Les pavements (ca 1549-1550, et 1557) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé par Masséot Abaquesne : panneaux emblématiques et décor à la grotesque.
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Voir aussi sur les collections du musée national de la Renaissance d'Écouen:
Sur les vitraux provenant du château d'Écouen :
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Les vitraux en grisaille (1542-1544) de la galerie de Psyché, Musée Condé de Chantilly.
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Les vitraux héraldiques provenant du château d'Ecouen, 1541, de la Galerie Duban à Chantilly.
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Sur les grotesques et la Renaissance :
. Voir sur l'art des grotesques de la Renaissance en Bretagne par ordre chronologique :
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Les 54 stalles (vers 1530-1550) de l'ancienne collégiale de La Madeleine de Champeaux (35).
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L'église de Goulven IV : la tribune d'orgue, ancien jubé du XVIe siècle.
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La tribune (bois polychrome, XVIe siècle) ou ancien jubé de l'église d'Esquibien.
etc.
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PRÉSENTATION.
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Pourquoi se priver de citer les bons auteurs ? Il s'agit après tout d'un réel travail de synthèse ou, au contraire, d'approfondissement ou d'éclairage mutuel des apports de chacun, et de rassemblement de la documentation disponible. Tout le texte placé en retrait et entre guillemets est tiré de l'abondante littérature publiée, ou disponible en ligne et dont les liens sont donnés en fin d'article.
Néanmoins, ces emprunts conduisent à accepter les discordances entre telle et telle source d'information, d'autant que le sujet s'enrichit d'éclairages très récents (Bugini, 2019).
Mes photos (sous-titrées lavieb-aile) ont été prises lors de l'exposition Massot Abaquesne l'éclat de la faïence à la Renaissance, Musée national de la Renaissance, château d'Écouen en 2016.
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La Bâtie d'Urfé
"La Bâtie d'Urfé, dans le Forez (commune de Saint-Étienne-le-Molard, Loire, entre Lyon et Clermont-Ferrand), était la résidence favorite de Claude d'Urfé (1501-1558), bailli du Forez, chambellan de Henri II et ami d’Anne de Montmorency, il devient gouverneur des enfants du roi puis surintendant de la maison du Dauphin à son retour d’Italie où il exerça la charge d’ambassadeur du roi Henri II auprès du Saint-Siège. À la suite d'un séjour de près de cinq ans en Italie, de 1546 à 1551, il redécora son manoir du Forez dans un style nouveau en faisant ainsi un important avant-poste de la culture italienne en France."
"Gentilhomme issu d’une vieille famille du Forez, élevé avec François Ier dans le milieu lettré et humaniste de la Cour de France, il y connut Anne de Montmorency et le cardinal François de Tournon . Il est l’envoyé du roi au concile de Trente en 1546, puis aux sessions de Bologne en 1547. Il est fait chevalier de l’ordre de Saint-Michel le 29 septembre 1549. Henri II en fait son ambassadeur auprès du Saint-Siège, de 1548 à 1551."
"Ce goût pour l’art italien fut renouvelé par plusieurs séjours de Claude d’Urfé dans la Péninsule, où il fut envoyé de 1546 à 1551, d’abord comme ambassadeur de François Ier au Concile de Trente ensuite transféré à Bologne, puis comme ambassadeur d’Henri II auprès du Saint-Siège à partir de 1548"
"En effet, au sein de la vieille construction médiévale bordée de fossés, le bailli de Forez aménagea une grande loggia ainsi qu'une grotte" "Au rez-de-chaussée du corps de logis, il décida d'édifier une chapelle, précédée d'une grotte, et de faire de cet ensemble le cœur physique et sémantique de sa maison. La chapelle fut consacrée en 1557 "
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La chapelle
"La chapelle de la bâtisse était un des ensembles décoratifs les plus célèbres commandés par Claude d'Urfé. Une architecture audacieuse y servait en effet de cadre à un décor des plus originaux : voûte stuquée polychrome et or, parois décorées, dans leur partie haute, de toiles du peintre maniériste romain Gerolamo Siciolante , et, dans leur partie basse, de boiseries marquetées et sculptées de Fra Damiano da Bergamo (Metropolitan Museum of Art de New York)." "Pour la chapelle du château, il commanda une série de toiles au peintre actif à Rome, Siciolante da Sermoneta, et des panneaux de marqueterie de bois à l’un des plus illustres représentants de cette technique, Fra Damiano da Bergamo, lequel avait notamment réalisé les stalles de la cathédrale de Bologne."
Les percées étaient également décorées de magnifiques vitraux. Le sol, composé d'environ deux mille huit cents carreaux de faïence, maintenant répartis dans un grand nombre de collections publiques (Ecouen, Grenoble, Lyon, Rouen, Sèvres, notamment) et privées, avait été commandé chez Masséot Abaquesne à Rouen, selon un acte enregistré à Rouen le 22 septembre 1557, pour une valeur de cinq cent cinquante-neuf livres tournois."
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Le décor.
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Claude d'Urfé a pu s'inspirer pour sa chapelle (P. Madinier-Duée), à Bologne de la chapelle San Sebastian de la famille Vaselli de la cathédrale San Petronio (pour son décor associant un pavement émaillé, des marqueteries et des peintures), ou à Rome de la chapelle du cardinal Alborense à San Giacomo degli Spagnoli (1517), mais aussi de la Sala Regia du Vatican datant de 1534-1549 et qui forme antichambre pour la chapelle Sixtine : Claude d'Urfé a eu tout loisir d'y admirer le pavement et la voûte en berceau stuquée peinte par Perino del Vaga, lorsqu'il faisait antichambre dans ses fonctions d'ambassadeur du Saint-Siège. Cf. Elena Bugini 2019, "Dans le sillage de Perino del Vaga, les tableaux de Girolamo Siciolante pour Claude d'Urfé."
"Le décor de la chapelle a été projeté dès la 2e moitié de la décennie 1540 : on sait en effet que le gros œuvre de la chapelle est en place dès 1548 (datation par dendrochronologie du plancher situé au-dessus), et que Claude d'Urfé commanda le lambris destiné à en orner les murs, selon une disposition d'ensemble déjà arrêtée, la même année (il possédait déjà un premier tableau de marqueterie, inclus ensuite dans le lambris, daté de 1547). C'est au cours de l'ambassade dont il fut chargé auprès du Concile de Trente, en 1547-1548, à Trente puis à Bologne, que Claude d'Urfé a pu charger des artiste issus du milieu bolonais ou romain de réaliser divers éléments du décor (peintures, lambris). Le reste du décor semble au contraire dû à des ateliers français : la voûte, exécutée sur place, peut-être par des artistes débauchés du chantier de Fontainebleau, l'autel, les carreaux de pavement et les verrières, qui portent tous deux la date de 1557."
"L'ensemble du décor est centré sur le thème de l'amour divin dans lequel doit culminer l'amour terrestre (dont celui de Claude pour son épouse défunte), et dont l'expression la plus haute est le sacrifice du Christ dans l'eucharistie ; le programme rejoint ainsi les points réaffirmés par le Concile de Trente, l'unité de Dieu dans la Trinité (devise VNI : un seul Dieu, un seul amour) et sa présence dans l'eucharistie.
A partir de 1872, ce programme décoratif résultant d'une conception unique et très élaborée est cependant arraché au gros œuvre et vendu pour le compte du propriétaire, le banquier Verdolin, par l'antiquaire lyonnais Derriaz, relayé par l'antiquaire et collectionneur parisien Beurdeley. Différents collectionneurs se partagent ces dépouilles, en particulier Emile Peyre qui reconstitua partiellement (lambris, tableau d'autel, autel, fragment de pavement et peintures) la chapelle dans son hôtel du 126 avenue Malakoff à Paris. L'aspect original de l'intérieur est connu par deux tableaux du peintre turinois Giuseppe Uberti , et par un photomontage de Félix Thiollier datant des années 1880-1886. Seule la voûte échappa au démontage. Depuis 1949, la société savante de la Diana s'efforce d'obtenir le retour à la Bastie des éléments de décor dispersés, grâce aux dépôts consentis par les musées de France ou aux achats réalisés avec l'aide du Conseil général de la Loire."
https://patrimoine.auvergnerhonealpes.fr/dossier/pavement-de-la-chapelle/e7fb9dbc-e466-48fd-aa3d-4a23af083101
Le lambris est conservé au Metropolitan Museum : https://www.metmuseum.org/art/collection/search/199071
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Une remarquable reconstitution en 3D est disponible ici :
https://www.youtube.com/watch?v=KUVLCitvab8&feature=youtu.be&ab_channel=BenoitMorimont
https://www.transitions.uliege.be/cms/c_4219319/fr/transitions-realisations-en-3d
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LE PAVEMENT.
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Datation et prix.
Seul le pavement de la marche d'autel (270 carreaux) est datée de 1557 par inscription. Mais la même année, Masséot Abaquesne a donné quittance au sieur "d'Urse" de la somme de 559 livres tournois pour un nombre non précisé de carreaux, dont 12 livres pour leur livraison future. La somme restante (547 livres) correspond à un nombre très élevée de carreaux, bien supérieur à la seule marche d'autel, si on juge par le prix payé en 1564 à Marion Durant, veuve Abaquesne, de 36 livres par milliers de carreaux (4000 carreaux portant pour certains le monogramme de Claude d'Urfé CCI). Le prix payé en 1557 correspondrait donc à une commande totale de 15 000 carreaux ! Soit, pour des carreaux de 11 cm sur 11, une surface de 180 m². Le site de l'Inventaire estime à 2800 carreaux le pavement total de la chapelle.
Nous pourrions donc appliquer la date de 1557 à l'ensemble des pavements de la chapelle, et notamment aux 220 carreaux non datés .
Mais la rupture de style entre le pavement principal, reflet de la voûte, avec la stricte organisation géométrique des carrés et octogones emblématiques, et la marche d'autel de 1557, aérienne, musicale et grotesque, incite, par rapprochement avec la même rupture entre les deux pavements du château d'Ecouen (Premier pavement de la galerie de Psyché en 1542, second pavement en 1551 pour la galerie orientale), à imaginer une commande en deux temps (A. Gerbier 2019). Le pavement central relève des modèles architectoniques de Sebastiano Serlio et la marche d'autel des grotesques à l'italienne.
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L'ensemble présenté ici n'est qu'une partie du pavement complet (1350 carreaux ?), dont la moitié est localisée et est conservée in situ à La Bâtie d'Urfé, ou au Musée de la Céramique (92), ou aux musées des Beaux-Arts de Rouen, de Grenoble et de Lyon, au musée des Tissus et des Arts décoratifs de Lyon, et au musée d'Art et d'Industrie de Saint-Etienne. Voir le site de l'inventaire Général. Dans le carré situé au centre du pavement se lisait, comme sur la voûte, l'inscription D . O . M . S . (peut être pour Deo optimo maximo sempiterno).
