L'enfeu le mieux conservé du bas-côté nord de l'église de La Martyre, ancienne trève de Ploudiry, a été parfaitement décrit, et les armoiries de ses trois écus ont été attribués à la famille de Botlavan en alliance avec Kergrist :
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"On voit dans l’église trois enfeus, l’un contre le mur du Midi, les deux autres contre le mur du Nord. Leurs arcades ont la même forme : elles sont en anse de panier. Le premier de ces tombeaux arqués est dépourvu d’ornementation ; les autres sont bien dotés de détails architectoniques de l’époque (XVIème siècle) et leur arc surbaissé est surmonté d’un arc en accolade. Les blasons qui indiquaient leurs propriétaires ont été martelés, excepté ceux qui encadrent l’enfeu situé au haut du collatéral Nord. L’écusson placé au sommet de cet enfeu porte les armes de Botlavan : d’argent à l’aigle de sable, accompagné en bande de trois coeurs d’azur. Sur ces écussons latéraux sont les armes mi-parti de Botlavan, et d’or à quatre tourteaux de sable, 3 et 1, au croissant de même en abyme, qui est de Kergrist." (Abbé Kerouanton, BDHA 1931)
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Les blasons ont été relevés par Fons de Kort :
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Relevé des armoiries par Fons de Kort.
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Son décor Renaissance incite à l'attribuer à un atelier actif dans la vallée de L'Elorn, établi à Landerneau et très habile à sculpter la pierre de kersanton. René Couffon le nomme atelier de Kerjean, mais l'atelier de Bastien et Henry Prigent (actif de 1527 à 1577) a produit de nombreuses œuvres (porches, bénitiers, calvaires) introduisant les rubans en volutes accolés par un lien torsadé que nous retrouvons ici sous l'influence de l'art de la Seconde Renaissance. Notamment à Pencran en 1553. Les Prigent ont réalisé pour Ploudiry une statue de saint Sébastien en kersanton.
Je l'attribue donc aux Prigent, mais je laisse le point d'interrogation de mon titre puisque cet enfeu ne figure pas dans le catalogue raisonné de cet atelier dressé par Emmanuelle Le Seac'h.
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"La décoration des enfeux de la longère nord de La Martyre est extrêmement curieuse. L'enfeu, surmonté d'un galon plat orné de crossettes déjà évolué, est orné d'autre part aux extrémités de l'accolade de deux angelots gothiques tenant des écus mi-parti au 1 de Botlavan et au 2 de Kergrist, et au sommet d'un écu portant de Botlavan plein.
Un autre enfeu, décoré d'une accolade encore toute gothique, a ses pinacles terminées par des boules godronnées et ses crochets terminés par deux spirales." (René Couffon 1948)
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C'est dire que cet enfeu remarquable peut être étudié sous deux biais : celui de l'héraldique, et celui de l'histoire de l'art ornemental Renaissance en Finistère.
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1. Héraldique.
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Le lieu-dit Botlavan (du breton Bod, "résidence, demeure" et Avan, ancien patronyme) se situe à 1 km au sud-est de Ploudiry et à la même distance à l'est de La Martyre. Il conserve aujourd'hui un kanndi, petit bâtiment servant à blanchir le lin, qui témoigne de l'importance de la production et du commerce de la toile. Et une croix en kersanton du XIXe siècle.
En 1534, François de Botlavan, présent parmi les nobles de Ploudiry à la montre de Saint-Pol-de-Léon, "archer en brigandine".
En 1645, la propriété appartenait à Jean de Tanouarn, écuyer et de son épouse Catherine Gac.
Sur la carte de Cassini de la fin du XVIIe siècle, Botlavan est un hameau de 8 maisons.
L'interrogation de la base Geneanet ne retrouve qu'une Sybille de Botlavan, dame de Kerouez en Plouzévédé, épouse de Jean Ier Le Boutouiller (1515-1558).
Je ne retrouve aucune trace de l'alliance Botlavan/Kergrist. Le château de Kergrist est situé sur la commune de Ploubezre, dans le département des Côtes-d'Armor. Pol Potier de Courcy signale sept générations sept générations, aux réformations et montres de 1426 à 1543. Au milieu du XVIe siècle, les généalogistes signalent François de Kergrist et son fils Alain.
L'enfeu armorié (Prigent ?, seconde moitié du XVIe siècle) des Botlavan en alliance avec Kergrist du bas-côté nord de l'église de La Martyre. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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L'ANGE ET LE BLASON DU COTÉ GAUCHE.
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L'enfeu armorié (Prigent ?, seconde moitié du XVIe siècle) des Botlavan en alliance avec Kergrist du bas-côté nord de l'église de La Martyre. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
L'enfeu armorié (Prigent ?, seconde moitié du XVIe siècle) des Botlavan en alliance avec Kergrist du bas-côté nord de l'église de La Martyre. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
L'enfeu armorié (Prigent ?, seconde moitié du XVIe siècle) des Botlavan en alliance avec Kergrist du bas-côté nord de l'église de La Martyre. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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L'ange présente les armes mi-parti en 1 d’argent à l’aigle de sable, accompagné en bande de trois coeurs d’azur qui est de Botlavan et en 2 d’or à quatre tourteaux de sable, 3 et 1, au croissant de même en abyme, qui est de Kergrist.
L'enfeu armorié (Prigent ?, seconde moitié du XVIe siècle) des Botlavan en alliance avec Kergrist du bas-côté nord de l'église de La Martyre. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
Décalque de l'image, colorié selon les émaux des armes des Botlagan et de Kergrist.
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L'ANGE ET LE BLASON DU COTÉ DROIT.
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Le blason est le même.
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L'enfeu armorié (Prigent ?, seconde moitié du XVIe siècle) des Botlavan en alliance avec Kergrist du bas-côté nord de l'église de La Martyre. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
L'enfeu armorié (Prigent ?, seconde moitié du XVIe siècle) des Botlavan en alliance avec Kergrist du bas-côté nord de l'église de La Martyre. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
L'enfeu armorié (Prigent ?, seconde moitié du XVIe siècle) des Botlavan en alliance avec Kergrist du bas-côté nord de l'église de La Martyre. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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LE BLASON CENTRAL.
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Il porte les armes de Botlavan d’argent à l’aigle de sable, accompagné en bande de trois coeurs d’azur.
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L'enfeu armorié (Prigent ?, seconde moitié du XVIe siècle) des Botlavan en alliance avec Kergrist du bas-côté nord de l'église de La Martyre. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
L'enfeu armorié (Prigent ?, seconde moitié du XVIe siècle) des Botlavan en alliance avec Kergrist du bas-côté nord de l'église de La Martyre. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
Décalque de l'image, colorié selon les émaux des armes des Botlagan.
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2. LE DÉCOR RENAISSANCE.
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Il associe des masques de profil, casqués et feuillagés, des rubans formant accolade et dont les volutes sont liées par une torsade, un masque de face aux oreilles de faune au centre de rinceaux, diverses fleurs en rosace parfois géométriques, des crochets en feuilles se déroulant progressivement d'un bourgeon en boule, et des feuilles lancéolées.
Les anges sont remarquables par leur visage harmonieux et leur tunique au col roulé.
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L'enfeu armorié (Prigent ?, seconde moitié du XVIe siècle) des Botlavan en alliance avec Kergrist du bas-côté nord de l'église de La Martyre. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
L'enfeu armorié (Prigent ?, seconde moitié du XVIe siècle) des Botlavan en alliance avec Kergrist du bas-côté nord de l'église de La Martyre. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
L'enfeu armorié (Prigent ?, seconde moitié du XVIe siècle) des Botlavan en alliance avec Kergrist du bas-côté nord de l'église de La Martyre. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
L'enfeu armorié (Prigent ?, seconde moitié du XVIe siècle) des Botlavan en alliance avec Kergrist du bas-côté nord de l'église de La Martyre. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
L'enfeu armorié (Prigent ?, seconde moitié du XVIe siècle) des Botlavan en alliance avec Kergrist du bas-côté nord de l'église de La Martyre. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
L'enfeu armorié (Prigent ?, seconde moitié du XVIe siècle) des Botlavan en alliance avec Kergrist du bas-côté nord de l'église de La Martyre. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
L'enfeu armorié (Prigent ?, seconde moitié du XVIe siècle) des Botlavan en alliance avec Kergrist du bas-côté nord de l'église de La Martyre. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
L'enfeu armorié (Prigent ?, seconde moitié du XVIe siècle) des Botlavan en alliance avec Kergrist du bas-côté nord de l'église de La Martyre. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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SOURCES ET LIENS.
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— COUFFON (René), LE BARS (Alfred) , 1988, La Martyre, Diocèse de Quimper et de Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper, Association diocésaine, 1988, 551 p.
La décoration des enfeux de la longère nord de La Martyre est extrêmement curieuse. L'enfeu, surmonté d'un galon plat orné de crossettes déjà évolué, est orné d'autre part aux extrémités de l'accolade de deux angelots gothiques tenant des écus mi-parti au 1 de Botlavan et au 2 de Kergrist, et au sommet d'un écu portant de Botlavan plein.
Un autre enfeu, décoré d'une accolade encore toute gothique, a ses pinacles terminées par des boules godronnées et ses crochets terminés par deux spirales.
— FONS DE KORT, s.d, [1975], La Martyre, l'église, la foire.
— LÉCUREUX (Lucien), 1919, "La Martyre", Congrès archéologique de France : séances générales tenues ... par la Société française pour la conservation des monuments historiques, Société française d'archéologie. Derache (Paris) A. Hardel (Caen) http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k35688p/f166.image
— Commission 1982, Ploudiry aux marches de l'Arrée. Son passé. Ses monuments.
—POTIER DE COURCY (Pol), Nobiliaire et armorial de Bretagne
—Botlavan (de), sr dudit lieu, paroisse de Ploudiri, — de Keraziou, paroisse de Plabennec, — de Mesnescop, paroisse de Plouvorn.
Réf. et montres de 1426 à 1534, dites paroisse, évêché de Léon.
D’argent à l’aigle de sable, accompagné en bande de trois cœurs d’azur.
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—Botlavan (de), Sr dudit lieu, par. de Ploudiry. D’argent à l’aigle impériale de sable et trois cœurs d’azur posés en bande.
Eguiner, entre les nobles de Ploudiry, Réf. 1443.
https://www.tudchentil.org/spip.php?article628
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—Kergrist (de), sr dudit lieu, de Kervern et du Vieux-Chastel, paroisse de Ploubezre, de Kerdual, paroisse de Ploumilliau, de Kermoal, de Keravel et de Kerlescant, paroisse de Plouec, de Kerthomas, de Kerambellec, paroisse de Plouaret, de Kergadiou, du Plessix et de Goazanarbant, paroisse de Plestin, de Kerarapuil et de Treuscoat, paroisse de Pleyber-Christ, de Ponthaer, du Chemin-Neuf, de Kerriou, de Kervégaa, de Treziguidy, paroisse de Pleyben.
Anc. ext., réf 1669, sept générations, réf. et montres de 1426 à 1543, paroisse de Ploubezre et Ploumilliau, évêché de Tréguier, et Pleyber-Christ, évêché de Léon. D’or a quatre tourteaux de sable, 3. 1, au croissant de même en abyme, comme Prigent. Devise : Sanctum nomen ejus.
Jean, juge des régaires de Léon en 1395 ; Alain, archer de la garde du duc en 1453 ; Jean, vivant en 1463, épouse Marie Salliou, de la maison de Lesmais ; Goulven, auditeur des comptes en 1558 ; deux sénéchaux de Morlaix au xvie siècle. La branche ainée fondue dans Kergariou, puis Barbier.
— RIOULT (Jean-Jacques), 2009, La Martyre, église Saint-Salomon Paris : Société française d'archéologie, 2009 , 7 p. : ill. en noir et blanc, couv. ill en coul. ; 27 cm. (Congrès archéologiques de France, ISSN 0069-8881) In : Congrès archéologique de France, 165e session, 2007 : Finistère / Société française d'archéologie, p. 143-149.
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http://www.infobretagne.com/martyre-eglise.htm
On voit dans l’église trois enfeus, l’un contre le mur du Midi, les deux autres contre le mur du Nord. Leurs arcades ont la même forme : elles sont en anse de panier. Le premier de ces tombeaux arqués est dépourvu d’ornementation ; les autres sont bien dotés de détails architectoniques de l’époque (XVIème siècle) et leur arc surbaissé est surmonté d’un arc en accolade. Les blasons qui indiquaient leurs propriétaires ont été martelés, excepté ceux qui encadrent l’enfeu situé au haut du collatéral Nord. L’écusson placé au sommet de cet enfeu porte les armes de Botlavan : d’argent à l’aigle de sable, accompagné en bande de trois coeurs d’azur. Sur ces écussons latéraux sont les armes mi-parti de Botlavan, et d’or à quatre tourteaux de sable, 3 et 1, au croissant de même en abyme, qui est de Kergrist.
Montre de l'Evêché de Léon en 1534 :
Ploudiry : "François Botlavan archer en brigandine"
Le château de Kergrist est situé sur la commune de Ploubezre, dans le département des Côtes-d'Armor
Botlavan (de)
Sr dudit lieu, par. de Ploudiry.
D’argent à l’aigle impériale de sable et trois cœurs d’azur posés en bande.
Eguiner, entre les nobles de Ploudiry, Réf. 1443.
BOTLAVAN , en Ploudiry , Evêché de NAUD , & trisayeul de JOSEPH DE SÉGUIRANT , Léon : d'argent , à une aigle éployée supportant trois coeurs d'azur , posés ... ++++
—LA CHESNAYE DU BOIS,1864,
BOTLAVAN en Ploudiry Evesché de Leon , d'argent à une Aigle esployée de sable supportant trois cœurs d'azur posez en bande , sçavoir l'vn du bec , l'autre sur la poictrine & le troisiéme du pied senestre .
Fondée entre les VIe et VIIe siècles, la paroisse primitive de Ploudiry comprend les trèves de La Martyre, La Roche-Maurice, Pencran et Saint-Julien-de-Landerneau. Ce vaste territoire, prieuré de Daoulas, relève alors du diocèse de Léon. Sur le plan civil, des manoirs sont érigés à Ti-Brid, Pors-Lazou, Kerangoarch et Botlavan. (Histoire de la commune de Ploudiry)
Voir les 29 Passions des verrières du Finistère au XVIe siècle dont beaucoup sont dues à l'atelier Le Sodec à Quimper. Le Corpus Vitrearum VII permet d'en dresser une chronologie :
3e quart XVIe siècle (vers 1560), Quéménéven église Saint-Ouen : Attribuable à l'atelier Le Sodec . Cartons communs (Le Bihan) avec Guengat, Gouezec et Guimiliau, ou La Martyre et La Roche-Maurice (Gatouillat).
3e quart XVIe siècle Tréguennec ; Attribuable à l'atelier Le Sodec. 5 lancettes dont une Grande Crucifixion centrale.
3e quart XVIe siècle : Ploudiry. 3 lancettes consacrées à une Grande Crucifixion, proche de celles de La Roche-Maurice, La Martyre, etc.
4e quart XVIe : Pont-Croix. Attribuable à l'atelier Le Sodec. 6 lancettes de la Vie du Christ à un couple de donateurs (Rosmadec).
Parmi les Passions finistériennes il faut distinguer les verrières comportant ou bien des scènes de la Vie du Christ dont la Passion, ou bien des scènes de la Passion, ou bien de Grandes Crucifixions soit centrales au centre d'autres scènes, soit occupant toute la vitre. La maîtresse-vitre du Juch appartient à ces dernières.
On la comparera donc avec intérêt aux verrières de La Roche-Maurice, La Martyre et Tourc'h — et Saint-Mathieu de Quimper qui en est la copie—, mais surtout avec celles de Guengat, Guimiliau, Gouezec, Quéménéven et Ploudiry.
Tous ces vitraux sont attribués à l'atelier Le Sodec de Quimper. Ils ont, outre cette composition, et leur proximité géographique, des points communs temporels (entre 1535 et 1560 environ) et stylistiques.
On notera en particulier la fréquence des inscriptions de lettres, souvent edépourvues de sens, sur les galons des vêtements et les harnachements, et d'autre part, la représentation de larmes sous les yeux de Marie, Jean et Marie-Madeleine au pied du calvaire, sur laquelle je m'attarderai.
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Cette seule appartenance à un ensemble thématique et stylistique suffirait à donner à la maîtresse-vitre du Juch une grande valeur, mais nous verrons que la maîtrise de la peinture sur verre s'y révèle remarquable.
Pourtant, René Couffon la décrivit comme "une œuvre exécutée à bon marché".
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René Couffon est celui qui, en 1945, dans son article "La peinture sur verre en Bretagne. Origine de quelques verrières au XVIe siècle", étudie et dénombre les Grandes Crucifixions du Finistère où la Crucifixion occupe une superficie six fois plus importante que celle des autres scènes.
Il en décrit un premier groupe qualifié de prototype, associant la maîtresse-vitre de La Martyre, choisit comme type, de La Roche-Maurice (1535), de Saint-Mathieu de Quimper et de Tourc'h. Auquel il ajoute les vitres aujourd'hui perdues, mais connues par description, de l'abbaye de Daoulas (vers 1530), et de Trémaouezan (v. 1555).
Il y reconnait l'influence des peintres des Pays-Bas et de Dürer, et prétend lire le nom de Jost à La Martyre, nom qu'il relit à Jost de Negker, qui travailla à Anvers et puis à Augsbourg.
Depuis, cette inscription n'a pas été retrouvée, mais l'attribution de cette verrière à ce Jost de Negker est encore reprise en copié-collé d'auteurs en auteurs. Au contraire, ces vitraux sont aujourd'hui attribués à un atelier quimpérois.
De même, il attribue la verrière de La Roche-Maurice à Laurent Sodec, verrier quimpérois, sur la simple constatation des "initiales" L.S sur un galon.
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À ce premier groupe il associe les vitres "aux costumes rajeunies" de Ploudiry, Le Juch et La Véronique à Bannalec [malgré sa date de 1622], puis celles de Gouezec (1571), Guengat (1571), Lababan en Pouldreuzic (1573), Langolen (1575), Pleyben, et Tréflénevez (vers 1590).
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Depuis cet article de 1945, aucune étude critique et approfondie de cette trentaine de Crucifixions n'a été conduite, et aucun travail de synthèse sur l'atelier quimpérois qu'on s'accorde à nommer Le Sodec n'a été publié.
L'ensemble des articles de ce blog souhaite y contribuer, mais chaque découverte d'un site pas encore visité, ou chacune des re-visites d'un site déjà étudié, montre combien il faut approfondir l'examen, et, a contrario, combien il faut se laisser saisir par l'enthousiasme admiratif. Revenir souvent. Varier les heures et condition d'éclairage, s'ouvrir à la surprise.
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La Passion (XVe siècle. Vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle. Vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle. Vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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LA LANCETTE A (PREMIÈRE À GAUCHE).
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La Passion (XVe siècle. Vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Les dais.
Les dais des hauts des lancettes sont peints en grisaille sur verre blanc avec rehaut au jaune d'argent. Ils associent trois gables à crochets et fleuron, aérés d'un quatre-feuilles, et des pinacles, dans le style gothique.
Ils datent selon Gatouillat et Hérold de la fin du XVe siècle.
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La Passion (XVe siècle. Vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Buste d'un saint diacre : saint Maudet ? Vers 1540.
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Il était autrefois placé à côté de la donatrice que décrit Abgrall en lancette B. Et c'est Abgrall qui l'assimile à saint Maudet "en dalmatique rouge".
Saint Maudez ou Maudet est le co-patron, après Notre-Dame, de l'église du Juch. Ce saint bien vénéré en Côte d'Armor serait venu d'Irlande au Ve siècle pour évangéliser la région et fonder un ermitage. Il est souvent représenté en évêque.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Saint_Maudez
Ici, rien ne permet de préciser son identité, mais il est tête nue, tonsuré, portant une étole sur sa dalmatique. La tête a été restaurée à la fin du XVIe siècle, en associant grisaille avec le jaune d'argent pour les ombres et les cheveux. Le visage est finement hachuré par le passage d'un pinceau large.
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La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Marie-Madeleine, la Vierge et Jean en pleurs au calvaire.
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C'est une scène culte qui se retrouve dans la plupart des Crucifixions, mais par inversion du carton, Jean se trouve soit à droite soit à gauche de la Vierge.
Les trois personnages sont nimbés d'un disque d'or rayonnant. La Vierge au centre, tête inclinée, voilée de son grand manteau bleu, portant la guimpe blanche, et vêtue d'une robe mauve, serrée par une ceinture nouée, croise les mains devant la poitrine.
Le galon de son manteau porte les lettres TCR et MOB---, en haut et NS/ONPRI/IN en bas
Le galon de la robe porte les lettres REOM.
On voit que ces lettres sont dépourvues de sens. Il est tentant pour certains esprits amateurs d'ésotérisme d'y rechercher un sens caché, ou uns signature, mais la répétition de ces lettres aléatoires sur l'ensemble du corpus de l'atelier quimpérois montre que le parti-pris est bien de créer une illusion d'inscriptions sacrées.
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La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Sainte Marie-Madeleine essuyant ses larmes.
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Marie-Madeleine (ou du moins une sainte femme, car nous ne pouvons identifier le personnage par son attribut, le flacon d'aromates ; mais les larmes lui est un second attribut ) a ses beaux cheveux blonds recouverts d'un voile qui fait retour devant sa poitrine. Et c'est sans doute de ce voile qu'elle essuie son œil gauche.
Elle porte aussi un manteau rouge et une robe verte.
En fait, un examen attentif montre que le flacon d'aromates est bien présent, mais qu'il se confond avec la robe verte. C'est bien Marie-Madeleine.
Ce geste par lequel elle essuie ses pleurs avec un linge se retrouve sur beaucoup de Déplorations finistériennes, et certainement sur des enluminures et peintures de façon générale : ce geste est encore l'un de ses attributs.
Ce premier portrait (le vitrail en recèle un grand nombre) et de portrait en pleurs (quatre au total) mérite toute notre attention. Les clichés doivent être sous-exposés pour révéler les trésors de virtuosité. Nous avons affaire à une œuvre de peinture sur verre de première force.
Le premier cliché, trop clair, montre l'élégance du trait en grisaille sombre.
Le deuxième cliché permet de les nuances d'utilisation de la sanguine (ou Jean Cousin) pour les carnations. Les cheveux sont rendus par des lignes en enlevé sur une grisaille sombre, peinte ensuite au jaune d'argent.
Le modelé du visage tient au fond ocre rose de sanguine, affaibli par estompage au dessus des pommettes, ou rehaussé par hachurage sur les joues, le menton et les ailes du nez.
Des lignes ocres soulignent les rides du front, ou l'arête du nez.
Les yeux associent le trait (de grisaille et de sanguine), les ombrages, et l'enlevé.
C'est cette technique de l'enlevé, du bout du pinceau ou avec une autre pointe, du fond de sanguine qui est utilisée pour les larmes.
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Les trois larmes.
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Cette tradition se retrouve constamment sur les Crucifixions finistériennes, mais encore faut-il la rechercher avec soin, aux jumelles puissantes ou au zoom, en ne laissant pas la lumière dissimuler ces traits blancs.
Elle est contemporaine de l'attachement de l'atelier Prigent de Landerneau (1527-1577) de placer, sous les mêmes personnages (Jean, la Vierge, Marie-Madeleine, et aussi Marie-Madeleine agenouillée au pied de la Croix) de leurs calvaires en kersanton trois larmes de pierre, fines mais s'épaississant en une goutte terminale.
Les calvaires et Déplorations de l'atelier Prigent :
Les larmes de la peinture sur verre ont le même nombre, et la même forme que celles des sculpteurs sur pierre : un long filet s'achève par une gouttelette, tout cela en blanc par enlevé de la sanguine.
Mais le peintre ajoute un très discret détail que le sculpteur peine à rendre : il trace, toujours par enlevé, un petit lac lacrymal sur la paupière inférieure en blanchissant la conjonctive.
Notre premier exemple, celui de Marie-Madeleine, n'est pas typique car seules deux larmes sont visibles. Mais les exemples suivants confirmeront ma description.
Soue l'œil gauche, l'artiste a peint la paupière humide et le début de l'écoulement d'une larme avant que le mouchoir ne vienne la tamponner.
Pour peu qu'on veuille se donner la peine de les observer, ces détails sont là, intacts depuis 500 ans, et éminemment émouvants.
