L'intérieur de l'oratoire Notre-Dame de l'abbaye de Daoulas.
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Suite de :
Voir aussi :
Sculpture sur pierre de l'ancienne abbatiale de Daoulas. I. Le Porche aux Apôtres (vers 1560-1566).
- Les sculptures sur pierre de l'ancienne abbatiale de Daoulas. III. Quelques œuvres de l'église, de l'ossuaire ou de la chapelle Sainte-Anne.
- Les sablières (ou corniches) nord et les clefs pendantes de la voûte lambrissée de l'ancienne abbatiale de Daoulas : inscription de 1529, blasons armoriés et scènes animalières.
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Mes remerciements à Marianne Dilasser et à Pierre Nédelec qui m'ont permis d'accéder à l'intérieur de l'oratoire.
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Intérieur de l'oratoire Notre-Dame, Musée de l'abbaye de Daoulas. Photographie lavieb-aile juin 2017.
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1. Le retable.
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L'autel en tombeau galbé peint en faux-marbre bleu est encadré par les statues de la Vierge à l'Enfant et de Jean-Baptiste. Une peinture de la Vierge dans les cieux ouvrant les bras vers les fidèles, est surmonté du monogramme AM (AVE MARIA).
"A l'intérieur, aux deux côtés de l'autel, sont les statues de la Vierge-Mère et de saint Jean-Baptiste. Sur une paroi latérale est une jolie Vierge gothique, tenant sur ses genoux l'Enfant Jésus drapé. De l'autre côté on voit, en bas-relief, une petite sainte Anne couchée dans un lit à panneaux gothiques, provenant certainement d'un groupe de la Nativité de la sainte Vierge. Puis un petit saint Théleau en chape, mitre et crosse, à cheval sur un cerf. Presque en face est un tableau de saint Nicolas, à genoux devant la sainte Vierge, saint Joseph et l'Enfant Jésus ; à ses pieds il a les trois petits enfants qu'il vient de ressusciter. Les sablières, ou corniches sculptées sont couvertes de feuillages, griffons, masques, dans le style de la Renaissance et portent un blason avec les armes et la crosse d'un abbé" (Peyron et Abgrall, 1907)
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Ce retable porte l'inscription suivante :
Mr LE MOVLIN P[R]ETRE 1738
CE RETABLE A ESTE FAIT . FAIRE. PAR . TESTAMENT . DE. MR . DE
VILLENEUVE LE GVERMEVR ORIGINERE DE DAOVLAS . ET
MORT A LANDERNEAV . LE 4 DOCTOBRE . 1727 .
FAIT / PAINDR / ET DORE / DES DENIERS / DE LA FABRIQUE / PAR LE S - / DE IETAIG VY / FABRICQVE . 1738.
Jean-René DU MOULIN fut vicaire perpétuel de Daoulas de 1723 à 1752.
Jean-Luc Deuffic a retrouvé l'acte de décès à Landerneau le 4 octobre 1727 du "noble homme Germain Gabriel du Guermeur", qui était né le 20 mars 1698 à Daoulas.
"Il était fils de Tanguy Le Germeur, un marchand de la ville, "sindic perpétuel", décédé le 15 octobre 1710, et d'Urbanne Mauricette Du Moulin, fille du sr de Pennanguer (Daoulas), morte à Saint-Julien de Landerneau le 15 juin 1739, alors veuve de Jean Hacbec.
Son parrain fut Germain de La Fontaine, le sénéchal de la châtellenie, et sa marraine Catherine Gabrielle Le Par, membre d'une famille de gros marchands daoulasiens." (Jean-Luc Deuffic)
On remarque la similitude entre le nom du prêtre Jean-René Du Moulin, et celui de la mère de Germain Le Guermeur, Mauricette Du Moulin.
Comment expliquer la mention du nom DE VILLENEUVE ? Les généalogistes mentionnent Joseph de MARIGO, Sieur de Guermeur, né à Saint-Nic en 1681, fils de Claude MARIGO, sieur du Guermeur, sieur de Villeneuve, et qui avait épousé à Landerneau en 1736 Marie-Gillette MARIN, et auparavant (1709) Marie-René de GUERNISAC.
