"Au Mont-Dol, on distingue trois phases chronologiques des peintures murales :
Un décor primitif peint vers 1200 lors de l'édification de l'église et dessinant sur l'élévation des murs un faux appareillage (ocre et rouge sur fond blanc), complété par une frise tracée entre les arcs et les fenêtres hautes. De très élégants rinceaux de palmes souples sont placés entre deux ordures ocre et rouge. L'avant-chœur, réservé aux chanoines de la cathédrale de Dol, est séparé de la nef par une rupture d'alignement entre l'appareillage factice et la frise entre les deuxième et troisième travées.
Un second décor peint, appliqué directement sur le précédent, a été exécuté en technique mixte — fresque et détrempe— dans la seconde moitié du XVe siècle, comme l'indiquent les costumes des personnages et les comparaisons avec d'autres peintures murales. Il est tout entier consacré à la Passion du Christ et se lit dans le sens des aiguilles d'une montre, en débutant par le mur nord. Il se continuait sur l'arc triomphal aujourd'hui disparu avant de se poursuivre sur le mur sud jusqu'à son extrémité occidentale. Ce cycle se composait de 21 panneaux (ceux du nord peints en partie sur les fenêtres alors murées) ; seulement 11 de ceux-ci ont été conservés entièrement ou sous forme de vestiges plus ou moins visibles.
Enfin la célèbre scène de l'enfer, à l'extrémité occidentale du mur sud, ne s'articule avec le cycle de la Passion ni par son sujet, ni par les dimensions de la mise en page. Elle a été réalisée peu de temps plus tard et correspond probablement à un projet de modification des trois dernières scènes, abandonné après son exécution." (M. Déceneux)
Leurs découvertes en 1867, leurs restaurations en 1972.
Les peintures avaient été recouvertes, comme souvent, par des enduits récents, mais lors de la restauration générale de la charpente et du débouchage des fenêtres nord, un vaste ensemble de peinture est apparu, et fit l'objet d'un relevé (très sommaire) du peintre Théodore Busnel avant d'être recouvert d'un nouveau crépi...
Remis à jour en 1946 grâce à l'intervention du chanoine Descotte, ancien curé du Mont-Dol, l'ensemble fut entièrement restauré par le fresquiste Robert Baudouin en 1972. On découvrit alors de nouveaux éléments.
Comparaison avec Kernascléden (Morbihan) , dont les peintures peintes directement sur la pierre vers 1464 sont contemporaines du cycle de la Passion du Mont-Dol, et présente également une peinture des Enfers plus tardive (après 1492), à côté d'une danse macabre.
Programme des peintures murales du XVe siècle , du nord au sud dans le sens horaire :
—Côté nord :
L'Entrée à Jérusalem
Trahison de Judas (très partiellement conservé)
La Cène. première fenêtre du mur nord. Il ne subsiste que le tiers droit.
Le Lavement des pieds
Agonie au Mont des Oliviers. Le plus mal conservé.
L'Arrestation de Jésus.
—Les scènes disparues de la partie orientale du mur nord (six panneaux : Comparutions, Flagellation, Outrages, Couronnement d'épines, Ecce Homo, Portement de Croix ? ), de l'arc triomphal (Crucifixion?) et du débutr du mur sud (1 panneau).
— Côté sud
Mise au Tombeau
Résurrection
Descente aux Limbes
Apparition à Marie-Madeleine: Noli me tangere.
Apparition aux Pèlerins d'Emmaüs
— Côté sud première travée :
Deux scènes remplacées par une grande scène de l'Enfer.
LA SCÈNE DE L'ENFER, PREMIÈRE TRAVÉE DE LA NEF CÔTÉ SUD.
Elle présente un grand intérêt pour celui qui la compare d'une part à l'Enfer de Kernascéden, avec laquelle elle a de nombreux points communs, et qui recherche ses sources d'autre part dans les Calendriers du Berger (Compost et Kalendriers des Bergiers) édités à partir de 1492, et de l'Art de bien mourir (Ars Moriendi), 1ère édition en 1492. Les deux ensembles sont sans-doute contemporains de la toute fin du XVe siècle.
On y trouve en effet regroupés , comme à Kernascléden, sous forme de saynètes les représentations des principales peines reservés aux damnés selon la typologie de leurs fautes, précisément comme elles sont détaillées et commentées et illustrées dans ces deux ouvrages.
Je renvois à mon article sur l'Enfer de Kernascléden pour l'analyse de cette iconographie et de ses sources.
I. Le supplice de la roue destiné aux orgueilleux.
II. Le supplice du chaudron réservé aux avares.
III. Le supplice de l'arbre sec aux branches acérées réservé aux héritiers d'un usurier couché dans le puits.
IV. le diable géant Asmodée dévorant un damné.
V. La gueule de Léviathan (effacé).
L'Enfer, peinture murale (fin XVe) de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
L'Enfer, peinture murale (fin XVe) de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
L'Enfer, peinture murale (fin XVe) de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
I. Le supplice de la roue, destiné aux orgueilleux.
Dans les représentations des Peines de l'enfer, anciennes mais qui, dans la dernière décade du XVe siècle, on décrit en sept châtiments, pour autant que de péchés capitaux.
Ici, il est facile de reconnaître ici le premier supplice, précisément celui de la roue, qui punit le péché d'orgueil. Dans cette tradition, plusieurs roues tournent entre de hautes montagnes, et les damnés y sont attachés, passant leur éternité à monter puis à être précipité dans les flammes tandis que Léviathan, « capitaine des orgueilleux », préside à leurs tortures en les frappant d'un bâton de feu.
Une roue à huit rayons est posée sur un tréteau, et un grand diable noir, doté d'une longue queue et de très longues cornes, en tourne la manivelle. Sur l'extérieur de la roue sont retenus trois damnés (seuls deux sont visibles aujourd'hui) qui subissent indéfiniment les supplices que leur inflignent trois démons cornus (dont un est ailé) armés d'épieux. Le bâtit en bois est semblable à celui de Kernascléden, le nombre des rayons également. Le diable tournant la manivelle se devine à Kernascléden. Les vues de détail montrent que le diable en haut à gauche est placé sous de grandes flammes, qui devaient se poursuivre vers la droite. La pointe de son épieu est rougie.
On remarque aussi sur les clichés que les damnés sont transpercés par des lames en demi-lune.
On peut intégrer à cette scène les deux démons qui transportent vers le lieu du supplice de nouveaux damnés : l'un (perdu) les portent dans une hotte, l'autre, qui est ailé, dans une brouette.
La scène en bas à gauche montre un diable à califourchon sur une femme nue aux cheveux longs placée à quatre pattes. Il lui tire les cheveux, et la transperce ou la frappe d'un coutelas. Elle n'appartient pas à ce supplice de la roue.
L'Enfer, peinture murale (fin XVe) de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
L'Enfer, peinture murale (fin XVe) de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
L'Enfer, peinture murale (fin XVe) de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
L'Enfer, peinture murale (fin XVe) de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
L'Enfer, peinture murale (fin XVe) de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
L'Enfer, peinture murale (fin XVe) de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
L'Enfer, peinture murale (fin XVe) de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
II. Le supplice du chaudron réservé aux avares.
L'Enfer, peinture murale (fin XVe) de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
III. Le supplice de l'arbre sec aux branches acérées réservé aux héritiers d'un usurier couché dans le puits.
À Kernascléden, un arbre se dresse à partir d'un puits où baignent des damnés. Aux branches acérées de cet arbre sec sont pendus sept autres damnés, qui y sont liés ou transpercés en diverses parties de leurs corps. Ils sont tourmentés par quatre ou cinq diables qui les mordrent, les griffes, les fouettent ou les aggripent de leurs crocs.
La fresque du Mont-Dol montre des corps pendant des arbres par les pieds ou par le cou. L’imagination du peintre semble s’être nourrie des lectures du passage de l’Art de bien Mourir. En effet, ici comme à Kernascléden, l'arbre est planté dans un puits.
L'Enfer, peinture murale (fin XVe) de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
L'Enfer, peinture murale (fin XVe) de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
L'Enfer, peinture murale (fin XVe) de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
IV. Asmodée dévorant un damné.
Un diable géant, Asmodée, à double paire de cornes et tête de bovin, dévore par les pieds un damné. La lecture de l'image est difficile, il pourrait s'agir d'un enfant.
L'Enfer, peinture murale (fin XVe) de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
L'Enfer, peinture murale (fin XVe) de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
V.La gueule du Léviathan.
Théophile Busnel a représenté, à l'extrême gauche, sous la fenêtre, la gueule d'un Léviathan, aujourd'hui effacé.
SOURCES ET LIENS.
— Source principale : panneaux explicatifs provenant d'une exposition réalisée par la ville du Mont-Dol et exposés dans l'église, dont les textes sont de Marc Déceneux, docteur en histoire de l'art.
Je salue la qualité de ces panneaux nombreux et très bien illustrés.
— Voir aussi :
2003, Bulletin de l'Association Bretonne T 112 130ème congrés (non consulté)
— CHARTIER (Jean-Jacques) : l'église du Mont-Dol. Non consulté
SUR LA REPRÉSENTATION DE L'ENFER À LA FIN DU XVE SIÈCLE :
— BASCHET (Jérôme), 1993 Les Justices de l’au-delà. Les représentations de l’enfer en France et en Italie (XIIe -XVe siècle), Rome, EFR, 1993, p. 437-448 et fig. 152-159.
https://journals.openedition.org/ccrh/2886
— BASCHET (Jérôme), 1993, Les justices de l'au-delà. Les représentations de l'enfer en France et en Italie (XIIe-XVe s.). Rome, Ecoles françaises d'Athènes et de Rome, 1993. Christe Yves, compte-rendu Cahiers de Civilisation Médiévale Année 1995 Suppl. 1995 pp. 4-7
En résumé, on retiendra ces quelques conclusions. L'enfer gothique est figuré le plus souvent par la gueule d'enfer — elle est déjà attestée au xne s. — d'abord comme seuil infernal, ensuite comme lieu de tourments. Celle-ci est également l'image usuelle de l'enfer dans les manuscrits contemporains. Elle est accompagnée par la marmite sur le feu qui, à partir du milieu du xine s. (Bourges, puis Rouen), tend à se confondre avec elle. Il est rare au nord des Alpes que Satan intronisé préside aux supplices infernaux. Le portail de Conques et celui de Notre-Dame de la Couture au Mans, un siècle plus tard, en présentent une illustration exceptionnelle. À cette courte liste, j'ajouterai un témoignage précoce mais très important, celui des tituli de Gauzlin pour le revers de la façade de Saint-Pierre de Fleury au début du xie s. « Satan enchaîné dans une prison qui vomit des flammes » évoque exactement le même sujet dans YHortus Deliciarum d'Herrade de Landsberg.
— BASCHET (Jérôme), 1985, Les conceptions de l'enfer en France au XIVe siècle : imaginaire et pouvoir, Annales Année 1985 40-1 pp. 185-207
— FRAPPIER ( Jean), 1953,. Châtiments infernaux et peur du Diable. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1953, n°3-5. pp. 87-96;
Les peintures murales de l'église du Mont-Dol I : la Passion du Christ (11 panneaux restant, seconde moitié du XVe siècle) .
PRÉSENTATION.
"Au Moyen-Âge, les murs des églises étaient systématiquement enduits et peints, à l’intérieur mais sans doute aussi à l'extérieur. Mais dans les régions de l'Ouest de la France, ces décors n'ont été que rarement préservés en raison de l'humidité du climat et des nombreux aménagements et des reconstructions des sanctuaires à l'époque moderne.
Pourtant, le territoire de la baie du Mont-Saint-Michel offre un remarquable ensemble de peintures murales médiévales, notamment dans les églises de Saint-Jean-le-Thomas, du Mont-Dol, et de l'abbaye du Mont-Saint-Michel.
Les décors sont réalisés avec des pigments finement broyés employés purs ou en mélange : la chaux pour le blanc, le charbon de bois et le noir de fumée pour le noir, les terres naturelles pour l'ocre rouge et l'ocre jaune, le minium (oxyde de plomb) pour le rouge éclatant, l'argile et des sels de cuivre pour les verts et bleus, le lapis-lazuli pour le bleu éclatant.
Sur nos murs, les grands éléments étaient peints a fresco, directement sur l'enduit frais (ce qui suppose une grande maîtrise de l'art car les reprises sont impossibles) et les détails étaient ajoutés après séchage (a secco) avec des pigments liés par un fixatif (colle de peau, de poisson, d'os bouilli, de blanc d'œuf ou de résine fondue. Le résultat, plus fragile que la fresque, permet des retouches à volonté."
L'église paroissiale du Mont-Dol appartenanit autrefois en propre à l'évêque et aux chanoines de Dol et a été édifiée vers 1200. Elle a fait ensuite l'objet de transformations, dont la reconstruction complète du cœur qui, autrefois, était séparé de la nef par un arc triomphal. Enfin, au XVe siècle, les fenêtres hautes de la nef nord avaient été murées (avant la mise en place des peintures de la Passion).
"Au Mont-Dol, on distingue trois phases chronologiques :
Un décor primitif peint vers 1200 lors de l'édification de l'église et dessinant sur l'élévation des murs un faux appareillage (ocre et rouge sur fond blanc), complété par une frise tracée entre les arcs et les fenêtres hautes. De très élégants rinceaux de palmes souples sont placés entre deux ordures ocre et rouge. L'avant-chœur, réservé aux chanoines de la cathédrale de Dol, est séparé de la nef par une rupture d'alignement entre l'appareillage factice et la frise entre les deuxième et troisième travées.
Un second décor peint, appliqué directement sur le précédent, a été exécuté en technique mixte — fresque et détrempe— dans la seconde moitié du XVe siècle, comme l'indiquent les costumes des personnages et les comparaisons avec d'autres peintures murales. Il est tout entier consacré à la Passion du Christ et se lit dans le sens des aiguilles d'une montre, en débutant par le mur nord. Il se continuait sur l'arc triomphal aujourd'hui disparu avant de se poursuivre sur le mur sud jusqu'à son extrémité occidentale. Ce cycle se composait de 21 panneaux (ceux du nord peints en partie sur les fenêtres alors murées) ; seulement 11 de ceux-ci ont été conservés entièrement ou sous forme de vestiges plus ou moins visibles.
Enfin la célèbre scène de l'enfer , à l'extrémité occidentale du mur sud, ne s'articule avec le cycle de la Passion ni par son sujet, ni par les dimensions de la mise en page. Elle a été réalisée peu de temps plus tard et correspond probablement à un projet de modification des trois dernières scènes, abandonné après son exécution." (M. Déceneux)
Sa découverte en 1867, sa restauration en 1972.
Les peintures avaient été recouvertes, comme souvent, par des enduits récents, mais lors de la restauration générale de la charpente et du débouchage des fenêtres nord, un vaste ensemble de peinture est apparu, et fit l'objet d'un relevé (très sommaire) du peintre Théodore Busnel avant d'être recouvert d'un nouveau crépi...
Remis à jour en 1946 grâce à l'intervention du chanoine Descotte, ancien curé du Mont-Dol, l'ensemble fut entièrement restauré par le fresquiste Robert Baudouin en 1972. On découvrit alors de nouveaux éléments.
Comparaison avec Kernascléden (Morbihan) : ces peintures peintes directement sur la pierre vers 1464 sont contemporaines du cycle de la Passion du Mont-Dol, et présente également une peinture des Enfers, à côté d'une danse macabre.
Programme, du nord au sud dans le sens horaire :
—Côté nord :
L'Entrée à Jérusalem
Trahison de Judas (très partiellement conservé)
La Cène. première fenêtre du mur nord. Il ne subsiste que le tiers droit.
Le Lavement des pieds
Agonie au Mont des Oliviers. Le plus mal conservé.
L'Arrestation de Jésus.
—Les scènes disparues de la partie orientale du mur nord (six panneaux : Comparutions, Flagellation, Outrages, Couronnement d'épines, Ecce Homo, Portement de Croix ? ), de l'arc triomphal (Crucifixion?) et du débutr du mur sud (1 panneau).
— Côté sud
Mise au Tombeau
Résurrection
Descente aux Limbes
Apparition à Marie-Madeleine: Noli me tangere.
Apparition aux Pèlerins d'Emmaüs
— Côté sud première travée :
Deux scènes remplacées par l'Enfer ( Apparition aux Apôtres devant Thomas ; Ascension ?)
Vue de la nef depuis le chœur. Photographie lavieb-aile 2024.
LE CÔTÉ NORD.
1°) 1ère travée : l'Entrée triomphale de Jésus à Jérusalem.
La scène est bien conservée, Jésus (nimbe crucifère) est monté sur son ânon, précédant les apôtres avec saint Pierre en tête. Devant Jésus, une palme est posée à terre, puis nous voyons les habitants de Jérusalem sortis des murailles pour dérouler leurs manteaux en guise de voie d'honneur. L'iconographie traditionnelle place ici l'épisode de Zachée, le riche chef des collecteurs d'impôts, monté sur les branches d'un sycomore car il est de petite taille. Dans les Evangiles, la scène se déroule lors de l'entrée à Jéricho (Luc 19:1-10)
La Passion : Peintures murales du XVe siècle de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
La Passion : Peintures murales du XVe siècle de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
La Passion : Peintures murales du XVe siècle de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
La Passion : Peintures murales du XVe siècle de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
La Passion : Peintures murales du XVe siècle de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
2°) 1ère travée, suite : La trahison de Judas.
Il ne reste aujourd'hui que la partie gauche.
Judas est nimbé, il fait face aux pharisiens, et tient une aumônière à la ceinture (non représentée par Théophile Busnel). Judas Iscariote était le trésorier du collège des apôtres, ce qui explique cette aumônière. Judas tend les mains vers la bourse aux trente deniers d'argent, remise par Caïphe et les membres du Sanhédrin en prix de son accord de leur désigner, par un baiser convenu, celui qui est Jésus parmi la troupe des disciples.
La Passion : Peintures murales du XVe siècle de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
La Passion : Peintures murales du XVe siècle de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
La Passion : Peintures murales du XVe siècle de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
3°) La Cène, première fenêtre du mur nord. Il ne subsiste que le tiers droit.
