Les sculptures sur pierre de Daoulas. V : le calvaire du Champ de Foire.
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Voir aussi :
Sculpture sur pierre de l'ancienne abbatiale de Daoulas. I. Le Porche aux Apôtres (vers 1560-1566).
- Les sculptures sur pierre de l'ancienne abbatiale de Daoulas. III. Quelques œuvres de l'église, de l'ossuaire ou de la chapelle Sainte-Anne.
- Les sablières (ou corniches) nord et les clefs pendantes de la voûte lambrissée de l'ancienne abbatiale de Daoulas : inscription de 1529, blasons armoriés et scènes animalières.
- La fontaine et l'oratoire du Musée de l'abbaye de Daoulas.
- L'intérieur de l'oratoire Notre-Dame de l'abbaye de Daoulas.
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Je veux saluer d'abord les excellents clichés réalisés par Gilbert Le Moigne en 2009 , tant sur l'Atlas que sur Flickr.
SITUATION.
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Ce calvaire est décrit dans l'Atlas des Croix et Calvaires du Finistère sous la référence Daoulas 403 n°3, Champ de Foire.
La Place du Champ de Foire est nommée Place du Calvaire sur la carte IGN, entre la rue de Bel Air, et, en contre-bas, la rue Pen ar Guer, qui va prendre le nom de Rue de l'église en remontant vers la chapelle Sainte-Anne et l'ancienne abbatiale Notre-Dame. Le Pen ar Guer et la rue de l'église étaient au Moyen-âge l'axe principal de communication de Daoulas.
Le quartier de Penanguer ou Pen ar Guer ("le bout du village") est superbement décrit par Jean-Luc Deuffic, qui y est né.
La fonction "remonter le temps" du portail IGN permet de replacer son emplacement sur la carte de Cassini, et de constater qu'il surplombe l'endroit où la rivière de Lesuzan venant du nord, et de Dirinon, rejoint la Mignonne pour former la Rivière de Daoulas. Ce qui ne manque pas de m'émouvoir puisque j'ai exploré ce ruisseau, sur les terres des seigneurs de Lezuzan, (et notamment de Guy Maufuric de Lesuzan, abbé de Daoulas) lorsque j'a voulu découvrir la Fontaine Sainte-Nonne et la Fontaine Saint-Divy.
La Place se situe au croisement de la rue Pen ar Guer avec la Venelle Saint-Nicolas, qui descend vers le sud-est et témoigne de l'existence passée d'une chapelle Saint-Nicolas attestée depuis le XV ou XVI e siècle. Si on s' engage dans cette venelle, on a la surprise de découvrir la Fontaine Saint-Nicolas, avec la statue en kersanton du saint.
Le nom de Champ de Foire figure sur le plan cadastral de 1825. Trois foires annuels — dont les droits étaient perçus par les seigneurs de Tréanna, sénéchaux de Daoulas de 1420 à 1696 — se tenaient depuis longtemps à Daoulas, comme celle de Saint-Nicolas, le 6 décembre. Mais ce nom de "Champ-de-Foire" a succédé au nom breton de Marc'hallac'h (Marhalla), toponyme qu'on retrouve à Lannion, ou à Morlaix et dont le nom issu de marc'had + lec'h signifie "Place du marché" (marchadour = marchand ; marc'had = marché).
(Je pense aussi à Monseigneur du Marhallac'h, d'une famille issu du hameau éponyme en Plonéis, et qui est représenté sur un vitrail du Couronnement au Folgoët)
Dans la rue de l'église se succèdent les maisons à lucarnes du XVIIe siècle comme l'Hostellerie de l'Abbaye, avec sa "chambre de l'évêque", la "maison de Jérusalem" et la "maison des pauvres". Voir l'une des crossettes que j'ai décrite ici.
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DESCRIPTION.
Ce calvaire de 6 mètres de haut est en kersanton, une pierre remarquable pour son aptitude à la taille, et qui est extraite localement. Un socle à deux étages est posé sur deux degrés, et supporte le fût à pans. On y lit l'inscription "M. CLAVDE LANCHEC".
Il a perdu son orientation initiale, où le Crucifié fait face à l'ouest, reliant l'occident et le coucher du soleil avec la mort du Christ. Il est orienté aujourd'hui selon l'axe de la Place, vers le sud-ouest.
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LA FACE PRINCIPALE : LE CRUCIFIÉ, LA VIERGE ET SAINT JEAN.
Le regard se porte vers le croisillon à culots feuillagés portant la Vierge et saint Jean, constate que l'écu carré est muet, avant de tenter de lire l'inscription. L'abbé Yves-Pascal Castel y a relevé 1590 (?) REDE / 1585.
Je lis effectivement sur la branche gauche REDE et sur la branche droite 1585. Cette date place cette réalisation après la période d'activité des frères Prigent (1527-1577), avant celle de Roland Doré, qui débute en 1618, et pendant celle du Maître de Plougastel (1570-1621). Mais ce calvaire n'a pas été attribué à ce dernier dans le catalogue dressé par E. Le Seac'h 2014.
Au dessus de l'écu, deux anges au calice recueillent le sang au pied de la croix.
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Le Crucifié.
La croix est à branches rondes aux extrémités à fleurons godronnés. Sous le titulus INRI, le Christ crucifié, bras en V, est vêtu d'un pagne croisé au centre, sous un abdomen très creusé, avec un dos très cambré qui s'écarte fortement de la croix. Le visage à la barbe courte et en pointe, peignée verticalement, est penché sur la droite. Les yeux sont clos, bien sûr. les cheveux tombent en deux mèches sur le devant du torse. La couronne est une torsade régulière.
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La Vierge.
Les statues de la Vierge et de saint Jean sont géminées, couplées respectivement sur la face opposée avec celles de Marie-Madeleine et de saint Pierre.
Marie est recouverte d'un voile-manteau ; elle a les bras croisés, et ses grands yeux ouverts expriment le désarroi.
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Saint Jean.
L'évangéliste tient un livre dans la main gauche alors qu'il porte le bras droit vers sa gorge et qu'il tourne le regard et la tête vers le visage du Christ.
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LA VIERGE DE PITIÉ ENTRE SAINT PIERRE ET SAINTE MARIE-MADELEINE.
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Saint Pierre tenant sa clef.
Le chef de l'Église est barbu, tient un livre et a les pieds nus, comme tous les apôtres. Il tient une grande clef, dont la poignée formant un cœur est assez semblable à celle du saint Pierre des jardins de l'Abbaye. Son autre attribut est la calvitie.
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La Pietà.
Le bras droit du Christ tombe verticalement, montrant la plaie de la main droite et témoignant de la passivité du corps sans vie. Le bras gauche est horizontal, au contraire, et il est soutenu par Marie, qui retient aussi la nuque. Le corps du Christ suit le tracé de quatre lignes brisées successives, qui dramatisent la scène, sous l'effet des deux points d'appui, le genou droit placé sous l'aisselle et le genou gauche abaissé sous le bassin. Ces deux positions des genoux, parfaitement traditionnelles dans les pietà, permettent un jeu de drapé qui contraste par son éloquence à la sobriété recueillie du buste et de la tête de la Mère, les yeux clos.
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Sainte Marie-Madeleine tenant le flacon d'aromates.
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