

— MEYER (Paul), 1895, La descente de saint Paul en enfer, poème français composé en Angleterre, Romania  Année 1895  95  pp. 357-375

https://www.persee.fr/doc/roma_0035-8029_1895_num_24_95_5887

— SHIELDS (Hugh), 1971, . Saint Paul aux Enfers : Notice d'un incunable en français Romania  Année 1971  365  pp. 87-99

https://www.persee.fr/doc/roma_0035-8029_1971_num_92_365_2267

— TUGORES (Marie-Madeleine), Bonnet Philippe,  Le Pen Nathalie, 1975, Ducouret Jean-Pierre  Dossier de l'Inventaire IA00008294

POP

https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/palissy/IM56002107

—Photo RMN de l'enfer Camposanto de Pise

https://www.photo.rmn.fr/archive/17-501720-2C6NU0AT95HYP.html

—Maître François Vision de l'enfer d'un enfant nommé Guillaume , Musée de Chantilly

https://art.rmngp.fr/fr/library/artworks/maitre-francois_vision-de-l-enfer-d-un-enfant-nomme-guillaume_peinture-sur-papier_parchemin

—Cathédrale d'Albi

https://www.europexplo.com/la-cathedrale-dalbi-un-joyau-dans-une-forteresse/

—Le Kalendrier des bergers  Guy Marchant (Paris) 1493

 :  Bibliothèque nationale de France, département Réserve des livres rares, VELINS-518

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1040412v/f32.item

—Compost et kalendrier des bergiers Guiot Marchant Paris 1493 BM Valenciennes, INC 66

—Compost et kalendrier des bergiers 1496  Guiot Marchant Paris

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k87105966/f76.item

—Thomas de Saluces, BnF 12559, 1403.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10509668g/f385.item

 —BnF, Rés XYLO-24, Ars moriendi…, vers 1480-1485, vue 32.

— Les visions du chevalier Tondal, Getty museum

https://www.getty.edu/art/collection/object/103RZ8

https://fr.wikipedia.org/wiki/Vision_de_Tondale#

.

 

 
Partager cet article
Repost0
Published by jean-yves cordier - dans Peintures murales. Chapelles bretonnes. Enluminure Kernascléden
18 mars 2023 6 18 /03 /mars /2023 14:31

.

Zoonymie des Odonates : avant l'ère des noms, celle des enluminures. Dix libellules du Bréviaire Grimani (1510-1520) à la Bibliothèque Marciana de Venise.

.

Voir aussi :

 

.

.

INTRODUCTION.

.

 

.

 

Le Bréviaire Grimani est un bréviaire à usage franciscain  actuellement conservé à la Biblioteca Marciana à Venise.  Ce  manuscrit enluminé  réalisé en Flandres entre 1510 et 1514 est l'un des plus célèbres manuscrits de l'école ganto-brugeoise. Il est décrit de façon détaillé sur l'article Wikipédia  Breviarium-Grimani en néerlandais, et par Kren  & Mckendrick sous leur n°126 page 420 . Son premier propriétaire a été Antonio Siciliano, ambassadeur du duc de Milan Maximilien Sforza à la cour de Marguerite d'Autriche à Malines en 1514. Il le vendit pour 500 ducas d'or au cardinal Dominico Grimani.

 

Le manuscrit contient parmi ses 832 folios les 12 miniatures pleines pages et les 12 miniatures de bas de page du calendrier, mais aussi 50 miniatures en pleine page et 18 miniatures de grande taille et 18 autres de plus petite taille ainsi que de nombreuses bordures historiées.

Le style des enluminures est typique du style de l'école ganto-brugeoise du XVIe siècle. Plusieurs mains sont distinguées. Les miniatures les plus archaïsantes sont attribuées au peintre Alexandre Bening. La plupart des autres sont attribuées à son fils Simon Bening et à son atelier. Quelques miniatures— celles du Calendrier—  ont été toutefois attribuées au Maître de Jacques IV d'Écosse (depuis identifié à Gerard Horenbout) et d'autre à Gérard David et au « Maître des scènes de David du Bréviaire Grimani ».

Il comporte 

— Un calendrier. Les enluminures en diptyque attribuées aujourd'hui au Maître de Jacques  IV d'Ecosse sont inspirées de celles des frères Limbourg pour les Très Riches Heures de Jean de Berry. Ce modèle était à cette époque à Malines, dans la bibliothèque de Marguerite d'Autriche  et était donc probablement accessible au peintre.

le Temporal : 14v-174v. 

Des Rubriques

Un Psautier :  ff 286v-400v : 8 enluminures par le «Maître des scènes de David dans le bréviaire de Grimani», élève du Maître de Jacques IV d'Ecosse. Elles   débutent par la Chute d'Adam et Éve et se poursuivent en illustrantle Psaumes 1, 26, 38, 68, 80 et 97.  

le Commun des saints Commune sanctorum ff 401-448.

L'Office des Morts et les Heures de la Vierge ff.449v-476v.

Le Propre des saints Propium sanctorum ff. ou Sanctoral ff 468v-831v.

L'encadrement des enluminures sont de trois types.

1.Soit les miniatures pleine page se passent d encadrement.

2.Soit elles ressemblent à un retable en bois, dans un cadre ayant une couleur de bois doré.

3.Soit il s'agit de la bordure propre au style ganto-brugeois, soucieux de naturalisme et de réalisme, d'illusion de relief avec des ombres portées, et d' une disposition aérée éloignée de la saturation médiévale par horror vacui. Trois sous-types sont distingués : 

  • Une marge colorée en jaune avec des fleurs éparpillées, des oiseaux et des insectes : c'est là que nous trouverons nos libellules. C'est le type 3a de l'auteur de l'article Wikipédia

  • Une marge colorée décorée de rinceaux de feuilles d'acanthes séparés par des insectes et des oiseaux. Les libellules y seront aussi recherchées

  • Une marge colorée ornée de bijoux et de perles.

Comme pour la plupart des manuscrits, les opinions des historiens de l'art divergent sur les miniaturistes qui ont contribué au bréviaire. Tout d'abord, il y a ceux qui attribuent l'illumination à Gérard Horenbout  et à Alexander Bening  et à son fils Simon Bening . D'autres parlent de maître de Jacques IV d'Ecosse, identifié dans les œuvres plus anciennes avec Gérard Horenbout et le maître Maximilien qui à son tour est identifié comme Alexander Bening. Certaines miniatures sont attribuées à Gerard David . 

De nos jours, en 2013, la plupart des historiens d'art s'accordent sur les interventions du  maître de Jacques IV d'Ecosse, Alexander Bening, les scènes de Maître de David dans le Bréviaire Brimani , Gerard David et Simon Bening.

En 1977 Erik Drigsdahl a cru reconnaître dans une inscription de bordure du folio 339v les lettres   A  . BE . NI . 7I.  Il a pensé y voir la signature d'Alexander Bening suivi de son âge de 71 ans , et suggère que cet artiste avait 71 ans en 1515. A. BE + NC + 71 [A.(lexander) BE(ni)NC 71] . Thomas Kren a fait l'éloge de cette observation, pourtant bien audacieuse.

.

LE BRÉVIAIRE GRIMANI ET LES ODONATES (LIBELLULES).

 

Ce bréviaire est célèbre parmi les entomologistes et notamment les odonatologistes car il renferme au folio 781v (donc, dans le Propre des saints) une miniature comportant dans son coin inférieur droit une magnifique libellule. Elle a été signalée dans la revue Odonatologica en 1991 par R. Rudolph — un spécialiste qui a publié notamment en 1973 sur l'histologie de la larve de Aeshna cyanea — qui y a reconnu le genre Aeshna , en s'appuyant sur les travaux de Pichetti 1949 sans en donner les références bibliographiques :

"An Aeshna is illustrated in the Italian "Breviario Grimani" dating from 1495-1500 (PICHETTI, 1949)."

La même année et dans la même revue Odonatologica, Philip S. Corbet, éminent spécialiste des Libellules, signale aussi ce Bréviaire.

"Much later, we find dragonflies beautifully depicted in the Gutenberg Bible of 1453 (Rudolph, 1991) and in certain medieval breviaries, for example the Breviario Grimani (Conci & Neilsen, 1956), the Belleville Breviary from the workshop of Jean Pucelle in Paris (Hutchinson, 1978) and the Livre d’Heures d’Anne de Bretagne illustrated by Jean Bourdichon (Frain, 1989)."

Dans l'ouvrage de C. Conci et C. Neilsen cité en référence,  Fauna d’Italia, Vol. 1. Odonata. Calderini, Bologna,  1956, on peut lire l'identification d'un "Escnide" sans-doute pour "Aeshnidae ".:

"Nessuna notizia riguardante gli Odonati ci è pervenuta dall'antichità. Il primo documento su questi Insetti, a quanto ci è noto, è un fregio miniato rappresentante, in grandezza naturale e con sorprendente efficacia, un Escnide, riportato nel foglio 181 v. del Breviario Grimani (Venezia, Biblioteca di S. Marco), databile fra gli anni 1490 e 1500 (PICCHETTI, 1949). Abbiamo riprodotto nella tavola fuori testo tale preziosa miniatura. Il primo naturalista che scrisse sulle fu Ulisse Aldrovandi."

La publication initiale est donc celle d'Enricho PICCHETTI, "Libella-ula,  Atti Ist. Veneto Sc. Lett. E Arti, CVII, II, pp.269-279, 1949", dont je parviens à retrouver le texte. C'est lui qui, dans un article passionnant de Zoonymie, donne la meilleure description (seule la foliation est inexacte) et prend parti pour le genre Aeshna :

"Esistono pero documentazioni iconografische anteriori. Al foglio 181v del Breviario Grimani (Venezia, Biblioteca di S. Marco), che con sufficente esattezza collocare fra gli anni 1490-1500, si puo vedere raffigurato, nell' angolo destro inferiore del fregio miniato marginale, un bell'esemplare di « Aeschna », in grandezza naturrale, screziato di azzurro, verde, giallo, ritratto con sorprendente efficacia veristica."

"Mais il y a des images iconographiques antérieures. Sur la feuille 181v du bréviaire de Grimani (Venise, Biblioteca di S. Marco), qui avec une précision suffisante peut être daté entre les années 1490-1500, un bel exemple de "Aeschna" peut être vu dans le coin inférieur droit de la frise marginale de la miniature. », en grandeur nature, marbré de bleu, vert, jaune, et  dépeint avec une efficacité réaliste surprenante."

Enfin, dans la partie historique (chapitre 4) de leur publication Les Libellules de France, Belgique et Luxembourg, Daniel Grand et Jean-Pierre Boudot ont fait figurer la reproduction du folio 781v du Bréviaire Grimani, sans la décrire.

En définitive, cette libellule n'a pas été décrite sauf par Picchetti, et pas davantage le folio qui la contient. 

En outre, le Bréviaire contient au moins neuf autres Libellules. Comme il n'est pas numérisé et consultable en ligne, ce décompte dépend du hasard des pages accessibles.  Mais je dois remercier  Philippe Sevestre, conservateur en chef du patrimoine et auteur d'une vidéo sur ce Bréviaire, qui m'a fourni des clichés complémentaires à mon enquête initiale.

C'est à la description de ces dix libellules que je vais me consacrer maintenant.

 

.

 

 

 

 


 

.

.

1°) Le folio 781v Saint Luc faisant le portrait de la Vierge.

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 781v.

 

Cette enluminure du Propre des Saints est attribuée soit à Simon Bening, soit à son père Alexander Bening " ou Maître du Premier Livre de Prière de Maximilien (Alexander Bening ?) " selon E. Morrison et T. Kren en 2007. 

.

 — Alexander Bening appelé aussi Sanders Bening est un peintre enlumineur actif entre 1469 et 1519 en Flandre.

