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31 janvier 2020 5 31 /01 /janvier /2020 17:54

Les vitraux du XVe siècle de la cathédrale d'Évreux : la baie 129 (vers 1413-1418) de la nef, offerte par l'évêque Guillaume de Cantiers en 1400 .

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Voir  les vitraux du XVe siècle de la cathédrale d'Évreux :

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Voir aussi les vitraux du XIVe :

 

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PRÉSENTATION.
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Cette baie haute du coté nord de la nef (la quatrième en partant de l'ouest) mesure 8 m. de haut et 3,80 m. de large. On lui compte 4 lancettes trilobées, sous un tympan à 1 octolobe, 2 trilobes et écoinçons. Bien qu'elle ne suive pas la disposition "en litre" des vitraux du chœur du XIVe avec leur rangs de vitreries géométriques en verre transparent, mais qu'au contraire toute la place est occupée par le décor figuratif, elle est néanmoins très claire, car les sept grands personnages sont pour la plupart vêtus de blanc, et sont placés dans des niches architecturales en verre blanc.

L' inscription qui court à la base affirme qu'elle a été offerte " en l'honneur du joyeux avènement" de l'évêque Guillaume de Cantiers, un événement daté de 1400. Le vitrail est néanmoins daté de 1413-1418 ? par François Gatouillat.

À gauche, l'évêque est présenté par sainte Catherine à la Vierge à l'Enfant de la deuxième lancette. Les deux lancettes suivantes montrent une Annonciation détournée, puisque l'ange Gabriel, debout, présente à Marie un donateur, identifié par ses armoiries à Jean de la Ferté-Fresnel, maréchal de Normandie. 

Le registre inférieur contient 4 écus armoriés.

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Batissier a relevé l'inscription suivante : 

ANo D'O M° CCCC° G DE CATER (Cantiers) ELECTUS FUIT IN EPM EJUS ECCLEE, dont le complément est dans la 3ème verrière PER CAPLM QI CONSECRATUS I... ADVENTU VIRGINIS ME HAC DEDIT VITREAM

Lebeurier donne page 10 la description suivante :

"La verrière de la fenêtre 12 porte, à sa partie supérieure, trois écussons. En haut, de France à trois fleurs de lys; au-dessous deux écussons semblables écartelés au 1 e et 4 d'azur, à une fleur de lys d'or et à la bordure componée d'argent et de gueules; au 2 et au 3 d'azur, à trois bandes d'or, orlé de gueules.

Les quatre formes renferment chacune un sujet : 1° un évêque à genoux devant la Vierge qui occupe la 2e forme; derrière lui, Ste Catherine couronnée tenant, de la main gauche, une roue brisée, et , de la main droite, une palme avec la mitre et la crosse de l'évêque. Au-dessous, les armes de l'évêque (Guillaume de Cantiers), fascé d'argent et de gueules de cinq pièces, à l'aigle de sable becquetée et armée d'or ; 2° une Vierge debout tenant dans ses bras l'enfant Jésus auquel elle donne un baiser. Au-dessous un écusson d'azur, à la bande d'argent, chargée de 3 tourteaux de gueules et accompagnée d'une étoile d'or au canton senestre.

La 3e et la 4e forme représentent une Annonciation. En avant de l'ange, qui porte une banderolle chargée des mots: AVE GRATIA PLENA , se trouve un personnage à genoux vêtu d'une tunique écarlate doublée de fourrures. Au-dessous, deux écussons: l'un écartelé au 4 et 4 d'argent à l'aigle de gueules, au 2 et 3 de sable au lion d'argent ; l'autre d'or, à la bande d'azur, chargée de trois anneaux d'argent.

Au bas du vitrail, sur une seule ligne, l'inscription ANO DOI M° CCCC G. DE CA'TER ELECTFUIT l' EP'M HUI' ECCLESIE [PER] CA'PLM QI CONSECRAT9 In EI9 IOCU9 D'AVENTTU VIRGINI M'E HA'C DEDIT VITREAM.

Ce qui veut dire : Guillaume de Cantiers fut élu évêque de cette église par le chapitre en 1400. Après sa consécration, il a donné pour son joyeux avènement cette vitre à la Vierge Marie."

L'inscription complétée de ses abréviations par les 9 (pour -us-) et tilde (pour -n-) donne   Anno domini 1400 Guillelmus de Canteriis electus fuit in episcopum ejus ecclesiae per capitulum qui consecratus in ejus jucundo adventu virgini Mariae hanc dedit vitream 

 

 

https://archive.org/details/bub_gb_TYdZAAAAYAAJ/page/n15/mode/2up

 

Le Joyeux avénement.

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La "perle " de l'inscription est l'expression jucundo adventu, ou "joyeux avènement" qualifiant la première entrée (primum ingressus) de l'évêque. Cette entrée solennelle d'un évêque dans sa cathédrale est l'occasion de festivités et solennités réglées par un protocole précis (coutumier et indépendant du droit canon), et d'échanges de cadeaux prestigieux (contre-don pour les vassaux), mais dont les descriptions sont rares ( Bourges (1482), Paris (1495 et 1503) et Rouen (1494),),

La « première entrée », primum ingressus, lors du « joyeux advenement », jocundus adventus, est l’étape ultime du parcours que doit accomplir l’évêque, selon un rituel établi, pour prendre solennelle possession de l’Église en sa cité après avoir été élu par le chapitre cathédral.. Les différents corps constitués, le clergé régulier et séculier, le chapitre cathédral ainsi que, parfois, la population sont là pour l’accueillir. 

En Cornouaille (B. Yeurc'h), l'évêque est accueilli par des nobles dont c'est le privilège de mener le cheval par la bride, aider à descendre de ce cheval, servir à table, etc. Les vassaux épiscopaux reçoivent en échange de cette manifestation d'allégeance des contre-dons. Il serait intéressant de tenter de savoir si les quatre blasons du registre intérieur ne correspondraient pas à ce protocole.

 

Lire Véronique Julerot La première entrée de l'évêque : réflexions sur son origine, dans Revue historique 2006/3 (n° 639), pages 635 à 675.

https://www.cairn.info/revue-historique-2006-3-page-635.htm#

Lire Bertrand Yeurc'h, Les cérémonies d'intronisation en Bretagne ducale 

https://www.academia.edu/27163212/Les_c%C3%A9r%C3%A9monies_dintronisation_en_Bretagne_ducale_-_publication_papier

 

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En 1968, Grodecki, rendant compte des travaux de Dubuc sur l'héraldique, souligne les nombreux points curieux ou énigmatiques de ce vitrail :  

"L'étude des vitraux du XVe et du XVIe siècle, par M. R. Dubuc, apporte moins de contestations de thèses admises, mais — surtout sur le plan de l'héraldique et de l'histoire — des précisions utiles sur plusieurs vitraux. Ce qu'il dit du vitrail de Guillaume de Cantiers, évêque élu en 1400, est admirablement documenté, mais n'aboutit pas à la solution de tous les problèmes. Cette verrière, installée dans une fenêtre du XIIIe siècle de la nef, est  « signée et datée » et — fait heureux— répond dans ses détails héraldiques aux dessins de Gaignières (Bouchot, n° 2348 et 6731). L'évêque est représenté à genoux devant une Vierge à l'Enfant, présenté (on ne sait pas pourquoi) par sainte Catherine, qui a poussé la complaisance jusqu'à porter à la main, en plus de la palme de son martyre, la mitre épiscopale ; mais le vitrail offre une seconde figure de donateur, présenté à la Vierge par l'ange de l'Annonciation (ce qui n'est pas habituel).

Les blasons qui accompagnent ce personnage semblent se rapporter à la famille de La Ferté-Fresnel ; mais on ne sait pas quelle est la raison de la présence de ce personnage (peut-être Jean, fils d'un autre Jean, maréchal de Normandie), ni la signification d'une fleur de lis sur son épaule... En plus, les armes de France, de Philippe le Hardi de Bourgogne et de Jean sans Peur ornent le réseau ... Il y a là un faisceau de problèmes historiques, presque politiques, à résoudre... Le style de la verrière est également inhabituel (ce n'est pas l'atelier des « vitraux royaux » qui l'exécuta), la merveilleuse clarté de la verrière s'opposant aux teintes plus montées, plus dramatiques, des vitraux des princes d'Évreux-Navarre."

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Gaignières en donna le relevé, mais avec de fortes modifications, associées à une fidélité aux nombreux détails aujourd'hui visibles sur l'inscription. Ainsi, Catherine ne tient ni la mitre, ni la crosse de l'évêque, et le second donateur (qui ne porte pas l'étoile à l'épaule) est présenté au Christ Sauveur. 

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BnF fr. 20878-20889 f.189

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La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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LES LANCETTES A ET B : GUILLAUME DE CANTIERS PRÉSENTÉ À LA VIERGE À L'ENFANT.

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La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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La première lancette (à gauche) : sainte Catherine présentant l'évêque Guillaume de Cantiers à la Vierge.

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Cantiers est une commune de l'Eure, à 68 km au nord-est d'Évreux.

Guillaume de Cantiers était Conseiller-clerc au parlement de Paris et chanoine d'Evreux, lorsqu'il fut  élu évêque, après le 23 avril 1400, en succession de Guillaume de Valence. Le samedi 25 février 1401, il siège au conseil du roi de France Charles VI.

"Guillaume de Cantiers, né dans le Vexin-normand, était conseiller-clerc au Parlement de Paris dans les années 1392-95-98 et 99. Dans cette dernière année., le chapitre de l'église d'Evreux, dont il était chanoine, le députa à l'assemblée de l'église de France qui devait se tenir à Paris. L'année suivante, Guillaume de Cantiers fut élu par le chapitre, promu et sacré évêque d'Evreux par Benoît XIII, et à son avènement, il donna à l'église une magnifique verrière sur laquelle est inscrite la date de son élection, 1400."

 Le concile général de l'église de France le délégua en 1408 avec Guillaume, évêque de Lisieux, pour adjuger l'archevêché de Rouen, que se disputaient Louis de Harcourt demandé par le chapitre et Jean d'Armagnac, archevêque d'Auch, nommé par Benoît XIII. Guillaume se prononça pour Louis de Harcourt. L'année suivante, il se rendit au concile de Pise.


En 1410, le Parlement de Paris termina une querelle qui avait éclaté entre Guillaume de Cantiers et son chapitre au sujet de la juridiction, de l'exemption et autres chefs.

Député par le clergé de France au concile de Constance, le 10 novembre 1414, Guillaume de Cantiers fut, au mois de juillet suivant, chargé par le concile et par l'empereur Sigismond d'une mission auprès du roi très-chrétien et de l'Université; il fut arrêté dans le duché de Bar avec ses collègues par Henri de la Tour, dépouillé, retenu en captivité et fort maltraité. Le coupable frappé d'anathème par le concile relâcha ensuite les députés. Guillaume fut plusieurs fois chargé par le roi de France de missions importantes auprès des deux papes de Rome et d'Avignon et auprès du duc de Bourgogne.

"A la fin de 1415, alors que Charles II, duc de Lorraine, qui venait de prendre part à la néfaste expédition d’Azincourt, regagnait son duché, les gens d’armes de sa suite, dans le trajet de Provins à Troyes, avaient fait main-basse sur cinquante-trois chevaux et sur un char ferré, attelé de quatre chevaux, sans parler du menu butin. Quelques mois auparavant, au moment où Guillaume de Cantiers, évêque d’Évreux, Géraud du Puy, évêque de Carcassonne, Guillaume de Marie, doyen de Senlis, se rendaient du concile de Constance à Paris, avec une escorte de quatre-vingts personnes, le maréchal de Lorraine, ce même Charlot de Deuilly dont nous parlions tout à l’heure, Henri et Winchelin de La Tour, Jean de Chauffourt, soudoyés secrètement par le duc de Bourgogne Jean sans Peur, n’avaient pas craint de tendre à ces hauts personnages un véritable guetapens ; ils les avaient attaqués à main armée au passage de la Meuse, entre Foug et Void ; ils avaient fait les deux évêques prisonniers, après avoir tué le chapelain de l’évêque deCarcassonne, blessé et dévalisé quelquesuns des familiers des deux prélats. L’impunité des malfaiteurs avait presque égalé le scandale du méfait ; il avait fallu raser la forteresse de Sancy, près de Briey, appartenant à Henri de La Tour et frapper d’interdit le diocèse de Toul tout entier, pour obtenir la mise en liberté des victimes de cet audacieux coup de main. Revue des Deux-Mondes  https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Revue_des_Deux_Mondes_-_1885_-_tome_69.djvu/73

En 1416 il fait ouvrir dans l'église de Saint-Taurin  la châsse de saint Gaud, évêque primitif du diocèse, pour en reconnaître les reliques.

Deux ans après, les Bourguignons étant entrés dans Paris, Guillaume fut saisi, jeté en prison comme partisan des Armagnacs, puis mis à mort le 12 juin 1418 dans une émeute excitée par les Bourguignons.

 

"Guillaume de Cantiers qui étoit encore au Concile , ayant eu nouvelle qu'Evreux étoit pris & occupé par les Anglois, en fut fort affligé autant pour la désolation que ces ennemis de la France alloient porter dans son Diocèse ; que parce qu'il ne vouloit point changer de maître ; il revint sur la fin de cette année à Paris, où dans une sédition excitée par les gens de la fastion du Duc de Bourgogne, il fut tué avec plusieurs autres Archevêques & Evêques & grands Seigneurs bons serviteurs du Roy, le 11  Juin de l'année 1418. Les Anglois de leur côté pillerent tous ses meubles dans sa maison Episcopale à Evreux ; Guillaume de Cantiers portoit à ses armes de gueule à l'aigle déployé de sable paré d’or , comme on le voit encore aujourd’hui au bas de la représentation, qui est dans une vitre qu'il donna dans le temps de son joyeux avènement, & qui est au côté gauche de la nef de l'Eglise Cathédrale au-dessus de la chaire à prêcher. " (Histoire civile et ecclesiastique du comte d'Evreux,  par Pierre Le Brasseur 1722)

Enfin,  en septembre  1418, après la prise d'Evreux par les Anglais, en 1417,   le roi d'Angleterre, désormais maître de la ville, accorde au chapitre d'Evreux le pouvoir d'élire l'évêque qui succédera à Guillaume V de Cantiers, assassiné le 12 juin précédent.

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Contexte historique : nous sommes ici au cœur de trois événements historiques : la Guerre de Cent Ans (1337-1435), le  conflit entre Armagnacs et Bourguignons (1407-1415), et le Grand schisme d'Occident (1378-1417) ! La folie du roi Charles VI a conduit à sa mise sous tutelle et à une situation de régence. Entre l'année 1400, date de l'avènement de l'évêque , et 1418, date de son décès, la période est marquée en 1407 par l'assassinat du duc d'Orléans par le duc de Bourgogne Jean Sans Peur (qui cherche à prendre le pouvoir du royaume et s'allie aux Anglais), en 1409 par le concile de Pise, en 1414 par le concile de Constance et l'élection du pape Martin V, et en 1415 par  la bataille d'Azincourt. Sur le plan politique et religieux, la terre tremble !

Quinze jours avant l'assassinat de Guillaume de Cantiers, le dauphin Charles, futur Charles VII, venait d'échapper aux hommes de main de Jean Sans Peur à Paris en se réfugiant à Bourges.

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La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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Nous pouvons avec Louis Grodecki, nous étonner que ce soit une sainte qui présente un donateur. Pourtant, Gaignières montre le dessin d'un vitrail d'Évreux où sainte Marie-Madeleine présente l'évêque Philippe de Cahors (fin XIIIe).

Sans fournir d'explication, nous pouvons considérer que sainte Catherine est, avec saint Michel, celle dont Jeanne d'Arc entendit l'injonction de sauver le royaume vers 1425.  Catherine, fille de roi et assimilée à une reine (elle porte la couronne)  passe donc pour la grande protectrice du Roi de France. 

L'évêque, tonsuré, vêtu d'une chape à fermail en étoffe blanche brodée de motifs jaune à couronne, est agenouillé mains jointes. 

Hormis le fond rouge, et le nimbe vert, les verres sont blancs et peints au jaune d'argent et à la grisaille.

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La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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Détail de la crosse : le couronnement de la Vierge et un ange musicien.

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La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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Deuxième lancette : la Vierge à l'Enfant.

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La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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LES LANCETTES C ET D : DONATEUR DANS UNE ANNONCIATION.

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Comment comprendre le dessin donné par Gaignières ? On ne peut supposer qu'il n'avait pas accès à la verrière, lorsqu'on voit la précision avec laquelle il a rendu l'inscription. Le donateur y est rendu avec plus de précision d'habillement que le vitrail lui-même, et il porte un habit de velours rouge fourré d'hermines. Il porte une aumônière à la ceinture, comme un riche bourgeois. 

Si ce donateur est Jean III de la Ferté-Fresnel, maréchal de Normandie, on peut s'étonner qu'il ne soit pas représenté en armure.

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La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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La tête de l'ange et les pseudo-inscriptions du nimbe. 

(restauré)

La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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Détail du dais.

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La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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La Vierge de l'Annonciation de la lancette D.

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La Vierge reçoit le Saint-Esprit sur le haut du front. Elle témoigne de sa surprise en écartant les bras, dans un geste qui peut aussi s'adresser au donateur.

Elle porte un manteau blanc frappé d'hermines.

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La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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LE REGISTRE INFÉRIEUR : LES QUATRE BLASONS.

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1.  Armoiries de Guillaume de Cantiers.

Placées devant un drap d'honneur bleu, elles sont fascé d'argent et de gueules de cinq pièces, à l'aigle de sable becquetée et armée d'or .

Je n'ai pu vérifier cette identification : les armoiries qui sont attribuées à l'évêque le sont par référence à ce vitrail. Seule la pointe d'une crosse en pal est visible, sans crosseton ni mitre ni fanons.

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La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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2. Armoiries indéterminées.

Elles sont  blasonnées ainsi par Lebeurier.:

d'azur, à la bande d'argent, chargée de 3 tourteaux de gueules et accompagnée d'une étoile d'or au canton senestre.

 

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La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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3. Armoiries de Jean III de la Ferté-Fesnel.

Elles sont tendues devant un drap d'honneur vert.

Pour Lebeurier :

écartelé au 4 et 4 d'argent à l'aigle de gueules, au 2 et 3 de sable au lion d'argent . (n.b : le lion est armé d'or et sa queue est fourchue)

http://racineshistoire.free.fr/LGN/PDF/La-Ferte-Fresnel_Chambray.pdf

 

"Ancienne baronnie au diocèse d’Evreux, subdivisée en 2 branches, l’aînée de ce nom et la cadette au titre de Chambray par parage à 6 degrés de consanguinité. Chambray sur les bords de l’Yton, branche cadette sous l’usage normand du parage par lignage jusqu’en 1528."

La terre de Chambray est aujourd'hui sur la commune de Gouville-sur-Iton, à26 km au sud-ouest d'Évreux. Celle de La Ferté-Fresnel est à 50 km à l'ouest d'Évreux.

La Ferté-Fresnel : «(D’argent ?), à une aigle éployée de gueules, becquée & onglée d’azur»

La Ferté-Fresnel, Maréchal de Normandie : écartelé de Meulan (à partir de Jean III, au XIV° siècle), soit  «Ecartelé : aux 1 & 4, d’argent, à l’aigle de gueules, membrée & becquée d’azur; aux 2 & 3, de sable, au lion d’argent».

Ce sont donc les armoiries de Jean III :
 

 

"Jean III de La Ferté-Fresnel + peu après 1389 chevalier banneret, baron de La Ferté-Fresnel, vicomte de Fauguernon, baron de Neufbourg et de Gacé, seigneur des Planches, Maréchal de France dépendant du Roi et de Normandie dépendant du duc de Normandie, sert en Flandres contre les Anglais (cité dans les rôles du Trésorier des Guerres Guillaume d’Ensernet entre 01/03/1382 et 28/02/1383), Capitaine en Normandie (montre de Saint-Sauveur-Le-Vicomte 01/06/1383), sert en Guyenne (rôles de Jean Flamand, Trésorier des Guerres en 1387/88), (montre de Carentan 01/09/1387) (aveu 06/04/1389 de sa terre de Chambray à Agnès des Essarts, en vertu du parage exercé sur Yon, seigneur de Chambray, son parent ; écartèle ses armes de Meulan : «de sable au lion d’argent rampant à la queue fourchue) ép. Béatrix de Rosny "

On remarquera qu'un autre maréchal de Normandie  est représenté, avec son épouse Jeanne du Bec-Crespin  dans une verrière de la cathédrale, la baie 213 dite des Trois Marie :

http://www.lavieb-aile.com/2020/01/les-vitraux-du-xve-siecle-de-la-cathedrale-d-evreux-la-baie-213.html

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La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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4. Écu armorié de Renaud de Trie, amiral de France.

d'or, à la bande d'azur, chargée de trois anneaux d'argent.

https://gw.geneanet.org/arnac?lang=fr&n=de+trie&oc=2&p=renaud

https://www.geni.com/people/Renaud-de-Trie-Amiral-de-France/6000000032647615530

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Si la datation proposée par F. Gatouillat est exacte, Renaud de Trie, décédé en 1406, est honoré ici à titre posthume.

 

"Renaud de Trie, seigneur de Sérifontaine, fils de Mathieu de Trie, dit Lohier, [fol. 178] et de Jeanne de Blaru, était, lors de l'avénement de Charles VI, chambellan du duc d'Anjou, régent du royaume, qui lui assigna en récompense de ses services 100 livres de rente sur les biens de Robert de Picquigny, partisan du roi de Navarre ces lettres de don, datées du 27 octobre 1380, furent confirmées par Charles VI le 26 janvier 1381 (Arch. nat., JJ 118, nos 41 et 267). Renaud de Trie devint bientôt chambellan du roi; c'est à ce titre qu'il prit part, le 3 mai 1389, au tournoi donné en l'honneur des princes d'Anjou armés chevaliers et qu'il assista au mois d'août suivant à l'entrée solennelle d'Isabeau de Bavière à Paris (Religieux de Saint-Denis, t. I, p. 597; Kervyn de Lettenhove, Chr. de Froissart, t. XIV, p. 24). Par lettres du 16 mai 1390, Charles VI gratifia son chambellan de 2,000 francs, et le 11 août de la même année l'envoya auprès du duc de Berry, avec une allocation de 200 francs pour subvenir aux frais de ce voyage (Bibl. Nat., cab. des titres, pièces originales). Le même Renaud est cité par Froissart au nombre des « quatre chevaliers d'onneur » auxquels fut provisoirement confiée la garde du malheureux roi tombé en démence le 5 août 1392 (Kervyn de Lettenhove, Chr. de Froissart, t. XV, p. 46). Il obtint en 1394 la charge de grand maître des arbalétriers, et après la mort de Jean de Vienne, en 1396, fut nommé amiral de France aux gages de 2,000 francs par an. Renaud de Trie était en même temps capitaine du château de Rouen et recevait en cette qualité mille livres par an de pension (Arch. nat., K 54, n° 28 ; Bibl. Nat., cab. des titres, pièces originales). Au mois d'octobre 1401, il se fit décharger d'une rente de 32 livres Parisis qu'il devait au domaine sur la justice de Fontenay, en compensation d'une rente équivalente qu'on lui servait annuellement sur les recettes de Chaumont en Bassigny et de Troyes, dont il lui était dû 640 livres d'arrérages (Arch. nat., JJ 157, n° 36). Vers la même époque, ce seigneur dut se démettre de la capitainerie de Saint-Malo que se disputèrent Olivier de Mauny, investi de cet office en septembre 1404, et le Borgne de la Heuse, appelé au même poste; après de longs débats, le Parlement décida le 17 février 1406 que la question serait réservée et soumise au roi lorsque sa santé serait rétablie (Arch. nat., X1A 1478, fol. 254 v°; X1A 4787, fol. 265 r°). Il était encore amiral de France le 14 janvier 1405, comme le montre une quittance de cette date pour 200 livres Tournois dont le roi lui fit present (Bibi. Nat., cab. des titres, pièces originales). Atteint d'une maladie incurable, il abandonna sa charge d'amiral à Pierre de Breban, dit Clignet, favori du duc d'Orléans, mais ce ne fut point à titre gratuit et bénévole; en effet, Monstrelet (t. 1, p. 127) nous apprend que Renaud de Trie s'en dessaisit « moyennant une grant somme d'argent qu'il en avoit receu par le pourchas du duc d'Orléans. » Le Religieux de Saint-Denis, plus explicite, dit qu'il ne consentit à résigner ses fonctions que contre le payement de 15,ooo écus d'or. Renaud de [fol. 178] Trie occupe une certaine place dans l'histoire littéraire du xive siècle, il fut l'un des auteurs du recueil poétique intitulé Livre des Cent Ballades; marié à Jeanne de Bellangues dès 1395 (Arch. nat., JJ 149, n° 315), il mourut en 1406, sans laisser de descendance directe; sa veuve contracta un nouveau mariage avec Jean Malet, sire de Graville, grand maître des arbalétriers. "

http://corpus.enc.sorbonne.fr/testaments/testament_072

L'article Wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/Maison_de_Trie  

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La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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LE TYMPAN.