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Claude d'Urfé, après avoir fait appel à des artistes italiens en 1548-1549, pour ses peintures et ses boiseries, choisit pour son pavement un faïencier de Rouen, Masséot Abaquesne, sans doute sur la recommandation d'Anne de Montmorency, qui avait fait réaliser par ce dernier les pavements de son château d'Écouen en 1542 et en 1551. Les deux hommes sont des proches. Le Connétable est l'oncle et le parrain d' Anne d'Urfé (1555-1621), petit-fils de Claude. Et d'ailleurs, le paiement des carreaux de La Bâtie sera effectué par le receveur des finances d'Anne de Montmorency, André Rageau, receveur des aides et tailles de la ville de Rouen. À Écouen, le pavement réunissait les devises, les armoiries et les emblèmes du propriétaire dans une succession de carrés. Ici, ce sont des octogones séparés par des losanges qui sont choisis, et les armoiries sont écartées, mais le principe est le même. On retrouve aussi les putti joufflus des bordures du premier pavement d'Écouen, les bordures d'oves et de tresses, ou les sirènes ailées du second pavement.
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Technique.
Cf. Catherine Leroy.
Les couleurs sont le bleu (oxyde de cobalt), le jaune (antimoniate de plomb) et l'orange (oxyde de cuivre) associé au vert (oxyde de cuivre) pour les végétaux. La marche d'autel montre aussi du violet (oxyde de manganèse). Les carreaux de pâte argileuse reçoivent une base blanche vitrifiée et opaque (un émail d'argile liquide, de silice et d'oxyde de plomb et d'étain), puis la peinture, et enfin une ultime couche vitrifiée transparente pour assurer une bonne résistance mécanique à l'abrasion engendré par le piétinement. L'argile rosée ou blanche, qui a séché sur une trame textile dont les carreaux gardent l'empreinte, a reçu une première cuisson "de dégourdi" au four de 800 °, puis une fois le décor appliqué, une cuisson à 950° dans un four dit "à réverbère" proche de ceux utilisés à Anvers à la même époque. Les carreaux portent à leur revers un marquage de repérage caractéristique de l'atelier. (Aurélie Gerbier)
Les motifs suivent les modèles fournis par le commanditaire en utilisant des poncifs. Certains contours sont tracés au trait bleu (ou brun). Les ombres sont diverses : contour bleu foncé ou orangé (lettres du monogramme, grains de raisins), touches plus foncées sur le feuillage, et, sur la marche d'autel qui se révèle d'une maîtrise technique supérieure, un camaïeu de gris pour le corps des génies ailés. Le relief est donné par une subtile utilisation du blanc du fond émaillé qui est préservé, comme pour les ondulations des rubans, les perles ou olives et pour les enroulements des cuirs.
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Les carreaux ont été fabriqués à Rouen, dans l'atelier de bord de Seine , puis livrés, comme le précise une quittance de 1557, pour une somme de 12 livres tournois versée à un sous-traitant pour "la façon des casses de boys et natte ou a été mys et enchassé led[ict] carreau" par un trajet terrestre et fluvial (par la Loire jusqu'à Roanne ?).
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I. Le pavement (Masséot Abaquesne, ca 1549-1550 , faïence) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé. Musée national de la Renaissance, Écouen, E.Cl 11117.
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"Cet ensemble de deux cent vingt carreaux constitue une partie du pavement de faïence qui couvrait le sol de la chapelle du château de la Bâtie d’Urfé.
Sur les carreaux, les chiffres de Claude d’Urfé et de son épouse Jeanne de Balsac alternent avec leur emblème : un autel où brûle l’agneau du sacrifice dans un triangle arborant la devise UNI. Des jeux de rubans, de grappes de fruits et de légumes encadrent les caissons octogonaux. Ce pavement s’intégrait parfaitement dans le riche décor de lambris sculptés, panneaux de marqueterie, peintures murales et vitraux en grisaille de la chapelle, réalisé par des artistes italiens. Les carreaux de pavement reproduisent assez fidèlement le motif des caissons dorés de la voûte qui semblait se refléter sur le sol de faïence.
Le pavement, ainsi disposé, menait vers la droite à l’autel de la chapelle qui présentait une marche en faïence richement décorée (actuellement conservée au musée du Louvre). "
https://museedelaceramique.fr/fr/oeuvres/carreaux-du-pavement-de-la-chapelle-de-la-bastie-d-urfe-loire
https://patrimoine.auvergnerhonealpes.fr/dossier/ensemble-du-decor-interieur-de-la-chapelle/d24b6ed0-c582-4c94-96c5-ec753d5ae298
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"Le pavement a été réalisé en 1557 (date inscrite dans un cartouche de cuirs découpés au centre du degré de l'autel). Il provient sans doute dans l'atelier du faïencier Masséot Abaquesne à Rouen : une quittance de 1557 mentionne "les pourtraits et devises que ledit Durfé lui avait baillés" pour une commande dont une partie pourrait concerner la Bastie." En 1874, l'antiquaire lyonnais Derriaz acheta le pavement ; il en vendit une partie, dont le degré d'autel, à Beurdeley (legs au musée du Louvre), et fit confectionner des " tableaux " revendus au détail (le collectionneur Emile Peyre acquit le motif central), ce qui explique la fragmentation du pavement en de très nombreuses collections.
Le sol de la chapelle était constitué de petits carreaux de pavement carrés, de 11 cm de côté, en faïence polychrome. Le degré entourant l'autel était pavé de carreaux du même type. Le nombre total de carreaux est estimé à 2800. La composition d'ensemble du sol de la chapelle reprenait en miroir le dessin de la voûte, avec des caissons octogonaux disposés autour d'un carré central. Un décor différent était réservé au degré d'autel."
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Pavement (Masséot Abaquesne, ca 1549-1550) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé. Photographie lavieb-aile Écouen 2016.
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Pavement (Masséot Abaquesne, ca 1549-1550) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé. Photographie lavieb-aile Écouen 2016.
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Médaillon octogonal à l'emblématique de Claude d'Urfé.
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Au centre de l'octogone, dans un cartouche à enroulement, l'agneau divin est offert aux flammes d'un autel sacrificiel au dessus des trois figures géométriques du carré (Terre), du cercle (Ciel) et du Triangle (Trinité et/ou delta de la Déité). La symbolique du triangle est précisée par l'inscription .V.NI.
On retrouve cet emblème sur la porte de la chapelle, sur les caissons de sa voûte, sur ses lambris, sur les reliures des ouvrages de la bibliothèque et même sur le lit à colonnes de Claude d'Urfé.
https://patrimoine.auvergnerhonealpes.fr/dossier/lit-a-colonnes-dit-de-claude-d-urfe/e52968d3-5bc0-456f-a7e7-b07bc1b82c0b
Selon N. Ducimetière, "Après la mort prématurée de sa femme en 1542, à l’âge de 26 ans, Claude d’Urfé fit porter sur nombre de ses livres le chiffre entrelacé des initiales de leur prénom, ainsi que le mot « Uni », abréviation de la devise néoplatonicienne Uni et nunc et semper ("unis maintenant et pour toujours")."
Mais loin d'être immuable, il se décline en de nombreuses variantes sur l'ensemble du décor (pavement, voûte, boiseries).
Sur les autres supports, le triangle peut contenir, au lieu du mot VNI, un autre triangle, ou un point, ou un point dans un deuxième triangle, et même une femme qui en enjambe la pointe, quand il n'est pas entouré de trois fleurs ou centré par une rose, ou traversé par un ruban tenu par deux femmes.
De même, le point encadrant ici le V (.V.NI) n'est pas retrouvé ailleurs, mais pourrait en modifier le sens (comme dans l'abréviation D.NI de Domini).
Le pourtour est, par contre, stéréotypé dans ces pavements : le cartouche s'inscrit dans une arabesque jaune à perles et fleurons puis successivement dans un cadre de perles enfilées, un cadre d'oves intercalés de dards, un cadre d'olives et de perles enfilées, et enfin un rang de rubans ondés cantonné par des fruits et légumes (raisins, pommes, grenades et artichaut ??).
Note : Sur les nervures des voutains de la voûte, les experts ont reconnu des pommes, des nèfles, des courges (?) des nèfles, des poires, des melons, des grenades (?), des cornichons, des fèves, des feuilles d'artichaut (?), du blé et des feuilles de chou.
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Pavement (Masséot Abaquesne, ca 1549-1550) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé. Photographie lavieb-aile Écouen 2016.
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L'animal du sacrifice : agneau ou bélier.
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L'animal offert aux flammes de l'autel est considéré le plus souvent comme un agneau, faisant allusion à l'agneau pascal, et, par là, au Christ et à l'Eucharistie.
Mais, au moins sur l'un des octogones où ce détail est mieux visible, cette victime offerte en sacrifice porte des cornes : il s'agit d'un bélier.
L'examen des différents caissons de la voûte permet de retrouver, et de façon indiscutable, un bélier sur le caisson n°30.
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L'animal du sacrifice : agneau pascal ou en lien avec les sacrifices des Hébreux ?
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Si l'interprétation la plus immédiate est de voir là l'agneau pascal symbole du Christ offert en expiation, et symbole par là du sacrement chrétien de l'Eucharistie, cette piste facile se heurte au fait que l'agneau pascal de la Pâque Chrétienne est représenté comme un animal égorgé, et non consumé par les flammes.
La première apparition de l'autel sacrificiel est le folio 2 du Livre d'Heures de Claude d'Urfé, datant de 1549. On y trouve déjà le triangle emblématique, la devise VNI, associée à la citation Et nunc et semper, et un agneau immolé, allongé dans les flammes.
Et nunc et semper est un abrégé de la doxologie trinitaire Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto...
Si nous savions traduire correctement le huitain en latin placé sous l'autel, cela éclaircirait sans doute la compréhension de l'emblème.
Non phoebo, non ista Ioui. (Quid vanius illis?)
Sed supremo ardet victima sacra Deo ;
Quem nos tergeminum, atque unum veneramur, Et a quo (tergeminum = "triple, trinitaire")
Ex nihilo vates omnia facta canunt.
Et quoniam non tam is tauros, caesasque bidenteis (caesas = égorgé ; bidenteis = à deux rangées de dents)
Quam puros animos, castaque corda petit,
Haec qui sacra fecit, cum puro candidus agno
Purum offert animum, castaque, corda Deo.
Ce n'est pas à Phoebus, ni à Jupiter (à quel titre pourraient-ils y prétendre ?) mais au Dieu suprême que brûle la victime sacrée. Celui que nous vénérons comme unique en trois personnes et dont les poètes chantent la création ex nihilo...non des taureaux ...que des esprits purs et au cœur chaste avec le pur et blanc agneau pour offrir à Dieu un cœur chaste et pur ???
Anecdotiquement, je remarque que le poème fait un emprunt à une élégie de Marc-Antoine Flaminio (1498-1550), écrite en 1538 avant son départ à Naples, De se proficiscente Neapolim : le vers "Ex nihilo vates omnia facta canunt".
