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21 novembre 2021 7 21 /11 /novembre /2021 10:52

 

Zoonymie des Odonates : "Observations anatomiques sur cette sorte d' insectes qui s'appellent ordinairement Demoiselles" , par  Guillaume Homberg en 1699. Mémoire de l'Académie Royale des Sciences de Paris

Voir :

Zoonymie des Odonates : le nom "Demoiselle" (1682)

 

PRÉSENTATION.

En 1699, Guillaume Homberg livre à l'Académie des Sciences un mémoire décrivant l'accouplement de ce qui sera désigné sous le nom de Calopteryx splendens, mais qu'il désigne comme une des différentes espèces de "Demoiselles". C'est là, dit-il, l'appellation ordinaire (vernaculaire) de ces insectes.

Le nom est apparu dans les documents scientifiques en 1682 dans la traduction de l'Histoire générale des Insectes de Swammerdam. Il est repris dans le Dictionnaire de Furetière en 1690. Puis Réaumur le reprendra en 1738 et 21742.

Dans l'étude des noms (zoonymie) des Odonates, ce Mémoire de 1699 pose donc un jalon supplémentaire.

Dans l'histoire de l'Entomologie, il est important par la description précoce de l'accouplement des Libellules et des organes sexuels. 

La figure, qui nous permet d'identifier l'espèce examinée, est également précieuse.

J'ai donc transcris en français moderne (non sans quelque négligence sans doute) l'article mis en ligne par biodiversitylibrary.org.

 

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https://www.biodiversitylibrary.org/item/87344#page/315/mode/1up

OBSERVATIONS SUR CETTE SORTE D' INSECTES QUI S'APELLENT ORDINAIREMENT
DEMOISELLES. Par M. Homberg.



"Je ne donnerai pas ici une description entière de tout l'animal , la figure ci jointe pouvant suffire pour le distinguer d'avec les autre Insectes. J'en décrirai seulement les parties qui ont principalement du rapport à mon observation & comme il y a différentes espèces de Demoiselles ,tant pour la grandeur & pour la couleur , que pour la structure du corps , il fera bon de spécifier d'abord celles dont je parle ici ; car je n'ai pu faire mon observation que sur une seule espèce.

Les mâles & les femelles y sont d'une même grandeur ont de vingt lignes environ de long ; le corps de l'un & de l'autre est également grêle ; excepté que le bout de la queue, ou l'extrémité du ventre de la femelle b, est plus gros que n'est celui du mâle a. L'un & l'autre sont d'une grande vivacité , & se tiennent ordinairement sur les bords des rivières.
Les mâles sont de couleur violette luisante par tout leur corps : leurs quatre ailes sont transparentes , un peu dorées, avec une grande tache presqu'au milieu de chaque aile du même violet que leurs corps j ce qui rend cet endroit des ailes opaque. "Voyez fig. e.

Les femelles sont par tout leur corps d'un gris doré luisant , tirant sur le vert. Leurs quatre ailes sont transparentes , de la même couleur & sans tache. Voyez fig. f.

Lorsqu'elles sont en repos, ou qu'elles ne volent point leurs quatre aîles s'approchent & se tiennent si prés les unes des autres , qu'elles ne paraissent qu'une seule aîle, au lieu que plusieurs autres espèces de Demoiselles tiennent toujours leurs aîles étendues, aussi bien pendant leur repos, que lorsqu'elles volent.
La tête de cet animal, qui est fort grosse en comparaison de son corps, ne tient à sa poitrine que par un filet fort menu. Son ventre à savoir cette partie qui règne depuis l'endroit sur lequel sont plantées ses ailes jusqu'à l'autre extrémité , est divisé en dix articles , dont le mouvement n'est que du haut en bas & du bas en haut , & non pas d'un côté à l'autre.

L'endroit sur lequel sont plantées ses aîles, je l'appellerai sa poitrine. Il a ses poumons environ au milieu de son ventre vers ce qui paraît en ce que cette partie s'enfle un peu & s'affaisse continuellement par de petits intervalles , comme sont ordinairement ceux de la respiration.
L'extrémité du ventre du mâle a , ou le dixième article de son ventre , est un anneau simple qui fait son anus ; il est garni de quatre crochets , deux plus gros en dessus de la longueur environ d'une ligne, & deux plus petits en dessous, qu'il peut ouvrir & fermer , comme les Ecrevisses font leurs pattes. Voyez fig. a.

L'extrémité du ventre de la femelle b. paraît consister en deux tuyaux placés l'un au dessous de l'autre. (voyez fig) Celui de dessus est l'anus par où elle rend ses excréments, & il est placé comme celui des mâles 5 l'autre qui est au dessus , est sa partie féminine , ou l'entrée à la matrice. Ce dernier ci est environ d'une ligne de long, & prend son origine dans la partie basse du huitième article du ventre. Ces deux tuyaux sont garnis au bout chacun de deux fort petites pointes; au lieu que l'anus du mâle est garni de quatre crochets. Ces deux bouts de tuyau placés l'un au dessus de l'autre , font que l'extrémité du ventre de la femelle est plus grosse, & ne se termine pas tant en pointe qu'au mâle.