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J'ai déjà signalé dans ce blog combien cette effusion lacrymale relève, non pas seulement d'un souci de réalisme, mais d'une mystique de la participation aux souffrances du Christ, où la contemplation méditative du sang versé par le Rédempteur doit susciter, en retour, chez le fidèle, le versement des larmes. Et J'ai montré comment Marie-Madeleine était le modèle proposé à l'adepte de cette devotio moderna et d'abord, avant tout, aux moines des couvents franciscains pour l'initier à une Imitation à l'empathie et à la gratitude, non pas cérébrale, mais émotionnelle.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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La Vierge éplorée.
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Le dessin au trait à la grisaille.
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La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Les nuances à la sanguine.
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La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Les trois larmes, et la paupière inférieure noyée.
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Ces clichés peuvent aussi permettre d'étudier combien le peintre est attentif au reflet cornéen, jamais stéréotypé, mais s'adaptant à la direction du regard.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Saint Jean.
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Le dessin au trait de grisaille.
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Notez aussi, parce que ce détail est presque constant en sculpture sur kersantite pour les apôtres, la fente de la robe, et son bouton.
Jean est vêtu d'un manteau rouge et d'une robe violette serrée par une ceinture. Il soutient la Vierge en enlaçant son épaule droite tandis que sa main gauche se tend, en symétrie avec le geste de Marie-Madeleine, vers le genou de Marie et le pan de son manteau.
Au dessus de son pied, on lit les lettres NORT.
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La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Le modelé à la sanguine. Les cheveux sont tracés par enlevé de grisaille.
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La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Les trois larmes.
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Le regard, comme chaviré, est emporté par l'émotion vers le haut.
Le reflet cornéen forme un arc, renforcé (sublime souci du détail infime) par une virgule blanche.
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La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
Schéma lavieb-aile juillet 2022.
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Etude comparative de saint Jean dans quelques Crucifixions.
Les larmes sont plus ou moins bien visibles, mais sont toujours là. Le même carton, ou du moins le même modèle, est réutilisé par l'atelier, parfois en le retournant. La démonstration pourrait être étendue aux autres Crucifixions avec le même résultat.
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Guimiliau
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La Roche-Maurice
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Saint-Gouezec.
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Les inscriptions du galon du manteau bleu et de la robe vieux-rose de la Vierge.
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Sur le manteau (sous réserve) :
TOR ---AOB H
NS --IONPRI --NS
NORT
sur la robe :
RL---
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Au total, comme c'est si souvent le cas sur les vitraux de Le Sodec que cela ne peut être un hasard ou un mauvaise transcription, ces séquences de lettres sont dépourvues de sens et ont une visée ornementale de trompe-l'œil.
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La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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La macédoine de la partie inférieure.
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La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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LA LANCETTE B : LE BON LARRON.
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La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Le Bon Larron tourne son visage vers le Christ pour témoigner de sa foi : un ange emporte son âme vers les Cieux.
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Là encore, la proximité avec les calvaires sculptés, notamment, par l'atelier Prigent est évidente, par la forme de la traverse, la façon de lier les larrons par les bras, mais de n'attacher qu'une seule jambe, l'autre étant brisée par les soldats. Ou encore par la culotte à crevés et par l' importante braguette nouée par des aiguillettes.
Un cavalier romain, en armure, assure la garde, la lance en main.
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La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Tête de saint Pierre (détail isolé de la scène où Pierre tranche l'oreille du serviteur du grand prêtre).
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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LA LANCETTE C : LE CHRIST EN CROIX ET MARIE-MADELEINE EN PLEURS.
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La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Dans le dais de la fin du XVe siècle, un fragment d'inscription.
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ES NON HREI
IS TUI
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La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Le Christ en croix sous le titulus INRI entre les lances, un oriflamme, et la hampe portant l'éponge de vinaigre.
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La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Les détails du visage (rides, cheveux, barbe ) sont traités en enlevé sur la grisaille et la sanguine.
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La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Le sang des plaies est soigneusement représenté à la sanguine.
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L'importance de ces représentations est considérable, car ces Crucifixions ne se comprennent que dans une dévotion aux souffrances du Christ, à leur contemplation et leur participation mystique. Au sang versé doit répondre l'écoulement des larmes, écoulement dévotionnel dont Marie-Madeleine est l'initiatrice.
Chacun de personnages représenté ici est essentiel : ceux qui font verser le sang, celui qui saigne, et les quatre saints personnages qui pleurent.
Il existe des lignes de force qui parcourent la verrière : elle vont d'une part des instruments contendants et aux gestes blessants vers les plaies, des plaies vers le sang qui s'écoule le long de la croix, et de ce sang vers le visage en larmes de Marie-Madeleine. Elles vont aussi du visage des cavaliers (qui vont se convertir) vers celui du Christ.
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La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Sur son cheval au harnachement à inscriptions, l'officier romain Longin transperce le flanc droit du Christ de sa lance.
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Longin porte sur le galon de sa tunique les lettres NOSM.
Il semble coiffé d'un turban.
Sous son bras, un morceau de verre rouge gravé.
Un fois de plus, nous pouvons admirer la maîtrise du portrait, les pommettes et le dessus des sourcils clairs et brillants, les nuances de la carnation rendues par de fines hachures, les cils détaillés, et le reflet cornéen savant sans oublier la moustache et la barbe où deux "couches" de traits blancs se superposent.
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La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Détail du harnachement doté de grelots. René Couffon les signalaient sur les verrières prototypes.
La tête du cheval est perdue. Les bandes rouges portent les lettres FNROM, sans signification.
Noter un verre rouge gravé parmi les pièces en réemploi, et un visage.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Du côté droit, le deuxième cavalier lève les yeux vers le Christ. C'est le Centenier converti, celui qui s'écrit "Celui-ci était vraiment le fils de Dieu". Il porte l'armure et le casque des officiers romains.
Ces deux cavaliers sont très fréquemment représentés de part et d'autre de la croix sur le premier croisillon des calvaires bretons contemporains. Mais alors, Longin porte un doigt à la paupière, témoignant de la guérison d'un trouble de la vue, tandis que le Centenier lève la main de façon éloquente. Ces détails sont absents sur ces verrières. Ils forment un couple emblématique, tout comme leurs montures.
Le cheval porte l'inscription INS, sans signification.
Son mors crénelé et en C ou en S se retrouve sur tous les vitraux, mais aussi sur les calvaires. Tous les chevaux de l'atelier quimpérois donnent l'impression d'être hilares.
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Néanmoins, dans la lancette D, un autre cavalier fera peut-être un Centenier plus convaincant que ce personnage en grisaille sur verre bleu clair, avec rehaut de jaune d'argent.
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La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Marie-Madeleine éplorée agenouillée au pied de la croix.
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Elle étreint la croix de ses bras et de ses jambes et lèvent les yeux vers les pieds du Christ et vers le sang qui s'en écoule.
Elle est somptueusement habillée et coiffée, même si l'état fragmentaire du vitrail exige de nous un peu d'attention.
On remarquera d'abord le manteau rouge rejeté en arrière, puisque ce manteau est si caractéristique sur les calvaires des Prigent où Marie-Madeleine reprend exactement la même posture : à Pencran, Sainte-Marie-du-Ménez-Hom, Saint-Sébastien de Saint-Ségal, Dinéault, Saint-Divy, etc, etc. Et ces verrières peuvent nous permettre d'imaginer l'état de ces calvaires lorsqu'ils conservaient leur polychromie.
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Calvaire de la chapelle Sainte-Marie-du-Ménez-Hom.
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Elle porte une robe voilette (réemploi) dont les galons des manches portent les inscriptions, pour une fois presque cohérentes NISERV MARIAM.
Puis viennent des manches vertes rapportées, à crevées, une chemise fine dont le col frise sous la dentelle, une broche perlée au centre du décolleté, et enfin une coiffe (rappelant le bonnet d'Anne de Bretagne), perlée également, mais qui ne retient pas entièrement la chevelure blonde dont l'exubérance est presque un attribut de la sainte.
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J'espère que vous distinguerez sur mon cliché que les yeux sont noyés de larmes, et que celles-ci s'écoulent, exactement comme sur les trois portraits de Marie, Marie-Madeleine et Jean , sous forme de trois traits blancs partant de chaque paupière, par la technique de l'enlevé sur fond du réseau de hachures de sanguine.
Enfin, et c'est essentiel, le regard de la sainte est dirigé, non vers le sommet de la Croix, mais vers les pieds du Christ, et surtout sur le sang qui coule le long du bois.
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La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Comme pour les autres scènes, cette représentation de Marie-Madeleine est semblable à celle des autres Crucifixions, par reprise du même carton d'atelier ou du même modèle. Mais le hasard qui a présidé à la préservation ou à la détérioration des verrières, et à leurs restaurations plus ou moins invasives, nous donne une quantité de versions de la même scène. Ici, le bonnet perlé est moins visible.
Prenons l'exemple de la verrière de La Martyre :
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Marie-Madeleine au pied de la Croix, baie 0, chœur de l'église Saint-Salomon de La Martyre. Photographie lavieb-aile.
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LA LANCETTE D : LE MAUVAIS LARRON.
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La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Un diable rouge aux ailes vertes emporte l'âme damnée (non conservée) du mauvais larron vers les Enfers.
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La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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La braguette Renaissance sur les chausses à crevés, et le système d'attache de cette braguette.
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La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Au pied du gibet, un cavalier Juif (turban, oreillettes, barbe longue) tient une lance ; il esquisse un geste vers le deuxième cavalier.
À ses côtés, un autre Juif (turban et barbe), et trois soldats romains en armure.
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La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Les chevaux.
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La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Les grelots des sangles.
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La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La fenêtre absidale est garnie d'une maîtresse-vitre ancienne où les dais de couronnement sont de dessin gothique. La scène principale figure le Calvaire : Notre Seigneur en croix, les deux larrons, juifs, bourreaux, cavaliers. Dans la première baie, on voit la Sainte Vierge à moitié assise, saint Jean et.la Madeleine. Derrière se trouve saint Maudet en dalmatique rouge. Une donatrice à genoux est vêtue dune robe et d'un manteau armoriés : d' azur au lion d'argent, armé et lampassé de gueules, qui est Juch ; — d'or au lion passant de gueules-, Pont-l'Abbé
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Voici quel était l'état des armoiries dans cette église, en 1678 :
« Dans l'église tréviale du Juch, ès principale vitre, il y a en éminence et en supériorité, les armes de France et de Bretagne, et plus bas, joignant les dites armes, un écusson au franc canton d'azur et un lion rampant dargent armé et lampassé de gueules, qui sont les armes de la seigneurie du Juch, quoique la dite fenêtre soit à présent au seigneur marquis de Molac
« Le reste des vitres de la dite église sont armoyées des armes du dit Juch et de ses alliances sans qu'il y ait autres écussons ny armoiries, ès dites vitres.
« Du côté de l'Epitre, joignant le petit balustre, est le banc et accoudoir du dit Le Juch armoyé de ses armes.
« Au-dessus de la porte faisant l'entrée du chantouer et supportant le dôme, il y a un écusson du dit Juch en bosse.
« Au haut du dit dôme et au niveau de la poutre, il y a un écusson des armes de Rosmadec.
« ll y a aussi au-dessus de la fenêtre de la chambre de l'église, au second pignon du midy, un écusson des armes du Juch en bosse."
— CASTEL (Yves-Pascal), 1979, Les vases acoustiques.
"Vitraux : Verrière du chevet consacrée à la Crucifixion, XVIè siècle, oeuvre exécutée à bon marché, refaite en partie (C.) ; donatrice en vêtements armoriés (Juch et Pont-l'Abbé)."
— COUFFON (René), 1945, La peinture sur verre en Bretagne, Société d'histoire et d'archéologie de Bretagne (SHAB) pages 27 à 64.
"Ce vitrail atypique peut sembler désordonné de premier abord. Cette grande crucifixion des années 1540 a été déplacée dans le chœur lors de sa reconstruction en 1688. Son aspect particulier est dû à son installation dans un emplacement qui ne lui était pas destiné et à son ré-assemblage avec d’autres vitraux. Au XXe siècle l’ensemble a été démonté pendant l’occupation allemande pour le protéger et n’a pas été remonté correctement. Il a été restauré en 1950 par Jean-Jacques Gruber, célèbre verrier de l’École de Nancy.
Les parties les plus anciennes sont les éléments architecturaux en grisaille surplombant la scène de la crucifixion (dais). Au tympan se trouvaient autrefois les armoiries des seigneurs du Juch remplacées par des pièces de vitrail éparses. Auparavant la donatrice, aux armes de Pont-l’Abbé, apparaissait en bas des lancettes ; aujourd’hui ne subsistent que quelques fragments du portrait de son époux.
La scène centrale représente la Vierge accompagnée de saint Jean et d’une sainte femme aux pieds du Christ crucifié et des deux larrons."
— GATOUILLAT (Françoise), HÉROLD (Michel), 2005, Les vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum, France VII, Presses Universitaires de Rennes, Rennes, p. 183.
— INFOBRETAGNE, Ploaré :
http://www.infobretagne.com/ploare.htm
—INFOBRETAGNE, La Jaille :
http://www.infobretagne.com/famille-jaille.htm
— LE MOIGNE (Gérard),1997, « La baronnie du Juch » Bull. Société Archéologique du Finistère, Quimper, 1997, 27 p.
Le décor de cette baie en arc brisé de 6,70 m. de haut et 3,50 m. de large est consacré, sur quatre registres, aux miracles attribués à saint Antoine de Padoue. L'ensemble est peint en grisaille et jaune d'argent, à l'exception des sols et des ciels.
Elle a été restaurée notamment en 1873 grâce aux dons de l'abbé Duménil, curé de Saint-Vincent, par l'atelier Duhamel-Marette.
Dans l'église Saint-Vincent, elle occupait la baie 5, du côté nord.
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Plan annoté des vitraux de l'ancienne église Saint-Vincent.
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Aujourd'hui, elle est installée à la droite du pan coupé orienté vers l'est, dont elle occupe toute la hauteur, à côté des verrières 5 et 6.
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photo wikipédia
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La baie 7 (vers 1520-1530) ou Vie de saint Antoine de Padoue de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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Le sujet en est original, et on peut se demander pourquoi les rouennais de Saint-Vincent ont invoqué la figure du saint franciscain de Padoue.
Alexandra Blaise propose trois explications.
1. Saint-Antoine de Padoue est considéré comme le patron des marins , des navigateurs, et des naufragés. Un miracle des poissons le fait souvent représenter avec cet attribut. Les marchands et armateurs du port de Rouen ont pu être sensibles à ce patronage, tout comme celui de saint Nicolas ou de saint Pierre . Plusieurs navires sont figurés en arrière-plan de ce vitrail.
"Les hommes dont la profession était liée à la mer constituaient une part majoritaire des habitants ou visiteurs occasionnels de la paroisse. Cela influença notablement l’iconographie des vitraux : on a pu ainsi y repérer deux saints patrons des marins – saint Antoine de Padoue (baie 7) et saint Nicolas (baie 8) à qui la chapelle nord était dédiée –, deux saints ayant un lien avec la mer – saint Pierre (baie 1), qui était pêcheur, et probablement saint Claude (baie 8) qui avait sauvé un voyageur de la noyade –, et enfin, de façon inhabituelle, une accumulation de scènes en rapport avec l’eau et les bateaux (baies 1, 7, 13)."
2. Saint Antoine illustre le thème, franciscain, de la charité, déjà central dans la baie voisine, celle des Œuvres de Miséricordes :
"Dans la chapelle nord du chœur de Saint-Vincent, deux verrières – la verrière des Œuvres de miséricorde (baie 7) et la verrière consacrée à la vie de saint Antoine de Padoue (baie 5) – développent le thème de la charité, auquel les paroissiens fortunés devaient être sensibles. Ces marchands qui accumulaient beaucoup de richesses n’étaient pas dans les meilleures dispositions pour espérer le salut. La charité était une des vertus qu’ils devaient donc s’imposer et c’est pourquoi ils faisaient de nombreux dons à leurs paroisses. La Découverte du cœur de l’usurier dans sa cassette, scène de la vie de saint Antoine de Padoue placée immédiatement à droite de la verrière des Œuvres de miséricorde, aborde précisément ce sujet : saint Antoine prône la supériorité de la richesse chrétienne sur la richesse matérielle, qui écarte toute possibilité de salut. Il est probable que la légende de ce saint, mort au début du XIIIe siècle, peu populaire dans le milieu du nord de la France et à Rouen, qui lui préférait des saints anciens et traditionnels, a été choisie en partie pour cette scène qui s’accordait parfaitement avec le thème de la verrière voisine. D’une manière générale, les qualités du saint semblaient particulièrement convenir à cette population de marchands enrichis, qui essayaient de prendre modèle sur les vertus de ce prédicateur défendant pauvreté et humilité."
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"...Les autres légendes hagiographiques représentés dans les vitraux de saint-Vincent celles de saint Antoine de Padoue (baie 5), de sainte Anne (baie 8) et de saint Pierre (baie 11), ne sont pas le reflet de dévotions personnelles de leurs commanditaires mais entrent toutes trois dans des thématiques développées semble-il par la fabrique, et sur lesquelles nous reviendrons dans notre troisième partie : le thème de la charité complété par celui de l’Immaculée Conception dans une chapelle entièrement dédiée à sainte Anne, et enfin de la défense de l’Église romaine, symbolisée par saint Pierre, face à la montée des idées luthériennes. L’intention était bel et bien de traduire des idées chères à la fabrique et aux paroissiens de Saint-Vincent. Les fidèles ayant financé les œuvres se sont donc adaptés aux thématiques que l’ensemble de la fabrique souhaitait représenter."
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3. On peut penser à l'influence de l'abbé Antoine Bohier, même si c'est à l'église Saint-Ouen qu'il voua une verrière à son saint patron :
"L’abbé Antoine Bohier (1492-1515), proche de Georges d’Amboise, poursuivit après l’abbé Guillaume d’Estouteville l’ambitieux chantier de Saint-Ouen. S’il ne put le mener à son terme, il fit avancer les travaux de la nef et l’enrichit de remarquables verrières dans les bas-côtés (vers 1508). Antoine Bohier commence par faire représenter la légende de son saint patron, saint Antoine de Padoue, dans la première baie du côté sud (baie 23)"
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Registre inférieur : Miracle de la mule qui s'agenouille devant l'hostie. Deux donatrices agenouillées.
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Une mule s'agenouille devant le Saint-Sacrement tenu par saint Antoine. À l'arrière-plan, une nef à deux mâts, semblable aux navires marchands qui fréquentent le port de Rouen, et une architecture qui évoque celles des Le Prince. La partie haute est un verre bleu, teinté de jaune par endroit. Le Querrière a remarqué que l'animal tenait plus de l'âne que de la mule. Dans les Grandes Heures d'Anne de Bretagne f.187v, c'est un cheval.
À gauche, l'hérétique, accompagné d'un témoin et d'un soldat portant une hallebarde, perd son pari, car sa mule se prosterne. Le navire au fond laisse imaginer qu'il s'agit d'un armateur. Selon l'hagiographie, la scène se déroule à Toulouse.
À droite a lieu la scène, souvent représenté sur les vitraux, de la procession du Saint-Sacrement : le prêtre (ici saint Antoine) porte l'étole, et un assistant tient un flambeau. Un couple suit les deux moines.
"Antoine disputait un jour sur la présence de Jésus dans l’Eucharistie avec un hérétique. Ce dernier lui lança un défi de prouver, par un miracle, que dans l’hostie consacrée est présent le vrai corps du Christ, et lui promit, s’il y parvenait, de se convertir à la foi catholique.
L'hérétique lui dit : « J’enfermerai ma mule pendant plusieurs jours dans mon étable, sans lui donner à manger. Je l’amènerai ensuite sur la place devant tout le monde en lui présentant du fourrage. Pendant ce temps, tu placeras l’hostie devant la mule. Si l'animal s’agenouille devant l’hostie en négligeant le fourrage, je me convertirai. »
Le jour fixé, le Saint montre l’hostie à la mule en disant :
«En vertu et au nom du Créateur que moi, bien qu’indigne, je tiens entre mes mains, je te dis, animal, et je t'ordonne de t'approcher avec humilité et de Lui prêter la vénération qui Lui est due ».
Dès qu’Antoine eut prononcé ces mots, la mule, négligeant le fourrage, baissa la tête, s'approcha de lui et s'agenouilla devant le sacrement du corps du Christ." https://www.santantonio.org/fr/content/la-mule
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La baie 7 (vers 1520-1530) ou Vie de saint Antoine de Padoue de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La baie 7 (vers 1520-1530) ou Vie de saint Antoine de Padoue de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La baie 7 (vers 1520-1530) ou Vie de saint Antoine de Padoue de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La baie 7 (vers 1520-1530) ou Vie de saint Antoine de Padoue de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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Deuxième registre : découverte du cœur de l'usurier dans une cassette.
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Sur une place entourée d'arcades, saint Antoine lit un texte (office des Morts ?) devant une chaire face à la foule des proches. Le lieu évoque l'Aître Saint-Maclou, où les morts étaient enterrés dans la cour après la bénédiction. Mais saint Antoine refuse cette bénédiction, car il a la conviction, miraculeuse, que le cœur du cadavre a été ôté.
En bas à gauche, un médecin (riche manteau, chapeau lié à son titre) vient procéder à l'autopsie, il lève le bras vers saint Antoine, sans doute pour confirmer qu'effectivement le cœur est absent du thorax. (on voit vaguement le cadavre allongé sur la pierre avec le ventre ouvert, et les organes apparents.)
En bas à droite, un homme découvre le cœur : il était placé dans la cassette (proche d'un reliquaire) remplie d'or !
Le cœur rouge est monté en chef-d'œuvre. Un cartouche porte les initiales SA sur le pilier de la maison.
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"Dans une ville, en Toscane, toute la famille est réunie pour les funérailles solennelles d’un homme très riche. Antoine est présent, ainsi que de nombreux parents et amis, lorsque, troublé intérieurement, il s’écrie : « Ce mort ne doit pas être enterré dans un lieu béni, car son corps est sans le cœur.».
Tous les présents sont bouleversés et un débat animé s’engage entre eux. À la fin, on appelle des médecins qui ouvrent la poitrine du défunt, et, effectivement, son cœur n’est pas dans son thorax. On le retrouvera, peu après dans le coffre-fort où l’homme riche conservait son argent."https://www.santantonio.org/fr/content/le-c%C5%93ur-de-l%E2%80%99avare
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La baie 7 (vers 1520-1530) ou Vie de saint Antoine de Padoue de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La baie 7 (vers 1520-1530) ou Vie de saint Antoine de Padoue de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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Troisième registre : la guérison de la jambe coupée.
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"Un jeune homme de Padoue, nommé Leonardo, avait avoué en confession d’avoir donné un violent coup de pied à sa propre mère. Antoine l’avait admonesté sévèrement en lui disant :
« Le pied qui frappe la mère ou le père mérite d'être coupé à l'instant ».
Pris de remord, le jeune homme, aussitôt retourné chez lui, se trancha le pied qui avait frappé sa mère. La nouvelle se diffusa dans toute la ville et parvint aux oreilles d’Antoine. Le saint se rendit alors chez le jeune homme et, après s’être recueilli en prière, rattacha le pied et fit sur le jeune homme un grand signe de croix.
Le jeune homme se leva aussitôt tout joyeux, et en marchant et en sautillant, il louait Dieu et rendait grâces à saint Antoine." https://www.santantonio.org/fr/content/le-pied-rattach%C3%A9
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À gauche, saint Antoine est en train de prêcher en disant SI OCULUS TU EST TUA SCANLALIZAT TE.
Cette inscription cite l'évangile de Matthieu Mt 5:29-30: Si oculus tuus dexter scandalizat te, erue eumEt si dextra manus tua scandalizat te, abscide eam ("si ton œil droit est pour toi une occasion de chute, arrache le [...] et si ta main droite est pour toi une occasion de chute, coupe la") .
Parmi l'assistance, un jeune homme est endormi ou songeur au pied de la chaire. D'autres lisent, tandis qu'un mouvement se fait parmi la foule.
Sur une tour de l'arrière-plan une lettre P est inscrite.
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La baie 7 (vers 1520-1530) ou Vie de saint Antoine de Padoue de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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Le jeune homme, rentré chez lui (deux inscriptions-signatures SA sur les piliers) se coupe la jambe ... gauche.
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La baie 7 (vers 1520-1530) ou Vie de saint Antoine de Padoue de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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Alerté, saint Antoine replace miraculeusement la jambe victime de cet excès de zèle.