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Enfin l'autel avec ses sphinges et ses guirlandes retenues par des têtes de bélier, est certainement la copie d'un autel antique, tel l'autel funéraire de Caius Julius Phoebus Rufioninus, aujourd'hui aux Offices de Florence mais documenté entre 1535 et 1555 dans l'église Santa Lucia a Ripa de Rome (I. Balsamo et M. Lalanne 2019).
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Ce frontispice, mais aussi cet emblème, confirme que Claude d'Urfé ne se livre pas à une défense et illustration d'un dogme trinitaire et tridentin, mais se plait à mêler en un syncrétisme savant trois traditions du sacrifice sur l'autel comme geste cultuel d'union d'un peuple avec la Divinité : l'antiquité romaine, la religion hébraïque vétérotestamentaire, et l'eucharistie chrétienne, ou plutôt la Rédemption, sacrifice du Fils par le Père par la médiation (Incarnation) de l'Esprit, avec, en arrière plan, et par la reprise d'un autel funéraire, l'affirmation d'une fidélité de Claude d'Urfé à son épouse défunte.
L'intérêt de Claude d'Urfé pour la religion antique se voit indirectement illustré par le fait que l'antiquaire et numismate lyonnais Guillaume du Choul, bailli du Dauphiné lui ait dédicacé en 1556 son Discours sur la religion des anciens Romains (Lyon, G. Rouillé), rédigé de 1546 au plus tard jusqu'en 1556. De nombreuses scènes de sacrifice à l'autel y sont données, "retirées des marbres antiques de Rome ou de Gaule" (page 308 par ex.). Mais on notera, par la dédicace, que l'amitié des deux hommes remonte précisément à la période romaine (1548-1551) de d'Urfé, où la chapelle fut élaborée. Et on remarquera, comme dans le huitain du frontispice, la référence au petit agneau du sacrifice, mis en parallèle avec celui de 100 bœufs :
"J'avais délibéré longtemps y a, illustrissime Seigneur, de vous faire connaître l'affection que j'ai toujours eue de vous faire service, pour reconnaissance de l'honneur qu'il vous a plut me faire et aux miens, vous étant Ambassadeur pour le Roi à Rome, accompagné de l'amitié que de longtemps vous m'avez portée, sans l'avoir mérité envers vous. Ce petit traité (vous fera voir) les temples des Dieux, les enseignes de leur religion, et des sacerdoces les cérémonies et sacrifices : vous suppliant le recevoir d'aussi bon cœur que je vous l'envoie : considérant que les Dieux au temps passé prirent en gré le petit agneau que présentait sur l'autel le pauvre berger, d'une volonté aussi bonne que le sacrifice de cents bœufs d'un grand Empereur : en suppliant le Créateur, Monseigneur, de vous donner telle félicité que je la vous désire." 15 février 1556. (BnF page 4)
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Un détour par une tapisserie aux armes et chiffres de Claude d'Urfé.
On trouve dans la collection de Roger de Gaignières le relevé par dessin aquarellé d'une tapisserie montrant cette figure. L'autel, d'inspiration antique, est comparable, avec les mêmes têtes de bélier et les sphinges, et c'est un agneau qui est (vaguement) discernable dans les flammes. Nous retrouvons le motto VNI (et non V.NI) inscrit dans un triangle, mais celui-ci s'inscrit dans un cercle avant de le faire dans un carré. Enfin, le triangle des nuées s'interprète clairement pour le Delta de la Déité trinitaire.
Nous ne nous priverons pas de remarquer l'encadrement Renaissance avec ses deux termes rappelant ceux du frontispice du quatrième Livre de Sebastiano Serlio (Venise 1537), repris dans sa Règle générale d'architecture. ... ou ceux de la grotte de La Bâtie.
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Un emprunt à Alberto III Pio.
Rosa de Marco a souligné que cette impresa est également celle d'une médaille portant le nom d'Alberto III Pio de Savoie, dernier seigneur de Carpi entre 1480 et 1527. Même motto VNI, mêmes têtes de béliers aux angles de l'autel, mais c'est un bélier qui brûle sur l'autel, et le triangle est absent. La médaille aurait été gravée vers 1528. "Le prince Alberto Pio, qui finit sa vie en France après la prise de son territoire de Carpi par les Este, avait déjà fait représenter cette devise dans son palais de Carpi dès 1518." (I. Balsamo 2019)
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Un détour par le frontispice du Livre d'heures et par le portail à deux vantaux de la chapelle.
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Le frontispice de Livre d'heures montre une porte de plein cintre sous un fronton sommé par le Saint-Esprit, tandis que le Christ est figuré en dessous avec l'inscription SALVATOR MVNDI. Deux paysages des marges supérieure et inférieure (ruines ?) demandent à être explicités. L'inscription indique que l'ouvrage est fait à Rome.
De cette enluminure, I. Balsamo écrit : " le frontispice du livre d’heures reprend littéralement le dessin de la porte d’entrée de la chapelle toujours visible, dessin inspiré par Vignole, et peut-être donné par lui à Claude d’Urfé lors de leur rencontre à Bologne."
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Le portail de la chapelle se trouve sur son flanc nord et permet son accès depuis la cour du château. L’arcade en plein cintre de la porte à proprement parler, assez simplement moulurée, est encadrée par des colonnes jumelées posées sur un haut stylobate et portant un entablement et un fronton triangulaire. Selon Agnès Bos, " Reprenant les codes du portail monumental «à l’antique», le portail s’inspire donc d’un vocabulaire architectural courant à l'époque, mais décliné ici sans fioriture et avec sobriété: le stylobate est lisse, le fût des colonnes à chapiteaux corinthiens également, l’entablement et le fronton ne portent pas de décor sculpté. Celui-ci est cantonné aux rampants du fronton, à la corniche de l’entablement, aux impostes et archivoltes de l’arcade et, bien sûr, à son agrafe. Ce dépouillement ornemental s’explique certainement, au moins partiellement, par la volonté de faire porter l’attention sur les inscriptions qui y sont gravées :«Jésus de Nazareth roi des Juifs» à trois reprises, en hébreu, grec et latin sur le fronton, et sur l’entablement, le début de la parabole dite du Bon Pasteur, Amen amen dico vobis qui non intrat per ostium in ovile ovium sed ascendit aliunde ille fur est et latro11 (Jean10:1-2). "En vérité, en vérité, je vous le dis : celui qui n'entre pas par la porte dans la bergerie, mais qui y monte par ailleurs, celui-là est un voleur et un larron ; mais celui qui entre par la porte c'est le pasteur des brebis.".
Le verset « Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis » (Jean 10, 11) fait écho à la fois au sacrifice des animaux sur les vantaux de la porte et au sacrifice du Christ lors de la Passion.
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Les deux vantaux en bois, et la lunette du tympan fixe, qui ont été modifiés, ont été restaurés en 2009 et sont conservés et exposés au château. Le vantail montre Moïse
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Bastie_d'Urf%C3%A9-Porte_de_la_chapelle-20160316.jpg?uselang=fr
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Sur le tympan, les anges portent les instruments de la Passion : la colonne de la Flagellation, la croix, le flagellum, la couronne d'épines et les clous .
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Les deux vantaux illustrent le début du Livre de l'Exode chapitre 29, qui détaille les rites de consécration de l'autel du Temple sous la tente de l'assignation, par Aaron et ses fils, ou le Lévitique chapitre 16, où Moïse donne à son frère Aaron les consignes de l'Eternel pour son entrée, comme grand prêtre, dans le sanctuaire.
À gauche, le grand prêtre d'Israël, tenant une tiare, discute avec un personnage tenant un bâton, qui pose l'index au dessus d'un autel. À droite, deux hommes amènent pour un sacrifice l'un un taureau, l'autre un bélier.
Voici le texte du Lévitique 16:11-16 : Aaron offrira son taureau expiatoire, et il fera l'expiation pour lui et pour sa maison. Il égorgera son taureau expiatoire. Il prendra un brasier plein de charbons ardents ôtés de dessus l'autel devant l'Éternel, et de deux poignées de parfum odoriférants en poudre; il portera ces choses au delà du voile ; il mettra le parfum sur le feu devant l'Éternel, afin que la nuée du parfum couvre le propitiatoire qui est sur le témoignage, et il ne mourra point. Il prendra du sang du taureau, et il fera l'aspersion avec son doigt sur le devant du propitiatoire vers l'orient; il fera avec son doigt sept fois l'aspersion du sang devant le propitiatoire. Il égorgera le bouc expiatoire pour le peuple, et il en portera le sang au delà du voile. Il fera avec ce sang comme il a fait avec le sang du taureau, il en fera l'aspersion sur le propitiatoire et devant le propitiatoire. C'est ainsi qu'il fera l'expiation pour le sanctuaire à cause des impuretés des enfants d'Israël et de toutes les transgressions par lesquelles ils ont péché. Il fera de même pour la tente d'assignation, qui est avec eux au milieu de leurs impuretés.
De même, dans Lévitique 9:7-15 : Moïse dit à Aaron: Approche-toi de l'autel; offre ton sacrifice d'expiation et ton holocauste, et fais l'expiation pour toi et pour le peuple; offre aussi le sacrifice du peuple, et fais l'expiation pour lui, comme l'Éternel l'a ordonné. Aaron s'approcha de l'autel, et il égorgea le veau pour son sacrifice d'expiation. Les fils d'Aaron lui présentèrent le sang; il trempa son doigt dans le sang, en mit sur les cornes de l'autel, et répandit le sang au pied de l'autel. Il brûla sur l'autel la graisse, les rognons, et le grand lobe du foie de la victime expiatoire, comme l'Éternel l'avait ordonné à Moïse. Mais il brûla au feu hors du camp la chair et la peau. Il égorgea l'holocauste. Les fils d'Aaron lui présentèrent le sang, et il le répandit sur l'autel tout autour. Ils lui présentèrent l'holocauste coupé par morceaux, avec la tête, et il les brûla sur l'autel. Il lava les entrailles et les jambes, et il les brûla sur l'autel, par dessus l'holocauste. Ensuite, il offrit le sacrifice du peuple. Il prit le bouc pour le sacrifice expiatoire du peuple, il l'égorgea, et l'offrit en expiation, comme la première victime."
Il s'agit bien, pour ce portail qui délimite le franchissement vers un espace sacré, d'un sacrifice d'expiation où une victime animal est offerte, sur un autel, par le feu et par l'aspersion de son sang. Ce sacrifice est l'exclusivité d'une tribu, celle des Lévites, choisie par l'Eternel et Moïse, puisqu'Aaron et ses Fils ont l'exclusivité de l'entrée dans le Temple, par le rituel de purification qu'ils ont accompli. "Je consacrerai Aaron et ses fils pour qu'ils exercent mon sacerdoce" (Exode 30:19).
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Le verset « Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis » (Jean 10, 11) fait écho à la fois au sacrifice des animaux sur les vantaux de la porte et au sacrifice du Christ lors de la Passion évoqué par le biais des arma Christi tenus par les deux anges du tympan. Mais les deux scènes s'opposent-elles (comme le fait l'Epitre aux Romains de saint Paul opposant le sacrifice hébraïque légaliste et sacerdotal et le sacrifice universel du Christ qui abolit les restrictions d'entrée au sanctuaire) ou se rejoignent-elles dans une vision typologique ?