Originaire de la ville de Gand, il est actif dans cette ville ainsi qu'à Bruges et Anvers. La première mention dans les archives à son propos est son inscription à la guilde de Saint-Luc en 1469, cautionné par Hugo van der Goes et Joos van Wassenhove.

— Simon Bening est généralement considéré comme le dernier grand miniaturiste flamand avant Joris Hoefnagel, d'Anvers.

Il naît vers 1483, à Gand ou à Bruges. Il est fils d'Alexandre Bening  et de Catherine van der Goes (probablement une nièce ou la sœur du peintre Hugo van der Goes). Il fait son apprentissage dans l'atelier d'enluminure de son père, à Gand puis s'installe ensuite (vers 1500) à Bruges, où il acquiert rapidement une grande renommée. Il devient membre de la Guilde de Saint Luc de Bruges  en 1508 . Il connut un succès rapide et fut au moins trois fois doyen des calligraphes, libraires, enlumineurs et relieurs de la Guilde de  Saint Luc. Selon Smeyers son nom apparaît régulièrement depuis 1517 en charge de la confrérie.

En 1519, Simon Bening devint citoyen de Bruges, où il s'installa apparemment à l'époque de la mort de son père. En 1555, il payait toujours sa contribution annuelle à la confrérie de Bruges, il avait donc une longue carrière et était aussi un artiste célèbre de son vivant. Francisco da Hollanda , le critique d'art portugais, l'a appelé le plus grand miniaturiste en Europe et Vasari l' appelle aussi un excellent enlumineur. Il meurt à Bruges le 6 novembre 1561.

Dans l'art de la miniature flamande, il a été un innovateur de la représentation de la nature et du paysage dans la continuation du Maître de Jacques IV d'Écosse et d' autres membres de l' école de Gand-Bruges .

.

La miniature principale et le texte.

.

La miniature centrale montre saint Luc, identifiable par son Taureau, dans sa chambre (lit, cheminée, meubles) devant un chevalet où il peint le portrait de la Vierge, puisque la Tradition voulait que ce soit lui qui ait été l'auteur du premier portrait de Marie. C'est cette tradition qui fait de Luc le patron des peintres, et qui explique que les Guildes des imagiers flamands aient pris son nom. Le sujet a été peint par Rogier van der Weyden en 1435 pour la Guilde de Bruxelles, par Jean Fouquet pour les Heures de Jean Robertet vers 1460, par Bourdichon au folio 19v des Grandes Heures d'Anne de Bretagne vers 1503, etc...

(On notera que Jean Fouquet a peint, pour montrer l'excellence de son talent à rendre l'illusion du réel, des fioles en verre sur une étagère).

La rubrique qui indique IN : FES : S : LUCE : EUUANGELISTE :  ORATIO. précède l'Oraison :

In festo sancti luce Euangeliste : oratio.  Interueniat pro nobis quesumus domine sanctus tuus lucas euangelista qui crucis mortificationem iugiter in suo corpore pro tui nominis honore portauit. (voir Bréviaire)

La rubrique suivante se lit HIERONYMUS IN LIBRO ILLUSTRIUM VIRORUM : LECTIO : PRIMA.

 

La Lecture qui suit  est extraite du chapitre 17 du De viri illustribus de Saint Jérôme, texte qui appartient bien au Propre du Bréviaire pour la saint Luc le 18 octobre (2ème Nocturne de l'Office  de nuit)  :

 Lucas, medicus Antiochensis, ut eius scripta indicant Graeci sermonis non ignarus fuit. sectator apostoli Pauli et omnis eius peregrinationis comes, scripsit evangelium de quo idem Paulus: Misimus, inquit, cum illo fratrem cuius laus est in evangelio per omnes ecclesias, et ad Colossenes: Salutat vos Lucas medicus carissimus, et ad Timotheum: Lucas est mecum solus. aliud quoque edidit volumen egregium quod titulo apostolicorum πραξεων praenotatur, cuius historia usque ad biennium Romae commorantis Pauli pervenit, id est, usque ad quartum Neronis annum, ex quo intelligimus in eadem urbe librum esse compositum.

Lucas d'Antioche médecin de profession, et savant dans la langue grecque, comme il paraît par ses écrits, fut disciple de l'Apôtre saint Paul, et le compagnon de tous ses voyages. Il a écrit l'Évangile, et c'est de lui que le même Apôtre dit : Nous avons envoyé avec lui un des frères qui est devenu célèbre par l'Évangile dans toutes les Églises. Et dans la Lettre aux Colossiens : Notre très cher Luc Médecin vous salue. Et dans celle à Timothée : Luc est seul avec moi. Il a composé un autre excellent Livre, intitulé les Actes des Apôtres, dont l'histoire s'étend jusques aux deux ans que saint Paul demeura à Rome, c'est à dire jusqu'à la quatrième année de Néron. Ce qui nous a fait juger que c'est dans cette ville que ce Livre a été composé.

 

Au bas de la seconde colonne débute  la Leçon 5:

Igitur de laudibus  pauli & tecle, & totam baptizati leonis fabulam, inter apocryphas scripturas computamus. Quale enim est, ut individuus comes Ap[osto]li, inter ce[teras ejus res hoc solum ignoraverit ?]

Nous mettons donc au nombre des écritures apocryphes les voyages de Paul et de Thècle et toute la fable du baptême d'un lion. Car quelle apparence y a-t-il que le compagnon inséparable de l'Apôtre ait ignoré cette seule chose de toutes celles qui sont arrivées ?

Note : on trouve habituellement Igitur  periodos  [περιοδους] Pauli et Theclae (ici)

.

Les bordures.

On y voit deux sortes de violettes (la violette bleue Viola odorata ? et la violette blanche V. alba ?), disposées soigneusement, soit en boutons, soit épanouies alignées ou en sens croisé le long des marges.  Un papillon diurne appartenant aux Nymphalidés et sans-doute aux Satyrines  n'est pas éloigné du Fadet commun, par exemple. Je ne tenterai pas d'identifier la mouche qui descend la marge extérieure. Outre la présence des ombres des objets naturels sur le fond jaune, l'impression de réalité est rendue par un verre d'eau posé sur une surface en coin, comme celui d'une table, et par les reflets du verre, par le niveau de l'eau et par les tiges des violettes qui y ont été placées.   Mais l'effet de trompe-l'œil est surtout rendu par la position en diagonale de la libellule du coin inférieur, vue du dessus, et dont tout concoure à nous faire croire qu'elle s'est posée là, attirée par les fleurs, pendant que le peintre faisait sêcher ses derniers coups de pinceaux. Car non seulement la transparence de ses ailes laisse voir les spécimens botaniques, non seulement les ailes gauches sortent de la fiction picturale et débordent la marge blanche extérieure en franchissant allègrement la double ligne du fin encadrement,  non seulement la queue croise le cadre de la colonne droite du texte, non seulement les pattes sont posées, non pas au hasard, mais sur les pétales ou le calice, mais enfin les ailes droites, croisant les deux colonnes du texte, laissent voir les caractères de l'écriture liturgique

Cet exemple de trompe-l'œil est le seul type d'illusionnisme trouvé dans le Bréviaire Grimani (Morrison et Kren 2007 p. 176 note 459-89) :  « Voyez aussi un petit livre d'heures illustré par Simon Bening et ses associés à Francfort, dans lequel une libellule est peinte de manière similaire avec ses ailes transparentes s'étendant hors au dessus du texte dans la bordure et dans une partie de la marge extérieure. (Francfort , Museum für Kuntsthandwerk, Ms LM 56 fol. 17) ».

"459–89. Elizabeth Moodey reminds me that this striking example of trompe l’oeil on the page with a portrayal of Saint Luke is the only instance of this kind of illusionism found in the Grimani Breviary. See also a small book of hours illustrated by Simon Bening and associates in Frankfurt, in which a dragonfly is similarly portrayed with transparent wings extending over text, decorated panel borders, and part of the outer margin (Frankfurt, Museum für Kunsthandwerk, Ms. LM 56, fol. 17).

Significantly, this occurs once again on a page with a miniature of Saint Luke, and it is again the only instance of this kind of bravura trompe l’oeil involving text, decorated border, and margin in the manuscript in which it appears; see color reproduction in the catalogue of the exhibition at the Städelsches Kunstinstitut und Städtische Galerie, Frankfurt am Main: Jochen Sander, Die Entdeckung der Kunst: Niederländische Kunst des 15. und 16. Jahrhunderts in Frankfurt (Mainz: P. von Zabern, 1995), 172, fig. 164, 198, no. 25. 17. See the discussion of related notions by Robert G. Calkins, “Sacred Image and Illusion in Late Flemish Manuscripts,” in Essays in Medieval Studies: Proceedings of the Illinois Medieval A"

.

Pourtant, on retrouve ce procédé utilisé en 1503-1508 par Jean Bourdichon, exclusivement avec des libellules, dans les Grandes Heures d'Anne de Bretagne : les ailes débordent soit sur la marge blanche extérieure, soit sur le texte placé à l'intérieur. Deux à sept ans avant la date estimée de ce Bréviaire.

.

Il est certainement significatif que Simon Bening réalise ici quelque chose d'exceptionnel : en tant que membre et doyen de la Guilde de Saint-Luc, et plusieurs fois doyen, il se devait de créer pour ce folio consacré au patron des peintres quelque chose comme un chef d'œuvre, une démonstration de son savoir-faire. 

.

.

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 781v. Saint Luc faisant le portrait de la Vierge.

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 781v. Saint Luc faisant le portrait de la Vierge.

.

.

La libellule.

Sa description est limitée par la résolution assez limitée des images qui nous sont proposées. Les entomologistes ont-ils pu voir l'original, ou le fac-similé paru chez Salerno Editrice ? Les critères concernant la nervuration des ailes ne sont pas utilisables, et d'autres critères vont également devoir être écartés.

Ses ailes sont étendues  sur le coté, comme les Anisoptères, mais les ptérostigmas ne sont pas visibles sur ces clichés. Les yeux, bleus, sont en contact par leur partie interne sur une certaine longueur, ce qui définit les Aesnidae (clef de détermination  Grand et Boudot p. 154). L'angle anal des ailes postérieures est très marqué, comme dans le genre Aeshna. L'abdomen est noir à marques bleues, j'écarte donc A. isoceles (corps brun à roux) et A. grandis (couleur générale brune, ailes très enfumées). Le thorax est sphérique, noir avec des taches en mosaïque : j'écarte A. caerulea, au thorax brun, aux marques bleues de l'abdomen laissant peu de noir entre elles, et qui n'est pas observée (aujourd'hui) dans les Flandres et dans la moitié nord de la  France. 

On voit très bien, sur le deuxième segment S2 de l'abdomen, une marque jaune "en clou" (la tête du clou vers le thorax). Cette marque est présente chez A. mixta et chez A. Cyanea. J'écarte ainsi l'Aeschne printanière, qui, de toute façon,  est du genre Brachytron et non Aeshna. J'observe aussi que S1 est bleu, que l'abdomen s'étrangle un peu sous S2, et que les dernières taches bleues, lorsqu'elles croisent le montant du cadre factice, sont réunies en une seule. 

Or, voici ce que je lis sur l'Aeschne bleue A. cyanea :

"Le mâle et la femelle aeschne bleue (Aeshna cyanea) sont aisément reconnaissables à leurs deux grosses taches claires sur le dessus du thorax et aux deux derniers segments de leur abdomen dont les taches confluent pour former un bandeau clair caractéristique. 

