Les vitraux du XIVe siècle du chœur de la cathédrale d'Évreux. XIII. La baie 206 (vers 1335), offerte par l'évêque Geoffroy Faë : saint Michel et saint Maur.
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Cet article est le treizième d'une série sur l'apparition du jaune d'argent dans les vitraux du chœur de la cathédrale d'Évreux au XIVe siècle : ça progresse !
Nous avons suivi l'ordre chronologique de leur datation estimée. Les quatre premiers articles montrent les vitraux des baies des chapelles du déambulatoire avant cette apparition du "jaune d'Évreux" : voir l'introduction dans le premier article. Le cinquième présente la première baie du chœur qui a bénéficié de cette innovation, la baie 23 datée de 1325-1327 et offerte par l'évêque Geoffroy du Plessis. Le sixième nous faisait accéder aux 15 fenêtres les plus hautes du chœur, pour examiner la baie la plus ancienne de cet ensemble, la baie 211 datée vers 1325-1327 du coté nord des travées droites. De la même campagne relève la baie 207 offerte par le chanoine Raoul de Ferrières , et la baie 208 , qui lui fait face du coté sud.
Après ce parcours en zig-zag, nous avons atteint l'ensemble des 3 baies les plus prestigieuses par leur emplacement dans l'axe médian de la cathédrale et par leurs donateurs, les évêques d'Évreux : les baies 200, 201 et 202. Nous restons dans les hauteurs car après la baie 204, voici sa voisine, la 206, elle aussi offerte par l'évêque Geoffroy de Faë, .
Comme déjà dans le déambulatoire en baie 12, 16, 18, 22, 23, 27, la Vierge (Notre-Dame d'Évreux) est représentée dans la majorité des baies hautes du chœur du 2ème quart du XIVe : Vierge à l'Enfant tenant une fleur (207), Vierge allaitant son Fils (208), Vierge en Assomption (208), Vierge à l'Enfant (200), Vierge de l'Annonciation (201), Vierge du couronnement (202). Mais dans cette baie 206, Geoffroy de Faë rend hommage à l'archange Michel et à saint Maur.
Les fenêtres supérieures du chœur sont numérotées de 200 à 214, (les numéros impairs étant situés au nord), au dessus des baies du triforium dont les vitraux héraldiques sont plus tardifs, car réalisés au 3ème quart du XVe siècle.
Ces fenêtres hautes du chœur bénéficient toutes de l'apport du jaune d'argent.
Je suis guidé par les articles de Françoise Gatouillat, et notamment par Gatouillat 2019.
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Voir :
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Les vitraux du XIVe siècle de la cathédrale d'Évreux : III. Les baies 22 et 24 (fin XIIIe, 1300-1310, 1320-1330) et la baie 26 (vers 1330).
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Voir aussi :
.— Sur les vitraux plus tardifs de la cathédrale d'Évreux :
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Les vitraux de la baie 15 (vers 1360-1370) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Evreux.
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Les vitraux de la baie 17 (vers 1360-1370) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Evreux.
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Les vitraux de la baie 19 (vers 1360-1370) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Evreux.
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L'arbre de Jessé (baie 0) de la cathédrale d'Évreux (1467-1469).
— Sur les fonds damassés outre les articles sur les baies 15, 17 et 19 cités supra :
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La chapelle Saint-Jacques de Merléac : la maîtresse-vitre (1402) II. La Passion.
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Les fonds damassés des vitraux (vers 1417) du chœur de la cathédrale de Quimper.
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Liste de mes 200 articles sur les vitraux :.
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PRÉSENTATION.
Haute de 6,70 m et large de 1,80 m, la baie 206, première baie à droite après le rond-point, comporte 2 lancettes trilobées (et non 4 comme les baies des travées droites 207 à 214) organisées en 2 registres et un tympan à 1 pentalobe et 2 trilobes. Le registre supérieur montre à gauche saint Michel et saint Maur. Au registre inférieur, un évêque agenouillé, dont une inscription révèle l'identité du donateur, Geoffoy Faë, évêque d'Évreux de 1335 à 1340 déjà donateur de la baie 201, 202, et 204. Un second donateur, à gauche, provient d'une autre verrière du 2ème quart du XIVe, et son damas est remarquable. Le tympan est semblable à celui des baies 201, 202, et 204 hormis l'oculus qui date du XIXe.
