L'église Saint-Salomon de La Martyre V . Les peintures murales du chœur (vers 1450).
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— Sur La Martyre, voir sur ce blog :
L'église Saint-Salomon de La Martyre I. La Porte triomphale (vers 1520) et le porche sud. (1430)
L'église Saint-Salomon de La Martyre II. Le bénitier de 1681.
L'église Saint-Salomon de La Martyre III. Les bénitiers de 1601 et 1619.
L'église Saint-Salomon de La Martyre. IV. L'ossuaire (1619). Les inscriptions. Les crossettes.
— Peintures murales : voir sur ce blog :
Les peintures murales de la chapelle de Locmaria er Hoët à Landévant (56). XIVe siècle.
Les peintures murales de la collégiale Notre-Dame de Beaune.
Les peintures murales des Sibylles de la cathédrale d'Amiens.
Petite iconographie de Saint Christophe à Séville. II : La cathédrale. (1584)
Chapelle Notre-Dame de Carmès à Neulliac : les lambris peints du XVe siècle
Le retable des dix mille martyrs à Crozon (4) : les peintures murales de Saint-Etienne-du-Mont.
La peinture murale du calendrier liturgique de l'église de Vieux-Thann (Haut-Rhin). vers 1320
L'église Saint-Mériadec en Stival : la légende de saint Mériadec en peintures murales.
L'église de Saint-Mériadec en Stivail (56) : les peintures murales.
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Le visiteur de l'église de La Martyre y trouve sur une série de kakemono de nombreuses informations sur l' intérêt artistique qu'elle présente. Il peut ainsi lire :
"Au cours des travaux de restauration, des fresques, estimées comme datant du XIVe siècle ont été découvertes en 1996-1997 lors de la réfection des enduits du vaisseau central de la nef.. Bien qu'elles soient très dégradées, ces peintures murales ocres sont un témoignage plutôt rare de l’art pictural religieux en Bretagne. Désormais, il est possible de reconnaître le Jugement Dernier sur le mur ouest du chœur, et, sur son mur sud, quelques fragments de la dernière Cène. Une histoire en 14 tableaux est également lisible sur le mur sud de la nef. On distingue un banquet, un personnage au pied d'une Vierge à l'Enfant ou au chevet d'un malade."
Effectivement, les peintures sont bien visibles, mais il est difficile de trouver des informations les concernant. Elles ne semblent pas avoir fait l'objet de publications spécialisées.
PRÉSENTATION.
Bien qu'une bonne part ne soit pas conservée,ou réduite à une bande jaune sale, ces peintures occupaient manifestement toute la portion des murs latéraux de la nef et du chœur comprise entre le sommet des arcatures d'ogive et la charpente (et montaient même plus haut car elles ont été amputées de leur sommet), ainsi que la partie supérieure de l'arc diaphragme séparant en deux la nef et le chœur, tant sur la face est que la face ouest . Elles sont divisées en carrés, sur les murs latéraux, par des lignes dédoublées de peinture rouge. Les parties basses, entre les arcatures, reçoivent des motifs répétitifs de rosettes, de roues, etc.
Toute la décoration du chœur n'est plus discernable, à l'exception du mur ouest et de son angle sud-ouest, dédiés au Jugement Dernier.
Celle de la nef semble plus prometteuse, car des silhouettes, des lits, des remplages gothiques, sont bien distincts et semblent annoncer un cycle historié. Mais, hormis une Sortie du Tombeau au dessus de l'arc diaphragme, rien ne permet de proposer une interprétation valide.
Si on place à part le mur qui les sépare, la nef et le chœur ne peuvent être comparés dans leur ornementation entre eux, et rien n'affirme qu'elles relèvent de la même datation et du même auteur.
Les couleurs sont l'ocre jaune et l'ocre rouge, avec par endroits l'utilisation de dessins au trait, noir.
1. Le chœur.
Note : je nomme "chœur" la partie antérieure à l'arc diaphragme pour reprendre l'usage qu'en fait Jean-Jacques Rioult (2007).
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2. Les trois travées de la nef.
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LA DATATION.
Datation stylistique ou datation par le support ?