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L'oculus de l'octolobe accueille les armoiries de France, tandis que les trilobes contiennent les armes de Bourgogne. Faut-il y voir une évocation de la mission éffectuée par l'évêque d'Évreux auprès de Jean Sans Peur en 1413 ?

La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

La baie 129 de la nef de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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SOURCES ET LIENS.

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https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Verri%C3%A8re_des_%223_Marie%22_-_Pierre_de_Br%C3%A9z%C3%A9_et_Robert_de_Flocques_sous_Marie-Madeleine_Notre-Dame,_%C3%89vreux.JPG

 

— Stained-glass windows of Cathédrale Notre-Dame d'Évreux

https://commons.wikimedia.org/wiki/Category:Stained-glass_windows_of_Cath%C3%A9drale_Notre-Dame,_%C3%89vreux?uselang=fr

— BATISSIER, 1849, "Description des vitraux de la cathédrale d'Évreux", Revue de Rouen et de Normandie, volume 17.

https://books.google.fr/books?id=2L5DAAAAYAAJ&dq=%22MARTINUS%22+%22cath%C3%A9drale+d%27%C3%A9vreux%22+vitraux&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

— BOUDOT ( Marcel), 1966,“Les verrières de la cathédrale d’Evreux: Cinq siècles d’histoire,” Nouvelles de l’Eure 27 (1966), 28-29.

— DUBUC (René), 1983, "Problèmes héraldiques de la cathédrale d'Évreux", Normandie, Etudes archéologiques. Congrès national des sociétés savantes, Caen

— GATOUILLAT (Françoise), 2019, "French 14-th-century stained glass and other arts", in Investigations in Medieval Stained Glass, Materials, Methods and Expressions, Brill ed., pages 374-385

 — GATOUILLAT (Françoise), 2001, "Les vitraux de la cathédrale d'Évreux", in CALLIAS-BEY, M., CHAUSSÉ, V., GATOUILLAT, F., HÉROLD, M., Les vitraux de Haute-Normandie, Corpus Vitrearum France, Recensement des vitraux anciens vol. VI, Ed du CNRS / Monum ed. du patrimoine. Paris, pages 143-161.

 — GAIGNIÈRES (de), 1650-1700,  Manuscrit : Recueil de pièces, la plupart en copies ou en extraits, avec des dessins de sceaux et de tombeaux, pour servir à l'histoire des archevêques et des évêques de France, par Roger de Gaignières. Evreux. BnF fr. 20878-20889. folio 189.

 

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b525038493/f191.item.zoom

— GATOUILLAT (Françoise), "Note sur les verrières royales", Connaissance de l'Eure, n°88, p. 33-34.

GOSSE-KISCHINEWSKI  ( Annick ) et  Françoise Gatouillat, La cathédrale d’Evreux, Evreux, Hérissey, 1997.

GOSSE-KISCHINEWSKI  ( Annick ), HENRY (Virginie), 2016, Unité Départementale de l'Architecture et du Patrimoine de l'Eure (DRAC Normandie) Connaissance n°07

http://www.eure.gouv.fr/content/download/18041/123811/file/ESSENTIEL_CONNAISSANCE_07%20Historique%20complet%20de%20la%20Cath%C3%A9drale%20d'Evreux.pdf

— GRODECKI Louis, 1968, Baudot et Dubuc "Les vitraux de la cathédrale d'Évreux", in Bulletin monumental, 1968,. 

https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1968_num_126_1_4898

 

— LEBEURIER (Pierre-François), 1868,  Description de la Cathédrale d'Evreux accompagnée d'une vue générale et d'un plan géométrique, Huet ed., Evreux 1868, pages 26-27.

https://archive.org/details/bub_gb_TYdZAAAAYAAJ/page/n31

— LE BATELIER d'AVIRON, édition 1865 Le mémorial historique des évêques, ville et comté d'Évreux, écrit au XVIIe et publié pour la première fois par l'abbé P.F. Lebeurier...P. Huet, page 132.

https://books.google.fr/books?id=jvVAAAAAcAAJ&dq=reliques+des+Saintes+Marie+Jacob%C3%A9+et+Marie+Salom%C3%A9+Floques+%C3%A9vreux&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

 

 

— LE BRASSEUR (Pierre), 1722; Histoire civile et ecclésiastique du comté d'Évreux.

https://books.google.fr/books?id=KjRDAAAAcAAJ&dq=Guillaume+de+Floques&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

 

— Monuments historiques, Notre-Dame-d'Evreux

http://monumentshistoriques.free.fr/cathedrales/evreux/vitraux/1.html

— xxx

http://evreux.catholique.fr/contenu/documents/services/cathedrale_Evreux-bestiaire.pdf

—  Patrimoine-histoire.fr, Patrimoine/Evreux/Evreux-Notre-Dame

http://www.patrimoine-histoire.fr/Patrimoine/Evreux/Evreux-Notre-Dame.htm

— http://www.evreux-histoire.com/evreux-3-1-0.html#icono2

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Published by jean-yves cordier - dans Vitraux Évreux
19 janvier 2020 7 19 /01 /janvier /2020 10:38

Les vitraux du XVe siècle de la cathédrale d'Évreux  : la baie 213 (1450) "des trois Marie" offerte par Pierre de Brézé et Robert de Floques.

 

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Après 22 articles sur les vitraux du XIVe, j'explore les vitraux du XVe siècle de la cathédrale, en suivant peu ou prou  l'ordre chronologique des datations de ces verrières. Je suis guidé pas à pas par les publications de Françoise Gatouillat, et notamment par Gatouillat 2001, auquel j'emprunte toutes les données techniques.

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Voir :

 

 

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Voir aussi :

.— Sur les vitraux du XVe siècle de la cathédrale d'Évreux :

— Sur les fonds damassés  outre les articles sur les baies 15, 17 et 19 cités supra : 

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Voir La verrière des Trois Marie de Louviers (1510-1515)

Liste de mes 200 articles sur les vitraux :.(plutôt 225 maintenant !)

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PRÉSENTATION.

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La baie 213 est la première baie du coté nord du haut-chœur, et l'une des 3 du XVe siècle (avec les baies 203 et 205 offerte par Thibaut de Malestroit, plus précoces puisque datées vers 1409-1415). Elle date de 1450 (environ) et tranche avec les baies antérieures dont les registres figurés s'encadraient dans une vitrerie géométrique claire. Ici, les trois registres figurés et colorés occupent toute la hauteur..

Elle mesure 6, 50 m de haut et 3,60 m de large et comporte 4 lancettes trilobées et un tympan à 1 pentalobe, 2 trilobes et 9 écoinçons. 

Elle a été peu restaurée, sans-doute par Duhamel-Marette avant 1868.

Elle a été offerte par Pierre de Brézé  et Robert de Floques, libérateur d'Évreux en 1441, en l'honneur de l'entrée dans le trésor de la cathédrale des reliques des saintes Marie Salomé et Marie Jacobé en 1449 : elle date donc de 1450, ou un peu plus tard.

La première description date de 1868 : elle est de l'abbé Pierre-François Lebeurier, qui fut archiviste-paléographe (1845-1846), professeur de dogme à la Faculté de théologie de Bordeaux, archiviste du département de l'Eure, curé de Huest et de Gravigny, (Eure) et, c'est important, chanoine titulaire d'Évreux.

 

"La fenêtre 45. se distingue de toutes les autres fenêtres du chœur en ce que ses menaux sont du style flamboyant. Ses formes contiennent :

1. Sainte Marie-Madeleine tenant de la main droite un vase de parfums et de la gauche un livre. Au-dessous deux personnages à genoux, qui sont Pierre de Brezé et Robert de Floques. On les reconnaît à leurs cottes d'armes armoriées, savoir pour Brezé d'azur, à l'écusson d'argent, accompagné de crossettes d'or ; et pour de Floques : de gueules, à 3 bandes d'argent ; au-dessous encore trois autres personnages à genoux, qui sont sans doute des membres de la famille des précédents ;

2. Sainte Marie Cléophas avec ses quatre enfants: S. Jacques, S. Simon, S. Jude et S. Joseph. Au-dessous le Dauphin, duc de Normandie, qui fut depuis Louis XI, agenouillé, les mains jointes devant un pupitre qui porte un livre ouvert. Sa cotte d'armes est armoriée de France et de Dauphiné; au- dessous encore trois personnages à genoux ;

3. La Sainte Vierge portant  l'enfant Jésus. Au-dessous le pape Eugène IV à genoux et portant la tiare ; au-dessous encore trois personnages à genoux, savoir : un évêque en chappe ayant la mitre et la crosse et deux chanoines dont le premier tient une crosse. Ils doivent représenter l'évêque d'Evreux, Guillaume de Floques, l'abbé du Bec, premier chanoine de la cathédrale, et Robert Cybole, doyen ;

4.Sainte Marie Salomé et ses deux enfants , S. Jacques et S. Jean ; au-dessous, le roi de France, Charles VII, à genoux, devant un pupitre qui porte un livre ouvert; il est revêtu d'une cotte d'armes, d'azur semé de fleurs de lys; au-dessous encore trois personnages à genoux, l'épée au côté , qui sont sans doute des officiers du roi.

[...]

Cette verrière , qui est une œuvre d'art fort remarquable , paraît avoir voulu rappeler le souvenir de trois événements d'un haut intérêt : la fin du grand schisme d'Occident sous Eugène IV, la rentrée de la Normandie entière sous l'autorité de Charles VII, précédée du recouvrement d'Evreux par Pierre de Brezé et Robert de Floques ; mais elle fut faite directement à l'occasion du don fait à Guillaume de Floques et à son église par René d'Anjou, roi de Sicile, des reliques des Saintes Marie Jacobé et Marie Salomé. Le Brasseur dit (page 290) que Pierre de Brezé les fit mettre dans une châsse d'argent, où sont gravés son nom et celui de Catherine Crespin , sa femme. Le Mémorial des évêques d'Evreux, p, 430, ajoute qu'il présenta cette châsse à Robert Cibole, doyen (1).

La claire-voie du triforium est ornée, dans la partie supérieure des ogives, de trois écussons. Le premier parti de Floque et de Crespin (fuselé d'argent et de gueules) ; le second parti de Brezé et de Crespin ; le troisième de Floques.

Nous devons l'interprétation de cette magnifique verrière à Monseigneur l'évêque d'Evreux. Sa Grandeur l'a fait restaurer et admirablement graver." (Lebeurier)

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Je ne lui trouve pas d'intérêt particulier sur le plan technique, son emploi du jaune d'argent est, depuis plus de 100 ans, banalisé, et ses damassés sont, pour ce que je peux en voir, simples. Elle est riche en données héraldiques, surtout en y ajoutant le tympan de la baie 113 qu'elle domine. Elle est passionnante sur le plan historique (et elle a d'ailleurs été qualifiée de "verrière historique") en réunissant un roi, un dauphin, un pape, un évêque, et deux héros de la libération d'Évreux des mains des Anglais, vingt ans après la mort de Jeanne d'Arc : elle marque la fin de la Guerre de Cent Ans.

Mais ce qui m'a ému, et qui en est peut-être le fil rouge, c'est de découvrir que les deux héros (le sénéchal, comte d'Évreux, et le grand bailli d'Évreux sont beaux-frères. Ils ont épousé les deux filles de Guillaume X du Bec-Crespin, descendant de Guillaume VI ( connétable héréditaire de Normandie depuis 1262) et époux de Jacqueline d'Auvricher, Maréchale héréditaire de Normandie. Les armoiries losangés d'argent et de gueules sont présentes deux fois dans la baie du triforium.  L'importance pour les intéressés de cette alliance avec Jeanne Crespin et Jacqueline Crespin est aussi soulignée par leurs présences comme donatrices en registre inférieur.

La place des femmes dans cette verrière est bien évidemment majeure aussi par la représentation de trois saintes femmes autour de Marie en registre supérieur :  c'est le seul exemple d'une baie où aucun homme ne figure parmi les saints personnages de grande taille des lancettes. Le plus passionnant est de comprendre que, derrière le don des reliques de Salomé et Jacobé à la cathédrale, se cache la tradition d'une Sainte Parenté, équivalent généalogique féminin du thème d l'Arbre de Jessé, et que le culte des Trois Marie est, dans les oraisons des livres d'Heures de la noblesse, celui  «des trois sœurs de noble lignage par ce nom Marie nommées». Ce culte fut entretenu par Jeanne d'Évreux au XIVe siècle, comme modèle de conduite pour des vies exemplaires d’épouses, de mères ou de veuves, et modèle de piété, de sagesse et de bonne entente."

Toute la baie s'organise donc sur cet hommage aux femmes de noble lignage : lignage royal pour la Vierge couronnée, lignage de sainteté pour les Sainte Femme, lignage de haute noblesse normande pour Jeanne et Jacqueline Crespin.

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Baies 213 et 113 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baies 213 et 113 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 213  du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 213 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 213  du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 213 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 213  du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 213 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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LE REGISTRE SUPÉRIEUR.

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Les quatre lancettes sont occupées de gauche à droite par sainte Marie-Madeleine, sainte Marie-Jacobé avec ses quatre fils, la Vierge et l'Enfant, et sainte Marie-Salomé avec ses deux fils. Autrement dit, Marie est entourée des trois saintes femmes présentes lors de la Passion selon Marc 16:1, notamment pour embaumer le corps de Jésus, et qui constatèrent que le tombeau était vide. Ce qui fait d'elles les premières témoins de la Résurrection. "Lorsque le sabbat fut passé, Marie de Magdala [assimilée ensuite sous le nom de Marie-Madeleine  à Marie de Béthanie, la sœur de Marthe et de Lazare], Marie mère de Jacques et Salomé achetèrent des aromates afin d'aller embaumer Jésus."

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1°) Les Trois Marie : Madeleine, Salomé et Jacobé.

Les quatre lancettes sont occupées de gauche à droite par sainte Marie-Madeleine, sainte Marie-Jacobé avec ses quatre fils, la Vierge et l'Enfant, et sainte Marie-Salomé avec ses deux fils. Autrement dit, Marie est entourée des trois saintes femmes présentes lors de la Passion selon Marc 16:1, notamment pour embaumer le corps de Jésus, et qui constatèrent que le tombeau était vide. Ce qui fait d'elles les premières témoins de la Résurrection. "Lorsque le sabbat fut passé, Marie de Magdala [assimilée ensuite sous le nom de Marie-Madeleine  à Marie de Béthanie, la sœur de Marthe et de Lazare], Marie mère de Jacques et Salomé achetèrent des aromates afin d'aller embaumer Jésus."

La tradition a voulu que ces trois Marie, chassées de Palestine, aient débarqué en Provence (aux Saintes-Marie-de-la-Mer) avec Marthe, Lazare et Maximin. Marie-Madeleine, retirée comme ermite dans le massif de la Sainte-Baume.

Les reliques de ces premiers disciples eurent une importance considérable. Celles de sainte Marie-Madeleine fit tout le succès de Vézelay. Celles de Lazare furent vénérées en la cathédrale d'Autun. Marie-Salomé et Marie-Jacobé suscitèrent le pèlerinage des Saintes-Marie-de-la-Mer, mais ce n'est qu'en 1447 que René d'Anjou, comte de Provence, obtint des bulles du pape Nicolas V pour procéder des fouilles dans l'église appelée alors Notre-Dame-de-la-Mer (et qui deviendra église des Saintes-Maries-de-la-Mer) et, suite à la découverte de trois corps, procéder  à l'invention de leurs reliques (1448), les conserver dans des chasses et en propager le culte jusqu'en Anjou. Dès décembre 1449, René d'Anjou fit don d'une partie de ces reliques (des fragments de côtes) à la cathédrale d'Évreux. Comment expliquer ce privilège ébroïcien ?

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2. Les Trois Marie : la Vierge, Jacobé et Salomé.

Il faut comprendre que la tradition a ensuite réunit "les trois Marie" (cette fois, la Vierge, Marie Jacobé et Marie Salomé) pour en faire les trois filles successives (par trois mariages) de sainte Anne : Anne et Joachim eurent (miraculeusement) la Vierge Marie, Anne et Cléophas eurent Marie Jacobé,   et Anne et Salomas eurent Marie Salomé. 

La Vierge Marie,  mariée à Joseph engendra miraculeusement Jésus.

 Marie Jacobé eut de son époux Alphée saint Jacques le Mineur, Joseph le Juste (le seul qui ne soit pas un apôtre), saint Simon et saint Jude-Thaddée.

Marie Salomé eut de son mari Zébédée les apôtres saint Jacques le Majeur et saint Jean.

 La descendance d'Anne constitue, selon une tradition apocryphe rapportée par la Légende Dorée au XIIIe siècle, "la Sainte Parenté", où Marie Jacobé et Marie Salomé sont les sœurs de la Vierge Marie. Cette Sainte Parenté fit l'objet d'une riche iconographie, comme par exemple l'enluminure des Heures d'Etienne Chevalier peinte par Jean Fouquet vers 1452-1460, donc à peu près en même temps que notre vitrail. On y voit sainte Anne et ses trois filles. Comme déjà vers 1450 par le Maître de Jouvenel dans les Heures d'Angers BnF NAL 3211 p.27, avec la prière "Trois sœurs de noble lignage par ce nom Marie nommées".

https://fr.wikipedia.org/wiki/Sainte_Parent%C3%A9#/media/Fichier:Sainte_Anne_et_les_trois_Marie.jpg

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10025446v/f29.image

 

 

 

 

Les historiens ont pu mettre en évidence le thème de ce vitrail (Marie-Madeleine + les Trois Marie) avec le don des reliques de Marie Salomé et Marie Jacobé, en décembre 1449, à la cathédrale d'Évreux.

"An 1452. Et a son instance [...] de Guillaume de Floques ], Pierre René d'Anjou, roy de Hierusalem et de Sicile, comte de Provence, fit present au chapitre d'Evreux de deux parties notables des costes de Stes Marie Jacobé et Marie Salomé, attestées en parolles de roy avoir esté tirées de leurs corps, apportées au Mont de Ste Catherine de Rouen le quatre de decembre 1449, et qui avoient esté transportées, a la priere de Sa Majesté, d'une petite bourgade au diocese d'Arles, par la permission du cardinal de Foy, legat du St Pere le pape et archevesque d'Aix, le premier de decembre 1448" (Le Batelier d'Aviron)

Mais c'est Claudia Rabel qui a montré en 2007 le lien entre la Sainte Parenté et la reine Jeanne d'Évreux (fille du comte d'Évreux).

 

"Cette nouvelle promotion des saintes est peut-être directement liée à l’entrée en scène de la reine Jeanne d’Evreux qui va devenir la véritable bienfaitrice des carmes parisiens. De même, ce n’est sans doute pas un hasard si l’essor de la sainte parenté d’Anne eut lieu en France, au moment même où les descendants par les femmes étaient exclus de la succession au trône. En 1325, en effet, Jeanne d’Evreux, arrière--petite-fille de saint Louis, devint la troisième femme de Charles IV qui espérait enfin obtenir d’elle un fils héritier . Mais comme sainte Anne, la reine n’eut que trois filles. ...

Contrairement à la grand-mère du Christ et des apôtres, le lignage royal féminin fut donc refusé à Jeanne d’Evreux. Mais pendant plus de quarante ans, jusqu’à sa mort en 1371, la dernière reine capétienne sera la doyenne, estimée et respectée, de toutes les femmes de caractère qui gravitent à la cour de France au XIVe siècle, artisane de la paix dans le conflit entre les Valois et les Evreux-Navarre. Ces reines et princesses, souvent devenues veuves jeunes, sont citées en exemple de bon gouvernement aux princes qui se querellent et se combattent. Dans ce contexte, Jean de Venette ne dut guère avoir de mal à gagner le soutien de Jeanne d’Evreux pour promouvoir le culte des Trois Maries, «sœurs de noble lignage», modèle de conduite pour des vies exemplaires d’épouses, de mères ou de veuves, et modèle de piété, de sagesse et de bonne entente." (C. Rabel)

 

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J'ai souligné, dans les premiers articles sur les vitraux du XIVe de la cathédrale, l'importance du mécénat de Jeanne d'Évreux soit par son Livre d'Heures illustré par Jean Pucelle, soit par la statue en argent de la Vierge, offerte à la cathédrale.

 

"Les verrières de la cathédrale d’Evreux. Après Charles V et Charles VI, leurs successeurs continuent à être associés à la dévotion aux Trois Maries, protectrices des rois Valois, cette fois-ci publiquement, dans des verrières de la cathédrale d’Evreux en Normandie. L’ambiguïté de l’identité des Trois Maries: filles de sainte Anne ou Saintes Femmes des Evangiles, est résolue dans les quatre lancettes de la «verrière historique», qui se situe du côté nord dans la travée reliant le transept au chœur de la cathédrale. Elle a été offerte par les vainqueurs de la bataille de Formigny en 1450, Pierre de Brèze et Robert de Floques. La verrière commémorait cette victoire, qui marqua la fin de la guerre de Cent Ans, et honorait l’entrée au trésor de la cathédrale des reliques des saintes Marie Jacobé et Marie Salomé. Ces reliques avaient été données en 1449 à l’évêque d’Evreux, Guillaume de Floques, par René Ier duc d’Anjou. Ce prince également comte de Provence vénérait les deux Maries, dont il venait de retrouver les corps, comme il vénérait aussi leur compagne Marie-Madeleine et sainte Marthe, dans le cadre de sa politique menée dans le Midi de la France.

A l’arrivée de leurs reliques à Evreux, les deux Maries sont de nouveau réinterprétées comme demi-sœurs de la Vierge et mères des apôtres. En même temps, les donateurs de la verrière préservent leur identification aux Saintes Femmes au Tombeau, en choisissant Madeleine pour la première des quatre lancettes (La même solution a été adoptée dans un livre d’heures parisien enluminé dans l’entourage du Maître de Bedford, où l’ange de la Résurrection apparaît au tombeau vide du Christ à quatre Saintes Femmes: Lisbonne, Musée Calouste-Gulbenkian, LA 141, f. 217v. ).

En dessous des saintes, les places d’honneur aux pieds de la Vierge et de Marie Salomé, reviennent au pape Nicolas V —L’identification du pape à Eugène IV, avancée par Les vitraux de Haute-Normandie, semble impossible, ce pape étant mort en 1447, avant les événements conduisant à la réalisation de la verrière. — et au roi de France Charles VII, alors que le dauphin et les deux donateurs sont agenouillés derrière le pontife.