Les ailes postérieures du mâle adulte sont anguleuses à leur base, le deuxième segment de son abdomen présente un étranglement important." (Odonates costarmoricains)


"Un des critères infaillibles de reconnaissance de l'espèce est facilement visible quand l'insecte est posé : la disposition des points bleus au bout de l'abdomen : les deux taches présentes sur chaque segment abdominal tendent à se rapprocher au fur et à mesure que l'on s'éloigne du thorax, puis fusionnent et forment une unique tache sur chacun des trois derniers segments.
Seul le mâle est vert-noir-bleu, la femelle n'a pas de bleu." (Wikipédia)

Aeshna mixta Wikipédia et Costarmoricain

Aeshna juncea Wikipedia et Costarmoricain

Aeshna cyanea Wikipedia et Costarmoricain

Un moyen très utile est de comparer ces clichés du Brévaire à la Comparaison des Aeschnes sur Odonates costarmoricains

 

Au total, je proposerai volontiers de reconnaître dans cette libellule de Simon Bening, non seulement le genre Aeshna, mais aussi l'espèce A. cyanea. Mais je ne suis pas docteur. Je laisse le micro aux spécialistes.

Dans tous les cas, le miniaturiste a bien réussi son coup, et a réalisé un chef-d'œuvre qui va marquer l'histoire de l'odonatologie.

Trois-quart de siècle plus tard, le miniaturiste Joris Hoefnagel va effectuer la même performance.

 

 

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 781v. Saint Luc faisant le portrait de la Vierge.

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 781v. Saint Luc faisant le portrait de la Vierge.

.

 

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 781v. Saint Luc peignant la Vierge.

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 781v. Saint Luc peignant la Vierge.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 781v. Saint Luc peignant la Vierge.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 781v. Saint Luc peignant la Vierge.

.

.

 

 

2°) Le folio 135r .

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 135r. Bordure : deux libellules, deux  sauterelles et une chenille.

Les libellules sont peut-être des Zygoptères (ailes dressées) au corps annelé bleu (mâle ?) et femelle ?

.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

.

.

3°) Le folio 167v .

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 167v.

 

Ce folio 167v est disposé  en deux colonnes d'oraison et une bordure verticale sur fond jaune comporte des fleurs et un insecte avec un soin particulier donné à la vraisemblance naturaliste .

.

.

La bordure du folio 167v :  La fleur centrale est peinte avec beaucoup de précision. Les botanistes y reconnaitront-ils l' Iris germanica Iris violet, Iris bleu d'Allemagne, Iris flambe ? .

La libellule a les yeux séparés et les ailes dressées, comme les Zygoptères. Les ptérostigmas ne sont pas peints.  Les yeux sont translucides.  Le thorax est jaune crème, dilaté et trapézoïdal. L'abdomen de couleur verte, fin, sans dilatation, est divisé en segments réguliers ; six sont visibles sur l'illustration. Il ne porte aucune marque. L'artiste s'est peut-être inspiré d'un membre de la famille des Lestidae  (du genre Lestes), sans fidélité entomologique exacte.

.

.

 

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Libellule (Zygoptère) sur un Iris, Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 167v.

Libellule (Zygoptère) sur un Iris, Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 167v.

.

.

5°) Le folio 404v .

 

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 404v : semé de fleurs et libellule bleue non identifiable.

.

 

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

.

.

 

6°) Le folio 442r .

 

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 442r. Semé de fleurs et une libellule jaune aux yeux bleus, aux ailes dressées.

.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

.

.

7°) Le folio 467v .

 

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 467v. Une libellule jaune au corps annelé, aux ailes dressées, aux yeux blancs. Inscription du vase JHESUSR MARIAM GESAN-. Le vase contient des oeillets rouges. La queue de la libellule empiète sur la marge, par effet de trompe-l'oeil.

.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

.

.

8°) Le folio 478v .

 

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 478v : sainte Anne entre David et Salomon.

.

Je puise ce cliché dans le fac-similé publié par F. Ongania. Le folio 478v appartient au Sanctoral, et il est consacré à sainte Anne. Elle est assise sous un dais gothique devant une tenture portant des inscriptions (NOMEN ..) et elle tient un livre sur ses genoux.  Marie est montrée dans son ventre comme un petit enfant, indiquant qu'Anne est enceinte de sa fille, comme sur le vitrail de l'église de Brennilis (29) . Elle est entourée de David et Salomon, les deux rois de Juda, comme un abrégé de l'Arbre de Jessé, tandis que dans les nuées en haut à droite, Dieu le Père bénit cette conception miraculeuse.

Cette peinture est décrite par l'abbé Delaunay en 1864 (Les Evangiles.., L. Curmer, page 195), ce qui donne accès aux inscriptions : celle qui sort de la bouche d'Anne et se dirige vers Dieu dit FRVCTVS MEVS HONORIS E HONESTATIS "Mon fruit est un fruit d'honneur et d'honnêteté" et celle qui provient de Marie in utero dit QVI ILLUCIDANT PER VITAM ETERNAM HABEBVNT, "Ceux qui me glorifient auront la vie éternelle" (Ecclésiaste 29:31). David s'écrit QVERITUR PECCATVM ILLIUS ET NON INVENIETVR "on cherchera son péché et on ne le ntrouvera point" (Ps. 9:36). Enfin l'inscription qui sort de la bouche de Salomon est rédigé de façon rétrograde et dit : PROGREDITVR QVASI AVRORA CONSVRGENS, "Elle s'avance comme l'aurore à son lever" , reprenant le Cantique des Cantiques 6:9. Dieu, vêtu d'une robe rose, tenant le globus cruciger, répond par un autre verset du Cantique des Cantiques (attribué à Salomon) : TOTA PVLCHRA EST, AMICA MEA NON EST IN TE "Tu es toute belle, ma bien-aimée, et il n'y a pas de tache en toi" (Cantique 4:7). 

On voit que cette miniature reprend les arguments chers aux franciscains en faveur de l'Immaculée Conception, comme dans ce vitrail de la Collégiale de Moulins datant vers 1486.

Cette  miniature est entourée d'une marge dans le style Gent-Bruges avec des fleurs alignées, des oiseaux et des insectes, objets naturels dont le relief est rendu par les ombres portées. Les fleurs sont des roses blanches, symbole de virginité, en bouton, semi ouvertes ou épanouies, alternant avec d'autres roses probablement rouges (la Chair ou l'Incarnation). Deux oiseaux ne sont pas identifiables, ils accompagnent un escargot, trois chenilles (qui renvoient aux mystères des métamorphoses), six papillons blancs à ocelles noirs, et une libellule.

La qualité et le caractère monochrome de l'image ne permet pas de nous étendre sur la description de cet Odonate, malgré une apparence très prometteuse. Les ailes sont semi-dressées, l'abdomen incurvé (comme dans la posture de ponte) est assez épais et porte une ligne latérale de marques blanches et noires. Le thorax porte trois bandes blanches obliques assez caractéristiques. La position des ailes n'est pas incompatible avec un Anisoptère (une Aeschne ??) en train de pondre, mais je n'irai pas jusqu'à penser que l'artiste ait déliberemment choisi cette posture en relation avec la situation de sainte Anne portant sa Fille.

.

Image : https://archive.org/stream/lebreviairegrima00meir#page/n153/mode/2up

.

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 478v : sainte Anne entre David et Salomon.

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 478v : sainte Anne entre David et Salomon.

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 478v : sainte Anne entre David et Salomon.

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 478v : sainte Anne entre David et Salomon.

.

.

Je bénéficie plus tard du cliché de Philippe Sevestre.

.

La couleur de la tête, du thorax et de la partie ventrale du corps de la libellule est jaune. La partie dorsale de l'abdomen est sombre avec des anneaux jaunes. Les yeux ne sont pas séparés et ronds comme ceux des Zygoptères. Je ne peux pas aller plus loin, bien que l'on puisse exclure de nombreuses exspèces d'Anisoptères.

Les ombres créent un effet de réel. L'artiste joue avec le regard du lecteur en entremélant la queue de l'insecte et celle de la rose. Un bouton de rose est à cheval sur le cadre.

.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

.

.

9°) Le folio 556v .

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 556v. Semé de fleurs coupées, avec une libellule bleue et un papillon (un "Gazé" ?).

.

 

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

.

.

 

10°) Le folio 646v .

 

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 646b :  Saint Pierre délivré de prison par un ange. 

Dans le même Sanctoral du Bréviaire, une grande enluminure montre saint Pierre dans sa prison du Carcer Tullianum ou Mamertine de Rome. L'Apôtre y aurait baptisé ses geôliers et 47 prisonniers avec l'eau d'un puits. Puis, il aurait été délivré par un ange, qui apparaît ici en grande cape (cappa magna). Le galon de cette cape damassée est brodée de perles traçant une inscription illisible (NEC ---RVES). À l'arrière-plan, nous voyons Pierre et l'ange s'éloigner.

Comme dans le cas du folio précédent, la miniature est encadrée d'une bordure dans le style Gent-Bruges. Mais les roses blanches ou rouges, épanouies ou en bouton sont fixées au parchemin  par douze épingles en trompe-l'œil. Là encore, je ne me précipiterai pas à y voir un rapport avec les douze Apôtres, ou avec les fers par lesquels Pierre est incarcéré, mais j'y verrai un procédé supplémentaire de la panoplie d'illusionniste de Simon Bening pour convaincre le propriétaire de ce Bréviaire que le texte liturgique est placé dans l'herbier d'un humaniste soucieux de l'exploration encyclopédiste des petits objets de la Création.

Outre ces 18 roses épinglées, nous trouvons aussi sept papillons (Lepidoptera), un criquet (Orthoptera) et une libellule (Odonata).

Cet Odonate vu de haut et de 3/4 a les ailes réunies et dressées. Son abdomen qui s'affine vers son extrémité est clair dans sa partie dorsale, avec des marques triangulaires effilées noires. Les yeux semblent se toucher en leur bord interne.

 

Image : https://archive.org/stream/lebreviairegrima00meir#page/n195/mode/2up

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 646b :  Saint Pierre délivré de prison par un ange. 

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 646b :  Saint Pierre délivré de prison par un ange. 

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 646b :  Saint Pierre délivré de prison par un ange. 

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 646b :  Saint Pierre délivré de prison par un ange. 

.

.

CONCLUSION.

Après les Grandes Heures d'Anne de Bretagne enluminées par Jean Bourdichon entre 1503 et 1508 avec 377 plantes individuelles légendées et 91 libellules, dont l'une au moins semble identifiable, le Bréviaire Grimani enluminé vers 1510 offre de nouveaux exemples de représentations au naturel de plantes, de papillons et de libellules. À la différence des Grandes Heures, le manuscrit de la Biblioteca Nazionale de Venise n'est pas (encore) numérisé et consultable in extenso, et l'inventaire entomologique n'est pas possible.  À ma connaissance, aucun entomologiste italien ou autre ne s'est rendu sur place pour se livrer à cet exercice. 

L'exemple naturaliste le plus connu et le mieux reproduit est la libellule du folio 781v, impressionnante par le réalisme accentué par des procédés de trompe-l'œil uniques dans ce manuscrit. Dès 1949, Enrico Picchetti l'a identifié comme appartenant au genre du genre Aeshna, ce qui n'a pas été démenti par les plus fins spécialistes des Odonates. Personne n'a osé s'aventurer néanmoins dans la détermination  de l'espèce, et c'est avec beaucoup de vergogne et en toute incompétence que je suggère d'y voir une Aeschne bleue. Ce qui est intéressant, c'est de voir cette espèce splendidement  reprise (et dûment déterminée récemment comme A. cyanea ) par Joris Hoefnagel, dernier héritier de la tradition d'enluminure flamande, vers 1575, alors que la période intermédiaire 1510-1575 ne donne aucune illustration convaincante d'un Odonate, et qu'ensuite, après la diffusion de l'imprimerie, les gravures des ouvrages d'Aldrovandi en 1602 puis de Mouffet en 1634  n'égaleront pas, tant s'en faut,  cette enluminure de 1510.