La bordure des panneaux colorés répète la succession de pièces rouges ou bleues et de fleurettes jaunes des baies précédentes.
Contrastant avec les trois baies centrales 200, 201 et 202, qui étaient en pleine couleurs, la baie 206, comme sa voisine la 204 reprend la disposition "en litre" des baies basses du déambulatoire et des baies hautes de la partie non arrondie du chœur, c'est à dire que les panneaux colorés figurés (les deux saints et les donateurs) se détachent en bande horizontale au milieu d'une vitrerie losangique à festons et fleurettes.
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LE REGISTRE MÉDIAN : SAINT MICHEL ET SAINT MAUR.
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1. Saint Michel terrassant le dragon.
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Pour l'une des premières fois (après la cathèdre de la Vierge de la baie 23), nous voyons apparaître dans l'encadrement d'architecture un effet de perspective, puisque les contreforts sont dessinés en fuite, tout comme le plafond " à caissons" ou à damiers supporté par un arc surbaissé. Cet effet est renforcé par les ailes ou les bras de l'ange, placés "en avant" de l'architecture.
Du fait de cette perspective, le fond bleu est réduit à la portion congrue.
L'ange est vêtu d'un manteau blanc à galons jaune festonné (jaune d'argent et grisaille) déjà utilisé pour saint Jean dans la baie 204 et le Christ de la baie 202. La couleur verte du revers de ce manteau est sans doute due à un vert bleu peint au jaune. La robe lie de vin n'est visible qu'en parti inférieure.
Il tient un bouclier rouge à croix blanche (la partie blanche ornée de feuilles dans des carrés), et une lance croisetée, dont la pointe est enfoncée dans la gueule du dragon qu'il terrasse de ses pieds nus.
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Modèle possible : le Bréviaire de Jeanne d'Évreux enluminé par Jean Pucelle, ms. Chantilly, Musée Condé 51 folio 367.
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Le dragon mérite d'être admiré pour sa gueule aux crocs acérés, pour son aile nervurée, et surtout pour sa queue nouée (un tour qui lui est habituel et dont maintes sculptures attestent).
Les rehauts au jaune d'argent soulignent les nervures, les mèches de la toison, et, par des petites touches, les verrucosités infectes propres à cet animal.
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2. Saint Maur.
Cet abbé (crosse abbatiale et livre) bénédictin est identifié par l'inscription SANCT9 MAURUS, Sanctus Maurus. Il porte une coule bleue.
Sa présence ici n'est pas liée à la Congrégation de Saint-Maur (qui reprit la plupart des abbayes tombées sous le régime de la commende, comme l'abbaye Saint-Taurin d'Évreux, ou celle du Bec), car cette Congrégation ne fut fondée qu'en 1618.
Mais l'évêque Geoffroy Faë était un bénédictin, qui fut abbé du Bec, de l'ordre de saint Benoit, dont saint Maur fut le plus proche disciple.
Sur le plan technique, nous remarquerons le livre en verre rose grillagé à la grisaille,et le fond damassé d'un motif à feuillages de chêne et à glands.
Nous retrouvons le motif du chêne, noté en baie 12 (la Vierge au chêne déraciné), ou en baie 27, et plus tard en baie 15.
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LE REGISTRE DES DONATEURS.
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1. Sur la lancette de droite : l'évêque Geoffroy Faë.
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a) Inscription
DNS GAUFRID9 ABBAS BECCI
POSTEA EBRO
CENSIS EPS.
Dominus Gaufridus abbas becci postea ebroicencis episcopus. C'est l'inscription déjà rencontrée sur les baies 201, 202 et 204 offertes par Geoffroy Faë : "Seigneur Geoffroy, abbé du Bec et ensuite évêque d'Évreux".
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b) L'évêque.