L'affirmation d'une datation du XIVe n'a pas été critiquée, mais elle se heurte pourtant à une incohérence : hormis la tour-porche occidentale (début XIVe), toute l'église (succédant à un édifice antérieur) a été édifiée à partir du début du XVe siècle, comme l'a montré J-J. Rioult 2007.
a) Les partisans d'une église en partie romane, et d'une nef du XIVe siècle :
— "Dés que l’on entre à l’intérieur de l’église, on est frappé par l’ampleur de l’espace qui se répartit entre un bas-côté et deux nefs identiques, mais dont la première remonte aux XIVe et XVe siècle et la seconde au XVIe siècle. La première nef a conservé sa base romane des années 1200. Elle a été reconstruite lors des grands travaux des années 1450, suite aux lettres de franchise d’impôt décrétée par Jean V et à la tempête qui a détruit l’édifice ancien.
C’est en 1756 que le chevet plat fut transformé, entraînant un réaménagement du vitrail de la Passion.
Le porche ouest : le contournement de l’église fait franchir des siècles d’histoire de l’art. Le porche ouest est roman, comme le clocher et les piliers de la nef. Ces éléments remontent aux XIIIe et XIVe siècles, indiquant l’ancienneté du lieu, mais aussi la manière dont les générations de constructeurs ont su intégrer des éléments anciens dans une nouvelle architecture. Les têtes presque effacées, sculptées à mi-hauteur du porche, arborent un canon primitif qui évoque l’époque romane."
— "Elle comprend une nef de trois travées avec bas-côtés, séparée par un arc diaphragme d'un chœur de trois travées avec bas-côtés. Au nord il n'y a pas de diaphragme, et le bas-côté, de grande largeur, forme une vaste chapelle : au sud, au contraire, le bas-côté est coupé par cinq arcs diaphragmes. L'édifice de plusieurs époques et a été remanié à diverses reprises. Le clocher, nettement influencé par la cathédrale de Saint-Pol-de-Léon, date des premières années du XIVe siècle mais conserve à sa base des restes de maçonnerie plus anciens ; la nef, également du début du XIVe siècle, a été remaniée au XVe siècle, époque à laquelle remonte le choeur.
Le 12 mai 1431, en effet, le duc Jean V accordait des lettres de franchise d'impôt sur le vin pour l'augmentation de N.D. du Merzer ; puis, en 1450, une tempête ayant détruit l'église en grande partie, le chevet fut alors rebâti, les arcades de la nef exhaussées. C'est également alors que fut reconstruit le porche, très probablement par l'atelier de Notre-Dame du Folgoët." (Couffon & Le Bars 1988)
Les panneaux disponibles dans l'église (et qui font suite aux travaux de Fons de Kort) inversent la logique : "Le corps de l'église (nef et chœur) a été reconstruit à la fin du XVIe siècle, comme en témoignent les peintures murales datées du XIVe siècle." Le plan suivant est proposé : en rouge le porche nord du début du XIVe, en noir les piliers de la nef et du chœur et le chancel (fin XIVe) Or, ce sont dans le périmètre de ces parties noires que sont localisées les peintures murales.
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Inversement, Jean-Jacques Rioult, dans son étude sur La Martyre en 2007 (qui ne fait pas mention des peintures), écrit ceci :
"La tour porche, qui présente encore quelques caractères du gothique du XIIIe siècle fut probablement construite au début du XIVe siècle. Une tradition sans fondement voudrait faire remonter la nef de l'église au XIVe siècle, et fait référence à une destruction partielle de l'édifice par une tempête en 450, après laquelle la nef aurait été alors surhaussée au cours de la deuxième moitié du XVe. Une autre version voudrait voire deux campagnes distinctes pour la nef et le chœur. Par delà les différents ajouts qui entre le XVIe et la fin du XVIIe siècle ont modifié la silhouette de l'édifice, l'examen du plan révèle l'homogénéité de la conception de l'église. Celle-ci devait être déjà assez largement commencée à la date du mandement ducal de 1433, appartient au nouveau modèle qui se répand alors dans l'ensemble du duché avec son plan rectangulaire à trois vaisseaux regroupés sous un toit unique déterminant une nef obscure terminée par un chevet plat. Son large vaisseau central flanqué de collatéraux comprend trois travées de nef et autant de chœur."