Jai vu faire une action à ces animaux qui m'a paru fort extraordinaire , & qui ma donné la curiosité de les examiner avec attention ; c'est que le mâle trouvant la femelle assise sur quelque feuille ou branche sur le bord de l'eau, il la prit en volant avec les crochets de son anus par le col entre la tête & la poitrine, & emporta ainsi la femelle pendue par la tête au bout de sa queue.
Je crus d'abord , que c'étaient deux différentes espèces d'animaux qui se chassaient; mais comme je ne vis aucune résistance de l'une pour empêcher son enlèvement au contraire que l'une se présentait & paraissait attendre l'autre pour être plus commodément emportée , j'en jugeai autrement.



En les suivant , je vis que le mâle s'assit non loin de là sur une feuille de jonc , & en même temps il haussa sa queue avec laquelle il tenait la femelle par le col, pour la mettre sur la même feuille où il était. La femelle étant ainsi assise derrière le mâle, elle courba son ventre, qu'elle fit passer entre ses jambes , & avec le bout de son ventre, elle porta ses parties contre la poitrine du mâle , qui a ses parties génitales en cet endroit : (voyez la figure) le mâle soutenant pendant toute cette action la tête de la femelle avec le bout de sa queue. aux mâles dans la troisième jointure , & se continue jusques
à l'anus. Le premier article de son ventre , qui tient à la poitrine , n'est qu'un anneau rond & fort étroit , de la largeur environ d'une grosse épingle ; & il ne parait pas avoir d'autre usage que de donner un mouvement plus libre & plus grand au reste du ventre.



Le second article au mâles c. est de la longueur de deux lignes , creusé fort avant en dessous , qui fait une espèce de cul-de sac dont les bords sont garnis de poil , & dont le fond est vers la poitrine. Voyez fig. c.


Du fond de ce cul-de-sac sort un petit corps dur & noir de la grosseur d'une soie de porc, de la longueur de deux lignes avec une petite perle au bout , laquelle est dure et fort blanche. Ce petit corps paraît être implanté dans la poitrine du mâle , & faire la fonction de la verge. Elle est couchée en long dans ce cul-de-sac ; en sorte que la petite perle blanche est toujours visible ; lorsqu'on presse un bout de plume dans ce cul- de fac, la verge en fort d'elle-même de la longueur environ d'une ligne; ce qui arrive aussi quand on presse son anus. J'ai coupé transversalement la poitrine du mâle avec des ciseaux au-dessus des aîles, il s'est trouvé dans la partie charnue du dedans de la poitrine un creux en cône , dont la base était vers la tête de l'animal , & dont la pointe aboutissait intérieurement à la racine de la verge ; j'ai poussé un petit stylet dans la pointe de ce cône creux , ce qui a fait sortir la verge du cul-de-sac de toute sa longueur.


J'ai ouvert la poitrine à plusieurs mâles pour y examiner ce creux , mais je ne l'ai trouvé qu'en deux seulement tous les autres avaient la poitrine pleine. L'un de ces deux servait immédiatement de l'accouplement lorsque je l'ai pris ; & l'autre je l'ai pris au hasard. Cette différence m'a fait penser, que ce creux pourrait bien être le réservoir de la semence de cet animal , lequel étant nouvellement vidé , sa cavité a été encore sensible mais avant l'accouplement , cet endroit étant plein , ou quelque temps après, l'accouplement , les parois de ce vaisseau , étant affaissés il n'en a paru aucun vestige sensible.

Le cul-de-sac qui fait la loge de la verge , n'est qu'une continuation de la gouttière qui règne le long de presque tout le ventre en dessous , avec la différence que dans cet endroit , la gouttière est plus profonde & plus large que dans tout le reste de son étendue , & qu' elle y est garnie de poils, au lieu que tout le reste est fans poils.



La partie de dessous du ventre des femelles est plissée pareillement en gouttière. Cette gouttière commence aux femelles dans le fécond article de son ventre, qui n'est point garni de poils comme aux mâles. Voir la fig. d. & continue pendant six articles de suite.

Les deux pénultièmes articles de la femelle portent en dessous ses parties génitales externes. Voyez fig.. h. Elles sont figurées de cette manière : Le neuvième article en dessous a une ouverture garnie de chaque côté d'un petit aîleron gris blanchâtre. Ces deux ailerons couvrent cette ouverture , & ont un mouvement pour s'ouvrir & pour se fermer, & lorsqu'ils font fermés, ils paraissent former un petit tuyau. Voir la fig. i.

A la racine du huitième article s'élève une bosse jusques à la racine du neuvième article. Sur l'extrémité de cette bosse sont plantées deux petites cornes crochues , noires , fort dures , un peu plus longues qu'une ligne , figurées à peu près comme les défenses de la vipère, mais un peu plus courbées, dont les pointes font tournées vers l'anus. Elles sont articulées , & ont un mouvement de tout sens elles sont ordinairement couchées sous les ailerons que je viens de décrire , & en sont entièrement cachées ; elles sont couchées si proches l'une de l'autre, qu'elle ne paraissent qu'un seul crochet.