Comme un siècle plus tôt après la guérison miraculeuse de Pierre de Nantes, les saintes Maries provençales sont désinvesties de leur rôle de premiers témoins de la Résurrection du Christ, trop proches du mystère insaisissable de Pâques. Suivant une évolution générale de la piété à la fin du Moyen âge, elles sont «descendues sur terre», pour devenir des saintes plus proches des fidèles. Ces derniers invoquaient en elles des mères à la tête de familles modèles, bénies de nombreux fils illustres. Tout laïc en désirait, le roi de France en tête comme les deux donateurs, dont les familles se déploient dans le registre inférieur de la verrière. Il en allait de même pour le fils et successeur de Charles VII. Devenu roi, Louis XI voua une dévotion particulière à Notre-Dame d’Evreux. Peu après 1465 il fi t magnifiquement rebâtir la chapelle axiale dédiée à la Vierge et la fit orner d’un ensemble de verrières réalisées vers 1467-1469. Parmi elles, nous retrouvons encore une fois les Trois Maries, mais disposées sur deux verrières qui se font face. Au Nord, au sein du vitrail consacré à l’histoire de sainte Anne, une lancette est occupée par ses deuxième et troisième filles accompagnées de leurs fils. L’insistance sur sainte Anne et sa descendance s’explique à un moment où Louis XI, avant la naissance de son fils Charles en 1470, se souciait de sa succession et avait cherché en vain à l’assurer à sa fille aînée Anne. En face, côté Sud, dans une des lancettes du vitrail du «Triomphe de la Vierge», une Mater omnium protège sous son manteau un petit groupe d’hommes où Louis XI est «empereur en son royaume», agenouillé directement face au pape Paul II suivi du cardinal Jean Balue, évêque d’Evreux (Gary BLUMENSHINE, «Le vitrail du triomphe de la Vierge d’Evreux et Louis XI. Le patronage artistique des Valois dans la Normandie du XVe siècle», dans Annales de Normandie, 40, nos 3-4, 1990, p. 177-214 ). Ici encore, iconographie et politique, démographie et parenté se trouvent étroitement liées." (Claudia Rabel)

Lire aussi le blog pecia  http://blog.pecia.fr/post/2011/11/28/Pierre-de-Nantes-et-les-trois-Marie

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Sainte Marie-Madeleine tenant le flacon d'aromates.

Fond rouge uni.

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Baie 213  du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 213 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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 Marie-Jacobé avec ses quatre fils, Jacques le mineur, Joseph le Juste, Simon-Thaddée et Jude.

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Fond jaune orangé damassé (rinceaux). La sainte est nimbée, voilée et porte la guimpe.

 

 

 

 

Baie 213  du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 213 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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La Vierge Marie portant son Fils.

Fond lie-de-vin à rinceaux polycycliques.

Elle est nimbée, couronnée et voilée. La Mère et son Fils se penchent vers les donateurs du registre inférieur.

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Baie 213  du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 213 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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 Marie-Salomé avec ses deux fils saint Jacques et saint Jean.

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Fond jaune-orangé à rinceaux. La sainte est nimbée, voilée et porte la guimpe. Elle remet un livre à l'un de ses fils, le premier ayant déjà un livre en main. Les pieds des enfants sont nus, ce qui rappelle qu'ils furent des apôtres.

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Baie 213  du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 213 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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LES DEUX REGISTRES DES DONATEURS.

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Première Lancette.

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Baie 213  du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 213 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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Pierre de Brézé et Robert de Flocques.

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Les deux hommes, sensiblement du même âge, sont beaux-frères, puisqu'ils ont épousé chacun l'une des deux filles de Guillaume Crespin (ou Bec-Crespin). Ce sont des compagnons d'armes, puisqu'ils sont, en septembre 1441, les libérateurs d'Évreux  (ils reçurent en 1442 pour cet exploit 6000 écus d'or du roi Charles VII), puisque vers 1443 Robert de Floques reçut ses gages de grand bailli et capitaine d'Évreux tandis qu'en 1441 Pierre de Brézé, déjà grand sénéchal,  avait été fait comte d'Évreux. 

1. Pierre de Brézé (1410-1465).

Il est représenté agenouillé en armure recouverte d'un tabard à ses armes d'azur, à l'écusson d'argent, accompagné de crossettes d'or.

 

Rappel Wikipédia :

Pierre de Brézé, né vers 1410 ou 1412 et mort le 16 juillet 1465 à Montlhéry, est un soldat, courtisan et homme de gouvernement au service des rois de France Charles VII et Louis XI qui s'est illustré au cours de la guerre de Cent Ans.

Pierre de Brézé entre très tôt au service du roi de France Charles VII. Il est déjà suffisamment renommé à la cour à l'été 1433 lorsqu'il apporte son soutien à la belle-mère du roi et duchesse douairière d'Anjou Yolande d'Aragon et au connétable Arthur de Richemont quand ces derniers écartent de la cour le puissant favori Georges de La Trémoille. Adoubé dès 1434 par Charles IV du Maine, Brézé entre rapidement au Conseil royal, puis est nommé grand sénéchal d'Anjou en 1437 et de Poitou en 1440. Brézé soutient ainsi de manière décisive le roi Charles VII contre son fils le dauphin de France Louis et les grands féodaux au cours de la Praguerie entre février et juillet 1440, ce qui lui portera préjudice quelques décennies plus tard.

Brézé s'évertue au cours des années 1440 à chasser les Anglais du royaume de France, au cours de la dernière phase de la guerre de Cent Ans. Il participe de ce fait aux hostilités en Normandie dès 1440 et en Aquitaine dès 1442. En récompense de son rôle joué dans la défense de Pontoise contre les Anglais menés par Richard d'York, le roi le crée comte d'Évreux en 1441. Brézé bénéficie de l'appui total de la maîtresse du roi Agnès Sorel, devient chambellan du roi et assoit son autorité sur le Conseil royal au détriment de ses anciens alliés, tels Arthur de Richemont ou Charles IV du Maine. Les années de son ascension spectaculaire au sein du gouvernement, entre 1444 et 1450, se révèlent être les plus glorieuses du règne de Charles VII.

Malgré des accusations formulées en 1448 par son farouche ennemi le dauphin Louis qui résultent en un procès qui l'exonère complètement, Pierre de Brézé garde la confiance de Charles VII et joue un rôle majeur dans la reconquête du duché de Normandie. Il prend part à la prise de Verneuil en 1449 ainsi qu'à la décisive bataille de Formigny en 1450, qui scelle la fin de la présence anglaise en Normandie. En remerciement de ses efforts, le roi lui attribue la charge de grand sénéchal de Normandie, et ce en dépit de la mort de son alliée Agnès Sorel et du déclin de son influence à la cour. Brézé exerce depuis la Normandie de fructueux actes de piraterie contre les vaisseaux anglais et parvient même à conduire un raid contre le port de Sandwich en 1457.

À la mort de Charles VII en 1461, Brézé tombe en disgrâce auprès du nouveau roi Louis XI et est immédiatement emprisonné. Il est pourtant libéré dès 1462 et prépare promptement une expédition dans le cadre de la Guerre des Deux-Roses dans le Northumberland en faveur de Marguerite d'Anjou, épouse du roi de la Maison de Lancastre Henri VI d'Angleterre, renversé l'année précédente par Édouard IV de la Maison d'York. L'invasion conduite par Marguerite d'Anjou à l'automne 1462 en concertation avec l'Écosse et la France se révèle cependant inefficace. Contraints de se replier en Écosse, Marguerite et Brézé mènent plusieurs expéditions dans le Nord de l'Angleterre qui échouent et doivent finalement se réfugier en France à l'été 1463.

L'agitation du duc François II de Bretagne inquiète Louis XI, qui nomme Brézé capitaine de Rouen en 1464 en lui confiant la défense de la Normandie1. Fidèle au roi, Brézé le soutient lors de la Ligue du Bien public et meurt au combat à la bataille de Montlhéry le 16 juillet 1465. Son tombeau, un enfeu de style flamboyant de la fin du xve siècle, se trouve dans la chapelle de la Vierge de la cathédrale de Rouen. Il y est enterré avec sa femme Jeanne du Bec-Crespin, dame du Bec-Crépin, de Mauny et de Maulévrier.  "

 

 

2. Robert de Floques. 

Il est agenouillé derrière son compagnon. 

 

Le 15 septembre 1441, escaladant les murs de la porte de Chartraine, depuis leurs barques, et avec l'aide de deux pêcheurs, l'homme de guerre Robert de Flocques et environ trois cents de ses compagnons d'armes entrent dans l'enceinte de la ville. Ils parviennent à libérer Evreux des mains des Anglais qui, malgré les barricades installées rue Grande, sont rapidement écrasés et massacrés. Le roi reprend ainsi le contrôle de la ville. Il reçoit pour cela 6000 écus (avec Pierre et Jean de Brézé), puis reçoit ses gages de grand-bailli et capitaine d'Evreux. Son fils est nommé évêque d'Évreux.

Robert de Flocques (date de naissance inconnue, vers 1411 - mort le 7 décembre 1461 à Évreux, Normandie), dit Flocquet, est un homme de guerre français, seigneur de Grumesnil, bailli royal d'Évreux, maréchal héréditaire de Normandie (par son mariage), conseiller et chambellan du roi.  

L'article Wikipédia signale ceci : "De basse noblesse picarde, Robert de Flocques participe aux combats de la Guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons (1407-1435) dans le camp armagnac. Il se lie de fidélité au roi Charles VII, pratique l'écorcherie dans les territoires bourguignons et vit de la guerre jusqu'en 1444, où il reçoit une lettre de rémission pour toutes ses exactions. En 1441, il reprend Évreux aux Anglais et devient le bailli de la ville. En 1445, il est intégré à l'armée permanente de Charles VII comme capitaine d'Ordonnance. En 1449-1450, il participe à la conquête de la Normandie.

Sa carrière se poursuit avec sa participation à la bataille de Formigny qui clôt la récupération de la Normandie par le roi de France. Au terme d'une trajectoire exceptionnelle, Robert de Flocques meurt dans son lit à Évreux en 1461, passé d'un petit soudard picard à un bailli et capitaine reconnu comme un des meilleurs de son temps."

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Baie 213  du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 213 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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Les membres des familles de Pierre de Brézé et/ou de Robert de Floques.

On peut penser que la famille de Pierre de Brézé, le premier sur le registre du dessus, occupe ce panneau, et que celle de Robert de Flocques occupe la suivante. Ce n'est qu'une hypothèse, invérifiable, et peu importe, sauf pour ma présentation.

 

Fond lie de vin damassé à rinceaux.

Un homme portant le chaperon blanc sur l'épaule droite.

Son épouse à large coiffe blanche et robe rouge.

Un deuxième homme, chaperon rouge sur l'épaule droite.

L'épouse de Pierre de Brézé est Jeanne (selon les généalogistes, mais Catherine selon P. Le Brasseur et les autres auteurs) Crespin, "dame de Mauny, Maulévrier et du Bec-Crespin (succède à ses frères) (le Roi lui accorde 400 £ de pension avant 1455) épouse Pierre de Brézé, baron de Maulévrier, seigneur de La Varenne +X 16/07/1465 (Montlhéry) (fils de Pierre 1er et de Clémence Carbonnel) (vendent ensemble les Trois-Villes de Saint-Denis assise en la Forêt de Lyons, à Louis d’Harcourt)"

http://racineshistoire.free.fr/LGN/PDF/Crespin.pdf

Elle eut trois enfants dont un fils, Jacques, marié en 1461.

https://gw.geneanet.org/pierfit?lang=fr&p=jeanne&n=crespin&oc=12#note-wed-2

 

. https://fabpedigree.com/s037/f284105.htm

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Baie 213  du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 213 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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Les registres inférieurs de la deuxième lancette.

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Baie 213  du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 213 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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Le Dauphin.

le Dauphin, duc de Normandie, (qui deviendra  Louis XI en 1461), est agenouillé, les mains jointes devant un pupitre qui porte un livre ouvert. Sa cotte d'armes est armoriée de France et de Dauphiné;

Fond rouge  damassé à rinceaux.

 

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Baie 213  du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 213 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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Trois donateurs (deux hommes et une femme).

La femme porte un hennin double (à deux cornes), comme Isabelle de Portugal sur ce portrait de 1445-1450 :  https://fr.wikipedia.org/wiki/Isabelle_de_Portugal_(1397-1471)#/media/Fichier:Rogier_van_der_Weyden_workshop_-_Portrait_of_Isabella_of_Portugal_-_without_frame.jpg

Les hommes portent une tunique courte, serrée par une ceinture, et fourrée au col et aux poignets. 

Fond jaune orangé damassé à rinceaux.

Si cette famille est celle de Robert de  Flocques, c'est le moment de signaler que son épouse Jacqueline Crespin est la jeune sœur de Jeanne [Catherine], épouse de Pierre de Brézé. "Jacqueline Crespin ° ~1415 + 20/01/1484 (inhumée à Gonfreville-L'Orcher) épousa 1) Robert de Floques dit «Floquet» ° 1411 + 07/12/1461 Bailli d’Evreux, puis  2) Pierre d'Ercambourg." http://racineshistoire.free.fr/LGN/PDF/Crespin.pdf

Le couple eut une fille, Jeanne, née vers 1430, mariée à Gilles de Rouvroy, et décédée vers 1480.

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Baie 213  du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 213 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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Les registres inférieurs de la troisième lancette.

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Baie 213  du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 213 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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Le pape Eugène IV, pape de 1431 à 1447.

Il porte une chape rouge à orfrois d'or, et la triple tiare papale, aux deux fanons. Il est identifié par ses armoiries d'azur à la bande d'argent placées au tympan. Pourtant, il n'est plus en vie à la date du don des reliques de Salomé et Jacobé le 4 décembre 1449. On pourrait donc y voir le pape Nicolas V, dont le pontificat s'étend de 1447 à 1455, mais dont les armoiries de gueules à la clef d'argent posé en bande et à la clef d'or posée en barre toutes deux liées d'un cordon d'azur, sont absentes.

Fond bleu damassé de rinceaux.

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Baie 213  du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 213 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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L'évêque d'Evreux, Guillaume de Floques, l'abbé du Bec, premier chanoine de la cathédrale, et Robert Cybole, doyen

 

Fond vert damassé à rinceaux.

Guillaume de Floques évêque d'Évreux  est agenouillé en habit épiscopal devant Robert Cybole,  doyen du chapitre cathédral, et Jean de Rouen abbé du Bec jusqu'en 1452, et premier chanoine d'Évreux.

Guillaume de Floques, moine bénédictin, fils de Robert, fut évêque d'Évreux  jusqu'à sa mort le 25 novembre  1464. Il obtint ce poste  par appui du roi  après que Pasquier de Vaux évêque d'Évreux de 1439 à 1443, ardent défenseur des anglais, ait été  suspendu en 1442 de tous ses biens pour avoir refusé de reconnaître le roi de France,  et soit transféré par le pape à  Lisieux, toujours sous domination anglaise.  Eugène IV avait nommé en succession de Pasquier de Vaux Pierre Estrillac (ou de Treigac) de Comborn, mais le lendemain même de son élection, le 10 juillet 1443, Guillaume de Flocques est élu évêque d'Évreux sur l'insistance de son père. Le 16 juin 1445, il prit possession par procuration de l'évêché malgré les fonctions de Pierre de Comborn. Le 24 août 1446, il prête serment de fidélité au roi à Bourges. En 1447, Pierre de Comborn lui intente un procès devant le Parlement de Paris, mais le perd. Et le 5 septembre 1447, Guillaume de Flocques prend possession de l'évêché. Le 29 janvier 1456, trop âgé pour exercer ses fonctions, il se retire et devient abbé du pontificat. Pierre de Comborn lui succède enfin.

 

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Jean de la Motte fut abbé du Bec de 1446 à sa mort le 17 novembre 1452 à Rouen. Il était le fils d'un bourgeois de Rouen, docteur en décrets de l'Université de Paris. Il peut être identifié par la crosse abbatiale, tenue sur l'épaule droite. Il porte un grand manteau blanc plissé (de bénédictin ?).

 

 

Robert de Cibole (1403-1458), ou de Ciboule, Cybolle, Cybole, doyen d'Évreux. Chancelier de Notre-Dame de Paris en 1451 et proviseur du collège de Navarre, célèbre pour ses sermons, particulièrement pour celui sur la Passion prononcé le 30 mars 1442 à Saint-Jacques-la-Boucherie dont il était le curé (Notice BNF) et camelier de Nicolas V. "On a vû fleurir de son temps Robert de Cibole Doyen de l'Eglise Cathédrale d'Évreux. Il étoit de Breteüil, Docteur en Théologie, Chancelier de l'Université de Paris, Camerier du Pape Nicolas V. Il a écrit un Commentaire sur les Epîtres de S. Paul, dont le manuscrit étoit il n'y a pas encore bien longtemps, dans la Bibliothèque du Chapitre d'Evreux, avec llIl que le Pape Nicolas lui envoya de Rome en 1454. portant la permission de tenir tels bénéfices qu'il voudroit , fans être obligé à la résidence, & même de choisir le lieu le plus sain pour sa santé & le plus commode pour ses études. " (P. Le Brasseur p. 294)

 

Il prononça un plaidoyer en défense de Jeanne d'Arc. Voir aussi biographie

Voir  http://initiale.irht.cnrs.fr/codex/7235/9751

Il porte, bien-sûr la tonsure. Son vêtement de chœur est doublé au col et aux poignets d'une fourrure dorée. L'étoffe pliée sur son avant-bras droit est l'aumusse des chanoines.

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Baie 213  du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 213 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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Les registres inférieurs de la quatrième lancette.

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Baie 213  du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 213 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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Le roi Charles VII.

Fond à rinceaux en trois bandes verticales rouge, verte et blanche.

Il est agenouillé devant son prie-dieu où son livre de prières est ouvert. Il porte la couronne, l'armure complète, l'épée au coté,  et un tabard à ses armes d'azur fleudelysé.

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Baie 213  du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 213 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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Trois hommes en armure.

Fond jaune d'or, à grands feuillages.

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Baie 213  du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 213 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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LE TYMPAN.

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"Les compartiments supérieurs sont ornés de six écussons. :

En haut celui d'Eugène IV, d'argent, à la bande d'azur, surmonté de la tiare.

Au second rang deux blasons surmontés de la couronne de France : l'un de France, l'autre parti de France et d'Anjou. Ce dernier doit appartenir à Marie d'Anjou, femme de Charles VII : cependant, il diffère notablement de celui que lui attribue le Père Anselme et se rapproche davantage de celui de René d'Anjou, donateur des reliques, sans lui être absolument conforme. On peut le blasonner ainsi pour Anjou , tiercé : au 1er fascé d'argent et de gueules de 6 pièces ; au 2 d'azur, semé de fleurs de lys d'or ; au 3 d'argent, à la croix potencée d'or, soutenu de la pointe: au 4 d'azur semé de fleurs de lys d'or; au 5 d'azur, à 2 barbeaux adossés d'or, au 6 d'or à la bande d'argent.

Au troisième rang l'écusson du dauphin : écartelé de France et de Dauphiné.

Au quatrième rang l'écusson de Robert de Floques : de gueules, à 3 bandes d'argent ; et  celui de Pierre de Brezé : d'azur, à l'écusson d'argent enclos dans un trécheur d'or et à 8 croisettes d'or, en orle." (Lebeurier)

 

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Baie 213  du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 213 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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La baie 113 du triforium.

"La claire-voie du triforium est ornée, dans la partie supérieure des ogives, de trois écussons. Le premier parti de Floque et de Crespin (fuselé d'argent et de gueules) ; le second parti de Brezé et de Crespin ; le troisième de Floques." (Lebeurier)

Les trois baies géminées à 2 lancettes trilobées, tympan à 1 soufflet et 4 écoinçons portent dans les lancettes une vitrerie géométrique ponctuée de soleils ondés et de monogramme du Christ, C'est dans le tympan que se trouvent 3 écus armoriés, de France à gauche, puis de Robert de Floques, de son épouse Catherine Crespin et de la famille de Brézé parti Crespin. (Gatouillat)

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Baie 113  du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 113 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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SOURCES ET LIENS.

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https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Verri%C3%A8re_des_%223_Marie%22_-_Pierre_de_Br%C3%A9z%C3%A9_et_Robert_de_Flocques_sous_Marie-Madeleine_Notre-Dame,_%C3%89vreux.JPG

 

— Stained-glass windows of Cathédrale Notre-Dame d'Évreux

https://commons.wikimedia.org/wiki/Category:Stained-glass_windows_of_Cath%C3%A9drale_Notre-Dame,_%C3%89vreux?uselang=fr

— BATISSIER, 1849, "Description des vitraux de la cathédrale d'Évreux", Revue de Rouen et de Normandie, volume 17.

https://books.google.fr/books?id=2L5DAAAAYAAJ&dq=%22MARTINUS%22+%22cath%C3%A9drale+d%27%C3%A9vreux%22+vitraux&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

— BOUDOT ( Marcel), 1966,“Les verrières de la cathédrale d’Evreux: Cinq siècles d’histoire,” Nouvelles de l’Eure 27 (1966), 28-29.

— DUBUC (René), 1983, "Problèmes héraldiques de la cathédrale d'Évreux", Normandie, Etudes archéologiques. Congrès national des sociétés savantes, Caen

— GATOUILLAT (Françoise), 2019, "French 14-th-century stained glass and other arts", in Investigations in Medieval Stained Glass, Materials, Methods and Expressions, Brill ed., pages 374-385

 — GATOUILLAT (Françoise), 2001, "Les vitraux de la cathédrale d'Évreux", in CALLIAS-BEY, M., CHAUSSÉ, V., GATOUILLAT, F., HÉROLD, M., Les vitraux de Haute-Normandie, Corpus Vitrearum France, Recensement des vitraux anciens vol. VI, Ed du CNRS / Monum ed. du patrimoine. Paris, pages 143-161.

 — GATOUILLAT (Françoise), "Note sur les verrières royales", Connaissance de l'Eure, n°88, p. 33-34.

GOSSE-KISCHINEWSKI  ( Annick ) et  Françoise Gatouillat, La cathédrale d’Evreux, Evreux, Hérissey, 1997.

GOSSE-KISCHINEWSKI  ( Annick ), HENRY (Virginie), 2016, Unité Départementale de l'Architecture et du Patrimoine de l'Eure (DRAC Normandie) Connaissance n°07

http://www.eure.gouv.fr/content/download/18041/123811/file/ESSENTIEL_CONNAISSANCE_07%20Historique%20complet%20de%20la%20Cath%C3%A9drale%20d'Evreux.pdf

— GRODECKI Louis, 1968, Baudot et Dubuc "Les vitraux de la cathédrale d'Évreux", in Bulletin monumental, 1968, p. 55-73. 