.

Aeshna cyanea, miniature de Joris Hoefnagel dans le volume Ignis (feu) des Quatre Éléments, vers 1575.

.

Les  autres Odonates sont placés ici afin de les signaler à l'attention des entomologistes, ou de ceux qui pourraient en donner des images plus précises, car il n'est pas encore établi qu'une détermination de famille ou de genre soit impossible, ou que d'autres considérations ne naissent d'un examen des peintures en couleur.

Même si l'Aeshne de Simon Bening ait été la première  à avoir été connue, pour le XVIe siècle,  des entomologistes préoccupés de l'histoire de leur science, ces libellules du Bréviaire Grimani ne sont pas les seules qui soient issues des peintures sur velin de l'École des miniaturistes de Bruges et de Gand : mes recherches en révèlent un certain nombre, et un inventaire plus approfondi des productions de cette École en trouvera bien d'avantage, maintenant que la numérisation sort peu à peu les manuscrits de la confidentialité des réserves des Musées et des Collections. L'avenir dira si l'une d'entre elles peut rivaliser, dans cette période 1475-1561 des miniaturistes d'influence flamande, avec  celle du folio 781v.

.

 

 

.

 

.

SOURCES ET LIENS.

http://manuscripts.org.uk/chd.dk/misc/ABGrim.html

— La signature d'Alexander Bening 

http://manuscripts.org.uk/chd.dk/misc/AB1515.html

— CORBET (Philip S.)  1991, A brief history of odonatology , Adv. Odonatol. 5 : 21-44

http://natuurtijdschriften.nl/download?type=document;docid=593082

— MELY (de) : Les inscriptions du manuscrit Grimani, Revue de l'art

http://www.tpsalomonreinach.mom.fr/Reinach/MOM_TP_071800/MOM_TP_071800_0003/PDF/MOM_TP_071800_0003.pdf

— PICCHETTI, (Enrico), 1949,  "Libella-ula,  Atti Ist. Veneto Sc. Lett. E Arti, CVII, II, pp.269-279, 1949"

http://www.beic.it/it/articoli/periodici-istituto-veneto-di-scienze-lettere-ed-arti

http://gutenberg.beic.it/view/action/nmets.do?DOCCHOICE=7895663.xml&dvs=1519053491494~816&locale=fr&search_terms=&show_metadata=true&adjacency=&VIEWER_URL=/view/action/nmets.do?&DELIVERY_RULE_ID=7&divType=&usePid1=true&usePid2=true

— PICCHETTI, Enrico. (1960-63): Le denominazioni della libellula nel dominio linguistico italiano, in «Atti dell’Istituto Veneto di Scienze, Lettere ed Arti», Classe di Scienze Morali e Lettere, CXIX (1960-1), pp. 745-788; CXXI (1962-3), pp. 513-560.

http://www.beic.it/it/articoli/periodici-istituto-veneto-di-scienze-lettere-ed-arti

http://gutenberg.beic.it/view/action/nmets.do?DOCCHOICE=9224878.xml&dvs=1518640134260~418&locale=fr&search_terms=&show_metadata=true&adjacency=&VIEWER_URL=/view/action/nmets.do?&DELIVERY_RULE_ID=7&divType=&usePid1=true&usePid2=true

— RUDOLPH (R.)  (1991) Paintings of Zygoptera in the Gutenberg Bible of 1453 Odonatologica 20(1): 75-78

http://natuurtijdschriften.nl/download?type=document;docid=591936

"An Aeshna is illustrated in the Italian "Breviario Grimani"dating from 1495-1500 (PICHETTI, 1949)."

RATTU, ( Roberto), 2009, Le denominazioni popolari della libellula nelle varieta sarde meridionali https://dialnet.unirioja.es/descarga/articulo/3623166.pdf

— SEVESTRE (Philippe) : le bréviaire Grimani : vidéo

https://www.dailymotion.com/video/x8gvg6o

https://www.youtube.com/watch?v=Tetj8jRov-o

— SIEGERT (Bernhart), Cultural techniques : Grids, Filters, Doord and other articulations of the real.

Sources Google

.

La page 15 :

http://www.salernoeditrice.it/grimani/pagine/15.html

 

 

.

Partager cet article
Repost0
Published by jean-yves cordier - dans Zoonymie des Odonates Enluminure
10 novembre 2020 2 10 /11 /novembre /2020 19:02

Dévotion franciscaine aux Plaies du Christ à la cour ducale de Bretagne au XVe siècle : l'exemple d'Isabelle Stuart méditant devant la Pietà, étudié par les enluminures.

.

Voir aussi :

Le Puits de Moïse (Claus Sluter et atelier. 1395–1404 ) de la Chartreuse de Champmol à Dijon

 

.

 

 

 

.

.

Le point de départ de ma réflexion est l'enluminure du folio Fv du Livre des vices et des vertus ou la Somme du Roi du frère Laurent dans le manuscrit BnF, français 958 daté de 1464.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b52506341n/f16.item

Cette peinture est décrite ainsi dans la Notice de la BnF :

"Une peinture frontispice en pleine page  représentant Isabelle Stuart et ses deux filles Marguerite, épouse du duc François II, et Marie, épouse de Jean II de Rohan, en prière devant une Vierge de douleurs placée à l’écart sous un dais. Chacune est présentée par un saint, respectivement saint François d’Assise, Pierre le Martyr et sainte Marie-Madeleine; tout autour de la miniature, les armes parties de Bretagne et d’Ecosse surmontées de la couronne ducale à fleurons se détachent sur la bordure florale.

Le décor est l'œuvre d'un peintre anonyme, dont François Avril a rapproché le style de celui des Heures de Pierre II de Bretagne (Paris, BnF latin 1159) et des portraits d’Isabelle Stuart et François Ier dans l’un des livres d’heures d’Isabelle Stuart (Paris, BnF latin 1359)."

La Somme le Roi ou Livre des vices et des vertus est un manuel d’instruction morale et religieuse à destination des laïcs, constitué à partir d’un autre traité contemporain anonyme, le Miroir du monde. Cet ouvrage de piété, que Philippe III le Hardi commanda en 1279  à son confesseur dominicain, Frère Laurent d’Orléans, s’inscrit dans la lignée de l’effort pastoral entrepris à la suite du IVème Concile de Latran en 1215 pour favoriser chez les laïcs l’examen de conscience et la confession des péchés.

"Ainsi que l’indique son colophon (f. 122v), le présent manuscrit fut copié en Bretagne en 1464 par le scribe Jean Hubert pour Isabelle Stuart, fille de Jacques Ier d’Ecosse et duchesse douairière de Bretagne par son mariage avec François Ier de Bretagne. Le penchant de celle-ci pour la bibliophilie est attesté par trois autres livres lui ayant appartenu, tous des livres d’heures (Paris, BnF latin 1359, NAL 588 et Cambridge, Fitzwilliam Museum, ms. 62)."

.

Droits réservés BnF Gallica.

Droits réservés BnF Gallica.

.

.

Ce que ne décrit pas l'auteur de la notice, ce sont les rayons rouges de la stigmatisation de saint François, dont la source est, en haut et à droite, une figure rouge du séraphin au corps marqué d'un crucifix ; ce séraphin se reconnaîtra  après avoir consulté l'iconographie traditionnelle par Giotto.

Ainsi, saint François en même temps qu'il reçoit, sur l'image, les stigmates, incite la duchesse Isabelle à contempler les plaies du Christ gisant dans les bras de Marie, et à ressentir, dans ce face à face participatoire, ce que lui-même a ressenti sur le mont La Verna en 1264.

Plus encore, saint François, par son geste de patronage d'Isabelle Stuart  l'expose au flux des traits de sang issus du séraphin-crucifix, dont l'un  passe par le sommet de la couronne avant d'atteindre la main  gauche du saint, et les deux autres par la poitrine de la duchesse avant d'atteindre les pieds nus de François. 

 

 

En somme, la duchesse reçoit alors l' "onction sanguine" d'une initiation mystique. Mais cet ondoiement sanguin est sanctifié puisque les rais rouges passe l'un par le nimbe du Christ (et le front ensanglanté par les épines), les deux autres par la plaie de son flanc.

Alors que, dans la tradition franciscaine, c'est la contemplation du Christ en croix qui génère cette effusion, ici, c'est la contemplation de la Vierge de Pitié  qui est opérante, comme si la Pietà était plus adaptée comme médiatrice à la féminité de ces trois femmes.

 

Il y a une mise en abîme puisque  si la duchesse n'a pas vécu réellement cette scène,  c'est cette enluminure d'un manuscrit qui lui est destiné, qui devra générer lors de la lecture cette contemplation, et susciter ce bouleversement dévot du cœur.  En somme, c'est ici plutôt une "onction du regard" (Didi-Huberman) que la duchesse va recevoir en ouvrant son livre. 

n.b. Le folio Fv est le versant gauche d'une double page, qui s'accompagne à droite du don des Tables de la Loi à Moïse, acte fondateur des Dix Commandements (folio 1r).

.

 

Ses filles assistent à la même initiation à la dévotion aux Plaies du Christ. Marguerite porte la couronne de duchesse et sur sa robe les armes pleines de Bretagne comme épouse depuis 1455 du duc François II, et Marie porte la couronne de vicomtesse et les armes parti de Bretagne et de Rohan, comme épouse depuis 1462  de Jean II de Rohan.

J'ignore la raison du choix de Pierre de Vérone (identifié par le couteau planté sur son crâne) pour patronner Marguerite de Bretagne vers cette initiation dévote. Par contre, le choix de Marie-Madeleine est particulièrement éloquent, puisqu'elle est, pour les chartreux et les Franciscains, LE modèle de cette dévotion, associant participation émotionnelle pour la souffrance du Rédempteur, contrition pour les fautes de l'Humanité, effusion par les larmes et amour mystique.

C'est Marie-Madeleine qui est au pied de la Croix où s'écoule le sang de la Crucifixion, ou qui embrasse la main ou les pieds de Jésus lors de la Mise au Tombeau, sur les enluminures du XVe siècle, puis plus tard sur tous les calvaires , et sur les Maîtresse-vitres de Bretagne. Mais surtout, c'est elle qui figurait agenouillée au pied de la Croix sur le Puits de Moïse de la Chartreuse de Champmol. 

La représentation de Marie-Madeleine agenouillée au pied de la Croix  a pris naissance au XIIIe et XIVe siècle en Italie (Toscane et Ombrie) comme modèle de Piété (Imitatio Pietatis) pour son amour profond pour le Christ, son dévouement, sa pénitence et son humilité, mais aussi pour rendre visible son interaction physique avec le Christ, en particulier avec ses pieds lavés   avec ses larmes et séchés par ses longs cheveux à Béthanie puis oints de parfum après sa mort. C'était un modèle d'imitation et d'identification par les fidèles.

http://www.lavieb-aile.com/2019/09/le-puits-de-moise-de-la-chartreuse-de-champmol-a-dijon.html

.

Droits réservés BnF Gallica.

Droits réservés BnF Gallica.

.

.

De plus, les plaies du Christ sont soigneusement peintes en rouge, tant celles du front, des mains et des pieds que celles infligées par les plombs du fouet de flagellation.

.

On remarquera aussi que la duchesse porte autour de la taille la cordelière des franciscains ou Capucins.

(Elle porte aussi comme ses filles le collier de l'Épi, le surcot ouvert  doublé d'hermines des princesses —elle est la fille du roi d'Écosse Jacques Stuart—, et une robe parti aux couleurs de Bretagne et d'Écosse, tandis qu'elle est coiffée de l'escoffion au voile de dentelle, mais cela nous détourne de notre sujet).