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2. L'inscription de restauration 1847 et 1885.
Un médaillon de faux-marbre soutenu par trois chérubins bien portants contient cette inscription :
RESTAURÉE EN 1847 PAR LES SOINS DE MR CHles LABBÉ OFFICIER GÉNAL D'ARTILLERIE .
J'ignore tout de ce général Charles Labbé.
Et on y a peint en dessous, sur fond bleu-cile frappé d'hermines, cette précision :
RESTAURÉE DE NOUVEAU EN 1885 AU MOYEN DE DONS PARTICULIERS.
Merci à vous, les généreux aïeux !
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L'inscription de restauration 1847 et 1885, oratoire Notre-Dame, Musée de l'abbaye de Daoulas. Photographie lavieb-aile juin 2017.
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3. Les armoiries et le buste de Jean LE PRÉDOUR, abbé de Daoulas de 1550 à 1573.
Le blason porte les armoiries de la famille Le Prédour, surmonté d'une crosse abbatiale.
Le Nobiliaire de Pol de Courcy indique :
"PRÉDOUR (LE), sr de la Ville-Ynizan, par. de Plourhan.
Réf. et montres de 1423 à 1469, par. de Plourhan et Lantic, év. de Saint-Brieuc et Lanvollon, év. de Dol.
De gueules au chevron d'argent, accomp. de trois étoiles de même.
Jean, abbé de Daoulas en 1552, 1573."
Est-ce lui qui a commandité cet oratoire, comme il a ordonné la construction du porche aux Apôtres de l'ancienne abbatiale de Daoulas en 1560 ou 1566? Cela semble vraisemblable.
Armoiries de l'abbé Jean Le Prédour, oratoire Notre-Dame, Musée de l'abbaye de Daoulas. Photographie lavieb-aile juin 2017.
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Le buste de l'abbé Jean Le Prédour .
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Buste de l'abbé Jean Le Prédour, oratoire Notre-Dame, Musée de l'abbaye de Daoulas. Photographie lavieb-aile juin 2017.
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4. La statuette de saint Théleau sur son cerf. Bois polychrome, XIIIe siècle (?) Restauration très récente.
Le saint gallois du Ve siècle vénéré à Locronan et Plogonnec chevauche le cerf dont la course, en une nuit, devait délimiter le terrain de son futur monastère.
.Le saint porte l'habit, la mitre et la crosse d'un évêque. Est-il représenté comme abbé de Dol-de-Bretagne, comme abbé de Llandeilo-Fawr (comté de Carmarthenshire, Pays de Galle) ou comme évêque de llandaf, aujourd'hui faubourg de Cardiff ?
La dernière fois que je l'ai rencontré, c'était sur les vitraux de l'église de Plogonnec.
"Théleau est né dans le pays de Galles. Son père s'appelle Ensic et sa mère s'appelle Guenhaff. Théleau vient au monde vers l'année 485 (dans la partie méridionale de la Grande-Bretagne, près de la ville de Monmouth). Comme la peste désolait son pays, il se réfugia auprès de saint Samson, à Dol. Il devient si proche de saint Samson que celui-ci lui confie la gestion de son monastère de Dol-de-Bretagne pendant ses absences fréquentes et prolongées. Il serait resté 7 ans en Bretagne.
De retour en Cambrie, il fonde le monastère de Llandeilo-Fawr dans le Dyfed et aurait occupé le siège épiscopal de Llandaf, succédant à saint Dubrice. Il est mort vers 560 dans son monastère de Llandeilo." (Wikipédia) https://fr.wikipedia.org/wiki/Saint_Th%C3%A9leau
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Saint Théleau chevauchant son cerf, oratoire Notre-Dame, Musée de l'abbaye de Daoulas. Photographie lavieb-aile juin 2017.
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Saint Théleau chevauchant son cerf, oratoire Notre-Dame, Musée de l'abbaye de Daoulas. Photographie lavieb-aile juin 2017.
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5. La Vierge à l'Enfant. Restauration très récente.