"Le vitrail « des Trois Marie », dans le chœur, a déjà été souvent commenté et expliqué dans ses nombreux portraits de chanoines et dignitaires, comme aussi dans sa signification « politique ». « Cet admirable ensemble, écrit M. Dubuc, postérieur à la bataille de Formigny (15 avril 1450) qui marquait l'expulsion définitive des Anglais hors de la France, commémorait aussi, outre la fin du Grand Schisme d'Occident (1429), la donation au chapitre d'Évreux par René d'Anjou, roi de Jérusalem et de Sicile..., de deux parties notables des côtes des saintes Marie- Jacobé et Marie-Salomé en décembre 1449. » "

— LEBEURIER (Pierre-François), 1868,  Description de la Cathédrale d'Evreux accompagnée d'une vue générale et d'un plan géométrique, Huet ed., Evreux 1868, pages 26-27.

https://archive.org/details/bub_gb_TYdZAAAAYAAJ/page/n31

— LE BATELIER d'AVIRON, édition 1865 Le mémorial historique des évêques, ville et comté d'Évreux, écrit au XVIIe et publié pour la première fois par l'abbé P.F. Lebeurier...P. Huet, page 132.

https://books.google.fr/books?id=jvVAAAAAcAAJ&dq=reliques+des+Saintes+Marie+Jacob%C3%A9+et+Marie+Salom%C3%A9+Floques+%C3%A9vreux&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

 

 

— LE BRASSEUR (Pierre), 1722; Histoire civile et ecclésiastique du comté d'Évreux.

https://books.google.fr/books?id=KjRDAAAAcAAJ&dq=Guillaume+de+Floques&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

— NEVEUX (François), 1987, Evreux à la fin du moyen âge: André Plaisse, La baronnie du Neubourg. Essai d'histoire agraire, économique et sociale ; L'évolution de la structure agraire dans la campagne du Neubourg ; Charles, dit le Mauvais, comte d'Evreux, roi de Navarre, capitaine de Paris ; Un chef de guerre du XVe siècle, Robert de Flocques, bailli royal d'Evreux ; La vie municipale à Evreux pendant la guerre de Cent Ans ; Evreux et les Ebroïciens au temps de Louis XI [compte-rendu]Annales de Normandie  Année 1987  37-1  pp. 83-87

https://www.persee.fr/doc/annor_0003-4134_1987_num_37_1_2029

— RABEL (Claudia), 2009, des histoires de famille la dévotion aux trois maries en france du xive au xve siècle textes et images Revista de historia da arte n.º 7 - Institut de recherche et d’histoire des textes (CNRS) Paris – Orléans

https://run.unl.pt/bitstream/10362/16651/1/RHA_7_ART_6_CRabel.pdf

— Monuments historiques, Notre-Dame-d'Evreux

http://monumentshistoriques.free.fr/cathedrales/evreux/vitraux/1.html

— xxx

http://evreux.catholique.fr/contenu/documents/services/cathedrale_Evreux-bestiaire.pdf

—  Patrimoine-histoire.fr, Patrimoine/Evreux/Evreux-Notre-Dame

http://www.patrimoine-histoire.fr/Patrimoine/Evreux/Evreux-Notre-Dame.htm

— http://www.evreux-histoire.com/evreux-3-1-0.html#icono2

 

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Published by jean-yves cordier - dans Vitraux Évreux
15 janvier 2020 3 15 /01 /janvier /2020 21:47

 

Les vitraux du XIVe siècle de la cathédrale d'Évreux : XIX: la baie 210 offerte vers 1390-1400 par le roi Charles VI.

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Cet article est le dix-neuvième d'une série sur l'apparition du jaune d'argent dans les vitraux du chœur de la cathédrale d'Évreux au XIVe siècle, et il suit l'ordre chronologique des datations de ces verrières.

.

 

Je suis guidé par les publications de Françoise Gatouillat, et notamment par Gatouillat 2019.

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Voir :

 

 

.

 

Voir aussi :

.— Sur les vitraux plus tardifs de la cathédrale d'Évreux :

— Sur les fonds damassés  outre les articles sur les baies 15, 17 et 19 cités supra : 

.

Liste de mes 200 articles sur les vitraux :.

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PRÉSENTATION.

 

Haute de 6,50 m et large de 3,60 m, la baie 210, située au coté sud des vitres hautes du chœur, comporte 4 lancettes trilobées  et un tympan à 1 pentalobe,  2 trilobes et 9 écoinçons. Elle appartient, avec la baie 209 offerte par Pierre de Navarre, comte de Mortain, aux verrières dites "royales". En effet, dans les deux lancettes centrales, le roi de France Charles VI  est agenouillé devant un prie-dieu, présenté à la Vierge à l'Enfant, assise, par saint Denis placé à l'extrême droite.

 

Les dais répètent les mêmes fleurons trilobés au sommet des petits gables aigus des contreforts que la baie 209, les mêmes crosses de feuillage sur les rampants des gables principaux, et surtout les mêmes crochets blancs et jaunes qui hérissent, par une disposition assurément rare, la corniche supérieure des niches.

De même, nous retrouvons ici les deux tissus damassés de la baie 209, d'une part celui des fonds, à rinceaux et médaillons où s'affrontent deux dragons ou oiseaux fabuleux, et d'autre part celui du prie-dieu, à large fleur jaune en étoile.

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La verrière a été recomposée ici en  1955 avec des panneaux exécutés pour la nef et transférés progressivement dans le chœur depuis 1845. La figure royale était placée à l'origine dans la baie 132 sous sa rose aux armes de France. Lebeurier donnait en 1868 la description du coté sud de la nef :

 

"Les fenêtres 2 et 3 ont de simples grisailles ornées à leur partie supérieure, la première d'un écusson aux armes de France d'azur à trois fleurs de lys et la seconde d'un écusson écartelé de Navarre et d'Evreux.

La verrière de la fenêtre 4 représente un roi qu'on croit être Charles V, beau-frère de Charles-le-Mauvais, agenouillé sur un coussin orné de fleurs de lys, en face d'un prie-dieu sur lequel est un livre ouvert. Le fonds de la scène est d'azur semé de fleurs de lys. Au haut, dans la rosace, un écu de France, d'azur semé de fleurs de lys sans nombre.

La verrière de la fenêtre 5 représente une Vierge assise ayant sur ses genoux l'enfant Jésus qui tient à la main une branche de rosier. En face se trouvait, dit-on, le portrait de Charles-le- Mauvais qui a été transporté dans le chœur vers 1834."

Elle fut restaurée en 1890 par Leprévost et Steinheil, puis restaurée et recomposée en 1955 par Gruber. En 1983, elle a été endommagée par un orage de grèle et restaurée par Tisserand avec inclusions, doublage de la vitre, tandis que  les plombs de casse ont été supprimés grâce à un collage bord à bord des pièces brisées.

 

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Les baies 210 et 212 et en dessous les  baies 110  et 112 du triforium.

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 Les vitraux du XIVe siècle de la cathédrale d'Évreux : XIX: la baie 210 .

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La baie 210.

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Baie 210  du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 210 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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Les parties figurées des quatre lancettes.

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Baie 210  du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 210 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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Première lancette (à gauche) : la Vierge à l'Enfant assise sur une cathèdre.

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La Vierge nimbée et voilée, vêtue d'un manteau bleu, tient son fils sur le bras droit et un livre dans la main gauche. Elle est légèrement tournée et inclinée vers le donateur, vers lequel se dirige son regard.

L'Enfant, blond, à demi recouvert d'un drap, entoure le cou de sa Mère tandis que sa main droite se dirige vers le donateur.

Marie porte une robe blanche à motifs de deux fleurs différentes, peintes au jaune d'argent.

La cathèdre est gothique, à pinacles à crochets.

Le drap d'honneur tendu derrière elle, de couleur rouge, est peint à la grisaille, l'enlevé de cette peinture donnant à voir le motif du damassé, à rinceaux souples dont les boucles à crochets renferment deux dragons (ou oiseaux fabuleux) selon une inspiration orientale repris dans les lampas italiens.

L'édicule hexagonal à voûte nervurée et aux pans marqués par des gables à fleurons laisse voir, sur le fond bleu, les lancettes d'une ou plusieurs verrières, comme si la niche était située dans une cathédrale.

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Baie 210  du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 210 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 210  du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 210 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 210  du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 210 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 210  du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 210 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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. Détail du damassé.

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Baie 210  du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 210 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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Les deux lancettes centrales : Charles VI agenouillé en donateur.

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Les deux lancettes forment un seul lieu, délimité par l'arcade de la niche, dont le sommet est gardé par deux anges (complété en 1955).

Sur un fond vert (en haut) et rouge , un drap d'honneur fleurdelysé est tendu. Le large prie-dieu est recouvert d'un linge liturgique blanc, richement orné de fleurs à sept pétales en étoile, comme sur la baie 209. Le livre de prière, ouvert, étale les deux fermoirs de sa reliure.

Le roi (couronné) est vêtu, non pas d'un manteau aux armes de France, mais d'un manteau rouge au rabat de col et au revers blanc (fourrure d'hermine ?).

Mains jointes, il fixe la Vierge du regard.

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Baie 210  du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 210 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 210  du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 210 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 210  du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 210 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 210  du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 210 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 210  du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 210 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 210  du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 210 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 210  du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 210 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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Dernière lancette : Saint Denis.

C'est lui qui porte sur son manteau les armes du royaume de France, dont il est le patron(cf. la nécropole royale de Saint-Denis et le cri Montjoie-Saint Denis).

Il tient sa tête dans les bras, puisqu'il a été décapité. Cette tête est mitrée, les fanons de la mitre retombent derrière le bras gauche.

C'est ici le même  carton que pour la baie 209, où il co-présente Pierre de Navarre.

Le fond damassé rouge reprend le même motif que sur les lancettes précédentes.

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Baie 210  du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 210 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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Le tympan.

L'oculus du pentalobe renferme les armes de France aux fleurs d lys sans nombre, tandis que les lobes, datant du XIXe, sont aux armes d'Évreux-Navarre. Des couronnes d'or sur champ de gueules occupent les trilobes.

 

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Baie 210  du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 210 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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La baie 110 du triforium (3ème quart du XVe).

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Baies 210 et 110  du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baies 210 et 110 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 110  du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 110 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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SOURCES ET LIENS.

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— Stained-glass windows of Cathédrale Notre-Dame d'Évreux

https://commons.wikimedia.org/wiki/Category:Stained-glass_windows_of_Cath%C3%A9drale_Notre-Dame,_%C3%89vreux?uselang=fr

— BATISSIER, 1849, "Description des vitraux de la cathédrale d'Évreux", Revue de Rouen et de Normandie, volume 17.

https://books.google.fr/books?id=2L5DAAAAYAAJ&dq=%22MARTINUS%22+%22cath%C3%A9drale+d%27%C3%A9vreux%22+vitraux&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

— BOUDOT ( Marcel), 1966,“Les verrières de la cathédrale d’Evreux: Cinq siècles d’histoire,” Nouvelles de l’Eure 27 (1966), 28-29.

DUBUC (René), 1983, "Problèmes héraldiques de la cathédrale d'Évreux", Normandie, Etudes archéologiques. Congrès national des sociétés savantes, Caen

— GATOUILLAT (Françoise), 2019, "French 14-th-century stained glass and other arts", in Investigations in Medieval Stained Glass, Materials, Methods and Expressions, Brill ed., pages 374-385

 — GATOUILLAT (Françoise), 2001, "Les vitraux de la cathédrale d'Évreux", in CALLIAS-BEY, M., CHAUSSÉ, V., GATOUILLAT, F., HÉROLD, M., Les vitraux de Haute-Normandie, Corpus Vitrearum France, Recensement des vitraux anciens vol. VI, Ed du CNRS / Monum ed. du patrimoine. Paris, pages 143-161.

 — GATOUILLAT (Françoise), "Note sur les verrières royales", Connaissance de l'Eure, n°88, p. 33-34.

GOSSE-KISCHINEWSKI  ( Annick ) et  Françoise Gatouillat, La cathédrale d’Evreux, Evreux, Hérissey, 1997.

GOSSE-KISCHINEWSKI  ( Annick ), HENRY (Virginie), 2016, Unité Départementale de l'Architecture et du Patrimoine de l'Eure (DRAC Normandie) Connaissance n°07

http://www.eure.gouv.fr/content/download/18041/123811/file/ESSENTIEL_CONNAISSANCE_07%20Historique%20complet%20de%20la%20Cath%C3%A9drale%20d'Evreux.pdf

GRODECKI Louis, 1968, Baudot et Dubuc "Les vitraux de la cathédrale d'Évreux", in Bulletin monumental, 1968, p. 55-73. 

HONORÉ-DUVERGÉ (Suzanne), 1942,  "Le prétendu vitrail de Charles le Mauvais à la cathédrale d'Évreux" Bulletin Monumental  Année 1942  101-1  pp. 57-68

https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1942_num_101_1_9289

— LAFOND (Jean), 1953, "Le vitrail en Normandie de 1250 à 1300", Bulletin Monumental  Année 1953  111-4  pp. 317-358

https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1953_num_111_4_3745

— LAFOND (Jean), 1942,  "Les vitraux royaux du XIVe siècle à la cathédrale d'Évreux"  Bulletin Monumental  Année 1942  101-1  pp. 69-93

https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1942_num_101_1_9290

— LAFOND (Jean), 1975, "Les vitraux royaux et princiers de la cathédrale d'Évreux et les dessins de la collection Gaignières" , Bulletin de la Société nationale des Antiquaires de France  Année 1975  1973  pp. 103-112

— LEBEURIER (P-F.), 1868,  Description de la Cathédrale d'Evreux accompagnée d'une vue générale et d'un plan géométrique, Huet ed., Evreux 1868

https://archive.org/details/bub_gb_TYdZAAAAYAAJ/page/n15

Suau (Jean-Pierre), 1993, "Les vitraux  des rois de Navarre en la cathédrale d'Évreux", Connaissance de l'Eure, n°88, p. 32-33.

— Vaivre (Jean-Bernard de) 1980,"Les vitraux royaux de la cathédrale d'Évreux" cahiers d'archéologie p.300-313. Non consulté.

— Monuments historiques, Notre-Dame-d'Evreux

http://monumentshistoriques.free.fr/cathedrales/evreux/vitraux/1.html

— xxx

http://evreux.catholique.fr/contenu/documents/services/cathedrale_Evreux-bestiaire.pdf

—  Patrimoine-histoire.fr, Patrimoine/Evreux/Evreux-Notre-Dame

http://www.patrimoine-histoire.fr/Patrimoine/Evreux/Evreux-Notre-Dame.htm

— http://www.evreux-histoire.com/evreux-3-1-0.html#icono2

 

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Published by jean-yves cordier - dans Vitraux Évreux
6 janvier 2020 1 06 /01 /janvier /2020 16:43

Les vitraux du XIVe siècle de la cathédrale d'Évreux : XVIII : la baie 209 offerte vers 1390-1400 par Pierre de Navarre, comte de Mortain.

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Cet article est le dix-huitième d'une série sur l'apparition du jaune d'argent dans les vitraux du chœur de la cathédrale d'Évreux au XIVe siècle, et il suit l'ordre chronologique des datations de ces verrières.

.

 

Je suis guidé par les publications de Françoise Gatouillat, et notamment par Gatouillat 2019.

.

Voir :

 

 

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Voir aussi :

.— Sur les vitraux plus tardifs de la cathédrale d'Évreux :

— Sur les fonds damassés  outre les articles sur les baies 15, 17 et 19 cités supra : 

.

Liste de mes 200 articles sur les vitraux :.

.

 

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PRÉSENTATION.

 

Haute de 6,50 m et large de 3,60 m, la baie 209, située au coté nord des vitres hautes du chœur, comporte 4 lancettes trilobées  et un tympan à 1 pentalobe,  2 trilobes et 9 écoinçons. Elle appartient, avec la baie 210 offerte par Charles VI,  aux verrières dites "royales" car le donateur a été identifié comme Pierre de Navarre, comte de Mortain, frère puiné du roi de Navarre et comte d'Évreux Charles III le Noble, et compagnon d'enfance du roi Charles VI.

Pierre de Navarre y est présenté à la Vierge à l'Enfant par saint Pierre, et par saint Denis. 

Les quatre personnages se tiennent dans des édicules voûtés tendus de damas à motifs de rinceaux en spirale.

Les dais répètent les mêmes fleurons trilobés au sommet des petits gables aigus des contreforts que la baie 210, les mêmes crosses de feuillage sur les rampants des gables principaux, et surtout les mêmes crochets blancs et jaunes qui hérissent, par une disposition assurément rare, la corniche supérieure des niches. Mais le dais à sommet plat est simple pour les trois saints personnages, et double pour le donateur, afin qu'il soit placé plus bas qu'eux.

La verrière a été restaurée lors de la réfection du chœur entre 1888 et 1896 : la date de 1893, qui est inscrite sur le livre de prières, se rapporte certainement à cette restauration.

Elle résulte d'une recomposition un peu complexe par Jean-Jacques Gruber en 1953 puisque son emplacement était auparavant celui de la verrière de Guillaume d'Harcourt (aujourd'hui en 211), et que les panneaux du donateur et de saint Pierre ont été transférés depuis la baie 134 de la nef avant 1834 pour compléter la verrière de Raoul de Ferrières de la baie 207, et qu'enfin la Vierge et saint Denis étaient placés dans la verrière voisine...

Longtemps, en se fondant sur un relevé exécuté par le collectionneur Gaignières, on y a vu Charles III de Navarre. L'identification juste, et la recomposition de la verrière, résultent d'un véritable travail d'enquête érudite mené en 1942 par Suzanne Honoré-Duvergé  puis Jean Lafond , mais le débat s'est poursuivi autour des baies 209 et 210 jusqu'en 1980, entre Jean Lafond, Louis Grodecki (1956-1957), l'archiviste Marcel Baudot et l'héraldiste Jean-Bernard de Vaivre. Il portait notamment sur les deux relevés effectués par Boudan pour Gaignières : s'agissait-il, — puisqu'ils portaient en inscription les identifications de Charles II et de Charles III —, d'infidélités aux verrières réelles (car plus difficiles à observer qu'une dalle funéraire par exemple), ou bien de relevés de deux autres verrières, aujourd'hui perdues, tandis que les actuelles baies 209 et 210 auraient échappé à l'attention du dessinateur et antiquaire ? On pourra voir, dans les articles cités en source, combien ces débats sont passionnants et instructifs. 

Néanmoins, le consensus est établi concernant l'identité de Pierre de Navarre, et la datation entre 1390 et 1404.

 

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Vue générale en situation au dessus du triforium avec sa baie 109 :

 

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Baies 209 et 109 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baies 209 et 109 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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La première lancette : la Vierge à l'Enfant.

 

Elle provient de la verrière de la cinquième travée de la nef, du côté sud, où elle avait été déplacée.

"La Vierge assise à laquelle Mme Honoré-Duvergé a pensé pour compléter le vitrail de Pierre de Mortain est infiniment gracieuse. Sa tête blonde s'incline vers la droite, comme pour accompagner le mouvement de l'Enfant-Jésus, penché en avant avec ce bel élan qu'on lui voit dans certaines représentations de l'Adoration des Mages. Mais il tend ici une branche de rosier." (J. Lafond)

On sait que la Vierge, patronne de la cathédrale Notre-Dame, est honorée dans la plupart des verrières hautes du chœur.

Fond rouge damassé au motif de rinceaux. Manteau bleu, nimbe vert, Enfant et visage de Marie en verre blanc peint au jaune d'argent. Le damassé aux rinceaux polycycliques se retrouve sur la robe dorée, visible en bas.

La Vierge incline la tête vers son Fils avec qui elle échange un regard d'autant plus tendre que l'Enfant enlace le cou de sa Mère de ses bras. Elle tient dans la main droite un objet (rosier selon Lafond) que je ne peux déterminer.

Petit effet de perspective par les nervures des voûtains, le manteau qui passe devant les piédroits, ou les lignes du carrelage  à losanges noirs et jaunes.

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Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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Cliché éclairci pour étudier le fond rouge.

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Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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Deuxième lancette : saint Pierre coiffé de la tiare papale.

Fond du dais rouge, sous lequel est tendue une étoffe damassée bleu au motif de pommes de pins fleuronnées, de rouelles à crochets et de rinceaux. Je rappelle l'importance de ces damassés, qui ont permis le regroupement des panneaux dispersés et qui se retrouvent en baie 210. La rouelle à crochet renferme deux dragons (ou oiseaux fabuleux) affrontés, comme les soieries ou lampas importés de Lucques ou de Florence. 

Ce motif se retrouve à Bourges dans le vitrail de la chapelle d'Etampes — ou du Sacré-Coeur — des premières années  du XVe, et  reproduit dans la Pl. II d'A de Méloizes.

Saint Pierre tient la clef dans la main droite et tend la main gauche, en arrière, vers le donateur dont il est le patron. Nimbe rouge, chape lie-de-vin, surplis, visage et mains en verre blanc. 

L'un des détails précieux est le motif des broderies de l'étole, puisqu'il s'agit de verrières au remplage stylisé : il indique que Pierre de Navarre est donateur de la verrière, d'une façon très originale puisqu'ailleurs dans le chœur, les donateurs portent eux-mêmes une maquette de vitrail.

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Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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Troisième lancette. Pierre de Mortain en donateur.

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Pierre de Navarre (Évreux, 31 mars 1366 – Sancerre, 29 juillet 1412), comte de Mortain, était le fils puîné de Charles II, roi de Navarre et comte d'Évreux (dit Charles le Mauvais), et de Jeanne de France (1343-1373), fille du roi de France Jean le Bon.

Pierre de Navarre alias Pierre de Mortain naquit à Évreux le 5 avril 1366. Laissé à la cour de France (en gage d'une possible politique de réconciliation entre son père et le roi Charles V), il fut élevé avec le futur roi Charles VI, dont il devint l'inséparable compagnon.

C'est dans ce contexte qu'il faut réunir les deux verrières 209 (au nord) et 210 (au sud) offertes par Pierre de Mortain et Charles VI, et où saint Denis est présent dans les deux cas.

Le gisant de Pierre de Navarre est conservé au Louvre.

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Statue gisante provenant du tombeau de Pierre de Navarre , dans le choeur de l'église de la Chartreuse de Paris, détruit à la Révolution.

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http://cartelfr.louvre.fr/cartelfr/visite?srv=car_not_frame&idNotice=1980

"Au reste, l'exactitude de l'identification est aisée à vérifier ; la figure du vitrail présente, nous l'avons dit, toutes les apparences d'un portrait. Or, le Louvre conserve la belle statue tombale du comte de Mortain, que lui fit ériger, après sa mort en 1412, sa veuve Catherine d'Alençon . L'épreuve est concluante : non seulement le costume du gisant est identique en tous points au vitrail — mêmes détails de l'armement, même cotte armoriée, le cortil seul faisant défaut — mais encore les traits sont semblables ; à peine peut-on noter que le vitrail offre une image plus juvénile, faite vraisemblablement du vivant de Pierre de Navarre." (Honoré-Duvergé)

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Plus précisément (de Vaivre), Pierre de Mortain porte une cuirasse, cuissards, grèves et solerets à bouts pointus. La cuirasse, portée sur une cote de maille qui apparaît au col, est elle-même revêtue d'un tabard aux armes un peu différentes que celles du vitrail  : aux 1 et 4 au rais d'escarboucle pommeté, besanté et fermé, aux 2 et 3 à trois fleurs de lis à la bande et à la bordure simple. En d'autres mots, seuls sont brisés les deux quartiers issus de France. D'autre part, le tortil est absent mais aux dires de Millin, la tête était autrefois ceinte d'un tortil « en vermeil, orné de pierres fines ».

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Datation :

"Le peu que nous connaissons de la vie du comte de Mortain nous aidera à préciser la date de la verrière. Nous savons qu'il est né à Évreux le 5 avril 1366 , et cela nous donnera le terminus a quo du travail : il semble bien que le prince eût dépassé vingt ans quand l'artiste a fixé ses traits sur le verre ; le vitrail ne saurait donc être antérieur de plus de deux ou trois ans à 1390. Un autre argument, tiré de l'état des ressources du jeune Pierre de Navarre, vient renforcer cette déduction : quand Charles V procéda à la confiscation de toutes les terres françaises de Charles le Mauvais (1378), le jeune homme, retenu prisonnier à la cour de France, fut dès lors élevé en compagnie du futur Charles VI, son cadet de deux ans à peine ; financièrement parlant, il dépendait donc entièrement du bon plaisir du roi de France : en dehors de quelques dons motivés par des frais extraordinaires, sa pension s'élevait à 3,200 l. p. par an, jusqu'à l'érection en sa faveur du comté de Mortain en 1401 . Sans doute peut-on penser que Charles le Noble, une fois monté sur le trône de Navarre (1387), aida son jeune frère à tenir son rang ; mais les finances navarraises étaient elles-mêmes bien mal en point, et c'est en 1410 seulement que le prince recevra un apanage de 3,000 l. de rente . Aussi paraît-il impossible qu'avant 1390 les ressources du jeu ne homme aient pu lui permettre la dépense de la verrière. L'exécution du vitrail se placerait donc entre l'extrême fin du XIVe siècle au plus tôt et les premières années du XVe siècle au plus tard. … L'on peut même penser que le vitrail devait être posé en 1404 : à cette date, en effet, le roi de Navarre perd le comté d'Évreux et reçoit en échange le duché de de Nemours ; dès lors, il y a peu d'apparence que les princes de Navarre aient songé à embellir la cathédrale d'une capitale qu'ils avaient perdu l'espoir de recouvrer. Sans doute, le comte de Mortain gardait-il, même après cette cession, de nombreuses raisons de se montrer généreux envers l'église de sa ville natale, où sa mère était enterrée, que ses ancêtres avaient ornée. Il n'en reste pas moins vraisemblable que Pierre de Navarre et son saint patron ont pris place aux fenêtres de la cathédrale d'Évreux entre 1390 et 1404. Dès lors, leur facture, la précision du dessin, l'emploi déjà sûr de la perspective s'expliquent aisément." (Honoré-Duverger)

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Le motif du damassé est ici peint sur fond vert. 