Cette cordelière est si importante pour les ducs de Bretagne que François II en fera l'un de ses emblèmes, repris par sa fille Anne de Bretagne qui créera un Ordre (féminin) de la Cordelière. Elle témoigne de l'attachement de François I et de François II pour leur patron saint François d'Assise, puisque ce cordon aux nœuds de capucin fait partie de l'habit franciscain.

Notons en outre qu'Isabeau demanda dans son testament de 1485 estre ensepulturé en l'eglise monsieur saint françois de la ville de Nantes. Ce vœu ne fut pas respecté.

Que connaît-on des confesseurs d'Isabeau Stuart ? Je relève :

un dominicain, le frère Jehan Blouyn du couvent de Nantes.

"messire Yves le Petit, nostre chappelain et ausmonier et messire François Denais, chappelain". (testament 1485) Est-ce Yves Le Petit,  recteur de la paroisse de Renac en 1497 et qui fonda en 1515, dans la cathédrale de Vannes, la chapellenie de Notre-Dame-de-Pitié et de saint Vincent, martyr ?.

.

Nous avons donc sur cette image la réunion :

-de la vénération de saint François dans le duché de Bretagne

-de la dévotion à la Vierge de Pitié (avec de nombreuses enluminures, d'innombrables sculptures au pied ou au nœud des calvaires),

-de la dévotion aux Cinq plaies (avec de nombreux retables ou motif sculptés en Bretagne),

-de la dévotion au Précieux Sang (avec l'apparition d'anges hématophores sur les Crucifixions peintes, peintes sur verre ou sculptées en granite et kersanton des calvaires),

-du culte de Marie-Madeleine, dans les Livres d'Heures à coté de sainte Catherine et de sainte Marguerite, en statue dans les églises et chapelles, en vitraux, etc.

.

Je développerai en Annexe la notion que la contemplation, par un fidèle (le plus souvent un moine) de la Vierge de Pitié est une tradition franciscaine qui s'est greffée sur celle, plus ancienne, de la méditation devant le Crucifix.

.

 

Droits réservés BnF Gallica.

Droits réservés BnF Gallica.

.

.

Comme le souligne François Avril, c'est le même artiste qui a illustré le livre d'Heures à l'usage de Rome BnF lat. 1369 d'Isabelle Stuart. 

Or, de nombreuses enluminures de ce Livre vont reprendre, de façon moins didactique certes, mais en multipliant les approches, ce culte des Plaies du Christ et du sang qui s'en écoule. Ce sont, parmi les 51 enluminures du manuscrit, celles des 8 pages suivantes :

 

p. 38 : le duc François II présenté par saint François.

p.56 : la duchesse Isabelle présentée par saint François.

p.51 : la messe de saint Grégoire.

p.162 : la Crucifixion (Marie-Madeleine au pied de la Croix)

p. 294 : la Vierge de Pitié avec le Stabat Mater

p. 299 : le Trône de Gloire

p. 320 : Saint François recevant les stigmates

p. 410 : la Sainte Plaie du Christ.

.

Nous allons les examiner en suivant leur séquence dans le livre d'Heures. Notons auparavant que la Somme du Roi de 1464 est d'une date proche de celle du Livre d'Heures, dont la date inconnue est forcément postérieure à 1455 puisqu'il contient un Suffrage à saint Vincent Ferrier canonisé à cette date. Si la Somme du Roi était antérieure , son enluminure Fv de La Somme du Roi servirait  de référence mémorielle dans l'esprit de l'artiste, et de la lectrice, se retrouvant citée en éclatée dans les pages 38, 56, 294 et 320, avant de trouver son condensé dans celle de la page 410.

.

.

.

1. Saint François d'Assise présentant le duc François I à la page 38 du livre d'Heures d'Isabelle Stuart BnF latin 1369 .

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b52501939c/f48.item

.

 François 1er, duc de Bretagne est présenté par son saint patron; dans l'encadrement deux écus armoriés, l'un avec les armes du duc (de Bretagne Plein), l'autre celles de la duchesse (parti de Bretagne et d'Écosse).

"Le portrait de François 1er, duc de Bretagne , soulève un problème d'ordre chronologique. Et d'abord, il ne saurait y avoir de doute sur l'identité du personnage; son costume, sa couronne ducale, son patron saint François d'Assise qui se tient derrière lui, ses armes qui figurent dans l'encadrement avec celles de sa femme: tout indique qu'il s'agit de François 1er, duc de Bretagne, qui épousa en 144:( Isabeau d'Écosse, fille de Jacques 1er, et qui mourut le 17 (ou le 18) juillet 1450. D'autre part,  saint Bernardin de Sienne, canonisé le 24 mai 1450, figure dans les litanies (p. 215) ; en outre, parmi les suffrages (p. 317), se trouvent une antienne et une oraison en l'honneur de saint Vincent Ferrier, canonisé le 29 juin 1455. Le manuscrit est donc postérieur à cette dernière date. Or, François 1er, duc de Bretagne, mourut le 17 (ou le 18) juillet 1450. Comment expliquer la présence de son portrait dans un manuscrit exécuté après 1455 ? Ou bien le portrait est antérieur au livre d'Heures ou il lui est contemporain. La seconde hypothèse paraît plus vraisemblable. On ne remarque en effet aucune différence ni dans la qualité du parchemin ni dans le format du feuillet. De plus, si le portrait avait été exécuté du vivant de François 1er, il est peu probable qu'on eût fait figurer dans l'encadrement les armes d'Isabeau, celle-ci n'étant pas héritière du trône d'Écosse. On observe en outre que le même feuillet qui contient le portrait du duc (p. 38) renferme un peu plus loin (p. 56) celui de la duchesse, ce double feuillet constituant le premier et le dernier d'un quaternion qui va de 37 à 56. Il s'agit donc selon toute vraisemblance d'un portrait exécuté plusieurs années après la mort de François 1er par les soins d'Isabeau d'Écosse." (Leroquais,  Manuscrits ... p.189)

 

 

Livre d'Heures d'Isabeau Stuart BnF Latin 1369.  Droits réservés BnF Gallica.

Livre d'Heures d'Isabeau Stuart BnF Latin 1369. Droits réservés BnF Gallica.

.

.

2. La Messe de saint Grégoire à la page 51 du Livre d'Heures d'Isabelle Stuart BnF Latin 1369.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b52501939c/f61.item

Quatre pages avant l'enluminure où saint François présente la duchesse, une enluminure montre le miracle de la Messe de saint Grégoire, dans une présentation  où, devant le célébrant et son diacre, le Christ apparaît en vision, entouré des instruments de la Passion ; et c'est le sang qui s'écoule de la plaie du flanc qui vient remplir le calice posé sur l'autel. L'enluminure illustre un poème en l'honneur des Instruments de la Passion :

Cruci, corone spinee clavis,que due lancee honorem inpendamus : hec sunt vexilla regia perque corone gaudia perpetue speramus. V. Adoramus te Christe et benedicimus tibi. 

.

.

  .

 

.

Livre d'Heures d'Isabeau Stuart BnF Latin 1369.  Droits réservés BnF Gallica.

Livre d'Heures d'Isabeau Stuart BnF Latin 1369. Droits réservés BnF Gallica.

.

.

3. Saint François stigmatisé présentant Isabelle Stuart à la page 56 du  Livre d'Heures d'Isabelle Stuart BnF latin 1369 .

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b52501939c/f66.item

Isabeau d'Écosse, femme de François 1er, duc de Bretagne, porte au cou le collier de l'ordre de l'Épi, comme sur l'enluminure de la Somme du roi ; derrière elle, saint François d'Assise; dans l'encadrement, deux écus armoriés, l'un avec les armes du duc (de Bretagne Plein), l'autre celles de la duchesse (parti de Bretagne et d'Écosse).

Cette enluminure est pour l'artiste comme pour sa noble lectrice, une auto-citation  abrégée de celle de la Somme du Roi, à laquelle elle renvoie. Et elle est aussi l'écho de l'enluminure de la page 38, comme si la duchesse optait délibérément pour le saint patron de son époux, où qu'ils partageaient tous deux la même démarche de contemplation mystique.

.

Livre d'Heures d'Isabeau Stuart BnF Latin 1369.  Droits réservés BnF Gallica.

Livre d'Heures d'Isabeau Stuart BnF Latin 1369. Droits réservés BnF Gallica.

.

.

4. La Déposition à la page 162 du Livre d'Heures d'Isabelle Stuart BnF Latin 1369.

.

Est-ce la Vierge  qui est représentée au pied de la Croix ? C'est discutable, car malgré son manteau bleu et le geste de saint Jean pour la retenir dans sa pâmoison, cette sainte a les cheveux longs et non couvert d'un voile. D'autre part, c'est Marie-Madeleine qui est traditionnellement représenté au pied de la Croix, les yeux levés vers le Christ, tandis que la Vierge, effondrée, regarde vers le bas. Quoiqu'il en soit, le sang des plaies est manifeste, avec son écoulement le long des membres, et vers le sol.

.

 

 

Livre d'Heures d'Isabeau Stuart BnF Latin 1369.  Droits réservés BnF Gallica.

Livre d'Heures d'Isabeau Stuart BnF Latin 1369. Droits réservés BnF Gallica.

.

.

5.  La Vierge de Pitié à la page 294 du Livre d'Heures d'Isabelle Stuart BnF Latin 1369.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b52501939c/f304.item

Les Prières à la Vierge ont débuté au folio 287 avec l'O Intemerata

Dans cette enluminure, le Christ est allongé vers la droite, la tête reposant sur les genoux d'une des deux saintes femmes ( a priori Marie-Madeleine, qui acquiert donc un statut privilégié). Surtout, la plaie du flanc est ostensible, tout comme le saignement s'écoule jusqu'à la jambe droite.

La miniature illustre le texte inscrit en dessous  Stabat mater dolorosa Juxta crucem lacrimosa dum pendebat filius, "Elle se tint là, sa mère endolorie Toute en larmes, auprès de la croix, Alors que son Fils y était suspendu".

Même si le Stabat Mater appartient très souvent à ces Prières de la Vierge, il est ici significatif que le texte de cette prière soit  attribué au moine franciscain Jacopone da Todi (1236 environ) : l'influence franciscaine est renforcée.

.

 

Livre d'Heures d'Isabeau Stuart BnF Latin 1369.  Droits réservés BnF Gallica.

Livre d'Heures d'Isabeau Stuart BnF Latin 1369. Droits réservés BnF Gallica.

Livre d'Heures d'Isabeau Stuart BnF Latin 1369.  Droits réservés BnF Gallica.

Livre d'Heures d'Isabeau Stuart BnF Latin 1369. Droits réservés BnF Gallica.

.

.

6.  Le Trône de Gloire à la page 299 du Livre d'Heures d'Isabelle Stuart BnF Latin 1369.

.

Après les Prières à la Vierge viennent les Suffrages des saints. Mais la première enluminure, consacrée à la Trinité, choisit un Trône de Grâce où Dieu le Père tient le corps du Fils mort, auquel il est relié par la colombe de l'Esprit volant devant ses lèvres. L'effet d'écho en version paternelle de La Vierge de Pitié est claire. Comme pour cette dernière, les plaies du front, des mains, des pieds et du flanc sont marquées de peinture rouge (un peu pâlie), ainsi que l'écoulement le long de la cuisse et de la jambe.

Texte :  Te invocamus te adoramus te laudamus ... Omnipotens sempiternel Deus 

.

Ce folio porte en bas la signature YSABEAU. Cela pourrait être significatif, mais cela se retrouve aux pages 303, 305, 307, 312, 316, 318, 320, 346, 348, et 382.

.

 

 

Livre d'Heures d'Isabeau Stuart BnF Latin 1369.  Droits réservés BnF Gallica.

Livre d'Heures d'Isabeau Stuart BnF Latin 1369. Droits réservés BnF Gallica.