Je crois que ces deux petites cornes peuvent avoir les deux usages suivants. Premièrement, comme elles sont couchées entre les deux ailerons qui couvrent les parties féminines , & qu'elles ont un mouvement en tout sens , elles peuvent en s'écartant l'une de l'autre, ouvrir les deux ailerons , & par la découvrir l'ouverture de ces parties, Le second usage peut être de diriger les parties de la femelle dans l'accouplement, vers les parties du mâle, & cela de cette manière.

Nous avons vu que les parties du mâle font fort proche de sa poitrine, c'est à dire, dans le second article de son ventre en c. au lieu que celles de la femelle sont placées à l'autre extrémité du ventre b , en sorte que dans l'accouplement la femelle est obligée de recourber son ventre, de le plier entre ses jambes & dessous sa poitrine , pour pouvoir atteindre les parties du mâle , comme il se voit dans la figure c, ce qui est une posture fort gênante, dans laquelle elle pourrait souvent manquer les parties du mâle , fans le secours de ces, deux cornes; mais lorsque ces cornes s'élèvent de dessous les ailerons, elles présentent leur convexité à la gouttière qui occupe tout le dessous du ventre du mâle . dans laquelle elles s'engagent fort aisément ; & après être entré dans cette gouttière, elles servent de conducteur infaillible aux parties de la femelle, pour arriver sûrement à celles du mâle.

J'ai enfermé plusieurs de ces femelles, pour voir, si elles produiraient des œufs ; mais comme elles avaient besoin de nourriture, qu'elles ne voulaient pas prendre dans leur prison , elles sont toutes mortes, en sorte que je n'ai pas pu étendre mon observation plus loin.

Je n'en ai ouvert aucune qui ait eu des œufs, ce qui me fait croire, que les femelles se cachent peu de temps après l'accouplement pour faire leurs œufs, qu'elles périssent ensuite. Il faut aussi que les mâles périssent bientôt après l'accouplement ce que j'ai conjecturé en ce que j'ai trouvé en différent s endroits quantité d'ailes de mâles , qui sont apparemment morts dans ces endroits là, & comme je n'ai pas trouvé de corps , il y a apparence que ces corps ont été mangés par d'autres insectes.

Je me suis aperçu, que les premiers de ces animaux que j'ai pris, environ vers le dix huit de Juillet de cette année , particulièrement les mâles, étaient plus longs & plus forts que ceux que j'ai pris quinze jours après ; que trois semaines ensuite il n'y en avait presque plus , & que ceux qui se trouvaient encore étaient fort chétifs ce qui me fait croire , que ces animaux pouvaient bien ne pas éclore tous en même temps , & que la première couvée est meilleure que la dernière."

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Biographie de Guillaume Homberg (Jakarta 1652-Paris 1715)

Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Guillaume_Homberg

Extrait :

Néerlandais, docteur en médecine à Witteberg. il s'installe sur la proposition du Roi de Suède à Stockholm. Il y travaille avec M Hierna, qui devient plus tard Premier Médecin de la cour.

En 1682 Colbert lui offre de s'installer à Paris. De famille protestante Calviniste - il sait même l'hébreu - il abjure et annonce qu'il se convertit au catholicisme. 

Pendant cinq ans, de 1685 à 1689 il part à Rome exercer comme médecin. Il ne retourne définitivement à Paris qu'en 1691. Il est élu membre de l'Académie des Sciences le 28 décembre 1697.

En 1708, à 56 ans, il épouse Marguerite-Angélique Dodart, fille d'un botaniste de l'Académie des Science et auteur des Mémoires pour servir à l'histoire des plantes, Denis Dodart, décédé l'année précédente. 

Il meurt sept ans plus tard, le 24 septembre 1715, à Paris.

En 1691 l'Abbé Bignon le fait entrer à l'Académie Royale des Sciences. Il y obtient le laboratoire de l'Académie, ce qui lui laisse une grande liberté de recherche. Il collabore avec Étienne-François Geoffroy et Louis Lémery.

N.B : Etienne-François Geoffroy est le père d'Etienne-Louis Geoffroy, médecin  auteur de l'Histoire des insectes, 1762. (la notice Wikipedia en fait un pharmacien, et cette erreur n'est toujours pas corrigé depuis 2014.

Guillaume Homberg construit ses propres microscopes.

Le duc d'Orléans en fait son protégé en 1702, lui offre une pension et un merveilleux laboratoire. Homberg lui donne des cours particulier de Chimie. En 1704 il est gratifié par le Prince du titre de Premier Médecin.

https://www.academie-sciences.fr/pdf/dossiers/Fontenelle/font_pdf/p82_93_vol3592.pdf

 

 

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Published by jean-yves cordier

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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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