La scène se déroulait en grande partie sur le mur qui occultait alors la première fenêtre : lorsque les ouvertures nord ont été débouchées en 1867, les deux tiers du Dernier repas du Christ avec ses apôtres a été perdu. On ne voit plus que deux personnages, et notamment Judas, qui, de profil, identifiable à l'aumônière de sa ceinture, tend le bras gauche vers le plat qu'un apôtre dont on ne voit que la main) lui tend. Judas porte le même nimbe et la même tenue que sur la scène n°2 avec un manteau bleu sombre et une robe blanche et l'aumônière rouge.
Comparer avec la Cène de Kernascléden (vers 1464) :
La Passion : Peintures murales du XVe siècle de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
4°) Le Lavement des pieds des apôtres par Jésus (Jean 13:2-10).
Il manque le haut et la partie droite de la scène. Jésus, en robe blanche, est à genoux devant le bassin des ablutions, face à saint Pierre, dont on ne voit que le genou et la main. Derrière Jésus deux personnes sont debout, dont un qui tient le linge destiné à essuyer les pieds.
La Passion : Peintures murales du XVe siècle de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
5°) Agonie au Mont des Oliviers : la scène la plus mal conservée.
Le panneau était peint en partie sur la fenêtre murée. Il est amputé du haut et de la moitié gauche et ses couleurs son très atténuées. Jésus est représenté à genoux, et porte la même robe blanche que dans le panneau précédent. Il a les mains jointes en signe de prière, devant l'ange portant un calice, qui n'est pas conservé.
La Passion : Peintures murales du XVe siècle de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
6°) L'Arrestation de Jésus. Le Baiser de Judas.
Il manque une partie gauche. On distingue clairement Judas (même manteau bleu et même robe blanche que précédemment) embrassant Jésus , au nimbe crucifère.
À gauche, un soldat en armure dont le bouclier appuie sa pointe au sol face aux spectateurs, tend le bras pour saisir Jésus. À droite, saint Pierre vêtu de vert, vient de trancher l'oreille de Malchus, qui est allongé au sol.
Comparer avec la scène homologue de Kernascléden :
La Passion : Peintures murales du XVe siècle de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
La Passion : Peintures murales du XVe siècle de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
La Passion : Peintures murales du XVe siècle de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
LE CÔTÉ SUD.
7°) La Mise au Tombeau. 6ème travée.
À gauche, Joseph d'Arimathie (ou plutôt Nicodème), en manteau bleu et bonnet, barbu, portant un châle, tient les pieds de Jésus dont le corps est enveloppé d'un linceul, devant un autre personnage, en chausses, pourpoint rayé et chaussé de poulaines. D'autres personnages nimbés (probablement la Vierge et les saintes Femmes, et Jean en manteau rouge) se devinent en arrière-plan.
La Passion : Peintures murales du XVe siècle de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
La Passion : Peintures murales du XVe siècle de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
8°) La Sortie du Tombeau ou Résurrection. 5ème travée.
La partie supérieure est effacée. Le Christ ressuscité enjambe le tombeau, vêtu du manteau écarlate glorieux et tenant l'étendard de sa victoire sur la Mort. Deux soldats romains sont éblouis par la scène, et un est endormi.
La Passion : Peintures murales du XVe siècle de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
La Passion : Peintures murales du XVe siècle de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
La Passion : Peintures murales du XVe siècle de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
La Passion : Peintures murales du XVe siècle de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
La Passion : Peintures murales du XVe siècle de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
9°) La Descente aux Limbes. 4ème travée.
Jésus, vêtu de la cape rouge et tenant son étendard, enjambe la porte des Limbes, dont sortent Adam et Ève et les autres défunts.
La Passion : Peintures murales du XVe siècle de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
La Passion : Peintures murales du XVe siècle de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
La Passion : Peintures murales du XVe siècle de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
10°) Apparition du Christ ressuscité à Marie-Madeleine, ou "Noli me tangere". 2ème travée.
Le Christ, toujours vêtu du manteau rouge, portant le nimbe crucifère, et tenant la bêche, apparaît, dans un jardin clos de plessis, à Marie-Madeleine qui vient de le reconnaître malgré ses allures de jardinier et s'est agenouillée, tenant encore le flacon d'aromates destiné à l'embaumement. Elle porte un manteau rouge et une belle robe dorée cintrée sous la poitrine ; elle tend la main vers celui qu'elle vient d'appeler Rabouni. Le Christ lève la main droite pour la mettre en garde, illustrant la phrase rapportée dans l'évangile de Jean : Noli me tangere, "ne me touche pas" (Jean 20:11-18)
La Passion : Peintures murales du XVe siècle de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
La Passion : Peintures murales du XVe siècle de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
11°) L'apparition du Christ ressuscité aux pèlerins d'Emmaüs. 2ème travée.
Le Christ est assis entre les deux pèlerins et rompt le pain. Luc 24 : 13-35
La Passion : Peintures murales du XVe siècle de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
La première travée : l'Enfer : voire partie II
La Passion : Peintures murales du XVe siècle de l'église du Mont-Dol. Photographie lavieb-aile 2024.
SOURCES ET LIENS.
— Source principale : panneaux explicatifs provenant d'une exposition réalisée par la ville du Mont-Dol exposés dans l'église, dont les textes sont de Marc Déceneux, docteur en histoire de l'art.
Je salue la qualité de ces panneaux nombreux et très bien illustrés.
— Voir aussi :
2003, Bulletin de l'Association Bretonne T 112 130ème congrés (non consulté)
La chapelle de Notre-Dame-du-Loc àSaint-Avé, est un édifice en croix latine construit de 1475 à 1494, par deux recteurs successifs de la paroisse de Saint-Avé, Olivier de Peillac (1475-1488), puis André de Coëtlagat (1488-1504). Contrastant avec un extérieur assez sobre, son mobilier est d'une richesse remarquable et laisse deviner un commanditaire prestigieux, Jean IV de Rieux, maréchal de Bretagne sous le duc François II puis proche du roi Charles VIII et d'Anne de Bretagne. Après avoir décrit ses sablières sculptées, et son exceptionnel retable en albâtre, ce sont les statues et retables en granite, la croix de chancel et le bénitier qui font l'objet de cet article.
La statue de la fin du XVe siècle de Notre-Dame-du-Loc retiendra tout notre intérêt notamment par son thème de l'enfant-Jésus lisant, qui témoigne d'une influence flamande notamment de Malines ou du Brabant. Mais d'autres statues du XVe siècle sont à considérer, tout comme la très rare croix de chancel.
Comme dans les article précédents, celui-ci se nourrit de la remarquable étude de Diego Mens-Casals et en cite les extraits.
1. La statue de Notre-Dame-du Loc. Vierge à l'Enfant à la lecture. Calcaire de Saumur, polychrome, dernier quart du XVe siècle. Côté nord du chœur.
Vierge à l'Enfant, chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
Description.
La Vierge a un très beau visage, avec des yeux en amande étirée et des paupières supérieures sans pli palpébral, des sourcils épilés, un nez droit, une bouche triste ou amère mais aux lèvres charnues sous un philtrum marqué, tandis que l'avancée de la lèvre inférieure est indiquée par une fossette. L'étage inférieur est étroit, la rondeur du menton rond et fin est soulignée.
Les cheveux dénoués tombent en boucles dans le dos et sur les épaules.
Le pan gauche du menton fait retour sous le poignet droit où il doit s'attacher. Les deux pans sont réunis par une patte perlée, à deux fleurons.
Les chaussures sont pointues, confirmant la datation du XVe siècle.
Sur la statue de L'Enfant porte un bonnet de docteur, qui peut renvoyer à Jésus parmi les Docteurs de la Loi, et/ou indiquer qu'il est éminemment et précocément savant. Comme dans le tableau de Vittorio Carpaccio.
Tandis que sa mère garde de l'index droit la page qu'ils consultaient (comme dans le tableau de Van Eyck), Jésus tourne les pages précédentes, comme pour souligner un lien interne qui en éclaire le sens. La Vierge ne regarde pas le livre, mais son regard songeur se porte au loin, comme quelqu'un plongé dans ses pensées. Et son visage, figé, n'est pas serein, mais préoccupé par l'avenir, celui de la Passion de son Fils, que la lecture vient de révéler, ou du moins de rappeler.
Il serait logique de penser que l'Enfant indique, comme dans les œuvres semblables, à sa mère les pages suivantes (celles de son futur) et non les pages précédentes, annonçant ainsi sa Passion, d'où la gravité soucieuse du visage de la Vierge.
Mais on peut penser qu'ici, le livre est tourné vers nous, qu'il nous est présenté, et que c'est à nous que l'enseignement est donné : l'Incarnation est le préalable de la Rédemption.
Références iconographiques sur la Vierge à l'Enfant au livre :
Ce thème qui se développe en sculpture à la fin du XVe siécle sous l'influence des peintres flamands, est assez rare : dans le recensement des statues de Vierge à l'Enfant de Normandie aux XIIe-XVIe siècles par Brigitte Bellanger-Menand, je n'en trouve aucun exemple. J'en compte trois en Bretagne avec celle de Saint-Avé.
—Plobannalec ; Vierge assise montrant le livre ouvert à l'Enfant, chapelle Saint-Brieuc-de-Plonivel, bois polychrome, XVIe.
— Plouguerneau, chapelle du Grouanec, Vierge à l'Enfant assise, dite N.-D. du Grouanec, XVe siècle.
Diego Mens en signale un autre exemple en France, à Albiac (Aveyron), et deux en Belgique.
La statue de Jan II Borman datée vers 1500 et conservée dans l'église de Braine-le-Comte (Belgique) est très intéressante, car comme à Saint-Avé, l'Enfant tourne les pages au delà de celle que lit la Vierge .
https://balat.kikirpa.be/photo.php?objnr=10028679
Jan Borman II a également sculpté vers 1490-1500 une Vierge assise à l'Enfant lisant, en chêne, conservée au Louvre (inv RF 1370) . Là encore, l'enfant feuillette le livre au delà de la page antérieurement ouverte. Et là encore Jésus est représenté non pas en nouveau-né, mais comme un enfant plus âgé.
Le même Jan II Borman a réalisé à la même date une Vierge à l'encrier pour l'église Saint-Vincent de Soignies (Belgique) : l'Enfant écrit lui-même sur la page du livre présenté par sa Mère.
Une quatrième statue de Jan II Borman (ou Jan III, vers 1500-1515) conservée à Anvers est une Vierge à l'encrier, mais plus proche de Notre-Dame-du-Loc car l'Enfant est tenu sur le bras gauche et Marie est couronnée.
Le thème est plus souvent représenté en peinture, essentiellement à la même période.
—Le tableau le plus précoce, daté d’après 1433, jadis attribué à Jan Van Eyck est la Vierge à l’Enfant lisant ou Vierge d’Ince hall, huile sur panneau, , conservé à la National Gallery of Victoria, à Melbourne en Australie.
L'Enfant est assis face au spectateur et tourne les pages d'un livre enluminé, tandis que la Vierge conserve par un index gauche glissé entre les pages, l'endroit de sa lecture. C'est ce détail qui est repris pour Notre-Dame du Loc, mais il est clair ici que Jésus prend connaissance (ou indique à sa Mère) un passage bien plus éloigné des Écritures.
—Quinten Massys peint dans la 2nde moitié du XVe siècle une Vierge, assise, à l'Enfant tournant les pages d'un livre, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique Inv. 1497
—Botticelli peint en 1480 la Madonna del Libro (Museo Poldi Pezzoli de Milan). Les pages à rubriques (comme un livre d'heures) du livre sont partiellement lisibles, et on lit le début du passage d'Isaïe Ecce virgo annonçant, dans la lecture typologique, l'Incarnation, tandis que l'Enfant porte les clous et la couronne d'épines au poignet gauche et regarde sa Mère d'un air entendu.
—La gravure conservée au Louvre, du Maître Iam de Zwolle (Actif vers 1462-Actif vers 1495) montre là encore l'enfant Jésus tournant les feuillets d'un livre.
—La même scène est reprise par le Maître au feuillage en broderie, un peintre anonyme flamand actif entre 1480 et 1510 à Bruges et à Bruxelles : Vierge à l'Enfant, The Philadelphia Museum of Art
"Notre-Dame-du-Loc mesure près d’1,80 mètre et a été réalisée dans un calcaire de la région de Saumur. Si le matériau nous renvoie a priori au Val de Loire, l’œuvre est clairement influencée par les productions flamandes, notamment de Malines ou du Brabant.
Le thème de l’Enfant à la lecture avec la Vierge, déjà traité par Jan Van Eyck , se développe dans ce dernier quart du XVe siècle dans cette région, avec des variations allant d’une Vierge en majesté offrant le livre à son fils à des compositions proches de celle de Saint-Avé [Statue datée vers 1490-1500 conservée à l’église Saint-Gery de Braines-le-Comte] , comme la Vierge debout partageant la lecture avec Jésus, âgé de quelques années.
C’est notamment le cas pour une statue conservée aux Musées royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles [ Œuvre inventoriée 2542, datée vers 1480] , qui offre plusieurs similitudes avec celle de Saint-Avé : traitement identique des cheveux tombant sur les épaules, vêtements similaires pour Jésus aux pieds nus, grand fermail pour le manteau et qualité du traitement des plis, moins anguleux que sur des œuvres contemporaines en bois. Toutefois, le visage de la statue de Bruxelles est différent, car plus ovale.
À Saint-Avé, le visage est plus proche d’une seconde œuvre, en tilleul et plus petite (1,10 mètre), conservée dans l’église Notre-Dame d’Albiac (Aveyron), qui a également des caractéristiques très proches de la nôtre (fig. 9b). Elle semble avoir été sculptée vers 1480 par un atelier du Hainaut ou de Clèves [Baudouin, Jacques, La sculpture flamboyante en Rouergue, Languedoc, Éditions Créer, 2003, 382 p.,ici p. 314-31] . Jésus, assis sur le bras gauche de sa mère, regarde le livre ouvert qu’elle tient dans son autre main. La Vierge est vêtue d’un ample manteau et ses cheveux longs et ondulés sont ceints par une couronne assez simple, identique à celle du Loc. Si les plis opulents et cassés du manteau diffèrent, le visage de la Vierge est également un peu anguleux et grave, le regard posé sur le livre. Jésus, à la chevelure frisée, est aussi vêtu d’une robe.
La restauration de la statue de la chapelle du Loc a révélé une qualité supérieure de réalisation : galons avec godrons et perles sur le bord du manteau, orifices permettant d’y placer sans doute des cabochons de verres de couleur, dorure de la chevelure finement sculptée tombant sur les épaules, décor soigné du béguin et de la robe de l’Enfant. L’œuvre pourrait être brabançonne, sauf si la provenance du Val de Loire est confirmée par une nouvelle analyse pétrographique.
Quelle que soit l’origine exacte, la qualité d’exécution de cet ensemble atteste d’une réalisation par un atelier au fait des influences et des thèmes artistiques majeurs de cette fin du XVe siècle.
La commande pourrait émaner de Jean IV de Rieux, maréchal de Bretagne sous le duc François II. Tuteur de sa fille Anne au décès de ce dernier, il est ensuite proche du roi Charles VIII et témoin de son mariage avec la duchesse. Il le suit lors des premières guerres d’Italie et est aussi proche de son successeur, Louis XII, dont il est le chambellan. Héritier du domaine de Largoët au décès de sa première épouse en 1480, Jean de Rieux refaçonne ses châteaux d’Elven et de Rochefort-en-Terre. Par son rang et sa qualité de seigneur prééminencier de la chapelle, il dispose des moyens financiers et des relais nécessaires pour une telle commande. Celle-ci aurait pu être passée par des intermédiaires en relation avec un atelier flamand ou directement par Jean IV à des sculpteurs du Val de Loire, comme ceux ayant travaillé aux « ymages » de la chapelle Saint-Hubert au château de Chinon [confusion avec le château d'Amboise vers 1495 ?], résidence de Charles VIII et d’Anne de Bretagne. Jusqu’aux travaux de 1913, cette statue était placée sur un massif sous la maîtresse-vitre, au-dessus de l’autel en bois."
Vierge à l'Enfant, chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
Vierge à l'Enfant, chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
Vierge à l'Enfant, chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
Vierge à l'Enfant, chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
Vierge à l'Enfant, chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
Vierge à l'Enfant, chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
Vierge à l'Enfant, chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
2a. Le retable en granite (n°9 du plan), côté nord. L’Adoration des Mages devant la Vierge et l’Enfant en majesté ; l’Annonciation à la Vierge par l’archange Gabriel. Bras nord du transept.
" Aujourd’hui, deux bas-reliefs sculptés de manière assez fine dans ce matériau local sont déposés sur les deux autels des bras du transept. Cette configuration date des travaux réalisés en 1913, sous la direction de l’architecte vannetais Brihault : à cette date, l’élément le plus important, alors placé sur l’autel nord, a été transféré sur celui du sud. Toutefois, si on l’observe attentivement les moulures périphériques des deux bas-reliefs, sur la bande, on constate que ceux-ci formaient un seul ensemble, un retable monolithe en granite. Ainsi, la Crucifixion redevient logiquement la scène centrale et principale." (D. Mens)
Retable en granite, chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
Retable en granite, chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
L'Adoration des Mages.
La Vierge (aux chaussures pointues propres au XVe siècle) est assise, tandis que l'Enfant-Jésus est debout sur ses genoux. Ils tiennent chacun un objet rond (Monde ou fruit) et sont tournés vers la gauche. Les visages sont assez grossièrement sculptés, les nez forts et les bouches concaves. L'enfant tend le bras pour saisir le présent (l'or) apporté par le roi Melchior, qui est agenouillé devant lui.
De ce dernier, mais aussi de Gaspard qui le suit et enfin de Balthasar, nous ne voyons quee la partie inférieure : la robe et les chaussures du premier, les tuniques et les chausses des deux plus jeunes, tout comme leurs chaussures à poulaines.