.

.

7.  Saint François recevant les stigmates à la page 320 du Livre d'Heures d'Isabelle Stuart BnF Latin 1369.

Nous retrouvons ici le séraphin in cruce positum projetant les cinq rayons de sang vers le corps de saint François.

Texte : O martyr desiderio francisce quanto studio compatiens hunc sequeris quem passum libro reperis quem aperuisti tu contuens in aere seraph in cruce positum ex tunc in palmis, latere, et pedibus effigiem feris plagas Christi.

(Officium impressionnis SS stigmatum)

.

Livre d'Heures d'Isabeau Stuart BnF Latin 1369. Droits réservés BnF Gallica.

Livre d'Heures d'Isabeau Stuart BnF Latin 1369. Droits réservés BnF Gallica.

.

.

 La "Sainte Plaie", Plaie du côté du Christ, ou Plaga lateris Christi à la page 410 du Livre d'Heures d'Isabelle Stuart BnF Latin 1369.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b52501939c/f420.item.zoom

.

a) Après les Suffrages, le livre d'heures présente aux pages 385 à 405, entre les enluminures de l'Annonciation p.385 et de la Vierge à l'Enfant p. 394,   des Prières de la Vierge en vers français : "Vierge tres desirree honoree sur toutes par ta noble" ; "Marie, dame toute belle", "Ave Royne de paradi Toute excellente en fais en dits Plaise ton bon vouloir m'apprendre ..." , "Maria vierge de pitie la princesse de humanite", Gracia toute gracieuse la couronne tres precieuse"

 


Marie, dame toute belle,

Vierge pucelle, pure et munde,

De Dieu, mère et ancelle,

En qui tout grace habunde.

Tu es celle dont sourdit londe

qui le pechie de adam lava.

Je te salue royne du monde

En disant Ave maria

A qui tu vouldroyes ayder

Nully ne le pourrait grever

Car ie scay bien vierge marie

Que apres dieu tu es sans per

Metresse te doit on clamer

A bonte oncques ne varia

Pource te vueil saluer

En disant Ave maria

[...] Je te salue tresdoulce vierge en disant Ave Maria"

Soit en tout 6 huitains d'octosyllabes (ababbcbc)

 

b)  Puis vient pages 405   une prière à saint François. Ora pro nobis beate Francisce ut digni efficiamur promissione Christi. Ce chant est présent dans l'antiphonaire de la bibliothèque de Saint-Gall .

Deus qui ecclesiam tuam beati francisci meritis fetu nove prolis amplificas tribue nobis ex eius imitacione terrena despicere et celestium donorum semp participatione gaudere per.

https://www.e-codices.unifr.ch/en/csg/0388/440

c) Cette prière se poursuit jusqu'à la page 409, puis vient l'enluminure de la page 410 :

.

Livre d'Heures d'Isabeau Stuart BnF Latin 1369 f. 410v. Droits réservés BnF Gallica.

Livre d'Heures d'Isabeau Stuart BnF Latin 1369 f. 410v. Droits réservés BnF Gallica.

.

.

-c1. Elle est précédée page 409 de la mention (rubrique) :  De vulnere Domini. Papa lnnocencius secundus concessit cuilibet hanc orationem dicenti quatuor milia dies de indulgencia.

Le pape Innocent II promet donc 4000 jours d'indulgence au fidèle qui prononce l'oraison de la Blessure de Notre Seigneur (vulnere Domini).

La notion d'onction du regard et celle d'effet opératoire de l'image se double ici d'un bénéfice immédiat à celui qui lit la très courte prière placée sous l'image, et qui est couplée à elle. La vision de l'enluminure suscite la compassion dans le cœur du fidèle et, dans le même temps de balayage oculaire de la page, la prononciation labiale du texte lui assure un bénéfice dans la comptabilité sotériologique, tout cela par une participation corporelle (regard / lèvres/cœur) plus qu'intellectuelle.

.

-c2. L'enluminure est centrée par un losange rouge qui la barre verticalement. Le fond noirâtre du losange aide à comprendre qu'il s'agit d'une plaie sanglante, et son centre est occupée par un cœur blessé et qui saigne. Dans l'imaginaire dévot, la lance de Longin, pénétrant par le flanc droit, a transpercé le cœur et a donné le coup de grâce (dans les faits, ce coup de lance sur la plèvre s'assurait du trépas).

L'inscription de l'encadrement du losange est : Hec est munera [sic, pour mensura] plage domini nostri ihesus christus  secundum quod revelatum fuit sancto Dyonisio de Bargona. La transcription est donnée par Leroquais, le dernier nom étant incertain à ma lecture. Je ne trouve aucune donnée sur ce saint Denis de Bargona (on pense, dans ce contexte à Denys le Chartreux). On peut déduire de l'inscription que l'artiste a voulu donner une image grandeur nature de la Plaie. Or elle mesure ici 7 cm, par estimation de la moitié du feuillet de 14 cm. La largeur est environ de 3,5 cm.

Ces mesures auraient été déduites de celles de la Sainte Lance, dont une des reliques (brisée) avait été acquise par saint Louis en 1244. Mais il existe ou a existé bien d'autres authentiques reliques de la Sainte Lance. L'une d'elles, conservée à la Hofburg de Vienne, mesure 510 mm, pour sa pointe.

 

.

c3. La plaie du Christ est accompagnée de la prière: « Ave, vulnus lateris Nostri redemptoris, Fons summe dulcedinis. "Salut, plaie du flanc de Notre Rédempteur, source de la douceur extrême". Puis les prières se poursuivent (Ave plaga lateris largua et profunda, etc.) jusqu'à la page 412.

Dans cette dévotion, à coté de Isabeau Stuart, il faut mentionner Jeanne de France (1464-1505) :

"Au XVème siècle, la fille de Louis XI, Jeanne de France, s’inscrit dans la filiation de la Devotio moderna (Dévotion moderne), à travers la figure de saint François d’Assise. Une même ferveur dans la dévotion aux cinq plaies du Christ se retrouve dans toute sa vie. Elle dit que les cinq plaies sont cinq sources de salut où les hommes doivent puiser les eaux du salut (Isaïe 12, 3). La fondatrice de l’Annonciade, accompagnée dans cette dévotion par le Père franciscain Gilbert Nicolas (le bienheureux Gabriel-Maria), reçoit avec une forte émotion le Saint Sacrement, accompagnant l’offrande du Corps et du Sang du Christ de ses propres larmes : pleurs mystiques qu’elle assimile à un vin marial de couleur blanche répandu à côté d’un vin écarlate issu du pressoir de la Croix. Elle dit qu’on ne peut appeler dévot, celui qui ne s’enivre pas de ce vin une fois par jour."  (Isabelle Raviolo)

.

.

Cette curieuse image se retrouve aussi (avec la même inscription) dans les Heures de Pierre II de Bretagne BnF lat. 1159, fol. 141, pl. LII. Ce manuscrit n'est pas numérisé sur Gallica. Le duc Pierre II (1418-1457) était le frère de François Ier de Bretagne, et le fils du duc Jean V et de Jeanne de France. La proximité du Livre d'Heures d'Isabeau Stuart (après 1455) et celui de son beau-frère Pierre II, duc de 1450 à 1457, est importante. 

On  trouve aussi cette image dans un manuscrit illustré par Jean Le Noir à Paris avant 1349,  le Psautier de Bonne de Luxembourg, (duchesse de Normandie) associé aux Arma Christi. (Met.museum, Cloisters 1969 folio 331. Cette page est précédée d'une enluminure f.328r qui montre un couple de fidèles (destinataires du livre) agenouillé devant la Croix où le Christ désigne la plaie de son flanc droit.

.

.

Psautier de Bonne de Luxembourg (Met.museum, Cloisters 1969 folio 331)

.

https://www.metmuseum.org/art/collection/search/70012435

.

On trouve encore cette plaie dans un manuscrit de l'Image du monde de Gossouin de Metz, réalisé vers 1320 pour Guillaume Flote et qui appartint en 1401 à la bibliothèque de Jean de Berry : le BnF fr. 574  au folio 140v.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84526412/f294.item.zoom

 Elle est plus intéressante car la  peinture, qui occupe les trois quarts de la page, associe l'image lenticulaire de la plaga lateris  entourée des clous, de la tunique de la Passion  à deux autres registres.  Dans la scène du bas  un évêque et un moine vénèrent la Sainte Plaie, séparés par  la colonne de la Flagellation, encadrée des instruments de la Passion (fouets, manteau de la dérision ?) ; scène du milieu : représentation de la plaie du côté et instruments de la Passion : clous, tunique . Dans la scène du haut, le Christ crucifié est entouré de Marie en pâmoison avec deux Sainte Femmes, à sa droite, et Jean, le bon Centenier et deux membres du Sanhédrin (Joseph d'Arimathie et Nicodème ?) à sa gauche. On trouve aussi en registre supérieur la lance, et le roseau d'hysope. Mieux encore, la peinture est bordée à gauche de textes liturgiques extraits de « De corona spina – in 1.Vesperis » :  

o christo plebs dedita tot christi donis predita iucunderis hodie tota sis devote erumpens in iubilum depone mentis nubilum tempus est leticie cura sit semota ecce crux et lancea clavi corona spinea arma regis glorie tibi commendantur omnes terre populi laudent auctorem seculi per quem tantis gracie signis gloriatur.

omnis terra adoret te deus (et) psallat tibi et psalmum dicat nomini tuo

Quaesumus omnipotens deus ut qui sacratissima redemptionis nostre insignia temporaliter veneramur per hec indesignenter nulmiti eternitatis gloriam consequamur. Per dominum nostrum ihesus christum filium qui tecum vivit et regnat nibnirare spiritus sancti deus per comma secula seculorum amen

http://hlub.dyndns.org/projekten/webplek/CANTUS/cgi-bin/LMLO/LMLO.cgi?X=%5BXC67%5D&raw_text=true

.

 

BnF français 574 f.140v. Source Gallica BnF.

 

.

.

BnF Fr. 574 f.140v

 

.

Revenons à notre manuscrit :

Livre d'Heures d'Isabeau Stuart BnF Latin 1369 f. 410v. Droits réservés BnF Gallica.

Livre d'Heures d'Isabeau Stuart BnF Latin 1369 f. 410v. Droits réservés BnF Gallica.

.

.

.

Le troisième manuscrit du même artiste (?), et pour la même duchesse de Bretagne est le Livre d'Heures NAL 588.

Parmi les 14 enluminures, je ne retiens ici que celle qui répète la présentation de Isabeau Stuart par saint François. La comparaison avec les précédentes montrent des différences stylistiques, une inversion de la partition des armoiries de la robe, l'absence du collier de l'Épi, etc., mais la configuration est la même.

 

Saint François présentant Isabeau Stuart sur l'enluminure du BnF NAL 588 folio 33v.

.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8555843r/f72.item

.

Livre d'Heures d'Isabeau Stuart BnF NAL 588 f.33v . Droits réservés BnF Gallica.

Livre d'Heures d'Isabeau Stuart BnF NAL 588 f.33v . Droits réservés BnF Gallica.

 .

.

.

 

DEUXIÉME PARTIE. LA DÉVOTION FRANCISCAINE AU PRÉCIEUX SANG ET AUX CINQ PLAIES.

.

Mon propos n'est pas de traiter l'ensemble de ce sujet, ni même de me restreindre à son iconographie (cf le Vulnéraire du Christ par L. Charbonneau-Lassay), mais d'illustrer très sommairement  comment l'enluminure de la Somme du Roi s'ancre dans une longue tradition iconographique.

A. Remarquons d'abord que l'image sacrée  est au centre même de la conversion de saint François, puisque celle-ci  survient alors qu'il prie devant le crucifix de la chapelle Saint-Damien d'Assise. C'est face à ce crucifix qu'il entend une vois lui demandant "de réparer son église en ruine".