Le comte d'Évreux est figuré à genoux, devant son livre de prière ouvert sur un prie-dieu. Il porte la cotte de maille et l'armure complète, sous un tabard à ses armes .

Il porte sur la tête un tortil d'or où s'enroule un rang de perles.

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Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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Héraldique.

Le tabard porte les armes écartelées  aux 1 et 4 de gueules au rais d'escarboucle pommeté, besanté et fermé, d'or (qui est de Navarre), aux 2 et 3 semé de France ancien à la bande componée d'argent et de gueules (qui est d'Évreux), à la bordure d'argent sur le tout .

 

 

 

Pierre de Mortain n'usa pas toujours des mêmes armes au cours de sa vie. Cela n'a rien de surprenant car on sait que seul le chef de famille avait droit aux pleines armes, les autres membres de la maison brisant ou surbrisant, selon un système qui était propre à chaque famille. Il  a utilisé au cours de sa vie au moins quatre sceaux différents mais son blason ne subit essentiellement qu'une seule modification. Elle concerne la bordure ajoutée en signe de brisure de son écu (écartelé aux 1 et 4 de Navarre, aux 2 et 3 semé de France à la bande componée, qui est d'Évreux) : la bordure engrelée pendant sa jeunesse, en 1376 et 1377, elle sera modifiée sur ses sceaux à partir de 1384 en bordure pleine, ou bordure simple d'argent sur le tout assurément à partir de 1401, comme nous la rencontrons alors sur ses actes, l'Armorial de la cour Amoureuse, sur les vitraux de la cathédrale d'Évreux ou sur le surcot de son gisant déposé au Louvre.

Si les sceaux ne renseignent pas sur les émaux (les couleurs) des armoiries, et notamment de la bordure, ces couleurs sont documentées par  Y Armoriai de la cour Amoureuse du début du XVe siècle, conservé aux archives de l'ordre de la Toison d'or à Vienne,. Sur le folio 3 r°, en bas et à droite, sont peintes les armes de Pierre fils de roy de Navarre comte de Mortaing. L'écu est écartelé, aux 1 et 4 de gueules au rais d'escarboucle pommeté, besanté et fermé, d'or, aux 2 et 3 d'azur semé de fleurs de lis d'or à la bande componée d'argent et de gueules, à la bordure simple d'argent sur le tout. Il n'y a pas de trace de bordure engrelée . Tout ceci est conforme aux armoiries du vitrail.

J'emprunte aux articles de de Vaivre les photos des sceaux avec bordure engrêlée et avec bordure simple, et je les pointe d'une flèche.

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Sur le cliché qui suit, j'ai indiqué par des flèches la bordure blanche (d'argent) qui est droite  (simple), et non en dents de scie ou timbre de poste (engrêlé).

La barre diagonale rouge et blanche sur le fond bleu et or est la bande componée d'argent et de gueules.

Les deux quartiers en "jeu de mérelles" rouge et or sont les armes de Navarre, étudiées en détail dans mon article sur la baie de l'Annonciation de Chartres.

http://www.lavieb-aile.com/article-vitrail-de-l-annonciation-de-la-cathedrale-de-chartres-123049018.html

 

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Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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Etude du fond damassé.

Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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Le relevé que donne Gaignières (si on juge qu'il a fait dessiner ces panneaux)  de ce panneau montre de nombreuses   différences , ou erreurs (De Vaivre, 1973):

a) le b) Vitrail

  • pas d'inscription

  •  tortil perlé .

  • cotte d'armes sans manches

  • armes sur la cotte seule : écartelé aux 1 et 4 Navarre, aux 2 et 3 « Évreux » à, la bordure d'argent sur le tout

  • le prie-Dieu recouvert d'une étoffe à motifs de feuillage

  • pas d'écu dans le coin gauche.

  • bras et coude droits du personnage apparents .

  • partie postérieure gauche de la cotte invisible .

  • composition architecturale élancée

 

Le Dessin ..

  • Inscription ka/rol/3 rex/nav/ar/re 

  • couronne

  • cotte d'armes avec manches.

  • armes sur le surcot et sur les manches : écartelé aux aux 1 et 4 Navarre, aux 2 et 3 « Évreux ». Sans bordure.

  • le prie-Dieu recouvert d'une étoffe unie.

  • dans le coin gauche, un écu écartelé Navarre et Évreux, sans bordure, cime d'un plumail de paon, et orné de lambrequins.

  • bras et coude droits cachés .

  • partie postérieure gauche de la cotte très apparente .

  • composition architecturale très ramassée

Pour de Vaivre,

"Les différences qui se constatent entre le vitrail tel qu'il est actuellement et le dessin de la collection Gaignières sont trop importantes pour que l'on puisse encore soutenir que ce dernier représente le vitrail de la baie 115 [209], et ce pour des raisons héraldiques.

Il faut également admettre que le tortil perlé qui ceint le front de Pierre de Mortain sur le vitrail n'est pas le fruit d'une réfection d'un maître verrier de l'époque romantique, comme d'aucuns l'ont avancé, puisque le témoignage de Millin prouve qu'un tortil, sans doute très semblable, se voyait également sur le gisant de la chartreuse de Vauvert. On ne peut donc que se rallier aux conclusions de M. Baudot lorsqu'il affirme que le dessin de la collection Gaignières représente une verrière aujourd'hui disparue. De ce fait, voilà Boudan lavé d'une accusation de « falsifications délibérées » que ni lui, ni Gaignières qui l'employait, ne sauraient mériter.

Certains s'étonneront d'avoir des croquis du XVIIIe siècle de verrières disparues (les rois Charles II et Charles III de Navarre) tandis que sont parvenus jusqu'à, nous des vitraux que Boudan n'aurait pas pris la peine de copier (Charles VI et Pierre de Mortain). C'est que Gaignières avait de nombreuses autres représentations du roi de France et qu'il avait déjà, pris deux dessins du gisant de Pierre de Mortain à la chartreuse de Vauvert, à, Paris."

 

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Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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J'éclaircis l'image pour examiner le damassé.

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Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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Il faut encore s'intéresser à l'étoffe qui recouvre le prie-dieu, blanche ornée de grosses fleurs aux pétales en étoile. J. Lafond a noté qu'on le retrouvait en baie 210 :

"Mais l'indice décisif, ce sont les draperies blanches des prie-Dieu qui le fournissent. Elles ne sont pas décorées de fleurons banaux, mais de petits arbres d'or, représentés avec leurs racines, leur tronc et des rameaux qui sont des palmettes rayonnant autour d'une fleur, le tout stylisé de la façon la plus précieuse. Ce motif, copié avec amour sur quelque étoffe persane du XIIIe ou du XIVe siècle, suffit pour assigner à nos vitraux [209 et 210] la même origine et la même date, qui s'établit sans doute entre l'année 1390, admise par Mme Honoré Duvergé pour la verrière de Pierre de Mortain, et l'année 1398 où mourut la reine Blanche. (J. Lafond) "

 

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Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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Quatrième lancette : saint Denis.

Le saint, tenant sa tête coupé, est identifié facilement. Sa présence pour le patronage du donateur s'explique sans doute en symétrie de la verrière 210, dont il reprend le carton, dans laquelle il est justifié comme étant le saint patron de la royauté de France, la basilique Saint-Denis étant la nécropole royale des rois de France.

"saint Denis, magnifiquement paré de tous les ornements pontificaux, avec une longue et souple chasuble bleue losangée d'or par des fleurs de lis, dont plusieurs sont à plombs vifs. Le martyr porte sa tête coupée sur son bras gauche arrondi, la main ramenant sous le menton les deux fanons de la mitre. Ainsi la droite reste libre pour son geste de présentation. En décrivant le vitrail du nord, nous avons décrit celui du sud, car le même carton a servi pour l'un et pour l'autre. Cette pratique, dont on rencontre des exemples dès le XIIIe siècle, surprend ici, car rien n'évoque le travail en série dans ces vitraux, où tout est royal : la fondation, la matière et la facture. Il y a beaucoup d'art dans ces visages de supplicié, où la souffrance trouble à peine la noblesse. Rien n'est plus somptueux que les tentures damassées de couleur rouge qui tapissent les niches, derrière la sainte Vierge et derrière saint Denis." (Jean Lafond)

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Le motif du damassé rouge est le même que sur les autres lancettes, avec ses pommes de pins fleuronnées, ses rouelles à crochets et ses rinceaux.

On trouve, dans le surplis dépassant du bas de la chape bleue, un autre motif, celui d'une feuille aux larges découpes polylobées,  à quatre parties exubérantes en étoile.

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Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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Le damassé rouge :

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Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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LE TYMPAN.

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Au dessus des parties supérieures des lancettes occupées par une vitrerie blanche géométrique à fleurettes et fermaillets,  et cernée de bordures colorées datant de 1330-1340, le tympan comprend  un pentalobe où les lobes  peintes aux armes de Navarre entourent une Vierge à l'Enfant sur le croissant de lune aux pointes sommées de deux fleurs de lys, qui sont les armes du chapître cathédrale ( d'azur à une Notre-Dame d'argent, tenant l'enfant Jésus dans ses bras, accostée de deux fleurs de lis d'or, appuyant ses pieds sur un croissant d'argent).

Les couronnes d'or sur fond de gueules des trilobes sont des éléments de la fin du XIVe siècle, complétées.

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Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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La baie 109 du triforium.

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Cette baie géminée à 2 lancettes trilobées et tympans à 1 soufflet et 4 écoinçons de 3,20 m de haut et 3,60 m de large est une vitrerie géométrique dans laquelle, en haut de chaque lancette, ont été réemployés les écus armoriés (restitués dans les 2e et 5e lancettes)  d'Évreux-Navarre datant vers 1380, armes utilisés par Charles III de Navarre entre 1375 et 1387 (Gatouillat se fondant sur de Vaivre 1980 p. 324-326).

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"M. Louis Grodecki ne peut envisager pour ces « vitraux royaux » deux campagnes de fabrication distinctes dans le temps ; s'il a donc existé des vitraux représentant à la fois Pierre de Mortain, Charles II et Charles III, la verrière où se voyait le second ne pouvait donc être qu'un vitrail commémoratif. M. de Vaivre en convient, mais il tient aussi à attirer l'attention sur un écu qui figure sur l'une des verrières du fenestrage du triforium du chœur où l'on voit un écartelé aux 1 et 4 de Navarre, aux 2 et 3 d'Évreux, au lambel de trois pendants d'argent sur le tout.

M. Grodecki précise que tous ces vitraux datent du xve siècle. M. de Vaivre ne partage pas cette manière de voir et pense, quant à lui, que si les fenestrages de cette partie du triforium ont bien été percés sous le règne de Louis XI, une bonne partie des vitraux qui y sont aujourd'hui placés (ou ceux qui leur ont servi de modèles) sont très certainement antérieurs et que c'est précisément le cas de celui qu'il vient de décrire. Les armes précitées — pour lesquelles tous les auteurs ont proposé jusqu'à présent des attributions erronées -— sont en réalité celles de Charles de Navarre, le futur Charles III, du vivant de son père, ainsi que le prouvent des sceaux encore inédits. Il n'y a aucune raison de penser que cet écu a été exécuté à l'époque romantique, ni au xve siècle ni même après 1387 lorsque Charles, du fait de la mort de son père, porta les pleines armes de sa maison. Il faut donc en conclure que des verrières sur lesquelles figuraient un ou des blasons furent commandées entre 1375 et 1387 puisque c'est à ce moment, et à ce moment-là seulement, que furent portées ces armoiries au lambel. M. Grodecki conclut en disant que, les hommes du Moyen Age ayant horreur du vide — en l'occurrence du verre blanc — auraient procédé à de nombreux remplois dont le cas évoqué semble précisément être un exemple."(Vaivre in Lafond 1975)

https://it.wikipedia.org/wiki/Carlo_III_di_Navarra

https://it.wikipedia.org/wiki/Carlo_III_di_Navarra#/media/File:COA_Navarre_Evreux_Charles_III,prince_de_Viane.svg

par  Odejea

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armoiries de Charles III de Navarre dessinées par Odejea pour le projet Blasons de Wikipedia

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Baie 109 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 109 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 109 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 109 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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ANNEXE.

" Ceux qui ont mesuré les difficultés d'une pareille enquête sauront gré à Mme Honoré-Duvergé d'en avoir abordé le problème le plus délicat avec la décision d'un historien, et de l'avoir résolu, pour le principal, avec son intuition de femme. L'auteur de l'article qu'on vient de lire écrit trop modestement qu' « un simple regard permet de reconnaître une facture identique » entre le donateur princier et le saint Pierre de la quatrième fenêtre septentrionale du chœur. C'est vrai depuis que Mme Honoré a eu l'idée de rapprocher les photographies de ces personnages, séparés dans le vitrail d'Évreux par deux figures remontant au second quart du XVIe siècle. Sur place, à première vue, le chevalier en armure et son saint patron produisaient des impressions si différentes qu'un illustre archéologue, F. de Guilhermy, a pu attribuer le saint Pierre au XVIe siècle . A vrai dire, ce pape qui gesticule dans l'ampleur de sa chape, sous la haute tiare aux trois couronnes, est une figure « baroque ».

Au contraire, le donateur nous apparaît comme aussi étroitement enserré dans l'immobilité de sa prière que dans la carapace de son armure, et sa cotte d'armes ne fait pas un pli. Mais justement, en détaillant ces différences, ne dissipons-nous pas l'apparente incompatibilité qui opposait le personnage « étoffé » au personnage « étriqué »? Alors on prend garde que, s'il se mettait debout, le donateur aurait exactement la même stature que ce grand saint Pierre. On s'aperçoit que son visage et ses mains ont les mêmes mesures que ceux de son patron. On réfléchit que le dais à double étage qui s'élève au dessus de sa tête est fait précisément pour garnir la forme réservée au personnage agenouillé. On constate que ce dais, si différent soit-il de celui de saint Pierre, n'offre aucun détail qui l'empêche d'être exactement du même temps. On reconnaît, enfin, que les tentures damassées se ressemblent beaucoup et que les carrelages sont semblables. Rien n'est donc plus légitime que le rapprochement des deux panneaux qui restitue au donateur le nom de Pierre de Mortain, parfaitement confirmé par la comparaison du priant d'Evreux avec le gisant du Louvre. L'hypothèse de Ferdinand de Lasteyrie est devenue une certitude. Nous voilà débarrassés de ce prétendu roi de Navarre qui portait un simple tortil de baron. Un tel excès de modestie aurait dû inquiéter plus tôt les archéologues, et Mme Honoré a eu raison d'en souligner l'invraisemblance. C'est là, je crois, un des points décisifs de la discussion, car Charles le Mauvais avait fondé à la cathédrale d'Évreux une chapellenie des saints Pierre, Paul et Jean l'Évangéliste. Il aurait fort bien pu se faire présenter à la sainte Vierge par saint Pierre .

La reconnaissance de Pierre de Mortain porte un coup à l'autorité de la collection Gaignières.. Mais il faut avouer que la série ébroïcienne nous apparaît comme particulièrement sujette à caution. Dans les portefeuilles de Roger de Gaignières, Pierre de Mortain s'appelle Charles III le Noble. Le dessinateur s'est avisé de surcharger le socle d'une inscription imaginaire : Karolus  rex Navarre  et de changer le tortil en une couronne, assez simplette d'ailleurs.

Pour faire un Charles le Mauvais, il a pris un roi de France, auquel nous rendrons son nom tout à l'heure. Mais il s'est donné plus de mal. Non seulement il a inscrit sur le soubassement : Karolus Rex Navarre me donavit, mais la tenture semée de fleurs de lis sans nombre est devenue une tapisserie décorée d'écussons alternés aux armes d'Evreux et de Navarre. Un blason royal de Navarre est apparu au tympan de la niche . Quant au chef de la dynastie, Philippe le Bon, il a été fabriqué avec l'une des deux effigies de son père, Louis, comte d'Evreux, qui subsistent encore dans une chapelle du déambulatoire : Ludovicus est devenu Philippus , tout simplement."

 

 

"C'est un roi de France, en effet. Mais non pas Charles V, comme le croyait Batissier et Lebeurier, et comme inclinait à le penser M. de M. Delachenal, qui « admettait difficilement que le portrait de Charles V eût été placé dans la cathédrale d'Évreux du vivant de Charles le Mauvais, qui survécut de sept ans à son beau-frère ». Le manque absolu de ressemblance est plus grave, quand il s'agit d'un personnage aux traits aussi accusés que Charles V. Bien rares sont les œuvres contemporaines, même parmi les miniatures, qui ne se conforment pas au type consacré .

Ce que nous devons souligner d'abord, c'est l'intime parenté qui relie ce vitrail au point de vue des formes comme au point de vue technique, à celui de Pierre de Mortain. Dans les architectures, ce sont les mêmes fleurons trilobés au sommet des petits gables aigus des contreforts, les mêmes crosses de feuillage sur les rampants des gables principaux, et surtout les mêmes crochets blancs et jaunes qui hérissent, par une disposition assurément rare, la corniche supérieure des niches.

Mais l'indice décisif, ce sont les draperies blanches des prie-Dieu qui le fournissent. Elles ne sont pas décorées de fleurons banaux, mais de petits arbres d'or, représentés avec leurs racines, leur tronc et des rameaux qui sont des palmettes rayonnant autour d'une fleur, le tout stylisé de la façon la plus précieuse. Ce motif, copié avec amour sur quelque étoffe persane du XIIIe ou du XIVe siècle , suffit pour assigner à nos vitraux la même origine et la même date, qui s'établit sans doute entre l'année 1390, admise par Mme Honoré Duvergé pour la verrière de Pierre de Mortain, et l'année 1398 où mourut la reine Blanche.

Le roi de France du vitrail d'Évreux est donc Charles VI, avant sa trentième année. Mme Honoré-Duvergé a signalé dans son étude sur le vitrail de Pierre de Mortain que celui-ci, « retenu prisonnier à la cour de France à partir de 1378, fut élevé en compagnie du futur Charles VI, son cadet de deux ans à peine ». En fait, les deux cousins devenus frères ne se sont jamais quittés, partageant les mêmes exercices et les mêmes travaux, et tous les plaisirs de cette vie inimitable dont nous retrouvons l'écho chez les chroniqueurs et les poètes de cour comme Eustache Deschamps, au siège de Bourges, où il avait accompagné Charles VI.

[...]

Quoi qu'il en soit, la reconstitution que nous allons tenter des vitraux de Pierre de Mortain et de la reine Blanche apparaîtra comme une entreprise moins ardue. Mme Honoré-Duvergé a supposé que son héros était présenté par saint Pierre à une sainte Vierge qu'elle retrouve dans la cinquième travée de la nef, du côté sud. A la vérité, il subsiste encore, dans les fenêtres hautes de la nef ou du chœur — en dehors du Charles VI logé à l'aise dans une niche qui s'étend sur deux formes — huit grandes figures unies par la plus étroite parenté de style et de facture, et que leurs dais d'une architecture très caractéristique désignent au premier coup d'oeil : trois Vierges, trois saints patrons — le saint Pierre et deux saints Denis — et les deux donateurs que nous connaissons déjà. Il ne manque qu'un troisième donateur pour rétablir un ensemble de trois fenêtres à trois formes, comme celles des chapelles absidiales actuelles ; Quel était ce troisième personnage éventuel? Les peintures perdues de Paris et de Saint-Denis, l'initiale de la charte de 1372 nous laissent le choix entre le mari et la fille de la reine Blanche, entre Philippe VI de Valois et Jeanne de France. La Vierge assise à laquelle Mme Honoré-Duvergé a pensé pour compléter le vitrail de Pierre de Mortain est infiniment gracieuse. Sa tête blonde s'incline vers la droite, comme pour accompagner le mouvement de l'Enfant-Jésus, penché en avant avec ce bel élan qu'on lui voit dans certaines représentations de l'Adoration des Mages. Mais il tend ici une branche de rosier.

Il y a plus de gravité dans le second groupe, malgré l'attitude familière de l'Enfant à moitié nu, qui tient son pied de la main droite et pose l'autre main sur l'épaule de sa mère. Celle-ci est assise sur un trône de pierre à pinacles gothiques qui rappelle les sièges des Prophètes et des Apôtres d'André Beauneveu (Psautier du duc de Berry, BnF ms fr. 13091. Enveloppée dans un ample manteau bleu qui voile ses cheveux, elle lit dans un livre posé sur ses genoux, qu'elle maintient de la main gauche, le petit doigt étendu . La troisième Vierge est debout, drapée dans un grand manteau bleu qui enveloppe sa main gauche — celle qui soutient l'Enfant-Jésus — mais découvre le haut et le bas d'une robe taillée dans un de ces précieux damas décorés d'animaux dont s'habillaient les princes en ces temps de luxe raffiné. L'Enfant tourne son visage nimbé vers sa mère, dont il cherche à saisir la blonde chevelure. La Vierge lui répond par un sourire, avec un geste gracieux de la main droite . Ces deux figures offrent une ressemblance frappante avec la Vierge à l'Enfant qui reçoit l'hommage du duc Jean de Berry au frontispice des Très Belles Heures de la Bibliothèque royale de Bruxelles. On sait que cette miniature justement célèbre a été attribuée tour à tour à André Beauneveu et à Jacquemart de Hesdin et que le débat dure encore .

On trouve la même maîtrise dans les images de saint Denis, magnifiquement paré de tous les ornements pontificaux, avec une longue et souple chasuble bleue losangée d'or par des fleurs de lis, dont plusieurs sont à plombs vifs. Le martyr porte sa tête coupée sur son bras gauche arrondi, la main ramenant sous le menton les deux fanons de la mitre. Ainsi la droite reste libre pour son geste de présentation. En décrivant le vitrail du nord, nous avons décrit celui du sud, car le même carton a servi pour l'un et pour l'autre. Cette pratique, dont on rencontre des exemples dès le XIIIe siècle, surprend ici, car rien n'évoque le travail en série dans ces vitraux, où tout est royal : la fondation, la matière et la facture. Il y a beaucoup d'art dans ces visages de supplicié, où la souffrance trouble à peine la noblesse. Rien n'est plus somptueux que les tentures damassées de couleur rouge qui tapissent les niches, derrière la sainte Vierge et derrière saint Denis.

Les dais peuvent-ils nous servir à retrouver l'assemblage primitif de tous ces personnages isolés ? Il faudrait pour cela que nous fussions sûrs qu'ils n'ont pas fait l'objet de chassés-croisés.

Si cinq d'entre eux appartiennent à un type classique de décor purement « rayonnant », avec gables rectilignes et corniches à glacis, ceux de la Vierge de la nef et du saint Denis du côté nord présentent des gables en accolade et des balustrades ajourées. Il n'est pas certain que le dais manquant ait été à double étage, comme le dais de Pierre de Mortain. Celui-ci, en effet, par une disposition assez rare, était placé derrière son patron, ce qui explique le geste de présentation de saint Pierre, différent de celui des deux saints Denis. Au contraire, Blanche de Navarre était agenouillée au voisinage immédiat d'une sainte Vierge, dans la forme centrale du vitrail, et l'un des saint Denis occupait la forme de droite. Si l'on s'en rapporte aux soubassements, moins faciles à transposer, c'est dans la fenêtre voisine, la troisième du chœur, du côté sud, qu'on retrouvera ces deux figures.