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https://research-repository.st-andrews.ac.uk/bitstream/handle/10023/17921/10_Bos_ajout_septembre_18.pdf?sequence=1
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Les peintures et leurs inscriptions.
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La porte franchie, nous découvrons le décor de la chapelle. Nous y remarquons onze tableaux , qui ont été commandés par Claude d'Urfé durant son ambassade auprès du Saint Siège, à Rome, au peintre Gerolamo Siciolante, originaire de Sermoneta (près de Rome) ; ils étaient en cours de réalisation en 1549. Ils sont surmontés d'une inscription en hébreu, tirée de la Bible. Huit de ces sujets sont des scènes de l'Ancien Testament qui déclinent le thème de la nourriture céleste, symbole de présence divine et signe de sa reconnaissance, ou à l'inverse de l'offrande sacrificielle et sacerdotale. Chaque épisode préfigure par là la mort du Christ, sa Résurrection ainsi que l'Eucharistie. [Six toiles de Ferdinand Elle l'Ancien reprendront les mêmes thèmes au XVIIe siècle]. Claude d'Urfé a-t-il fourni un recueil thématique à l'artiste, qui avait participé à la décoration de l'église Saint-Louis-aux-Français ?
Par exemple, à la fin du Moyen-Âge, l'offrande de Melchisedéch et la Manne encadrent la Cène de la Biblia pauperum, le Sacrifice d'Abraham, ou Moïse frappant le rocher y accompagnent la Crucifixion (BNF xylo-2, ou bien BL Kings'5 f.18r),.
Deux tableaux rectangulaires sont placés en pendant de part et d'autre de l'autel, deux tableaux de part et d'autre de la fenêtre de la chapelle, deux tableaux de part et d'autre de l'oratoire, un long tableau sur le mur ouest, deux tableaux en forme de tympans semi-circulaire à l'intersection de la voûte et des murs ouest et est , enfin deux tableaux rectangulaires en pendant face à face sur les murs est et ouest de l'oratoire.
— Le sacrifice d'Abraham. Ce tableau situé à gauche de l'autel dont il encadre, avec le suivant, le retable, représente l'ange arrêtant le couteau d'Abraham sur le point de sacrifier Isaac (Gn 22, 11-12). Inscription : "Quant au Juste, par sa sincérité, il vaincra" (Ha 2, 4).
— Melchisédech offrant le pain et le vin : Ce tableau situé à droite de l'autel représente Melchisédech offrant le pain et le vin au Seigneur (Gn 14, 18). Inscription : "Venez, mangez de mon pain et buvez du vin que j'ai mêlé" (Pr 9, 5).
—Abraham et Melchisédech . Ce tableau situés sur le mur sud, encadrant l'oratoire à sa gauche, représente la rencontre d'Abraham et de Melchisédech qui le bénit et lui offre les pains (Gn 14, 18-20). Inscription : "Tu es prêtre à jamais selon l'ordre de Mechisédech" (Ps 110, 4).
— Moïse frappant le rocher pour en faire jaillir une source. Cette lunette surplombant l'autel, en pendant du suivant, représente l'épisode où, après la Sortie d'Égypte, Moïse procure de l'eau à son peuple dans le désert : "Le peuple était là, pressé par la soif, et murmurait contre Moïse. Il disait: Pourquoi nous as-tu fait monter hors d'Égypte, pour me faire mourir de soif avec mes enfants et mes troupeaux? ... L'Éternel dit à Moïse: Passe devant le peuple, et prends avec toi des anciens d'Israël; prends aussi dans ta main ta verge avec laquelle tu as frappé le fleuve, et marche! Voici, je me tiendrai devant toi sur le rocher d'Horeb; tu frapperas le rocher, et il en sortira de l'eau, et le peuple boira." Exode 17:1-6. Pas d'inscription..
— Les Israélites recueillant la manne . Cette lunette surplombant l'autel, en pendant du précédant, représente l'épisode où, après la Sortie d'Égypte, Moïse et Aaron nourrit miraculeusement le peuple d'Israël souffrant de la faim dans le désert du Sinaï ( Exode 16:12-14). Pas d'inscription..
— La Pâque. Ce tableau occupant le mur ouest représente la célébration de la Pâque "L'Éternel dit à Moïse et à Aaron dans le pays d'Égypte: Parlez à toute l'assemblée d'Israël, et dites: Le dixième jour de ce mois, on prendra un agneau pour chaque famille, un agneau pour chaque maison. [...] Vous ne le mangerez point à demi cuit et bouilli dans l'eau; mais il sera rôti au feu, avec la tête, les jambes et l'intérieur." (Ex, 12:1-9).
Des Israélites sont attablés autour de l'agneau, du pain sans levain et des herbes amères dans une architecture feinte ; un personnage s'apprête à entrer dans la pièce. Inscription : "Mangeront les humbles et ils seront rassasiés ; et loueront YHVH ceux qui le cherchent ; vivra leur cœur pour toujours" (Ps 22, 27).
— Elie nourri par un ange. Ce tableau situés sur le mur sud, encadrant l'oratoire à sa droite représente Elie endormi nourri par un ange (1 R 19, 6-8) : "Tous attendent de toi que tu leur donnes leur nourriture en son temps" (Ps 104, 27).
—Samson retirant le miel de la gueule du lion (Jg 14, 8-9). Quelques temps après avoir tué un lion à mains nues, Samson découvre un rayon de miel dans la dépouille et le mange. Il pose ensuite aux Philistins l'énigme "De celui qui mange est sorti ce qui se mange, et du fort est sorti le doux". C'est par contre l'épisode de Samson dans la gueule du lion (Biblia pauperum) qui est comme une préfiguration du Christ aux limbes. Ce tableau est situé sur le mur nord, encadrant la fenêtre à gauche. Inscription "Le lion rugit, qui ne craindrait ; le Seigneur YHVH parle, qui ne prophétiserait ?" (Am, 3, 8) et "Que sont douces à mon palais tes paroles, plus que le miel à ma bouche" (Ps 119, 103).
—Un apôtre ou prophète, doigt tendu vers le spectateur. Ce tableau est situé sur le mur nord, encadrant la fenêtre à : "A YHVH la royauté" (Ps 22, 29).
— Une Annonciation. Ce tableau rectangulaire occupe le mur est de l'oratoire. Inscription "Car YHVH est élevé, et il voit celui qui est abaissé (Ps 138, 6) et En présence de la Gloire, l'humilité." (Pr 18, 12).
— L'Esprit de Dieu fécondant les Eaux (une colombe surmontée de Dieu le Père aux bras écartés). Ce tableau rectangulaire occupe le mur ouest de l'oratoire, en face de l'Annonciation : "Et après cela je répandrai mon esprit sur toute chair" (Jl 3, 1)
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Les lambris (Fra Damiano Zambelli, Bologne, 1548, d'après Jacopo Barozzi da Vignola).
https://patrimoine.auvergnerhonealpes.fr/dossier/lambris-de-demi-revetement-de-la-chapelle/4452f64b-d46e-4823-b382-2d71332ada27
https://patrimoine.auvergnerhonealpes.fr/dossier/frise-de-l-entablement-du-lambris-de-demi-revetement-de-la-chapelle/fe191025-adbd-41b2-b4a2-e0bf3b47a4d3
"Le lambris recouvrait l'ensemble des murs de la chapelle (32 travées), dont il masquait les portes et l'accès à l'oratoire, lui aussi recouvert d'un lambris de même composition (14 travées, avec un 15e travée plus large au centre du mur est). Il se compose de travées séparées (dans la chapelle) par une console en volute surmontée d'un pilastre ionique à décor marqueté. Chaque travée comprend, en partie haute, un tableau de marqueterie d'incrustations en bois teintés, et en partie basse, un décor sculpté en bas-relief et demi-relief, rehaussé de dorure ; les panneaux sont séparés par des cartouches rectangulaires à décor de marqueterie. Des moulurations sculptées forment les encadrements des panneaux et les séparations de niveaux. Une frise marquetée (étudiée) surmontée d'une corniche court au-dessus du lambris de la chapelle ; une frise sculptée en bas-relief occupait le même emplacement dans l'oratoire.
Le lambris a été commandé par Claude d'Urfé en même temps que le tableau d'autel ( signé et daté 1548), durant son ambassade auprès du Concile de Trente, au célèbre marqueteur Fra Damiano Zambelli, né à Bergame, moine dominicain au couvent de San Domenico à Bologne, ville où siégeait alors le concile.
Le dessin d'ensemble a été attribué par O. Raggio à Vignole, d'après les recueils de Serlio."
Il a été vendu et est exposé au Metropolitan Museum en 1942 ; il est placé en 1968 dans une salle spécialement aménagée .
Les cartouches sculptés présentent le chiffre de Claude d'Urfé et de son épouse, Jeanne de Balzac, l'agneau sacrificiel eucharistique, adopté comme emblème par Claude d'Urfé, et divers symboles trinitaires. La conception de ces cartouches était aussi probablement due à Vignola.
On y trouve aussi Saint Jérôme au désert, Élie nourri par un ange, Elie nourri par un corbeau, Élie ressuscitant le fils de la veuve de Sarépta, des vues d'architecture, des instruments de musique ou de géométrie, un panneau figurant un encrier avec l'inscription Domini ante te omne desiderium meum "Seigneur tout mon désir est devant toi Paule 38:10 ou l'inscription Domine domine conturbata sua ossa "Seigneur mes os sont bouleversés" Psaume 6:3, etc.
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L'inscription du lambris.
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Le lambris est entouré par une inscription basée sur les paroles de l'hymne eucharistique de saint Thomas d'Aquin, ce qui pourrait indiquer que la chapelle était dédiée au Saint-Sacrement ainsi qu'à la Trinité. (Metmuseum). Elle est gravée en lettres noires (*) autour de la frise de la chapelle principale, et commence à droite de l'autel.
(*) Selon G. de Soultrait en 1858, "Les lettres de cette inscription sont de ce type ferme et élégant que la Renaissance emprunta à l'épigraphie antique. Chacune d'elles, se détachant en bois noir, est tenue par deux figures d'enfant en mosaïque ; de semblables figures portant les instruments de la passion, des virgules ou des points triangulaires, comme ceux des inscriptions romaines de la belle époque, séparent les mots."
Les mots dans leur ordre actuel n'ont pas de sens et on ne sait pas à quel moment de l'histoire de la chapelle est né le mauvais arrangement. L'ordre correct a été établi et les sources identifiées comme suit:
Maiorem hac dilectione nemo habet "Il n'est pas de plus grand amour [que de donner sa vie pour ses amis]"(Jean 15:13)
[Amoris enim impetu] se nascens dedit socium convescens in edulium moriens (in pretium) regnans (dat) in proemium "par l'élan de l'amour, en naissant il s'est donné comme compagnon, en mangeant avec eux il s'est donné comme nourriture, en mourant il s'est donné comme rachat, en régnant il s'est donné comme récompense" ; Hormis la partie entre crochet, le texte appartient à l'Hymne eucharistique de saint Thomas d'Aquin, Verbum Supernum prodiens (Le Verbe est descendu des Cieux ), qui a été écrit pour les Laudes de l'office du Corpus Christi (Fête Dieu, Saint-Sacrement) célébrant la présence réelle de Jésus-Christ sous les espèces sensibles du pain et du vin consacrés lors de la messe.