Remarquons aussi que l'image, qui devient alors une théophanie, est au cœur du récit de la stigmatisation , récit composé par le frère mineur Thomas de Celano composa en 1228, pour la canonisation de François.  L'événement survenu près d'un ermitage du mont Alverne. François, deux ans avant son décès « vit dans une vision un homme, semblable à un séraphin doté de six ailes, qui se tenait au-dessus de lui, attaché à une croix, les bras étendus et les pieds joints. Deux ailes s'élevaient au-dessus de sa tête, deux autres restaient déployées pour le vol, les deux dernières lui voilaient tout le corps ».  Dans la Legenda chori, Thomas de Celano ne parle plus d'un homme ressemblant à un séraphin, mais bien d'un séraphin à six ailes, que François vit descendre du ciel, ce qui introduit l’idée d ’un mouvement, d'un surgissement. Cet ange prononça des paroles très énergiques (verba efficacissima), que François ne voulut révéler à personne. Enfin, Thomas de Celano ne dit pas explicitement que le séraphin est crucifié, il a les mains étendues, le flanc droit blessé et les pieds percés in modum crucis (à la manière du supplice de la croix).

Dans les deux cas, l'image du Christ en croix s'accompagne de paroles performatrices : déterminant François à l'action, ou le marquant en son corps. L'image parlante ne convainc pas tant l'esprit que le corps et le cœur.

.

 

B. Cette relation à l'image sacrée opérante, et capable d'ébranler les sens et le corps des fidèles, va susciter le développement d'une iconographie spécifique.

À un premier niveau, c'est Marie-Madeleine qui est peinte, au pied de la Croix, dans une extase et presque une transe (elle est cambrée, mains jointes tordues ou bras écartés) associant la douleur, l'amour, la compassion, le regret et la fusion mystique. Elle fait face au flot de sang qui s'écoule le long de la croix.

À un niveau suivant, ce sont des spectateurs commanditaires ou destinataires de la peinture qui sont représentés face à la Croix, en méditation, mais cette croix s'anime et opère puisque la figure du Christ émet, par ses plaies (et, au premier chef, par la plaie du flanc) un jet de sang qui atteint ou se dirige vers les fidèles. 

À un niveau suivant, le Christ crucifié est remplacé par le Christ mort dans les bras de sa Mère (Vierge de Pitié) ou de son Père (Trône de Grâce).

 

.

La tradition franciscaine a longuement nourri les correspondances entre le regard, l'image et sa substance. Cette interaction fait même partie des origines de l'ordre, à travers l'épisode du crucifix de San Damiano qui a suscité la conversion de François. Ici s'amorce une relation entre le saint et cet objet qui aboutira, au moment de la stigmatisation, à l'identification absolue entre le poverello et le Christ en croix. Dès lors, les crucifix deviennent partie intégrante de la piété propre aux Frères Mineurs, de leur mode de communiquer le message chrétien. Il est d'ailleurs significatif que ce soient les crucifix peints des ordres mendiants – eux-mêmes des références au Crucifix de Beyrouth – qui aient préparé le chemin pour le succès de l’Imago Pietatis. Ils en sont en quelque sorte les géniteurs comme l’Imago Pietatis l'est pour la Pietà. Il y a comme une filiation dévotionnelle qui les relie et qui va, au moins avec l'Onction de Pesaro, jusqu'à l'usage symbolique du matériau." (Petrick 2012)

"Saint François et les Franciscains utilisent de façon privilégiée les représentations du Christ sur la croix tout au long du XIIIe siècle. L'analyse des crucifix ombriens montre le recours constant que fait François à l'image du crucifié : témoin de la Passion, il est stigmatisé sur les hauteurs de l'Alverne et devient ainsi la vivante image du Christ. Puis, par un plus grand souci de narratif, les Franciscains rejoignent une évolution en cours dans les ateliers de peinture depuis le début du siècle : le Christ triomphant s'humanise peu à peu et s'efface devant le nouveau type du  Christ de douleur qui s'affirme vers 1250-1255. Dans le même temps, autour d'Assise, s'élabore un style franciscain qui enrichit le vieux fonds ombrien local de tout un nouvel apport spirituel. Après 1270, saint François est placé au pied de la croix. Ainsi se dessine sur tout le XIIIe siècle l'histoire nuancée des rapports des Franciscains à l'image." (Russo 1984)

.

La Dévotion des Cinq Plaies et du Sang n'est pas spécifique aux Franciscains, et est également adoptée par les Dominicains ainsi que par la "société civile" des nobles et bourgeois adeptes d'une dévotion individuelle et intime.

 

.

Les images parleront désormais sans que j'ai à les commenter. Je citerai ici Émile Mâle, figure princeps de l'Iconographie (L'art religieux à la fin du Moyen-Âge) :

 

https://ia800504.us.archive.org/32/items/lartreligieuxdel00mleem/lartreligieuxdel00mleem.pdf

"Veut-on voir maintenant ce qu'imagine le XIVe siècle ? Ouvrons les Révélations de sainte Brigitte, un de ces livres ardents qui ont laissé une trace profonde.

C'est la Vierge elle-même qui parle à la sainte, et qui lui raconte tout ce qu'elle a souffert. Elle a vu mettre son fils en croix, et elle s'est évanouie; et voici dans quel état elle l'a revu, quand elle est revenue à elle : « Il était couronné d épines, ses yeux, ses oreilles et sa barbe ruisselaient de sang... Ses mâchoires étaient distendues, sa bouche ouverte, sa langue sanguinolente. Le ventre, ramené en arrière, touchait le dos, comme s'il n'avait plus d'intestins. »

A la dévotion qu'on avait pour les instruments de la Passion s'associait naturellement le culte des plaies de Jésus-Christ. Cette forme nouvelle de la piété remonte peut-être jusqu'à saint Bernard, s'il est vrai qu'il soit l'auteur de l'hymne qu'on lui attribue. C'est une suite d'apostrophes pathétiques qui s'adressent à toutes les parties du corps de Jésus-Christ qui souffrirent pour les hommes. Saint Bernard, disait-on, après avoir composé ces strophes, les avait récitées devant un crucifix qui s'était incliné vers lui et l'avait embrassé. Il est probable que l'hymne, s'il remonte réellement au XII siècle, a été remanié et amplifié au XIVe. C'est au XIVe siècle, en effet, que commence à se répandre la dévotion aux cinq plaies. Sainte Gertrude méditait sur ces cinq plaies et les voyait briller comme le soleil. Elle pensait qu'elles avaient dû s'imprimer dans son cœur. C'est alors aussi que les oraisons aux cinq plaies commencent à apparaître dans les livres d'Heures .

Au XVe siècles, des confréries se créent sous le vocable des cinq plaies. De riches bourgeois fondent des messes en l'honneur des cinq plaies. Une prière que l'on récitait en l'honneur des cinq plaies passait pour empêcher de mourir « de vilaine mort». L'art essaya de s'associer comme il put à ces sentiments. Au XVe siècle, on inventa un blason des plaies, comme on avait imaginé, au XIVe, un blason des instruments de la Passion. On voyait, à Limoges, sur le saint sépulcre de l'église Saint-Etienne, un écusson «avec les cinq plaies au naturel sur fond d'or ».

Les Allemands et les Flamands crurent faire mieux en mettant sur un écu chacun des membres coupés. D'autres fois, ils enferment l'Enfant Jésus dans un cœur blessé et disposent tout autour deux pieds et deux mains transverberés. Ces vieilles gravures sur bois, images populaires dont le paysan décorait le manteau de sa cheminée, nous font pénétrer fort avant dans le génie secret du xv" siècle. C'est un monde étrange. On y respire une atmosphère de piété ardente et presque sauvage. Une de ces images nous montre un religieux au pied de la croix. Quatre longs fils unissent sa bouche à quatre plaies de Jésus-Christ. En face, un laïque est rattaché de la même manière à six péchés capitaux. Cette petite image enseigne, comme les mystiques, que toute sagesse, toute vertu découle des plaies de Jésus- Christ, et qu'il faut, comme dit Tauler, « coller sa bouche sur les blessures du crucifié ».

 

Des cinq plaies, celle du côté était regardée comme la plus sainte. On croyait en savoir la dimension exacte qui était donnée par celle du fer de la sainte lance. Dans une Image du monde, manuscrit de la première partie du XIVe siècle [ (BnF fr.574 f.140v, vers 1320], qui a appartenu plus tard au duc de Berry, on voit déjà la plaie du côté représentée avec sa grandeur réelle ; au XVe siècle, on rencontre fréquemment dans les livres d'Heures imprimés une image de cette plaie. Deux anges semblent la porter dans une coupe d'or.

Mais il y a quelque chose de plus émouvant que les plaies du Christ, c'est le sang qui coule de ces plaies. Combien de chrétiens, avant Pascal, avaient médité sur ce sang d'un Dieu dont chaque goutte avait sauvé des milliers d'âmes. La Vitis mystica, qu'on attribuait à saint Bernard, compare la Passion à une rose sanglante. Saint Bonaventure, dans le Lignum vitae, s'écrie que Jésus, arrosé de son propre sang, lui apparaît vêtu de la pourpre pontificale. Mais c'est au XIVe et au XVe siècle que le sang divin ruisselle. Sainte Brigitte, sainte Gertrude, Tauler, Olivier Maillart voient ce sang couler comme un fleuve. Ils voudraient s'y baigner. Les visions de la bienheureuse Angèle de Foligno lui montrent sans cesse le sang de son Dieu. Lorsque, dans l'église de Saint-François, au moment de l'élévation, pendant que les orgues jouent doucement, son âme est ravie « dans la lumière incréée », elle voit presque toujours Jésus couvert de sang. Quelques instants avant de mourir, elle dit qu'elle venait de recevoir le sang de Jésus-Christ sur son âme, et qu'elle l'avait senti aussi chaud que s'il descendait de la croix.

Ce sang divin, dès le XIVe siècle, les artistes nous le font voir. Non seulement ils représentent le sang coulant des plaies de Jésus, mais il leur arrive souvent de nous montrer son corps tout marbré de taches rouges. Chose curieuse, les vieilles gravures populaires du XVe siècle, qui représentent le Christ en croix ou le Christ de pitié, sont souvent relevées de rouge pour que le sang et les plaies frappent d'abord le regard .

L'idée de souffrance, unie à l'idée de rédemption, a donné naissance à toute une suite d'œuvres d'art où est exaltée la vertu du sang. Je veux parler du thème mystique connu sous le nom de Fontaine de vie. Du centre d'une grande vasque s'élève la croix. De longs jets de sang jaillissent des plaies du Sauveur et emplissent la cuve autour de laquelle se pressent les pécheurs. Plusieurs ont déjà dépouillé leurs vêtements et s'apprêtent à entrer dans ce bain salutaire. C'est là, sans doute, un symbole eucharistique, mais qui ne pouvait naître que dans l'âge violemment réaliste où nous sommes entrés. Il fallait, pour l'imaginer, avoir la pensée sans cesse occupée de ce sang- divin. D'ailleurs, ces Fontaines de vie me paraissent être, à l'origine, en relation étroite avec le culte qu'on rendait au Précieux Sang dans diverses églises.