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La baie 7 (vers 1520-1530) ou Vie de saint Antoine de Padoue de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La baie 7 (vers 1520-1530) ou Vie de saint Antoine de Padoue de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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Quatrième registre : la mort de saint Antoine.
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Cartouche aux initiales SA suspendu au dessus du lit.
Trois enfants appellent des soldats en criant (phylactères)
SANCTVS EST MORTVS
SANCTVS EST MORTVS
SANCTVS ANTHEON (pour Sanctus Antonius ?)
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"L’épuisement dû à son intense travail du Carême l’obligea à accorder un temps de repos à un physique déjà éprouvé. Après Pâques, il accepta de se retirer avec quelques confrères dans la communauté de Camposampiero, à une vingtaine de kilomètres au nord de Padoue. Un certain comte Tiso, ami des Frères, lui construisit une hutte sur un grand noyer, au milieu de ses champs, où il puisse se consacrer à la prière, à la méditation et à quelques entretiens avec les gens de la campagne. C’est pendant ce séjour, qu’il eut la visite de Jésus Enfant, comme en témoignera le comte Tiso lui-même.
Le 13 juin 1231, un vendredi, au cours du repas, il est pris de malaise. Se sentant proche de la mort, il demande à être transporté dans sa communauté de Padoue. Déposé sur un char à bœufs, il est transporté à Padoue, mais les Frères le prient de s’arrêter dans le petit couvent de l’Arcella, aux faubourgs de la ville. C’est là que, murmurant ces paroles : « Je vois mon Seigneur », il meurt à l’âge d’environ 36 ans.
Quelques jours après, le mardi 17 juin, par des funérailles présidées par l’évêque et avec un grand concours de peuple, il est transporté solennellement à l’église Mère du Seigneur, et déposé en terre, dans un cercueil en bois, comme on le retrouvera plus tard, au cours de la reconnaissance canonique présidée par saint Bonaventure.
La multiplication des guérisons sur sa tombe et la dévotion des habitants de Padoue et de toute la région amenèrent le pape Grégoire IX à procéder à sa canonisation, le 30 mai 1232, fait unique dans l’histoire de la sainteté, 11 mois seulement après sa mort.
En 1946, le pape Pie XII proclamait saint Antoine de Padoue « Docteur de l’Église Universelle », au titre de Docteur évangélique." https://www.santantonio.org/fr/content/1231-la-mort
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La baie 7 (vers 1520-1530) ou Vie de saint Antoine de Padoue de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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SOURCES ET LIENS.
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— BLAISE (Alexandra), Le représentations hagiographiques à Rouen à la fin du Moyen Age (vers 1280-vers 1530), Thèse d'histoire de l'art Paris IV sous la dir. de Fabienne Joubert.
—BAUDRY (Paul), 1875, L'Église paroissiale de Saint-Vincent de Rouen, par Paul Baudry. Description des vitraux (1875) pages 60-64.
— CALLIAS-BEY (Martine), CHAUSSÉ (Véronique), GATOUILLAT (Françoise), HÉROLD ( Michel) 2001, Les vitraux de Haute-Normandie, Corpus Vitrearum -p. 399-411, Monum, Éditions du patrimoine, Paris, 2001 (ISBN 2-85822-314-9) ; p. 405.
— DAVID (Véronique), 2004, Rouen, église Sainte-Jeanne d'Arc : les verrières, Connaissance du patrimoine de Haute-Normandie, coll. « Itinéraires du patrimoine », 16 p. (ISBN 2-910316-03-3)
— DELSALLE (L.), 1998, "A St-Vincent de Rouen, vitrail dit des Œuvres de Miséricorde", Bull. CDA, 1998, p. 119-130.
— LAFOND (Jean), 1958, "Les vitraux de l'église St-Vincent et l'aménagement du Vieux-Marché", Bull. AMR, 1958-1970, p. 154.
— LANGLOIS (E.H), 1832, Essai historique et descriptif sur la peinture sur verre, Rouen, page 67-68.
—LAQUERRIERE (E. De) 1843, Eglise Saint-Vincent de Rouen, les vitraux, Revue de Rouen et de Normandie vol.11 page 363.
— PERROT (Françoise ) 1995, Vitraux retrouvés de Saint-Vincent de Rouen, Catalogue d'exposition Musée des Beaux-arts, Rouen, 190 p.
— PERROT (Françoise ), « Les vitraux de l'ancienne église Saint-Vincent remontés place du Vieux-Marché » , Bulletin des Amis des monuments rouennais, 1979, p. 71-73
— PROUIN (Norbert), PRÉAUX (André), JARDIN (Anne), 1983, Rouen place du Vieux-Marché, L'Église Jeanne-d'Arc et ses vitraux, Charles Corlet, 36 p.
— RIVIALE (Laurence), 2007, Le vitrail en Normandie, entre Renaissance et Réforme (1517-1596), Presses universitaires de Rennes, coll. Corpus Vitrearum .
—RIVIALE (Laurence), 2003, « Les verrières de l’église Saint-Vincent de Rouen remontées à Sainte-Jeanne d’Arc », Congrès archéologique de France, 161e session, 2003, Rouen et Pays de Caux, Paris, Société archéologique de France, 2006, p. 262-268.
"Jusqu'en 1541, Anne de Montmorency, nommé premier gentilhomme de la chambre du roi, va connaître la faveur royale et une carrière éclatante. Il est à Marignan en 1515 mais aussi à la bataille de La Bicoque, près de Milan, en 1522, où sa bravoure lui vaut d'être nommé maréchal, et au désastre de Pavie en 1525, où il est fait prisonnier. Libéré contre rançon, il rejoint la France alors que le roi est prisonnier à Madrid, et aide la Régente, Louise de Savoie à l'administration du royaume. Elle favorisera, en 1527, son mariage avec Madeleine de Savoie, union qui contribuera à faire de lui un des plus riches propriétaires de France, et le père de 12 enfants. Grand Maître de France en 1526 (il est responsable de tous les services de la maison du roi), il est enfin nommé Connétable en 1538, c'est-à-dire chef suprême des armées, auquel est accordé l'insigne honneur de porter l'épée du roi.
Sa disgrâce, brutale, vient en 1541. Jouant un rôle actif dans la diplomatie française et conseiller de François 1er sur les affaires italiennes, il a prôné la confiance en Charles Quint, persuadant le roi que l'empereur lui rétrocéderait le Milanais. Erreur funeste : celui-ci en fait don à son fils, l'infant Philippe. Le Connétable ne reparaîtra plus à la cour jusqu'à la mort de François 1er, le 31 mars 1547. Tel le phénix, il renaît alors de ses cendres, plus glorieux qu'auparavant.
L'attachement qu'Henri II, le nouveau souverain lui porte est un fait aussi avéré qu'étonnant. " Ne vous voyant pas, les jours me durent des années " écrit le jeune roi à son aîné de 26 ans. Leur entente ne se démentira jamais et Écouen possède de nombreuses traces des visites d'Henri II.
En 1551 le roi élève la baronnie de Montmorency en duché-pairie, la considérant comme la première de France. Si ce n'était le clan des Guise (Claude, le duc et son frère, le cardinal de Lorraine), qui sont ses indéfectibles rivaux à la cour et reprendront une influence importante sous le règne de François II (1559-1560), l'emprise du connétable sur la politique du royaume serait entière. Cette loyauté indéfectible, bâtie sur un caractère réputé cassant, a néanmoins souvent montré un net défaut de clairvoyance. Catholique convaincu, défenseur intransigeant de la royauté, Anne de Montmorency l'imagine toujours menacée, notamment par la Réforme, dont manifestement il ne comprend pas l'enjeu.
L'accession au trône de Charles IX (1560-1574) voit son retour en grâce et son engagement virulent contre les Protestants.
Il mourra en novembre 1567, à la tête de l'armée royale qui affronte celle des Huguenots, dans la plaine de Saint-Denis. Il avait 74 ans. Henri II avait désiré être enterré auprès de lui, mais Anne de Montmorency avait décliné l'honneur d'une sépulture à Saint-Denis. Il fut donc inhumé dans la collégiale de Montmorency (de son tombeau, il ne reste aujourd'hui que son priant et celui de son épouse). Mais son coeur fut déposé aux côtés de celui de son roi, dans la chapelle de l'église des Célestins à Paris. Barthelemy Prieur sculpta, sur un projet de Jean Bullant, la colonne torse ornée de motifs végétaux et accompagnée de statues allégoriques, au sommet de laquelle reposait le cœur de celui dont la devise Aplanos, " tout droit ", n'avait jamais failli au trône." (Musée de la Renaissance)
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Le château d'Écouen. Photographie lavieb-aile.
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LA CHAPELLE DU CHÂTEA D'ÉCOUEN.
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La chapelle occupe le pavillon sud-est.
Jean Goujon, "architecte du connétable", intervient en 1542-1544, notamment sur le décor de la chapelle. Influencé par les nouveautés de la Seconde Renaissance, la tradition antique et les traités de Sebastiano Serlio, il laisse notamment sa marque sur le décor en bois de la chapelle.
Ce décor, aux douze panneaux de marqueterie représentant les apôtres, a été remonté dans la chapelle du château de Chantilly.
L'absence de sources écrites ne permet pas une datation précise, mais trois dates permettent de la préciser : celle de 1544 sur les vitraux, de 1545 au revers d'un cartouche du garde-corps de la tribune, et de 1548, sur un lambris remonté à Chantilly.
Entre 1550 et 1552, Jean Bullant prend la direction du chantier, en particulier pour l'autel de la chapelle.
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Un remarquable panoramique interactif de cette chapelle est proposé sur le site du Musée de la Renaissance, et cet article ne saurait lui faire concurrence : j'engage chacun à s'y reporter.
CLIQUEZ SUR LES IMAGES.
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Chapelle (vers 1550) du château d'Écouen. Photographie lavieb-aile.
Chapelle (vers 1550) du château d'Écouen. Photographie lavieb-aile.
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La voûte de la chapelle : l'emblématique du Connétable et de Madeleine de Savoie.
Elle allie la voûte d'ogives et des voûtains très plats, et son décor peint est entièrement consacré à l'emblématique d'Anne de Montmorency, alliée aux emblèmes royaux de François Ier et Henri II.
On la comparera à celle de la chapelle de Chantilly.
" Le 10 février 1538, devant la cour réunie au palais ducal de Moulins, Anne de Montmorency reçoit l'épée de connétable des mains de François Ier, récompense de ses succès militaires et plus encore de son action à la tête d'une grande partie des affaires du royaume. Tout comme sa nomination comme Grand Maître de France et son mariage avec Madeleine de Savoie, fille de son prédécesseur et nièce de Louise de Savoie, l'avait amené à rénover son château de Chantilly, le nouveau connétable décide de reconstruire entièrement son château d'Écouen afin de marquer son rang et sa place à la cour."
" Le château est conçu pour recevoir le roi, la reine et la cour. Son plan, moderne et audacieux, quadrangulaire avec quatre pavillons saillants et une distribution intérieure innovante, porte l’ambition de mettre en valeur le protocole et la dignité de ses invités, car Montmorency, également grand maître de France, a la charge d’organiser la vie de la cour. Hélas pour lui, en 1541, alors que l’édification du château est commencée depuis trois ans, le connétable est disgracié par François Ier sur des querelles de politique étrangère et sur des intrigues de cour. Durant les six années de disgrâce, Montmorency partage sa vie entre Écouen et Chantilly, sans reparaître à la cour."
"Il lui faut attendre la mort du roi en 1547 pour qu’Henri II le rétablisse dans toutes ses prérogatives. Dès lors sont modifiés les façades du château et les escaliers qui mènent aux appartements du roi, et les cheminées reçoivent leur décor peint, exécuté vers 1550 par l’équipe de Jean Cousin. Le style d’Écouen présente une transition entre l’art très orné des châteaux de la Loire et la période classique, très respectueuse des canons de l’architecture antique selon Vitruve, en vogue sous le règne d’Henri II. Après Fontainebleau, Ancy-le-Franc et Oiron, Écouen est l’un des châteaux peints les mieux conservés de la Renaissance française." (T. Crépin-Leblond)
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Chapelle (vers 1550) du château d'Écouen. Photographie lavieb-aile.
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Au centre : les armoiries d'Anne de Montmorency, pleines vers l'est (fenêtre) et mi-parti de Savoie-Montmorency, de Madeleine de Savoie, vers la tribune d'orgues.
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Anne de Montmorency : d'or à la croix de gueules cantonnée de seize alérions d'azur ordonnés 2 et 2.
Madeleine de Montmorency : mi-parti Montmorency et Savoie, de gueules à la croix d'argent.
Suite à une restauration au siècle dernier, les armoiries d'Anne de Savoie ont été inversées.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Madeleine_de_Savoie
Chapelle (vers 1550) du château d'Écouen. Photographie lavieb-aile.
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Sur l'une des clefs de voûte, l'écu armoirié d'Anne de Montmorency, couronné, entouré du collier de l'Ordre de Saint-Michel et encadré de l'emblème d'Anne, l'épée en dextrochère .
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La couronne n'est pas conforme au modèle des barons, premier titre d'Anne de Montmorency, mais ce n'est pas non plus la couronne ducale. En 1551 le roi élève la baronnie de Montmorency en duché-pairie, la considérant comme la première de France.
Avec ses créneaux, elle se rapproche de la couronne de la capitale. Ces approximations sont certainement liées aux restaurateurs du XIXe siècle.
https://www.wikiwand.com/fr/Baron_(noblesse)
Le collier est celui adopté par François Ier après son avènement en 1515. Le premier collier institué par Louis XI représentait des « doubles las » comme des aiguillettes formant des doubles nœuds, alors que le second alterne les coquilles avec une double cordelière. Ce dernier motif renvoie à la cordelière des franciscains (ordre de saint François) ou à celle de la maison de Savoie, d’où est issu sa mère Louise de Savoie. À ce collier est suspendu un médaillon où saint Michel terrasse le dragon. Saint Jacques n'est pas oublié avec les coquilles, bien que celles-ci renvoient aussi au pèlerinage du Mont-Saint-Michel.
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L'ensemble est porté par un cartouche à cuir découpé enroulement, motif d'origine italienne qui apparaît en France dans le décor de la Galerie François Ier du château de Fontainebleau après 1539., et appartient ensuite au vocabulaire de la Seconde Renaissance.
Anne de Montmorency était un habitué du château de Fontainebleau où il avait ses appartements.
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Chapelle (vers 1550) du château d'Écouen. Photographie lavieb-aile.
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Sur l'autre clef de voûte, l'écu armoirié de Madeleine de Savoie, couronné, entouré de la cordelière franciscaine et présenté par un ange.
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La cordelière est un peu l'équivalent pour les femmes du collier d'un Ordre, qui aurait été fondé par Anne de Bretagne en l'honneur de la dévotion de son père François pour son saint patron et pour l'Ordre des Franciscains. On la trouve souvent autour des écus féminins. Mais c'est aussi, et surtout ici, un hommage à Louise de Savoie, tante de Madeleine et mère de François Ier.
À nouveau, les armes de Madeleine de Savoie sont inversées, les armes du mari (Montmorency) étant en règle à notre gauche.
Voir à la chapelle de Chantilly les armes correctes.
Chapelle (vers 1550) du château d'Écouen. Photographie lavieb-aile.
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Les voûtains.
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On y trouve de chaque côté le "chiffre" d'Anne, les initiales A et M entrelacées, traversées par l'épée propre au rang de Connétable (chef des armées), encadrées par les alérions de ses armoiries, et sommé par la couronne.
Puis viennent des dextrochères (bras ou ici poignet droit, protégé par l'armure et tenant l'épée) au dessus des fourreaux de ces épées, munis de leur baudrier.
Au centre, deux cartouches emblématiques, l'un honorant le roi et l'autre le connétable, entourent l'épée.
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Chapelle (vers 1550) du château d'Écouen. Photographie lavieb-aile.
Chapelle (vers 1550) du château d'Écouen. Photographie lavieb-aile.
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Le cartouche honorant François Ier (la salamandre et la devise NUTRISCO ET EXTINGUO).
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Ce qui m'intéresse ici n'est pas cette salamandre, ou la devise qui l'accompagne et la commente (Je nourris et j'éteins), mais le cartouche.
En effet, c'est une évolution tardive, complexe et marquée par l'orfèvrerie ou la ferronnerie du modèle initial, le cuir , imitant une peau tannée avec l'enroulement de ses bords et les découpes des membres. Il n'en garde que quatre rouleaux de courbures inversées. Nous passons donc à des cartouches qui imitent le travail du métal.
Le fond est un ovale, découpé à ses sommets, et où se superposent deux bras imitant le bronze doré, soutenus par deux termes anthropomorphes, et complétés en bas par une anse à coquille. En haut et en bas, nous retrouvons les alérions emblématiques du connétable.
J'ai consacré de multiples articles aux cartouches Renaissance, et aux termes, cariatides et atlantes tant prisés par les ornemanistes de la Seconde Renaissance.
Chapelle (vers 1550) du château d'Écouen. Photographie lavieb-aile.
Chapelle (vers 1550) du château d'Écouen. Photographie lavieb-aile.
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Le cartouche honorant Anne de Montmorency: sa devise APLANOS.
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Nouvel exemple de ces cartouches "métalliques" (je dirais presque "de quincaillerie"), mais enrichis ici de rubans factices à glands de passementerie.
L'épée du connétable est au centre, ses alérions sont présents. Deux allégories tiennent une palme et une fine couronne.
La devise (le "mot") APLANOS signifie "tout droit, sans dévier".
Les collections du Musée contiennent une serrure où un cartouche renferme le même "mot", mais avec un N retrograde.
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Entrée de serrure avec la devise "Aplanos" de Anne de Montmorency Photo (C) RMN-Grand Palais (musée de la Renaissance, château d'Ecouen) / Adrien Didierjean
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Voir aussi ce vitrail :
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Deux anges présentant les armes d'Anne de Montmorency, Paris, vers 1557, par Nicolas Beaurain. Photographie lavieb-aile.
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Chapelle (vers 1550) du château d'Écouen. Photographie lavieb-aile.
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Le cartouche honorant Anne de Montmorency: sa devise APLANOS associée aux 3 croissants emblématiques de Henri II, ajoutés secondairement.
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Le roi Henri II possédait à Écouen sa chambre, où on admire encore son chiffre et ses trois croissants peints sur les poutres du plafond.
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Chapelle (vers 1550) du château d'Écouen. Photographie lavieb-aile.
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Cartouche présentant la sentence FIDUS ET VERAT IN IUSTICIA IUDICAT ET PUGNAT.
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"Celui qui fiable et véridique en justice juge et combat".
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Chapelle (vers 1550) du château d'Écouen. Photographie lavieb-aile.
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Les quatre docteurs de l'Église.
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Aux quatre angles de la chapelle, à la retombée des voûtes, des niches abritent les statues de quatre Pères de l'Église. Ces statues en pierre et terre cuite polychrome mesurent 1, 50 m. de haut, elles sont presque de taille réelle.
Chaque personnage est placé sous l'attribut de l'un des évangélistes.
Le site du Musée soulève l'hypothèse que ces statues puissent être l'œuvre des Juste, venus de Florence.
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Saint Jérôme sous le lion ailé de saint Luc.
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Il tient un livre, la Vulgate ou traduction de la Bible dont il est l'auteur, et les fiocchi de son chapeau de cardinal, de façon anachronique. ("En 383, le pape Damase Ier le choisit comme secrétaire et lui demande de traduire les quatre Évangiles en latin. La marque de confiance que le pape lui avait accordée à cette occasion explique que la tradition et l'iconographie lui reconnaissent la qualité de cardinal, bien que l'institution cardinalice n'ait pas encore reçu, à l'époque, la définition précise que lui conférera au XIe siècle la réforme grégorienne.")
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Chapelle (vers 1550) du château d'Écouen. Photographie lavieb-aile.
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Saint Augustin.
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Sous l'aigle de Jean , il tient ses écrits (la Cité de Dieu, ses Confessions, ...) alors que sa mitre d'évêque d'Hippone est posée à ses pieds.
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Chapelle (vers 1550) du château d'Écouen. Photographie lavieb-aile.
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Saint Grégoire.
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Il a perdu la crosse d'évêque de Nysse.
L'ange de saint Matthieu est au dessus de lui.
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Chapelle (vers 1550) du château d'Écouen. Photographie lavieb-aile.
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Saint Ambroise.
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Il est dominé par le Taureau ailé de saint Marc. Il tient sa crosse d'évêque de Milan.
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Chapelle (vers 1550) du château d'Écouen. Photographie lavieb-aile.
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La Vierge à l'Enfant, mosaïque de Davide Ghirlandaio, Florence 1496.
La verrière de la Vie de saint Jean-Baptiste (Engrand Le Prince 1525-1526), baie 5 de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc de Rouen provenant de l'église Saint-Vincent.
Cette baie à 4 lancettes trilobées et un tympan à 6 soufflets et 6 mouchettes est la 5ème en partant de la gauche. C'est la première, et la plus large, du pan court orienté vers l'est et qui comporte 4 baies, dans cet angle où est situé l'autel.
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Article Wikipédia, photo Chabe01 sous licence CC BY-SA 4.0
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Elle mesure 6,65 m. de haut et 3,24 m. de large et le décor de ses lancettes est organisé en deux registres de deux épisodes, le registre supérieur consacré à la prédication de Jean-Baptiste puis au Baptême du Christ, et le registre inférieur consacré à la mort du saint. Le tympan illustre la naissance et l'enfance de Jean-Baptiste.
L'auteur en est Engrand Le Prince, comme l'indique les initiales portées au tympan et sur les deux scènes du registre inférieur, et les dates de 1525-1526 sont inscrites dans le décor de la danse de Salomé.
Ce maître-verrier, membre le plus illustre de l'atelier Le Prince de Beauvais a également réalisé la baie 3 ou vitrail des Chars entre 1522 et 1524, et la baie 6 ou verrière des œuvres de Miséricorde vers 1525. "Leurs œuvres témoignent d'une virtuosité incomparable dont les qualités ne sont plus à démontrer : dynamisme des compositions, éclat et subtilité des couleurs, raffinement dans la technique de peinture et surtout maîtrise incomparable du jaune d'argent ; le peintre-verrier obtient le modelé par contraste des différentes valeurs du jaune d'argent, allant du citron à l'orangé, et le verre nu laissant à la lumière toute son intensité. Damas et dinanderies sont également traités par l'emploi exclusif du jaune d'argent sans trait préalable cernant les contours." (Callias-Bey p. 402)
Ce blog consacre plusieurs articles à cet atelier.
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LE REGISTRE SUPÉRIEUR.
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Cliquez sur les images.
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Les deux lancettes de gauche : la prédication de saint Jean-Baptiste.
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La prédication de saint Jean a lieu dans une forêt peuplée d'animaux et d'oiseaux.
Saint Jean parle depuis une "chaire" édifiée entre deux arbres par des branches entrecroisées en palissade. Barbe et cheveux longs, il est nimbé, et vêtu de sa peau de chameau (jaune) et d'un grand manteau rouge dont le pan s'envole au vent. Ses pieds sont nus, l'un cavalièrement posé sur la fourche du tronc. Il trace avec le pouce et l'index le geste de l'argumentation oratoire.
On voit à ses pieds des fleurs bleues, jaunes et rouges, un lapin, un cerf, et un lion. Ce lion reproduit celui de la gravure de Dürer "saint Jérôme dans sa cellule".
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Discussion iconographique.
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Le thème de la "prédication" (ou "sermon") de saint Jean-Baptiste trouve sa source dans les évangiles, notamment en Matthieu III : 1-12 :
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"En ce temps-là parut Jean Baptiste, prêchant dans le désert de Judée. Il disait: Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche. Jean est celui qui avait été annoncé par Ésaïe, le prophète, lorsqu'il dit: C'est ici la voix de celui qui crie dans le désert: Préparez le chemin du Seigneur, Aplanissez ses sentiers. Jean avait un vêtement de poils de chameau, et une ceinture de cuir autour des reins. Il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. Les habitants de Jérusalem, de toute la Judée et de tout le pays des environs du Jourdain, se rendaient auprès de lui; et, confessant leurs péchés, ils se faisaient baptiser par lui dans le fleuve du Jourdain.
"Mais, voyant venir à son baptême beaucoup de pharisiens et de sadducéens, il leur dit:Races de vipères, qui vous a appris à fuir la colère à venir? Produisez donc du fruit digne de la repentance, et ne prétendez pas dire en vous-mêmes: Nous avons Abraham pour père! Car je vous déclare que de ces pierres-ci Dieu peut susciter des enfants à Abraham. Déjà la cognée est mise à la racine des arbres: tout arbre donc qui ne produit pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu.