Cette Vierge gothique est remarquable. Elle tient une pomme (comme la Vierge de la fontaine), alors que l'enfant tient un oiseau (une colombe). Ses cheveux blonds sont recouverts par un voile maintenu par un bandeau, et ce voile tombe sur un manteau bleu à revers rouge. La jambe gauche est posée sur un rocher vert qui la surélève, et, ainsi, le petit garçon est assis plus commodément sur la cuisse de sa maman . Le pan gauche du manteau dégringole en plis et replis au dessus de la chaussure noire.
La robe blanche au décolleté rond et sage ourlé d'or est resserré à la taille par une fine ceinture dorée.
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Vierge à l'Enfant, oratoire Notre-Dame, Musée de l'abbaye de Daoulas. Photographie lavieb-aile juin 2017.
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Vierge à l'Enfant, oratoire Notre-Dame, Musée de l'abbaye de Daoulas. Photographie lavieb-aile juin 2017.
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6. Les têtes sculptées.
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Un masque végétal à l'extrémité d'un blochet.
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Tête sculptée, bois, oratoire Notre-Dame, Musée de l'abbaye de Daoulas. Photographie lavieb-aile juin 2017.
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Tête de saint (Jean-Baptiste ?) ou de Christ, blochet, bois.
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Tête sculptée, bois, oratoire Notre-Dame, Musée de l'abbaye de Daoulas. Photographie lavieb-aile juin 2017.
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7. Les "sablières".
(terme entré dans les usages pour désigner les corniches placé devant les sablières).
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Premier exemple : succesivement :
- un masque de profil tenant une tige dans la bouche
- un motif végétal serpentiforme (ou inversement)
- un pot à feu
- un motif chimérique associant des feuillages, légumes ou fruits avec une queue de serpent.
- un masque de face, à rubans en boucles d'oreille et palmettes
- deux "dragons" affrontés à gueule de dauphins.
- un masque de profil, dont la bouche libère une trompe.
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Un "masque à palmettes" ?
Sophie Duhem (1998, p. 71, p. 183 et doc.33 p.355) a baptisé masques à palmettes "les mascarons attifés de couronnes décoratives, formant deux masses drapées sur les oreilles", et en répertorie une quarantaine d'exemples principalement localisés dans le Léon et en Haute-Cornouaille, sans doute par importation de modèles renaissants par voie maritime dans le cadre des relations de commerce avec l'Europe du Nord. Parmi la liste qu'elle donne, on trouve l'oratoire de Daoulas. Les autres exemples sont les sablières des églises de Le Tréhou, Pencran, Saint-Thomas de Landerneau, Bodilis, Dirinon, Guimiliau, Huelgoat, Lannedern, Treflenevez, des chapelles de Berven en Plouzévédé, N.D. des Cieux à Huelgoat, Lannelec à Pleyben, de l'ossuaire de Pencran et de Sizun, ou encore dans les Côtes d'Armor de Treffin et de la chapelle du cimetière de Plougras. Elle remarque que toutes ces sablières ont été réalisées après 1550.
L'illustration qu'elle donne page 183 (N.D. de Lannelec à Pleyben) me permet de reconnaître cette figure souvent vue et que je compare à un indien sioux avec sa coiffure de plumes radiantes (les "palmettes"). Cette coiffure est complétée en miroir par un collier de cinq ou six palmes radiantes, et par de longues boucles de rubans en parure d'oreilles.
Les sablières de l'oratoire possèdent peut-être ce motif complet (coiffe + rubans d'oreilles + collier), mais je n'ai photographié que cet exemple, dépourvu de coiffe. La datation par S. Duhem de ce motif ornemental (après 1550) associée à d'autres éléments du vocabulaire Renaissance (cuir, volutes, mascarons animaux végétalisés) est cohérente avec l'attribution du décor à la commande de l'abbé Le Prédour. Cela permet aussi, si cela était nécessaire, d'intégrer le décor de l'oratoire au sein d'un corpus ornemental du Léon et de Haute-Cornouaille.
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Un masque de face, aux tempes végétalisées, tenant dans la bouche les tiges de deux feuillages.