 

Exécutés selon toute vraisemblance entre 1390 et 1398, les vitraux dont nous venons de réunir les morceaux épars ne sont pas à Évreux les plus anciens témoins de l'art nouveau. Vers le milieu du xive siècle, peintres et peintres verriers, emportés d'un élan irrésistible vers plus de vérité, sinon de « réalisme », s'affranchissaient des dernières conventions du dessin calligraphique pour se soumettre aux lois de la perspective. Ici, c'est dans les deux vitraux fondés par l'évêque Bernard Cariti (1376-1383) que pour la première fois les niches s'affirment comme un espace habitable, les corps comme des volumes et tous les visages comme des portraits.

 

Une technique appropriée se révèle qui permet au verrier de sculpter pour ainsi dire ses personnages avec la lumière même. Après s'être servi d'un pinceau de petit-gris pour peindre le trait, il étend au « blaireau » une couche de grisaille que, sans retard, il attaque d'aplomb, à l'aide d'une brosse, le « putois ». Le grain de la peinture s'affine, et le verre reparaît peu à peu. Le plus souvent, ce travail se complète par des « enlevés » dont le procédé est sans doute aussi vieux que l'art du vitrail. Mais l'ouvrier ne se contente plus de juxtaposer des clairs à des ombres plates. Ëgratignant la grisaille au « petit bois », à la plume d'oie, à l'aiguille, il varie ses effets : lumières filées droit, hachures contrariées, spirales nerveusement enroulées. Quelques touches au pinceau, prestement jetées, et le modelé « tourne », le visage s'anime et vit. Immédiatement après ces deux verrières du haut chœur, je classerais les délicats vitraux de la chapelle du Rosaire, dont on sait la parenté avec les vitraux de Bourges, mais que leurs grisailles archaïques vieillissent de deux décades au moins. Viennent ensuite nos vitraux royaux, précédant la splendide verrière offerte en don de joyeux avènement par l'évêque Guillaume de Cantiers (1400).

 

Tous ces chefs-d'œuvre représentent avec éclat, et aussi avec une heureuse variété, l'art parisien de la fin du XIVe siècle. Comme la capitale n'a pas gardé de vitraux de cette époque, à la seule exception des Apôtres de Saint-Germain-des-Prés, recueillis par l'église Saint-Séverin, c'est à Évreux que nous pouvons prendre une idée précise des vitreries princières des Célestins, de l'église Saint-Paul, de l'hôtel Saint-Paul, du collège de Navarre, etc..., qu'une célébrité universelle n'a pas sauvées du vandalisme, et dont la perte semblait irréparable.

 

Faut-il revenir sur la valeur artistique des verrières de Pierre de Mortain, de la reine Blanche et de Charles VI ? Des comparaisons nullment recherchées ont fait venir sous plume les noms de Jean de Bandol, d'André Beauneveu, de Jacquemart de Hesdin, (André Beauneveu avait sculpté le tombeau de Philippe VI à Saint-Denis en 1364, et en 1386 il était entré au service du duc Jean de Berry en qualité de maître des œuvres de taille et de peinture). Nos vitraux ne sont pas indignes de ces artistes royaux. Ils s'apparentent à la grande statuaire française par leur style monumental, tandis que l'exubérance parfois capricieuse de leurs draperies accuse nettement la tendance «bourguignonne ». Jean Lafond

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SOURCES ET LIENS.

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— Stained-glass windows of Cathédrale Notre-Dame d'Évreux

https://commons.wikimedia.org/wiki/Category:Stained-glass_windows_of_Cath%C3%A9drale_Notre-Dame,_%C3%89vreux?uselang=fr

 

— BATISSIER, 1849, "Description des vitraux de la cathédrale d'Évreux", Revue de Rouen et de Normandie, volume 17.

https://books.google.fr/books?id=2L5DAAAAYAAJ&dq=%22MARTINUS%22+%22cath%C3%A9drale+d%27%C3%A9vreux%22+vitraux&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

 

— BOUDOT ( Marcel), 1966,“Les verrières de la cathédrale d’Evreux: Cinq siècles d’histoire,” Nouvelles de l’Eure 27 (1966), 28-29.

— DUBUC (René), 1983, "Problèmes héraldiques de la cathédrale d'Évreux", Normandie, Etudes archéologiques. Congrès national des sociétés savantes, Caen

— GATOUILLAT (Françoise), 2019, "French 14-th-century stained glass and other arts", in Investigations in Medieval Stained Glass, Materials, Methods and Expressions, Brill ed., pages 374-385

 — GATOUILLAT (Françoise), 2001, "Les vitraux de la cathédrale d'Évreux", in CALLIAS-BEY, M., CHAUSSÉ, V., GATOUILLAT, F., HÉROLD, M., Les vitraux de Haute-Normandie, Corpus Vitrearum France, Recensement des vitraux anciens vol. VI, Ed du CNRS / Monum ed. du patrimoine. Paris, pages 143-161.

 — GATOUILLAT (Françoise), "Note sur les verrières royales", Connaissance de l'Eure, n°88, p. 33-34.

GOSSE-KISCHINEWSKI  ( Annick ) et  Françoise Gatouillat, La cathédrale d’Evreux, Evreux, Hérissey, 1997.

GOSSE-KISCHINEWSKI  ( Annick ), HENRY (Virginie), 2016, Unité Départementale de l'Architecture et du Patrimoine de l'Eure (DRAC Normandie) Connaissance n°07

http://www.eure.gouv.fr/content/download/18041/123811/file/ESSENTIEL_CONNAISSANCE_07%20Historique%20complet%20de%20la%20Cath%C3%A9drale%20d'Evreux.pdf

— GRODECKI Louis, 1968,, Baudot et Dubuc "Les vitraux de la cathédrale d'Évreux", in Bulletin monumental, 1968, p. 55-73. 

— HONORÉ-DUVERGÉ (Suzanne), 1942,  "Le prétendu vitrail de Charles le Mauvais à la cathédrale d'Évreux" Bulletin Monumental  Année 1942  101-1  pp. 57-68

https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1942_num_101_1_9289

— LAFOND (Jean), 1953, "Le vitrail en Normandie de 1250 à 1300", Bulletin Monumental  Année 1953  111-4  pp. 317-358

https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1953_num_111_4_3745

 

— LAFOND (Jean), 1942,  "Les vitraux royaux du XIVe siècle à la cathédrale d'Évreux"  Bulletin Monumental  Année 1942  101-1  pp. 69-93

https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1942_num_101_1_9290

 

"C'est à propos de Pierre de Mortain que s'est engagée une controverse qui devait se prolonger de 1966 à 1973, tant dans les Nouvelles de l'Eure, la précieuse petite revue dirigée par l'abbé Jean Saussaye1, que dans le Bulletin monumental , cette fois avec intervention de Louis Grodecki. « Au début, M. Baudot se fondait sur l'inscription qu'il lisait sur un dessin de la collection Gaignières : Charles III roi de Navarre. Les nombreuses différences qu'il ne pouvait pas ne pas remarquer entre le dessin et le vitrail s'expliquaient pour lui, par des restaurations infligées à la verrière : la couronne était devenue un tortil de baron « de style troubadour », le blason au cimier en queue de paon avait été pure¬ ment et simplement supprimé, etc. Cependant la lancette d'Évreux avait figuré à l'exposition Vitraux de France , organisée en 1953 par Louis Grodecki. Celui-ci avait donc pu la soumettre à un examen minutieux auquel il avait bien voulu m'associer. Notre opinion était formelle : on s'est borné à régulariser l'adaptation à un cadre plus étroit, la tête et sa coiffure sont parfaitement authentiques. Enfin le socle n'a jamais porté d'inscription. Peuvent en témoigner non seule¬ ment une photographie prise avant la restauration de 1893, mais aussi un dessin exécuté pour Raymond Bordeaux en 1845 par Georges Bouet, aïeul de notre regretté confrère Georges Huard. « Nous avons donc ici un portrait du second fils de Charles le Mauvais. La ressemblance générale, costume compris, est confirmée par la comparaison avec le beau gisant de marbre du Musée du Louvre qu'on avait eu l'idée ingénieuse de placer au pied de la verrière pendant l'exposition. « Tandis que Louis Grodecki et moi-même nous gardions notre opinion sur ce point, M. Baudot portait la discussion, sur mon Charles VI, en invoquant, cette fois encore, l'inscription de la collection Gaignières : Karolus IIs rex Navarre , c'est-à-dire Charles le Mauvais. J'avais cru prouver que le dessinateur avait changé délibérément les armoiries de la tenture, en substituant au semis de fleurs de lis des écussons portant alternativement les armes d'Évreux et de Navarre. Mais mon contradicteur déclarait « fort improbable » qu'un portrait de Charles VI ait pu trouver place dans la cathédrale vais d'une 2. cité dont le bailli était resté partisan de Charles le Mau¬ « M. Baudot considérait que le dessin représentait un vitrail perdu. Cependant le respect qu'il professait à l'égard de la collection Gaignières ne l'empêchait pas de reconnaître Blanche de Navarre, reine de France, dans le personnage à qui on avait donné le nom et les armoiries de Jeanne de France, reine de Navarre. Cela lui permettait en effet de nommer le roi du vitrail aux fleurs de lis, Philippe VI de Valois, époux de la « reine Blanche ».

Dans l'album des Nouvelles de l'Eure commentant une série de diapositives, Charles le Noble était devenu Charles le Mauvais, couronné d'un chapel de roses en qualité de fondateur (en 1350) de la Confrérie de la Passion. « Enfin, dans Êvreux, livret publié par le Syndicat d'initiative en 1969, M. René Dubuc, excellent héraldiste, laissait à son lecteur le choix entre Charles le Mauvais, Charles le Noble et Pierre de Mortain. De même, le dépliant actuellement distribué dans la cathédrale. En présence d'une pareille débandade, on pourrait déclarer clos le débat, mais il faudrait mieux aller au fond des choses afin de ne rien laisser dans l'ombre

J'ai scandalisé nombre de bons esprits en mettant en doute l'autorité de la collection Gaignières. Non pas son intérêt ni son utilité, reconnus dès l'origine et considérablement augmentés par les méfaits du vandalisme. Non pas la qualité artistique des dessins, qui varie évidemment avec les dessinateurs. Certains ont su refléter le style du document original tandis que les autres (en grande majorité) manquent absolument de caractère. C'est assurément le cas des vitraux d'Évreux, exécutés par un certain Boudan, graveur de profession, que Roger de Gaignières avait pris à son service pour copier ses documents et qui l'a accompagné en 1702 dans son voyage en Normandie. « Mais cela importe moins que leur exactitude, laquelle dépend évidemment de la nature de l'objet et de son emplacement, et aussi de la probité du dessinateur. S'il était facile de reproduire avec vérité une miniature ou un tableau, une dalle tumulaire et même un tombeau sculpté, il en allait tout autrement pour les vitraux, que bien souvent il fallait dessiner de loin et dans des conditions plus ou moins favorables. Prenons un exemple à Évreux, mais en dehors de notre série royale. On conviendra que le magnifique vitrail qui commémore l'accession de Guillaume de Gantiers au siège épiscopal d'Évreux (1400) est rendu avec une fantaisie déconcertante. Dans l'original, l'évêque est présenté à la Vierge de l'Annonciation par l'archange Gabriel. Chez Boudan, la Vierge est remplacée par un « saint Sauveur » et l'archange par une sainte quelconque. On peut penser que pour exécuter son dessin d'ensemble, il ne disposait que de croquis hâtifs, faits sur place. Au surplus, il a représenté d'une façon toute conventionnelle, et plutôt archaïque, les dais placés au-dessus des personnages. Il a même purement et simplement supprimé ceux de la rangée inférieure, occupée par des blasons figurés — il convient de le souligner — avec une exactitude absolue. Sur ce point, il servait parfaitement les intentions de son patron pour qui importaient d'abord l'héraldique, le costume « La et, fidélité le cas échéant, du dessinateur les portraits Boudan historiques. a d'autres limites encore que celles-là. Par exemple, on ne peut se fier à lui pour affirmer que son dessin du prétendu Charles le Mauvais veut représenter une fenêtre sans meneau. Je suis persuadé qu'il a supprimé purement et simplement ce détail d'architecture. De même, quand il dessine un personnage logé dans l'une des lancettes d'une fenêtre, comme dans les autres exemples, il n'hésite pas à flanquer cette lancette d'une muraille ou d'un faisceau de colonnettes. A Évreux, Boudan a dessiné, d'après les vitraux, sept évêques, avec leurs armoiries, ce qui explique peut-être leur choix et une donatrice sans importance. Enfin, cinq dessins prétendent illustrer la dynastie d'Évreux-Navarre. Or, sur les cinq personnages représentés, un seul, Charles III le Noble, semble parfaitement « honnête ». C'est aussi l'unique cas où l'on puisse affirmer que le vitrail est perdu. Au contraire, le prétendu Charles le Mauvais n'est que la contre- façon d'un vitrail conservé, celui du roi Charles VI, comme Jeanne de Navarre la métamorphose de Blanche de Navarre, l'épouse de Philippe VI de Valois. Dans les deux cas, les armoiries ont été modifiées en conséquence. « Manquait le chef de la dynastie, Philippe d'Évreux, roi de Navarre. Boudan l'a remplacé par son père, Louis de France, comte d'Évreux, en changeant simplement un nom dans l'inscription du vitrail qu'il a dessiné, fidèlement cette fois, à ce petit détail près, « au-dessus de l'autel, dans la chapelle de santé Anne derrière le chœur de l'église NotreDame d'Évreux ». Or ce vitrail existe encore : on ne peut supposer, cette fois, que le dessin représente une verrière disparue. L'accusation portée contre Boudan était grave. Je suis heureux de pouvoir démontrer qu'elle n'avait pas été lancée à la légère.

Autre preuve du parti pris ici dénoncé : Boudan a négligé de dessiner Pierre de Mortain, parce que ce prince n'avait pas porté la couronne royale. « Cependant il y a tant de ressemblances entre tous les « vitraux royaux », notamment dans leur cadre architectural, socles en zigzag par exemple, qu'on peut affirmer qu'ils appartiennent tous à une seule et même série, qu'ils ont été commandés en même temps. Par la reine Blanche, morte seulement en 1398, ou par ses héritiers, Pierre de Mortain, et Charles le Noble, c'est ce que nous ne saurons sans doute jamais. Malheureusement les falsifications de Boudan ont trompé Montfaucon lui-même, et par la suite l'érudit Henri Bouchot, auteur du précieux Inventaire des dessins exécutés pour Roger de Gaignières (Paris, 1891).

Pour en revenir à Pierre de Mortain, mon respect pour les lois de l'héraldique m'empêchait d'oublier que Marcel Baudot avait opposé à mon identification une raison qu'il jugeait péremptoire : la cotte d'armes de Pierre de Mortain ne présentait pas la bordure engrêlée d'argent qui devait marquer sa qualité de cadet. Il ne me suffisait pas de constater que les principes infrangibles n'ont jamais empêché les erreurs — à preuve le nombre d'armoiries « à enquerre » constaté par les d'Hozier. M. Jean-Bernard de Vaivre vient de balayer l'objection en passant en revue toutes les épreuves connues des sceaux de Pierre de Navarre. Il s'est aperçu qu'à partir de 1384 le comte de Mortain avait modifié ses armes. Dorénavant la bordure engrêlée devenait une bordure simple — peut-être à la mort d'un frère plus âgé. C'est cette nouvelle brisure qu'on voit sur la cotte d'armes du vitrail d'Évreux comme sur la statue funéraire provenant de la Chartreuse de Paris. Dès lors, il est établi que notre personnage est bien Pierre de Navarre et que le vitrail n'est pas antérieur à 1384. En ce qui concerne le dessin de la collection Gaignières, M. de Vaivre incline à penser qu'il représente Charles le Noble, comme l'indique l'inscription tracée par Boudan, qui aurait cette fois rencontré la vérité. L'écusson au cimier timbré d'un heaume à queue de paon qu'on voit à ses pieds n'aurait pu trouver place dans le vitrail de Pierre, vitrail qui n'a subi, nous l'avons reconnu, aucune restauration importante. Il est peu probable que Boudan l'ait inventé. Sur le dessin, Charles le Noble porte la couronne, car il était devenu roi de Navarre à la mort de son père en 1388 (n. st.). Sa cotte d'armes diffère de celle de son frère cadet en ce qu'elle présente des manches courtes. Ce que figuraient les autres lancettes du vitrail qu'il avait fondé, on ne saurait l'imaginer. De même ne connaîtrons-nous sans doute jamais le contenu des trois lancettes qui complétaient la Verrière de la reine Blanche. Mais celle-ci se trouvait bien dans une fenêtre haute de la nef (sans doute celle de la troisième travée du côté Nord en partant de l'ouest) : le panneau est trop large pour avoir appartenu à une fenêtre des chapelles. Pareillement l'écusson qui l'accompagne. En effet, des blasons de même échelle se voient dans le haut chœur à côté des personnages du vitrail d'Harcourt antérieur de quelques années. Le style est bien celui des « vitraux royaux «  et le dais ne diffère en rien des autres.

La série se compose donc actuellement de deux verrières complètes et d'une lancette isolée. Comme je le constatais en 1942, et comme Louis Grodecki l'a confirmé de son côté, elle se compare aux œuvres des plus grands artistes qui travaillaient à Paris pour la cour de France et les maisons princières aux environs de 1400. Cette considération ne saurait être développée à la suite de ce trop long exposé, mais elle va dans le même sens que la chronologie que, d'un commun accord, nous avons adoptée. »

 

Jean-Bernard de Vaivre, a. c. n., regrette l'absence de M. Jean Lafond et fait part de ses constatations à propos de quelques-uns des vitraux royaux d'Évreux dont il a été question. Le vitrail de l'actuelle baie 115 représente indéniablement Pierre de Mortain et il n'y a pas à y revenir. En revanche, le dessin de la verrière où se voit un personnage que Boudan identifie à C harles III ne peut être considéré comme une invention ni même une mauvaise interprétation de Pierre de Mortain : il doit, en fait, représenté le frère aîné de de ce dernier. Le dessin montre en effet, un écu dans le bas et à gauche de la composition. Or, dans le vitrail de Pierre de Mortain, cette partie n'a pas été restaurée. L'écu peint par Boudan et donnant les armes pleines n'a pas été inventé, car il est timbré d'un heaume cimé d'un plumail de paon. Ce cimier a effectivement été porté, au xive siècle, par plusieurs membres de la famille d'Évreux-Navarre : — Philippe de Navarre, comte de Longueville, mort en 1363, porte sur un sceau de 1362 un tel cimier ; — Louis de Navarre, comte de Beaumont-le-Roger, mort en 1372, porte sur les sceaux qu'il utilisait en 1364-1365 un cimier identique. Ce dernier eut un fils bâtard : — Charles ou Chariot, mort en 1432, dont les sceaux montrent qu'il portait une touffe de plumes indéterminée ; — Pierre de Mortain lui-même dut reprendre ce cimier si l'on en juge par le fragment du sceau qu'il utilisait en 1376 ; — Lionel, son fils, porta le même plumail en fait de cimier ; — Le « Roi de Navarre » porte un plumail de paon sur l'armorial de Gelre.

On a dit qu'il s'agissait de Charles II. Ce peut tout aussi bien être Charles III dont il ne nous est malheureusement parvenu aucun sceau du type à l'écu timbré.

Quant à l'autre dessin qui représente, toujours d'après l'indication de Boudan, Charles le Mauvais, on ne peut dire que la composition du fond ait été inventée, car, elle aussi, correspond à la partition avant des armes de ce roi qui, contrairement à son père, plaçait Navarre avant Évreux.

Si le fond fleurdelisé de l'actuelle baie 125 n'est pas une réfection postérieure — et selon M. Lafond ce ne semble pas être le cas — cette verrière représente le roi Charles VI et il faut se résigner à déplorer la disparition du vitrail au fond semé d'écus qu'a dessiné Boudan et où Charles le Mauvais était agenouillé..

En ce qui concerne, en second lieu, la datation des vitraux, l'héraldique peut permettre d'approcher d'un peu plus près l'époque à laquelle ils ont été commandés : les armes de Pierre de Mortain figurées sur sa cotte d'armes ne permettent guère d'avancer une date antérieure à 1384. La gouache exécutée par Boudan du vitrail de Charles III montre que cette verrière ne pouvait être que postérieure à. 1387 puisque Charles de Navarre porte une couronne et que tant son écu que son tabard montrent des armes non brisées. D'autre part, le vitrail de Charles le Mauvais comportait la disposition des écus que ce roi de Navarre avait adoptée. M. de Vaivre se demande donc si tous ces vitraux sont contemporains.

 

M. Louis Grodecki ne peut envisager pour ces « vitraux royaux » deux campagnes de fabrication distinctes dans le temps ; s'il a donc existé des vitraux représentant à la fois Pierre de Mortain, Charles II et Charles III, la verrière où se voyait le second ne pouvait donc être qu'un vitrail commémoratif. M. de Vaivre en convient, mais il tient aussi à attirer l'attention sur un écu qui figure sur l'une des verrières du fenestrage du triforium du chœur où l'on voit un écartelé aux 1 et 4 de Navarre, aux 2 et 3 d'Évreux, au lambel de trois pendants d'argent sur le tout.

M. Grodecki précise que tous ces vitraux datent du xve siècle. M. de Vaivre ne partage pas cette manière de voir et pense, quant à lui, que si les fenestrages de cette partie du triforium ont bien été percés sous le règne de Louis XI, une bonne partie des vitraux qui y sont aujourd'hui placés (ou ceux qui leur ont servi de modèles) sont très certainement antérieurs et que c'est précisément le cas de celui qu'il vient de décrire. Les armes précitées — pour lesquelles tous les auteurs ont proposé jusqu'à présent des attributions erronées -— sont en réalité celles de Charles de Navarre, le futur Charles III, du vivant de son père, ainsi que le prouvent des sceaux encore inédits. Il n'y a aucune raison de penser que cet écu a été exécuté à l'époque romantique, ni au xve siècle ni même après 1387 lorsque Charles, du fait de la mort de son père, porta les pleines armes de sa maison. Il faut donc en conclure que des verrières sur lesquelles figuraient un ou des blasons furent commandées entre 1375 et 1387 puisque c'est à ce moment, et à ce moment-là seulement, que furent portées ces armoiries au lambel. M. Grodecki conclut en disant que, les hommes du Moyen Age ayant horreur du vide — en l'occurrence du verre blanc — auraient procédé à de nombreux remplois dont le cas évoqué semble précisément être un exemple."

— LAFOND (Jean), 1975, "Les vitraux royaux et princiers de la cathédrale d'Évreux et les dessins de la collection Gaignières" , Bulletin de la Société nationale des Antiquaires de France  Année 1975  1973  pp. 103-112

— LEBEURIER (P-F.), 1868,  Description de la Cathédrale d'Evreux accompagnée d'une vue générale et d'un plan géométrique, Huet ed., Evreux 1868

https://archive.org/details/bub_gb_TYdZAAAAYAAJ/page/n27

— Suau (Jean-Pierre), 1993, "Les vitraux  des rois de Navarre en la cathédrale d'Évreux", Connaissance de l'Eure, n°88, p. 32-33.

— Vaivre (Jean-Bernard de) 1973  « Les armoiries de Pierre de Mortain », Bulletin monumental, tome 131, n°1, 1973, p. 29-40. 

https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1973_num_131_1_5204

— Vaivre (Jean-Bernard de) 1973, « Les armoiries de Pierre de Mortain. Erratum et addendum » , Bulletin monumental, 1973, vol. 131, no 2, p. 161-162.

https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1973_num_131_2_5231

— Vaivre (Jean-Bernard de) 1980,"Les vitraux royaux de la cathédrale d'Évreux" cahiers d'archéologie p.300-313. Non consulté.