"Moi, je vous baptise d'eau, pour vous amener à la repentance; mais celui qui vient après moi est plus puissant que moi, et je ne suis pas digne de porter ses souliers. Lui, il vous baptisera du Saint Esprit et de feu. Il a son van à la main; il nettoiera son aire, et il amassera son blé dans le grenier, mais il brûlera la paille dans un feu qui ne s'éteint point."
"Selon ce qui est écrit dans Ésaïe, le prophète: Voici, j'envoie devant toi mon messager, qui préparera ton chemin; c'est la voix de celui qui crie dans le désert: préparez le chemin du Seigneur, Aplanissez ses sentiers.
Jean parut, baptisant dans le désert, et prêchant le baptême de repentance, pour la rémission des péchés. Tout le pays de Judée et tous les habitants de Jérusalem se rendaient auprès de lui; et, confessant leurs péchés, ils se faisaient baptiser par lui dans le fleuve du Jourdain.
Jean avait un vêtement de poils de chameau, et une ceinture de cuir autour des reins. Il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage.
Il prêchait, disant: Il vient après moi celui qui est plus puissant que moi, et je ne suis pas digne de délier, en me baissant, la courroie de ses souliers. Moi, je vous ai baptisés d'eau; lui, il vous baptisera du Saint Esprit.
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— Le désert de Judée (deserto Judacaea) est un lieu montagneux entre Jérusalem et la Mer Morte et le Jourdain, fleuve qu'il surplombe dans sa pointe nord. Le séjour de Jean-Baptiste dans "les déserts" est également indiqué par Luc 1:80, mais ce séjour précède le temps où le saint "se présente devant Israël".
Le terme grec est ἐρῆμος , eremos et il revient mainte fois dans les évangiles (à propos de Jean-Baptiste mais aussi de Jésus), dans les Actes, les Epîtres et l'Apocalypse.
Le paysage de forêt représenté par Engrand Le Prince, puis d'autres peintres, relève de la tradition iconographique dans laquelle le "désert" est un lieu inhabité et sauvage voué à la solitude. Ce rapport entre la forêt et l'adjectif "sauvage" existe dans l'étymologie reliant "sauvage", salvaticus, silvaticus , et silva, "forêt". C'est la justification de la présence des bêtes sauvages, le cerf, le lion, voire le lapin s'il s'agit d'un lièvre, et des oiseaux.
Jean 1:28 situe l'endroit où Jean baptisait les Juifs à "Béthanie au delà du Jourdain", assimilé par certains à Bathanée, ou Ectabane. En Jean 1:23, le saint se désigne ainsi : "je suis la voix qui crie dans le désert".
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— La tenue vestimentaire de Jean-Baptiste est précisée dans le texte : un vêtement en poils de chameau et une ceinture de cuir. Le peintre a bien montré une sorte de peau de chameau (c'est une vieille tradition de l'art occidental où les pattes ou la tête sont parfois détaillées), mais il l'a largement recouvert d'un glorieux manteau rouge qui n'est pas fidèle au texte évangélique. Est-ce une façon de présenter Jean-Baptiste comme le Précurseur du Christ, celui-ci étant traditionnellement figuré nu sous le manteau rouge de la Résurrection ?
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— De quel prêche s'agit-il ? Les textes nous proposent plusieurs thèmes :
Celui de l'annonce d'un Seigneur, où Jean réalise la prophétie d'Esaïe 40:3
Celui de l'appel au repentir, "car le royaume des cieux est proche", et au baptême de repentance par immersion dans le Jourdain
Celui qui critique durement les pharisiens et sadducéens.
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Le peintre a placé devant le prédicateur huit auditeurs, dont un moine, des hommes et femmes en costume François Ier. Les deux hommes (dont un riche seigneur en bonnet à plume) discutent avec des gestes expressifs, les femmes ont amené des livres. Nous ne pouvons deviner quel thème du prêche est illustré ici, et cela semble plutôt une transposition d'une prédication contemporaine portant sur les sujets épineux de théologie qui vont conduire à la Réforme.
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Quand et comment ce sujet de la prédication de Jean-Baptiste a-t-il été illustré?
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Si j'interroge Wikipédia, je suis conduit à un tableau peint par Pieter Bruegel l'Ancien en 1566. Le commentaire mentionne que
"Ce n'est qu'à partir du xvie siècle que saint Jean-Baptiste est figuré en prédicateur. Il se tient ici loin à l'arrière plan, mais l'attention dont il fait l'objet et la tribune que lui offre la nature pour prêcher suffisent à le mettre en évidence. De la main gauche, il semble annoncer l'importance de Jésus qui se tient légèrement à l'écart. Jean est ainsi représenté à la fois en prédicateur ambulant, maître de Jésus, et prophète annonçant la venue du Messie. La foule s'est réunie sur la lisière d'une épaisse forêt pour entendre la parole de l'ascète, qui apparaît au fond."
Lucas Cranach le jeune peint une Prédication en 1549 : dans une forêt, saint Jean juché sur la souche d'un tronc parle derrière une branche formant balustrade, comme à Rouen, mais le public est très différent, fait de soldats et de notables arrogants et dubitatifs. Le contraste entre le dénuement du saint et la richesse et la puissance des bourgeois et de la troupe est accentué.
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Lucas Cranach le Jeune, la Prédication de saint Jean-Baptiste, 1549
Jost Haller, vers 1445 représente la scène sur un retable de l’église de la commanderie des Chevaliers de Saint-Jean de Bergheim ou Tempelhof (aujourd'hui au musée Unterlinden de Colmar). La scène se déroule aussi dans une forêt, devant un public de villageoises et villageois, mais Jean désigne clairement du doigt le Christ, qui est figuré au centre.
Un autre retable conservé au musée Unterlinden de Colmar date de 1526, le Retable de saint Jean-Baptiste, école du Danube, origine Allemagne du sud . La scène se passe dans un paysage désertique, mais, comme dans la verrière d'Engrand Le Prince, Jean prêche derrière une balustrade de branches assemblées. "Ces panneaux retracent les principaux épisodes de la vie de saint Jean-Baptiste, la Prédication, le Baptême du Christ, la confrontation à Hérode et Hérodiade, la Décollation, et Salomé présentant sa tête à Hérodiade. Ces cinq éléments sont surmontés d’un panneau représentant Dieu le Père. Le retable ainsi constitué, hors de son cadre d’origine, semble complet. L’artiste s’est inspiré de gravures sur bois pour deux compositions, une oeuvre de Dürer (1511) dans « Salomé présentant la tête de saint Jean-Baptiste» et d’Altdorfer (1512) pour la « Décollation ». Ces influences suffisent à rattacher cette oeuvre au courant stylistique qualifié d’Ecole du Danube auquel ont participé Cranach, Hans Baldung Grien, Dürer et Altdorfer. Dans les années 1510-1530, ces artistes de la région du Danube ont cherché à traduire émotions et sentiments, non par la seule présence humaine, mais en l’insérant dans une nature dont la représentation – formes, couleurs, lumières – participe aussi à l’évocation d’états d’âme."
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Le peintre flamand Joachim Patenier (1483-1524) réalisa aussi un Paysage avec prédication de saint Jean-Baptiste, qui mérite notre intérêt car Patenier est un ami de Dürer. Or les vitraux d'Engrand Le Prince comporte plusieurs motifs inspirés de Dürer, à Beauvais comme à Rouen.
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Enfin, il me paraît intéressant de mentionner, pour la proximité de temps avec notre vitrail, et la proximité de lieu, la tenture réalisée en 1516 pour l’église Saint-Jean-Baptiste d’Angers et actuellement conservée à la cathédrale d'Angers.
Cette tenture a été commandée au maître lissier Guillaume de Rasse en 1516 pour Jean Hector, recteur de l’église Saint-Jean-Baptiste d’Angers. Les cartons en sont attribués à Gauthier de Campes. Elle devait comporter à l’origine 7 tapisseries mais seules 4 sont actuellement connues. Deux épisodes y sont juxtaposés, séparés par des pilastres ornés de très beaux motifs de grotesques . La Burrell collection de Glasgow conserve Saint Jean-Baptiste s’adressant à la foule, aux publicains et aux soldats.L’Annonce à Zacharie et La Visitation est probablement la seule pièce complète.
Saint Jean-Baptiste devant les Prêtres et les Lévites a été achetée par l'Etat en 2015 pour rejoindre le trésor de la cathédrale.
On y lit les mots : Misericorde/ de l'agniau de cõcorde / et verite joie par le pur lan---
et le cartouche indique Ego sum vox clamantis in deserto.
Sur la tapisserie conservée à Glasgow, et qui est aussi une "prédication", Jean-Baptiste a le geste d' argumentation avec l'index droit posé sur le pouce gauche, comme sur le vitrail de Rouen.
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Saint Jean-Baptiste s’adressant à la foule, aux publicains et aux soldats. Copie d'écran Burrel collection, Glasgow.
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Détail dans le volume VI du Corpus vitrearum , qui montre la précision de la peinture, dont je n'ai pu rendre compte avec mes photos.
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Les deux lancettes de droite : le Baptême de Jésus dans le Jourdain.
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La tête et la partie inférieur du corps du Christ ont été restaurées vers le milieu du XVIe siècle. La tête de Dieu et peut-être celle de Jean-Baptiste ont été restaurées.
Inscription HIC EST FILIUS MEUS DILLECT9 IN QUO MICHI BENE [COMPLACUI]
C'est une citation de Matthieu 3:17 : "Et voici, une voix fit entendre des cieux ces paroles: Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis toute mon affection." Le verset précédent dit : "Dès que Jésus eut été baptisé, il sortit de l'eau. Et voici, les cieux s'ouvrirent, et il vit l'Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui."
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Deux anges tiennent la tunique du Christ. Un homme nu se prépare à être baptisé, un autre sort du fleuve et s'essuie les pieds, un couple arrive, portant un enfant.
Dans le fond, un château, de style plus rhénan que normand.
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LE REGISTRE INFÉRIEUR.
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À gauche : la décollation de Jean-Baptiste ; sa tête est remise à Salomé sur un plat.
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La tête de Salomé et celle des suivantes ont été restaurées.
Les manches à crevés de Salomé donnent un technique de gravure sur verre rouge.
Les jambes des bourreaux sont toujours nues, et leur chemise ne doit pas entraver leur geste technique. Un assistant tient une épée (de rechange ?), pointe vers le haut.
Le spectacle d'une décollation est toujours très couru, et on voit deux couples de spectateur accoudés à leur fenêtre pour en profiter.
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Au dessus de la porte d'où provient Salomé, on lit les initiales LP correspond à la signature de Le Prince.
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Aux pieds de Salomé bondit son petit chien blanc. Cet animal de compagnie, presque toujours blanc, est très fréquemment associé, sur les vitraux du XVIe siècle, à la représentation des cours seigneuriales.
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Un ange tourne vers lui un écu portant, non des armoiries, mais les initiales MP reliées par un lacs d'amour. Les auteurs du Corpus vitrearum rapportent (avec un point d'interrogation) l'hypothèse d'y voir les initiales de Marion Le Pilleur. En effet cette famille possédait sa tombe dans l'église Saint-Vincent :
Dans la ligne du milieu de la nef, [...].
Au-dessus , beau fragment de la pierre tumulaire de Jehan Le Pilleur, marchand et bourgeois de Rouen, et de sa femme, tous deux sous de très riches dais gothiques. Il n'y a plus que la moitié de cette pierre colossale, autour de laquelle on lit, en caractères gothiques : "Cy gissent honorable home Jehan Le Pilleur marchant et bourgois de Rouen"..... Le reste illisible ou tronqué.
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Mais le lacs d'amour réunit souvent les initiales des prénoms d'un couple (ici à Champeaux). Jacques Le Lieur les utilise aussi comme rébus de son nom dans ses manuscrits.
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À droite : Danse de Salomé devant Hérode, et Hérode et Hérodiate attablés.
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Le bras gauche d'Hérodiate a été restauré, et une pièce de damas a été utilisé en bouche-trou dans son costume.
La danse de Salomé, signalée manquante par La Quérière en 1844, a été réalisée en 1869 pour remplacer des bouche-trous. Le sujet d'origine était Salomé présentant le chef de saint Jean-Baptiste à Hérode et Hérodiate, comme sur la copie de cette verrière exécutée en 1535 par Mausse Heurtault pour l'église Saint-Ouen de Pont-Audemer.
On retrouve les petits chiens blancs (ou un chat blanc).
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Détail dans le volume VI du Corpus vitrearum page 404 : le roi Hérode.
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Détail de l'architecture avec l'inscription de la date 152 [5].
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L'ensemble de la verrière a été restauré et complété en 1869 par Duhamel-Marette grâce aux dons de "Mrs et Melle Dutuit" (inscription en bas à gauche).
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LE TYMPAN.
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1°) Soufflet supérieur et du centre gauche : annonce de l'ange (en haut) de la naissance de Jean-Baptiste à son père Zacharie agenouillé devant l'autel.
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Inscription ZACHARIE sur l'autel.
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2°) Visitation (soufflet droit) : rencontre d'Elisabeth, alors enceinte de Jean-Baptiste, avec Marie (nimbée) enceinte de Jésus, cousin de Jean-Baptiste.
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Fond architecturé.
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3°) Départ de la maison paternelle : soufflet inférieur gauche.
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4°) Jean-Baptiste Précurseur désignant le Christ comme Agneau de Dieu. Soufflets médian et droit.
Jean-Baptiste, assis dans un paysage forestier désigne à des disciples (un couple, un enfant et un homme) un agneau portant l'étendard de la croix sous l' inscription Agnus Dei.
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5°) Les mouchettes peintes en grisaille et jaune d'argent : motifs décoratifs Renaissance à rinceaux, médaillons à l'antique et cartouches. Deux anges tiennent des cartouches aux initiales LP (Le Prince).
"LP" est la lecture des auteurs du Corpus vitrearum. Je lis pour ma part les initiales "ALP" avec certitude. La forme Angrand Le Prince pour Engrand ou Enguerrand Le Prince est attestée, notamment en signature ALP d'une baie de Saint-Etienne de Beauvais.
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SOURCES ET LIENS.
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—BAUDRY (Paul), 1875, L'Église paroissiale de Saint-Vincent de Rouen, par Paul Baudry. Description des vitraux (1875) pages 60-64.
— BLONDEAU (Caroline), "L'escu de voirre", le vitrail à Rouen 1450-1530
— CALLIAS-BEY (Martine), CHAUSSÉ (Véronique), GATOUILLAT (Françoise), HÉROLD ( Michel) 2001, Les vitraux de Haute-Normandie, Corpus Vitrearum -p. 399-411, Monum, Éditions du patrimoine, Paris, 2001 (ISBN 2-85822-314-9) ; p. 495
— DAVID (Véronique), 2004, Rouen, église Sainte-Jeanne d'Arc : les verrières, Connaissance du patrimoine de Haute-Normandie, coll. « Itinéraires du patrimoine », 16 p. (ISBN 2-910316-03-3)
— DELSALLE (L.), 1998, "A St-Vincent de Rouen, vitrail dit des Œuvres de Miséricorde", Bull. CDA, 1998, p. 119-130.
— LAFOND (Jean), 1958, "Les vitraux de l'église St-Vincent et l'aménagement du Vieux-Marché", Bull. AMR, 1958-1970, p. 154.
— LANGLOIS (E.H), 1832, Essai historique et descriptif sur la peinture sur verre, Rouen, page 67-68.
—LAQUERRIERE (E. De) 1843, Eglise Saint-Vincent de Rouen, les vitraux, Revue de Rouen et de Normandie vol.11 page 131 et 359.
— PERROT (Françoise ) 1995, Vitraux retrouvés de Saint-Vincent de Rouen, Catalogue d'exposition Musée des Beaux-arts, Rouen, 190 p.
— PERROT (Françoise ), « Les vitraux de l'ancienne église Saint-Vincent remontés place du Vieux-Marché » , Bulletin des Amis des monuments rouennais, 1979, p. 71-73
— PROUIN (Norbert), PRÉAUX (André), JARDIN (Anne), 1983, Rouen place du Vieux-Marché, L'Église Jeanne-d'Arc et ses vitraux, Charles Corlet, 36 p.
— RIVIALE (Laurence), 2007, Le vitrail en Normandie, entre Renaissance et Réforme (1517-1596), Presses universitaires de Rennes, coll. Corpus Vitrearum .
—RIVIALE (Laurence), 2003, « Les verrières de l’église Saint-Vincent de Rouen remontées à Sainte-Jeanne d’Arc », Congrès archéologique de France, 161e session, 2003, Rouen et Pays de Caux, Paris, Société archéologique de France, 2006, p. 262-268.
La verrière de l'Arbre de sainte Anne ( atelier rouennais, 1520-1530) ou baie 4 de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc de Rouen, provenant de l'église Saint-Vincent.
Verrière de la Vie de saint Pierre, atelier rouennais, 1520-1530, don des Boyvin, seigneurs de Bonnetot . Provient de la baie 11 de Saint-Vincent, au nord.
Verrière de Sainte Anne, 1520-1530, œuvre de Jean (?) Le Vieil et probablement offerte par la confrérie de Compostelle ; Provient de la baie n°8 de Saint-Vincent, au Sud.
Verrière du Triomphe de la Vierge ou vitrail des Chars, commandée en 1515 et réalisée vers 1522, œuvre de Jean et Engrand Le Prince ; Provient de la baie n°10 de Saint-Vincent, au Sud
Verrière de la Parenté de sainte Anne, atelier rouennais, 1520-1530 ; Provient de la baie n°6 de Saint-Vincent, au Sud.
Verrière de la Vie de saint Jean-Baptiste, réalisée en 1525-1526, œuvre d'Engrand Le Prince ; Provient de la baie n°13 de Saint-Vincent, au Nord.
Verrière des Œuvres de Miséricorde, réalisée en 1520-1530, œuvre d'Engrand et peut-être de Jean Le Prince ; Provient de la baie n°7 de Saint-Vincent, au Nord
Verrière de Saint Antoine de Padoue, atelier rouennais, 1520-1530, seule verrière uniquement en grisaille et jaune d'argent ; Provient de la baie n°5 de Saint-Vincent, au Nord
Verrière des six Saints, atelier rouennais, 1520-1530 ; Provient de la baie n°9 de Saint-Vincent, au Nord
Verrière de l'Enfance et de la Vie publique du Christ, atelier rouennais, 1520-1530, don des Le Roux de Bourgtheroulde ; Provient de la baie n°3 de Saint-Vincent, au Nord.
Verrière de la Passion, atelier rouennais, 1520-1530 ; Provient de la baie n°1 de Saint-Vincent, au Nord.
Verrière de la Crucifixion, atelier rouennais, 1520-1530, ancienne verrière axiale ou baie 0 de l'église Saint-Vincent ;
Verrière de la Vie glorieuse du Christ, atelier rouennais, 1520-1530 ; Provient de la baie n°2 de Saint-Vincent, au Sud
Verrière du martyre de saint Vincent, atelier rouennais, 1520-1530, don des Le Roux, seigneurs de l'Esprevier. Provient de la baie n°4 de Saint-Vincent, au Sud.
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Localisation de la baie de l'église Saint-Vincent.
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La baie actuelle provient de la baie 6 du chœur de l'église Saint-Vincent de Rouen, qui a été bombardée en 1944 et détruite, alors que ses vitraux avaient été mis à l'abri. Sa chapelle sainte Anne, au sud, fut achevée en 1519. Cette baie était voisine de la baie 8, consacrée à la vie de sainte Anne et de la jeune Marie, remontée en baie 3 à Sainte-Jeanne-d'Arc.
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Cette baie de 6,60 m. de haut et 1,84 m. de large comporte 3 lancettes trilobées et un tympan à 3 soufflets et 4 écoinçons. Les lancettes sont divisées en quatre registres, et leur décor est consacré à un Arbre de sainte Anne, par analogie à l'Arbre de Jessé : il présente la Parenté de la Vierge, tradition rapportée par la Légende Dorée selon laquelle Anne eut comme enfants, outre Marie par son mariage avec Joachim, deux autres filles, Marie Salomé dont le père est ... Salomé, et Marie Jacobé dont le père est Cléophas. Aussi la verrière porte-t-elle parfois le nom de vitrail des Trois Marie. Chacune est elle-même représentée avec son ou ses enfants Jésus pour Marie, Jacques le Majeur et Jean l'évangéliste pour Marie Salomé, et les trois apôtres Jacques le Mineur, Simon et Jude, ainsi que Juste, pour Marie Jacobé.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Sainte_Parent%C3%A9
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Le thème, généalogique, de l'Arbre de Jessé est illustré à Rouen en sculpture sur le portail principal de la cathédrale, et en vitrail à Saint-Godard (1506) . Mais aussi à Bourg-Achard. Mais l'église Saint-Vincent elle-même possédait un vitrage de l'Arbre de Jessé, dont nous connaissons l'existence par sa restauration en 1536-1537 par Nicolas Gouillet, qui la complète alors, peut-être pour l'ajuster au tympan du nouveau portail sud.
Le thème de la Parenté de la Vierge est également répandu en ce début du XVIe siècle. Il était déjà représenté sur la baie 5 de Saint-Maclou de Rouen en 1440-1450. On le trouve aussi à Louviers sur la baie 18, réalisé par Arnoult de Nimègue en 1510-1515. Ce thème est relié aux réflexions, très actives alors à Rouen, sur l'Immaculée conception de Marie, et ses rapports avec l'Arbre de Jessé.
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Cette verrière est très bien conservée. Elle a été restaurée en 1870 (inscription lue par Baudry en 1875) grâce aux dons d'Hedwige Duménil. En effet, de 1869 à 1875, l'abbé Pierre-Isidore Duménil, finance, avec sa sœur Hedwige, la fabrique présidé par Niel et de nombreux paroissiens la restauration de plusieurs verrières par l'atelier Duhamel-Marette, Nicolas Cochois, verrier des Andelys, se chargeant de leur dépose et de leur repose. C'est alors que la baie 17, celle de l'Arbre de Jessé, est déplacé en baie 113.
En 1843, La Querrière (p. 308) signale qu'à Saint-Vincent, elle était en partie cachée par le retable de la chapelle.
La verrière de l'Arbre de sainte Anne ( atelier rouennais, 1520-1530) ou baie 4 de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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LE REGISTRE INFÉRIEUR : LES DONATEURS. LA RENCONTRE DE LA PORTE DORÉE.
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À gauche : le donateur et ses trois fils.
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Nous n'avons pas l'identité de ce donateur, sans doute un riche marchand drapier ou un échevin de Rouen. Nous ne trouvons aucun indice, ni inscription, ni armoiries ; sous le manteau bleu, une pièce de verre noir porte des traces blanches qui restent énigmatiques. D'autre part, il ne semble pas que les archives aient livré quelque information.
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La verrière de l'Arbre de sainte Anne ( atelier rouennais, 1520-1530) ou baie 4 de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La verrière de l'Arbre de sainte Anne ( atelier rouennais, 1520-1530) ou baie 4 de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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Au centre : la rencontre entre Anne et Joachim à la Porte Dorée de Jérusalem.
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Cette scène est cruciale puisque selon la tradition, c'est par cette chaste rencontre, et de l'étreinte des époux, que fut conçue la Vierge Marie. Le rendez-vous a été fixé par un ange qui est apparu à Joachim, retiré dans les montagnes pour faire pâturer ses troupeaux après avoir vu son offrande refuser au Temple en raison de la stérilité du couple, et Anne, restée seule à Jérusalem et portant déjà la guimpe des veuves.
La Porte, avec ses médaillons à l'antique et ses bas-reliefs, témoigne de l'influence de la Première Renaissance, introduite à Gaillon par les cardinaux Georges I et Georges II d'Amboise.
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La verrière de l'Arbre de sainte Anne ( atelier rouennais, 1520-1530) ou baie 4 de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La verrière de l'Arbre de sainte Anne ( atelier rouennais, 1520-1530) ou baie 4 de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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À droite : la donatrice et ses six filles.
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La donatrice est agenouillée face à la scène centrale, elle est vêtue d'un riche manteau bleu aux larges manches fourrées, et elle porte une petite coiffe noire. Ses filles ont des robes de couleur plus vives, mais aux mêmes larges manches à fourrure blanche. L'une porte un chapelet à sa ceinture.
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La verrière de l'Arbre de sainte Anne ( atelier rouennais, 1520-1530) ou baie 4 de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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LE DEUXIÈME REGISTRE : LES TROIS MARIE .