Pas de surprise, nous retrouvons la figure de l'évêque agenouillé, mains jointes, la crosse entre les bras, déjà notée sur les baies précédentes. Exactement comme en baie 202, la chape est dorée, ornée autour du cou et en partie inférieure d'une étoffe bleue gaufrée de croisillons en losanges, tandis que la robe est verte doublée de rouge pâle. Comme en baie 204, l'évêque est détouré sur fond blanc.
Mais un élément distingue cette figure : le soubassement, dont les quatre consoles sont vues en perspective.
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La forme polylobée des quatre consoles rappelle celle qui soutient le plafond de l'Annonciation des Heures de Jeanne de Navarre, enluminées par Jean Le Noir et Jean Mahiet entre 1330 et 1340. La ressemblance n'est pas si fortuite, puisque sur le même folio 39r , le plafond à damier bleu et noir est semblable —avec les mêmes couleurs — à celui qui dominait saint Michel en registre médian de la lancette de gauche.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10025448r/f85.image
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2. Sur la lancette de gauche : un autre donateur.
F. Gatouillat, dans sa description de 2001, indique que ces panneaux sont "rapportés d'une autre verrière du 2ème quart du XIVe siècle ; panneaux interpolés avant 1868 [et même 1849], restaurés".
La datation entre 1325 et 1350 ne crée pas d'écart avec celle, vers 1335, de l'ensemble de la baie, mais pourtant, le fond sous l' arcade trilobée est très différent (cf. infra).
Le travail au jaune d'argent diffère également, car le crâne tonsuré et le menton rasé sont rendus par un piqueté de taches jaunes.
Il est vraisemblable que ce personnage, vêtu d'un surplis blanc à larges manches sur une robe bleue soit un chanoine de la cathédrale, comme les autres donateurs dont le nom nous est resté (Raoul de Ferrières, Renaud de Moulins), Alain et Jean de Balan. Sur le bras gauche du clerc pend une pièce de tissu rehaussée de jaune d'argent, qui pourrait être l'aumusse de ce chanoine.
N.b Selon Lebeurier, la baie 17, celle de Renaud de Moulins, datée de 1360-1370 comportait, sous saint Laurent, le panneau d'un autre chanoine donateur, aujourd'hui disparu.
https://archive.org/details/bub_gb_TYdZAAAAYAAJ/page/n27
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Le fond damassé d'animaux.
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Ce verre rouge est orné (par enlevé sur un lavis de grisaille ou par pochoir) d'un motif aux lions (ou autre quadrupède à crinière) très cambrés.
Comme cela est habituel dans ces fonds de verrières, le motif n'est jamais impeccable, tant s'en faut, mais réduit à des fragments comme si une étoffe avait été froissée, pliée, et que l'animal, et surtout sa tête, n'était montrée qu'avec parcimonie, comme l'évocation d'un modèle caché.
Ici, nous voyons une croupe puissante empanachée d'une triple queue, rattachée par une cambrure exagérée à un poitrail tendant vers l'avant deux pattes, mais la barlotière nous cache la tête.
Ailleurs, une tête évanescente nous fixe de face, alors qu'une autre tête, de profil, est rattachée à un corps d'embryon. Et tout cela parmi des plumes, des indentations, qui pourraient former une crinière exubérante tout autant que le plumage de quelque paon.
Ailleurs, un buste enrubanné de longues mèches, mais dont le mufle empâté et difforme n'a rien d'un félin.
Ce que nous savons, c'est que ces motifs ne naissent pas de la fantaisie du peintre-verrier, mais qu'ils reproduisent, mais par métonymie et sans souci de documenter le modèle, les riches étoffes des trésors de cathédrales, à usage de tenture, de couverte de livre sacré, ou de nappe. Et que leur valeur tenait de leur manufacture en Italie (à Lucques par exemple), de leur matière (la soie) et des influences persanes, sassanides, que les nobles les plus proches du pouvoir royal recherchaient pour faire ostentation de leur statut.