 

— Monuments historiques, Notre-Dame-d'Evreux

http://monumentshistoriques.free.fr/cathedrales/evreux/vitraux/1.html

— xxx

http://evreux.catholique.fr/contenu/documents/services/cathedrale_Evreux-bestiaire.pdf

—  Patrimoine-histoire.fr, Patrimoine/Evreux/Evreux-Notre-Dame

http://www.patrimoine-histoire.fr/Patrimoine/Evreux/Evreux-Notre-Dame.htm

— http://www.evreux-histoire.com/evreux-3-1-0.html#icono2

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Published by jean-yves cordier - dans Vitraux Évreux
21 décembre 2019 6 21 /12 /décembre /2019 21:47

Les vitraux du chœur de la cathédrale d'Évreux : les baies 203 et 205 (v. 1408-1415) et leurs fonds damassés à Phénix affrontés.

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Voir : 

— Sur les fonds damassés  à phénix affrontés : 

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Je suis guidé par les publications de Françoise Gatouillat.

 

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Voir les dix-septième articles sur les vitraux du chœur de la cathédrale d'Évreux au XIVe siècle. :

 

 

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Voir aussi :

.— Sur les vitraux plus tardifs de la cathédrale d'Évreux :

 

 

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Liste de mes 200 articles sur les vitraux :.

 

 

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PRÉSENTATION.

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Ces deux baies qui se suivent sur le coté nord du chœur, la baie 205 achevant les travées droites et la  baie 203 fermant, à gauche, le rond-point, forment un ensemble par leur unité stylistique ; elles ont été offertes par un évêque, qui figure en donateur au pied de la Vierge à l'Enfant de la baie 203, et qui avait été identifié comme étant Bernard de Caritis (Cariti, Charitis), évêque d'Évreux de 1376 à 1383, et qui avait été inhumé de ce coté gauche du chœur, jusqu'à ce que  R. Dubuc ne s'avise que les armoiries n'étaient pas celle de ce prélat (connues par ses sceaux), mais celles des seigneurs breton de Malestroit. Jean Lafond, en 1964, a montré qu'il s'agissait ici de Thibaut de Malestroit, évêque de Quimper, décédé en 1408.

Les verrières auraient remplacé une verrière du XIVe siècle représentant saint Aquilin et saint Taurin, qui aurait été endommagée.

Les deux baies ont 2 lancettes trilobées et un tympan  à 1 pentalobe et 2 trilobes, et mesurent 6, 70 m de haut et 1,80 m de large. La baie 205, plus éloignée de la baie axiale 200, montre un religieux  nimbé et un évêque également nimbé, chacun debout, et qui présentent vraisemblablement le donateur de la baie 203.

Le tympan de la baie 203 est occupé par les armes de France (fleurs de lys sans nombre), tandis que le tympan de la baie 205 contient les armes de Bretagne (hermines sans nombre).

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Le rond-point des baies 203, 201, 200, 202 et 204 de gauche à droite.

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Choeur  de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Choeur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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La répartition chronologique des baies du chœur : en jaune les baies du XIVe siècle, en rouge les baies du XVe.

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Les vitraux du chœur de la cathédrale d'Évreux : les baies 203 et 205.

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Les deux baies 205 et (partiellement) 203.

L'unité stylistique provient de leur disposition en un seul registre (contre deux registres pour les baies 201, 200, 202 et 204), des motifs à grands personnages dans des niches octogonales à dais assez clairs, et  de leurs fonds damassés à motifs de phénix affrontés inspirés des lampas de Lucqes/Florence.

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Baie 205 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 205 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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I. LA BAIE 205 : UN SAINT MOINE ET UN SAINT ÉVÊQUE.

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Baie 205 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 205 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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Les niches et leurs dais.

Les niches sont implantées sur un soubassement octogonal à pavement carrelé noir et blanc. Deux piliers à pans multiples encadrent les saints, et accueillent en décorations des petites loges vides. Une tenture damassée rouge à gauche et bleu à droite sert de fond aux personnages.

Les saints sont abrités par le toit voûté d'une sorte de chapelle octogonale dont trois pans au moins contiennent une baie vitrée à losanges, séparés par des colonnades engagées, sous les nervures qui retombent sur des clefs pendantes séparant des gables.

Les dais partent de cette chapelle octogonale pour former une coupole vitrée, reprenant le motif sous jacent de gables et elle-même couronnée par une flèche et par son fleuron.

Ce fleuron, comme tous ceux qui se pointent au sommet des pinacles et des gables, a une forme en bourgeon ou en grelot par le rapprochement de deux feuilles indentées. 

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Baie 205 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 205 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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1. Un religieux en habit blanc : saint Thibaut de Marly ?

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Le moine  en coule blanche tient un livre des deux mains. Il est nimbé mais non tonsuré. On y a reconnu d'abord saint Bernard, lorsque l'évêque était identifié comme Bernard Cariti, puis lorsque Jean Lafond a proposé de voir dans ce dernier Thibaut de Malestroit, il a suggéré d'identifier ce saint moine comme étant le cistercien  Thibaut de Marly, abbé des Vaux-de-Cernay, canonisé en 1270, et dont les représentations iconographiques sont rarissimes. F. Gatouillat mentionne qu'il était abbé du Breuil-Benoist près de Marcilly-sur-Eure.

On pourrait penser aussi au dominicain saint Vincent Ferrier, très vénéré en Bretagne où il fut appelé en 1418 par le duc Jean V avant d'être enterré en la cathédrale de Vannes en 1419. Mais il ne fut canonisé qu'en 1455.

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Le saint est figuré de face, mais le visage tourné de trois-quart vers sa gauche. 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Thibaut_de_Marly

 

 

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Les damassés aux oiseaux affrontés.

En dépit de la vraisemblance, la coule blanche est peinte en grisaille d'un motif qui se retrouve aussi sur le fond rouge, mais encore dans les trois autres lancettes de ces deux baies. Il associe deux oiseaux huppés, aux ailes à quatre pennes divergents — qualifiés souvent de "phénix" — , tenant dans leur bec la tige du rinceau qui les environne. Ces tiges, parfois réunies par un annelet, produisent des inflorescences à pétales digités.

Ce motif se retrouve à la même époque sur tous les vitraux du début du XVe siècle encore conservés  en Bretagne : à Saint-Jacques de Merléac (baie 0 de 1402), en la cathédrale de Quimper (baie 0 vers 1417), à l'église Saint-Gilles de Malestroit (scènes de la vie de saint Gilles et de saint Nicolas de la baie 1 du 1er quart XVe), à l'église Notre-Dame de Runan vers 1423.

Comme le souligne l'ouvrage Les Vitraux de Bretagne page 28 : "Ces verrières [de Merléac et de Quimper] ont été à juste titre rapprochées de celles de Runan et de Malestroit, où se retrouve le même goût pour les représentations en camaïeu affichées devant des tentures précieuses. "

On voit donc l'importance de cette ornementation qui permet de replacer ces deux baies d'Évreux dans un ensemble artistique breton lié au mécénat du duc Jean V (1389-1442) et de ses officiers. Nous serions tenter de postuler que les vitraux des baies 203 et 205 ont été non seulement offert par un évêque issu d'une grande famille bretonne, mais aussi fabriqués par un atelier breton et que Thibaut de Malestroit, évêque d'Évreux, [ou Jean de Malestroit évêque de Nantes] aurait été inspiré dans sa commande par les vitraux de Malestroit, de Quimper, de Merléac et de Runan.

Mais ce serait méconnaître que ces couples affrontés de phénix sont également présents sur la verrière "royale" des baies 15, 17 et 19 d'Évreux dès les années 1360-1370.

Ou bien que nous les trouvons également en Normandie à Saint-Lô,  Saint-Germain-village (Eure), Bonport, Louviers.

Ou encore dans la cathédrale de Bourges, et dans celle du Mans.

Ils sont issus des étoffes de soie ou lampas produites à Lucques en Italie, puis à Florence, étoffes précieuses utilisées comme ornements d'église, (devant d'autel, nappes, tentures, habits liturgiques)  et dans les demeures royales .

La cohérence chronologique de leur présence dans les vitraux est forte, la plupart de ces vitraux datant du premier quart du XVe siècle.

Je renvoie à mon Annexe de fin d'article.

 

 

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Baie 205 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 205 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 205 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 205 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 205 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 205 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 205 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 205 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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Un saint évêque.

 Jean Lafond propose de l'identifier comme étant saint Taurin, premier évêque d'Évreux, en référence au 1er vitrage de cette baie.

Françoise Gatouillat y voit plus probablement " saint Thibault de Thann, patron de donateur", mais Thiebault de Thann semble étroitement lié à la collégiale alsacienne du même nom, assez éloigné de l'origine bretonne de l'évêque. Nous trouvons aussi saint Thibaud de Vienne, évêque de cette ville au Xème siècle. Ou un évêque de Paris Thibaud (1143-1159). 

Néanmoins, tout cela n'est pas entièrement convainquant. Si nous conservons l'idée d'une influence bretonne, nous pouvons envisager de très nombreux saints évêques des neuf évêchés de cette province.

Il se tient debout (autre argument, en plus du nimbe, pour ne pas le confondre avec un donateur) et il est franchement tourné vers le centre du chœur, et vers la Vierge de la baie voisine 203. Il en présente le donateur par un geste de la main droite, paume orienté vers le dos de ce dernier. Ce qui est troublant, c'est qu'il forme par sa tenue et par son visage très réaliste comme le sosie de l'évêque donateur.

Il porte tous les insignes de sa charge : la crosse, la mitre, la chasuble à orfrois et bandes précieuses formant une croix, les gants ou chirothèques au dos enrichis de plaques d'or, et les pantoufles fines.

La tenture de fond, bleue, et la chasuble verte sont peints à la grisaille du motif de phénix affrontés mordant les tiges de rinceaux.

 

 

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Baie 205 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 205 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 205 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 205 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 205 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 205 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 205 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 205 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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II. LA BAIE 203 : UN ÉVÊQUE AGENOUILLÉ DEVANT LA VIERGE À L'ENFANT.

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Les encadrements architecturaux sont les mêmes que ceux de la baie 205, hormis, dans la 1ère lancette, la présence d'un blason. 

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Baie 203 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 203 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 203 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 203 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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1. La lancette de gauche : un évêque agenouillé en posture de  donateur.

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Le fond damassé est bleu, son motif à phénix affrontés tenant au bec la tige des rinceaux est particulièrement bien visible.

L'évêque (au visage restitué) est agenouillé sur un prie-dieu où un livre est ouvert. Ce prie-dieu est recouvert d'une étoffe brune précieuse, car brodée d'un  motif de cercles ou anneaux dorés, qui peuvent être interprétés comme des pièces de monnaie (allusion aux besants ?), et qui s'associe, sur le rebord de la tablette, d'autres anneaux qui pourraient être les sceaux ou fermoirs du livre liturgique.

La chape verte à volumineux fermail à quadrilobe reprend, en guise de bande d'orfrois, les armoiries du blason, rouge à 8 ronds jaunes traversé au lieu par la hampe et la volute d'une crosse épiscopale. Cet ornement croise, devant la poitrine, une bande bleue claire, qui se retrouve aussi entre les pièces rouges..

En terme héraldique, il faut décrire ceci comme de gueules à 8 besants d'or 4, 2, 2, avec la crosse en pal. Ce qui ne permet pas une identification précise.

En effet, les armoiries des Malestroit étaient d'abord de gueules besantées d'or, puis  de gueules à 9 besants d'or 3, 3 , 3 , et en bannière (carré) depuis 1451. 

On trouve dans cette famille trois évêques :

a) Thibaut de Malestroit , fils de  Jean de Châteaugiron († 1374 à Azincourt),  il fut nommé évêque de Tréguier le 28 janvier 1378 par le pape Grégoire XI par complaisance pour son frère le sire Jean de Malestroit († 1382 ), capitaine-général des gens d'armes bretons à son service. Il est recommandé au duc pour l'évêché de Quimper le 3 décembre 1383 par Clément VII et prête serment le 5 mars 1384 . Il meurt le 2 mai 1408. Je ne trouve aucune indication sur ses armoiries épiscopales.

b)  Jean de Malestroit est le demi-frère de Thibaut. Né en 1375 à Châteaugiron dans le duché de Bretagne, et mort à Nantes le 13 septembre 1443, il est un pseudo-cardinal du xve siècle et le chancelier du duc Jean V de Bretagne. C'était un protégé d'Olivier de Clisson. Jean de Malestroit est le sixième fils connu fils de Jean de Châteaugiron, seigneur de Malestroit et de Largoët (mort en 1374) et de sa seconde épouse Jeanne de Dol Dame de Combourg. Jean de Malestroit est archidiacre du diocèse de Nantes. Il est élu évêque de Saint-Brieuc en 1405, puis entre au conseil privé du duc, puis devient gouverneur général des finances de Bretagne en 1406, Premier Président de la Chambre des comptes de Bretagne au début de l'an 1408, puis Chancelier du duc et Trésorier-receveur-général du duché de Bretagne quelques mois plus tard. Il est transféré au diocèse de Nantes le 17 juillet 1419.

En tant qu'évêque de Nantes, il lance, avec le duc Jean V, le chantier de construction de l'actuelle cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul. Le duc et l'évêque en posent la première pierre le 14 avril 1434.

Par la suite, il préside le procès ecclésiastique de Gilles de Rais en octobre 1440 à Nantes. L'antipape Félix V le crée cardinal lors du consistoire du 12 novembre 1440.

Ses armoiries sont de deux sortes :

 b1) Elles sont  de gueules à 11 besants d'or 4, 3 4 sur un blason carré de la  tombe de Saint-Pierre de Nantes, in Gaignières) :

 

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b2) Elles seraient  de gueules à 11 besants d'or 4,3,2,1, au bâton d'azur dans le Rôle d'armes du second traité de Guérande. Il était en effet le demi-frère de Jean de Châteaugiron-Malestroit, et le bâton d'azur est la brisure qu'il utilisait en Bretagne. Mais je lis aussi que  "Jean de Malestroit porta toujours l'écu de ses armes, chargé de dix besans 4.3.2.1, d'abord distingué de celui de ses frères par une bordure endentée, lorsqu'il occupait le siège de Saint-Brieuc, puis avec une simple bordure, quelque temps après sa translation à Nantes, — peut-être même avant, — et enfin sans bordure." (armorial des évêques de Nantes de Stéphane La Nicollière-Teijeiro page 64).

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c) Guillaume de Malestroit fils de Jean de Malestroit et de Marguerite de Quintin, est le neveu des précédents, il fut évêque de Nantes en 1443 jusqu'en 1461 puis archevêque de Thessalonique jusqu'à sa mort en 1492. 

 Son écu en bannière, de gueules à onze besans d'or 4.3.4, au lambel (probablement d'or), de trois pendants est attesté par deux sceaux, timbrés d'une crosse tournée à gauche (et dans un cas d'une épée et d'une clef).

Rien ne permet d'attribuer le blason et les armoiries de la chape de l'évêque de la baie 203 à l'un de ces trois prélats, mais Jean Lafond a, a priori sur la foi de la figure du moine de la baie 205, proposé d'y reconnaître Thibaut, tout en soulignant que le lien entre Malestroit et la ville d'Évreux n'est argumentée que pour Jean, évêque de Nantes :

 

« Le roi Charles VI a en effet donné au duc Jean V de Bretagne, à l'occasion de son mariage avec Jeanne de France, une très grosse somme d'argent : 50.000, puis 150.000 francs, à percevoir sur la recette des aides d'Évreux. La date précise de cette libéralité n'est pas connue. Né le 24 décembre 1389, le duc avait reçu la princesse pour épouse dès l'âge de sept ans, suivant l'usage du temps. Mais il ne fut couronné qu'en mars 1402 et il n'a rendu hommage au roi de France qu'en janvier 1404. Vraisemblablement c'est alors qu'il faut placer, selon M. Nortier, le mariage effectif et la donation royale.

De nombreuses quittances conservées à la Bibliothèque nationale montrent que de 1410 au moins jusqu'en 1417, c'est Jean de Malestroit, évêque de Saint-Brieuc et chance lier de Bretagne, qui recevait, par portions, les sommes destinées au duc. Celle du 15 juin 1416 (n° 1322) indique que, sur les sommes perçues, 500 livres tournois furent octroyées par Jean V à Notre-Dame d'Évreux par l'entremise de l'évêque. M. Nortier me signale en outre que Jean de Malestroit lui-même toucha sur la recette d'Évreux, le 8 juillet 1411, une somme de 2.000 livres à lui donnée par le roi. « Voilà donc les preuves de rapports étroits entre la cour de Bretagne, la famille de Malestroit et la cathédrale d'Évreux dans les premières années du xve siècle. mentionnent .

 On a sans doute remarqué que les documents  connus mentionnent  seulement  Jean de Malestroit et non son  frère Thibaut. Comme celui-ci est mort en 1408 seulement, peut-on supposer qu'il avait été chargé de percevoir les premiers versements de la donation? Certes il n'était pas chancelier mais seulement conseiller du duc, comme d'ailleurs les autres évêques bretons. Simple hypothèse qu'on pourrait remplacer par  une autre : le vitrail de n'aurait-il pas été fondé par Jean de Malestroit en mémoire  de son frère  défunt?  Mais il ne faut pas avoir la prétention de tout savoir. Les  faits certains suffisent à expliquer  la présence de l'évêque breton Thibaut  de  Malestroit dans le chœur la  de la cathédrale  d'Évreux." https://www.persee.fr/doc/bsnaf_0081-1181_1964_num_1962_1_6773

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Pour ma part, l'argument de la présence du motif du damas dans les vitraux de quatre sanctuaires bretons — dont Quimper — doit également être considéré pour privilégier, sans l'affirmer complètement,  l'hypothèse de Thibaut.

Mais après que chacun ait repris les éclaircissements apportés par Jean Lafond, il est temps d'insister aussi sur les interrogations et énigmes qui persistent à propos de ces deux baies, que ce soit au sujet de l'identité du  donateur, de celle des deux saints de la baie 205, et des relations avec les autres verrières contemporaines, pour ne rien dire de l'atelier dont elles sont sorties.

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Baie 203 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 203 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 203 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 203 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 203 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 203 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 203 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 203 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 203 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 203 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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2. La lancette de droite : la Vierge à l'Enfant.

On se souvient que la Vierge est la patronne de la cathédrale d'Évreux, et qu'elle figure dans les baies offertes par les évêques d'Évreux ou les chanoines. Ici, c'est une Vierge à l'Enfant, couronnée, nimbée et voilée, échangeant avec son fils un regard tendre, sans un geste en direction du donateur.

 

 

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Baie 203 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 203 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 203 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 203 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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Le fond rouge (et donc assez sombre) est peint du damassé aux phénix tenant au bec la tige de rinceaux, mais il n'apparaît que sur les clichés très éclaircis.

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Par contre, la robe reprend le motif à pièces d'or qui était celui de l'étoffe précieuse du prie-dieu du donateur, et qui m'avait incité à lire une allusion aux besants des Malestroit.

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Baie 203 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 203 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 203 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 203 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 203 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

Baie 203 de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.

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ANNEXE. Les fonds damassés des vitraux, inspirés des étoffes à oiseaux affrontés.

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Je trouve des informations sur ces fonds sous la plume de Martine Callias Bey et ‎Véronique David dans Les Vitraux de Basse Normandie, 2006. À propos des vitraux de Saint-Lô (Manche)‎, je lis page 153:

   "La verrière des apôtres [baie 10, vers 1420-1425] présente des figures isolées, de proportion moyennes, comparables aux figures de la verrière du Vast des années 1410, avec laquelle elle présente de nombreux points communs, notamment la figure de saint Jean-Baptiste. Les fonds sont damassés sur des modèles tirés des tissus lampassés ornés d'oiseaux fantastiques affrontés d'inspiration orientale, très caractéristique du début du premier quart du siècle ; le dessin est précis et dépouillé de lavis annexes. Une comparaison de style s'impose avec les verrières hautes de la cathédrale de Quimper, datées des années 1410-1415." [Notons, dans cette baie 10, les pupilles colorées au jaune d'argent de l'agneau de Jean-Baptiste, comme dans la baie 107 de Quimper, ou comme à Runan, Ergué-Gaberic, Malestroit, etc..]

Page 39, je lis encore :

"Le développement de l'industrie textile et de la broderie à la fin de la guerre de Cent Ans, notamment à Saint-Lô, à Caen, à Louviers ou à Rouen, induit un goût prononcé pour les tissus brodés et damassés utilisés pour les vêtements ou les tentures de fond, rappelant les courtines qui étaient tendues dans les églises aux jours de fête. Les motifs pouvaient être répétés au moyen de pochoirs rigides ou de planches dessinées et calquées sur les vêtements réels. Ces damas reproduisaient les tissus d'inspiration orientale, fabriqués à Lucques, en Italie, dès la fin du XIIIe siècle, et exportés dans toute l'Europe ; ces dessins de feuillage stylisés, fleurs, cygnes, perroquets, ou créatures fabuleuses affrontées, se retrouvent autour de 1400 et dans le premier quart du XVe siècle, notamment à Notre-Dame de Saint-Lô, à Saint-Maclou de Rouen, à la cathédrale et à Saint-Taurin à Évreux ; l'observation des différentes sortes de damas facilite la datation des verrières, entre le début du XVe siècle où ils représentent de petits animaux fantastiques affrontés au milieu de rinceaux végétaux sinueux "enlevés" sur la grisaille, et la seconde moitié du siècle, caractérisés par de plus grands motifs simplifiés, peints au pochoir, ou parfois cernés de plombs."

 

Les mêmes auteures ajoutent  que "la prédilection pour les camaïeux de la miniature parisienne contemporaine, les "portraits d'encre" et les "demi-grisailles" illustrés par le Maître de Bedford vers 1420-1430 ou le Maître de Dunois vers 1460, trouve un relais dans la vogue croissante des verrières en grisaille".  J'ajouterai l'influence plus précoce des grisailles d'André Beauneveu dans les 24 enluminures qui ouvrent le Psautier de Jean de Berry (entre 1386 et 1400).

 Dans le même ouvrage, page 41, on lit :

"Les motifs de phénix aux ailes déployées, tournés alternativement vers la droite ou vers la gauche, mordant de leur bec des rinceaux végétaux entrelacés, sont réalisés d'après des soieries fabriquées à Lucques sur des modèles orientaux ; nous les avons déjà évoqués à Notre-Dame de Saint-Lô et à la cathédrale d'Évreux et nous les retrouvons aussi dans le fond des verrières de Simon Aligret et de Pierre Trousseau à la cathédrale de Bourges (Cher) au début du XVe siècle, à Saint-Germain-Village (Eure) ou encore à Saint-Corentin de Quimper. Les voyages des artistes et des œuvres d'art, la circulation de recueils de modèles peuvent expliquer ces ressemblances."

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Enfin, dans un texte de 2009 (Congrès archéologique de France), Françoise Gatouillat signale aussi ces fonds dans l'abbatiale normande de Bonport. Je retrouve une photographie RMN d'un dessin de Gustave Moreau sous le titre  Vitrail de l’abbaye de Bonport représentant Gilles Malet et sa femme , Le Magasin pittoresque, 1861, p. 236, mais le dessin original de Fichot est beaucoup plus intéressant. L'église de l'abbaye , une abbaye de cisterciens fondée en 1190, n'existe plus aujourd'hui, mais le vitrail fut « dessiné et gravé par E. Hyacinthe Langlois de Pont de l'Arche d'après un vitrail de l' abbaye de Bonport conservé par lui ». Cette gravure est datée de 1814 dans le Musée des monuments français d'Alexandre Lenoir (Musée des monuments français, Paris 1821, in 8°, t. VIII, p. 93, p. 289. ). Un demi-siècle plus tard, Charles Fichot en fit une nouvelle reproduction d'après « un dessin original colorié » communiqué à Guiffrey par Albert Lenoir, fils d'Alexandre, qui avait hérité les portefeuilles de son père. Mais en 1861 déjà, on ignorait le sort de cette verrière. (J.B. de Vaivre,page 229, 1978).  Gilles Malet était bibliothécaire de la Librairie royale de Charles V de 1369 jusqu'à sa mort en 1411, mais le vitrail a été offert en 1383, si on se fonde sur l'information que "Le 23 octobre 1383, Gilles Malet et Nicole de Chambly firent dans cette abbaye une fondation à laquelle ils affectèrent 33 livres, 6 sols et 8 deniers de rente, assise sur les halles et les moulins de Rouen" (Bibl. nat., ms. fr. 26283, f° 108, in J.B. de Vaivre ). Nous obtenons donc une double information, temporelle (celle de la date à laquelle ces tentures étaient à la mode), et spatiale désignant la cour royale  parisienne, comme lieu de cette mode.