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À partir de ce registre, des branches d'un arbre (dont il est plaisant mais non vérifié d'imaginer qu'il s'enracine et s'élève de la Porte dorée elle-même) servent de support aux personnages de la Parenté de la Vierge, par un parallèle avec l'Arbre de Jessé.
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Au centre , Éducation de la Vierge par sainte Anne.
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La mère et sa fille sont luxueusement vêtues.
Anne porte une robe bleu-mauve à manches fourrées, serrée par une ceinture nouée, et un manteau rouge à revers or, à galon perlé. Le damassé de la robe est réalisé par pochoir sur un motif floral que je retrouve dans les œuvres de Le Prince.
La jeune Marie, aux cheveux longs et dénoués, porte une robe à décolleté carré souligné de perles, en étoffe d'or et un manteau doré dont le damassé est peint (et non plus appliqué au pochoir).
Le livre voit sa reliure doté d'une couverte bleu clair à glands verts.
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La verrière de l'Arbre de sainte Anne ( atelier rouennais, 1520-1530) ou baie 4 de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La verrière de l'Arbre de sainte Anne ( atelier rouennais, 1520-1530) ou baie 4 de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La verrière de l'Arbre de sainte Anne ( atelier rouennais, 1520-1530) ou baie 4 de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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Le livre porte l'inscription :
sur la page de gauche :
O SALVTAR
I SOSTIAQV
SFLI.PAN DI
OSTIVM B
Il s'agit de l'hymne, réservée à l'élévation, composée par Thomas d'Aquin, et chantée depuis le XVe siècle sous l'influence de l'école franco-flamande O salutaris hostia quae cœli pandis ostium. Bella premunt hostilia ; da robur, fer auxilium, "Ô réconfortante hostie, qui nous ouvres les portes du ciel, les armées du ciel nous poursuivent, donne-nous la force, porte-nous secours."
https://fr.wikipedia.org/wiki/O_salutaris_Hostia
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Sur l'autre page :
AVE GRATI
PLENA DOM
INVSTECO
GLORIA .
INIEX ET
TE RARA
Les premières lignes correspondent à : Ave gratia plena Dominus tecum Gloria, la suite est plus ardue à comprendre.
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La verrière de l'Arbre de sainte Anne ( atelier rouennais, 1520-1530) ou baie 4 de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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À gauche, Marie Salomé.
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Malgré l'inscription en verre rouge gravé (qui a été intervertie) qui indique MARIE JACOBÉ , il s'agit ici de Marie Salomé, épouse de Zébédée, puisque ses deux fils Jean et Jacques sont figurés au dessus d'elle.
Elle tient un livre ouvert.
Elle est coiffée d'un turban en linge blanc orné d'un cabochon d'or, noué sous le menton.
Son manteau vert reprend le motif floral au pochoir déjà utilisé pour sainte Anne.
Au dessous du galon (restauré ?) de ce manteau, la robe dorée porte un damassé d'acanthes peint en grisaille.
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La verrière de l'Arbre de sainte Anne ( atelier rouennais, 1520-1530) ou baie 4 de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La verrière de l'Arbre de sainte Anne ( atelier rouennais, 1520-1530) ou baie 4 de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La verrière de l'Arbre de sainte Anne ( atelier rouennais, 1520-1530) ou baie 4 de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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À droite, Marie Jacobé.
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L'inscription en verre rouge gravé porte les mots MARIE SALLE, pour Marie Salomé, puisqu'il y a eu interversion des noms.
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La verrière de l'Arbre de sainte Anne ( atelier rouennais, 1520-1530) ou baie 4 de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La verrière de l'Arbre de sainte Anne ( atelier rouennais, 1520-1530) ou baie 4 de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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LE TROISIÈME REGISTRE : LES FILS DES TROIS MARIE.
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Au centre, la Vierge à l'Enfant.
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Elle est couronnée et nimbée tandis que l'Enfant porte le nimbe crucifère.
Le visage de Marie est tournée vers sa gauche, mais les regards de la mère et de l'enfant ne se croisent pas, car ce dernier regarde la poire que tient Marie et vers lequel il tend la main.
Le manteau doré est damassé d'un motif à rinceaux et fleurons complexes. Le galon est perlé.
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La verrière de l'Arbre de sainte Anne ( atelier rouennais, 1520-1530) ou baie 4 de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La verrière de l'Arbre de sainte Anne ( atelier rouennais, 1520-1530) ou baie 4 de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La verrière de l'Arbre de sainte Anne ( atelier rouennais, 1520-1530) ou baie 4 de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La verrière de l'Arbre de sainte Anne ( atelier rouennais, 1520-1530) ou baie 4 de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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À gauche, Jacques le Majeur.
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On peut l'identifier, malgré l'absence de barbe (pour montrer que ces fils sont encore des enfants), par deux de ses attributs : son bourdon, et son chapeau de pèlerin de Compostelle rabattu derrière la nuque.
La robe damassée porte un motif où les tiges des rinceaux transpercent les fleurons.
Il désigne par son index son "demi-frère", l'Enfant-Jésus porté par la Vierge.
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La verrière de l'Arbre de sainte Anne ( atelier rouennais, 1520-1530) ou baie 4 de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La verrière de l'Arbre de sainte Anne ( atelier rouennais, 1520-1530) ou baie 4 de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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À droite : l'apôtre Simon avec son épée, et Joseph le Juste avec sa hache.
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La hache est marquée de la lettre P, sans autre signification que celle de figurer une marque d'armurier.
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La verrière de l'Arbre de sainte Anne ( atelier rouennais, 1520-1530) ou baie 4 de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La verrière de l'Arbre de sainte Anne ( atelier rouennais, 1520-1530) ou baie 4 de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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LE QUATRIÈME REGISTRE : LES FILS DES TROIS MARIE (SUITE).
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Au centre, Jésus portant sa croix.
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La verrière de l'Arbre de sainte Anne ( atelier rouennais, 1520-1530) ou baie 4 de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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À gauche : saint Jean l'Évangéliste.
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Le saint bénit la coupe de poison d'où s'élèvent des serpents. Le calice porte les lettres ANVTR, ornementales et dépourvues de signification.
Le manteau blanc à revers rouge porte les traces d'un damassé floral au pochoir, dont la grisaille s'est beaucoup effacée.
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La verrière de l'Arbre de sainte Anne ( atelier rouennais, 1520-1530) ou baie 4 de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La verrière de l'Arbre de sainte Anne ( atelier rouennais, 1520-1530) ou baie 4 de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La verrière de l'Arbre de sainte Anne ( atelier rouennais, 1520-1530) ou baie 4 de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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Le galon porte des lettres simulant une inscription :
RVNA / OA/NVEIS/ RBLTAQ /LV/MRDQ3DQ
DAMI:VRBVQEOPG : GDVL
NR
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La verrière de l'Arbre de sainte Anne ( atelier rouennais, 1520-1530) ou baie 4 de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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À droite : saint Jacques le Mineur et saint Jude.
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Saint Jacques tient son attribut, le bâton à foulon. Il porte une robe dorée damassée de rinceaux peints déjà observés sur saint Jacques le Majeur.
Saint Jude tient la croix processionnelle. Sa robe est blanche à revers verts et galons or, damassée de rinceaux peints dont le motif était celui de la robe dorée d'Anne..
Les galons portent des lettres :
HARNOQO/RVEC et de l'autre côté RA
BLVDRE / OkGQTEDHCPRNVI et de l'autre côté : ANBI/N/E
Les galons de la robe rouge lie-de-vin portent les lettres :
B-----ARDOV et de l'autre côté OVRTCEOAM/OPVNG
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La verrière de l'Arbre de sainte Anne ( atelier rouennais, 1520-1530) ou baie 4 de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La verrière de l'Arbre de sainte Anne ( atelier rouennais, 1520-1530) ou baie 4 de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La verrière de l'Arbre de sainte Anne ( atelier rouennais, 1520-1530) ou baie 4 de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La verrière de l'Arbre de sainte Anne ( atelier rouennais, 1520-1530) ou baie 4 de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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LE TYMPAN.
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Dans les soufflets, des anges musiciens à ailes colorées jouent de la harpe, du hautbois ou de la viole à archet (à trois cordes, peut-être quatre). La tête du harpiste a été remplacée vers 1540 par un bouche-trou.
Les écoinçons accueillent quatre séraphins, par inversion en miroir des cartons.
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La verrière de l'Arbre de sainte Anne ( atelier rouennais, 1520-1530) ou baie 4 de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La verrière de l'Arbre de sainte Anne ( atelier rouennais, 1520-1530) ou baie 4 de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La verrière de l'Arbre de sainte Anne ( atelier rouennais, 1520-1530) ou baie 4 de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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SOURCES ET LIENS.
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—BAUDRY (Paul), 1875, L'Église paroissiale de Saint-Vincent de Rouen, par Paul Baudry. Description des vitraux (1875) pages 60-64.
— BLONDEAU (Caroline), "L'escu de voirre", le vitrail à Rouen 1450-1530
— CALLIAS-BEY (Martine), CHAUSSÉ (Véronique), GATOUILLAT (Françoise), HÉROLD ( Michel) 2001, Les vitraux de Haute-Normandie, Corpus Vitrearum -p. 399-411, Monum, Éditions du patrimoine, Paris, 2001 (ISBN 2-85822-314-9) ; p. 495
— DAVID (Véronique), 2004, Rouen, église Sainte-Jeanne d'Arc : les verrières, Connaissance du patrimoine de Haute-Normandie, coll. « Itinéraires du patrimoine », 16 p. (ISBN 2-910316-03-3)
— DELSALLE (L.), 1998, "A St-Vincent de Rouen, vitrail dit des Œuvres de Miséricorde", Bull. CDA, 1998, p. 119-130.
— LAFOND (Jean), 1958, "Les vitraux de l'église St-Vincent et l'aménagement du Vieux-Marché", Bull. AMR, 1958-1970, p. 154.
— LANGLOIS (E.H), 1832, Essai historique et descriptif sur la peinture sur verre, Rouen, page 67-68.
—LAQUERRIERE (E. De) 1843, Eglise Saint-Vincent de Rouen, les vitraux, Revue de Rouen et de Normandie vol.11 page 359.
— PERROT (Françoise ) 1995, Vitraux retrouvés de Saint-Vincent de Rouen, Catalogue d'exposition Musée des Beaux-arts, Rouen, 190 p.
— PERROT (Françoise ), « Les vitraux de l'ancienne église Saint-Vincent remontés place du Vieux-Marché » , Bulletin des Amis des monuments rouennais, 1979, p. 71-73
— PROUIN (Norbert), PRÉAUX (André), JARDIN (Anne), 1983, Rouen place du Vieux-Marché, L'Église Jeanne-d'Arc et ses vitraux, Charles Corlet, 36 p.
— RIVIALE (Laurence), 2007, Le vitrail en Normandie, entre Renaissance et Réforme (1517-1596), Presses universitaires de Rennes, coll. Corpus Vitrearum .
—RIVIALE (Laurence), 2003, « Les verrières de l’église Saint-Vincent de Rouen remontées à Sainte-Jeanne d’Arc », Congrès archéologique de France, 161e session, 2003, Rouen et Pays de Caux, Paris, Société archéologique de France, 2006, p. 262-268.
L'emblématique de l'hôtel de Bourgtheroulde (1506-1532) à Rouen et les bas-reliefs Première Renaissance de la Galerie d'Aumale (Jean Delarue, 1520-1532). L'Entrevue du Camp du Drap d'Or et les Triomphes de Pétrarque.
Sources principales : Lettéron et Gillot 1996 et Wikipédia 2022.
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PRÉSENTATION.
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Les corps des bâtiment est, nord, ouest et la tourelle polygonale ont été construits après 1506 (ou dès 1501, Lettéron) pour Guillaume II le Roux et Jeanne Jubert. La galerie d'Aumale (au sud) fut construite pour Guillaume III le Roux, vraisemblablement par Jean Delarue, entre 1520 et 1532. Le décor sculpté de la tourelle et du corps de bâtiment ouest a été ajouté vers 1530. Le corps de bâtiment nord a été détruit par un incendie en 1770. Reconstruit par François Gueroult de 1770 à 1772. Tourelle d'angle en encorbellement sur la place détruite en 1824. Jardin et fontaine détruits avant 1840. Restauration générale de 1886 à 1895. Restauration du portail d'entrée en 1899. Tourelle détruite par les bombardements de 1944. Reconstruite en 1952.
Il s'agit d'une des rares demeures rouennaises construites au début du XVIe siècle en pierre de taille, avec l'hôtel Romé rue des Carmes et l'hôtel de Jubert de Brécourt, rue de l'Hôpital. C'est là un signe de distinction et d'opulence.
La pierre provient des carrières du Val de Seine (Vernon ou environ) : c'est un calcaire très fin et dur, légèrement ocre à l'extraction et qui blanchit ensuite. Mais la pierre est gélive et se détériore en cas d'humidité et de ruissellement.
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"L'hôtel de Bourgtheroulde (prononcé « bourtroude ») est un ancien hôtel particulier datant en grande partie du xvie siècle, situé place de la Pucelle, dans le centre historique de Rouen.
Guillaume II le Roux, seigneur de Bourgtheroulde et membre de l'Echiquier de Normandie, décida à la fin du xve siècle de se faire construire un hôtel en pierre digne de son rang, dans le style Louis XII, transition entre le gothique flamboyant et le style de la Première Renaissance française1.
Son fils, Guillaume III, continua les travaux d'embellissement et compléta l'œuvre de son père. Dans la cour intérieure, sur la gauche, la galerie d'Aumale présente un décor sculpté Renaissance d'une rare qualité. Guillaume III y a fait représenter l'entrevue du camp du Drap d'Or entre François Ier et Henri VIII d'Angleterre. Au niveau de la toiture, une seconde série de bas-reliefs illustre le poème allégorique des triomphes de Pétrarque.
Cet ancien hôtel particulier fut occupé jusqu'à fin 2006 par une banque, le Crédit Industriel de Normandie. Il est ensuite restructuré en hôtel de luxe ; son ouverture date d'avril 2010.
Il fait l'objet d’un classement au titre des monuments historiques pour ses façades et toitures, depuis le 11 janvier 19242. Une première fois ravagé le 19 avril 1944 lors du bombardement dit de la « semaine rouge », c'est le bombardement du 26 août, précédant la libération de la ville qui provoqua le plus de dégâts, anéantissant une partie des décors du corps de logis3.
Son architecture est à rapprocher de celle du Palais de Justice et du bureau des Finances contemporains.
L'hôtel de Bourgtheroulde donne sur la place de la Pucelle. Anciennement appelée place du Marché aux veaux, elle a pris ce nom à l'issue d'une méprise. On a longtemps pensé que c'était sur cette place que Jeanne d'Arc avait été brûlée.
Ce remarquable hôtel de style Louis XII et Renaissance a été construit par un personnage éminent : Guillaume II le Roux, seigneur de Bourgthéroulde. Il semble que les travaux s'engagèrent dès 1501. À la mort de Guillaume II, en 1520, il devint la propriété de Guillaume III, abbé d'Aumale. C'est à cette époque que fut construite la galerie d'Aumale (ou de François Ier), représentant l'entrevue du camp du Drap d'Or. En 1532, c'est le frère de Guillaume III, Claude Le Roux qui hérita du bien.
L'hôtel servit a accueillir des personnages importants comme le cardinal Alexandre de Médicis en 1596. Il resta dans la famille Le Roux jusqu'à la fin du xviie siècle. Victime d'un grave incendie en 1770, qui détruisit l'aile nord, il fut restauré. Il traversa la période révolutionnaire. À partir de 1848, il devint le siège d'une banque, le Comptoir d'Escompte puis le siège du Crédit industriel de Normandie, banque régionale du groupe CIC jusqu'à fin 2006.
Au terme de la rénovation complète de l'édifice par la société lilloise d'investissement hôtelier (SLIH), l'hôtel de Bourgtheroulde est devenu en avril 2010 un hôtel cinq étoiles affilié au groupe hôtelier américain Marriott International.
L'hôtel de Bourgtheroulde a une longue histoire ; il en a subi les vicissitudes. L'intérieur de l'hôtel a pratiquement disparu. La façade sur la place de la Pucelle et les façades sur la cour ont été profondément modifiées : la façade nord a été reconstruite après l'incendie de 1770. La tourelle sud, touchée de plein fouet par un obus en 1944 a été entièrement reconstruite sans son décor sculpté. Les jardins ont été remplacés par des locaux modernes.
Ce qui reste place toutefois l'hôtel comme l'un des premiers monuments d'intérêt de la ville de Rouen." (Wikipédia)
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La façade principale sur la Place de la Pucelle.
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L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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"L'hôtel de Bourgtheroulde donne sur la Place de la Pucelle, anciennement appelée Place du marché aux veaux. La façade avait été grandement défigurée avec le temps.
La tourelle en échauguette qui formait l'encoignure à gauche de la façade avait été détruite en 1824. De forme polygonale, elle était jadis entièrement recouverte de sculptures Renaissance dont la plupart ont disparu avec sa destruction quasi complète par les bombardements de 1944. Cette tour fut reconstruite de 2009 à 2010 sans pouvoir restituer ses précieux bas-reliefs qui figuraient des scènes pastorales. En revanche, on a pu redonner à la toiture son aspect initial avec son épi de faîtage. Une autre petite tourelle en encorbellement en forme échauguette flanquait la porte cochère au nord de la façade. Menaçant ruine, elle disparut avant 1682.(Wikipédia)
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L'extérieur a subi de nombreux remaniements aux XIXe et XXe siècles. La disposition du rez-de-chaussée avait été altérée par la transformation en magasins. Il ne subsistait que la porte cochère, quelques pilastres et les fenêtres de l'étage. Le décor sculpté avait disparu. Il a été reconstitué par Jean-Baptiste Foucher en 1893. Le porche d'entrée est décoré aujourd'hui des deux léopards normano-angevins soutenant les armes de la famille de Bourgtheroulde et du porc-épic symbole du roi Louis XII. Cette restitution ne s'appuie sur aucune trace archéologique." (Wikipédia)
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Je présenterai néanmoins l'emblématique de cette façade, dont les éléments sculptés apparaissent sur le dessin du projet de restauration de L. Sauvageot daté de 1891.
Sur le dessin de 1524 de la façade, dans le Livre des fontaines de Jacques Le Sieur , on remarque à gauche un panneau sculpté qui peut témoigner de la présence d'armoiries ou d'emblème.
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La maison monseigneur du Bourtoulde", détail du Livre des Fontaines (1524), in Létteron et Gillot p. 64, coll. D. Tragin et C. Lancien copyright.
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L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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Portail d'entrée en anse de panier à festons surmontés des deux lions normands et des armoiries des LE ROUX, seigneurs de Bourgtheroulde. Sculpteurs Maurice et Jean-Baptiste Foucher, 1893-1895.
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L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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Deux fenêtres à meneaux de la façade.
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L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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L'emblème d'Anne de Bretagne, reine de 1491 à 1514 : l'hermine colletée, couronnée, sur fond d'hermines, dans une guirlande présentée par deux putti ailés sur un fond semé de fleurs de lys. Sculpteurs Maurice et Jean-Baptiste Foucher, 1893-1895.
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L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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Blason de Guillaume I LE ROUX et Alison DU FAY. Sculpteurs Maurice et Jean-Baptiste Foucher, 1893-1895.
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-LE ROUX : D'azur au chevron d'argent accompagné de trois mufles de léopard d'or
-Du FAY : De gueules à la croix d'argent, cantonnée de quatre molettes d'éperon du même.
Le blason, dans un cuir découpé à enroulement, est situé dans une guirlande tenue par des putti ailés.
Guillaume Ier LE ROUX, fils de Denis LE ROUX et Guillemette DU BUISSON, épousa vers 1450 Alison Du FAY, fille de Guillaume DU FAY, lieutenant-général du bailli de Gisors et de Philippote ROUSSEL, nièce de Raoul Roussel, archevêque de Rouen.
Il était vicomte d'Elbeuf pour Marie comtesse d'Harcourt et baronne d'Elbeuf, de 1450 à 1490. environ. Les LE ROUX furent étroitement liés à la maison d'Harcourt puis aux ducs de Lorraine.
Guillaume Ier est le mécène de l'église Saint-Jean d'Elbeuf, et ses armes apparaissent sculptées aux clefs de voûte et de la chapelle Saint-Nicolas. Il est représenté, ainsi que plusieurs membres de sa famille, sur des vitraux de la chapelle de la Vierge. Lui et son père Denis furent enterrés dans l'église Notre-Dame de Louviers Guillaume fonda la chapelle Saint-Claude en 1500, et la chapelle Saint-Nicolas.
L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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Blason de Guillaume II LE ROUX et Jeanne JUBERT. Sculpteurs Maurice et Jean-Baptiste Foucher, 1893-1895.
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-Le Roux : D'azur au chevron d'argent accompagné de trois mufles de léopard d'or
-Jubert : Écartelé : d'azur à une croix alésée d'oret d'azur à cinq fers de lance d'argent 3 et 2.
Le blason est soutenu par un nœud de ruban et de guirlandes présentées par deux putti ailés.
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Guillaume II LE ROUX, conseiller à l'Échiquier (1499) puis au Parlement de Normandie, seigneur de Becdal, Acquigny, Saint-Aubin-d'Ecrosville et Bourgtheroulde, vicomte d'Elbeuf, serait l'auteur de l'hôtel de Bourgtheroulde. Il a épousé Jeanne JUBERT, d'une famille de parlementaires normands, fille de Guillaume Jubert, seigneur de Vesly, lieutenant-général du bailli de Gisors. De leur union est né 15 enfants (dont Guillaume, Claude et Nicolas). Il est décédé le 12 juillet 1520 et fut enterré avec sa femme dans l'église de Bourtheroulde.
Guillaume II est le mécène de l'église Saint-Laurent de Bourgtheroulde, qu'il érigea en collégiale .
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LES ENFANTS DE GUILLAUME II.
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—Parmi leurs enfants, l'aîné, Guillaume III Le ROUX dit l'abbé d'Aumale fut ecclésiastique. Georges d'Amboise, archevêque de Rouen le fait un des chanoines de sa chapelle de Gaillon. Georges II d'Amboise lui obtient du roi l'abbaye d'Aumale ( entre Rouen et Amiens) . Il en devient en 1517 le premier abbé commendataire, y fait élever le logis abbatiale et reconstruire de nombreux bâtiments dont la grande porte de l'abbaye. François Ier aurait utilisé ses services dans la négociation du Concordat de 1516. Il aurait participé à l'Entrevue du Camp du Drap d'Or.
En 1515, il transmet ses droits d'ainesse sur le fief de Bourgtheroulde à son frère Claude, car il considérait "qu'il estoit assez bien pourvu à l'église pour soi entretenir aux études et à vivre bien honorablement selon son estat".
Il fait casser en 1520 un acte dressé avec l'accord de son père en 1515 et recouvre l'année suivante son droit d'aînesse après arrangement avec son frère Claude.
L'abbé d'Aumale est [dès 1506] le propriétaire de l'hôtel, comme l'atteste un acte de la succession de son père, datant de 1528, excluant du partage l'hôtel qui est alors "appartenant en propriété et succession" "au seigneur d'Aumalle".
Il poursuit les travaux d'embellissement et achève l'œuvre de son père, l'hôtel de Bourgtheroulde à Rouen. Dans la cour intérieure, sur la gauche, la galerie d'Aumale présente un décor sculpté Renaissance d'une rare qualité. Il y a fait représenter la fameuse entrevue du Camp du Drap d'Or entre François Ier et Henri VIII d'Angleterre, à laquelle il participe.
Il décède en 1532 et est inhumé dans la collégiale Saint-Laurent de Bourgtheroulde.
—Claude I Le Roux, né en 1494,, eut sans doute lui aussi une part non négligeable dans l'édification de l'hôtel de Bourgtheroulde dont il hérita à la mort de Guillaume III le 4 juin 1532. Il avait acquit en 1521 un hôtel voisin , donnant aussi sur la place du Marché-aux-Veaux.
Seigneur de Tilly (1515) et du Bourgtheroulde (1532), vicomte d'Elbeuf (1507-1520), il fut un magistrat français, conseiller au parlement de Normandie (1520) qui succéda à son père comme conseiller au Parlement de Normandie grâce à l'appui du roi François Ier. Il se rendit à Saint-Germain-en-Laye le 23 août 1520 et obtient des lettres du roi pour son introduction au Parlement. Il fut reçu conseiller le 12 novembre suivant. Il épousa Jeanne de Challenges, qui décéda en 1531, puis Madeleine Payen à qui il laissa l'hôtel en douaire.