J'extrais de sa publication quelques repères chronologiques, que j'ai reportés sur le plan qu'il publie :
— Le revers du porche sud, parfaitement liaisonné avec les arcs diaphragmes des collatéraux, indique que celui-ci a été édifié en même temps que la deuxième travée de la nef, aux alentours des années 1430-1440.
— Le chancel de kersantite . Les travaux du XVe siècle se poursuivent par l'édification d'une riche clôture de chœur. Son tracé ménageait un passage transversal entre l'enclos du chœur lui-même est l'extrémité de la nef, sans doute alors fermée au niveau de l'arc diaphragme par une autre clôture en bois, aujourd'hui disparue. La trace évidente de l'ancrage après coup de cette clôture dans les piles du chœur indiquent que celle-ci a été mise en œuvre après coup, au cours de la seconde moitié du XVe siècle.
— Vers 1530, le chevet de l'église fut reconstruit sur le modèle à pans et pignons multiples, dit « Beaumanoir ». Cette transformation fut marquée en 1535 par l'installation de trois vitraux.
— Vers 1560, pour répondre à l'afflux des fidèles, le collatéral nord fut détruit et remplacé par un deuxième, plus large.
— L'ossuaire date de 1619, et la nouvelle sacristie de 1697.
— Le chœur fait l'objet au début du XVIIIe siècle d'un important réaménagement : retable de 1706, chaire à prêcher de 1712.
— En 1761, la face antérieure du chancel de kersantite fut arasée et surmontée d'un garde-corps de ferronnerie destiné à dégager la vue du maître-autel. Un arc de triomphe, remployant huit colonnes à feuillages Renaissance ainsi qu'une Crucifixion, du XVIe siècle provenant vraisemblablement de la clôture qui fermait la nef, conféraient à l'entrée du chœur une solennité qui répondait aux exigences des dogmes nouveaux.
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Repères historiques.
a) La fin du XIVe.
La fin du XIVe correspond à la fin de la guerre de Cent Ans, le schisme de la papauté qui s'installe à Avignon, la sédentarisation progressive des cours royales concourent au développement d’un art civil, les épidémies de Peste et la misère des campagnes. En Bretagne, le duc est Jean IV, fils de Jean de Montfort, et vainqueur de la guerre de Succession de Bretagne. Attaqué par le roi Charles V de France qui s'empara brièvement du duché pour le réunir à la couronne, il dut reconquérir la Bretagne en 1379 à la suite de l'appel de la même noblesse qui le força à s'exiler quelque temps auparavant.
Le second Traité de Guérande de 1381 marque donc la fin de la guerre civile, et donc une période de paix favorable à la réalisation de travaux dans les églises, achevant des projets interrompus par la guerre.
La Martyre est passée à la fin du XIV siècle du comte de Léon à la vicomté de Rohan : Jean de Rohan appartenait aux nombreux nobles bretons hostile à la politique jugée trop anglophile du nouveau duc, Jean IV. Ils en appelèrent au roi de France qui fit chasser la majeure partie des garnisons anglaises du duché par son connétable Bertrand du Guesclin en 1373, suite au départ en exil du duc. Le roi nomma Jean de Rohan lieutenant général en Basse Bretagne en janvier 1374. En 1381, lors du second traité de Guérande, Jean Ier de Rohan (1324-1396) prête serment à Jean IV, lequel lui accorde à nouveau sa confiance.
Notons que Jean Ier de Rohan, dont l'une des places-fortes est le château tout proche (4,5 km) de La Roche-Maurice, s'est marié en l'église de La Martyre en 1349 avec Jeanne de Léon, héritière qui apporta aux Rohan une partie de la vicomté de Léon. Il hérita à la mort de son beau-frère Hervé VIII de Léon, en 1363, de l’ensemble du Guet de la Martyre. Au décès en 1372 de la mère de sa femme, (Marguerite d’Avaugour), Jehan I de Rohan devient seigneur de la forteresse de la Roche-Maurice qu’en un premier temps la famille de Rohan entretient et agrandit afin d’asseoir son autorité sur la région.
b) La première moitié du XVe.