Dès le temps des croisades arrivèrent en Occident, dans des reliquaires de cristal, quelques gouttes du sang divin. Il semblait qu'on eût enfin trouvé ce Saint Graal que les chevaliers de la Table Ronde avaient cherché par toute la terre. A Bruges, dans la petite chapelle de Thierry d'Alsace, le rêve des poètes devenait une réalité. Tout chrétien pouvait y voir le sang qui avait sauvé le monde. Une immense poésie rayonnait du sanctuaire de Bruges. Aucun doute alors ne pouvait effleurer le croyant et ternir la beauté de la légende. Bientôt il y eut des gouttes du Précieux Sang en France, en Italie, en Allemagne, en Angleterre. Le Saint Sang que l'on montrait à l'abbaye de Fécamp avait été trouvé caché dans le tronc d'un antique figuier que la mer avait jeté à la côte. Le figuier venait de la Terre-Sainte, et c'était le neveu de Joseph d'Arimathie, Isaac, qui avait enfermé la relique dans l'écorce de l'arbre. Ainsi les poèmes du Saint Graal devenaient féconds et faisaient naître de réelles merveilles. .

La dévotion au Précieux Sang, qui fut toujours très vive, s'accrut encore à la fin du moyen âge. A Bruges, ce fut seulement au XIVe siècle que la confrérie du Saint Sang prit naissance et que commença la fameuse procession du mois de mai. Ce fut au XVe siècle que s'éleva, au-dessus de la vieille crypte romane de Thierry, la haute chapelle gothique, plus digne de l'insigne relique.  Au XVe siècle, le culte du Saint Sang s'organise, et on voit apparaître des proses écrites en son honneur. Ce fut alors aussi que les peintres imaginèrent le thème de la Fontaine de vie, qui est, à sa manière, une sorte d'hymne au Précieux Sang.

On peut presque affirmer, je crois, que ce motif nouveau est né dans une des villes qui rendaient un culte à la sainte relique. On sait que la Fontaine de vie du Musée de Lille, œuvre de Jean Bellegambe, fut peinte pour l'abbaye d'Anchin. Or l'abbaye d'Anchin possédait depuis 1239 quelques gouttes du Précieux Sang." (E. Mâle, 1908)

 

.

 

 

Simone Martini.

Simone Martini.

Calvaire avec un moine chartreux, Louvre.

Calvaire avec un moine chartreux, Louvre.

Chartreux au pied d'un crucifix.

Chartreux au pied d'un crucifix.

De modo orandi, 1.

De modo orandi, 1.

De modo orandi, 2.

De modo orandi, 2.

Retable de Boulbo, Le Louvre.

Retable de Boulbo, Le Louvre.

Fra Angelico, saint Dominique au pied de la Croix.

Fra Angelico, saint Dominique au pied de la Croix.

Fra Angelico, Crucifixion.

Fra Angelico, Crucifixion.

Fra Angelico Saint Dominique, au pied de la Croix.

Fra Angelico Saint Dominique, au pied de la Croix.

Fra Angelico un saint moine au pied de la Croix.

Fra Angelico un saint moine au pied de la Croix.

Fr Angelico, Juan de Torquemada.

Fr Angelico, Juan de Torquemada.

Jean de Baumetz, calvaire avec un moine chartreux.

Jean de Baumetz, calvaire avec un moine chartreux.

Ludolphe le Chartreux.

Ludolphe le Chartreux.

.

.

LA VIERGE DE PITIÉ  

 

"Le thème iconographique de la Vierge de Pitié ou de Compassion (Pietà en italien) apparaît dans les pays germaniques, au milieu du XIVe siècle. Il est formé de la Vierge assise, tenant le Christ mort couché sur ses genoux, au soir du Vendredi-Saint. Ce motif est apocryphe, il n’a pas de fondement scripturaire ; la piété des croyants est venue enrichir la tradition. Il se répand à la fin du Moyen Age, en lien avec une dévotion plus intime et centrée sur la Passion du Christ (devotio moderna), sous l’influence des ordres religieux (Franciscains). Cette nouvelle image s'est formée selon le processus d'extraction du motif principal d'une scène plus vaste, la Déploration ou Lamentation sur le Christ décloué de la croix." (source)

 

.

 

 Del Garbo ou dei Carli ou dei Capponi, Raffaellino (Florence, vers 1466 - Florence, en 1524), Pieta avec Saint Benoît, Saint François, Saint Jean et Sainte Marie-Madeleine vers 1500-1525 Petit Palais, musée des Beaux-arts de la Ville de Paris

https://www.parismuseescollections.paris.fr/fr/petit-palais/oeuvres/pieta-avec-saint-benoit-saint-francois-saint-jean-et-sainte-marie-madeleine#infos-principales

.

Dévotion franciscaine aux Plaies du Christ à la cour ducale de Bretagne au XVe siècle : l'exemple d'Isabelle Stuart.

.

.

Le Pérugin, Gonfanon avec la Pietà , 1472 environ,  Galerie nationale de l'Ombrie à Pérouse.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Gonfanon_avec_la_Piet%C3%A0

 

.

Dévotion franciscaine aux Plaies du Christ à la cour ducale de Bretagne au XVe siècle : l'exemple d'Isabelle Stuart.

.

.

Annibale Carracci Pietà avec saint François et sainte Marie-Madeleine (1602-1607), Musée du Louvre

https://www.wikiart.org/fr/annibale-carracci/pieta-avec-saint-francois-et-sainte-marie-madeleine-1607

Dévotion franciscaine aux Plaies du Christ à la cour ducale de Bretagne au XVe siècle : l'exemple d'Isabelle Stuart.

.

.

 

Peter Paul Rubens et atelier Pietà avec saint François, Musée royaux de Belgique

https://www.fine-arts-museum.be/fr/la-collection/peter-paul-rubens-et-atelier-pieta-avec-saint-francois

 

 

 

.

Dévotion franciscaine aux Plaies du Christ à la cour ducale de Bretagne au XVe siècle : l'exemple d'Isabelle Stuart.

.

.

CONCLUSION.

.

L'enluminure f. Fv de l'exemplaire de La Somme du Roi copié en 1464 pour Isabeau Stuart est explicite : la duchesse, reprenant pour son compte le patronage de François d'Assise, saint patron de son époux le duc François Ier (décédé 14 ans plus tôt), y est peinte contemplant les plaies du Christ tenu dans les bras de la Vierge, et cette contemplation mystique est mise en parallèle à la stigmatisation du saint (concomitante sur l'image) pour en indiquer le but. L'image de la Vierge de Pitié n'est pas là pour aider la duchesse dans ses prières latine et en illustrer le sens, elle s'impose comme un exercice spirituel d'identification et d'imitation du Christ. 

Considérées ainsi, les enluminures de ses livres d'Heures apparaissent comme autant de nouvelles voies d'accès à cette participation émotionnelle aux souffrances du Christ, participation par le corps et par les sens où il s'agit moins de comprendre que de ressentir dans sa chair les vérités de la Rédemption.

La plaie du flanc droit du Christ lors de la Crucifixion devient le point focal de cette dévotion sensorielle. On comprend qu'il soit essentiel de donner à voir, à toucher (et sans doute à embrasser) cette plaie dans la réalité de sa longueur, de sa largeur, et — par l'effet d'ombrage — de sa profondeur, et d'en proposer un fac-simile convaincant, alors même que l'image est fort pauvre  pour sa valeur esthétique ou son contenu. 

Cette dévotion individuelle hors des offices menés par les clercs, a été celle des Chartreux, des Franciscains et des Dominicains, et la contemplation des plaies du Crucifix, puis de celle du Christ dans les bras de la Vierge, va largement orienter la production artistique, puisque les peintures, qui vont devenir privées (fresques des cellules monastiques puis retables portatifs et panneaux de petite dimension), en seront le support. (Bien-sûr, la même réflexion pourrait être mené concernant la création musicale pour éclairer l'ouverture du sens auditifs).

Nous avons un témoin de cette pratique à la cour ducale de Bretagne sous François Ier et sa seconde épouse Isabeau Stuart, puis sous son frère Pierre II. Pourrait-on la retrouver sous Anne de Bretagne ? En tout cas, nous disposons d'un autre témoignage, concernant le dominicain Yves Mahyeuc (1462-1541), évêque de Rennes qui fut confesseur d'Anne de Bretagne, de Charles VIII puis de Louis XII (même si deux homonymes, peut-être l'oncle et le neveu, sont réunis sous ce nom) : il portait sur ses vêtements des croix imprimés et une goutte de sang, "baillés" par Brigitte de Suède (canonisés en 1391), dont les Révélations, qui  furent traduites en français à Lyon en 1536 (cf. Augustin Pic).

Ce qui est certain, c'est que les calvaires de Bretagne fleurirent au XVe et XVIe siècle, notamment en pierre de kersanton par l'atelier des Prigent de Landerneau, et que ceux-ci sont les nouveaux supports, accessibles à tous, de cette piété. On y voit partout des anges hématophores (recueillant le sang des plaies du Christ dans des calices), des Marie-Madeleine agenouillées devant le fût de la croix, des Vierge de Pitié, et des saints personnages dont les larmes sont soigneusement sculptées.

.

 

 

 

.

 

 

.

.

SOURCES ET LIENS.

.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Plaies_du_Christ

https://fr.wikipedia.org/wiki/Pri%C3%A8re_%C3%A0_J%C3%A9sus_crucifi%C3%A9

— BERNAZZANI (Amélie), Un seul corps, la Vierge, Madeleine et Jean dans les lamentations italiennes.

https://books.openedition.org/pufr/8077?format=toc

 

— BOZOKY (Edina), 2009,« Les romans du Graal et le culte du Précieux Sang », Tabularia [Online], Precious Blood: Relics and worship, 

https://journals.openedition.org/tabularia/1108?lang=en

— DIDI-HUBERMAN (Georges), 1986, Didi-Huberman, La dissemblance des figures selon Fra Angelico , Mélanges de l'école française de Rome 98-2 pp. 709-802

https://www.persee.fr/doc/mefr_0223-5110_1986_num_98_2_2879

— LEROQUAIS (abbé V.), 1927, Les Livres d'Heures manuscrits de la Bibliothèque nationale, vol. I.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k15129612.image

http://petruccilibrary.ca/files/imglnks/caimg/5/57/IMSLP501534-PMLP812258-39087007733399_v.1.pdf

— MÂLE (Émile), 1908, L’art religieux de la fin du Moyen Âge en France. Étude sur l’iconographie du Moyen Âge et sur ses sources d’inspiration, 3e éd., Paris, Armand Colin, 1925, p. 87 sq. Sur le sang, p. 108 sq. [3e éd., Paris, Armand Colin, 1925]

https://ia800504.us.archive.org/32/items/lartreligieuxdel00mleem/lartreligieuxdel00mleem.pdf

— PETRICK (Vicki-Marie), 2012, « Unctio : la peinture comme sacrement dans la Pietà de Giovanni Bellini à la Pinacothèque Vaticane », Images-Revues, 9, 2012 [en ligne] http://imagesrevues.revues.org/1899

— PETRICK (Vicki-Marie), Le Corps de Marie-Madeleine et ses représentations en Italie du Duecento à Titien. Thèse soutenue le 27 juin 2012.

—  RAYNAUD (Christiane) , 1991, La mise en scène du coeur dans les livres religieux de la fin du Moyen Âge, in LE « CUER » AU MOYEN ÂGE © Presses universitaires de Provence, 1991 p. 313-343https://books.openedition.org/pup/3121?lang=fr#bodyftn16

— RUSSO (Daniel), « Saint François, les Franciscains et les représentations du Christ sur la croix en ombrie au xiiie siècle »,. Recherches sur la formation d'une image et sur une sensibilité esthétique au Moyen Âge, MEFRM (Mélanges de l'école française de Rome ), 96 (1984), n° 2, p. 647-717.

https://www.persee.fr/doc/mefr_0223-5110_1984_num_96_2_2772

.

Partager cet article
Repost0
Published by jean-yves cordier - dans Enluminure

Présentation

  • : Le blog de jean-yves cordier
  • : 1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
  • Contact

Profil

  • jean-yves cordier
  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué). "Les vraies richesses, plus elles sont grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)

Recherche