En 1520, son frère Guillaume cassa un acte dressé en 1515 par leur père. En 1521, après arrangement, Guillaume regagna son droit d'aînesse et Claude gagna la propriété de la seigneurie de Bourgtheroulde. Il dut attendre le décès de son frère aîné en 1520 pour en prendre pleine possession et jouissance.
Il mourut en 1537 et fut inhumé auprès de sa première épouse à l'église Saint-Étienne-des-Tonneliers à Rouen, au financement des travaux de laquelle il avait participé.
Voir Claude Ier en donateur d'un vitrail de 1525 dans la baie 24 de Louviers :
Quatre verrières de Saint-Vincent de Rouen, remontées à l'église Sainte-Jeanne-d'Arc (baie 9), portent les armes des Le Roux, en alliance avec les Du Four, des Legras, des Blancbaston et des Bonshoms.
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L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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Emblème de Louis XII : le porc-épic couronné. Sculpteurs Maurice et Jean-Baptiste Foucher, 1893-1895.
Il est présenté sur un fond semé de fleurs de lys dans un chapeau de triomphe.
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L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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L'envers de la porte cochère de l'aile est avec accolade à crochets, pinacles à candélabres et deux médaillons à l'antique. Blason des Le Roux à droite.
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Les initiales GLR (monogramme de Guillaume Le Roux) portées sur la gravure de E.H. Langlois et de sa fille Espérance sont toujours visibles sur place. Elles se retrouvent ailleurs (cf. infra). Ce serait (Létteron et Gillot) celles de Guillaume III.
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Sur la droite, les armoiries des Le ROUX présentés par deux angelots qui soutiennent l'écu, est une copie du décor retrouvé en 1888-1892 par les restaurateurs, qui en ont donné le relevé ("détail d'une allège"). L'original ayant disparu, il n'est pas possible de le dater avec précision
J'ai omis de le photographier en vue de détail. J'emprunte un cliché sur Flickr.
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I. Létteron indique que les angelots tiennent une large guirlande de feuillages nettement inspirée de l'Italie et qui se retrouve dans le décor Renaissance des clôtures de chapelle de l'abbaye de Fécamp. C'est le modèle qui a été repris pour les éléments héraldiques de la façade donnant sur le rue.
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L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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Les chapeaux de triomphe (couronnes de feuilles et de fruits) à personnages en costume François Ier.
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On a voulu y voir les portraits de François Ier et de Henri VIII, ou ceux de Guillaume II et III Le Roux, mais il s'agirait plutôt de médaillons décoratifs fréquents en Normandie dans la première moitié du XVIe siècle.
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L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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L'aile ouest. La façade de la cour d'honneur.
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"Le logis se composait de deux ailes perpendiculaires. L'aile ouest est conservée en grande partie. Elle était cantonnée de deux tourelles. Seule la tourelle sud a été conservée (bien que reconstruite après la Seconde Guerre mondiale). La tourelle nord n'a pas été reconstruite après l'incendie de 1770 et fut remplacée par un corps néoclassique doté d'un comble à la Mansart. Elle contenait une chapelle au premier étage.
Marquant une nouvelle étape par rapport au Palais de justice de Rouen, l'élévation principale de style Louis XII qui conserve encore des éléments de l'art gothique tardif (pinacles, arcs en anse de panier) et des fenêtres à meneaux, présente déjà des motifs, en forme de rinceaux d'influence lombarde, inédits pour l'époque médiévale : elle se développe sur deux étages surmontant une cave coiffée d'un comble doté de deux grandes lucarnes à gables flamboyants qui annoncent déjà la Première Renaissance par leurs formes. Une sorte de claire-voie d'arcatures ou de petits arcs-boutants relie le fronton aux deux pinacles qui les accostent. Typique du style Louis XII, l'élargissement des fenêtres véhicule une notion de luxe tandis que leur abondance participe de la féerie de l'édifice. Déjà à la fin du XIVe siècle, cette propriété quasi-magique du palais largement ouvert était apparue lorsque Guillebert de Mets évoquait la fastueuse demeure parisienne de Jacques Ducy, alors clerc à la chambre des Comptes. Outre l’entrée de la clarté, ces ouvertures élargies permettent désormais une aération plus importante des pièces dans un souci nouveau d'hygiène de vie tandis que la superposition des fenêtres en travées reliées entre elles par des moulures organise de façon plus régulière le rythme des façades, annonçant ainsi le quadrillage des extérieurs de la Première Renaissance.
Sur l'aile Ouest, la sculpture est abondante et de conservation incomplète. Entre les croisées du rez-de-chaussée, un médaillon est maintenant effacé. Il aurait représenté Diane de Poitiers.
Entre les croisées du premier étage se trouve la salamandre, armes de François Ier et, à droite, le Phénix de sa seconde épouse, Éléonore de Habsbourg.
D'autres panneaux représentent des chars triomphaux (le panneau supérieur à gauche, près de la tourelle a disparu en 1944). Il s'agit peut-être de l'illustration de l'entrée solennelle de la reine en 1532 qui vit pour la première fois un cortège de chars." (Wikipédia)
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L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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Deux licornes présentent l'écusson royal. La couronne fleurdelysée est tenue par un ange.
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L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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Deux cerfs aux bois corail présentent les armes des Le Roux, seigneurs de Bourgtheroulde. La couronne ducale est tenue par un ange.
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L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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La salamandre, emblème de François Ier. Après 1530.
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Lucarnes de Style Louis XII, mêlant motifs flamboyants et pinacles à rinceaux de la Première Renaissance.
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L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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Le Phénix renaissant de ses cendres, emblème d'Éléonore de Habsbourg, seconde épouse de François Ier. Après 1530.
Sœur de Charles Quint, elle fut reine de Portugal de 1518 à 1521 et reine de France de 1530 à 1547.
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L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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Deux Triomphes mythologiques de la façade ouest.
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1. Au deuxième étage. Allégorie féminine sur un char tiré par trois à cinq lions. Cybèle ?
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Elle tient un attribut ressemblant à un sceptre perlé de trois sphères ; ses cheveux sont emportés par le vent vers l'avant.
Une roue du char est visible.
Elle est précédée par trois hommes vêtus à l'antique, jambes et pieds nus, torses nus sous une tunique à manches flottantes et plissées. L'un joue de la flûte traversière, l'autre du tambour long, tandis que le dernier , de dos, brandit un flambeau.
Des arbres et la silhouette d'une ville, mais aussi des fruits forment l'arrière-plan.
On a proposé de voir ici Cybèle. Le culte de cette déesse phrygienne, patronne des animaux, dont le culte est originaire d'Asie Mineure fut introduit par les Romains dans leur cité en 205 av. J.C., lors de la deuxième guerre punique, sur l'injonction de la Sibylle, rapportant de son sanctuaire de Pessinonte une météorite noire. Mantegna a représenté l'introduction de Cybèle à Rome dans un tableau intitulé Le Triomphe de Scipion. Dans les allégories des éléments, Cybèle représente la Terre.
Un modèle possible (sans les musiciens) est la fresque du Triomphe de Jupiter et Cybèle du palais Schifanoia de Ferrare, peint par Cosimo Tura vers 1470, où la scène illustre le signe astrologique du Lion, et le mois de Juillet. (ici).
Sur le Triomphe de Cybèle de Paolo Farinati (1524-1606), une femme coiffée d'une tour est assise sur un char tiré par deux lions, précédée de putti et joueurs de tambourins et tambours:
La source indirecte la plus probable de ce triomphe, et de celui qui suit, me semble être le Songe de Poliphile de Francesco Colonna, imprimé par Alde Manuce à Venise en 1499, et qui sera traduit en français en 1546. Son influence fut considérable sur l'aménagement des jardins de Florence (villa de Castelo, villa Francesco de Medici, jardin de Boboli), de de Frascati et de Bomarzo.
Certes, les Trionfi de Pétrarque par leur composition en six chars triomphaux, ont exercé une influence sur le Songe de Poliphile, mais nous ne trouvons sur ces deux bas-reliefs aucune des allégories propres à Pétrarque.
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En 1522-1524, Jean et Engrand Leprince réalisèrent pour l'église Saint-Vincent la verrière dite "des Chars".
Trois chars s'y succèdent : celui d'Adam et Ève, celui du Mal, et celui de la Vierge. Autre application du schéma narratif de Pétrarque à un sujet religieux, celui du plan du Salut et de la Vierge comme co-rédemptrice.
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Enfin, il est impossible de ne pas penser aux sept chars mythologiques du semainier du Gros Horloge, dont les cadrans datent de 1527-1529 et sont donc contemporains de cet hôtel. Les chars de chaque jour de la semaine sont ceux de Diane, Mars, Mercure, Jupiter, Vénus, Saturne et Phoebus-Apollon, tirés respectivement par des cerfs, des louves, des coqs, des aigles des cygnes, des griffons et des chevaux.
Voir ainsi Vénus :
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Vendredi : le char de Vénus tiré par des cygnes. Photo lavieb-aile 2020.
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L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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2. Au premier étage. Allégorie féminine sur un char tiré par des dauphins. Amphitrite ?
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Une allégorie assez identique, cheveux au vent et tenant un sceptre, est entourée de trois porteurs de flambeaux. Les dauphins orientent vers une divinité de la Mer, soit Amphitrite.
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L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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Le décor en bas-relief : pastorales.
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"La décoration extérieure était luxuriante. Les étages supérieurs étaient couverts de sculptures représentant des scènes pastorales. Seul un fragment a été récupéré. Heureusement, ces décors avaient été relevés par Eustache-Hyacinthe Langlois. Les registres inférieurs sont consacrés à la pêche et à la moisson. Les scènes supérieures sont consacrées aux bergers. Ces pastorales étaient très à la mode au xvie siècle." (Wikipédia)
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L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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La galerie sud, dite d'Aumale ou de François Ier. (Après 1520)
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La galerie sud en rez-de-chaussée est l'élément le mieux conservé de l'hôtel, miraculeusement épargné par le bombardement aérien du 19 avril 1944, qui rasa la partie sud-est et sa tourelle.
La façade nord est relativement bien conservée, malgré l'orientation au nord et le ruissellement des eaux de pluie d'un toit plat jusqu'en 1950.
Elle est percée de six arcades en anse de panier au dessus d'un solin haut d'environ deux mètres soixante et est accessible par un perron adossée à la tourelle ouest. Les arcades sont ornées de colonnes à candélabres typiques de la Renaissance rouennaise.
Des pilastres et des corniches délimitent des compartiments rectangulaires que je décris en trois registres :
Le registre supérieur accueille les six panneaux sculptés des Triomphes de Pétrarque.
Le registre placé sous les baies reçoit cinq panneaux consacrés à l'Entrevue du Camp du Drap d'Or entre François Ier et Henri VIII d'Angleterre.
Le registre inférieur est découpé de cinq panneaux purement décoratifs.
"C'est la partie la plus spectaculaire de l'hôtel. En forme de loggia, l'aile marque l'arrivée de la Première Renaissance à Rouen. La plupart des hôtels particuliers de l'époque possédaient de telles galeries qui mettaient en contact le corps de logis principal et les communs. Il n'y avait pas de fenêtres. En dessous se trouvaient les écuries et les remises, ouvrant vers le sud, dans la rue du Panneret. Elle a été édifiée à l'époque de Guillaume III le Roux qui était abbé d'Aumale (d'où son nom). La date ne peut être antérieure à 1520 du fait de la représentation de l'entrevue du camp du Drap d'Or." (Wikipédia)
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L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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Les baies sont séparées par des pilastres à candélabres et rinceaux, animaux fantastiques, bucranes etc. encadrés par des rangs de perles et d'oves.
Sur le côté, on découvrirait des colonnes aux chapiteaux abritant des personnages variés, des faunes et des musiciens.
Les armoiries des Le ROUX qu'on découvre sur un dé de pilastre à droite de la porte, mais aussi dans la même emplacement entre les panneaux du registre inférieur des baies, sont celles de Guillaume III, puisqu'elles sont timbrées de la crosse d'abbé.
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In Létteron et Gillot page 38.
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L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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Remarquez les initiales GLR , monogramme de Guillaume III Le ROUX, finement gravées sur le cartouche encadré par deux masques de profil, en bas.
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L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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Sur un dé de pilastre : Homme sauvage armé d'une lance et d'une targe.
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L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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Les bas-reliefs du registre supérieur : les Chars de Triomphe, inspirés des Trionfi (1473) de Pétrarque.
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Présentation.
Dans l'Antiquité romaine, les héros des conquêtes étaient acclamés, monté sur un char, lors de défilés.
En 1374, Pétrarque avait publié I Trionfi, suite de six poèmes, où chaque personnage allégorique défilait dans un char triomphal au sein d'un cortège. Dans un songe où il revit son célèbre amour cruel pour Laure à Avignon, la première allégorie figure sur son char le Triomphe de l’Amour, qui se trouve ensuite vaincu par le Triomphe de la Chasteté dont le visage est celui d’une Laura inaccessible. Pour le grand malheur du poète, la Chasteté est à son tour vaincue par le Triomphe de la Mort. Mais le Triomphe de la Renommée rassure le poète : par son œuvre, il garde en vie à celle qu'il a aimé. Mais la Renommée ne peut résister au Triomphe du Temps qui dévore tout. Le Temps lui-même n’aura pas le dernier mot, puisqu’il est supplanté par l’Éternité, belle promesse d’un paradis où le poète retrouvera sa bien-aimée.
L'œuvre va avoir un immense succès et va susciter de très nombreuses illustrations sous formes d'enluminures, de tapisseries ou de sculptures.
En 1502, une femme commande pour illustrer le poème de Pétraque le superbe vitrail des Triomphes pour l'église d'Ervy-le-Châtel (Aube).
L'engouement pour le thème des Chars va être considérable à la Renaissance, y compris sous la forme d'entrées triomphales des princes dans leurs villes, des spectacles mis en scènes par les plus grands artistes qui se chargeaient aussi de la réalisation des décors.
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Le thème des Triomphes à Rouen au début du XVIe siècle.
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a) Le cardinal Georges d'Amboise fit réaliser en 1500-1505 pour l'offrir à Louis XII, un luxueux manuscrit d'une traduction, par un rouennais, des Triomphes de Pétrarque : BnF fr. 594. Il le fait enluminer par un artiste (nom de convention Maître des Triomphes de Pétraque) sous forme de sept doubles pages. On pense que cet artiste (rouennais ou parisien ?) appartenait à l'atelier parisien de Jean Pichore, et on lui attribue les Petites Heures d'Anne de Bretagne BnF NAL 3027, daté vers 1500-1505 et vraisemblablement offert par Georges d'Amboise à Anne de Bretagne. On lui attribue aussi le Livre d'Heures de Henri IV, manuscrit également lié à Georges d'Amboise.
b) A la mort de Guillaume II, en 1520, l'hôtel de Bourgtheroulde devint la propriété de Guillaume III, abbé d'Aumale. C'est à cette époque que fut construite la célèbre galerie d'Aumale (ou de François Ier), représentant l'entrevue du Camp du Drap d'Or. En 1532, c'est le frère de Guillaume III, Claude Le Roux qui hérita du bien.
L'abbé d'Aumale fit sculpter le registre supérieur de la galerie de six panneaux en bas-relief consacré aux chars des Triomphes de Pétrarque.
Les chars vus de profilent se dirigent vers la droite, selon la convention iconographique générale.
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I. LE CHAR DE L'AMOUR.
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Le premier bas-relief, le plus abîmé, nous montre les vestiges de quelques figures et les traces d’un char surmonté d’un dais porté par des colonnes. On ne peut que deviner l'inscription de l'entablement : AMOR VINCIT MVNDVM, "L'Amour est le vainqueur du Monde". Au dessus, l'a trace d'une aile signalerait l'emplacement d'Eros.
Le char est suivi des victimes d'Amour, hommes et femmes les mains liées. Les plus connus sont, dans le poème de Pétrarque, Tristan et Isolde, Dante et Béatrice, César et Cléopâtre, mais aussi Hercule, Phèdre ou Jason et Médée. Impossible de les reconnaîtr ici.
Au devant, deux personnages semble converser : ils pourraient correspondre à Pétrarque conversant avec son ami qui le guide.
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L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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II. LE CHAR DE LA CHASTETÉ.
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La partie supérieure est complètement détruite, mais la partie inférieure subsiste encore ; on y reconnaît fort bien un char traîné par des animaux mutilés mais carapaçonnés, qui pouvaient paraître être des chevaux mais qui ont des sabots fendus. Il pourrait s'agir de licornes, symbole de virginité.
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À l'avant, marchent des personnages richement habillés, dont l'un vêtu de chausses à crevés et d'une brayette, selon la mode Henri II. C'est un seigneur ou écuyer, tenant de la main gauche le fourreau de son épée. Autour de lui, les restes de deux femmes élégamment vêtues. Si on se réfère au texte de Pétrarque, cela pourraient être des héroïnes de l'antiquité que le poète cite en exemple de leur chasteté (Lucrèce, Judith, etc.)
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Deux personnages suivent le char. Le dernier porte un long et lourd manteau frangé et à aux manches larges et ouvertes. Un prélat ? L'autre porte l'épée.
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L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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III. LE CHAR DE LA MORT.
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La Mort est figurée debout, drapée dans un suaire, sur un char traîné par des bœufs, sous les roues duquel sont écrasés tous les personnages qu’il rencontre.
Le char décoré d'ossements et de crânes porte l'inscription MORS VINCIT PVDICITAM, "la Mort est vainqueur de la Chasteté".
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IV. LE CHAR DE LA RENOMMÉE.
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Le char est attelé de deux éléphants richement harnachés ; sur le devant se tient une figure allégorique de la Mort, dont la tête seule est décharnée ; au sommet, une Renommée ailée embouche une trompette ornée d’un pennon à fleurs de lys.
Le centre du char est décoré d’une sculpture représentant un homme écrivant sur un pupitre, figure très inhabituelle de Pétrarque rédigeant son poème.
Sur le côté et derrière le char, un cavalier monte un cheval lancé au galop et soutient de la main droite une femme nue, assise en croupe; il foule aux pieds de sa monture un guerrier nu avec son cheval ; une troupe d’hommes, armés de lances et d’épées, précède et suit la Renommée.
Inscription : FAMA.VINCIT .MORTEM
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L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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V. LE CHAR DU TEMPS, TEMPUS.
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Un homme à longue barbe est assis sur le devant d’un char couronné d’un dais. Il conduit un attelage de quatre chevaux, que précèdent deux personnages, dont l’un porte sur l’épaule gauche des rameaux chargés de fruits (l'Automne), et dont l’autre est chaudement habillé et s'appuie sur sa canne (l'Hiver) Sur le côté et derrière le char, on voit deux autres figures ; la première, presque nue, a la tête entourée d’épis de blé en forme de couronne; elle tient d’une main une gerbe d’épis, et de l’autre une faucille (l’Été) ; son compagnon, revêtu d’un costume de cour, brandit de la main droite un arbrisseau couvert de feuilles (le Printemps).
Sur l'entablement du temple à quatre colonnes cannelées se lit l'inscription TEMPVS . VINCIT . FAMAM., "le Temps est victorieux de la Renommée.
Des médaillons représentent les signes du Zodiaque (à gauche le Sagittaire, les Poissons, le Taureau et les Gémeaux). Ils sont dominés par des allégories des Heures répartis six par six dans les nuées.
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L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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VI. LE CHAR DE L'ÉTERNITÉ : DIEU FIGURÉ PAR LA TRINITÉ.
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Sur le char de la Divinité, trônent, assis sous une sorte de dais, Dieu le père, une tiare sur la tête et tenant un sceptre surmonté d’une fleur de lis, et le Christ, portant une croix sur son épaule ; tous deux soutiennent d’une main les Evangiles, au-dessus desquels est le Saint-Esprit sous la forme d’une colombe.
Ce char, traîné par le Tétramorphe, — le lion de saint Marc, l'aigle de Jean, le taureau de Luc et l'ange de Matthieu, les quatre Évangélistes— écrase les acteurs des cinq autres triomphes, dont la Mort.
Immédiatement derrière lui, marchent un pape et un archevêque (ou les Pères de l'Église). Dans le fond de la composition, on voit un grand nombre de personnages, parmi lesquels on distingue un évêque coiffé d’une mitre, la croix à la main, et des anges qui, rangés par cinq à droite et à gauche du dais, encensent la Trinité.
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L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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LE REGISTRE PRINCIPAL, AU MILIEU: LES CINQ PANNEAUX DE L'ENTREVUE DU CAMP DU DRAP D'OR.
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C'est en juin 1520 qu'eut lieu, non loin de Calais, la célèbre rencontre de François Ier et de Henri VIII. Cette entrevue avait pour but d'amener le roi d'Angleterre à s'allier avec la France contre Charles Quint, roi d'Espagne, élu empereur d'Allemagne en 1519 au détriment de François Ier.
Le camp était situé entre Ardres, appartenant à la France, et Guînes, alors anglaise, distantes de six kilomètres. L'entrevue avait été préparée entre le cardinal Thomas Wolsey, principal conseiller d'Henri VIII et Guillaume Gouffier, seigneur de Bonnivet, amiral de France.
La première entrevue, qui est illustrée ici, eut lieu le 7 juin 1520, jour de la Fête -Dieu, sous une tente dressée à cet effet. Ce fut, derrière des apparences de grande courtoisie et de gaieté, un simulacre d'entente. Quelques jours auparavant, le cardinal Wolsey avait accueilli à Douvres Charles Quint au nom de Henri VIII.
Les participants étaient vêtus avec tant de luxe et faisaient rivalité de tant de richesses que le lieu, dit Le Val Doré, reçut le qualificatif de "Camp du Drap d'Or. Et selon Martin du Bellay, les seigneurs français "y portèrent leurs moulins, leurs forest et leur prez sur leurs espaules.". Ce que les panneaux vont nous montrer.
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Description de gauche à droite.
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1. Sortie du cortège royal anglais du château de Guînes le 7 juin 1520.
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Le château est marqué par deux grosses tours rondes encadrant la porte. A noter, dans le château, quatre dames assistant au départ du cortège. Les seigneurs qui accompagnaient Henri VIII sont richement vêtus et leurs chevaux somptueusement harnachés.
Les troupes armées de chaque camp était composée d'environ 400 hommes : hallebardiers, lanciers et archers assurant la sécurité des monarques et de leurs hôtes.
Le départ des cortèges fut indiqué par une salve d'artillerie, tirée d'Ardres, à laquelle répondirent les canons de Guînes.
Le roi était accompagné de hauts dignitaires ecclésiastiques, des grands officiers royaux, et de certains représentant de la noblesse.
Depuis les galeries du château, des courtisans assistent au départ.
Nombreux sont les seigneurs dont le chapeau est orné d'une corolle de plumes, que portent aussi le chapeau des écuyers et le front des chevaux.
L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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2. Milieu du cortège anglais.
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Thomas Wolsey est légèrement sur la gauche, de face avec un chapeau de cardinal. Il semble monter sa mule en amazone en vertu de son rang. Mais la pierre est beaucoup plus altérée aujourd'hui que sur la planche dessinée par G. Engelmann. Il est précédé de sergents massiers et d'un clerc portant une croix. Ce dernier, tête nue, est vêtu d'une très longue robe aux manches larges avec un capuchon rejeté sur ses épaules. Il est suivi de quatre laquais à pied aux coiffures luxueusement empanachés sont ceux des écuyers.
Les deux premiers cavaliers tiennent des masses. Ce sont les huissiers du cardinal ou "sergents massiers" tenant des masses d'or.
L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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3. Les deux souverains se saluant : Henri VIII, à gauche et François Ier, à droite.
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Les deux souverains, à cheval, se saluent en soulevant leur chapeau. Alors qu'ils avançaient doucement, dans un scénario réglé comme papier à musique, au dernier moment ils éperonnèrent leur monture, comme s'ils allaient s'affronter, mais au lieu de mettre la main à l'épée, ils la portèrent à leur bonnet à plumes, dans un mouvement allègre et plein de panache. Les chevaux sont contrôlés par les écuyers. Chaque roi est escorté par sa garde de quatre cavaliers, faite d'archers pour Henri VIII et de lanciers pour François Ier.
L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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Henri VIII et sa garde d'archers.
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Ses archers portent la rose emblématique de leur roi sur la poitrine et sur le dos ( ce que nous ne voyons pas ici...).