— Pouvoir ducal : Le duc Jean V, qui régna de 1399 à 1442, fut l'initiateur d'un vaste programme de mécénat religieux à visée de propagande afin de récupérer au profit des Monfort l'image de piété et de sainteté qui avait été celle des Penthièvre et de Charles de Blois. Il débuta une série de sanctuaire à Notre-Dame par le chantier de la basilique du Folgoët en 1423-1468, suivi de celui de la cathédrale de Quimper, (Porche sud, 1424-1442) , Lambader en Plouvorn (1432) La Martyre (1430), à la chapelle Saint-Fiacre du Faouët (1450), tout en ayant la sagesse d'associer ses principaux vassaux à ce mécénat.
C'est dire toute l'importance de l'acte de 1431 par lequel il procura à la chapelle de La Martyre (Le Merzer) les ressources nécessaires à son agrandissement :
Le 12 mai 1431 le duc accorde des lettres de franchise d’impôt sur le vin pour l’augmentation de Notre-Dame du Merzer. Mais devant la mauvaise volonté et opposition des fermiers, il doit confirmer cette décision le 13 mars 1433.
Ordre de laisser les chapelains du Lambader et du Merzer jouir des dons qui leur ont été faits, à Redon 13 mars 1433... chapelles Nostre Dame de Lanbader et du Merzer ...Puis naguère nous avons donné en aumônes de notre dévotion à la chapelle de Lambader ...de même à ladite chapelle du Merzer (la Martyre) avons voulu et octroyé que tout le vin qui fut vendu au détail en la maison de ladite chapelle par dom Jehan Le Saux et ses commis, qui en est gouverneur, fut quitte de tout devoir d'impôt tant du temps que avenir, pour être icelui devoir être mis et employé au bien et augmentation d'icelle chapelle, comme peut apparaître par nos lettres sur ce données en cette ville, datées du XIIe jour de may, l'an mill IIIIcr trente et un. ...et afin de s'informer du nombre desdits vins qui sont et seront vendus au dit lieu du Merzer, avons commis notre bien aimé et féal conseiller Hervé Le Ny, ...(R. Blanchard, Lettres et mandements de Jean V, duc de Bretagne, n° 2072, lettre du 13 mars 1433, copie d'un don du 12 mai 1431) http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k73684n/f57.item.zoom
— Les Rohan : Alain IX fut vicomte de Rohan de 1429 à 1462 . Il épousa Marguerite de Monfort, fille du duc Jean IV (puis Jeanne d'Évreux). Or, les armoiries ducales sont présentes sous le porche sud, mais les deux écus dotés de leur cimiers de part et d'autre du trumeau sont ceux de Rohan à gauche et de Léon à droite.
Les armes des Rohan sont peints également sur les peintures murales, mais apparemment au dessus des motifs sans craindre de les cacher : elles dateraient, avec leur neuf macles, du milieu du XVIe siècle.
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Ces présentations étant faites, j'étudierai l'ensemble le plus facile à interpréter, le Jugement Dernier et les deux faces du mur diaphragme.
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On voit vite qu'on n'y voit goutte, malgré des projecteurs éclairant le lambris. En effet, ce tympan est placé devant la Porte Triomphale intérieure, portant le Christ sur la Croix entre la Vierge et Jean.
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I. Le tympan au dessus de l'arcature séparant la nef du chœur. Le Jugement Dernier.
Jouant à cache-cache derrière la Porte triomphale, je n'ai d'abord rien compris des images qui se présentaient. Mais maintenant ça va. Je propose de repérer d'abord saint Michel, en bas et au centre, par les deux lignes ocres croisées de sa lance (qui se termine dans la gueule d'un dragon) et du fléau de sa balance. Vous l'avez ?
Vous voyez alors le panier dans lequel il pèse la valeur de l'âme d'un ressuscité, et, à droite, l'autre panier. Il s'agit de la Pesée des âmes lors du Jugement Dernier. On voit alors les deux ailes ocres ourlées de rouge en V inversé, le visage aux cheveux blonds, et l'aube blanche plissée.
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Le Jugement Dernier, peinture murale (XVe), église Saint-Salomon de La Martyre. Photographie lavieb-aile.
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Le Jugement Dernier (XVe), mur diaphragme, église Saint-Salomon de La Martyre. Photographie lavieb-aile.