Igitur o Christe gloria tibi hanc mensam hoc sacrificium ...viventes ac mortui " (ainsi donc ô Christ, gloire à toi, cette table, ce sacrifice... vivants et morts... ; texte liturgique).
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Le tableau de marqueterie de l'oratoire. L'Esprit Saint remplit l'univers (1547).
https://patrimoine.auvergnerhonealpes.fr/dossier/tableau-de-marqueterie-de-l-oratoire-de-la-chapelle-la-descente-du-saint-esprit/f9056baf-d659-422d-b748-8c408579eca1
"Le tableau de l'oratoire a été commandé par Claude d'Urfé, durant son ambassade auprès du Concile de Trente, au marqueteur Francesco Orlandini, de Vérone, ville voisine de Trente. Les personnages pourraient s'inspirer de ceux de la fresque (*) de l'abside de la cathédrale de Vérone (Francesco Torbido, 1534, d'après Jules Romain). Le choix de la scène représentée, rare dans l'art italien, est à mettre en relation avec la doctrine du concile de Trente (culte trinitaire) et avec le programme pensé pour la chapelle par Claude d'Urfé. Ce tableau semble cependant avoir été acheté de façon isolée, avant que ne soit arrêtés la composition du reste du lambris, commandé l'année suivante." (*) une Assomption.
Un panneau du Metropolitan Museum, qui me semblait d'abord représenter le Reniement de saint Pierre en raison du coq placé en bas et à droite, porte dans un petit cartouche ou cartelino l'inscription Spiritus Domini Replevit Orbem Terrarum ("L'esprit du Seigneur remplit l'univers") , puis Francisci Orlandini Veronensis Opus [1547]. Pourtant, il est plus judicieusement désigné sous le titre général de La Descente du Saint-Esprit ou comme une Pentecôte sur le site de l'Inventaire Général. et il est décrit ainsi : " Les apôtres et la Vierge sont représentés sous un portique monumental supporté par des piliers doriques. Au fond de celui-ci s'ouvre une porte au-dessus de laquelle plane la colombe. A droite se déploie un paysage avec au premier plan un coq, une porte de ville, puis une colline boisée."
Sur le cliché de Felix Thiollier (1886), ce panneau est encadré par deux vues architecturales, et sur les clichés d'ensemble prises au Metropolitan Museum il est encadré d'une Visitation à droite et d'un tableau moins distinct où Dieu plane au dessus de deux personnages.
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Les verrières (1557) : anges jouant un concert de louanges.
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https://patrimoine.auvergnerhonealpes.fr/dossier/ensemble-des-deux-verrieres-de-la-chapelle/d4f2600e-573e-4727-a31e-de00472ac331
"Chaque panneau comprend une table rectangulaire portant une inscription encadrée de quatre anges assis jouant d'un instrument de musique. Entre chaque table est placé un motif d'entrelacs avec des chutes de fruits, le monogramme de Claude d'Urfé CIC et son emblème (triangle avec le mot VNI)."
Les inscriptions sont :
Baie 1, lancette A : Exaltabo te deus meus rex et benedicam nomini tuo in seculum et in seculum seculi per singulos dies benedicam tibi. Lancette B : Et laudabo nomen tuum in seculum et in seculu seculi magnus dominus et laudabilis nimis et magnitudini eius non est finis "Je t’exalterai, ô mon Dieu, mon roi ! Et je bénirai ton nom à toujours et à perpétuité. Chaque jour je te bénirai, et je célébrerai ton nom à toujours et à perpétuité." (Psaume 145 1-3)
Baie 2 (fenêtre de l'oratoire) lancette A : Laudate dominum de celis . Laudate eum in excelsis. Laudate eum omnes angeli eius. Lancette B : Laudate eum omnes populi quoniam confirmata est super nos misericordia eius et veritas domini manet in eternum : "Louez l’Éternel, vous toutes les nations, célébrez-le, vous tous les peuples ! Car sa bonté pour nous est grande, et sa fidélité dure à toujours. Louez l’Éternel !" (Psaume 117:2)
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L'AUTEL
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Le panneau marqueté, au dessus de l'autel, et conservé au Metropolitan Museum, représente la Cène avec l'inscription Hoc est corpus meum.
"Le tableau d'autel de la Bastie, ainsi que le lambris de revêtement (étudié), a été commandé par Claude d'Urfé, durant son ambassade auprès du Concile de Trente, au célèbre marqueteur Fra Damiano Zambelli, né à Bergame, moine dominicain au couvent de San Domenico à Bologne, ville où siégeait alors le concile. Les personnages de la Cène sont empruntés à la Cène d'après Raphaël gravée par Marcantonio Raimondi ; l'encadrement d'architecture serait repris d'un carton du Repas chez Lévi de Vignole, réactualisé par celui-ci qui aurait contribué au dessin d'ensemble du lambris (O. Raggio). Le choix de la scène représentée, l'institution de l'eucharistie (et non l'annonce par le Christ de la trahison), rappelé par l'inscription HOC EST CORPUS MEUS, est à mettre en relation avec le thème iconographique général de la chapelle, l'exaltation du saint sacrement, dont le culte venait d'être réaffirmé par le pape Paul III avant de l'être à nouveau par le concile de Trente."
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Les trois bas-reliefs de l'autel. David vainqueur de Goliath, le sacrifice de Noé (au centre), et le Passage de la Mer Rouge.
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https://patrimoine.auvergnerhonealpes.fr/dossier/autel-de-la-chapelle/41e32cf0-4779-4b86-8633-d71cbb716c1f
https://patrimoine.auvergnerhonealpes.fr/dossier/bas-reliefs-3-de-l-autel-de-la-chapelle-le-sacrifice-de-noe-le-passage-de-la-mer-rouge-david-et-goliath/36cf84e9-7cd6-4661-9ed4-85f7304e2b1c
"Les bas-reliefs de l'autel pourraient avoir été sculptés par un artiste évoluant dans l'entourage de la cour au milieu du 16e siècle. La représentation du sacrifice de Noé, qui montre des similitudes avec l'un des tableaux de marqueterie de l'oratoire -situé au-dessous du tableau de la descente du Saint-Esprit- et avec le tableau représentant la descente de l'Esprit sur les eaux, semble indiquer que l'autel leur est postérieur, et que son auteur connaissait les éléments déjà en place à la Bastie. Les pilastres sont surmontés de chapiteaux composites à volutes."
"Sur la face principale de l'autel est représenté le sacrifice de Noé : après la sortie de l'arche, Noé entouré de sa famille offre un agneau en holocauste. Dieu le Père lui apparaît dans une nuée pour agréer le sacrifice ; à l'arrière-plan sont représentés l'arche, l'arc en ciel et divers animaux paissant sur un fond de paysage."
"Sur la face gauche est figuré le passage de la Mer Rouge, alors que Moïse vient de frapper sur les eaux qui se referment sur pharaon et son armée."
"Sur la face droite est représentée la victoire de David sur Goliath, dont il s'apprête à couper la tête ; à l'arrière-plan, derrière un grand arbre, l'armée des Israélites met en fuite les Philistins."
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Le premier sacrifice de l'histoire biblique, celui de Noé, est une action de grâce (Dieu a sauvé Noé du Déluge), mais aussi la concrétisation d'une Promesse divine, qui va engendrer une bénédiction (Gn 9:1), un tabou sur le sang, et une Alliance qui prendra la forme d'un arc-en-ciel.
" Noé construisit un autel en l’honneur de l'Eternel. Il prit de toutes les bêtes pures et de tous les oiseaux purs et offrit des holocaustes sur l'autel. L'Eternel perçut une odeur agréable et se dit en lui-même: «Je ne maudirai plus la terre à cause de l'homme, car l’orientation du cœur de l'homme est mauvaise dès sa jeunesse, et je ne frapperai plus tous les êtres vivants comme je l'ai fait. Tant que la terre subsistera, les semailles et la moisson, le froid et la chaleur, l'été et l'hiver, le jour et la nuit ne cesseront pas." Genèse 8:20-22
"Seulement, vous ne mangerez aucune viande avec sa vie, avec son sang. Sachez-le aussi, je redemanderai le sang de votre vie, je le redemanderai à tout animal. Et je redemanderai la vie de l'homme à l'homme, à l'homme qui est son frère. Si quelqu'un verse le sang de l'homme, son sang sera versé par l'homme, car Dieu a fait l'homme à son image. " (Gn 9:4-6)
Voir l'estampe d'Etienne Delaune sur ce sujet.
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CONCLUSION SUR L'EMBLÈME AU TRIANGLE ET À L'AUTEL.
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Ce long détour en dehors de mon sujet (le pavement de La Bastie) me permet de montrer combien le choix par Claude d'Urfé vers 1548 de son emblème est un condensé d'une pensée théologique sur le Sacrifice vétérotestamentaire, le Don de nourriture et d'eau par Dieu, sur l'Eucharistie, et sur la Trinité. Mais bien davantage, c'est un condensé, semblable à nos Logos, du décor qu'il a choisi entre 1547 et 1557 pour sa chapelle de La Bastie. Cet emblème résume sa chapelle, et en constitue une forme sigillaire qu'il appose sur ce décor à coté de son monogramme.
On peut s'étonner de l'absence des armoiries de Claude d'Urfé. Doit-on en conclure que sa chapelle a pris à ses yeux une valeur identitaire plus forte que son appartenance familiale ?
Il n'aurait pas eu tort, puisque, par elle, son nom a acquis une postérité toujours vive aujourd'hui, que son rôle d'ambassadeur auprès du Saint-Siège ne lui aurait pas assuré. Ainsi, le mécénat artistique s'avère plus rentable au Renom que les titres et le C.V. De même, c'est la création artistique qui fera la renommée d'Honoré d'Urfé par la rédaction de l'Astrée.
L'autel où brûle un agneau (ou bélier) est le signe iconique du Sacrifice de Noé (Action de grâce et Alliance), de celui d'Abraham (Mise à l'épreuve ; victime de substitution ; préfiguration du Christ), de l'offrande sacerdotale de Melchisédech, du sacrifice sacerdotale d'expiation et de purification par Aaron et les Lévites au Temple, de l'agneau de la Pâque biblique et de l'agneau pascal de la Cène.
Le triangle où s'inscrit le mot UNI renvoie, placé sous l'autel du sacrifice, au Delta de la Déité, ou à la Trinité, mais aussi à ce signe d'union (ou alliance) avec Dieu qui opère par le sacrifice ou par l'envoi d'eau et de nourriture par Dieu à son Peuple (Manne ; source du rocher d'Horeb). Enfin, le symbole trinitaire renvoie, dans le décor de La Bastie, aux peintures et lambris témoignant de l'intervention de l'Esprit Saint.