Il faut se référer à l'iconographie peinte ou sculptée pour compléter mentalement la scène. On remarque alors que les pieds de Gaspard sont tournés vers nous et même vers l'arrière : il est très probable que, comme à Rumengol sur le tympan du porche, sculpté vers 1468, Gaspard était tourné vers son voisin pour lui désigner l'étoile qui les guidait.
La couronne de Melchior devait être tenue dans la main ou autour de l'avant-bras, puisque nous ne la voyons pas posée à terre, comme cela peut être le cas ailleurs.
Parmi les multiples enluminures du XVe siècle, voici cet exemple :
Sur la partie gauche de ce retable, l’Annonciation, avec l’ange Gabriel, est présentée au milieu, tandis qu’à l’extrémité du retable, figure une Adoration des Mages, face à la Vierge et Jésus bénissant en majesté.
Si l’ordre des épisodes de la vie mariale est inversé sur cette partie droite du retable, c’est sans doute pour permettre la représentation du commanditaire, Olivier de Peillac. En effet, si deux des rois mages sont représentés debout dans une tenue civile de cette fin du XVe siècle [ avec pourpoint à longues manches ou houppelande, et chaussés de poulaines], le troisième, agenouillé face à la Vierge et Jésus, est revêtu d’une soutane. Il pourrait représenter le recteur, accompagné de membres de sa famille, dont son frère Jean. " (D. Mens) [Je ne partage pas cette hypothèse : voir supra, la robe de Melchior]
Retable en granite, chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
L'Annonciation.
La scène est centrée par une fleur (un lys) émergeant d'un vase. L'ange Gabriel, à genoux, tient le phylactère portant les mots de son message : AVE MARIA. La Vierge, voilée, tient un livre et pose la main sur sa poitrine dans le geste d'acceptation du "Fiat".
Les cheveux de l'ange sont figurés "en boules", selon un modèle propre au XVe siècle et qui a déjà été souvent décrit ici, dans la sculpture sur kersanton de l'Atelier ducal du Folgoët (1423-1469).
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Retable en granite, chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
Retable en granite, chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
2b. Le retable en granite, côté sud. Le Calvaire avec la Vierge et saint Jean entourant le Christ, le Couronnement de la Vierge, sainte Catherine d’Alexandrie, sainte Madeleine myrophore et sainte Marguerite d’Antioche yssant du Dragon. Bras sud du transept.
Retable en granite, chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
"À la droite de cette scène, on observe le Couronnement de la Vierge, iconographie que l’on retrouve notamment dans un cycle peint de la chapelle de Locmaria en Landévant (Morbihan), mais aussi sur les pavements de proto-faïence de la chapelle Saint-Nicolas de Suscinio en Sarzeau (Morbihan).
Trois saintes, particulièrement honorées en cette fin du XVe siècle, complètent la partie droite du retable : sainte Catherine d’Alexandrie, sainte Marie Madeleine myrophore et sainte Marguerite. Ces trois saintes sont souvent associées à des dévotions de femmes des familles nobles, sans que nous puissions établir ici un lien évident avec les Peillac ou les Coëtlagat." (D. Mens)
On comparera à nouveau ce retable avec celui, en kersantite, de l'église de Runan, datant du XVe siècle, et qui associe des scènes de la vie de Marie, avec, comme ici, l'Annonciation, l'Adoration des Mages, la Crucifixion et le Couronnement.
Le calvaire.
Le Christ en croix est entouré de la Vierge, et de saint Jean ; on remarque la chevelure "en boules".
Retable en granite, chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
Retable en granite, chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
Le couronnement de la Vierge.
Comme à Runan, la Vierge n'est pas couronnée par la Trinité, mais par un seul de ses termes, un Christ couronné ou un Dieu le Père.
Retable en granite, chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
Les saintes Catherine d'Alexandrie couronnée, tenant la roue dentelée de son supplice, et l'épée de sa décollation ; Marie-Madeleine tenant le flacon d'onguent ; et Marguerite d'Antioche yssant du dragon, crucifix entre ses mains jointes.
Retable en granite, chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
Retable en granite, chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
2c . Le lavabo sur le mur sud, granite.
"La taille imposante de ce retable [de granite,supra], sans doute déplacé dans le courant du XVIIIe siècle pour être remplacé par un autel à la romaine en bois, explique sans doute le positionnement assez haut de la réserve eucharistique sur la droite du mur du chevet, mais également celui du lavabo sur le mur sud. Ce dernier est frappé des armes des Peillac à gauche et de celles des Arz [D’argent à trois quintefeuilles de gueules, ici représentées avec une polychromie fantaisiste] , possesseurs des manoirs de Tréviantec et Rulliac en Saint-Avé.
Ce retable, qui conserve plusieurs traces de sa polychromie initiale, a sans doute été façonné par un atelier local, dans le granite des carrières de Guéhenno-Lizio, au faciès à grains fins. On trouve des exemples de retables contemporains et assez similaires à la chapelle Sainte-Anne de Buléon, mais aussi en remploi dans l’ossuaire de l’église de Guéhenno, sans doute l’ancien retable majeur de cet édifice. Cette commande pour la chapelle de Saint-Avé pourrait s’expliquer notamment par la fonction de Jean de Peillac [Il peut s’agir du frère d’Olivier de Peillac] , en sa qualité de prévôt féodé de Saint-Jean-Brévelay, proche de Guéhenno." (D. Mens)
Lavabo en granite, chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
Lavabo en granite, chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
2d La réserve eucharistique sur la droite du mur du chevet. Granite.
Réserve eucharistique en granite, chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
Réserve eucharistique en granite, chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
3 L'autel du bras nord du transept. Calcaire polychrome provenant de la cathédrale de Vannes, dernier quart XVe. Bordure à rinceaux de vigne. Blason.
Blason aux armes [fantaisistes?] de sable à une croix d'or accompagnée d'un quintefeuille de gueules
"La concentration de mobilier réalisé dans ce matériau exogène à la Bretagne dans la chapelle traduit, tout d’abord, une commande aristocratique majeure. Que ce soit pour la réalisation des autels latéraux, des consoles ou de la statuaire, le recours au calcaire dénote un souhait du commanditaire de se démarquer dans cette Bretagne de la seconde moitié du XVe siècle.
Toutefois, il faut distinguer dans cet ensemble deux types de commande : la réalisation d’œuvres par des ateliers locaux dans un matériau importé et la commande d’œuvres importées de régions telles la Picardie ou le Val de Loire, où le calcaire est utilisé fréquemment pour la statuaire.
Dans le premier cas, les sources d’approvisionnement du matériau sont assez bien identifiées à cette période, notamment grâce aux comptes de la cathédrale de Vannes. [...]
Dans le cas de la chapelle du Loc, c’est sans doute à partir de ce matériau provenant de la cathédrale que les deux autels latéraux ont été réalisés . Avec un décor végétal de rinceaux et de vignes autour du panneau central encadré de pinacles, ces autels ne semblaient pas adossés comme actuellement, étant donné les retours de sculptures sur l’arrière, partiellement buchés. Chacun des panneaux était peint d’une scène en lien avec la vie de la Vierge, soit l’Annonciation, comme sur l’ancien retable majeur de granite et la Nativité.
Sans doute déplacés au XVIIIe siècle, ces autels devaient être positionnés originellement sur le bas de la nef, de part et d’autre du calvaire monumental, devant un chancel en bois. Cette configuration est assez classique en cette seconde moitié du XVe siècle. Elle se retrouve notamment à la chapelle Saint-Fiacre en Melrand mais aussi, plus tardivement, à la chapelle Sainte-Avoye en Pluneret. De manière générale, les autels latéraux de nef étaient dédiés à des cultes secondaires. Dans le cas présent, les statues étaient posées sur la partie supérieure de l’autel." (D. Mens)
Autel du bras nord, chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
Autel du bras nord, chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
3'Un autre autel similaire en calcaire polychrome à rinceaux est placé dans le bras sud.
Autel du bras sud, chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
4. Statue de sainte Catherine de Sienne, montrant ses stigmates, et terrassant un dragon, fin XVe siècle, calcaire polychrome. bras nord du transept.
La statue devait être posée sur l'un des autels en calcaire, et être réalisée comme eux dans des chutes des calcaires de la cathédrale de Vannes, issus de Charente Maritime.
"La statue de la fin du XV e siècle de sainte Catherine de Sienne terrassant des démons serait, en l’état actuel des connaissances, un exemplaire très rare et sans doute unique en Bretagne. Les autres représentations datent majoritairement du XVIIe siècle, en lien avec le développement du culte du Rosaire. Si cette représentation est reproduite dans plusieurs livres d’heures de cette période, sa déclinaison statuaire reste rare et seul un exemplaire assez proche est conservé au Palais des Papes d’Avignon. La représentation de cette dominicaine doit sans doute être rapprochée du culte de saint Vincent Ferrier, très important alors à Vannes, et du rôle de membres de la famille Coëtlagat dans son procès de canonisation." (Diego Mens)
Statue en calcaire polychrome, fin XVe, chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
Statue en calcaire polychrome, fin XVe, chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
Statue en calcaire polychrome, fin XVe, chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
Statue en calcaire polychrome, fin XVe, chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
Statue en calcaire polychrome, fin XVe, chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
5. La statue dite de sainte Madeleine, plutôt sainte Marguerite sans son dragon. Calcaire polychrome; fin XVe.
h = 132 ; la = 45 ; pr = 26
La statue devait être posée, comme celle de sainte Catherine de Sienne, sur l'un des autels en calcaire, et être réalisée comme eux dans des chutes des calcaires de la cathédrale de Vannes, issus de Charente Maritime.
Elle ne correspond pas à l’iconographie mentionnée sur sa terrasse. La confusion tient sans doute à l’absence de voile, mais elle n’est pas dotée du principal attribut de cette sainte, le pot à onguents. En revanche, cette œuvre est très comparable à deux statues orantes, conservées dans la commune de Questembert, domaine des Rieux-Rochefort, et représentant sainte Marguerite 35 . Sans certitude, un dragon aurait été placé au-devant de la terrasse, sur lequel figurent deux orifices ayant servi pour un goujeonnage. L’absence de la sculpture des plis au niveau du genou droit de la sainte pourrait corroborer cette présence de l’attribut monstrueux, au-devant de la statue. Pour ces deux statues et autels, il doit s’agir d’un seul commanditaire, car elles paraissent avoir été réalisées par le même atelier local, ayant travaillé sur le chantier de la cathédrale Saint-Pierre. À Saint-Avé, installés à la fin de réalisation de la nef, ces œuvres sont sans doute une commande des Coëtlagat ou d’une famille noble de 33. Une autre statue de ce type est conservée à la chapelle Saint-Michel en Saint-Avé et présente les armes des Peillac. Elle figure une Vierge au calvaire. 34. Partie basse de la statue composant une plinthe. 35. La chapelle Saint-Michel et celle de Saint-Jean
Statue en calcaire polychrome, fin XVe, chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
Statue en calcaire polychrome, fin XVe, chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
Statue en calcaire polychrome, fin XVe, chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
Console de la statue en calcaire polychrome, fin XVe, chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
6. Saint Isidore, patron des cultivateurs ou laboureurs, tenant la faucille et la gerbe de blé. Bois polychrome, XVIIIe siècle, revers évidé.
Saint Isidore patron des laboureurs, accompagne dans le chœur Saint Cornély, patron des éleveurs de bœufs. Selon une complainte vannetaise San Izidor oe labourer, servitour bras en ur maner , "Saint Isidore était laboureur , il apportait de grands services au manoir " . C’est un saint alors très populaire, revêtu des vêtements des paysans riches. Les saints des statues tiennent tous la faucille et la gerbe de blé témoin de la bonne réussite des moissons.
Ce saint permet de découvrir les tenues traditionnelles des agriculteurs. Ici, il porte une veste bleu-gris à 12 boutons noirs, 3 boutons aux poches à rabats en pointe, 3 boutons aux poignets ; un gilet blanc à plus de 20 petits boutons ; une ceinture de cuir à boucle dorée ; une chemise à col en V ; une culotte courte plissée ou bragou braz, ; des guêtres fines ; des chaussures de cuir noir à languette et boucle de métral argenté. Les couleurs témoignent des repeints des restaurateurs et ne témoignent pas forcément du costume d'origine.
Selon D. Mens, "ces cultes se développent en Bretagne à partir du milieu du XVII e siècle remplaçant des dévotions plus anciennes. Cette introduction de nouveaux cultes et le renouvellement des statues qui en découlent sont très fréquents dans le Morbihan. Ils illustrent notamment une nouvelle gestion des églises et chapelles par des généraux de paroisse dirigées par des notables et le recteur, alors que la noblesse, désormais absente de la paroisse, ne paie plus les droits liés à ses chapelles privatives"
Voir d'autres exemples :
Mes Izidors : iconographie de saint Isidore en Bretagne.(Bréles ; Logonna-Daoulas ; Saint-Mériadec à Stival ; Saint-Nicodème en Pluméliau ; Chapelle N.D de Quelhuit à Melrand (Morbihan) ; église de Bieuzy-les-Eaux (Morbihan) ; Eglise de Saint-Thuriau (Morbihan) ; Guern, église paroissiale (Morbihan) ; Sainte-Tréphine (Morbihan)
Ou encore : la statue de l'église de Carnac : Les pièces majeures du costume masculin du 17e siècle y apparaissent avec la superposition d’un gilet fermé et de 2 vestes de couleurs différentes sur la chemise bouffant aux poignets ; les séries de 12 boutons, complétées par les boutons des poches et poignets ; une ceinture large à boucle ; des bragou berr, culotte étroite et courte, des guêtres (à boutons) et des souliers de cuir.
Statue de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
Statue de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
Sous la statue, la console porte un blason à une bande présenté par deux lions , sur fond de feuillages et de grappes :
Console (fin XVe) d'une statue de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
7. Statue en bois polychrome de Saint Cornély (saint Corneille) accompagné de deux bovins, XVIIIe siècle.
Dans le sud de la Bretagne, saint Cornély est le protecteur, par jeu sur non nom, des bêtes à corne. Son nom est la forme bretonne de Corneille (en latin : Cornelius). Selon la tradition bretonne, Cornély est pape de 251 à 253
Le saint est coiffé de la tiare papale et il devait tenir la croix à double traverse, comme en l'église de Carnac (actuellement dans la chapelle Saint-Colomban), tandis qu'il trace une bénédiction. Voir aussi la statue du saint en la chapelle Sainte-Croix de Josselin. Ou celle de La Chapelle-Bouëxic.
Statue en bois de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
8. Statue en bois polychrome qualifiée de saint Fiacre, après avoir été identifiée précédemment à saint François d’Assise. Il s’agit en réalité de saint Dominique de Guzman. Fin XVe ou XVIe siècle.
Saint Dominique est le fondateur de l’ordre des Dominicains. L’attribut manquant à la main droite, un temps considéré comme une pelle pour correspondre à l’iconographie de saint Fiacre, est en fait une croix sur une grande hampe. Cette représentation apparaît d’ailleurs cohérente et complémentaire de sainte Catherine de Sienne, car ces deux saints sont associés dans les retables et tableaux du Don du Rosaire.
Statue en bois de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
Console fin XVe siècle : Armoiries d'Olivier de Peillac : d'argent à trois merlettes de gueules, au franc canton de même.
Console fin XVe d'une statue de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
9. Statue dite de saint Colomban. Bois polychrome, fin XVe ou XVIe siècle.
Cette statue serait issue du même atelier que la précédente et serait contemporaine de la création de la chapelle. Le saint est représenté en évêque (avec la crosse, perdue, tenue en main gauche, la mitre, les gants épiscopaux, la chape recouvrant un surplis, et des pantoufles pointues).
Colomban de Luxeuil est un moine irlandais du VIe siècle venu évangéliser la Bretagne puis l'Europe ; on lui attribue la Règle de Saint-Colomban inspiré du monachisme irlandais.
"Moine et abbé, ce saint, réputé guérir de la folie, est représenté ici en tenue d’abbé mitré, alors que d’autres représentations contemporaines le figurent en tenue de moine, notamment à Rosporden (Finistère) ou Guégon (Morbihan). Le doute est permis, aucun attribut ne permettant d’identifier avec certitude cette statue." (D. Mens)
Voir la statue de ce saint (bois polychrome, XIXe) en sa chapelle de Carnac.
Statue en bois de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
7. La croix de chancel
Seule à n'avoir pas été restaurée récemment, cette croix (ou calvaire), vestige de la clôture (ou chancel) commandée en 1500 par André de Coëtlagat comme l'indique une inscription et détruite en 1913 se dresse à la croisée du transept. Elle est classée mh depuis 1908.
La quasi-totalité des jubés et autres chancels ayant été détruits aux XVIIe et XVIIIe siècles, il est quasi impossible d’établir un lien avec un atelier précis, si ce n’est qu’il soit probablement originaire de Haute-Bretagne et en lien avec les ateliers des autres jubés conservés, ceux de Saint-Fiacre au Faouët (Morbihan), réalisée par Olivier Le Loergan vers 1480 mais aussi celle de Kerfons en Ploubezre (Côtes-d’Armor). Néanmoins, ce type de calvaire supposait d’être adossé à un chancel avec une porte géminée au centre des deux autels latéraux, ce qui diffère de la plupart des ensembles toujours conservés.
a) La partie basse est composée d’un tronc d'offrande vers l’ouest, adossé à un fût quadrangulaire avec une niche à dais flamboyants sur chaque face. Selon D. Mens, les blasons peints sur le fond de quatre niches, outre leur positionnement incohérent en cas de présence de statuettes, ont été probablement intégralement repris lors de la restauration de 1913 et ne semblent pas fiables.
Croix de chancel de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
Croix de chancel de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
Armoiries écartelé en 1 et 4 de Cantizac d'argent à la bande de gueules, chargée de 3 alérions d'or, et en 2 et 3 de Peillac
Croix de chancel de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
Croix de chancel de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
Armoiries de la famille d'Arz, d'argent à 3 quintefeuilles de gueules.