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Le Jugement Dernier, peinture murale (XVe), église Saint-Salomon de La Martyre. Photographie lavieb-aile.
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Partie droite : Saint Jean ; en dessous, les diables de l'Enfer.
J'hésite : est-ce bien saint Jean, dans ce grand manteau qui s'épand devant et derrière lui ? N'est-ce pas plutôt Marie ? Mais Marie est toujours à la droite du Christ. On ne distingue rien d'autre, sinon les cheveux blonds.
En dessous, derrière, au dessus même, des diables grimacent avec impudence. Les détails sont bien visibles : pieds palmés avec un ergot, doigts griffus, nez de rat (retroussés s'achevant en bouton, cornes de boucs, ailes de chauve-souris, regards lubriques, gesticulations histrioniques. J'en compte six. Comme au niveau de la tête du Christ, on voit très bien que la peinture a été amputée d'un mètre de diamètre environ.
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Le Jugement Dernier (XVe), mur diaphragme, église Saint-Salomon de La Martyre. Photographie lavieb-aile.
Le Jugement Dernier (XVe), mur diaphragme, église Saint-Salomon de La Martyre. Photographie lavieb-aile.
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A la droite du Christ : la Vierge.
En dessous : les Anges du Paradis.
Le Jugement Dernier (XVe), mur diaphragme, église Saint-Salomon de La Martyre. Photographie lavieb-aile.
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La Vierge.
Obnubilé par la couleur foncée (c'est celle de sa robe), je ne voyais pas le grand manteau blanc qu'elle retient de la main gauche, qui fait un large pli autour du bras droit puis une traîne de reine sur le sol. Le surcot n'est pas visible, donnant l'illusion d'un grand décolleté. La main droite est levée, peut-être tient-elle un objet qu a pâli. Les cheveux blonds sont longs.
Le Jugement Dernier (XVe), mur diaphragme, église Saint-Salomon de La Martyre. Photographie lavieb-aile.
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Des anges nimbés accueillent les Élus.
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Le Jugement Dernier (XVe), mur diaphragme, église Saint-Salomon de La Martyre. Photographie lavieb-aile.
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Le Jugement Dernier (XVe), mur diaphragme, église Saint-Salomon de La Martyre. Photographie lavieb-aile.
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La partie inférieure du Jugement.
Sous la poutre d'appui du mur, le dessin trace une arcade arrondie aux deux bords puis se relevant avec deux redans. Au dessous a lieu la Résurrection des morts. Des hommes sortent de tombeau semblables à des jarres (ou bien s'agit-il déjà d'un supplice infernal ?) .
A droite, de l'autre coté de l'auvent en V, s'allument les flammes de l'Enfer où les damnés rôtissent..
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Le Jugement Dernier (XVe), mur diaphragme, église Saint-Salomon de La Martyre. Photographie lavieb-aile.
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Le Jugement Dernier (XVe), mur diaphragme, église Saint-Salomon de La Martyre. Photographie lavieb-aile.
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II. La première travée sud : le Christ devant les Limbes, la descente aux Enfers.
Selon le Symbole des Apôtres, le Jugement Dernier est mentionné comme un article de foi après la séquence suivante : Jésus-Christ ... a été crucifié, est mort et a été enseveli, est descendu aux enfers ; le troisième jour est ressuscité des morts, est monté aux cieux, est assis à la droite de Dieu le Père tout-puissant, d’où il viendra juger les vivants et les morts. Nous venons de voir illustré le Jugement, la face est du mur diaphragme illustre l'ensevelissement et la Sortie du tombeau, voici maintenant la Descente aux Enfers.
Le Christ, vêtu du manteau de la Résurrection rouge à revers jaune, tient de la main droite la hampe de l'étendard de sa victoire sur la mort. Son thorax est ensanglanté par le coup de lance du centurion, mais aussi par les marques de flagellation. Les mains saignent des blessures des clous. Les pieds, ensanglantés également, sont écartés et en rotation externe. La pointe de la hampe est plongé dans les flammes de la gueule du Léviathan, et libère les âmes des justes morts avant son avènement (Limbe des Patriarches) . L'un de ces justes tend les bras vers le Rédempteur. Dans la tradition iconographique, les deux premiers à sortir sont Adam et Éve.