"Dans leur immense majorité, les étoffes byzantines ont survécu dans les trésors des églises d’Occident, en France, en Suisse, en Allemagne, en Belgique ou en Italie. Elles y ont servi à envelopper les reliques des saints, d’où leur appellation de suaires. Dans d’autres de ces tissus précieux, on a taillé des chasubles ou autres vêtements religieux. Les damas, les taquetés et les samits façonnés ou les lampas sont les armures de tissage connues à Byzance : les armures de tissage qui ont servi à la réalisation de ces soieries monochromes sont le samit façonné, qui ne fait apparaître le motif que par ses contours dessinés par la seule croisure des trames endroit et envers, ou le lampas, qui par l’alternance de deux effets, toile et sergé, crée un fond sur lequel se détache nettement les ornements. Le lampas a d’ailleurs dû être élaboré à cette époque, sans qu’on puisse déterminer son lieu de naissance puisqu’il semble apparaître simultanément, aux alentours de l’an Mil, dans le monde arabo-oriental et à Byzance.
Décor : Les créatures fantastiques d’inspiration proche-orientale tiennent un rôle important dans les décors textiles byzantins : chevaux ailés, simurghs ou griffons. Les chevaux ailés et les bouquetins qui ornent de nombreux stucs ou sceaux sassanides se retrouvent sur les textiles. Il est à noter que ce sont ces motifs tels les lions passants de type iraniens qui deviendront emblématiques de la production des ateliers impériaux qui portait en outre une inscription au nom des souverains (voir divers exemples conservés en Allemagne, Cologne, Berlin…). Ainsi que le monde arabe, Byzance connaît aussi les décors géométriques qui peuvent constituer l’unique ornement du textile ou se combiner avec des motifs floraux ou figurés. Plus tard, apparaîtront des décors orientaux témoignant de l’influence arabo-musulmane comme les griffons, ou mieux encore les pseudo-caractères coufiques, utilisés pour leur valeur ornementale."
"En Islam : La sériciculture de la Syrie byzantine, lancée sous Justinien (VIe s.) est acclimatée dans le Levant espagnol et le nord de la Sicile. En Andalousie, elle fera naître une industrie de luxe centrée sur Almeria. Le tissage des lampas, apparu à Baghdad au XIe siècle, gagne peu à peu la Syrie, l’Egypte et l’Espagne et remplace celui des samits. L’Occident latin emboîte le pas. " (d'après Qantara https://www.qantara-med.org/public/show_document.php?do_id=576 )
"
Nous pourrions rêver qu'un heureux hasard nous permette de tomber, dans les collections de lampas et damas, sur une composition proche de ce vitrail.
https://www.musee-moyenage.fr/collection/oeuvre/aumoniere-brodee.html
Je m'y suis essayé à Évreux, à Sées, à Quimper, ou surtout à Bourges, car nous devons à Albert de Meloizes un relevé précis de ces damas pour la cathédrale de Bourges publié en 1891-1897. Mais les exemples sont ceux de vitraux du XVe siècle .
À Évreux, les exemples les plus précoces de fonds damassés à motifs animaliers, étaient pour moi, avant ma découverte de ce fond de la baie 206, ceux des trois baies 15, 17 et 19 de la chapelle du Rosaire (vers 1360-1370) dont le motif est formé par des couples d'oiseaux fabuleux affrontés. Puis viennent les baies 203 et 205 offertes par Thibaud de Malestroit vers 1408-1415, reprenant le même motif d'oiseaux tenant au bec la tige des rinceaux.
Les "verrières royales " des baies 209 et 210 (vers 1390-1400) offrent de beaux fonds à damas, mais au motif de rinceaux.
Damas des enluminures parisiennes.
L'influence des enlumineurs parisiens sur les peintres-verriers de Normandie étant admise, nous pouvons chercher si les fonds des enluminures contemporaines de la baie 206 nous offre des modèles.
Nous y trouvons soit des fonds quadrillés archaïques, soit des fonds damassés de rinceaux en spirales, soit, enfin, quelques fonds damassés incluant des animaux : soit des oiseaux, soit des mammifères.
a) Dans les Heures de Jeanne de Navarre BnF NAL 3145 réalisées vers 1330-1340 par Jean Le Noir, on trouve, parmi une forte majorité de fonds quadrillés, une chasse entre chiens et lapins au folio 148v, alors que la page suivante offre un fond à quadrillage et à feuilles et glands, et la suivante un fond bleu à anges en filigrane.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10025448r
gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10025448r/f303.image
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10025448r/f305.image
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10025448r/f323.image
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10025448r/f373.image
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10025448r/f375.image
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b) Le Psautier de Bonne de Luxembourg, peint par Jean Le Noir, est daté avant 1349, et il offre huit exemples de fonds damassés à animaux . Bonne de Luxembourg devint duchesse de Normandie en 1332 après son mariage avec le duc Jean, futur roi Jean le Bon.