Croix de chancel de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
b) Sur un niveau intermédiaire de la face occidentale, au dessus des armes de Malestroit de gueules à 9 besants d'or, le Christ est entouré des statues de la Vierge (bras croisés) et de saint Jean (paumes de face) , juchées sur deux branches d'un arbre,.
Croix de chancel de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
Croix de chancel de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
Au revers, la statue d’un évêque (peut-être saint Avé, patron de la paroisse) est contemporaine du calvaire, en raison de sa chasuble à pointe et des poulaines.
l'inscription placée sur le revers de la traverse de la croix, afin d’être lue par la noblesse et le clergé qui occupe le chœur, est la suivante : Mestre André de Coëtlagat recteur de saint ave fit faire ceste eupvre l’an Mil Vc
Croix de chancel de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
c) En partie haute, le dais superpose plusieurs étages de pinacles, de nervures, de dragons les ailes écartées et d'angelots voletants en adoration évoque la tribune du jubé de Saint-Fiacre au Faouët (Morbihan), réalisée par Olivier Le Loergan vers 1480, ou encore celle de Kerfons en Ploubezre (Côtes-d’Armor).
Croix de chancel de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
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8. Le bénitier à droite de l'entrée.
Il porte deux blasons, dont celui aux armes d'argent à trois merlettes de gueules, au franc canton de même, du recteur Olivier de Peillac identifiable par son canton.
Croix de chancel de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
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9. À l'extérieur, côté ouest : la croix-bannière quadrilobe en granite, fin XVe siècle
Une croix bannière est un ensemble monolithique sculpté sur l'avers et le revers, comme une bannière de procession. Fréquentes en Morbihan où eon en compte une douzaine, elles datent du XVe et XVIe siècle.
"La croix bannière de la chapelle est placée à l’ouest du placître et composée d’une mace (soubassement), d’un fût et d’une bannière. Elle semble avoir été remontée sur un autel extérieur réalisé probablement au XVIII e siècle, utilisé lors des pardons très fréquentés de la Nativité de la Vierge, le 8 septembre.
La mace est sculptée en relief sur ses quatre faces : à l’ouest, sous une accolade gothique, la composition de la scène de l’Annonciation est très proche de celle du retable. Sur la face sud, deux saintes martyres, également représentées sur le retable, sainte Madeleine et sainte Catherine, sont sculptées sous deux arcatures en plein cintre, tandis que sur la face opposée, saint Jean Baptiste est représenté au côté de saint Yves. La présence de ce dernier n’est sans doute pas anodine, car le culte de ce saint est largement développé dans le courant du XVe siècle, sous l’impulsion de la famille ducale des Montforts.
Vers la chapelle, à l’est, le côté de la mace présente trois saints également sous arcatures : saint Jacques pèlerin, saint Laurent diacre et de nouveau, saint Jean Baptiste. Cette double représentation de saint Jean se retrouve sur le retable en albâtre.
La bannière est quadrilobe. Sur sa face occidentale, la représentation du calvaire diffère de celle du retable, puisque saint Jean y est sculpté la main soutenant son visage et la Vierge, les mains jointes en oraison. Au revers de la bannière, la Vierge en majesté, accompagnée de Jésus, est entourée de quatre angelots, deux thuriféraires et deux musiciens.
L’atelier qui a réalisé cette croix bannière est sans doute identique à celui qui a façonné la réserve eucharistique du mur du chevet. Les décors d’acanthe du fût et de l’accolade de la réserve sont très proches, pour des œuvres qui seraient par conséquent datées des années 1475-1480. La sculpture des personnages diffère toutefois de celle du retable et il s’agirait de deux ateliers distincts. Le granite de la croix bannière, comme celui du reste de l’édifice, provient sans doute des perrières (carrières) proches de Coëtdigo ou du Van, citées dans les fermes de la seigneurie de Largoët" . (D. Mens)
Croix-bannière de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
Croix-bannière de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
La Vierge couronnée, assise, tient l'Enfant sur ses genoux et lui présente un fruit. Elle est adorée par quatre angelots, dont deux , en bas, élèvent l'encensoir. L'ange supérieur droit joue de la cornemuse. Je ne peux préciser l'instrument joué par l'autre musicien.
Croix-bannière de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
Croix-bannière de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
Croix-bannière de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
Le Christ en croix entre la Vierge et saint Jean.
Croix-bannière de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
Saint Jean-Baptiste à manteau en poil de chameau et tenant l'agneau ; saint Laurent et son grill ; saint Jacques en tenue de pèlerin avec chapeau, bourdon.
Croix-bannière de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
Côté nord : Saint-Jean-Baptiste et saint Yves.
Croix-bannière de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
Côté ouest : l'Annonciation.
Croix-bannière de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
Côté sud : Sainte Catherine et sainte Marguerite.
Croix-bannière de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Cliché lavieb-aile 2024.
SOURCES ET LIENS.
—DANIGO (Joseph), 1983, La chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé, Congrés archéologique de France tome 141 page 216 et suiv.
— MENS CASAS (Diego), 2020, La chapelle Notre-Dame-du-Loc en Saint-Avé.« Ymages » et décors du dernier quart du xve siècle, Actes du congrés de Vannes sept. 2019, Mémoires de la Socité d'Histoire et d'Archéologie de Bretagne, 36 Pages
— infobretagne reproduit les textes de J. Guyomar, de Gustave Duhem 1932 (Les églises de France) et de la Revue Morbihannaise volume 18 page 126 de 1914 :
À partir du XIVe siècle, l’Angleterre devient un important centre de production d’oeuvres en albâtre. Provenant des carrières des Midlands du South Derbyshire, l’albâtre constitue une spécialité des artisans de Nottingham du XVe au XVIe siècle. Au XVe siècle, la réalisation de petits panneaux sculptés et peints concerne principalement des images destinées à de la dévotion privée, ou des éléments de retable.
Ces œuvres, allant du panneau de retable à la statue en ronde bosse en passant par les décors funéraires, s'exportèrent dans toute l'Europe, ce qui explique que l'on y trouve des exemples intacts, tandis que la plupart de ceux conservés en Angleterre ont été détruits ou mutilés lors du "Putting away of Books and Images Act" d'Edouard VI en 1549.
Suivant des modèles stéréotypés, ces reliefs sont alors reconnaissables par leurs sujets iconographiques, les formes maigres des figures représentées, les visages conventionnels et les draperies sèches et rigides. Pour Diego Mens ces ensembles ont tous pour point commun d’être la commande d’aristocrates de haut-rang ou de prélats aisés, pour une dévotion de chapelles privatives.
Je me suis inspiré de la description et de l'analyse très approfondies de Casas Diego Mens et je renvoie à son article. Mon but est seulement d'apporter un ensembles de clichés analysés et commentés.
Réalisé dans les ateliers de Nottingham à la fin du XVe siècle, ce retable de 250 cm de haut et 80 cm de large environ est présenté aujourd'hui sur l'autel central. Il réunit au centre la Trinité adorée par des anges, et de chaque côté un Te Deum, assemblée des prophètes et des saints et saintes louant Dieu, soit quarante sept personnages au total.
La Trinité, volée en 1980, est remplacée par un moulage en résine. La disposition photographiée avant 1913 par Géniaux a été remplacée par un nouvel autel en calcaire, realisé en 1913, par le sculpteur Le Merle, de Vannes, dans le style néogothique. Mais deux petites statuettes d’albâtre de saintes, dont une représentant sainte Catherine ont disparu à cette occasion.
I. LE PANNEAU CENTRAL : LA TRINITÉ ou TRÔNE DE GRÂCE (moulage en résine).
On peut décrire cette œuvre en trois registres. En haut, Dieu le Père, nimbé et portant la tiare, trace une bénédiction de la main droite, index et majeur étendus et légèrement croisés, les autres doigts réunis dans la paume. La main gauche est ouverte, paume face à nous. Il porte une barbe à pointe bifide et à mèches bouclées. Devant sa gorge , dans la courbe des plis de son manteau se voient trois boules, ou plutôt trois visages qui seraient alors un symbole trinitaire, alors que la colombe de l'Esprit est absente, et qu'aucun point de fixation ne renseigne sur la possibilité qu'elle ait été brisée ou ôtée.
Les "boules" et les plis peuvent correspondre à la Colombe, modifiée : cf Combrit. Ou bien la Colombe descendait de la bouche du Père jusqu'au sommet de la tête du Fils. Beaucoup de Trinité en albâtre n'ont pas, ou ont perdu le Saint-Esprit. Le spécimen de la VAM est un ajout moderne. L'Esprit-Saint était-il présent à l'origine ? À Nouvoitou, il était indépendant et fixé par un tenon dans la poitrine du Père.
Deux anges de chaque côté, agenouillés sur ce qui doit être un nuage, tiennent une sorte de clef à anneau en losange et à deux branches tandis qu'ils lèvent le bras opposé vers la tiare, dans un geste de thuriféraire, comme dans les autres exemples de ce thème à Nottingham. Dans ce cas, la clavette serait, comme ailleurs les navettes, un accessoire de l'encensoir. En fait, en comparant avec l'exemplaire de la VAM, et avec celui de Monterrein, on voit qu'il s'agit de l'anneau des chaînes de l'encensoir, chaînes et encensoir qui ont été brisés et perdus à Saint-Avé.
Nouvoitou (
Le registre moyen complète le personnage Paternel, et montre que Dieu le Père est assis sur une cathèdre, pieds nus, vêtu d'un manteau à plis larges.
Il tient entre ses genoux la croix sur laquelle le Fils est crucifié, et les cinq plaies sont marquées par des trous. Le Christ est barbu à cheveux longs, la tête inclinée vers sa droite, vêtu du perizonium.
Deux anges recueillent dans des calices le sang des mains.
Sous ce registre qui est posé sur une dalle plate se tiennent deux autres anges qui, un genou à terre (si on peut dire cela), soutiennent ensemble un seul calice afin de recueillir le sang s'écoulant des pieds du crucifié.
L'œuvre était peinte et comme sur d'autres exemples, les cheveux étaient dorés, les bords des textiles étaient peints et dorés, les vêtements recouverts d'ornementation dorée
On comparera cette œuvre avec les Trinités en albâtre suivante :
- retable de la Passion de Conches-en-Ouches (Eure), dont les quatre bas-reliefs du retable de Conches ont été volés le 6-7 juillet 1978. La Colombe est absente ; les chaines des encensoir sont intactes ; les anges du registre moyen sont saisis en vol; la main gauche du Père est brisée. C'est "la copie conforme" de celui de Saint-Avé pour Diego-Mens
-Eglise Saint-Tugdual de Combrit (Finistère) : couronne remplaçant la tiare main gauche refaite ; Colombe vue de haut ; donateur en bas à droite ; absence des anges ; phylactère réunissant le Christ et le donateur.
Le retable en albâtre de Nottingham de la Trinité et du Te Deum ( fin XVe) de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Le retable en albâtre de Nottingham de la Trinité et du Te Deum ( fin XVe) de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Le retable en albâtre de Nottingham de la Trinité et du Te Deum ( fin XVe) de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
II. LE PANNEAU LATÉRAL GAUCHE : Le TE DEUM (SAINTS ET PROPHÈTES) , SAINT JEAN-BAPTISTE ET L'AGNEAU.
1. Jean-Baptiste.
Selon Diego Mens, la présence ici des deux saints « présentateurs » Jean Baptiste et Jean l'evangéliste indique un lien évident avec Jean IV de Rieux. À Saint-Avé, le positionnement d’origine du retable de Nottingham était différent de celui connu au XVIIIe siècle qui a perduré jusqu’à 1913, avec une installation sur l’autel du bras du transept sud. Une position initiale probable est suggérée dans la chapelle privative du transept nord sur l'autel, sous la baie au remplage en fleur de lys . En effet, ce motif des remplages est souvent à associer, en Bretagne, à de hauts nobles chevaliers de l’ordre royal de Saint-Michel. Jean IV de Rieux ou maréchal de Rieux est mentionné comme appartenant à cet ordre dans le traité d’Étaples de 1498. Ainsi les panneaux du Te Deum encadrant celui de la Trinité, placés à l’origine dans cette chapelle et associés à la fleur de lys de la baie, pourraient être les témoins d’une dévotion, mais surtout d’une action de grâce et de reconnaissance de Jean IV de Rieux envers Dieu et la Vierge, pour la paix retrouvée dans le duché.
Le saint est figuré jambes nues sous une tunique (en encolure en V) et un manteau qui tombe jusqu'au sol. Un pan central du manteau s'achève par une dilatation qui évoque des pattes de chameau, animal associée dans la tradition à ce manteau. Il y a des rares de peinture brune sur le manteau.
L'agneau, qui lève son museau vers le saint, repose sur un livre. Le saint tend l'index, accompagné d'autres doigts, vers l'agneau par référence à la citation ecce agnus dei. « Voici l’ agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ! » (Jean 1:29)
La tête est remarquable par sa barbe semblable à celle du Père de la Trinité, aux deux pointes peignées et aux mèches bouclées des joues, mais surtout par ses cheveux formant neuf sortes de nattes triangulaires formant des rayons. On retrouve exactement cette coiffure dans d'autres têtes d'abâtres du saint, cette-fois isolées dans le plat de son martyre. Ces dreadlocks soulignent que Jean-Baptiste est un nazir, consacré à Dieu, qui vit dans le désert, se nourrit de miel et de sauterelle, porte des vêtements en poils de chameau, et ne se coupe ni les cheveux ni la barbe.
V&A Museum's : le retable de Swansea. Les ressemblances sont frappantes ; remarquons la série de boutons de la tunique, remplaçant l'encolure en V. La polychromie conservée permet de se faire une idée de l'état du retable de Saint-Avé.
Le retable en albâtre de Nottingham de la Trinité et du Te Deum ( fin XVe) de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Nous retrouvons, dans la même tenue, Jean-Baptiste portant l'agneau en tête du cortège de louange de 17 saints et prophètes se dirigeant de gauche à droite vers le panneau central. L'Église tient Jean-Baptiste comme le dernier des prophètes d'Israël.
Dans le premier groupe des Prophètes, l'un des personnages porte un bâton , l'autre une scie , un autre un cimeterre, un autre un rouleau de parchemin. Plusieurs des coiffures sont à rabats ou conique, relevant des codes de désignation des Juifs : ce pourrait être des prophètes et patriarches de l'Ancien Testament. Ils ont tous la main levée, comme pour attester d'une vérité.
Un seul est tête nue et il tient un bâton : on a proposé d'y reconnaître Moïse, d'autant qu'il porte au sommet de la tête ce qui pourrait être deux flammes, allusion au caractère rayonnant de Moïse descendant du Sinaï après avoir parlé avec Yahweh, flammes qui prennent souvent l'allure de cornes suite à une erreur de traduction. "Aaron et tous les enfants d'Israël virent Moïse, et son visage rayonna de joie. Ils craignirent de s'approcher de lui." (Exode 34: 30)
parmi les personnages de gauche Il pourrait y avoir Élie , portant le manteau de prophète dont Élisée allait bientôt hériter. Élie monta au ciel dans un tourbillon… Élisée… ramassa le manteau qui était tombé d’Élie… et en frappa les eaux. « Où est maintenant l’Éternel, le Dieu d’Élie ? » demanda-t-il. Lorsqu’il frappa les eaux, elles se divisèrent à droite et à gauche, et Élie traversa. (2 Rois 2: 13-14)
Celui qui porte une scie serait Isaïe. Dans le Talmud de Jérusalem (Sanhédrin ), le prophète, craignant pour sa vie, se cacha dans un cèdre. Hélas, les franges de sa robe restèrent visibles et le méchant roi de Juda, Manassé, ordonna à ses serviteurs de scier l'arbre en deux.
En bas à gauche, Il s’agit peut-être de Jérémie , debout seul, l’air triste et vêtu d’une robe sacerdotale. Jérémie est l’un des prêtres d’Anathoth, dans le territoire de Benjamin. (Jérémie 1:1)
Le suivant serait Daniel. Traditionnellement d'origine royale, il porte une robe « royale » et tient un parchemin.« Et toi, Daniel, roule et scelle les paroles du livre jusqu’au temps de la fin. » (Daniel 12:4)
Son voisin serait David, il a une barbe fourchue et porte l'épée cimeterre courbée de son ennemi juré Goliath. David triompha du Philistin avec une fronde et une pierre. Il n’avait pas d’épée à la main, il frappa le Philistin et le tua. Il saisit l’épée du Philistin, la tira du fourreau, le tua et lui coupa la tête avec l’épée. (1 Samuel 17: 50-51)
Dans le second groupe, les saints ou martyrs de l'Église, on identifie un pape à sa tiare (au dessous de saint Pierre), un archévêque à sa croix et sa mitre, un évêque à sa crosse et à sa mitre, un roi à sa couronne et un cardinal à son chapeau à cordons à glands. Le roi tient un anneau qui le désignerait comme Édouard le Confesseur, et l'archevêque est rapproché de saint Thomas Becket. Trois autres personnages sont tonsurés, ce sont des clercs, et peut-être des diacres.
Les chaussures pointues sont bien celles portées au XVe siècle.
L’exemplaire du panneau des prophètes de l’Église conservé au Victoria et Albert Museum Inv. A.188-1946, panneau donné en 1946 par le docteur W. L. Hildburgh. est différent de celui de Saint-Avé et paraît plus ancien dans sa facture. Il prouve que ce thème a été réalisé au moins en deux séries distinctes, à deux époques.
Les collections du V&A Museum renferment aussi un fragment du cortège de Te Deum des membres de la Sainte Église, dont les détails montrent la parenté avec le panneau de Saint-Avé.
Le retable en albâtre de Nottingham de la Trinité et du Te Deum ( fin XVe) de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Le retable en albâtre de Nottingham de la Trinité et du Te Deum ( fin XVe) de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Le retable en albâtre de Nottingham de la Trinité et du Te Deum ( fin XVe) de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Le retable en albâtre de Nottingham de la Trinité et du Te Deum ( fin XVe) de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Le retable en albâtre de Nottingham de la Trinité et du Te Deum ( fin XVe) de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Le retable en albâtre de Nottingham de la Trinité et du Te Deum ( fin XVe) de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
III. LE PANNEAU LATÉRAL DROIT : Le TE DEUM (APÔTRES ET DOCTEURS ; VIERGES ET MARTYRES) ; SAINT JEAN L'EVANGELISTE.
Le retable en albâtre de Nottingham de la Trinité et du Te Deum ( fin XVe) de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les apôtres, saints et martyrs.