La "bouche" des Limbes est figuré depuis le Moyen-Âge comme la gueule d'un Léviathan, d'un monstre aquatique ou chtonien crachant les flammes. On distingue son œil rutilant dans le coin supérieur droit.
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III. La partie du mur diaphragme visible depuis la nef.
La partie du mur placée sous la poutre est divisé par un trait d'ocre rouge en trois compartiment. Une bande grise ou crème d'un mètre environ la traverse d'un bout à l'autre. Le compartiment central, le plus large, est vide, à l'exception d'une forme en écusson, jaune, marquée d'une croix blanche. S'agit-il d'un officiant vu de dos et portant une chasuble ?
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A à gauche : Sortie du Tombeau.
Le nimbe crucifère, la barbe, les cheveux longs, la blessure du flanc droit identifient le personnage comme étant le Christ. Il ne porte pas le manteau de la Résurrection, et ses mains sont croisées devant lui comme si ses poignets étaient liés, tel un Ecce Homo. Mais il semble en train de sortir d'une cuve rectangulaire faisant de la scène une Sortie du Tombeau.
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B. A droite. Saintes Femmes ?
Outre une forme ocre sombre en gondole ou en langue crochue, on peut distinguer trois parties :
à droite, plusieurs personnages en robes, serrés ensemble.
au milieu, une chapelle à trois vaisseaux éclairés par une lancette simple, une baie à deux lancettes et remplage, une autre peut-être.
à gauche, deux femmes se dirigeant ensemble vers la gauche .
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La photographie plus rapprochée ne m'a pas fourni d'indices supplémentaires. Les deux femmes tiennent un objet dans leurs bras, et les personnages de droite également. La marche précipitée des deux femmes m'évoquent Marie-Madeleine et une autre Sainte Femme allant au Tombeau dès le lever du soleil, tenant les parfums nécessaires à l'embaumement.
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Discussion.
Donc, nous avons un Jugement Dernier datant, en fonction de la datation du support bâti, du milieu du XVe siècle. .
Je rappelle que deux techniques sont possibles : la peinture à fresque, réalisé sur enduit frais, réalisées par journées de travail au fur et à mesure de la préparation du support , et la peinture à la chaux, a secco sur mortier de chaux sec, indépendante du travail des maçons. Dans ce dernier cas, on prépare un badigeon de chaux composé de chaux grasse en pâte, battue avec de l'eau parfois enrichie de liants et armée de poils de bœuf pour en renforcer la tenue. Les couleurs sont des pigments compatibles avec la chaux, c'est à dire la plupart du temps des terres.
Le thème du Jugement Dernier.
—Les sources littéraires : le jugement général est un sujet biblique trouvant son origine dans l’Ancien et le Nouveau Testament . Aux deux sources principales qui sont l’évangile de Matthieu (XXIV, 30-31 ; XXV, 31-46; XIX, 28) et l' Apocalypse (XX, 11-15), il faut ajouter de nombreux textes, bibliques, apocryphes, patristiques ou liturgiques, ou encore appartenant à la littérature médiévale théologique, mystique, poétique, hagiographique (la Légende dorée) ou dramatique (les mystères). Ces textes expliquent l’ensemble ou les divers motifs du sujet (Cf. E. Mâle, L’Art religieux du XIIle siècle en France, Paris, 3e éd., 1910, p. 425-428 ).
—Les sources iconographiques : l’origine de ces figurations est à rechercher dans l’art byzantin tandis que les grands développements du thème appartiennent, eux, à l’art médiéval d’Occident, roman et gothique sur les tympans des grands portails .
L'une de ses illustrations les plus fameuses au XVe sielce est le Polyptique de Beaune par Rogier van der Weyden, dont la disposition a plus d'un point commun avec la peinture de La Martyre. C'est une œuvre de 1450. Le Jugement Dernier de Van Eyck lui est antérieur (1425-1430) et celui de Stefan Lochner à Cologne de 1435.