Le symbole eucharistique ne peut être écarté, mais il n'est étayé dans le choix du décor que par une seule représentation de la Cène (boiserie) sans les calices surmontés de l'hostie, ou sans l'Agneau de Dieu. Et ce n'est que lors de la session du 11 octobre 1551du Concile de Trente à Bologne que seront pris les décrets et canons sur le très saint sacrement de l'eucharistie, plusieurs années après l'adoption de cet emblème.
J'ignore combien de théologiens Claude d'Urfé a consulté (je ne parviens même pas à trouver la liste des évêques et autres prélats français présents à Bologne !), le nombre de prédication qu'il a entendu, et je n'ai pas encore pris le temps d'explorer les rapports entre le programme iconographique des églises de Rome, et sa chapelle ; notamment celui de Trinité-des-Monts, de Saint-Louis-des Français ou de Saint-Yves-des-Bretons.
À mon avis, il s'agit de l'emblème le plus riche, le plus rempli de monde à l'intérieur, le plus polysémique ... et le plus long à commenter. Une vraie "chapelle portative" (sacellum mirabile) !
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Pavement (Masséot Abaquesne, ca 1549-1550) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé. Photographie lavieb-aile Écouen 2016.
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Médaillon octogonal au monogramme aux deux C et au L enlacés de Claude d'Urfé et de son épouse Jeanne de Balzac, dans un cartouche à cuir à enroulement.
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Ce monogramme rappelle celui du roi Henri II et de la reine Catherine de Médicis, aux deux C opposés dans un H (et, par là, indirectement, les croissants de lune emblématique du roi). Le cuir à enroulement bleu s'inscrit dans un cadre de perles enfilées, puis un cadre d'oves intercalés de dards, d'un cadre d'olives et de perles enfilées, et enfin d'un rang de rubans ondés cantonné par des fruits et légumes (raisins, pommes, grenades et artichaut ??).
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Il se retrouve aussi, associé à l'octogone précédent, et comme en miroir, dans le plafond à caissons de la voûte de la chapelle.
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Pavement (Masséot Abaquesne, ca 1549-1550) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé. Photographie lavieb-aile Écouen 2016.
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2. Frise de bordure (Masséot Abaquesne, 1557 ) du pavement de la chapelle de La Bâtie d'Urfé, Musée de la Renaissance d'Écouen E.Cl.11555.
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Une bande centrale de créneaux, de couleur jaune, est semée de fleurs vertes à cœur jaune. Elle est entourée d'un cadre de perles enfilées, d'un cadre d'oves intercalés de dards, d'un cadre d'olives et de perles enfilées, et enfin d'un rang d'entrelacs en tresses cantonné par des visages de putti.
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Pavement (Masséot Abaquesne, ca 1549-1550) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé. Photographie lavieb-aile Écouen 2016.
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3. La marche d'autel (Masséot Abaquesne, 1557) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé. Musée du Louvre inv.OA 2518.
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Il s'agit d'un véritable chef-d'œuvre, dont la qualité est supérieure au pavement général de la chapelle, par son décor de grotesque, par sa prouesse technique, ou par sa palette. Il faut l'imaginer installé in situ, et visualiser l'autel qui le centre avec ses trois bas-reliefs que les Allégories de la Foi et de la Justice commentent, la Foi s'appliquant au Passage de la Mer Rouge (des Hébreux poursuivis par les armées du pharaon) et la Justice à la victoire de David sur Goliath. Il faut replacer au dessus de l'autel le retable (aujourd'hui perdu) avec ses emblèmes à l'autel du sacrifice et à la devise VNI, et introduire aussi au centre de ce retable la marqueterie de La Cène. ou à la citation d'Habaquq "Quand au juste, par sa sincérité, il vaincra".
"Cet ensemble de deux cent soixante-dix carreaux décorait la marche de l'autel de la chapelle du château de la Bâtie d'Urfé (Loire). Les motifs décoratifs reprennent les compositions de Raphaël s'inspirant des fresques antiques découvertes au XVe siècle dans la Maison dorée de Néron, à Rome. Cette œuvre, du milieu du XVIe siècle, est un jalon important de l'histoire de la faïence diffusée en France par les artistes italiens.
Décor de grotesques
À la différence des carreaux du sol, la marche de l'autel se caractérise par son décor de grotesques sur fond blanc, repris des compositions de Raphaël pour les Loges du Vatican lui-même inspiré des fresques antiques découvertes au XVe siècle dans la Maison dorée de Néron, à Rome. Très couramment employé dans les arts décoratifs français du milieu du XVIe siècle, ce décor est également utilisé dans les ateliers de majolique italienne (ex. Urbino) à la même époque. Peints dans la tonalité des couleurs de grand feu où dominent les bleu, vert et jaune, oiseaux fantastiques, termes, baldaquins et draperies se répartissent symétriquement de chaque côté d'un cartouche portant la date : 1557. La musique est évoquée par des musiciens ailés et des trophées d'instruments. Sur les deux panneaux latéraux, les figures allégoriques sont placées sous un dais en treille de jardin que domine le "sinocchio" (parasol papal de Paul IV). Il s'agit de la Foi (à droite) et de la Justice (à gauche) directement inspirés de la suite des Grotesques gravés par Du Cerceau en 1550."
Le degré présente une composition totalement différente, avec des grotesques sur fond blanc, disposées symétriquement de part et d'autre d'un cartouche central en cuir découpé.
Des sortes de putti musiciens, dont le corps se termine en feuillages, encadrent des cartouches, des chimères ailées et engainées et aux extrémités des cariatides qui soutiennent une tonnelle encadrée d'urnes enflammées et de trophées d'instruments de musiques, et dans laquelle est représentée la foi, à gauche, et la justice, à droite. "
https://www.louvre.fr/oeuvre-notices/marche-d-autel-de-la-chapelle-de-la-batie-d-urfe
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"Son décor diffère totalement de celui du revêtement de la chapelle et a sans doute été réalisé dans un second temps
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A. Le retour, coté gauche : allégorie de la Foi sous une pergola.
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Cette femme sous une pergola s'inspire en premier chef d'une gravure d'Agostino Veneziano (Venise 1490-Rome 1540), élève de Marcantonio Raimondi et qui a gravé sur cuivre les compositions de Giovanni da Udine, de Raphaël mais aussi de Michel-Ange, de Jules Romain ou de Rosso Fiorentino. Cette source est d'autant plus probable que c'est à Veneziano qu'est attribué le modèle de l'Hiver et de l'Été de la grotte adjacente à la chapelle de La Bâtie. Néanmoins, la source initiale est le même motif présent sur les pilastres des Loggia dites de Raphaël au Vatican, peintes par Giovanni da Udine en 1517-1519. Cf. G. Le Breton 1882 à propos de "Jean d'Udine"). On y retrouve ces femmes vêtues de longues robes aux plis mouillés. Les gravures de Androuet du Cerceau, quoique souvent citées comme modèles, sont moins crédibles.
Le motif de la pergola m'a permis de lire avec passion un mémoire de 2012 de Natsumi Nonaka, aujourd'hui enseignante à l'université d'Austin (Texas) en histoire de l'architecture et de l'art dans l'Italie de la Renaissance et auteure d'ouvrage sur les jardins italiens.
https://www.academia.edu/32654140/The_illusionistic_pergola_in_Italian_Renaissance_architecture_painting_and_garden_culture_in_early_modern_Rome_1500_1620
Ce mémoire présente les origines dans la Rome antique et le Latium des treillis de jardins , ou "pergola" (treille en italien au XIVe siècle, du latin pergula "avancée" pour des constructions en saillie ou surajoutées), un terme qui n'est introduit en français qu'e vers 1910 (Alain Rey). Ces constructions légères placées dans un parc, une terrasse (elles font office de belvédère au XVe siècle dans les villas) ou un jardin servent de support à des plantes grimpantes dans un espace intermédiaire entre l'intérieur et l'extérieur. Leur représentation peinte sur les murs, les "pergolas factices" (illusionistic pergola) qui sont le sujet même de ce mémoire, s'observent sur les fresques de Pompei, au dessus des Vierges de la fin du XVe (Cima da Conegliano, Andrea Mantegna, —Madonne de la Victoire, (1496), Louvre — , Lucas Cranach l'Ancien), mais sont surtout à la mode au début du XVIe siècle (1517-1520) sous le pinceau de Giovanni da Udine, qui en décore les murs de la Loggia d'Amour et Psyché de la Farnesina, de la Loggetta du cardinal Bibbiena au Vatican et dans la Première Loggia de Léon X au Vatican. Elles reviendront à la mode dans les palais des environs de Rome dans une deuxième période (1550-1580) à la Première Loggia de Grégoire XIII, dans le studiolo de Ferdinand de Médicis, la Villa Giulia, la Villa d'Este à Tivoli et la Villa Farnese à Caprarola, et se rempliront de peintures d'espèces botaniques et zoologiques savantes ou exotiques non sans lien avec les herbiers et les collections d'histoire naturelle des propriétaires.
Il est certain que leur charme, tant dans leur réalité que dans leur peinture murale, n'a pu que séduire Claude d'Urfé lors de son séjour romain. Et on peut penser qu'elles ont guidé les choix du propriétaire de La Bâtie de créer une grotte, et un jardin centré par un kiosque. Ce kiosque abritait une fontaine et était coiffé d'une statue de Céres.
C'est tout cela qui vient en mémoire lorsque nous regardons le motif de l'Allégorie sous son toit de verdure ... au moins autant que le programme théologique qu'il étaye.
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Oui, tout à nos pieds vient nous détourner du prosélytisme tridentin que l'ambassadeur du Saint-Siège développe ailleurs, et tout nous attire vers les délices de Capoue ou de Capri d'une dolce vita romaine : les corbeilles d'oranges, les pendeloques à miroirs et fanfreluches, l'allure de divinité païenne de l'Allégorie, et les instruments de musique qui l'entourent pour nous promettre sérénades et chansons d'amour. Car les luths, les pipeaux et les flûtes encore suspendus à leurs rubans vont bientôt répondre aux éclats endiablés des trompettes des démons ailés certes hybridés, mais surtout débridés.
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La tonnelle est soutenue par une cariatide à la poitrine dénudée, coiffée de verdure et d'oranges, et posée par la seule pointe des pieds nus sur un cartouche centrée par une émeraude. Deux chimères ailées (buste de garçons coiffés de palmettes et jambes remplacées par des volutes de feuillage) soufflent dans des trompes enrubannées. Deux libellules sommaires ouvrent leurs ailes ocellées.
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B. Le retour droit. Allégorie de la Justice.
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Elle tient une balance dans la main droite et une épée du coté gauche.
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Les putti joufflus des angles de la bordure.
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La partie basse centrale, parcourue de gauche à droite.