Les personnages tournés vers la gauche lèvent la main, comme ceux de gauche.
Au premier rang on trouve les apôtres Pierre (clef ; bizarre tonsure) et Paul (épée), puis André (croix en X).
Derrière eux, l'apôtre Jean tenant une palme, et un saint de l'Église (tonsure, aube et amict).
Au dernier rang, un pape (tiare, croix), un membre du clergé tenant un livre, un évêque, et un roi.
Le retable en albâtre de Nottingham de la Trinité et du Te Deum ( fin XVe) de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Le retable en albâtre de Nottingham de la Trinité et du Te Deum ( fin XVe) de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Le retable en albâtre de Nottingham de la Trinité et du Te Deum ( fin XVe) de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les Vierges et martyres.
Premier rang : sainte Catherine l'épée de sa décollation et la roue à couteaux de son martyr. Sainte Ursule, couronnée tenant sa flèche. Sainte Marguerite issant du dragon, tenant le crucifix de sa libération.
Deuxième rang : sainte Barbe et sa tour à trois fenêtres. Une sainte abbesse. Sainte Hélène, couronnée et la Croix.
Troisième rang : la troisième est sainte Apolline, couronnée, tenant une dent serrée dans un davier.
Le retable en albâtre de Nottingham de la Trinité et du Te Deum ( fin XVe) de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Saint Jean l’Évangéliste
Saint Jean l’Évangéliste bénit la coupe empoisonnée que lui a donné un prêtre païen d’Éphèse pour le mettre à l’épreuve mais le venin s’échappe du calice sous la forme d’un petit dragon bicéphale, comme le raconte la Légende dorée de Jacques de Voragine (1228-1298). La palme est celle que portait le saint devant le cercueil de la Vierge Marie que soutenaient les apôtres. Selon Diego Mens, cette représentation du saint avec ces deux attributs est assez rare et notamment illustrée dans la Prédelle de la Visitation par le maître de Segorbe (cathédrale de l’Assomption, province de Castellon, Espagne), XVe siècle.
Le retable en albâtre de Nottingham de la Trinité et du Te Deum ( fin XVe) de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Le retable en albâtre de Nottingham de la Trinité et du Te Deum ( fin XVe) de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
ANNEXE : CATALOGUE DES ALBÂTRES BRETONS (d'après C. Dréan).
Les albâtres de Bretagne ont été catalogués, datés et décrits par Colette Dréan. La majorité date de la seconde moitié du XVe siècle. Les retables de la Vie de la Vierge, dont j'ai placé les éléments en rouge, ne sont pas complets et souvent réduits à un ou deux panneaux. Les plus intéressants, en comparaison avec le retable de Kermaria, sont ceux de Saint-Péver et de Nouvoitou.
Côtes d'Armor
Châtelaudren Chapelle Notre-Dame -du-Tertre. Retable volé en 1969. Deuxième moitié du XVe siècle.
Châtelaudren Chapelle Notre-Dame -du-Tertre. Vierge à l'Enfant, début XVIe ?
Corlay, presbytère, v. 1428 Ste Anne et la Vierge
Dinan, Musée, seconde moitié XVe. Descente de croix ; Ste Catherine.
Lanvollon, Vierge à l'Enfant, fin XIVe
Pléherel église du Vieux-Bourg, fin XVe
Ploubezre chapelle Saint-Thècle fin XVe
Plougrescant Chapelle Saint-Gomery. Vierge à l'Enfant moitié XVe
Plouha, Chapelle de Kermaria an Iskuit, retable de la Vie de la Vierge, deuxième moitié XVe
Pommerit-le-Vicomte, église, Retable de la Passion, fin XVe
Rostrenen, chapelle de Compostal, Arbre de Jessé , Assomption et Couronnement de la Vierge, deuxième moitié XVe
Saint-Brieuc, ancien Carmel, Crucifixion, deuxième moitié XVe
Saint-Laurent de Bégard, église, Baiser de Judas, deuxième moitié XVe
Saint-Pever, Retable de la Vie de la Vierge : Trinité, Assomption, Couronnement.fin XVe
Squiffiec, Retable de la Vie de la Vierge : Adoration des Mages, Couronnement.fin XVe
Finistère
Cléden-Cap-Sizun
Combrit
[Elliant, chapelle Sainte Marguerite : hors catalogue, cité in Couffon 1980 p. 105 : Assomption de la Vierge avec saint Thomas]
Esquibien, église Saint-Onneau, Vierge de Pitié, ronde-bosse, milieu XVe. Volée en 1980.
Locquirec, église Saint-Jacques Vierge de Pitié, fin XVe (Vierge à l'Enfant selon R. Couffon)
Morlaix, Musée des Jacobins, Visitation, Trinité, Mise au tombeau, deuxième moitié XVe
Morlaix, couvent des Carmélites, Assomption, deuxième moitie XVe
Plonevez-du-Faou, chapelle Saint-Herbot, Annonciation, volée en avril 1969 [et Couronnement, non confirmé], deuxième moitié XVe.
Plouvorn, N-D de Lambader, élus dans le sein d'Abraham, deuxième moitié XVe. (Non retrouvé lors de ma visite, non confirmé)
Quimperlé, musée de l'Évêché, Ste Anne, Annonciation, Couronnement, deuxième moitié XVe
Quimper, cathédrale, Saint Jean-Baptiste, première moitié XVe
Quimper, cathédrale, retable du Christ et des Vertus, Xve
Quimper, Musée départemental breton, Baiser de Judas, Flagellation, deuxième moitié XVe
Roscoff, église de Croas-Batz, Retable de la Vie du Christ deuxième moitié XVe
Trémaouézan, presbytère, Adoration des Mages entre 1350 et 1390
Ille-et-Vilaine
Nouvoitou Retable de la Vie de la Vierge : Annonciation, Adoration, Trinité, Assomption, Couronnement fin XVe
— DIEGO MENS (Casas), 2020, La chapelle Notre-Dame-du-Loc en Saint-Avé.« Ymages » et décors du dernier quart du xve siècle, Actes du congrés de Vannes sept. 2019, Mémoires de la Socité d'Histoire et d'Archéologie de Bretagne, 36 Pages
reproduit les textes de J. Guyomar, de Gustave Duhem 1932 (Les églises de France) et de la Revue Morbihannaise volume 18 page 126 de 1914
— JABLONSKI-CHAUVEAU, Christine et FLAVIGNY (Laurence), 1998, «Sculptures d’albatre du moyen-âge», (D’Angleterre en Normandie), Rouen, musée départemental des Antiquités 12 février - 31 mai 1998, Evreux, musée de l’Ancien Evêché, juillet-Octobre 1998 Ed. Lecerf, 1998
— KIRKMAN (Andrew), English alabaster carvings and their cultural contexts
— PRIGENT Christiane , 1998, Les sculptures anglaises d'albâtre au Musée national du Moyen Âge – Thermes de Cluny , Paris, Réunion des musées nationaux, 1998, p. 13.
— ROSTAND (A), 1928, Les albâtres anglais du XVe siècle en Basse-Normandie, Bulletin Monumental Année 1928 87 pp. 257-309
— SCHLICHT (Markus), La reproductibilité comme gage de succès commercial ? Albâtres anglais de la fin du Moyen Âge, Die Reproduzierbarkeit als kommerzielles Erfolgsrezept? Die english Alabasterskulpturen des späten Mittelalters p. 179-194
https://doi.org/10.4000/perspective.15321
—TOSCER Catherine, 1987,inventaire topographique Dossier d’œuvre objet IM56004515 et Dossier de présentation du mobilier IM56004538
Ensemble de 14 pièces de sablières, de 6 blochets, de 6 entraits à engoulants taillés entre 1475 et 1494 (choeur et nef) et vers 1520 ( transept et les deux premières travées de la nef) de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé (Morbihan).
Merci à Violette Beurel, de l’association Les amis de la chapelle de Notre-Dame-du-Loc, qui nous a ouvert la porte de cette chapelle.
PRÉSENTATION.
Cette petite chapelle de la fin du XVe siècle (date de 1475 et 1494 sur les sablières) a été élevée à la suite d'un voeu ou pour commémorer un fait et est devenue par la suite, est devenue lieu de pélerinage. Elle comprend encore son enclos, son calvaire et sa fontaine. Sur plan en croix latine, elle est bâtie en pierre de taille aux pignons, le reste étant en moëllons. Le pignon ouest est le plus ouvragé, avec mouluration encadrant la porte ogivale en saillie. Une flèche très allongée se trouve au centre de la nef. La fenêtre du chevet est flamboyante et contient quelques restes de vitraux.
Elle est remarquable par son mobilier (sa croix de chancel qui porte la date de 1500 et le nom d'André de Coëtlagat, ses retables en granite, son retable en albâtre de Nottingham (fin XVe), ses statues polychromes (fin XVe), ou dans son enclos son calvaire (1500) et sa fontaine), mais aussi par sa charpente sculptée et par ses sablières exceptionnelles. (Les sablières ou pannes sablières sont ces pièces de bois (un quart de tronc de chêne), horizontales placées à la base de la charpente sur le haut du mur, rempli d'un lit de sable pour éviter la remontée d'humidité ou pour permettre à la poutre de prendre place lentement). Les 14 sablières, 6 blochets et 6 entraits ont été taillés entre 1475 et 1494 pour une partie localisée dans le choeur et dans la nef et vers 1520 pour l'autre localisée dans le transept et les deux premières travées de la nef.
Exceptionnelles dans le corpus très riches des chapelles et églises bretonnes, ces sablières le sont par leurs inscriptions gothiques précisant les dates de réalisation de cette charpente en 1475 et en 1494 et le nom des commanditaires, Olivier de Peillac chanoine de Guérande et recteur de Saint-Avé, et André de Coëtlagat, son successeur, chanoine de Vannes et recteur de Plescop et de Saint-Avé ; par leur polychromie ; et par la variété de figures traditionnelles aux ymagiers telles que les bestiaire, les sirènes et centaures, les musiciens (luth, cornemuse , traverso, harpe) et les drôleries. Elles sont remarquables aussi par le riche ensemble héraldique, peint en majorité, qui a échappé aux marteaux révolutionnaires ou a été repeint, et qui fait écho aux blasons sculptés sur d'autres supports, lapidaires notamment, de la chapelle.
Les entraits également sont remarquables par les personnages qui combattent ou tentent d'échapper à la gueule des dragons des engoulants, tout comme les blochets à forme de dragons dévorants.
La chapelle a été restaurée en 1913 puis de 2010 à 2012.
La chapelle, avec l'enclos, la fontaine et le calvaire sont classés par arrêté du 22 juin 1932
Les sablières et entraits en bois sculpté sont classées Mh par arrêté du 11 septembre 1922.
" Par la qualité des sculptures et des reliefs, cet ensemble qui alterne régulièrement des blasons, portés par des angelots en pied de cerces, et des scènes historiées, est l’un des ensembles bretons majeurs du dernier quart du XVe siècle." (C. Diego Mens)
Pour S. Duhem, l'ensemble de Saint-Avé rejoint ceux, de même facture exceptionnelle, de Trédrez, Trémel, Plumelec, Grâces-Guingamp, dont les artisans disposent d'un bagage iconographique, intellectuel et d'habilité technique, que n'auront pas leur successeur, avec des ensembles plus hétérogènes, plus inventifs, plus réfléchis que ceux du XVIe tardif et du XVIIe siècle.
Les inscriptions sont sculptées en creux, et les motifs figurés végétaux, humains, merveilleux (chimères et dragons) et plus rarement animaux disposés de façon isolée et régulière — une caractéristique stylistique bas-médiévale du XVe siècle— sont sculptés en moyen relief en bois polychrome. Les motifs se détachent franchement de l'épaisseur de la poutre et sont couverts par un "toit".
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I. LE CHOEUR DE 1475.
Le commanditaire.
Les sablières portent l'inscription en lettres gothiques qui court de chaque côté nord puis sud du chœur :
MESTRE O. DE PEILLAC CHANOYNE DE GUERÃDE ET RECTE DE ST EVE FIST F
CESTE OUVRE LAN MILL CCCC LX XV
soit "Maître Olivier de Peillac chanoine de Guérande et recteur de Saint-Avé fit faire cette œuvre l'an 1475".
L'inscription, sculptée et peinte en rouge, comporte des lettres ornées, des lettres liées ou abrégées par des tildes et les mots sont séparés par des deux-points reliés par une accolade. Elle est interrompue régulièrement par des blasons présentés par des anges, aux armes peintes (et repeintes par les restaurateurs). J'aime m'attarder sur la matérialité de ces inscriptions et ne pas les considérer seulement comme des sources documentaires : ces calligraphies sont des œuvres d'art.
La paroisse de Peillac, d'où la famille du chanoine est originaire, se trouve à l'est du Morbihan, à une dizaine de kilomètres au nord-ouest de Redon, mais la famille de Peillac a détenue aussi le château de Lohan à Plaudren, au nord de Saint-Avé.
Pol de Courcy indique dans son Armorial à propos de cette famille :
Peillac (de), sieur dudit lieu et du Plessis, paroisse de Peillac, — du Gouray, paroisse de Pleucadeuc, — de Bodeveno, paroisse de Pluvigaer, — de Lohan, paroisse de Plaudren.
Références et montres de 1426 à 1536, dites paroisses, évêché de Vannes.
D’argent à trois merlettes de gueules ; au franc canton de même.
Fondu dans Rohan, puis Ploësquellec.
Olivier de Peillac était l'un des 14 chanoines à la collégiale Saint-Aubin de Guérande. Un homonyme (son père ? ) participe en 1452 à la montre de Guillaume de Rosnyvinen.
Les armes de sa famille ne sont pas présentes sur ces sablières du chœur, mais on les trouve dans celles de la nef nord, et huit fois dans la chapelle, sur un bénitier, près du portail , sur une crédence, au socle de plusieurs statues et sur les contreforts du portail et du chevet.
Selon D. Mens :
"Olivier de Peillac est d’une famille noble assez importante, vassale de la seigneurie de Rochefort-Rieux et alliée à la puissante branche des Rohan Gué-de-L’Isle. Olivier pourrait être le frère de Jean, mentionné en 1477 et 1484 comme prévôt féodé 4 des paroisses de Plaudren et de Saint-Jean-Brévelay 5 . Cette fonction est obtenue par les Peillac par alliance avec les Tréal. Jean de Peillac perçoit les droitures 6 dues au seigneur de Largoët pour ces paroisses. La fille de Jean, Jacquette, est qualifiée de prévôte féodée de 1494, avec son époux, puis seule en 1503 et 1511 7 . Elle épouse François de Rohan, seigneur du Gué-de-l’Isle et maître d’hôtel de la reine Anne de Bretagne. Outre ses possessions dans la commune de Peillac, la famille détient également les seigneuries de la Gorays en Pleucadeuc, héritée des Tréal, de Botéven en Pluvigner et celle de Lohan en Plaudren, mais apparemment pas dans la paroisse de Saint-Avé. "
Pour le même auteur, il faut envisager pour le finacenmet de la chapelle outre la contribution des recteurs et de leur famille, une possible intervention d’un grand féodal breton, Jean IV de Rieux, maréchal de Bretagne, qui entre en possession de la seigneurie de Largoët, dont dépend la paroisse, en 1480, après le décès de sa première épouse.
A. Le côté nord.
On trouve successivement depuis la croisée des transepts et en suivant le sens des aiguilles :
—entre deux feuillages verts, les armes des Coëtlagatd'azur à 3 aiglettes d'or (peintes en 1913 au dessus d'un écusson muet), tenue par un ange à la chevelure divisée en deux boules. Curieusement, ces armes de Coëtlagat ne figuraient pas dans la chapelle. La famille habitait le manoir de Coëtlagat, en la paroisse Saint-Patern de Vannes
—L'entrait à engoulant dont le dragon laisse échapper une langue rouge.
— un masque d'un homme coiffé d'une cagoule à rabats.
— le début de l'inscription interrompue par des feuilles vertes, ou par des blasons
—Les armes écartelées des Rieux-Rochefort d'azur à 5 besants d’or en sautoir aux 1 et 4 (Rieux) et aux 2 et 3 vairé d’azur et d’or (Rochefort) sur fond de feuillages. Jean II de Rieux (avant 1343-1417 avait épousé en 1374 Jeanne de Rochefort, d'où Jean III de Rieux (1377-1431). Sa fille Marie de Rieux épousa vers 1425 Louis d'Amboise, son fils François-Jean épousa Jeanne de Rohan d'où Jean IV de Rieux (1447-1518). Jean IV de Rieux, un grand féodal breton, maréchal de Bretagne, qui entre en possession de la seigneurie de Largoët, dont dépend la paroisse, en 1480, après le décès de sa première épouse Françoise Raguenel, décédée le 18 janvier 1480, aurait (D. Mens) pu participer au financement de la chapelle. Il versa un paiement à Olivier de Peillac le 26 juin 1481 pour avoir fait mettre les armes de « Monseigneur et de mademoiselle ».
— Celles, tenues par un ange aux cheveux volumineux, des Rieux-Malestroit en alliance en 1 Rieux-Rochefort comme supra et en 2 Malestroit : de gueules à neuf besants d’or. Cela peut renvoyer à Gilles de Rieux, fils de Jeanne de Malestroit et de Michel de Rieux (1394-1473), qui épousa en 1495 Anne du Chastellier.
