Le calvaire (kersanton, premier atelier du Folgoët, entre 1433 et 1457) de l'église de Plomodiern.
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Voir, parmi les multiples calvaires décrits dans ce blog,
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PRÉSENTATION.
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Emmanuelle Le Seac'h, dans le Catalogue raisonné de Sculpteurs sur pierre de Basse-Bretagne (p. 317), attribue les calvaires de Rumengol et de Plomodiern au Premier atelier ducal du Folgoët (1423-1468), tout comme les vestiges du calvaire disparu du Folgoët (vers 1443), dont il ne reste que les statues du cardinal Alain de Coëtivy et de son saint patron.
Elle donne une description si précise de ce calvaire de Plomodiern que je ne peux que la reproduire.
"Le calvaire de Rumengol a inspiré celui qui se trouve à coté de l'église de Plomodiern dans l'évêché de Cornouailles. Il est à dater de la même période, soit entre 1433 et 1457. Le sculpteur du Folgoët produit ici un second calvaire très ressemblant du point de vue stylistique même s'il est dépourvu de larrons. Les deux structures, par contre, varient. L'emmarchement est constitué ici de trois degrés, soit un de plus qu'à Rumengol. Le socle cubique reçoit un fût rond alors qu'il est à pans coupés dans cette dernière paroisse. Il supporte un bloc monolithique avec une Crucifixion traditionnelle sur l'avers avec des fleurons carrés. Ils sont formés de végétaux à Rumengol. "
Malgré la présence au revers d'un Christ du Jugement assis sur un arc-en-ciel, sujet très rarement représenté sur les calvaires sauf à Argol et à Châteaulin, elle réfute l'attribution de ce calvaire à un "Maître de Châteaulin" (Castel 1980) auteur du calvaire du XVe siècle de la chapelle Notre-Dame de Châteaulin. Et elle date le calvaire d'Argol de 1593, plus d'un siècle plus tard.
L'existence d'un dais gothique, rectangulaire à accolade, coiffant le sommet de la croix se retrouve à Rumengol, à Châteaulin, à Argol, et à Plougoulm.
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I. LA FACE PRINCIPALE : LE CRUCIFIX, LA VIERGE ET SAINT JEAN. LA VIERGE DE PITIÉ.
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Le calvaire a été déplacé, car son emplacement actuel, au nord-est de l'église, dans un terre-plein quadrangulaire adossé à un hangar, est pour le moins inhabituel.
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De plus, il n'est plus orienté, au sens médiat du terme, "tourné vers l'orient" ou plutôt, avec la face principale portant le Christ mort sur la croix face à l'occident, au soleil couchant, tandis que la face opposée portant le Christ ressuscité revenant juger "les vivants et les morts" se tourne vers la direction du lever du soleil et du renouveau.
Des cartes-postales le montrent jadis sur un terre-plein plus vaste, la "place centrale", devant le chevet et situé dans l'axe O-E de l'église.
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La face principale, orientée sud-est pour faire face au parking, et souvent ombragée, porte le Crucifié sous le dais gothique, entouré de sa mère Marie et de son disciple préféré Jean, Jean l'évangéliste.
On portera son attention au caractère monolithique du calvaire, au fait que la croix avec sa traverse ne forme qu'un seul bloc, où le Christ est sculpté sur le fût, et que les saints personnages ne sont pas des statues indépendantes placées sur les bras d'un croisillon, mais qu'elles sont ancrées sur un arc, celui qui, de l'autre côté, se révélera comme l'arc en ciel du Jugement.
Le pagne flottant du Crucifié, les cheveux tombants sur les épaules et la couronne tressée sont identiques à ce qu'on observe à Rumengol.
Le titulus n'est pas gravé, les lettres INRI devaient être peintes. Les fleurons de la traverse sont rapportés.
Le calvaire de Rumengol en comparaison :
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La Vierge plongée dans le chagrin montre un visage souffrant sous le voile du manteau. Les mains sont croisées sur la poitrine. Elle ne porte pas cette élégante robe ajustée, ce travail des plis et les pans cassés du voile qui, à Rumengol, attirait le regard.
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De même, saint Jean n'a pas la finesse d'expression du visage, la posture souple et la recherche vestimentaire de Rumengol. La Vierge et Jean sont figés dans une posture hiératique. D'ailleurs, le grain du kersanton est moins fin et plus sombre. Globalement, c'est une œuvre de moins belle facture, et, ceci étant peut-être lié à cela, on n'y trouve pas l'écu en bannière aux armes d'un haut officier ducal comme à Rumengol.
Saint Jean tient son Livre (Evangile selon saint Jean) et lève la main droite pour nous en présenter la paume : ce geste, qui n'est pas une bénédiction, témoigne de sa réaction d'émotion participative face au drame de la Crucifixion : on pourrait imaginer qu'il s'associe à un léger recul du corps, par stupéfaction et sentiment d'être dépassé par ce qui se noue et se dénoue par cette mort.