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Deux chimères ailées et engainées : l'une, coiffée de palmettes, et dotée d'ailes d'anges souffle dans une corne enrubannée tandis que l'autre, avec une coiffure d'herbes , des ailes de papillon et une poitrine féminine, lit une partition. Un papillon (avec une vague ressemblance avec la Petite Tortue Aglais urticae) et une libellule sans crédibilité naturaliste évoluent sur le fond.
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Deux chimères associent le buste de garçons ailés et musiciens (jouant du luth), et des jambes en volutes feuillages ; ils encadrent un cartouche dont la découpe ovale ne porte pas d'inscription. Au-dessus, un disque d'or est suspendu sous un pavillon bleu et jaune, entre deux échassiers cueillant des baies.
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L'élément central est un cartouche de cuir à enroulement portant le chronogramme 1557. Il est suspendu à un cadre de volutes de ferronnerie, au dessus d'un masque à palmette et sous un vase de fleurs et de feuillages.
Deux putti ailés sont assis sur cette ferronnerie et jouent d'une trompe contournée. À ces trompes est suspendu un miroir perlé, puis un masque d'enfant, ailé, et à bavoir.
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En poursuivant notre lecture du panneau vers la droite, nous retrouvons par symétrie les mêmes éléments déjà décrits.
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Deux hybrides chanteurs lisent leur partition.
Ils rappellent l'hybride de la gourde créée vers 1555-1560 par Masséot Abaquesne avec son décor armorié (*) d'un coté , et de l'autre un presqu'humain (pattes de boucs) nu, jambes écartées sur ses génitoires, et portant des ailes de papillon (à ocelles).
(*) d'azur à deux clefs d'argent passées en sautoir accompagnées d'une étoile d'or en chef, de deux croissants d'argent aux flancs et d'un cœur en pointe : non identifiées mais rapprochées de celles de la famille Jughon, originaire de la Haute-Loire.
On admire dans les deux cas la finesse des camaïeu de gris des bustes.
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Masséot Abaquesne vers 1555-1560, Gourde armoriée, C66, Sèvres. Photographie lavieb-aile Écouen 2016.
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SOURCES ET LIENS.
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— ARCHIVES DEPARTEMENTALES DE SEINE-MARITIME 2E 1/872 fol. 179.
http://www.archivesdepartementales76.net/exposition-masseot-abaquesne-les-archives-participent/
22 septembre 1557. Quittance par laquelle Masséot AZbaquesne reconnaît avoir recçu la somme de 559 livres tournois de maître André Rageau, conseiller du roi et secrétaire des finances, pour la livraison de carreaux de terres émaillée au sieur Durse, gouverneur du Dauphin.
"En présence de nous, Claude Lucas, tabelion royal et heredital a Rouen, et de Pierre Thevaut, adjoinct aud. tabellionage, Massiot Abaquesne, esmailleur en terre demourant à Rouen, a confessé avoir eu et receu cy devant comptant a plusieurs et diverses foys de maistre André Rageau, conseiller du roy et secretaire de ses financesla somme de cinq cens cinquante neuf livres tournois en monnoie de teston, douzains et dizains, assavoir Vc XLVII livres sur la façon et fourniture de certain nombre de carreau de terre esmaillee qu'il avoit cy devant entreprins de faire et parfaire pour le sieur Durse chevalier de l'ordre du roy et gouverneur de monseigneur le dauphin selon les pourtraictz et devises que led. seigneur Durse luyavoit a ceste fin baillez et XII livres pour son remboursement de semblable somme qu il a payee pour la façon des casses de boys et natte ou a esté mys et enchassé led. carreau pour le porter de ceste ville de Rouen es lieux et endroictz ou il plaira aud. sieur le faire mener, de laquelle premiere somme de Vc LIX livres led. Massiot Abaquesne s'est tenu content et bien payé et en a quicte led. Rageau, led. sieur Durse et tous autres. En tesmoing desquelles choses nousd. tabellion et adjoinct dessus nommes, avons signé la presente quictance de noz seingz cy mis le mercredi vingt deuxiesme jour de septembre l'an mil cinq cens cinquante sept. M. Abaquesne"
— BALSAMO Isabelle, 2013, « Les Heures d’Urfé et la Trinité-des-Monts, un grand décor romain pour une “chapelle portative” », Rivista di storia della miniatura, n° 17, 2013, p. 165 et 167.
— BALSAMO Isabelle, 2013, Les heures de Claude d’Urfé (1549) : la « chapelle portative » de l’ambassadeur. In: Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 157e année, N. 2, 2013. pp. 585-593; doi : https://doi.org/10.3406/crai.2013.95219 https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_2013_num_157_2_95219
https://www.persee.fr/docAsPDF/crai_0065-0536_2013_num_157_2_95219.pdf
—BOS (Agnès), 2019, "Les portes de la chapelle du château de la Bâtie d'Urfé", in Sacellum mirabile, Nouvelles études sur la chapelle d’Urfé , Presses Universitaires de Rennes pages 119-131.
https://research-repository.st-andrews.ac.uk/bitstream/handle/10023/17921/10_Bos_ajout_septembre_18.pdf?sequence=1
https://1library.net/document/yngg37kz-portes-chapelle-chateau-batie-urfe.html
—BRIAND (Roger), 2013 Le livre d'heures romain de Claude d'Urfé, La Diana, 2013 - 94 pages
—BUGINI (Elena), 2019, Sacellum mirabile, Nouvelles études sur la chapelle d’Urfé , Presses Universitaires de Rennes
http://www.pur-editions.fr/couvertures/1559566400_doc.pdf
—BUGINI (Elena), 2019, "Dans le sillage de Perino del Vaga, les tableaux de Girolamo Siciolante pour Claude d'Urfé.", in Sacellum mirabile, Nouvelles études sur la chapelle d’Urfé , Presses Universitaires de Rennes.
— CHASTEL (Guy)1937,: la Bastie d'Urfé. La chapelle et la grotte, p. 65-76. Claude d'Urfé, en construisant, entre 1535 et 1537, une chapelle richement décorée et une grotte de rocaille au décor mythologique, imitée de l'italien, séparées par une simple cloison, montrait que le sentiment chrétien peut s'allier avec l'humanisme. Bulletin de la Diana. Tome XXVI, n° 1, année 1937.
— COOPER (Richard), 2020, Claude d’Urfé (1501-1558), ambassadeur, mécène, bibliophile et gentilhomme forézien, Dans Réforme, Humanisme, Renaissance 2020/1 (N° 90), pages 133 à 149
https://www.cairn.info/revue-reforme-humanisme-renaissance-2020-1-page-133.html
— CRÉPIN-LEBLOND (Thierry), GERBIER (Aurélie), MADINIER-DUÉE (Pauline), 2016, Catalogue d'exposition Masséot Abaquesne, l'éclat de la faïence à la Renaissance, RMN-Grand Palais.
https://old.musee-renaissance.fr/sites/musee-renaissance.fr/files/dp_exposition_masseot_abaquesne.pdf
— DEHLINGER (Dr.) 1937, : le Pavement en faïence de la chapelle du château de la Bastie d'Urfé, p. 89-99. Description de ce pavement, actuellement au Musée du Louvre, œuvre du faïencier rouennais Abaquesne (4 pi.) Bulletin de la Diana. Tome XXVI, n° 1, année 1937.
—DUCIMETIERE (Nicolas) 2010, « La bibliothèque d'Honoré d'Urfé : histoire de sa formation et de sa dispersion à travers quelques exemplaires retrouvés », Dix-septième siècle 2010/4 (n° 249), pages 747 à 773
https://www.cairn.info/revue-dix-septieme-siecle-2010-4-page-747.htm
— FODÉRÉ (Jacques), 1619 "Description du couvent de la Bastie", in Narration historique, et topographique des Conuens de l'Ordre S. François ...
https://books.google.fr/books?id=WSpC9ruXyVoC&dq=Igitur+o+Christe+gloria&hl=fr&source=gbs_navlinks_s
— ERLANDE-BRANDENBURG ( A.)1978, Les pavements émaillés de Masseot Abaquesne [compte-rendu] In: Bulletin Monumental, tome 136, n°1, année 1978. p. 90; https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1978_num_136_1_5684
https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1978_num_136_1_5681
https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1978_num_136_1_5684
Les pavements émaillés de Masseot Abaquesne.
— II existait avant la Révolution à Écouen un certain nombre de salles dont le sol était orné de carreaux émaillés qui ont disparu soit en 1787 lors de la démolition de l'aile orientale, soit au cours de la Révolution, soit même pendant la restauration du milieu du xixe siècle. On a entrepris de les restituer dans la mesure du possible. L'un d'entre eux, à l'emblématique du connétable et de sa femme Madeleine de Savoie, a déjà été remonté dans la « Salle », un autre est actuellement en cours de reconstitution. Parallèlement à ce travail de puzzle très long et difficile, M. Arnauld Brejon de Lavergnée en a fait une étude approfondie dont il vient de livrer les résultats dans un excellent article. On sait par un certain nombre de documents que Masseot Abaquesne « esmailleur...etc
— GOSSELIN (Edouard-Hippolyte), 1869, Glanes historiques normandes. Les potiers, briquetiers, tuiliers et émailleurs en terre de Rouen, Revue de Normandie. t.I, Rouen pages 613-622 et 679-690.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5742847k/texteBrut
— GUIDE DE L'EXPOSITION "Locus Oculi"
http://www.bernhardrudiger.com/fr/critics/12/emilie-parendeau
— LALANNE (Manuel), 2015, « Nouvelles identifications concernant trois enluminures du livre d’Heures de Claude d’Urfé (Rome, 1549, Huntington Library, San Marino, HM 1102) », Les Cahiers de l’École du Louvre [Online], 6 | 2015, Online since 01 April 2015, connection on 07 December 2020. URL: http://journals.openedition.org/cel/308 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cel.308
— LES COLLECTIONS DOUCET DE LA BIBLIOTHEQUE NUMERIQUE DE L'INHA.