Selon les chroniqueurs, ils étaient vêtus de hocquetons (longue casaque brodée à manches) aux couleurs de leur roi, de satin blanc et vert. D'autres portaient des pourpoints de velours cramoisi et chamarré de fin écarlate.
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L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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Henri VIII.
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Les deux rois portent la barbe et des cheveux longs, mais ceux de Henri VIII sont retenus par un bandeau. Il porte le collier de son ordre, et il est figuré avec une chaîne à laquelle est fixé le médaillon figurant saint Georges, patron de l'ordre de la Jarretière. Une autre chaîne plus longue passe en sautoir.
Il porte un large col au dessus d'une saie, retenue par une ceinture. Ses manches sont très larges et ouvertes.
Le caparaçon de son cheval est orné de roses de Tudor et de léopards, alternant en damier. Les glands de passementerie des extrémités battent alternativement le sol avec la foulée.
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L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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François Ier et sa garde de lanciers.
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Au second plan, des gardes sont alignés et nous font face. Celui qui est au milieu porte un turban, en plus du chapeau qu'il porte rejeté derrière la tête comme une couronne radiante de plumes. Son pourpoint, ses manches et ses chausses sont tailladés de crevés verticaux alignés en bandes régulières. La braguette est un accessoire orné et ostensible, fixé par des lacets. Sa main droite est posée sur la garde de l'épée, sa main gauche sur la lance. Un personnage similaire se trouve immédiatement après Henri VIII.
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L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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Les lanciers à cheval porte l'emblème de leur roi : la salamandre couronnée, représentée dans le dos du premier lancier.
Le bas-relief illustre la façon de chevaucher de l'époque : les cavaliers sont assis très en avant et se tiennent presque debout sur leurs étriers réglés très bas : la pointe du pied est dirigée vers le bas.
Les mors de brides ont des branches très longues et courbes, en C ou en S, sous les bossettes finement ouvragées. Les rênes sont élargies par des bandes de tissus brodées de losanges et perles où pendent des successions de piécettes (ou peut-être de grelots) dont on imagine les effets sonores.
On comparera ces détails avec ceux des cavaliers des Passions du XVIe siècle, soit sur les vitraux ou enluminures soit sur les calvaires finistériens. Voir notamment ici :
Les costumes des cavaliers associent une saie (manteau court ne dépassant pas les genoux) à manches bouffantes, au dessus d'un pourpoint à crevés, et parfois une manteline (manteau long et enveloppant, généralement sans manches) à large col ou une chamarre (casaque longue) ouverte.
Leurs têtes sont ceintes d'un bonnet ou d'un chapeau à larges bords, maintenus relevés par une broche ou "affiquet".
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L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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François Ier.
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Il porte un pourpoint à crevés qui laisse voir la soie de doublure, et une saie assez courte. Sa manteline (qui était, selon les chroniqueurs, "de drap d'or battu, fort enrichi en pierreries") est repliée sur le bras gauche. On devine le collier de l'Ordre de Saint-Michel.
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Son couvre-chef est orné d'une broche. C'était "un bonnet noir, garny de grans plumailz bien riches auquel avoit une escarboucle".
La housse de son cheval porte, inscrites dans les losanges, des fleurs de lys. La gerbe de larges et hautes plumes est spectaculaire.
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L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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4. Le cortège des prélats français.
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En tête se trouvent trois ou quatre officiers à cheval, qui précèdent le porteur de croix, à double croisillon. Puis vient le cardinal de Boissy, entouré de nombreux prélats (quatre chapeaux cardinalices au total). Le cardinal de Boissy avait été nommé légat du pape en 1519.
L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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Le dernier cavalier porte le collier de l'Ordre de Saint-Michel, très abîmé, mais dont le médaillon est saisi par la main droite. Il semble en train de s'entretenir avec un cardinal.
Le pourtour du caparaçon de son cheval, par ailleurs orné de losanges centrés par une fleur, porte une inscription en lettres romaines majuscules .
En bas : JE/AIN : GLORIA P
Sur le côté et en haut, dans un autre sens d'écriture : +RME .O.ETR.
Seul GLORIA est compréhensible, précédant la lettre P qui suggère "Gloria Patri", Gloire au Père.
Les autres lettres +RME .O.ETR. pourraient être (Lettéron p. 110) les initiales du verset 19 du psaume 71 Replebitur Majestate Ejus Omnia Et Regnabit "Tout sera rempli de sa majesté et il régnera".
Pour moi, l'énigme reste entière.
Isabelle Lettéron signale que dans le deuxième panneau, celui du cortège anglais, en position symétrique de celui-ci, on pouvait lire, remarquées par l'abbé Noël en 1726, quelques lettres inscrites sur la saie du cavalier chevauchant à droite du cardinal d'York : HO-----NCE.
L'hypothèse de l'abbé Noël est d'y voir la devise de l'Ordre de la Jarretière, "Honni soit qui mal y pense", avec la graphie pence. Dès lors, pour le cavalier français en position symétrique, la devise de l'Ordre de Saint-Michel devrait être "Immensi tremor oceani." Ce n'est pas le cas. On pourrait encore confronter l'inscription aux devises des officiers de l'Ordre, présents au Camp du Drap d'Or. Ce n'est ici pas la devise d'Artus Goufier de Boissy (Hic terminus haeret), ni celle de Galiot de Genouillac (Galiot aime fort une).
L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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5. Le cortège royal français sortant de la ville d'Ardres.
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Au centre, un noble personnage met le pied à l'étrier. Notez les spectatrices aux fenêtres et sur les remparts. En bas, à droite, les canons au son desquels s'ébranla le cortège.
L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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LE REGISTRE INFÉRIEUR : LES CINQ PANNEAUX DÉCORATIFS PREMIÉRE RENAISSANCE.
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Description partielle.
On y trouve le vocabulaire décoratif du château de Gaillon, ou du tombeau de Thomas James à Dol-de-Bretagne, avec des animaux et personnages fantastiques organisés en symétrie parmi des rinceaux atour d'un candélabre central.
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Deux putti assis sur des dauphins et tenant les extrémités d'un collier. Oiseaux fantastiques et rinceaux.
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L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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Putti debout tenant des cartouches. Rinceaux à personnages chimériques.
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On retrouve le principe décoratif de métamorphoses et chimérisme entre les éléments végétaux (rinceaux) et des têtes anthropomorphes mais feuillagées, et entre ces têtes et des attributs animaux (cornes et peut-être plumes).
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L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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Femme nue dansant au milieu de rinceaux et d'oiseaux.
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L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
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Putti debout tenant des cartouches. Rinceaux à personnages chimériques.
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L'Hôtel de Bourgtheroulde. Photographie lavieb-aile 2020 .
— ADELINE (Jules), 1893 L'Hôtel du Bourgtheroulde, in La Normandie Monumentale et Pittoresque, Seine-Inférieure, 1893, Le Havre, Lemale et Cie, imprimeurs, éditeurs, p. 33-36.
— ALLINE (M.) 1927, L'hôtel de Bougtheroulde, Congrès Archéologique de France Rouen 1926, p.178.
— CHALINE (Jean-Pierre), 2005, Tourisme et Patrimoine : L'hôtel de Bourgtheroulde. Du Camp du Drap d'Or au siège du CIN, 2005 Études Normandes Année 2005 54-3 pp. 77-78
— ESSLING, (Victor Masséna, prince d',) 1902, Pétrarque : ses études d'art, son influence sur les artistes, ses portraits et ceux de Laure, l'illustration de ses écrits page 252-253
— LÉTTERON (Isabelle), GILLOT (Delphine), 1996, L'hôtel de Bourgtheroulde, demeure des Le Roux. Cahiers du patrimoine n°44, ed. L'Inventaire.
— PALUSTRE (Léon (dir.), 1892, L'architecture de la Renaissance, Paris, 7 rue Saint-Benoît, ancienne maison Quentin, Libraires-Imprimerie réunies, 1892
— PAGAZANI, (Xavier) 2014. La demeure noble en Haute-Normandie : 1450-1600. Nouvelle édition [en ligne]. Tours : Presses universitaires François-Rabelais, 2014 (généré le 29 mars 2022). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/pufr/8052>. ISBN : 9782869065352. DOI : https://doi.org/10.4000/books.pufr.8052.
— RnBI, bibliothèque de Rouen, documents
-Voyages Pittoresques Et Romantiques Dans L'ancienne France. Ancienne Normandie. Vol.2 / Nodier, Charles -Cailleux, Alphonse De ; Taylor, Isidore Justin SéVerin. Paris : Impr. P. Didot
"Architecture Of The Middle Ages" (1)Apply Extr. De "Architecture Of The Middle Ages" r
"France Monumentale Et Pittoresque. Recueil De Vues Dessins
"L'Album Rouennais" (1)Apply Extr. De "L'Album Rouennais" Filter
"L'illustration" Du 16 Aout 1884, ; P118. Paris : J.-J. Dubochet
France Monumentale Et Pittoresque Recueil De Vues Dessin Nature / Chapuy, Nicolas Marie Joseph. Paris : Jeannin,
La France De Nos Jours / Asselineau, Léon-Auguste. Paris : F. Sinnett, 1853-1876 (1)Apply Extrait De : La France De Nos Jours / Asselineau, Léon-Auguste. Paris : F. Sinnett, 1853-1876 Filter
La Normandie Illustrée;E / Benoist,
La Normandie Monumentale Et Pittoresque ... Seine-Inférieure, 1e Partie / P. Dujardin, E. Letellier, ... Le Havre: Lemâle Et Cie, 1893. [N Atlas 5-9]
Le Moyen-Âge Monumental Et Archéologique / Ramée, Daniel. Paris : A. Hauser, 1840 (1)Apply Extrait De : Le Moyen-Âge Monumental Et Archéologique / Ramée, Daniel. Paris : A. Hauser, 1840
— Rouen, son histoire, ses monuments et ses environs (9e édition revue, annotée et augmentée d'une excursion de Rouen au Havre par la Seine) / par Th. Licquet et Éd. Frère 1878
Un panégyrique, c'est un discours à la louange d'un personnage ; ici, le vitrail fait l'éloge de saint Romain, l'évêque de Rouen au VIIe siècle, en associant sept épisodes de sa vie à chacune des sept vertus cardinales et théologales.
Cette baie 30 est située sur le bras sud du transept de la cathédrale et éclaire la nouvelle Chapelle Saint-Romain que gère la Confrérie Saint-Romain, fondée en 1437. C'est d'ailleurs cette confrérie qui offre, en1521, la baie voisine n° 28, également consacrée à la vie de saint Romain. En effet, l'ancienne chapelle de la confrérie, celle du Petit-Saint-Romain, est devenue trop petite. La confrérie fait agrandir les fenêtres de sa nouvelle chapelle, créant ainsi deux grandes baies à trois lancettes et remplage flamboyant.
Elle mesure 9,20 m. de haut et 3 m. de large et comporte 3 lancettes organisées en deux registres, et un soubassement moderne créé par Jules Boulanger en 1920 .
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Attribution.
L'hypothèse de l'attribution de cette verrière, ainsi que de la baie 28 à Olivier Tardif, gendre de Jean Barbe, et à ce dernier, est mentionnée par l'auteur de la notice de la base Palissy. Mais elle est discutée par Caroline Blondeau:
"Ces deux œuvres ont souvent été rapprochées de l'Ecu de verre, l'atelier des Barbe, notamment en raison de la charge qui lie Jean Barbe en 1518-1521 à la cathédrale. À cette époque, Olivier Tardif commande à être mentionné dans les comptes à ses côtés et aurait pu l'assister dans cette tache monumentale. Peut-on cependant les créditer de la réalisation de ces deux magnifiques verrières sur la simple raison de leur présence en tant que peintre verriers de la cathédrale uniquement pour des travaux d'entretien?"
"La facture de ces deux verrières constitue également un frein à cette attribution. En effet, elles ne sont pas dans la lignée des œuvres authentifiées et attribuées au fils [de Guillaume] Barbe, mais il reste délicat de mettre en parallèle des vitraux exécutés à une vingtaine d'années d'écart surtout s'ils sont l'œuvre de cartonniers différents. De même, le style est difficilement comparable."
"Si la tentation de voir derrière les chefs-d'œuvre du bras sud du transept les personnalités de Jean Barbe et Olivier Tardif est grande, elle ne peut céder à une logique scientifique. Rien n'atteste clairement, si ce n'est un faisceau de présomptions, l'intervention de ces deux peintres verriers dans la création de ces vitraux." (C. Blondeau)
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Stylistique et technique.
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"L'examen de la peinture révèle une facture homogène au sein des deux vitraux. Les visages, peints majoritairement en grisaille, sont modelés très subtilement avec des rehauts et enlevés progressifs de matière à la brosse. Certains sont toutefois peints en sanguine pour imiter la carnation. Plis, rides, cernes et autres défauts sont marqués et mis en valeur par un jeu de traits fins de grisaille et d'enlevés.
Le peintre verrier a particulièrement souhaité mettre en valeur le caractère des personnages, accentuant les marques de l'âge : rides, plis et anomalies cutanées. Les yeux sont également particulièrement travaillés, comme toujours à Rouen : cernes très importants modelés au lavis sur lequel on ombre le coin extérieur, enlevé à l'aiguille au dessus de la paupière inférieure et surmontés par de grands cils rectilignes tout à fait caractéristiques.
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Photo lavieb-aile.
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Les personnages féminins, plus présent dans le Panégyrique sous forme des Vertus sont moins marqués, sans doute en raison de la nature allégorique de ces représentations. Si les yeux présentent un traitement tout à fait similaire, en revanche l'un des traits marquants de leur visages est le dessin de la bouche, illustrant une expression de hauteur, voire de dédain. Leurs figures sont assez idéalisées représentant des femmes aux profils harmonieux, au long nez droit et toujours aux longs cils.
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Photo lavieb-aile
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Les drapés sont particulièrement soignés : les somptueux vêtements se déversent en une cascade de plis cassés savamment agencés comme la simple robe de la servante remplissant le baquet d'eau lors de la naissance du saint, ou des robes aux manches à crevées et autres tenues parsemées de motifs à damas complexes et d'ornements divers.
[...] Les scènes en intérieur mettent généralement en place les protagonistes sous des architectures à l'antique : pilastres et colonnes peints de grotesques sur lesquels s'accoudent ou s'agenouillent des putti ailés.
Le décor employé afin de magnifier l'architecture appartient sans contexte au vocabulaire antiquisant alors en vogue : masques feuillus, médaillons présentant des profils comme sur les monnaies antiques, bucranes, oves... Le peintre verrier utilise également des carrelages aux couleurs alternées afin de créer un effet de profondeur, dans une perspective assez bien maitrisée.
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Elle a été restaurée à plusieurs reprises, notamment en 1567-1568 par Noël Tardif, et en 1920 par Jules Boulanger.
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Commanditaire.
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La baie 30 est offerte (ADSM, G 2150 4 janvier 1521) par Jacques Le Lieur seigneur de Brametot et l'année 1521 est indiquée par inscription sur le vitrail.
"Jacques Le Lieur faisait partie de la confrérie de Saint-Romain. Son financement de la baie 30 est confirmé par les armoiries insérées dans l’œuvre [?] et sa participation personnelle à l’iconographie de l’œuvre est incontestable. Cet homme était un des acteurs majeurs de la vie politique rouennaise. En 1503, il acquiert l’office de notaire et de secrétaire du roi. En 1517, il est élu conseiller nouveau puis, en 1519, est appelé à siéger aux états de Normandie. Échevin jusqu’en 1541, il devient député aux états de Normandie en 1542. Il fait partie du milieu éclairé rouennais qui a le goût des arts, de la poésie notamment. Il avait visiblement un goût prononcé pour la culture classique, qui se manifeste dans la composition du vitrail. En effet, non seulement les ornementations sont tributaires des influences de l’iconographie de la Renaissance mais, par ailleurs, la légende même de saint Romain – avec l’insertion des vertus personnifiées dans chaque scène – est tout à fait nouvelle dans l’iconographie hagiographique de l’église. Chacune des scènes devient ainsi une allégorie dont la composition est étrangère à la culture iconographique médiévale. Il ne fait donc aucun doute qu’outre son financement, Jacques Le Lieur s’est personnellement investi dans l’iconographie du vitrail. L’iconographie des vitraux paraît avoir été conçue par la confrérie, et notamment par Jacques Le Lieur, sous le contrôle du chapitre, qui jouait lui aussi un rôle essentiel dans le privilège de Saint-Romain." (A. Blaise 2009)
Le Puy des Palinods était une confrérie religieuse dédiée à la sainte Vierge, devenue au fil du temps une académie littéraire et poétique centrée sur l'immaculée conception.
Jacques Le Lieur est très connu des historiens et amateurs de Rouen pour son Livre des Fontaines, réalisé entre 1519 et 1526, et qui montre ses armoiries, et un décor de putti et de dauphins ou chimères qui se retrouve sur le vitrail.
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" L’utilisation des vertus pour définir le devoir de l’évêque nous est confirmée par leur présence réelle au sein d’un vitrail hagiographique du début du XVIe siècle. La baie 30 de la cathédrale décrit parfaitement les vertus nécessaires au saint évêque. La composition du vitrail s’est organisée autour des vertus ; les sept scènes de la vie du saint ont été choisies en fonction des sept vertus cardinales et théologales : la Naissance de saint Romain (Foi), l’Élection du saint par le chapitre (Prudence) , le Privilège de saint Romain (Justice), Il chasse les démons d’un temple païen (Force), Le saint tenté par le démon (Tempérance), sa Mort (toutes les vertus), Saint Romain apparaît au vieillard (Charité) après sa mort, au tympan. Les vertus tiennent dans chaque épisode une place centrale, surtout dans la lancette médiane, ce qui amène à penser que ce sont probablement celles-ci que l’on a voulu représenter avant même de décider des scènes de sa légende. Ce discours religieux sur les vertus de la sainteté est assez classique dans l’iconographie hagiographique. Cependant, les vertus ne sont habituellement que symboliquement évoquées par les actions du saint. Ici, au contraire, elles sont au premier plan. Les épisodes de la vie du saint ne font que les accompagner et deviennent presque un prétexte pour représenter les vertus elles-mêmes. C’est probablement l’évolution artistique du début du XVIe siècle qui permit de faire tant de place à la représentation des vertus dans une œuvre religieuse. Cela confirmerait que c’est avant tout les vertus du saint que l’on voulait voir figurer dans certaines légendes hagiographiques." (A. Blaise)
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L'importance des Vertus à l'époque et à Rouen est confirmée par leur présence sur le portail occidental, mais aussi sur le monument funéraire qui fut élevé de 1516 à 1525 aux deux cardinaux d'Amboise. Voici leur description par A. Deville :
'Entre les sept pilastres, s'arrondissent six niches à caissons, où sont assises six charmantes petites statues ayant trois pieds de hauteur environ. Elles représentent, par allusion au mort, des vertus théologales, ainsi que l'indiquent les inscriptions latines, gravées en lettres d'or, qui sont superposées ce sont, en commençant par la gauche, la Foi, la Charité, la Prudence, la Tempérance, la Force d'âme, et la Justice.
FIDES, LA Foi. Elle tient un livre dans sa main droite, un calice dans la gauche. Cette délicieuse figure porte le riche costume du commencement du XVe siècle; sa tête est couverte de la mante.
CARITAS, LA CHARITÉ. Les attributs de cette figure ont été brisés, mais on voit, par ce qui en reste, qu'elle portait une croix d'une main et un cœur de l'autre. Il faut remarquer sa coiffure à réseau, ses boucles d'oreille à roue avec une grosse perle pendante au milieu, et sa ceinture ornée de perles enchaînées. Le style de cette figure est un peu maniéré.
PRUDENTIA, LA PRUDENCE. Le moelleux de la chevelure est surtout remarquable. Manches à crevés, manteau retenu par un cordon sur la poitrine, robe coupée carrément par-devant. Attributs : flambeau dans la main droite compas dans la main gauche.
TEMPERENCIA, LA TEMPERANCE. Elle tient une horloge dans la main gauche, dans la droite, par allégorie, un frein. Son front est ceint d'un riche bandeau orné de perles. La tête et la poitrine sont couvertes. Il faut admirer le travail de la tunique. Le cadran de cette horloge est divisé en vingt-quatre heures suivant l'usage de l'époque.
FORTITUDO, LA FORCE D'AME. Elle est représentée sous la figure d'un guerrier casqué et cuirassé, qui saisit par le cou un dragon, qu'il arrache du fort où il s'est réfugié. C'est l'image du triomphe de la vertu sur le vice.
IUSTICIA, LA JUSTICE. Cette jolie statue rappelle, pour le faire et pour le costume, la troisième, celle de la Prudence. Elle soutient, dune main, le livre de la loi, sur lequel est tracée une balance; elle porte le glaive nu dans l'autre.
On retrouve cette même figure allégorique au tombeau de François duc de Bretagne, dans la chapelle des Carmes de la cathédrale Nantes. On y voit également la Tempérance à l'horloge et au frein, la Justice portant l'épée et le livre avec les balances, et la Prudence armée du compas. Ces quatre figures occupent debout, les quatre coins du mausolée. Lobineau, dans son Histoire de Bretagne nous apprend qu'on travaillait au tombeau en 1507."
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La baie n°30 ou Panégyrique de saint Romain (1521) de la cathédrale de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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LE REGISTRE SUPÉRIEUR : FIDES, IUSTICIA,TEMPERENCIA.
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Les trois épisodes de la Vie de saint Romain sont (de droite à gauche) sa Naissance, en présence de la Foi, le Privilège de libérer un prisonnier, en présence de la Justice, et la Tentation par une femme, en présence de Tempérance.
La Foi est une vertu théologale, les deux autres des vertus cardinales.
L'intérêt iconographique tient moins à la représentation de l'épisode que dans celle des Vertus sous leur forme allégorique, et dans le choix des attributs qui les caractérisent.
La Foi avec son cierge et sa couronne de laurier.
La Justice avec son épée, sa couronne, et une balance.
La Tempérance avec une horloge et une cloche sur la tête et des bésicles en main.
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La baie n°30 ou Panégyrique de saint Romain (1521) de la cathédrale de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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La baie n°30 ou Panégyrique de saint Romain (1521) de la cathédrale de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La baie n°30 ou Panégyrique de saint Romain (1521) de la cathédrale de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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FIDES (LA FOI) : NAISSANCE DE SAINT ROMAIN.
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Le panneau décoratif Renaissance.
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Le panneau décoratif est typique de l'art ornemental de la Première Renaissance, tel qu'il a été introduit en Normandie par le cardinal Georges d'Amboise pour le château de Gaillon, et qu'on retrouve aussi dans les marges du Livre des fontaines de Jacques Le Lieur .
On y trouve, dans un jeu spéculaire autour d'un axe de symétrie verticale, deux putti ailés tenant, comme des porte-enseignes des armées romaines, des cartouches, ici muets.
Le principe des métamorphoses et hybridation animales et végétales (déjà présent sur les médaillons du Portail des Libraires, mais ici typiquement Renaissance) greffe sur les rinceaux feuillagés des têtes de chevaux (ou boucs), et des têtes menaçantes de "dauphins", ou des oiseaux affrontés, peut-être des aigles. On trouve aussi des masques de profil, feuillagés et anthropomorphes, tandis que les tiges des rinceaux sont virolés des bagues qui introduisent la participation des fabrications humaines d'orfèvrerie.
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Jacques Le Lieur, Livre des fontaines, Gallica.
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La baie n°30 ou Panégyrique de saint Romain (1521) de la cathédrale de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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La naissance de saint Romain.
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Selon la Vita Sancti Romani, cette naissance relève de la Foi car Félicité, la mère de Romain, ne pouvait avoir d'enfants, jusqu'à ce qu'un ange apparut à son mari Benoit, lui annonçant que sa femme enfanterait.
L'épisode crée donc un parallèle avec l'iconographie de la Nativité de la Vierge, dans laquelle sainte Anne, est alitée tandis qu'un bain est donnée à l'enfant Marie.
L'apparition de l'ange à Benoit est représenté sur le premier des vingt médaillons consacré au saint au Portail de la Calende de la cathédrale.
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La mère de Romain est à demi couchée sur son lit d'accouchée, les mains croisées sur la poitrine. Elle est voilée et porte la guimpe. Il est difficile de préciser la nature de l'objet losangique doré centré par un reflet bleu : un miroir ?
Le baldaquin est frangé de trois couleurs ; le ciel de lit de couleur verte n'est relevé que partiellement.