Les Malestroit était seigneurs de Largoët, une forteresse d'Elven, à 13 km de Vannes, avant que Jean IV de Rieux ne devienne comte de Largoët au XVe siècle. " C'est à cette époque (entre 1474 et 1476) que Jean IV, seigneur de Rieux, y retient Henri Tudor, duc de Richmond, futur Henri VII d'Angleterre. En 1490, Charles VIII démantèle le château, mais il est restauré sous l'impulsion d'Anne de Bretagne. La forteresse est en effet une des pointes du triangle rieuxois (trois grandes forteresses Rochefort-Malestroit-Elven). "
—Celles de Bretagne, tenues par un ange mais douteuse car à trois hermines seulement. [le blason modifié pourrait être en lien avec le fait que Jean de Rieux est le petit-fils de Marguerite de Bretagne, fille du duc Jean IV.]
—un masque d'un homme barbu coiffé d'un chaperon, tenant de la main droite un phylactère. Ce dernier portait-il jadis une inscription?
— un blochet débutant par un engoulant et s'achevant par une tête d'homme à l'extrémité de la pièce de bois octogonale.
Il convient en fait d'ordonnancer cette succession de blasons, comme du côté sud, en partant de l'est et de l'autel en respectant les prééminences : duché de Bretagne/Rieux-Malestroit/Rieux-Rochefort, comme au tympan d'une verrière armoriée de haut en bas. Le vitrail ancien du chœur n'a pas été conservé, mais on sait, d'après un mémoire de Galles en 1854, qu'on y trouvait les armes de Bretagne, "et deux écussons : celui de Lestrelin ; et un autre ainsi alliancé : parti au 1 d'argent à la bande nouée d'azur accompagnée de 7 merlettes de gueules, qui est Lestrelin, au 2 d'or à trois tourteaux "(J. Guyomar).
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
B. Le côté sud.
En poursuivant notre visite dans le sens des aiguilles d'une montre, et donc ici du chevet vers le transept, nous trouvons, en symétrie avec le côté nord :
— Un blochet, semblable au blochet nord avec un personnage tirant la langue
— Un masque d'homme barbu tenant un phylactère
— les armes de Bretagne, à huit hermines , présenté par un ange
— la suite de l'inscription , "ceste ouvre l'an mill cccc LXX XV", également fragmentée par les motifs ornementaux et les blasons,
—un masque léonin émergeant de feuillages,
— un ange présentant les armes écartelées des Rieux-Rochefort d'azur à 5 besants d’or en sautoir aux 1 et 4 (Rieux) et aux 2 et 3 vairé d’azur et d’or (Rochefort)
—un primitif ou homme naturel, de couleur verte, assis jambes croisées et tenant un livre. Pour l'abbé Guyomar, il s'agit d'un tailleur. Ses pieds ressemblent à des pattes. Sa tête est coiffée d'une capuche.
— Les armes, présentées par un ange, des Malestroit, de gueules à neuf besants d’or.
— Un masque de lion, à la crinière rayonnante
— la Lune et le Soleil, entourés de rayons,
— l'entrait à engoulant,
— un lion,
—un agneau à phylactère
— un dragon ailé.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
On examinera aussi la voûte lambrissée, et notamment la nervure principale est-ouest, qui est ornée de panneaux rectangulaires aux armes de Bretagne, à huit hermines.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Au total, le programme des sablières de ce chœur privilégie les insignes du pouvoir ducal (*) et des grands officiers ducaux, qui ont peut-être participé par donation à la construction, ou qui ont pu en favoriser l'établissement. Les armoiries du commanditaire, d'une famille plus modeste, n'ont pas leur place ici.
(*) Sur la commune de Saint-Avé se trouvait le château de Plaisance, résidence officielle des ducs de Bretagne, démantelée au XVIIe siècle. Jean V, duc de Bretagne (1389-1442) y séjournait fréquemment, et François Ier, duc de Bretagne (1414-1450), y est décédé le 17 juillet 1450. Les sablières de 1474 sont contemporaines du règne de François II (de 1458 à 1488), auquel succède Anne de Bretagne de 1488 à 1514.
Sophie Duhem, l'auteur de référence sur les sablières de Bretagne, s'interroge sur l'influence ici d'Olivier de Peillac, et du clergé en général :
"Comment imaginer que ce chanoine si soucieux de composer un ensemble décoratif majestueux , n'ait pas, à un moment ou à un autre, donné des directives précises aux artisans-charpentiers ? Sa contribution au choix des sculptures paraît certaine si l'on considère à la fois la grande qualité de l'iconographie représentée, et la monumentalité de l'ensemble au regard des dimensions de la chapelle."
Casas Diego Mens sépare bien le programme "protocolaire" du chœur commandé par le chanoine de Peillac, un espace accessible au clergé et à la noblesse, et qui s'avère assez convenable malgré son bestaire et la présence du merveilleux non chrétien, et celui, plus populaire, de la nef, dont le commanditaire André de Coëtlagat appartient pourtant au même milieu, celui des chanoines et recteurs issus de la noblesse bretonne. La nef, séparée du chœur par une clôture ou chancel est réservée au peuple. La clôture à claire-voix permet malgré tout aux fidèles de voir le chœur et d'entendre les offices. Casas Diego Mens, répondant à Sophie Duhem, écrit :
"Ainsi, le programme iconographique de la nef et d’une partie du chœur, mêlant fantastique, religieux, irrévérencieux et des scènes du quotidien, semble essentiellement destiné à la seule lecture d’une catégorie de la population [On ne prendra pas en compte dans cette analyse les inscriptions portées établissant les commanditaires, dans le chœur et la nef, réservées probablement à la noblesse et au clergé, et une certaine partie de la population lettrée.]
Il ne traduit sans doute pas une commande précise d’un clerc mais il compose plutôt un décor voulu par les sculpteurs, mêlant des thèmes populaires ou savants, selon une organisation qui nous échappe désormais."
Outre le fait que cela suppose, comme il le constate, d'oublier l'inscription de fondation de la nef supposant l'accès à la lecture, cela ne tient pas compte des données qui nous apprennent que, pour leurs stalles aux miséricordes très populaires voires grivoises par exemple, ces chanoines, loin de laisser carte blanche aux huchiers et de fermer les yeux sur leurs excès, peuvent exiger par contrat la présence de ces références au merveilleux médiéval, aux fabliaux, aux proverbes, et aux scènes érotiques ou scatologiques, qui se découvrent, sculptés dans la pierre et le bois , et pas seulement dans les marges des sanctuaires. Il faut imaginer d'autres rapports que les notres entre l'obscène et le sacré, exactement comme dans la Rome impériale où les phallus avaient une fonction apotropaïque nullement choquante et très ostensible.
Pour Sophie Duhem p. 270, " à Saint-Avé, les thèmes religieux sont absents et les thèmes courtois ou distrayants sont probablement conçus à la demande de l'élite de recteurs à l'origine de la commande".
LA CROISÉE DU TRANSEPT.
Les armes de Bretagne, se poursuivent ici sur la nervure centrale, et sur la clef de voûte.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
C'est aux angles de la croisée du transept que sont placées les armes des familles nobles de la paroisse du dernier quart du XVe siècle : les Benoist, seigneurs de Lesnévé sur l'angle nord-est , les Arz, seigneurs de Tréviantec et Rulliac sur l’angle sud-est et enfin, sur l’angle diamétralement opposé les Lestrelin, de Lesvellec d’argent à la fasce nouée d’azur accompagnée de sept merlettes de gueules posées 4 et 3 . Selon C. Diego Mens cette organisation héraldique témoigne sans doute du placement de ces familles nobles, lors des offices, au-devant du chancel.
L'angle nord-est : les armoiries des Benoist de Lesnévé.
Ces armes d' hermines à trois chevrons de gueules chargés de besants d’or sont sculptées et non seulement peintes.
Selon l'article Wikipédia de Saint-Avé, Sébastien de Rosmadec (~1570-1646), évêque de Vannes est né au manoir de Lesnevé. René Descartes (1596-1650), mathématicien, physicien et philosophe, aurait passé "une partie de son enfance dans la métairie du manoir de Lesnevé alors que son père Joachim Descartes (1563-1640), siège aux États de Bretagne lorsque ceux-ci sont réunis à Vannes". Je n'ai pas trouvé la confirmation de ce séjour dans les biographies de Descartes ; il a séjourné au manoir de son frère Pierre, le manoir de Kerleau à Elven.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
L'angle sud-est : les armoiries d'une famille à préciser.
Ces armes sont d'or à la fasce de gueules accompagnée de 3 quintefeuilles de même. L'abbé Guyomar propose d'y voir les armes des Eder, mais celles-ci sont de gueules à la fasce d'argentaccompagnée de 3 quintefeuilles de même.
On les retrouve sur la crédence à côté de celles des Peillac.
C. Diego Mens signale ici les armes de la famille d'Arz seigneurs de Tréviantec et Rulliac sur l’angle sud d’azur à trois quintefeuilles de gueules .
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
L'angle nord-ouest : les armoiries de la famille Lestrelin, de Lesvellec en Saint-Avé.
Ils portent d’argent à la fasce nouée d’azur accompagnée de sept merlettes de gueules posées 4 et 3.
Leurs armes figuraient aussi dans la vitre du chœur. Et dans la chapelle Saint-Avoye de Pluneret.
Le pedigree ?
Lestrelin (de), sieur de Lesvellec, en Saint-Avé ; Kerlois et Liscoet, en Pluvigner ; Keropert, en Grand-Champ ; Kerlagadec, en Noyal-Pontivy ; Pradic, en Plumergat ; Penhaer, en Camors ; et Kerispert, en Pluneret. Réformations de 1426, 1448 et 1536 (famille éteinte à la fin du XVIème siècle).
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
L'angle sud-ouest : les armoiries des Laouénan, de Baden.
D'azur à la fasce d'argent accompagnée de 3 roitelets d'or
Pas de photo.
LES SABLIÈRES DE LA NEF (1494)
L'inscription. Le commanditaire.
L'inscription se partage entre le côté nord :
OU LOYAL TEMPS DE MASTRE : OLIVIER : DE PELIAC CHANOE GUERANDE ET MAISTRE ANDRE DE COETLAGAT
et le côté sud :
RECTO DE SANT AVE FIT ACHEVER CESTE CHAPLE EN LÃ MIL IIIIc IIIIxx ET XIIII
"Au loyal temps de maître Olivier de Pellac chanoine de Guérande et maître celles d'André de Coëtlagat recteur de Saint-Avé fit achever cette chapelle en l'an 1494".
Qui est ce nouveau recteur et commanditaire ?
Origine.
Essentiellement vannetaise, la très vieille maison de Coëtlagat eût pour berceau la terre de ce nom en la paroisse de Saint-Patern ès-faubourgs de Vannes. Elle comparut aux montres et réformations de 1426 à 1536 dans les paroisses de Saint-Patern, Guehenno et Plœren, et fut reconnu noble d'ancienne extraction à la réformation de 1669 avec sept générations (Bibl. de la ville de Rennes. Mss. des Réformations).
Membres.
Remontant à Messire Geoffroy de Coëtlagat, croisé en 1248 (P de Courcy. Armorial de Bretagne. Tome I, p. 211), elle compte en outre parmi ses membres :
—Escuyer Guillaume de Coëtlagat qui reçoit en legs du duc Jean II dans son testament de l'an 1303, une somme de 50 livres pour ses bons et loyaux services (Dom Morice. Preuves. Tome I. Col. 1196) ;
—Messire Guillaume de Coëtlagat, écuyer de Mademoiselle de Porhoët en 1426 (Ibidem. Compte de Jehan Droniou, trésorier du Duc. Tome II, Col. 1223) ;
— Noble écuyer Renaud de Coëtlagat, marié vers 1445 à Aliette de Peillac et décédé en 1473 (Arch. Dép. du Morbihan, Série E et Mss. Galles) ;
— Messire Jehan de Coëtlagat, l'un des témoins déposant à l'Enquête de canonisation de saint Vincent-Ferrier, le 21 novembre 1453, avec son frère Yves de Coëtlagat, prêtre, et sa femme Jeanne Trainevault, guérie miraculeusement de la peste peu de temps auparavant, par l'intercession du saint (Enquête de canonisation de saint Vincent-Ferrier. Mss. de l'abbé Chauffier). Noble dame Olive de Coëtlagat, nourrice de la fille du Duc en 1455 (Dom Morice. Preuves. Tome II. Col. 1689) ;
— Messire Robert de Coëtlagat, qui avait épousé demoiselle Catherine Sorel vers 1448 (P. de Courcy. Armorial de Bretagne. Tome I, p. 211) ;
— Messire Pregent de Coëtlagat, vivant en 1495, fils d'autre Pregent de Coëtlagat, écuyer du pays de Guérande (Cartulaire inédit de l'abbaye de Prières. Mss. de l'abbé Chauffier) en 1418 ;
— Messire André de Coëtlagat,
— Messire Jean de Coëtlagat, moine de Prières en 1539, prieur de cette abbaye en 1547 (Cart. inédit de l'abbaye de Prières. Mss. de l'abbé Chauffier), abbé de celle de Lanvaulx en 1565 (P. de Courcy. Armorial de Bretagne. Tome I, p. 211) ;
— Messire Jean de Coëtlagat, vivant en 1543, marié à Anne de Quifistre (Arch. Dép. du Morbihan. Mss. Galles) ;
etc.
Seigneurie.
La famille de Coëtlagat a possédé les terres et seigneuries de Coëtlagat et Ménimur en Saint-Patern ; — de Kerlois en Pluvigner ; — de Pont-Dinan en Arradon ; — du Clegrio, paroisse De Guehenno ; — de Cantizac, de Porte-Layec et Bodrual, paroisse de Séné ; — de Liscouët en Péaule ; — de Penvern en Plaudren ; — de Kerlan en Plumergat ; — de Kerdualic, du Quelennec, de Kervaly, etc.
Principales alliances.
Elle s'est alliée aux familles : de Lesteno (XIVème. s.), de Peillac vers 1445, Sorel (1448), de Lourme (fin du XVème s.), Trainevault vers 1450, de Broël (XVIème s.). de Quifistre vers 1538, Riou, Le Goff, de Lesmais (XVIème s.), Guimarho vers 1574, de Gaincru vers 1592, de Rosmadec (XVIème s.), , etc
R. de L'Estourbeillon, in Infobretagne
Diego Mens apporte des informations complémentaires :
"La famille Coëtlagat possède un manoir à Vannes, dans la paroisse de Saint-Patern, des terres à Séné (Bodrual et Cantizac) et Plescop. Jean est mentionné comme seigneur de Bodrual à la fin du XVe siècle . Il dépose, à moins qu’il ne s’agisse de son père, dans le procès en canonisation de Saint-Vincent Ferrier en 1453 avec son frère Yves, prêtre. Olive de Coëtlagat est au service de la duchesse Isabeau d’Ecosse, comme nourrice de Marie de Bretagne en 1455 9 . Les deux familles des recteurs qui ont œuvré à la construction de cette chapelle sont alliées puisqu’un mariage 10 est célébré en 1455 entre Aliette de Peillac et Renaud ou Regnaud de Coëtlagat. Ce dernier, fils de Michèle de Tréal 11 et de Guillaume de Coëtlagat, est mentionné dans les montres du 8 septembre 1464 pour la paroisse de Séné avec 700 livres de revenus, et comme seigneur de Cantizac 12 . Prigent de Coëtlagat hérite de ce domaine en 1474."
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Le côté nord de la nef.
Description depuis l'entrée à l'ouest vers le transept
Les motifs ou personnages sont répartis en frises et répondent aux retombées (en culot) des nervures de la charpente.
On trouve successivement :
Première pièce entre blochet et entrait.
— Le blochet, engagé dans la maçonnerie, avec engoulant et personnage.
— un masque d'homme encapuchonné, bouche ouverte
— entre les mots OU et TEMPS, un coeur percé de deux flèches croisées, et portant le mot LOYAL. Les auteurs ne l'intègrent pas toujours au texte de l'inscription.
— un masque d'homme barbu de face, bouche ouverte
— Entre les mots DEMAISTRE et :OLIVIER, une fleur à quatre pétales,
— un homme accroupi sous la console, qui désigne de l'index un passage d'un livre et lève les yeux au ciel. Il est coiffé d'un chaperon ou d'un bonnet, porte une tunique rouge, des chausses vertes et des chaussures ou sabots.
— dans l'angle une feuille d'acanthe étalée ;
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Le premier entrait, côté ouest.
Un homme vêtu de chausses, d'une tunique ajusté et portant un chapeau noir, court vers la tête du dragon de l'engoulant en brandissant une massue.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Le premier entrait, côté est. Un chasseur (piqueux) s'avance vers la gueule du dragon et y enfonce sa pique.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Deuxième pièce entre premier et deuxième entrait.
— Dans l'angle de l'entrait un homme barbu (prophète??) écarte les spires d'un phylactère qui lui enrubanne la tête.
— Lui faisant face, un joueur de cornemuse est vêtu d'habits découpés. J. Guyomar écrit que " ses lèvres viennent d'abandonner le bec du biniou pour répondre au moine qui le blâme d'exciter à la danse ; mais si la bouche du sonneur ne remplit pas son office, nous voyons son bras gauche presser l'outre de l'instrument, ses doigts n'ont pas abandonné les trous, et la musique continue toujours. Le tuyau de la corne du biniou a disparu ".
Ce joueur est décrit dans l'encyclopédie de la cornemuse de Jean-Luc Matte :
http://jeanluc.matte.free.fr/fichsz/stavesabl.htm
Sculpture en bois avec traces de polychromie: homme portant des vêtements en forme de feuilles et coiffé d'une couronne de feuilles. Un bourdon d'épaule dont seuls subsistent le pavillon et la "souche"; un porte-vent brisé, un hautbois à pavillon
S. Duhem indique qu'une copie de cette sablière, du XIXème, existe à la chapelle de Kerozer de cette même commune
— un chien qui se lèche en se retournant vers son arrière-train, dans une vue plongeante audacieuse
— présentées par un ange coiffé d'un bonnet et vêtu d'une robe très ample, les armoiries d'Olivier de Peillac, suivant la mention de son nom sur l'inscription.
On retrouve aussi ces armoiries sur les consoles des statues de Marie-Madeleine, de saint Corneille, de saint François, sur la crédence sud et sur le bénitier.