-f. 15r Psaume 1 Beatus qui non abiit vir . Le roi David (harpe) et deux musiciens (psalterion et vièle à archet ) sur fond à rinceaux, où 9 oiseaux (8 huppes et 1 échassier) sont posés tandis qu'un lapin se dissimule sous le trône du roi.
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Le folio 83v : Psaume 52 Dixit insipiens in corde suo non est Deus. L'enluminure illustre le verset 1 "L'insensé dit en son cœur Il n'y a pas de Dieu" par un homme frappant de verges un buveur. Le fond bleu est animé parmi les rinceaux de deux singes en tournoi chevauchant un bouc et un lion ; d'un lièvre et d'un chien
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Le folio 102v : le Psaume 68 Salvum me fac deus. "Sauve moi ô Dieu car les eaux menacent ma vie" est illustré par un roi nu, dans l'eau jusqu'au ventre, suppliant Dieu dans les Cieux devant son navire échoué. Dans le fond brun rougeâtre, les feuillages donnent abri à deux oiseaux et deux lapins.
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Folio 170r : Psaume 110 Dixit Dominus Domino meo sede a dextris meus. illustré par la la Trinité. Sur les rinceaux de vigne du fond bleu sont perchés divers oiseaux, tandis qu'un lapin est sur le banc.
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Folio 295v : un abbé franciscain contemplant le Crucifix. Jérémie 9 : Haa, dist-il. Qui dourra a mon chief caue. et a mes iex fontaine de lermes que ie puisse plourer par [jour et par nuit les enfants de mon peuple]. Rinceaux blanc et bistre sur fond bleu, peuplé d'oiseaux, dont une huppe et un échassier.
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Folio 321v. Ci apres commence une moult merveilleuse et horrible exemplaire que l'en dist des iii vi[f]s et des iii mors. Sur le fond rougeâtre à rinceaux de feuilles bleues se trouvent cinq oiseaux et deux lapins.
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Folio 322r. Si come la matiere no9 conte, ils furent si duc ou conte Trois noble home de grant aroy Et de gentil come fils a roy. Sur le rinceau du fond bleu et brun, un couple de deux animaux : un paon à gauche, et un chat à droite. Plus un autre oiseau.
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Folio 328r. Donateurs devant le Crucifix. "Ha homme et fame voy que sueffre pour toy. Voy ma douleur. mon angoysseus conroy. Je crie à toy tou dis, regarde donc et voy". C'est la Complainte du Crucifix, attestée aussi au XIIIe siècle dans les Heures à l'usage de Metz Paris, Arsenal ms 570 f.152, au XIVe siècle dans les Heures en latin et en français... ms Paris Arsenal 288 f. 13-14, dans le Miracle Nostre-Dame BnF Paris fr. 12483 f. 42r col.2 et BnF fr. , au XVe siècle par 33 alexandrins rimés vers 1415 dans les Heures de Paris (Chantilly, Musée Condé ms 0066-1383-) folio 150r-152r, ou enfin au XVe siècle dans le ms de la Bibliothèque royale de La Haye 78J49.
Le fond accueille parmi les rinceaux quatre lapins, un échassier, une huppe, un renard et un (?) sanglier. J'ai montré aussi la marge, ornée du même décor de feuilles, de cigogne, de passeraux...
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Conclusion.
En conclusion, ce fond damassé à griffon— ou lion peut-être ailé—, remarquable par sa précocité dans l'art des vitraux (si la datation des panneaux est confirmée), n'a pas d'équivalent à Évreux, mais il est contemporain de l'apparition de fond à animaux dans les enluminures parisiennes, avant 1350. Néanmoins, le vitrail semble plus inspiré par les soieries d'Orient que ne le sont les enluminures, dans lesquelles les animaux sont ceux qui occupaient auparavant les marges pour participer à des drôleries, et dont les modèles n'étaient pas orientaux.