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Mais ce qui est intéressant, c'est le type de coiffure de Jean, qui forme, au dessus d'un front dégarni, une couronne de rayons semblable à un soleil stylisé. En observant mieux, ces rayons sont des cônes torsadés comme des macarons, exactement comme à Rumengol, reprenant là une des caractéristiques les plus frappantes du Maître du Folgoët pour la chevelure des anges, notamment au Folgoët, sur le portail sud de Quimper ou de Saint-Herbot.
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L'un des motifs les plus singuliers, parmi l'ensemble des calvaires bretons, de celui de Plomodiern, c'est la Vierge de Pitié. En effet, le voile de Marie forme un dôme qui se prolonge à droite vers le socle de Jean et vers la gauche pour couvrir dans un englobement tendre, l'épaule du Fils. Ce voile fait corps avec la Croix comme s'il en était une expansion mystique assurant protection de sollicitude à la Mère.
Là dessous, comme sous un pavillon, la tête et le corps de la Vierge dessine un petit personnage très fin. Une main se pose maternellement sur la cuisse , l'autre sur l'épaule du Crucifié.
Celui-ci, étendu sur le socle en demi-sphère, ne montre pas clairement ses plaies. Mais, point remarquable, ses cheveux forme une longue tresse, mais pas exactement une couronne d'épines, en reprenant le style du sculpteur du Folgoët avec ses mèches torsadées.
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II. LA FACE SECONDAIRE : LE CHRIST DU JUGEMENT.
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C'est une très belle figure, qui confère au calvaire toute sa valeur. Valeur thématique, nous l'avons vu, puisque ce Christ du Jugement vêtu du manteau glorieux et exposant les plaies de ses mains, de ses pieds et de son flanc en témoignage de sa victoire sur la Mort ne se retrouve pas ailleurs sauf à Argol et Châteaulin.
Valeur esthétique puisque l'équilibre de la composition de sa station assise sur l'Arc-en-ciel (sa Parousie est un évènement cosmique) et les pieds sur la demi-sphère du Monde est parfaitement réussi.
"Au revers, le Christ du Jugement Dernier est assis en majesté sur un arc-en-ciel. Il est drapé d'un manteau fermé sous le cou, les plis formant tablier sur le devant : il laisse à découvert son ventre rond au nombril creux. Il lève les bras, les coudes collés au corps, montrant ses plaies. Son visage est carré, aux traits nets et francs, le nez droit, les yeux ourlés de doubles paupières. Les lèvres sont entrouvertes. Les cheveux sont méchés et ondulés, séparés en deux au milieu du crâne. Les grandes oreilles à l'anthélix très large ressemblent elles aussi à celles que réalisent ordinairement le maître du Folgoët. Le cou épais et les lèvres fines sont semblables à ceux de la Vierge à l'Enfant du calvaire de Rumengol. Ici aussi, l'œuvre parait inachevé. Le cou n'est pas complètement dégagé de sa gangue de pierre." (E. Le Seac'h p. 94)
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On remarque un trou, sur le socle, où un accessoire (orbe terrestre ?) devait être fixé.
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Comparaison avec le Christ du Jugement de Châteaulin :
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SOURCES ET LIENS.
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—CASTEL (Yves-Pascal), 1980, Atlas des croix et calvaires du Finistère.
https://societe-archeologique.du-finistere.org/croix/plomodiern.html
1606. Plomodiern, église no 1, g. k. 4,50 m. XVè s. Deux degrés. Socle octogonal. Fût rond, petites griffes en haut. Croix monolithe à branches rondes, fleurons carrés, dais, crucifix, Jean, la Vierge, Pietà sous les pieds du crucifix, Christ du Jugement. [YPC 1980]
—COUFFON (Renné), LE BARS (Alfred), 1988, notice sur Plomodiern, Nouveau répertoire des églises et chapelles du diocèse de Quimper
https://www.diocese-quimper.fr/wp-content/uploads/2021/01/PLOMODIE.pdf
"Au chevet de l'église, croix monolithe, kersanton : Vierge et saint Jean, Pietà sous le Crucifix"
—DILASSER (Maurice), 1979, Locronan et sa région.
— LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne. Les ateliers du XVe au XVIe siècle. Presses Universitaires de Rennes.
— THOMAS (Jean), 1966, Plomodiern en Porzay (Quimper)
https://bibliotheque.diocese-quimper.fr/files/original/e663f926be69f768695d88ad4add5213.pdf
". Près de l'église paroissiale, la croix qui rappelle l'ancien cimetière, est remarquable par la finesse du travail. Au haut d'un long fût elle présente un dais de couronnement comme celle de Kroaz Paol en Lampaul-Guimiliau. En avant le Christ en croix entre Saint Jean et une sainte femme ; à ses pieds une Pieta. En arrière un Ecce homo. Cette croix est du début du 19' siècle."
2. Au milieu du cimetière, la grande croix qui domine les tombes est du modèle ordinaire des ateliers de Landerneau il y a 70 ans. On y lit : 1875, Celton recteur, Balcon Maire, S. Colin Trésorier. Elle rappelle la bénédiction du nouveau cimetière."
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