— une femme dont la main gauche est levée. J. Guyomar y voit "une paysanne, dont la figure est d'une finesse extraordinaire ; elle détourne les yeux et se sert de sa main gauche comme d'un écran pour ne pas voir l'exhibition indécente d'un homme voisin accroché à la sablière, et que M. Pobéguin, sculpteur à Vannes, a mutilé du temps de M. Panhéleux (1830-1860)."
— Un clerc (tonsuré), de dos, la main gauche sur le crâne, dont la partie basse a été buchée car jugée inconvenante.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Troisième pièce entre deuxième et troisième entrait.
— À l'angle de l'entrait un homme nu et barbu se protège du centaure ...
—un centaure qui, armé d'une massue et le bouclier au bras, va se ruer sur l'homme.
— Près du nom de Maître André de Coëtlagat, armoiries de Cantizac de la paroisse de Séné : d'argent à la bande de gueules, chargée de 3 alérions d'or, présentées par un ange, qui porte sur ses ailes et sa tête la couronne d'épines. Il y avait eu des alliances entre les Coëtlagat et les Cantizac. Le recteur, maître André de Coëtlagat, a-t-il préféré mettre auprès de son nom les armoiries de sa famille maternelle ? Non photographié.
— Une sirène, admirablement fine, tient dans sa main gauche un peigne, dont elle vient de se servir pour sa longue chevelure, et dans sa main droite une glace, où elle se mire. Elle répond à une autre sirène du côté sud. Elle est couchée sur le ventre, le buste redressé, la tête à gauche. Ses seins sont globuleux. La partie inférieure a la forme d'une queue de poisson.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Quatrième pièce entre troisième et quatrième entrait.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Le côté sud de la nef.
dans le mouvement des aiguilles d'une montre, du transept vers l'entrée.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Cinquième pièce entre deux entraits.
— feuillages
— ange présentant des armoiries de Kerboulard, en Saint-Nolff, et aussi seigneur de Kervelin, en Saint-Avé : de gueules à l'aigle d'argent, armée et becquée d'or, cantonnée à dextre d'un croissant de même.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Quatrième pièce entre deux entraits.
—Blason muet
— Femme grimaçant et échevelée vêtue en vert évoquant une sorcière caressant ses longs cheveux blonds.
— armoiries présentées par un oiseau : les armoiries d'Ars ou Arz, seigneur de Ruliac et de Tréviantek ou Triantek en Saint-Avé : d'argent à 3 quintefeuilles de gueules. peintes en 1913
— feuillage.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Troisième pièce entre deux entraits.
L'inscription reprend ici avec RECTO [Recteur] SANT AVÉ FIT ACHEVER.
— feuillage.
—Une sirène de face, verte et écaillée avec une queue de poisson bien visible tient un peigne de la main droite est caresse ses longs cheveux blonds de la main gauche.
—une tête de clerc, tonsuré, tournée vers la sirène dans une posture renversée en arrière, comme envoûté .
— un joueur de luth , en chevalier servant, de face, la tête coiffé d'un bourrelet sur des épais cheveux peignés en masses latérales ; Grand manteau et chausses.
— une joueuse de harpe, à genoux, tournée vers le luthiste, et sur la traîne de son manteau un petit chien blanc.
— et enfin, dans l'angle de l'entrait, un joueur de traverso, assis sur une cathèdre.
Sur cette pièce, on constate que les motifs, quoiqu'isolés le long d'une frise, composent des ensembles narratifs. Si la sirène, ici, témoigne de l'enchantement de la voix (simple hypothèse), toute la pièce est alors dédiée aux pouvoirs de la musique.
Pour certains, la sirène pourrait aussi renvoyer aux anciennes graphies de Saint-Avé, Senteve, Sainct Eve (en 1427, 1448, 1464 et 1536) ou Sainct Evve (en 1477) .
Les deux sirènes de Saint-Avé n'ont pas échappées à l'inventaire de Hiroko Amemiya, qui les classent dans les 20 exemples d'"ornement de type sirène", dont 13 en pierre et 7 en bois avec celles des sablières de Loc-Envel, et de N-D des Grâces de Kerlenat.
Elle décrit ici "un sujet debout, au visage rond grossièrement taillé, avec une longue chevelure ondulée, gonflée en forme d'éventail aux côtés des oreilles, qui tombe jusqu'à l'extrémité de la queue. Ses mains soulèvent les cheveux [H. Amemiya n'a pas identifié le peigne]. La partie inférieure du corps a la forme d'une queue de poisson à écailles à peine apparentes."
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Deuxième pièce entre les entraits.
— Un homme endormi, la tête appuyée sur la main, le coude posé sur l'accoudoir d'une cathèdre.
—Un oiseau blanc s'emparant du rouleau de phylactère du dormeur. Pour J. Guyomar, "dans l'angle, un moine, les pieds en haut et la tête en bas appuyée sur sa main droite, dormait, bercé par la musique, lorsqu'une colombe aux ailes déployées arrive du ciel avec un message, qu'elle tient dans son bec et ses pattes, pour lui dire qu'il a autre chose à faire que de dormir ; et le moine a la main gauche appuyant sur la sablière ; il fait un effort pour se lever."
— Un homme, en position de chevalier servant de face, dans une position d'exhibition encore plus indécente que celle de la sablière nord, a subi la même mutilation que l'autre.
— Après les mots CESTE CHAPEL, un homme coiffé d'un turban et vêtu d'une longue robe de chambre qui fait signe du doigt à son chien et lui dit : APORTE (« Apporte). Ce mot est écrit à l'envers de manière à n'être pas confondu avec ceux de la légende ; le chien blanc montre les crocs et fait voir qu'il n'est pas disposé à porter à son maître l'os ou le bâton qu'il tient dans ou sous sa gueule .
Cette écriture rétrograde de la droite vers la gauche doit être un unicum dans le corpus des inscriptions des sablières, et on pourrait s'interroger longuement à son propos : l'artiste a su innover pour rendre de manière concrète le trajet de la parole du locuteur vers l'auditeur, de l'émission vers la réception. Ce procédé existe-t-il dans l'épigraphie médiévale ? dans les enluminures ? Et même dans nos bandes dessinées? Que de questions passionnantes!
Bien plus, on pourrait y voir une pensée philosophique, sur la vanité de la parole, sur son nonsens, sur la rupture ou de l'inversion/perversion du "propre de l'humanité" lorsque le langage s'adresse à un animal, etc.
Car, quel est le sens de cette saynète? Quel est même l'objet blanc défendu par le chien ? Y a-t-il ici jeu, ou antagonisme ? La scène est-elle reliée à la précédente, où intervient aussi un homme, un animal et un support d'écriture?
Avons-nous affaire à un art populaire destiné à faire sourire, ou à des supports de pensée savante cachée sous ces dehors énigmatique ?
Le sens de ces tableaux était-il clair pour leur contemporain, qui en posséderait les codes par une culture et des références, ou bien était-il déjà destiné à plonger le spectateur dans la perplexité et à ouvrir les portes de son imaginaire ?
— dans l'angle un dragon sans tête enroule sa queue autour de ses ailes.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
L'engoulant du deuxième entrait, côté ouest.
Un homme sauvage, nu mais velu, prend la fuite, un pied encore dans la gueule du dragon. Il tient une pierre entre ses mains.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
L'engoulant du premier entrait, côté est.
De la gueule du dragon sort un serpent qui l'affronte.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
L'engoulant du premier entrait, côté ouest.
Un homme vêtu d'une robe violette et de chausses grimpe sur la poutre pour échapper aux dents du dragon ; il prend appui sur la gueule elle-même.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Du premier entrait jusqu'au blochet .
— Dans l'angle une feuille.
— De l'autre côté de la poutre, un homme dans une posture de chute cul dessus tête, qui fait écrire à Guyomar " cette figure rappelle la folie de Don Quichotte dans une forêt, où ce héros en chemise se livre à des exercices acrobatiques et excentriques, qui découvrent à Sancho des choses si drôles qu'il s'enfuit pour ne pas les voir."
— un bouton rouge au cœur de pétales ou sépales verts.
— Et un homme aux cheveux abondants serrés par un bandeau, qui a l'air de vouloir soutenir à lui seul toute la toiture.
—une fleur rouge dans des feuillages,
—un masque d'homme souriant, coiffé d'une capuche à rabats.
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Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
—Le blochet engagé dans la maçonnerie
On y voit , s'échappant de la gueule du dragon, une forme violette qui doit correspondre à un personnage féminin s'échappant, si on en juge par les tourbillons de plis d'une robe.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Le bras nord du transept.
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Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
Les sablières de la chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé. Photographie lavieb-aile 2024.
SOURCES ET LIENS.
— AMEMIYA (Hiroko), Vierge ou démone, statuaire insolite en Bretagne, Keltia graphic, pages 226 et 227.
—DANIGO (Joseph), 1983, La chapelle Notre-Dame-du-Loc à Saint-Avé, Congrés archéologique de France tome 141 page 216 et suiv.
"Depuis des siècles, la paroisse de Saint-Avé avait cette particularité de posséder deux bourgs,
distants de quelques centaines de mètres : le « bourg d’en-haut » regroupé autour de l’église-mère et le « bourg d’en-bas » appelé au xvi e siècle « bourg de Notre-Dame Saint-Evé » et, au xv e , « Locmaria-Saint-Evé ». Ce dernier se signalait par une chapelle dédiée à la Vierge où les paroisses voisines se rendaient en pèlerinage, les lundi et mardi de Pâques.
Historique. — Grâce aux inscriptions de ses sablières, la chapelle Notre-Dame du Loc peut être
exactement datée. Dans le chœur, on lit, en effet : « MEST e o. de peillac chanoyne de guerade et RECT e de s t eve fist F(aire) ceste ouvre (œuvre) lan mill cccc lxxv (1475) » et dans la nef : « ou (loyal) TEMPS DE MASTRE OLIVIER DE PELIAC CHANO e (de) GUERANDE ET MAISTRE ANDRE DE COETLAGAT RECT(r) DE SAIT AVE FIT ACHEVER CESTE CHAP le (chapelle) EN LAN MIL IIII C IIII XX ET XIIII (1494) ».
Olivier de Peillac fut recteur de Saint-Avé de 1475 à 1488 et André de Coetlagat, d’une famille
alliée, lui succéda de 1488 à 1504. La chapelle de Saint-Avé, leur œuvre commune, a donc été construite, très exactement, dans le dernier quart du Xv e siècle. Sans doute ne furent-ils pas les seuls à y concourir car, à côté de leurs armes, maintes fois répétées, figurent les hermines ducales de Bretagne, les besants des Rieux, au titre de Largouet, seigneurie dont dépendait Saint-Avé et les marques des Benoist de Lesnevé, des Lestrelin de Lesvellec et autres vassaux. Mais il ne faut pas négliger la contribution populaire, toujours importante.
Au fil des siècles, bien des réfections sont intervenues. La plus importante date de 1913, où les
pignons du transept furent relevés, la nef percée de nouvelles baies, la façade occidentale déposée, le sol nivelé, le mobilier déplacé et, en partie, renouvelé. En 1948, une violente tornade emporta le clocheton de charpente qui ne sera rétabli qu’en 1952.
Description. — En dépit de ces restaurations, parfois un peu intempestives, la chapelle Notre-Dame
du Loc garde bien des caractères du xv e siècle : plan en croix-latine, chevet droit, contreforts d’angle, clocher d’ardoise au haut de la nef, charpente apparente sous un lambris en carène.
Le chœur est demeuré à peu près intact dans son appareil de granit. Les rampants du pignon sont
lisses et la fenêtre axiale s’ouvre en arc brisé, moulurée d’un cavet, à l’intérieur comme à l’extérieur, et garnie d’un remplage flamboyant. De l’ancien vitrail ne subsistent que de minimes fragments regroupés dans les flammes trilobées. Plus petite, la fenêtre méridionale répète ce même dessin mais avec un ébrasement rectiligne.
Il n’y a guère lieu de tenir compte du transept, si ce n’est parce qu’il a conservé, à l’intérieur, ses
bancs muraux, ni des longères de la nef construites en moellons et dont les contreforts et les ouvertures ont été modifiées.
La façade occidentale a souffert, elle-même, de la restauration du xx e .siècle, mais on a sauvegardé
son aspect général. Au sommet des contreforts d’angle, de hauts pinacles encadrent les rampants du pignon où apparaissent les premières crosses végétales. Le portail en arc brisé s’inscrit dans un avant-corps, amorti en bâtière, qui lui donne plus de profondeur. Malheureusement les colonnettes engagées dans les piédroits pour recevoir les moulurations toriques ont été privées de leurs chapiteaux. Au-dessus, le grand oculus du pignon contenait sans doute à l’origine une rose.
A l’intérieur, si les lambris de la voûte ont été renouvelés, les éléments apparents de la charpente
remontent aux origines.
Aux entraits, plutôt qu’aux habituels crocodiles, les engoulants ressemblent à des sangliers aux crocs puissants qui parfois tirent la langue. Certains d’entre eux sont aux prises avec des animaux ou des hommes. Le long des sablières, alternant avec les inscriptions et les signes héraldiques, défilent des figurations souvent mystérieuses, non seulement des feuilles dentelées ou des masques, une sirène tenant en mains un miroir et un peigne, un sagittaire, un moine réveillé par une colombe, un homme coiffé d’un turban qui commande à son chien tenant un os : « aporte ». Certains de ces reliefs, jugés indécents, ont été mutilés vers 1830 et pourtant ces sculptures comptent parmi les meilleures du Morbihan.
Le mobilier. Le mobilier de la chapelle n’est pas moins remarquable. Dès l’entrée, se dresse, sur
un support sobrement mouluré, un bénitier octogonal de granit, frappé des armes de Peillac et de Cantizac.
A l’autre extrémité de la nef, se hisse jusqu’à la voûte un crucifix de bois qui dominait autrefois
la barrière du chancel. Au pied de la croix discrètement orné se trouve incorporé un tronc. Des niches, aux dais délicatement fouillés mais vides de leurs statues entourent le fût. Plus haut, se détachent, en accolade renversée, deux branches aux feuilles luxuriantes, qui portent à leur extrémité les statuettes polychromées de la Vierge et de saint Jean. Le Christ est cloué à la croix, les jambes droites, les bras largement ouverts, la tête un peu penchée. Au-dessus du titulus, un dais pyramidal, ajouré sur toutes ses faces d’arcades flamboyantes et hérissé de pinacles et de crosses végétales s’élève triomphalement en trois étages. La finesse de cette dentelle lui a valu, de la part des gens du pays, le surnom de « er spernen », l’aubépine. Au dos, face au chœur, un évêque se tient debout et les bras de la croix portent l’inscription :« MESTRE ANDRE DE COETLACAT RECTEUR DE SAINT AVE FIT FAIRE GESTE EUPVRE (œuvre) LAN MIL Vc (1500) ».
Les ailes du transept contiennent quatre autels de pierre, tous les quatre adossés à l’est et disposés
symétriquement.
Les deux principaux sont constitués d’un massif rectangulaire assez grossier, d’une table moulurée
sur ses bords d’une bande et d’un cavet, enfin d’un retable de granit comme il n’en existe plus que de rares exemplaires. Le retable du nord est mutilé dans sa partie gauche où figurait la scène de l’Adoration des Mages mais, à droite, on voit encore celle de l’Annonciation : l’ange porte un phylactère avec l’inscription, en caractères gothiques : « ave maria » et s’agenouille devant la Vierge qui se tient debout, la main droite sur la poitrine, un livre à fermoir dans sa main gauche.
Dans celui du sud s’alignent, de gauche à droite, une Crucifixion avec la Vierge et saint Jean, le
Couronnement de Marie (fig. 3), sainte Catherine tenant la roue et l’épée de son martyre, sainte Madeleine avec son vase de parfum et sainte Marguerite « issant » du corps du dragon.
Tous ces sujets sont sculptés, en réserve entre deux bordures saillantes, avec une réelle maîtrise,
en dépit de la rudesse du matériau. Ce sont de bons spécimens de la sculpture vannetaise du xv e siècle.
De part et d’autre de l’entrée du chœur, les deux autres autels, de même composition, sont plus
petits et plus soignés. Leur retable, en pierre blanche, s’entoure d’un cadre 01 circulent des rameaux de vigne. Jadis, des peintures de l’Annonciation et de la Nativité ornaient le panneau central. Une œuvre similaire, à Noyal-Pontivy, qui a gardé son décor peint, porte la date de 1574.
Les autels s’accompagnent d’une statuaire de bois abondante et variée mais les deux images de
sainte Madeleine et de sainte Luce sont en pierre, cette dernière marquée du blason d’Olivier de Peillac, qui les date du xv e siècle. On le retrouve sur plusieurs socles sculptés de feuillages et d’angelots.
Dans le chœur, l’autel de pierre blanche est moderne, tout comme la table de communion. Fort
heureusement, on a respecté l’ancienne crédence, bien qu’elle ait été mutilée. Un beau trilobé s’inscrit à l’intérieur de son cintre brisé et elle s’accompagne des habituels ornements flamboyants : pilastres à pinacle, accolade verdoyante, fleuron épanoui et, en outre de deux blasons. De l’autre côté, le triangle du sacraire indique une date plus tardive.
Au nouvel autel, on a incorporé les éléments d’un retable d’albâtre placé primitivement sur l’autel
méridional. Il se composait de sept éléments sculptés en bas-relief ne comportant pas moins de quarante-sept personnages. Malheureusement, il faut déplorer le vol, en 1980, du panneau central qui ornait le tabernacle. Le Père Eternel y figurait, assis sur son trône. Au sommet de sa tiare pointue était perchée la colombe du Saint Esprit. Entre ses genoux se dressait la croix où pendait son Fils. Contre sa poitrine, une poche, image du sein d’Abraham, contenait trois élus. De part et d’autre, six anges accusaient la composition en trois étages : ceux du bas recueillaient dans un calice le sang qui coulait des pieds du Crucifié, deux autres, au milieu, celui des mains et, en haut ils tenaient à main droite une clef et de l’autre supportaient le nimbe céleste .