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LE TYMPAN.
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La baie 106 du trifolium. 3ème quart XVe siècle.
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SOURCES ET LIENS.
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— Stained-glass windows of Cathédrale Notre-Dame d'Évreux
https://commons.wikimedia.org/wiki/Category:Stained-glass_windows_of_Cath%C3%A9drale_Notre-Dame,_%C3%89vreux?uselang=fr
https://commons.wikimedia.org/wiki/Category:Baie_204_(Notre-Dame,_%C3%89vreux)?uselang=fr
— BATISSIER, 1849, "Description des vitraux de la cathédrale d'Évreux", Revue de Rouen et de Normandie, volume 17.
https://books.google.fr/books?id=2L5DAAAAYAAJ&dq=%22MARTINUS%22+%22cath%C3%A9drale+d%27%C3%A9vreux%22+vitraux&hl=fr&source=gbs_navlinks_s
— BLUMENSHINE (Gary B. ),1990, Le vitrail du Triomphe de la Vierge d'Evreux et Louis XI. Le patronage artistique des Valois dans la Normandie du 15e siècle, Annales de Normandie Année 1990 40-3-4 pp. 177-214
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—BONNENFANT (Georges),1939, Notre-Dame d’Evreux (Paris: H. Laurens, 1939), 43-44, pl. 16;
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— BOUSQUET (Jacques et Philippe), 2019, Donateurs avec la Madone, le cas de la cathédrale d'Evreux, site artiflexinopere.
https://artifexinopere.com/?p=17412
— CHASSANT (Alphonse) ,1846, : Histoire des évêques d'Évreux : avec des notes et des armoiries / par M. A. Chassant,... et M. G.-E. Sauvage,..1846.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k95305k/f101.image
— FOSSEY Jules 1898, Monographie de la cathédrale d'Evreux par l'abbé Jules Fossey,... Illustrations de M. Paulin Carbonnier,...
— GATOUILLAT (Françoise), 2019, "French 14-th-century stained glass and other arts", in Investigations in Medieval Stained Glass, Materials, Methods and Expressions, Brill ed., pages 374-385
— GATOUILLAT (Françoise), 2001, "Les vitraux de la cathédrale d'Évreux", in CALLIAS-BEY, M., CHAUSSÉ, V., GATOUILLAT, F., HÉROLD, M., Les vitraux de Haute-Normandie, Corpus Vitrearum France, Recensement des vitraux anciens vol. VI, Ed du CNRS / Monum ed. du patrimoine. Paris, pages 143-161.
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— Monuments historiques, Notre-Dame-d'Evreux
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INFLUENCES : ENLUMINURES ET ORFÈVRERIE.
a) Jean Pucelle :
"On associe son nom à trois œuvres, dont deux ont été exécutées en collaboration : le Bréviaire de Belleville et la Bible de Robert de Billyng (Paris, B. N.) ; la troisième, sûrement de sa main, est un " petit livret d'oraisons que Pucelle enlumina ", commandé entre 1325 et 1328 par le roi Charles IV pour sa femme, la reine Jeanne d'Évreux, et identifié aujourd'hui avec un petit livre d'heures (New York, Cloisters). Toutefois, la critique moderne, grâce à des rapprochements stylistiques, s'est efforcée d'attribuer à l'atelier de l'artiste une production beaucoup plus riche ; il s'agit en général de livres commandés par de très grands personnages, tels le Bréviaire de Blanche de France, les Heures de Jeanne de Savoie, le Psautier de la reine Bonne de Luxembourg, les Heures de Jeanne II de Navarre, les Heures de Yolande de Flandre. De plus, il est intéressant de constater une parenté de style entre l'art de Pucelle et les émaux translucides qui ornent la base de la célèbre Vierge d'argent doré, dite " de Jeanne d'Évreux " et datée de 1339 (Louvre). Le Bréviaire de Belleville et les Heures d'Évreux sont des œuvres vraiment représentatives de la manière de Jean Pucelle : il s'y révèle un artiste de premier plan. […] l'artiste arrive à dépasser ses prédécesseurs au moyen de la technique : s'il utilise le contour noir, le pointillé foncé, le contour rouge avec des ombres de sanguine et des couleurs brillantes, dans les Heures de Jeanne d'Évreux, il découvre surtout le lavis en grisaille rehaussé de couleurs, nouveauté qui, par son effet de monochromie, lui permet d'assurer à la page une plus grande unité décorative, à ses personnages une plus grande plasticité, au style une plus grande spontanéité. Subit-il en cela l'influence du vitrail contemporain ? Connaît-il les trouvailles de Giotto ?"