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 Vitrail de l’abbaye de Bonport (Eure) représentant "Gilles Malet et sa femme", Le Magasin pittoresque, 1861, p. 236,  dessin de Charles Fichot  . Google books

Vitrail de l’abbaye de Bonport (Eure) représentant "Gilles Malet et sa femme", Le Magasin pittoresque, 1861, p. 236, dessin de Charles Fichot  . Google books

 

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Si nous récapitulons, nous avons la liste chronologique suivante, entre 1350 et 1430 environ,  : 

  • Cathédrale d'Évreux, chapelle du Rosaire, baies 15, 17 et 19 : 1360-1370. Perruches et couple oiseaux/taureau.

  • Cathédrale d'Évreux, baie 206, panneau déplacé de la lancette gauche du 2ème quart du XIVe siècle (?) : lion ailé ??

  • Cathédrale de Sées,  baie 17 (1370) . Il représente le chapelain donateur Oudin de Troyes, venu à Sées avec son évêque confesseur du roi Jean, au pied des saint Nicolas. Le motif du lampas repose sur deux oiseaux à huppe postérieure et longue queue (perruches), affrontés autour de rinceaux.

  • Abbatiale normande du Bonport, Pont-de-l'Arche (Eure) (1383).

  • Sainte-Chapelle de Bourges (1390-1400) aujourd'hui dans la crypte de la cathédrale, et les relevés des fonds par Des Méloizes 1891. La baie 9 montre un oiseau aux ailes déployées en éventail, et un aigle. 

  • Chapelle Saint-Jacques de Saint-Léon, Merléac (Cötes d'Armor), baie 0, 1402 : panneaux de la Flagellation et de la Crucifixion ; panneau de la Prédication de saint Jacques. Deux perruches affrontées, aux ailes non déployées. 

  • Cathédrale de Bourges chapelles Trousseau (vers 1403-1404) et chapelle Aligret (avant 1415).

  • Cathédrale d'Évreux, baies 203 et  205 (1408-1415) : oiseaux aux ailes déployées tenant au bec la tige du rinceau, motif associé à des couronnes.

  • Église Saint-Taurin d'Évreux ? 

  • Église de Saint-Germain-Village (Eure) 

  • Cathédrale de Quimper (vers 1417), baie 100 et baie 109 par le mécénat du duc Jean V . Pupilles des personnages jaunes sur les baies 106 et 108..

  • Église Notre-Dame de Runan (Côtes-d'Armor), baie 0, vers 1423. Autour du visage de saint Pierre, un oiseau aux ailes déployées, tenant la tige du rinceau. Pupilles des personnages jaunes.

  • Église Notre-Dame de Saint-Lô (1420-1425), baie 10. Phénix à ailes déployées tenant du bec le rinceau. Pupilles des personnages jaunes.

  • Cathédrale du Mans baie n° 217 (vers 1430) : oiseaux à ailes déployées.

  • Saint-Maclou à Rouen (Baie 5, baie 21 par ex.) (1437-1517) : griffons.

La forte prédominance de la région Ouest (Normandie et Bretagne) ne doit être considérée qu'avec prudence car elle peut être affectée par un biais de recrutement. 

A titre indicatif, les fonds des volets du Retable de Flémalle de Robert Campin   daté entre 1425 et 1428 offrent un bel exemple de décor inspirés des lampas de Lucques.

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LES SOIERIES ITALIENNES ; LES LAMPAS DE LUCQUES.

Les étoffes qui ont servi de modèle aux peintres-verriers sont des soieries luxueuses, dont la fabrication n'était pas encore maîtrisée en France au début du XVe siècle. En 1466 Louis XI tente sans succès de créer une manufacture de soie à Lyon, mais l'industrie lyonnaise ne débutera que sous François Ier. En 1470, Louis XI obtient un meilleur résultat à Tours, et l'âge d'or des soieries tourangelles durera de 1470 à 1550 (A. Coudouin, 1981).

Donc, vers la fin du XIVe et le début du XVe siècle, les soieries parviennent en France par les grandes foires, comme celles de Champagne et de Lyon. Mais les trésors des cathédrales conservent avec un soin jaloux des vêtements plus anciens, offerts par des princes : ces étoffes (byzantines, perses ou arabes) peuvent aussi avoir servi de modèle aux artistes. 

Rappel : 

La technique de fabrication du fil de soie à partir du cocon de ver à soie est découverte en Chine  sous la dynastie des Shang (XVII° -XI° siècles av JC). Les motifs chinois sont les phenix, les dragons et les bancs de nuages.  Longtemps demeurée monopole chinois, elle est importée à grand frais par l'Empire romain jusque vers le VI° siècle av. J.C. 

Au IIe siècle et surtout au IVe-Ve siècle, où le métier "à la tire" permet de fabriquer des étoffes plus larges et de nouveaux motifs,  l'Iran sassanide contrôle la partie occidentale de la route de la soie et exporte la soie brute ("soie grège") et la culture du ver à soie sur le mûrier.  Les décors s'organisent en médaillons ou dans des réseaux de losanges encadrant des oiseaux. Une grande place est laissée au répertoire animal, les animaux portant fréquemment des rubans flottants (pativ), symboles de pouvoir royal. Il existe aussi des motifs purement ornementaux (palmettes ailées, composites, grecques, en forme de pique), grenade (symbole de fertilité), rinceaux simples, méandres, zigzags, arcs végétaux. Certains motifs peuvent se rapporter à une symbolique royale , comme les oiseaux -faisans, paons, aigles, canards- portant le pativ dans le bec ; Enfin, quelques motifs sont simplement des sujets plaisants, comme peut-être le couple de canards portant un même pativ dans leur bec, que l'on peut lier avec le motif chinois du couple de canard symbole de félicité conjugale. 

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La soie existe en Europe depuis le IVe siècle dans le monde byzantin (l'Égypte est byzantine jusqu'en 640). La technique du tissage de la soie est ensuite transmise à la civilisation musulmane, où elle prospère durant le Moyen Âge. C'est par ce biais que le tissage de la soie est introduit dans le monde médiéval chrétien. Quand Roger de Hauteville conquiert la Sicile musulmane, dans la deuxième moitié du XIe siècle, il en conserve en partie la culture et il se crée alors une civilisation originale, nommée culture arabo-normande. Le royaume sicilien de Frédéric II s'effondre en 1250, et alors que jusqu'au XIIIe siècle, le tissage de la soie en Europe chrétienne se limitait à la Sicile, elle se diffuse vers Lucques, Venise, et d'autres villes italiennes. Un autre canal de transmission est l'Espagne musulmane.

L'Italie contrôle le commerce de la soie du XIVe au XVIe siècle. Au XIe siècle a lieu une première tentative de séricuture dans la vallée du Pô, puis à Salerne, alors que les mûriers sont cultivés par les immigrants juifs, grecs et arabes. Ce sont les juifs de l'Italie du sud qui introduisent l'art du tissage à Lucques à partir de l'an 1000, mais la ville connaît la prospérité au XIIe siècle et exporte ses soieries en France par les foires de Champagne.

Les motifs sont d'abord des cocardes (médaillons) contenant des animaux et oiseaux stylisés représentés par paire, puis les cocardes disparaissent ; une des spécialités est le galon de petits motifs répétitifs d'oiseaux ou autres animaux. Au XIVe siècle les soies chinoises mongoles Yuan introduisent les palmettes, qui se développeront à type de grenades et de chardons, d'ananas et d'artichaut.

Lucques n'est pas la seule ville italienne renommée pour ses soieries, et Florence se rend célèbre pour son Sendal, un velours rouge écarlate car teinté par le kermès. Elle utilise aussi la teinture rouge  "oricello"  à base d'algues de Méditerranée. Venise privilégie bien-sûr le commerce de la soie, et Gênes est célèbre par le velours polychrome qui porte son nom.

Les noms des étoffes sont riches : on distingue les samits , les damas, les brocards, les taffetas ou les baldachins. Lucques est connue pour ses "lampas".

- Samit (Larousse) Tissu de soie uni ou façonné présentant à l'endroit et à l'envers des flottés de trame régulièrement liés en sergé. (Venus d'Orient, ces tissus, très en faveur aux XIVe et XVe s., étaient fabriqués en Italie dès le XIIe s.)

- lampas (Larousse) Tissu façonné, en soie, à riches décors formés par des flottés de trame régulièrement liés par une chaîne supplémentaire dite de liage. "Le lampas (Wikipédia) est une étoffe assemblant des fils de soie, et souvent d'or et d'argent, dont les motifs sont en relief. Cette étoffe somptueuse est façonnée sur des métiers à la tire. C' est un cousin germain du damas, dont la particularité est l'emploi de deux chaînes ayant deux structures distinctes, une pour le décor à dominante trame et une pour le fond de satin à dominante chaîne de liage. "(Wikipédia)

Afin de documenter ma recherche sur les motifs retrouvés sur les vitraux de Quimper ou de l'Ouest de la France, j'ai longtemps cherché des images d'échantillons de lampas de Lucques. La meilleure source en ligne  est la collection du Musée de Cluny. J'ai repris les échantillons les plus évocateurs à mes yeux du sujet que je me suis fixé, et j'ai porté notamment mon attention sur les oiseaux (« phénix ») tenant dans leur bec un rinceau ou, mieux, un ruban flottant que je suis fier de nommer désormais de son nom sassanide de "pativ". 

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Je citerai aussi  texte de Pierre Racine (2004):

 

"La soie, importée d’Asie, a permis la confection de vêtements de luxe venus enrichir la garde-robe des gens de Cour, des milieux aisés des grandes villes, sans compter les souverains et les princes eux-mêmes, après qu’ils eurent séduit durant des siècles les ecclésiastiques. La soie n’était certes pas inconnue du monde occidental avant le XIIIe siècle, mais jusqu’au milieu de ce siècle les étoffes de soie provenaient essentiellement du monde byzantin ou musulman.A partir de 1250 et surtout après le traité de Nymphée qui ouvrait aux Génois le trafic commercial sur les rives de la mer Noire, la soie arrive en Europe occidentale en abondance, à la différence de la période antérieure où étaient surtout importés des tissus. Or, le port de Gênes a pris une place de premier plan dans ce trafic, d’une part pour l’arrivée de la soie grège en provenance d’Asie, d’autre part pour l’exportation des tissus travaillés principalement dans la ville de Lucques par des artisans spécialisés."

 

" Les diverses étoffes qui sortaient de ces ateliers avaient des usages bien définis. Jusqu’au grand développement de l’industrie de la soie au milieu du XIIIe siècle, l’Église fut le premier client pour les draperies et parements d’autel, comme pour les vêtements sacerdotaux (chapes, chasubles, dalmatiques). Les inventaires des églises lucquoises en sont un bon témoignage. Un inventaire du trésor pontifical de 1295 montre que le brocart, le samit et le cendal étaient employés pour les baldaquins et les tentures, le samit et le cendal, la « pourpre » et le « camoas » pour les parements d’autel, le samit et les soies plus légères pour les vêtements sacerdotaux. Au cours du XIIIe siècle, une clientèle laïque, composée de nobles et de souverains, s’est dessinée, relayant parfois celle de l’Eglise, à la recherche de tissus variés, des étoffes légères aux draps d’or et d’argent. Les comptes des rois de France citent ainsi brocarts, velours et damas, satins, sarcenits, tabis (soie moirée) et taffetas en provenance de Lucques. Les poètes et troubadours se sont eux-mêmes complu à décrire les somptueux vêtements de personnages qu’ils mettaient en scène. Les dessinateurs lucquois se sont montrés très tôt capables d’adapter les dessins byzantins et musulmans, représentant des animaux ou des oiseaux plus ou moins stylisés et disposés le plus souvent dans des médaillons. Dès le XIIIe siècle, sous l’influence de l’héraldique, les médaillons en viennent à remplacer les animaux avec des bandes feuilletées et fleuronnées s’entrecroisant en formant losanges et carrés. La diaspre, soie unie, brochée d’or ou d’argent, était surtout de couleur blanche, mais le rouge, le vert, le jaune, voire la bichromie, pouvaient s’y rencontrer, si l’on se réfère à certains inventaires de sacristie. Pour ce tissu qui ressemblait au damas, il était nécessaire de recourir à deux chaînes à base de fil fortement tordu, la trame étant alors à base d’un fil légèrement tordu, les figures étant tramées en un fil plus épais et plus brillant que le fond. L’influence des styles chinois au XIVe siècle introduit plus de souplesse et une certaine symétrie pour donner l’impression de mouvement, malgré la répétition inévitable des mêmes motifs dans les tissus."

 

  • "Le baudequin est une étoffe de soie lourde utilisée notamment pour les dais.

  • Le brocart est un tissu de soie rehaussé de dessins brodés en fil d’or ou d’argent.

  • Le cendal est une étoffe de soie légère.

  • Le damas est une étoffe de soie tissée de telle façon que les dessins présentés à l’endroit en satin sur fond de taffetas apparaissent à l’envers en taffetas sur fond de satin.

  • Le samit est un demi-satin formé d’une chaîne de soie soutenue par une trame de fil.

  • Le velours est un tissu à deux chaînes : l’une produit le fond du tissu et l’autre le « velouté ». Le velours peut à l’occasion mêler soie et coton."

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Afin de documenter ma recherche sur les motifs retrouvés sur les vitraux de Quimper ou de l'Ouest de la France, j'ai longtemps cherché des images d'échantillons de lampas de Lucques. La meilleure source en ligne  est la collection du Musée de ClunyJ'ai repris les échantillons les plus évocateurs à mes yeux du sujet que je me suis fixé, et j'ai porté notamment mon attention sur les oiseaux (griffons ou non) tenant dans leur bec un rinceau ou, mieux, un ruban flottant que je suis fier de nommer désormais de son nom sassanide de "pativ".

 

 

Musée de Cluny 3061

Fragment de lampas à décor de phénix insérés entre des rangées de palmettes contresemplées

http://www.photo.rmn.fr/C.aspx?VP3=SearchResult&VBID=2CO5PC7SJS3FM&SMLS=1&RW=1066&RH=516

 

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Musée de Cluny CL22537Lampas diapré broché d'or, Lucques, XVe  Aigles affrontés

 

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Lampas diapré broché d'or, Lucques, vers 1400

Musée de Cluny CL3065 Egypte Syrie lampas 

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Musée de Cluny CL21858b  Lampas Iran 2ème moitié  XIVe. Phenix et pampre d'or sur fond bleu

 

 

Musée de Cluny  CL13278 Lampas broché d'or de Sicile XIVe siècle 

 

 

 

CL3060 Gazelles adossées Italie 4e quart 13e siècle-1er quart 14e siècle ; fragment de diapre blanc broché d'or à décor de gazelles, perroquets et de palmettes.

 

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CL3063 textile BROCHé Lucques baudequins (?) aux antilopes et aux chiens au milieu de végétaux stylisés

Musée de Cluny CL3086

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L'une des très bonnes sources de documentation est la collection des Soieries de Lucques  du Metropolitan  Museum :

https://www.metmuseum.org/art/collection/search/463290?rpp=20&pg=1&ft=textile+with+brocade&pos=11

https://www.metmuseum.org/art/collection/search/467452

https://www.metmuseum.org/art/collection/search/467452

https://www.metmuseum.org/art/collection/search/468137

https://www.metmuseum.org/art/collection/search/466706

https://www.metmuseum.org/art/collection/search/463599?rpp=20&pg=1&ft=textile+with+brocade&pos=13

http://www.metmuseum.org/Collections/search-the-collections/170003840?rpp=20&pg=1&ft=textile+with+brocade&pos=17

https://www.metmuseum.org/art/collection/search/463700?rpp=20&pg=2&ft=textile+with+brocade&pos=34

http://www.metmuseum.org/Collections/search-the-collections/60013538?rpp=20&pg=2&ft=textile+with+brocade&pos=36

Voir également :

Châsse de saint Potentien,  Trésor de la cathédrale de Sens, samit, provenant d'Istanbul, XIIe siècle. Le décor bleu et rouge, sur fond violacé, se compose de médaillons à la couronne ornée de caractères pseudo-kufiques. À l'intérieur se présentent des oiseaux affrontés qui se retournent ainsi que des griffons, adossés de part et d'autre de fleurons. D’autres oiseaux disposés de chaque côté d'un arbre de vie meublent les écoinçons ​

https://www.qantara-med.org/public/show_document.php?do_id=945

 

 Lampas Wikipédia Musée de Cluny XIVe siècle

https://fr.wikipedia.org/wiki/Lampas#/media/Fichier:Lampas_with_phoenix_silk_and_gold_Iran_or_Irak_14th_century.jpg

 

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Musée national d'Iran

https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_la_soie#/media/Fichier:Thr_muze_art_islam_4.jpg

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CONCLUSION.

a) Le motif du fond des vitraux des  baies 203 et 205 d'Évreux se révèle être, comme celui de la cathédrale de Quimper,  partiellement d'origine sassanide, avec ses oiseaux affrontés aux ailes déployées tenant dans leur bec un ruban flottant ou la tige du rinceau. Ce thème a été repris dans les lampas de Lucques, et ce sont ces soieries qui ont été à la mode en France dans le dernier quart du XIVe et le premier quart du XVe siècle, notamment à la cour du roi Charles VI. Les spécimens de lampas de Lucques de cette époque permettent de retrouver ce thème des oiseaux affrontés tenant soit des tiges végétales, soit plus rarement des rubans, et celui des palmettes et des rinceaux.

b) Les exemples d'un décor analogue, à oiseaux affrontés — ou autres animaux — et végétaux, sont attestés dans les vitraux de douze édifices de 1370 à 1437, en Normandie (possession des rois de France), dans le duché de Bretagne de Jean V, gendre du roi de France, et à Bourges, capitale du duché du Berry de Jean Ier, fils du roi de France Jean II. Dans cinq cas, les vitraux se trouvent dans des cathédrales.

 c) Une hypothèse, encore parfaitement gratuite (c'est le privilège d'un blog) est de voir dans l'intégration de ces lampas de Lucques comme modèle de fond de vitrail un usage né dans les ateliers parisiens sous l'influence de la cour du roi Charles VI, étendu aux édifices normands, repris par rivalité mimétique par les ducs Jean de Berry et Jean V de Bretagne, comme si ces motifs étaient réservés aux princes ou à leur entourage proche par privilège. À Quimper, la duchesse Jeanne de France, épouse du duc Jean V depuis 1396 mais fille de Charles VI, a pu être attachée à ce type de décor et l'imposer  dans les édifices que le duc fit bâtir pour affirmer son pouvoir. 

 

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SOURCES ET LIENS.

 

— BATISSIER, 1849, "Description des vitraux de la cathédrale d'Évreux", Revue de Rouen et de Normandie, volume 17.

https://books.google.fr/books?id=2L5DAAAAYAAJ&dq=%22MARTINUS%22+%22cath%C3%A9drale+d%27%C3%A9vreux%22+vitraux&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

 

 — GATOUILLAT (Françoise), 2019, "French 14-th-century stained glass and other arts", in Investigations in Medieval Stained Glass, Materials, Methods and Expressions, Brill ed., pages 374-385

 — GATOUILLAT (Françoise), 2001, "Les vitraux de la cathédrale d'Évreux", in CALLIAS-BEY, M., CHAUSSÉ, V., GATOUILLAT, F., HÉROLD, M., Les vitraux de Haute-Normandie, Corpus Vitrearum France, Recensement des vitraux anciens vol. VI, Ed du CNRS / Monum ed. du patrimoine. Paris, pages 143-161.

 

— LEBEURIER (P-F.), 1868,  Description de la Cathédrale d'Evreux accompagnée d'une vue générale et d'un plan géométrique, Huet ed., Evreux 1868

 

https://archive.org/details/bub_gb_TYdZAAAAYAAJ/page/n27

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 COUDOUIN (André), 1981, « L'âge d'or de la soierie à Tours (1470-1550) » Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest  Année 1981  Volume 88  Numéro 1  pp. 43-65

http://www.persee.fr/doc/abpo_0399-0826_1981_num_88_1_3035

 

 

— GATOUILLAT (Françoise), HÉROLD (Michel), 2005,  Les vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum, France VII, Presses Universitaires de Rennes, Rennes, p. 172.

 GRODECKI (Louis), Baudot Marcel, Dubuc René, 1968, -"Les vitraux de la cathédrale d'Évreux."  In: Bulletin Monumental, tome 126, n°1, année 1968. pp. 55-73. doi : 10.3406/bulmo.1968.4898 http://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1968_num_126_1_4898 

 

LAFOND (Jean), 1964,"M. Jean Lafond Un évoque breton parmi les vitraux du chœur de la cathédrale d'Évreux" , Bulletin de la Société nationale des Antiquaires de France  Année 1964  1962  pp. 144-151

https://www.persee.fr/doc/bsnaf_0081-1181_1964_num_1962_1_6773

 

— MACIAS-VALADEZ (Katia), 1997, "Les vitraux des fenêtres hautes de la cathédrale de Quimper : un chantier d'expérimentation et la définition d'un style quimpérois", Mémoires de la Société d'histoire et d'archéologie de Bretagne, t. LXXV, p. 204-242.

 OTTIN (L.), Le Vitrail, son histoire, ses manifestations diverses à travers les âges et les peuples, Librairie Renouard, H. Laurens éditeur, Paris, s.d. [1896] In-4°, 376 pages,  4 planche en couleurs, 15 phototypies, 12 planches en teinte hors texte, 219 gravures, de signatures, marques et monogrammes. 

https://archive.org/stream/levitrailsonhist00otti#page/42/mode/2up

 

RACINE (Pierre), 2004, Lucques, Gênes et le trafic de la soie (v. 1250-v. 1340) in CHEMINS D'OUTRE-MER, Études d'histoire sur la Méditerranée médiévale offertes à Michel Balar,  Damien Coulon, Catherine Otten-Froux, Paule Pagès et Dominique Valérian Byzantina Sorbonensia © Éditions de la Sorbonne, 2004,  p. 733-743

http://books.openedition.org/psorbonne/4002?lang=fr

 

 

Forum Grand-sud-medieval  sur les soieries :

http://www.grand-sud-medieval.fr/forum/viewtopic.php?f=20&t=3361

Collection du musée épiscopal de Vic à Barcelone :

https://www.museuepiscopalvic.com/es/colecciones/tejido-e-indumentaria

https://www.museuepiscopalvic.com/es/colleccions/tejido-e-indumentaria/casulla-de-miquel-de-ricoma-obispo-de-vic-mev-10936#

Soieries de Lucques des collections du Met Museum :

https://www.metmuseum.org/art/collection/search/463290?rpp=20&pg=1&ft=textile+with+brocade&pos=11

https://www.metmuseum.org/art/collection/search/467452

https://www.metmuseum.org/art/collection/search/467452

https://www.metmuseum.org/art/collection/search/468137

https://www.metmuseum.org/art/collection/search/466706

https://www.metmuseum.org/art/collection/search/463599?rpp=20&pg=1&ft=textile+with+brocade&pos=13

http://www.metmuseum.org/Collections/search-the-collections/170003840?rpp=20&pg=1&ft=textile+with+brocade&pos=17

https://www.metmuseum.org/art/collection/search/463700?rpp=20&pg=2&ft=textile+with+brocade&pos=34

http://www.metmuseum.org/Collections/search-the-collections/60013538?rpp=20&pg=2&ft=textile+with+brocade&pos=36

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