-Giovani Pietro Birago, vers 1507, Grotesques
https://bibliotheque-numerique.inha.fr/collection/item/19650-panneaux-grotesques?offset=24
-Nicoletto Rosex, dit Da Modena, Bernardo Daddi, Agostino (graveurs), d'après Jules Romains et Raphaël
https://bibliotheque-numerique.inha.fr/collection/item/22139-panneaux-d-ornements?offset=10
-Polidoro Caldara. Grotesques & trophées. 24 planches. Leviores et [ut videtur] extemporaneae picturae (1541)
https://bibliotheque-numerique.inha.fr/collection/item/21770-grotesques-trophees?offset=8
-Hieronymus Cock, cartouches d'après Battini, Anvers 1553
https://bibliotheque-numerique.inha.fr/collection/item/22333-cartouches-d-apres-battini-peintre-florentin?offset=5
-Jacques Floris, 1564-1567
https://bibliotheque-numerique.inha.fr/collection/item/51475-panneaux-cartouches-trophees?offset=1
-Vredeman de Vries. 20 Cartouches (s.d). Theatrum vitae humanae Anvers, 1577 ; Jardins 1588 :
https://bibliotheque-numerique.inha.fr/collection/item/20830-cartouches-ornements-jardins?offset=3
— LE BRETON (Gaston),1882 "Notice sur le carrelage de la chapelle du château de La Batie-en-Forez. Pavage en faïence émaillé d'Abaquesne", in Bulletin de la Commission des Antiquités de Seine-inférieure, Rouen Cagniard tome V pages 170-172.
https://archive.org/details/bulletindelacomm05comm/page/170/mode/2up?q=bastie
"Le carrelage en question couvrait le devant de l'autel. Il est en faïence à émail stannifère, décoré de chimères à corps de feuillage, alternant avec des cariatides ailées, qui sont reliées entre elles par des rinceaux et des draperies supportant des trophées d'armes et des branches d'olivier. Au centre, dans un cartouche surmonté par des amours, on lit la date de 1557. Sur les côtés, deux femmes placées sous des vignes repliées en arceaux, symbolisent par les attributs qu'elles portent, la justice et la foi. Les couleurs employées sont le jaune d'antimoine, le violet de manganèse, le vert de cuivre et le bleu.
Cet ensemble décoratif dénote au premier aspect une influence italienne, et rappelle les élégantes compositions de Jean d'Udine.
Si l'on vient ensuite à étudier les détails, on s'aperçoit qu'un goût tout français a présidé à l'exécution des figures et de certains accessoires. Plusieurs des caractères de la fabrication diffèrent également : les couleurs sont vives et harmonieuses, mais le ton laiteux de l'émail du fond est plus blanc que dans les majoliques italiennes, et la teinte du biscuit n'est pas la même. Un document conservé dans les archives de l'ancien tabellionage de Rouen vient confirmer notre opinion, que ce carrelage a dû être exécuté en France. Il nous paraît provenir en effet de l'atelier de Masseot Abaquesne, le céramiste rouennais, dont notre savant et regretté prédécesseur, M. André Pottier, avait, on le sait, signalé l'existence à Rouen au XVIe siècle, en voyant son nom inscrit sur une liste des notables de la ville, où sa profession de céramiste se trouvait indiquée. Certaines conjectures avaient amené M. André Pottier à lui attribuer le pavage du château d'Ecouen, exécuté pour le connétable Anne de Montmorency ; ce pavage, en effet, portait la mention: à Rouen, 1542.
Plusieurs documents découverts plus tard par M. Gosselin dans les archives de l'ancien tabellionage du palais de justice de Rouen vinrent confirmer l'attribution de M. André Pottier. Un fragment de ce pavage, provenant du château d'Ecouen, a été donné au Musée céramique de Rouen par M. Lejeune, architecte de la Légion d'honneur. Il contient le chiffre du connétable Anne de Montmorency, entouré par deux phylactères portant la légende : Aplanos. Deux mains gantelées et armées accompagnent ce chiffre. Sur l'une des épées on lit : à Rouen, et sur l'autre : 1542. D'autres fragments ayant la même provenance existent également aux Musées du Louvre, de Sèvres, de Cluny, et dans plusieurs autres collections. Enfin les deux panneaux principaux de ce pavage appartiennent à Mgr le duc d'Aumale. Ils représentent Mucius Scévola et Curtius. Il nous faut revenir maintenant au carrelage de la Bâtie. Nous citerons d'abord à ce sujet un des documents découverts par M. Gosselin concernant Masseot Abaquesne. Il nous montre ce dernier en relations d'affaires avec un sieur d'Urfé, gouverneur de Mgr le Dauphin, qui pourrait bien avoir été le propriétaire du pavage en question.
Le 22 septembre 1557 (même date que l'on trouve sur le pavage), Abaquesne donne quittance à André Rageau, secrétaire des finances du roi, d'une somme « de 559 livres tournois pour la façon et fourniture de certain nombre de carreau de terre esmaillée qu'il avait cy devant entreprise de faire et parfaire pour le sieur Durfe, comme gouverneur de Monseigneur le Dauphin selon les pourtraits et devises que ledit Durfe lui avait baillés à cette fin, en ce compris 12 livres tournois pour son rembours de semblable somme qu'il a payée pour la façon des casses des bois et nattes ou a esté mis et enchâssé ledit carreau (Tabellionage, acte du 12 septembre 1557). »
À quelle résidence ces carreaux avaient-ils été employés, telle était la question qui jusque-là restait sans réponse. Lorsque nous eûmes la bonne fortune de voir le carrelage du château de la Bâtie, nous n'hésitâmes pas à le reconnaître comme étant celui d'Abaquesne. Evidemment nous n'avons aujourd'hui sous les yeux qu'une très faible partie de ce carrelage, qui devait être complétée par une autre beaucoup plus importante, recouvrant entièrement le sol de la chapelle. Le chiffre élevé de la quittance permet du reste de supposer qu'en raison même de la somme versée, un nombre beaucoup plus considérable de carreaux émaillés avait dû être fourni. Ce qu'il nous importe surtout de constater ici, c'est que ce devant d'autel en faïence a bien été fabriqué à Rouen, par Abaquesne. L'influence italienne que l'on remarque sous le rapport de sa décoration s'explique par l'importance même des relations commerciales qui existaient au XVIe siècle, entre notre ville et l'Italie. A cette époque, en effet, Rouen était continuellement visité par des négociants étrangers que leurs affaires commerciales attiraient dans notre port. Le contact réciproque devait nécessairement permettre aux industriels rouennais de se mettre au courant de la mode et des nouvelles découvertes susceptibles d'augmenter leurs bénéfices. C'est ainsi que le céramiste Abaquesne avait pu connaître et s'approprier les procédés de l'émail stannifère qui lui avaient sans doute été indiqués par des Italiens. En étudiant également les majoliques qui venaient de leur pays, il dut chercher à se rendre compte par lui-même des progrès qu'il fallait faire faire à son art. L'honneur lui revient donc d'avoir su égaler ses modèles, en exécutant ces magnifiques pavages du château d'Ecouen, et de la chapelle de la Bâtie. Il serait superflu d'insister sur la valeur de ce nouveau don, qui met le Louvre en possession d'une des œuvres les plus rares et les plus remarquables de la céramique française.
M. de Beaurepaire se demande si la quittance citée par M. Le Breton contient la preuve absolue qu'elle se réfère au carrelage du château de la Bâtie. Il resterait dans tous les cas à prouver que le château, à cette date, a été habité par le Dauphin, et à rechercher à qui il appartenait à la date de la quittance.
— LEROY (Catherine), 1997, "Avers et revers des pavements du château d'Ecouen", Revue de l'Art Année 1997 116 pp. 27-41.
https://www.persee.fr/doc/rvart_0035-1326_1997_num_116_1_348325
— MADINIER-DUÉE (Pauline), Masséot Abaquesne à la Bätie d'Urfé, 2016, in Masséot Abaquesne. L'éclat de la faïence à la Renaissance, Réunion des Musées Nationaux-Grand Palais, pages 112-119.
— MADINIER (Pauline), 2008, Le sacrifice eucharistique dans la chapelle de la Bâtie d'Urfé, Studiolo n°6 p.17-38. Non consulté.
—MOREL (Philippe), 2019, Avant-Propos, in Sacellum mirabile, sous la dir. d'Elena Bugini.
https://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/855/files/2019/09/01_Sacellum_Avt-propos.pdf
— NONAKA (Natsumi), 2012, The illusionistic pergola in Italian Renaissance architecture : painting and garden culture in early modern Rome, 1500-1620
https://www.academia.edu/32654140/The_illusionistic_pergola_in_Italian_Renaissance_architecture_painting_and_garden_culture_in_early_modern_Rome_1500_1620
— RAPHAËL ET LA GRAVURE. La collaboration de Raphaël et de Raimondi, son graveur attitré à Rome de 1510 à 1527 a abouti à plusieurs centaines de gravures sur cuivre, réalisées par Marcantonio Raimondi et deux autres graveurs qui ont rapidement rejoint ce dernier, Marco Dente et Agostino Veneziano
https://gallica.bnf.fr/blog/09122020/raphael-et-la-gravure-decouvrir-aussi-dans-gallica?mode=desktop
—ROCHEBRUNE (Marie-Laure de), PAILLAT (Edith), Notice Le Louvre, "Marche d'autel de la chapelle de la Bâtie d'Urfé".
https://www.louvre.fr/oeuvre-notices/marche-d-autel-de-la-chapelle-de-la-batie-d-urfe
—SOUSTRAIT ( Georges comte de ), Félix Thiollier, 1886, Le château de La Bastie d'Urfé et ses seigneurs Imp. Théolier et cie, 1886 - 57 pages
https://books.google.fr/books?id=FZEGQEDrqg0C&dq=Le+ch%C3%A2teau+de+La+Bastie+d%27Urf%C3%A9+et+ses+seigneurs&hl=fr&source=gbs_navlinks_s
— TOSCANO (Gennaro), 2015, Les Heures de Claude d’Urfé (1549), manuscrit de la Huntington Library à San Marino (États-Unis) et l’église de la Trinité-des-Monts, à Rome [compte-rendu]Bulletin Monumental Année 2015 173-3 pp. 265-266. Fait partie d'un numéro thématique : La cathédrale de Chartres, Nouvelles découvertes
https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_2015_num_173_3_12148
— VERNET (André), 1976, , « Les Manuscrits de Claude d'Urfé (1501-1558) au Château de la Bastie », in Académie des Inscriptions et Belles-lettres: Comptes rendus (Paris, 1976), pp. 81-97 (pp. 89 n. 35, 90).
https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1976_num_120_1_13210
— LE LIVRE D'HEURES DE CLAUDE D'URFÉ HM1102
Heures de Nostre Dame à l'usaige de Rome escriptes au dict lieu l'an MDXLIX par M. Franc. Wydon et dédie un Messire Claude D'urfe Chevalier de l'ordre du Roy Tres Chrestien et son Ambassadeur au saint siège apostolique
Heures à l’usage de Rome, 1549, San Marino, Huntington Library, HM 1102, vélin, H. 23 ; L. 15,5 cm. 24 enluminures. Le frontispice (fo 1) est suivi d’un calendrier (fos 2vo-21), puis des péricopes et de la Passion selon saint Jean (fos 21vo-28vo), de l’office de la Vierge et du Salve Regina (fos 29vo-56), des psaumes pénitentiaux et litanies (fos 56vo-68), de l’office des morts (fos 68vo-79vo), des petites Heures de la Croix (fos 80-82), des petites Heures du Saint-Esprit (fos 82vo-84) et des suffrages de la Trinité, de saint Michel, Gabriel, Raphaël et Claude (fos 84vo-85).
https://dpg.lib.berkeley.edu/webdb/dsheh/heh_brf?CallNumber=HM+1102
— VIALLON (Marie), 2009, Le concile de Trente et l’art. 2009. ffhalshs-00550968f
https://halshs.archives-ouvertes.fr/file/index/docid/550968/filename/Le_concile_de_Trente_et_la_art.pdf