Les six autres compartiments, quatre grands et deux petits, encadrent le tabernacle. Dans les
quatre principaux se pressent une foule de personnages : à gauche, d’abord les patriarches et les prophètes parmi lesquels on reconnaît Abel, Melchisedech, Abraham, Moïse, Isaïe, puis des dignitaires : pape, cardinal, roi, évêque, abbé, moine ; à droite des saints : Pierre, Paul, André, des martyrs et des confesseurs, des saintes : Catherine, Marguerite, Madeleine, Hélène, Appoline. Séparés de ces cortèges, saint Jean-Baptiste et saint Jean l’Evangéliste occupent les panneaux extrêmes. Une frise de dais en arcs infléchis et garnis de crosses végétales couronne tout l’ensemble.
La plupart du temps, ces retables d’albâtre étaient importés de Grande-Bretagne où leur fabrication en série a commencé à York et à Nottingham vers 1390 pour se continuer jusque très avant dans le xvi e siècle.
Toujours dans le chœur, une très belle Vierge à l’Enfant, en pierre blanche, doit être contemporaine de la chapelle. Majestueuse, la tête un peu penchée, elle se hanche légèrement. Sous la couronne royale, son visage s’encadre entre les boucles de sa chevelure. Sa robe et son manteau tombent sur ses chaussures en plis simples et élégants. Vêtu d’une longue robe, l’Enfant feuillette le Livre saint que tient sa mère, un doigt engagé dans les pages.
Cette œuvre savante n’a plus rien à voir avec les images rustiques des chapelles morbihannaises.
René Couffon y reconnaissait plutôt une œuvre nordique.
L'enclos. —- La chapelle Notre-Dame du Loc est contenue à l’intérieur d’un placître fermé où se
voient encore deux croix anciennes et une fontaine.
Face au portail, se dresse une grande croix de pierre du type à panneau, fréquent dans le Morbihan.
Son soubassement quadrangulaire, élevé sur un perron à trois degrés, s’élargit, du côté de l’ouest, en table d’autel. Il supporte un socle épais sculpté sur ses quatre faces : à l’ouest, sous une grossière accolade, figure une Annonciation analogue à celle du retable intérieur. A l’opposé une triple arcade abrite un saint Jean-Baptiste, un saint Jacques et, peut-être, au milieu un saint Laurent. Sur les petits côtés, il n’y a que deux personnages : sans doute saint Pierre et saint Paul au nord, sainte Madeleine et sainte Catherine, au sud.
Un chapiteau mouluré coiffe le fût écoté et soutient le médaillon à quatre lobes d’où émergent les
extrémités de la croix. Aspectant à l’ouest se détache en bas-relief la scène de la Crucifixion avec la Vierge et saint Jean, la tête appuyée sur la main. Au dos, la Vierge à l’Enfant trône entre quatre anges : deux musiciens et deux thuriféraires.
Un peu plus loin, vers le sud, fichée dans une stèle hémisphérique, une autre petite croix au panneau
hexagonal présente sur une de ses faces le Crucifié et sur l’autre une Vierge à l’Enfant couronnée.
A gauche de l’entrée, le bassin rectangulaire de la fontaine, s’avance, entre deux murets de pierre,
jusqu’à un pignon triangulaire où les crosses en spirale des rampants accusent le début du xvn e siècle.
La petite niche est désormais vide mais la croix domine toujours le monument.
En cet étroit espace, l’enclos de Saint-Avé d’en-bas regroupe ainsi tout un ensemble d’œuvres
variées caractéristiques de l’art vannetais.
Bibliographie sommaire.
L. Rosenzweig, 1863 Répertoire archéologique du département du Morbihan, P, 1863, col. 221-222 ;
Guillotin de Corson, 1898 Les pardons et pèlerinages de Basse-Bretagne. Diocèse de Vannes,
Rennes, 1898, p. 14 à 21 ;
G. Duhem, Les églises de France, Morbihan, P, 1932 ;
H. du Halgouet, Trésors du passé, Vannes, 1948, 86 p. Les albâtres, p. 27-32; H. du Halgouet, Contribution à l'artpopulaire dans le statuaire, Vannes, 1948, 32 p.
— DIEGO MENS (Casas), 2020, La chapelle Notre-Dame-du-Loc en Saint-Avé.« Ymages » et décors du dernier quart du xve siècle, Actes du congrés de Vannes sept. 2019, Mémoires de la Socité d'Histoire et d'Archéologie de Bretagne, 36 Pages
Celles-ci se décomposent en trois ensembles : en premier lieu, les sablières sculptées, puis les statues de la fin du XVe siècle et enfin le calvaire monumental, commandé en 1500, qui semble clore le chantier de cet édifice. Nous ne reviendrons pas ici sur la symbolique de ces sablières qui a été largement analysée et documentée dans la thèse de Sophie Duhem sur les sablières sculptées en Bretagne . Par la qualité des sculptures et des reliefs, cet ensemble qui alterne régulièrement des blasons, portés par des angelots en pied de cerces, et des scènes historiées, est l’un des ensembles bretons majeurs du dernier quart du XVe siècle. Les reliefs très soignés et élégants, quoiqu’intégralement repeints en 1913, sont travaillés en frise, notamment dans la nef, et accompagnés par des entraits à engoulant. L’exemple est représentatif, selon cet auteur, des décors profanes en vogue dans les ateliers de cette période, avec un bestiaire fantastique (centaures, sirènes), des personnages accompagnés d’animaux ou des musiciens (luth, harpe et un type de flûte traversière). Si certains péchés capitaux sont illustrés, les scènes religieuses ne constituent pas une suite logique, à la façon d’un cycle destiné à l’enseignement des fidèles et à leur mise en garde. L’iconographie, parfois inconvenante, de cet ensemble composé de « thèmes joyeux » selon Sophie Duhem, ne cadre pas à l’évidence avec le rang et la qualité du commanditaire supposé, André de Coëtlagat. Il faut raisonner de manière spatiale pour analyser plus avant ce décor sculpté de charpenterie.
Les scènes historiées au milieu de la hauteur de l’édifice, dans une verticalité entre ciel et terre, se concentrent sur deux espaces horizontaux : le chœur commencé en 1475 et la nef achevée en 1494 avec deux entraits également sculptés de scènes. En revanche, les sablières des bras de transept sont plus dépouillées et décorées essentiellement par des anges porte-blasons, en bas des cerces. Les seules scènes historiées, placées sur les angles du chevet, sont visibles de la nef, donc pour des fidèles réunis derrière le chancel. Dans le chœur également visible de la nef, ce ne sont que quelques scènes profanes, isolées dans une frise essentiellement héraldique.
Le volet iconographique profane, en frise régulière, est donc concentré dans la nef, réservée aux fidèles, contrairement au chœur, chapelles latérales et inter- transept, espaces du clergé et de la noblesse.
Le chancel, sans tribune ici, compose une barrière physique, mais permettant toutefois de lire une partie des décors de sablières, au-delà de celui-ci.
Ainsi, le programme iconographique de la nef et d’une partie du chœur, mêlant fantastique, religieux, irrévérencieux et des scènes du quotidien, semble essentiellement destiné à la seule lecture d’une catégorie de la population [On ne prendra pas en compte dans cette analyse les inscriptions portées établissant les commanditaires, dans le chœur et la nef, réservées probablement à la noblesse et au clergé, et une certaine partie de la population lettrée.]
Il ne traduit sans doute pas une commande précise d’un clerc mais il compose plutôt un décor voulu par les sculpteurs, mêlant des thèmes populaires ou savants, selon une organisation qui nous échappe désormais.
Ce décor est placé à mi-hauteur de l’édifice avec ses blasons, entre quotidien terrestre des fidèles et voûte céleste. L’origine de cette symbolique complexe est à trouver dans ce positionnement. Autre élément constaté : la moindre qualité de la sculpture des scènes historiées du chœur et des chapelles latérales par rapport à celles de la nef. Étant donné sa durée, et à l’inverse de la proposition de S. Duhem qui fixe la date de 1494 pour une pose de la charpente, le chantier a dû être réalisé en deux temps distincts, sans doute par deux ateliers différents pour le décor de la charpenterie.
En effet, on imagine difficilement un tel édifice, doté d’une couverture provisoire durant 19 années, et sans une charpente pour maintenir la cohésion des murs.
L’analyse héraldique du décor de charpenterie permettra de confirmer ces deux phases dans la construction. Les travaux de 1913 ont été l’occasion d’une reprise importante de ces sablières, et notamment des blasons présents, tant sur celles-ci que sur les socles. Comme le précise l’abbé Guyomar , certains écussons ont été repeints, dont ceux des sablières de la nef, notamment celui de l’angle sud de la nef et du transept. Muet, il a été peint aux armes des Coëtlagat d’azur à trois aiglettes d’or .
Les autres blasons, sculptés et peints avec motifs héraldiques et portés par des anges placés aux trois autres angles de la nef et du transept , sont authentiques. Ils correspondent à des familles nobles de la paroisse du dernier quart du XVe siècle : les Benoist, seigneurs de Lesnévé sur l’angle nord du chœur d' hermines à trois chevrons de gueules chargés de besants d’or, les Arz, seigneurs de Tréviantec et Rulliac sur l’angle sud d’azur à trois quintefeuilles de gueules et enfin, sur l’angle diamétralement opposé les Lestrelin, de Lesvellec d’argent à la fasce nouée d’azur accompagnée de sept merlettes de gueules posées 4 et 3 . Cette organisation héraldique témoigne sans doute du placement de ces familles nobles, lors des offices, au-devant du chancel. Sur les sablières du chœur , l’organisation héraldique est différente.
Près du mur du chevet et de la maîtresse-vitre, les armes de Bretagne sont présentes de part et d’autre, avec un doute sur celle placée au nord, qui ne comportent que trois hermines [le blason modifié pourrait être en lien avec le fait que Jean de Rieux est le petit-fils de Marguerite de Bretagne, fille du duc Jean IV.] , contre huit au sud [Identiques à celles qui se trouvent sur le tombeau du duc François II.]. Dans une lecture de droite à gauche au nord, puis à l’inverse au sud, les blasons sont organisés par niveau hiérarchique, comme un vitrail de haut en bas.
--Sur la sablière nord, le blason de Bretagne est précédé de celui des Rieux-Malestroit en alliance [ Malestroit : de gueules à neuf besants d’or et Rieux : d’azur, à dix besants d’or, ordonnés 3, 3, 3 et 1] . En troisième rang les Rieux-Rochefortd'azur à 5 besants d’or en sautoir aux 1 et 4 (Rieux) et aux 2 et 3 vairé d’azur et d’or (Rochefort) , puis enfin les Coëtlagat d’azur à trois aiglettes d’or . Toutefois, ces dernières armes semblent suspectes, car elles n’auraient été apposées qu’après 1488, date de la prise de fonction d’Olivier de Coëtlagat. Les armes des Peillac seraient plus cohérentes, comme celles sculptées sur les contreforts du chevet.
--Sur la sablière sud, sous les armes de Bretagne, l’ordonnancement est différent, avec de gauche à droite, les armes des Rochefort-Rieux, puis celles des Malestroit.
Cette organisation sur les deux sablières peut être étendue aux deux chapelles latérales, comme pour un blason mi-parti : au nord, une chapelle appartenant à Jean IV de Rieux, avec les armes en alliance témoins de son mariage, et, au sud, un espace réservé à sa fille, Françoise de Rieux, dame de Malestroit, de Largoët, de Derval et de Rougé. Sur la panne faîtière, les armes de Bretagne, à huit hermines, se succèdent du chevet jusqu’à la clef de voûte, indiquant probablement une organisation antérieure au mariage de la duchesse avec Charles VIII.
Dans la nef, le blason de Bretagne ne contient plus que cinq hermines et il est suivi vers l’ouest d’un poinçon bagué de fleurs de lys, puis de la lettre R couronné et enfin du monogramme IHS. Ce programme héraldique pourrait illustrer les armes de Bretagne, puis la couronne de France et enfin le chiffre R pour Rieux-Rochefort surmonté d’une couronne vicomtale à trois fleurons, reprise dans le sens inverse dans le poinçon suivant. Il serait donc postérieur au premier mariage d’Anne de Bretagne et antérieur à l’achèvement de la chapelle en 1494.
Ainsi, ce programme héraldique démontre deux temps politiques et architecturaux distincts, celui d’un chœur et des transepts réalisés entre 1475 et 1488 correspondant au règne du duc François II, et un second pour la nef, entre 1491 et 1494, après le premier mariage d’Anne de Bretagne. L’intervention de deux ateliers distincts pour la sculpture de la charpenterie pourrait être ainsi confirmée.
—DUHEM, Sophie, Les sablières sculptées de Bretagne, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1997, pp. 36,38, 39, 63, 67, 69, 71, 88, 125, 168, 170, 179, 193, 216 à 218, 236 et 237, 240, 265, 266, 270 et 271.
reproduit les textes de J. Guyomar, de Gustave Duhem 1932 (Les églises de France) et de la Revue Morbihannaise volume 18 page 126 de 1914
"(1475 - 1494), édifiée par Olivier de Peillac et André de Coëtlagat, recteurs de Saint-Avé, comme l'atteste l'inscription sur la sablière du choeur : "Mestre O. de Peillac, chanoyne de Guérande et recteur de Saint-Avé fit f. ceste ouvre l'an mil CCCcLXXV", et la sablière de la nef : "Ou loyal temps de mastre Olivier de Peillac, chanoine de Guérande, maistre André de Coetlagat recto de Saint-Avé fist achever ceste chapele en l'an mil CCCcIIIIxx, et XIIII". Il s'agit d'un lieu de pèlerinage. Le chantier est commencé en 1475 par le choeur et terminé en 1494. C'est un édifice en forme en croix-latine terminé par chevet plat percé d'une grande fenêtre à meneaux flamboyants. La restauration de 1913 touche principalement la nef et le transept et on a eu soin de conserver intacte la façade occidentale dont le pignon à rampants décorés s'élève entre deux contreforts obliques amortis de pinacles. Un porche peu saillant, surhaussé au moment de la restauration et dont les voussures sont à cintre de plus en plus brisé sous un fronton triangulaire à redents, s'ouvre sous un grand oculus. La charpente est en forme de carène de navire renversée avec lambris à clefs pendantes sculptées.
Sur les sablières se voient de nombreux écussons aux armes de Peillac, Lestrelin de Lesvellec, Benoît de Lesnevé, Coëtlagat, Cantizac, Rieux, Rochefort, Rieux-Malestroit, etc ...
Au croisillon Nord, une fenêtre en tiers-point dont le réseau dessine une fleur de lis semble indiquer que ce croisillon est la partie la plus récente de la construction. Les fenêtres de la nef datent de la restauration de 1913. A la grande fenêtre du chevet se voient des fragments de vitraux du XVIème siècle. La nef comporte un calvaire à personnage en bois sculpté et peint, donnée en 1500 par le recteur André de Coëtlagat : le Christ en croix est flanqué de deux consoles supportant les statues de la Vierge et de saint Jean. L’autel et le retable datent du XVème siècle. Il faut noter également une très belle statue en pierre polychrome de la Vierge à l'Enfant du début du XVème siècle, un retable en albâtre du XVème siècle et deux retables en granit de la fin du XVème ou du début du XVIème siècle. L'un des retables de granit représente l'Annonciation et l'Adoration des Mages, et l'autre retable représente en haut-relief la Crucifixion, le Couronnement de la Vierge, les saintes Catherine, Madeleine et Marguerite. Le maître-autel comporte sept panneaux d'albâtre où figurent des personnages de la Bible. On y voit encore une statue de la Vierge en bois doré du XVIIème siècle, et un beau bénitier de granit à huit pans sur pied octogonal décoré des armes de Peillac et de Cantizac. Dans les transepts il y a de nombreux saints et saintes dont sainte Marguerite (représentée les mains ouvertes, debout sur un dragon) et saint Colomban ;
—GUYOMAR (abbé J.),1914 Notre-Dame du Loc du Bourg d’en-bas en Saint-Avé, Vannes, 1914,
47 p. ;
Ensemble de 7 verrières de Jacques Le Chevallier (74 m², composition non figurative, 1951, classement MH) de la chapelle Saint-Jean-Baptiste du château du Roi René d'Angers. Le vitrail du XVe siècle (v. 1457), René d'Anjou et Jeanne de Laval agenouillés devant la Vierge.
Je remercie l'équipe de l'accueil et les guides du château d'Angers, ainsi que Catherine Leroi cheffe du service culturel du Domaine national du château d'Angers.
Le château est composé de deux éléments : la forteresse construite par Saint-Louis en 1230 et le château-résidence des ducs d'Anjou. La forteresse comporte 17 tours hautes d'une trentaine de mètres et larges de 18 mètres. A partir de 1360, le château, devenu résidence ducale, est transformé : logis royal et chapelle édifiés au début du 15e siècle, châtelet construit en 1450. En 1373, le duc Louis 1er d'Anjou commande la série de tapisseries ayant pour thème l'Apocalypse, dont la série est probablement achevée en 1382.
La chapelle actuelle a été érigée de 1405 à 1412 par Louis II d'Anjou et Yolande d'Aragon, parents de René Ier d'Anjou, pour remplacer la chapelle du XIIe siècle enclose dans l'angle sud-ouest et jugée trop petite et trop délabrée par la reine Yolande.
Sa large nef unique est rythmée de trois travées couvertes de voûtes d'ogives bombées dites « à l'angevine » Les clefs de voûte portent les armes pleines de Louis II, puis mi-parti de Louis II et de Yolande d'Aragon, et la troisième une croix à double traverse honorant la relique de la Vraie Croix ramenée de Constantinople en 1241 et amenée au château d'Angers pendant la Guerre de Cent Ans.
La chapelle a été utilisée au XVIIIe siècle comme prison et 500 marins anglais y ont été détenus, certains y laissant des graffitis.
Le château abritant une base allemande, il a été victime d'un bombardement le 4 août 1944 faisant des dégâts considérables : les parties hautes hautes de la chapelle durent être restaurées.
Les vitraux.
L'édifice est éclairé par sept grandes baies dont les vitraux modernes de Jacques Le Chevallier ont été installés en 1951.