https://www.larousse.fr/encyclopedie/peinture/Pucelle/153981
—Les Heures (1324-1328) de Jeanne d'Évreux, reine de France (1329-1349)
https://www.metmuseum.org/art/collection/search/70010733
— Le bréviaire de Belleville : Breviarium ad usum fratrum Predicatorum dit Bréviaire de Belleville. Ce manuscrit destiné à suivre les prières durant la célébration de la messe comprend deux volumes, l'un destiné aux prières pendant l'été (volume 1), l'autre pendant l'hiver (volume 2). BnF lat. 10483 et 10484.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8447295h
— Bible de Robert de Billying BnF latin 11935 Décoration achevée en 1327.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b105097447
— Bréviaire de Jeanne d'Évreux : ms. Chantilly, Musée Condé 51
http://initiale.irht.cnrs.fr/codex/10299
—Manuscrit de Gautier de Coincy, Miracles de Nostre Dame (Livres I et II) pour Jeanne de Bourgogne, Paris, BnF, NAF 24541
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b6000451c
— Influence : Heures à l'usage d'Amiens
http://initiale.irht.cnrs.fr/codex/6048/659
— BLUM (Rudolf ), 1949, Jean Pucelle et la miniature parisienne du XIVe siècle Scriptorium Année 1949 3-2 pp. 211-217
https://www.persee.fr/doc/scrip_0036-9772_1949_num_3_2_2230
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b) Jean le Noir, Jean Mahiet et autres artistes issus de l'atelier de Jean Pucelle : Bourgot, fille de Jean Le Noir
— Heures de Jeanne de Navarre BnF NAL 3145 réalisé vers 1330-1340.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10025448r
— Heures de Bonne de Luxembourg, Jean le Noir, avant 1349. Metropolitan Museum. New York, Cloisters, MS 69.86
https://www.metmuseum.org/art/collection/search/70012435 .
— Heures de Yolande de Flandre, 1353-1363, Londres, Brit. Mus., Yates Thompson, ms 27, par Jean le Noir ou sa fille Bourgot.
https://www.bl.uk/catalogues/illuminatedmanuscripts/record.asp?MSID=6440&CollID=58&NStart=27
— Heures de Jeanne de Savoie
http://www.calames.abes.fr/pub/#details?id=IF3030001
— Orfèvrerie :La Vierge d'Évreux.
. La fille de Louis d'Évreux et de Marguerite d'Artois, Jeanne d'Évreux, deviendra reine de France de 1325 à 1328 par son mariage avec Charles IV le Bel. Veuve et douairière depuis 1328, elle fut enterrée à sa mort en 1371 à l'abbaye de Saint-Denis. Or, l'enlumineur Jean Pucelle (dont l'influence sur les cartons des vitraux d'Evreux après 1330 est reconnue) a orné le Livre d'Heures de Jeanne d'Évreux entre 1325 et 1328 et son Bréviaire à l'usage des franciscains après 1325. Une autre influence exercée sur la peinture sur verre de l'époque est celle de l'orfèvrerie, et on se reportera à la statue en argent doré de 69 cm de la Vierge à l'Enfant, réalisée entre 1324 et 1339, pour la comparer aux Vierges des baies du XIVe siècle d'Évreux.
Orfèvrerie : statue de la Vierge à l'Enfant offerte par Jeanne d'Evreux en 1339 à Saint-Denis.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Vierge_%C3%A0_l%27Enfant_(Jeanne_d%27%C3%89vreux)
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