Les exemples de Jugement Dernier sur les sculptures de Bretagne datent du XVe siècle : Christ du Jugement assis sur un arc-en ciel des calvaire de Plomodiern (1433-1447), de Notre-Dame de Châteaulin (seconde moitié du XVe) et de l'arc triomphal d'Argol (1593). Pour mémoire le grand calvaire de Tronoën de 1450).
— En peinture murale, je ferai un premier rapprochement avec le Jugement de la crypte de la collégiale de Saint-Aignan-sur-Cher , daté (sous réserve) du début du XVe siècle.
J'y retrouve les éléments que je considère comme caractéristiques : l'arc en ciel en demi-cercle ; le sang qui s'égoutte des plaies ; les deux ovales de la cape de gloire au dessus des épaules ; la robe de Marie très largement évasée. Par contre, saint Michel est ici absent.
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Puis je placerai en comparaison le Jugement du mur diaphragme de la chapelle de Locmaria er Hoët à Landevant. Là encore, la cape forme deux gousses d'ail (jaune ocre, les valeurs des teintes sont inversées par rapport à La Martyre) sur les bras levés, le Christ frontal est encadré de Marie à la robe évasées et de Jean. Saint Michel est absent.
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Je citerai le Jugement et le cycle de la Vie du Christ de l'église d'Antigny datant du XVe siècle.
https://1001patrimoines.com/2013/08/21/eglise-et-lanterne-86-antigny/
Enfin je rappellerai que les peintures du transept sud de la chapelle de Kernascléden (56) , un peu après 1464, ne montrent pas le Christ du Jugement, mais une Danse Macabre et les supplices de l'Enfer.
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SOURCES ET LIENS.
—BLANCHARD (René), 1894 Lettres et mandements de Jean V, duc de Bretagne: tome VII
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k73684n
— CASTEL (Yves Pascal), THOMAS ( Georges-Michel) 1987, Artistes en Bretagne: Dictionnaire des artistes, artisans et ingénieurs en Cornouaille et en Léon sous l'Ancien Régime, Société archéologique du Finistère, 1987 - 364 pages
— COUFFON (René), LE BARS (Alfred) , 1988, La Martyre, Diocèse de Quimper et de Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper, Association diocésaine, 1988, 551 p.
http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf-Couffon/MARTYRE.pdf
— DAVY (Christian), 2013 « La prospection des peintures murales des Pays de la Loire », In Situ [En ligne], 22 | 2013, mis en ligne le 15 novembre 2013, consulté le 07 décembre 2016. URL : http://insitu.revues.org/10792 ; DOI : 10.4000/insitu.10792
— FONS DE KORT, s.d, [1975], La Martyre, l'église, par Fons de Kort.
— LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne. Les ateliers du XVe au XVIIe siècle, Presses Universitaires de Rennes, p. 298-299.
— LÉCUREUX (Lucien), 1919, "La Martyre", Congrès archéologique de France : séances générales tenues ... par la Société française pour la conservation des monuments historiques, Société française d'archéologie. Derache (Paris) A. Hardel (Caen) http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k35688p/f166.image
— REILLE-TAILLEFERT (Geneviève), 2010, Conservation-restauration des peintures murales: De l'Antiquité à nos jours, Eyrolles, 382 pages.
https://books.google.fr/books?id=tIjP4ErDkXwC&dq=peinture+murale+%22xive+si%C3%A8cle%22+jugement+dernier&hl=fr&source=gbs_navlinks_s
— RIOULT (Jean-Jacques), 2009, La Martyre, église Saint-Salomon Paris : Société française d'archéologie, 2009 , 7 p. : ill. en noir et blanc, couv. ill en coul. ; 27 cm. (Congrès archéologiques de France, ISSN 0069-8881) In : Congrès archéologique de France, 165e session, 2007 : Finistère / Société française d'archéologie, p. 143-149.
— SPREV :
http://www.sprev.org/centre-sprev/la-martyre-eglise-saint-salomon/
— Infobretagne : Emploi des ressources de l'église de Martyre
http://www.infobretagne.com/martyre-ressources-eglise.htm
http://www.infobretagne.com/enclos-martyre.htm
— http://www.chantony.fr/patrimoine_et_histoire/29_la_martyre.html
— http://www.patrimoine.paysdelaloire.fr/uploads/tx_news/Diagnostic_peintures_murales_pdl_02.pdf