Sur la frise : volutes liées.
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Feuillage se terminant en tête animale (cheval). À droite, un cuir découpé issu du vocabulaire de la Seconde Renaissance inspiré de l'École de Fontainebleau. La découpe est très simple, sans enroulement, en bande "cloutée".
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suite : le cuir découpé, le cheval à corps végétalisé, des feuillages, un végétal à tête d'oie.
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Une coquille.
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SOURCES ET LIENS.
— ABGRALL (Chanoine Jean-Marie) et PEYRON (Chanoine Paul), 1907, “Daoulas,” Collections numérisées – Diocèse de Quimper et Léon, consulté le 5 juin 2017, http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/items/show/328.
http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/1f623d8ab53c290b419d50f8f5da88aa.pdf
https://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/bdha/bdha1913.pdf
https://archive.org/stream/bulletindiocsai00arcgoog#page/n118/mode/2up
— CASTEL (Yves-Pascal) 11 août 1979 Mieux connaître l'abbaye de Daoulas
http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/5706ec4151340cdb93120029fde046d9.jpg
— COURCY (Pol de), 1867, Bretagne contemporaine, Finistère, p. 96, Nantes, Charpentier, in-f°, 1867
— COUFFON (René), 1988, Notice extraite de : Diocèse de Quimper et Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles, par René Couffon, Alfred Le Bars, Quimper, Association diocésaine, 1988.
http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/b7a5a075dd70315bdc8d13759ebc81e4.pdf
— DEUFFIC (Jean-Luc), « Les documents nécrologiques de l’abbaye Notre-Dame de Daoulas », dans Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. 106, 1978, p. 83-102 ; 107, 1979, p. 103-148.
— DEUFFIC (Jean-Luc), site facebook Notre-Dame de Daoulas une abbaye entre Léon et Cornouaille
http://daoulas.blogspot.fr/2014/12/oratoire-notre-dame-des-fontaines-un.html
— DEUFFIC (Jean-Luc) Daoulas entre Léon et Cornouaille
http://daoulas.blogspot.fr/
—DEUFFIC (Jean-Luc) 2011, Enquête sur les sénéchaux féodés de Daoulas (1535-1536), Bulletin de la Société Archéologique du Finistère pages 307-333.
— DUHEM (Sophie), 1997, Les sablières sculptées en Bretagne: images, ouvriers du bois et culture paroissiale au temps de la prospérité bretonne, XVe-XVIIe s. ... Sophie Duhem ; préf. d'Alain Croix. Vue : ... Publication, Rennes :Presses universitaires de Rennes, 1997 : thèse de doctorat en histoire sous la direction d'Alain Croix soutenue à Rennes2 en 1997.
— LÉCUREUX (Lucien), 1919, église abbatiale de Daoulas, Congrès archéologique de France page 20
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k35688p/f53.vertical
— LEON (Anne), 1995, Etude documentaire, in Michel Baillieu, Les Fouilles de l'abbaye de Daoulas, DRAC Bretagne RAPO1289
http://bibliotheque.numerique.sra-bretagne.fr/pdf/fichiers/958389ee9e1c8cab5618a25606fa814b/958389ee9e1c8cab5618a25606fa814b.html?search=
— LEVOT (P.), 1876, "Daoulas et son abbaye", Brest sur Google book
— PEYRON (P.), "L'abbaye de Daoulas d'après les mémoires de dom Louis Pinson", dans B.S.A.F., 1897, p.49-50.
— PINSON (Chanoine Louis), 1696, Histoire de l'abbaye de Daoulas, par un chanoine de cet abbaye, manuscrit recopié au début du XIXe siècle et publié par PEYRON (Chanoine P. ) 1897,"L'abbaye de Daoulas d'après les mémoires de dom Louis Pinson", Bulletin de la Société archéologique du Finistère pages 49-70, 197-231, 241-256 319-350 et 425-440.
— http://site.erin.free.fr/Bretagne/Finistere/Daoulas.htm#PorcheApotres
— http://www.infobretagne.com/abbaye_de_daoulas.htm