Une servante portant une coiffe locale à larges ailes, verse de l'eau dans un baquet pour le bain du nouveau-né, tandis qu'un petit chien blanc bondit. Ce chien blanc est très fréquent dans les représentations des demeures seigneuriales, et cet animal de compagnie est un marqueur de l'aristocratie de la famille, en son château des Rochettes de Wy-dit-Joli-Village.
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La baie n°30 ou Panégyrique de saint Romain (1521) de la cathédrale de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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Fides, la Foi.
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La Foi tient l'enfant dans ses bras. Elle tend un cierge allumé vers la mère. Elle porte sur ses longs cheveux blonds une couronne de lauriers, une robe dorée à ceinture bleue, et un manteau parme à revers rouge. La richesse de cet habit confirme que nous n'avons pas affaire à une servante ou une amie de la maman, mais bien à l'allégorie de la Foi.
Les auteurs du Corpus vitrearum voient une église sur la tête de la sainte. ils signalent que le buste et la tête due la Foi sont restaurées, ainsi que les autres têtes sauf celle de la mère du saint.
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La baie n°30 ou Panégyrique de saint Romain (1521) de la cathédrale de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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IUSTICIA (LA JUSTICE) : LE PRIVILÈGE DE SAINT ROMAIN.
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Le panneau décoratif.
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Nous retrouvons les mêmes éléments ornementaux : rubans, rinceaux à artefacts et bouquets de feuillages, tête de boucs feuillagées sur un cou portant un collier qui les accouple, candélabre central. Mais les deux putti ailés portent sur leur enseigne un cartouche portant la date 1521.
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La baie n°30 ou Panégyrique de saint Romain (1521) de la cathédrale de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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Le Privilège de saint Romain.
"Le privilège de saint Romain permettait au chapitre de la cathédrale de Rouen de gracier chaque année un condamné à mort le jour de l'Ascension. Son origine fait partie de la légende de Saint Romain.
Saint Romain, évêque de Rouen au temps de Dagobert (629 - 639), décida de dompter un monstre des eaux, la Gargouille, qui désolait les marais de la rive gauche. Il demanda un compagnon et seul un condamné à mort accepta. Saint Romain passa son étole au cou de la Gargouille, et elle fut menée à la ville, tenue ainsi en laisse par le condamné à mort. Celui-ci fut gracié. Dagobert (ou son fils Clovis II) donna à l'évêque de Rouen saint Ouen le privilège de gracier un condamné chaque année." (Wikipédia) https://fr.wikipedia.org/wiki/Privil%C3%A8ge_de_Saint-Romain
La cérémonie qui se déroule le matin de l'Ascension implique la Confrérie de Saint-Romain, laquelle, avec le chapitre, porte la chasse reliquaire ou "Fierte", en partant du portail des Libraires où la statue de saint Romain le montre tenant en laisse le monstre.
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Comme les deux autres, le verre rouge portant l'inscription IUSTICIA est gravé et peint au jaune d'argent. La Justice se tient dans une salle aux baies vitrées losangées, devant une table où sont placés un reliquaire cylindrique en verre serti, un bras reliquaire à fenêtre vitrée posé sur un coussin de velours carmin, des pièces d'or, et une assiette d'or.
Saint Romain, en évêque avec cape, mitre et chirothèques rouges, lève la crosse tenue en main droite (le joyau perlé de la chirothèque gauche est gravé sur le verre rouge) en direction du bras reliquaire pour faire valoir son privilège, et intercéder auprès de la Justice au profit du criminel qui sera gracié.
Neuf ou dix clercs (des chanoines du chapitre cathédrale ?), certains tonsurés, d'autres coiffés d'un chaperon bleu et vêtus de blancs, discutent avec vivacité.
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La baie n°30 ou Panégyrique de saint Romain (1521) de la cathédrale de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La baie n°30 ou Panégyrique de saint Romain (1521) de la cathédrale de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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La Vertu Justice porte une épée, une balance, et une lampe montée sur une longue hampe. On lit sur l'épée les mots JUSTICE RGN. L'allégorie est coiffée d'une couronne, regarde en haut et à droite. Ses cheveux vénitiens sont aussi longs et son costume est aussi élégant et riche que ceux de la Foi.
La balance est suspendue à la main gauche ; un seul plateau de cuivre est visible.
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Voir ici la Justice représenté par Philippe Galle :
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La baie n°30 ou Panégyrique de saint Romain (1521) de la cathédrale de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La baie n°30 ou Panégyrique de saint Romain (1521) de la cathédrale de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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TEMPERENTIA (LA TEMPERANCE) : TENTATION DE SAINT ROMAIN PAR UNE FEMME ENVOYÉE PAR LE DÉMON+.
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Le panneau décoratif Renaissance et l'inscription TEMPERENTIA.
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La baie n°30 ou Panégyrique de saint Romain (1521) de la cathédrale de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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La Tentation de saint Romain.
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"À la fin de sa vie, le saint homme s'était retiré dans un ermitage pour prier et méditer. Une pauvre femme vint lui demander la charité. Saint Romain hésitait à recevoir une femme mais ne voulait pas non plus manquer à ses devoirs d'hospitalité. Il fit entrer la femme, qui se dévêtit, et dénoua ses cheveux. Saint Romain appela le Seigneur à l'aide, un ange intervint, et précipita le démon dans un puits sans fond." (Wikipédia)
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Le saint, vêtu d'un camail violet, d'un surplis et d'une robe rouge, lève la main droite dans une posture de surprise et de défense. Il se redresse d'un petit banc où il était assis. On voit aussi la croix archiépiscopale et un miroir rond.
Devant lui, une courtisane semble s'éloigner sous l'effet des paroles prononcées par Romain. Elle est coiffée d'un hennin archaïsant, perlé et à cornes mais ses manches à crevés sont de la dernière mode.
Il faut sans doute chercher le démon en haut à droite, s'échappant par un escalier : je distingue une patte palmée au dessus d'une boule bleue centrée de rouge.
Selon Jacques Tanguy, "Usant de ses charmes, cheveux découverts, la femme tenta de la faire chuter. Mais Romain vit les pieds palmés de la créature et, avec l'aide d'un ange la précipita en enfer."
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La baie n°30 ou Panégyrique de saint Romain (1521) de la cathédrale de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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La Tempérance porte un collier de perles sur une robe à décolleté carré. Sa coiffe également perlée et à escarboucle est faite d'une résille. Ces éléments vestimentaires sont proches de ceux des portraits d'Anne de Bretagne.
L'intérêt documentaire des attributs de la Tempérance a été remarqué par les experts tels de Denis Hüe : ce sont, sur sa tête, une horloge à mécanismes dentés surmontés d'une cloche, et en main droite, des binocles.
Elle tient en main gauche une ceinture dotée d'une boucle et de son aiguillon et ornée de fleurons dorés, ceinture ou étole qui forme une boucle à laquelle est suspendu un objet jaune articulé que j'identifie comme son troisième attribut, le mors et ses brides.
Les ferrures de ces brides relèvent de la technique du verre rouge gravé.
Le cadran de l'horloge porte les 12 chiffres horaires autour d'une rosace. La cloche qui la coiffe porte des lettres AWZRG sans signification pour simuler une inscription.
On peut voir la Tempérance tenant une horloge à cloche, assez proche, sur une enluminure de l'Epître d'Othéa de Christine de Pizan.
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Allégorie de la Tempérance, Paris, BnF, Français 606 Christine de Pizan (1364?-1430?) : Épître d'Othéa f.2v : enluminure, par le Maître de l'Epître Othéa :15e siècle. Gallica.
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Selon Denis Hüe ( "Cloche et horloge à Rouen, Jacques le Lieur et le puy"), qui analyse les allégories de la cloche et de l’horloge dans le milieu rouennais, la première dans la poésie, la deuxième dans l’iconographie :
"Entre le Parlement, la cathédrale et l’église des Carmes, Jacques le Lieur a travaillé pour la cité, écrit pour le Puy ou commandé des vitraux ; la cloche et l’horloge y figurent, articulant le temps de la ville et le temps de l’église, le temps de la prière et celui du quotidien ; si l’horloge marque une sorte d’idéal parfait et inaccessible pour de nombreuses raisons, la voix de la cloche peut scander la vie des humains et les rappeler à l’émerveillement de leur Salut. La cloche entretient un lien privilégié avec Marie et l’Incarnation, tandis que l’horloge articule les temps astrologique et céleste et représente la tempérance ou la régulation nécessaires au salut."
Cet emblème ne sert pas qu’à l’identification de la vertu représentée par l’allégorie, il invite à la méditation de différents aspects de cette vertu ; l’horloge devient ici image de la raison qui régule la vie du croyant. Dans cette analyse où tous les éléments, même en apparence disparates, s’imbriquent parfaitement, Denis Hüe montre la cohérence profonde des allégories et la forte relation qu’elles maintenaient avec la réalité : la cloche, chef-d’œuvre de la technologie humaine, est une image parfaite de la Vierge, que l’horloge ne saurait pas représenter : non seulement celle-ci n’est qu’indicatrice du temps, elle rendrait donc la Vierge passive et extérieure à l’œuvre du salut, mais en plus, les horloges de la fin du Moyen Âge pouvaient varier d’un quart d’heure par jour, elles se prêtaient donc peu à évoquer la perfection. (A. Sobczyk)
Mais ces auteurs n'ont pas tous tenu compte des binocles, qui confère à cette Vertu l'attention visuelle et l'acuité du regard ou de l'examen permettant de ne pas être abusé par des apparences. Emile Mâle signale ces lunettes sur la Tempérance d'une tapisserie flamande du palais de Madrid du XVIe siècle. On les retrouve sur le manuscrit BnF Fr 1863 f.2, datant de 1505,, ou sur la gravure de Philippe Galle, associes au mors et à l'horloge.
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La Tempérance par Galle, Philippe, 1537-1612 Bruegel, Pieter, 1525?-1569 B.M. Lyon
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La baie n°30 ou Panégyrique de saint Romain (1521) de la cathédrale de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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LE REGISTRE INFÉRIEUR : PRUDENTIA, FORTITUDO, ET SPES.
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Prudentia est couronné de lauriers. Elle tient d'une main un crible, et de l'autre un miroir ; elle porte un cercueil sur sa tête.
Fortitudo porte une enclume sur la tête, elle s'appuie sur une colonne de marbre et brandit un dragon ailé.
Spes, l'Espérance, porte sur la tête un navire de commerce ; et peut-être une ancre.
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La baie n°30 ou Panégyrique de saint Romain (1521) de la cathédrale de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La baie n°30 ou Panégyrique de saint Romain (1521) de la cathédrale de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La baie n°30 ou Panégyrique de saint Romain (1521) de la cathédrale de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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PRUDENTIA : L'ELECTION DU SAINT PAR LE CHAPITRE .
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Le panneau décoratif.
Deux putti ailés tenant une lampe et une enseigne entourent une couronne de gloire où un cavalier lève son fouet.
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La baie n°30 ou Panégyrique de saint Romain (1521) de la cathédrale de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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L'épisode hagiographique.
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J'en ignore la source. Dans un bâtiment de style antique (colonnade à grotesques surmontés de putti ailés, frise à volutes et grotesques), le saint, assis sur une cathèdre au dossier tendu de damas et d'un médaillon, est entouré de cinq chanoines vêtus, comme lui, d'un surplis blanc et coiffés d'un bonnet. Le saint ajoute à cette tenue un camail bleu foncé, une robe rouge et l'aumusse de fourrure à l'avant-bras gauche. Il tend les mains vers ces clercs, et tient dans la main gauche des feuillets.
Agenouillé sur le sol carrelé au pied de l'estrade, un clerc tonsuré est vêtu de rouge, avec sur l'épaule gauche un linge (aumusse ?) bleu.
L'homme debout à droite, en surplis sur une robe rouge, tient un grand livre.
Têtes du "juge", de la Vertu et de l'homme de droite restaurées.
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La baie n°30 ou Panégyrique de saint Romain (1521) de la cathédrale de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La baie n°30 ou Panégyrique de saint Romain (1521) de la cathédrale de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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La Vertu : PRUDENTIA.
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Elle est couronné de lauriers. Elle tient d'une main un crible, et de l'autre un miroir ; elle porte un cercueil sur sa tête. Cet attribut se retrouve aussi sur la gravure de Philippe Galle.
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La Prudence par Galle, Philippe, 1537-1612 Bruegel, Pieter, 1525?-1569 Bibliothèque municipale de Lyon.
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La baie n°30 ou Panégyrique de saint Romain (1521) de la cathédrale de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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FORTITUDO : SAINT ROMAIN CHASSE LES DÉMONS D'UN TEMPLE PAÏEN.
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Le panneau décoratif.
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Tous les auteurs (C. Blondeau, C. Callias Bay, etc.) voient dans le motif central, où le corps d'un petit homme le corps se prolonge par des entrelacs, des "liures", une référence au nom de Jacques Le Lieur, notamment par comparaison aux "lieurs" figurant dans le Livre d'Heures (ou recueil de palinods) de la Bibliothèque Municipale de Rouen, Ms Y.226a folios 86 et 108.
Mais je ne partage pas cette opinion : rien ne distingue ces rinceaux tenus par le putti ailé de ceux des autres panneaux décoratifs de ce vitrail, et de l'ensemble des rinceaux Renaissance, comme ceux du tombeau de Thomas James à Dol-de-Bretagne, ou des stalles de Guerche-de-Bretagne (1518-1525), qui présentent des petits personnages similaires.
On peut simplement dire que l'ornementation Renaissance des manuscrits enluminés commandités par Jacques Le Lieur, et ce vitrail qu'il a offert, ont en commun le même répertoire ornemental, introduit par le cardinal d'Amboise à Gaillon.
Par contre, les décors héraldiques ou emblématiques du manuscrit Y.226a renvoient sans ambiguïté au nom est aux armes de leur propriétaire. Et de véritables entrelacs abondent dans les marges.
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Le personnage hybride est nu, ailé, à pagne feuillagé, à pattes animales, et il tient sur sa tête une corbeille de six fruits rouges. Il étend les bras vers des masques anthropomorphes de profil, feuillagés.
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La baie n°30 ou Panégyrique de saint Romain (1521) de la cathédrale de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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L'épisode de la destruction du temple.
"La destruction du temple païen : saint Romain, parti évangéliser les campagnes environnantes, se trouva un jour face à un temple païen, aux allures de forteresse, sur lequel des démons dansaient. Il invectiva les démons, provoqua le chef des diables, et le temple s'effondra." (Wikipédia)
Ici, Saint Romain, en évêque, trace dans le temple une bénédiction et avance sa croix archiépiscopale, ce qui entraîne la fuite de trois démons (verre bleu gravé et teinté au jaune d'argent en bas).
Sur un piédestal, une idole dorée vacille et chute.
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La baie n°30 ou Panégyrique de saint Romain (1521) de la cathédrale de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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Fortitudo.
La Vertu FORTITUDO assiste le saint. Elle porte le voile et la guimpe, et une robe violette. Elle brandit en main droite un dragon ailé. Sur sa tête, un objet bleu clair évoque une enclume. Sa main gauche entoure une colonne en marbre.
Ce sont bien les attributs de la FORCE, qui se retrouvent sur cette gravure de Brueghel (1561) :
La Force par Galle, Philippe, 1537-1612 Bruegel, Pieter, 1525?-1569 BM Lyon
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La baie n°30 ou Panégyrique de saint Romain (1521) de la cathédrale de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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SPES, l'ESPÉRANCE : LA MORT DE SAINT ROMAIN.
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La baie n°30 ou Panégyrique de saint Romain (1521) de la cathédrale de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La baie n°30 ou Panégyrique de saint Romain (1521) de la cathédrale de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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Dans le dernier épisode, toutes les vertus précédentes, auxquelles se joignent la Charité (qui figure au tympan) et l'Espérance, se retrouvent autour du lit funèbre de saint Romain.
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De gauche à droite : la Force, la Justice, la Foi et l'Espérance.
-La Force est coiffée de l'enclume, elle tient la colonne et maîtrise le dragon ailé .
-La Justice est couronnée, elle tient son épée.
-La Foi est coiffée d'une église et son front est ceint de lauriers. Elle tient le cierge allumé. Elle se tient derrière le crucifix présenté à Romain (ou bien, c'est elle qui présente ce crucifix).
-L'Espérance est coiffé d'un navire à trois mâts. Elle tient en main droite une tige dorée, peut-être la verge d'une ancre dont manquerait la patte.
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La baie n°30 ou Panégyrique de saint Romain (1521) de la cathédrale de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La baie n°30 ou Panégyrique de saint Romain (1521) de la cathédrale de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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La Prudence, la Tempérance et la Charité.
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La baie n°30 ou Panégyrique de saint Romain (1521) de la cathédrale de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La baie n°30 ou Panégyrique de saint Romain (1521) de la cathédrale de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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La Prudence.
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Elle est coiffée, au dessus d'une couronne de lauriers, d'un tombeau. Elle tient le crible et le miroir.
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La baie n°30 ou Panégyrique de saint Romain (1521) de la cathédrale de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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La Tempérance.
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Elle est coiffée d'une horloge dont le mécanisme agit sur une cloche. Elle tient ses binocles. Sa main gauche tient les brides et le mors sous la forme de larges sangles rouge, et d'un un objet jaune d'or. Ces brides à ferrures d'or, dotée d'une boucle et de son aiguillon comme une ceinture, était déjà bien visible sur sa représentation du registre supérieur.
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La baie n°30 ou Panégyrique de saint Romain (1521) de la cathédrale de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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La Charité.
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Nous la reverrons sur le soufflet supérieur du tympan. Elle tient le cœur rouge rayonnant. Il faut le savoir, mais c'est bien d'un phénix se frappant du bec la poitrine pour nourrir ses petits dont elle est coiffée. Il faudrait que je revienne me livrer à une nouvelle campagne photographique maintenant que j'ai déchiffré tous les secrets de ce vitrail.
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La baie n°30 ou Panégyrique de saint Romain (1521) de la cathédrale de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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LE TYMPAN : LA MESSE DITE PAR SAINT ROMAIN ; LA CHARITÉ.
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La baie n°30 ou Panégyrique de saint Romain (1521) de la cathédrale de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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Parmi les ajours du tympan, trois soufflets illustrent comment saint Romain est apparu à un vieillard.
La Vie de saint Romain rapporte en effet la vision d'un vieillard qui venait souvent à l'église avant matines . Un dimanche , il vit saint Romain entouré d'évêques et célébrant pontificalement la messe .
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Le soufflet supérieur montre ce vieillard observant mains jointes et derrière un rideau vert l'évêque Romain (sa mitre posée sur l'autel) célébrant la messe.
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La baie n°30 ou Panégyrique de saint Romain (1521) de la cathédrale de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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La Charité.
À gauche, la Charité assiste aussi à la scène, tenant le cœur rouge rayonnant qui est son attribut. Sur sa coiffe est posé un pélican nourrissant ses petits en se déchirant la poitrine. Ces attributs se retrouvent sur l'estampe de Philippe Gall et Brueghel :
La Charité par Galle, Philippe, 1537-1612 Bruegel, Pieter, 1525?-1569 Bibliothèque municipale de Lyon
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La baie n°30 ou Panégyrique de saint Romain (1521) de la cathédrale de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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Les deux soufflets inférieurs.
De chaque côté, cinq évêques sont tournés mains jointes vers la messe célébrée par Romain. Deux têtes ont été refaites.
On peut les considérer, d'après le récit de la vison du vieillard, comme les dix premiers évêques de Rouen, dont saint Nicaise, Mellon, Avitien, Sever, Victrice, Evode et Godard.
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La baie n°30 ou Panégyrique de saint Romain (1521) de la cathédrale de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La baie n°30 ou Panégyrique de saint Romain (1521) de la cathédrale de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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LE SOUBASSEMENT (1920).
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La baie n°30 ou Panégyrique de saint Romain (1521) de la cathédrale de Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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SOURCES ET LIENS.
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— Maurice ALLINE 1913, Les vitraux de la chapelle Saint - Romain à la cathédrale de Rouen . Étude iconographique , Rouen , 1913 ( extr . Congrès du Millénaire de la Normandie , t . II , 1912 )
— BASE PALISSY - POP-CULTURE Notice du Patrimoine base Palissy IM76002007
— BLAISE (Alexandra), 2009, Les représentations hagiographiques à Rouen à la fin du Moyen Âge (vers 1280-vers 1530), thèse d'Histoire de l'Art Paris IV Sorbonne sous la direction de F. Joubert.
— BLONDEAU (Caroline), "L'escu de voirre", le vitrail à Rouen 1450-1530
— BnF NAF 10721 Recueil de vies de saints, en prose et vers français. XVIe siècle. Ici commence la vie et legende de monseigneur saint romain
— POMEL (Fabienn), 2012. Pour une approche littéraire des cloches et horloges médiévales : réflexions méthodologiques et essai de synthèse. Cloches et horloges dans les textes médiévaux : mesurer et maîtriser le temps / sous la direction de Fabienne Pomel, Presses universitaires de Rennes, pp.9-32, 2012, 978-2-7535-2008-0. ffhal-01615587
https://hal.univ-rennes2.fr/hal-01615587/document
— SOBCZYK (Agata), 2014, « Cloches et horloges dans les textes médiévaux », Perspectives médiévales
https://journals.openedition.org/peme/5108
—VASSEUR (Roland), 1956, Étude iconographique des statues de la tour Saint-Maclou de Mantes. Le Mantois 7 ― 1956: Bulletin de la Société «Les Amis du Mantois » (nouvelle série). Mantes-la-Jolie, Imprimerie Mantaise, 1956, p. 16-21.
Des figures nouvelles apparaissent pour la première fois dans un manuscrit enluminé à Rouen en 1470. Elles n’ont plus rien de commun avec les représentations antérieures. Cette transformation profonde du thème a été étudiée par Émile Mâle, qui en attribue l’invention à la fantaisie individuelle d’un bel esprit de Rouen5 . Les Vertus deviennent symboliques. Elles se chargent d’attributs, portent d’extravagantes coiffures en équilibre sur leur tête: la Foi, une église; l’Espérance, un navire; la Charité, un pélican avec sa piété; la Prudence, un cercueil. On trouve encore beaucoup d’autres attributs plus inattendus, parmi lesquels un tri se fit bientôt, et voici comment, en France, se présentent les Vertus dans les premières années du XVIe siècle: la Foi tient le livre des Saintes Écritures; l’Espérance, une bêche, une ruche, ou un navire; la Charité tient le monogramme rayonnant du Christ et un cœur; la Force arrache un dragon d’une tour; la Justice porte les balances et l’épée; la Tempérance a une horloge et un mors; la Prudence, un crible et un miroir. C’est alors que s’introduit en France l’iconographie italienne. En Italie, les représentations des Vertus, héritage de l’art français du XIIIe siècle, sont, au XIVe et au XVe siècles, beaucoup plus nombreuses qu’en France. Cette fréquence s’explique par les traditions de l’art funéraire. Dès le XIVe siècle en effet les Vertus entrent dans la décoration des tombeaux italiens avec des attributs quelque peu différents de ceux que nous avons vus jusqu’ici: la Foi tient un calice; l’Espérance lève les mains au ciel; la Charité recueille et allaite des enfants; la Force tient dans ses bras une colonne; la Justice, comme en France, porte balances et épée; la Tempérance mêle de l’eau au vin; la Prudence a un double visage (jeune d’un côté et vieux de l’autre). On assiste bientôt à une italianisation partielle des représentations françaises. L’art funéraire propage les nouveaux thèmes. Au tombeau de François II de Bretagne, à Nantes, se mêlent déjà les deux traditions. De même, plus près de chez nous, au tombeau des cardinaux d’Amboise à Rouen et au tombeau de Pierre de Roncherolle à Écouis (il ne reste de ce dernier tombeau qu’un dessin de Millin). Malgré l’emprise italienne, la tradition française résiste longtemps. Les attributs restent français au tombeau du cardinal Hémard, à Amiens, et aux stalles de Gaillon. Mais le triomphe de l’italianisme est total au tombeau de Henri II.
L'Aître Saint-Maclou de Rouen III, la Danse Macabre des colonnes de la galerie ouest (les laïcs) et de la galerie est (les clercs). Pierre calcaire, 1526-1529.
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— Sur l'Aître Saint-Maclou, voir le premier article , qui comporte la présentation générale.
"Une danse macabre sculptée représente une procession de couples, où la Mort, décharnée, entraîne le vivant dans une danse. La Mort gesticule, gambade, sautille alors que le vivant semble figé face à l’arrivée brutale et violente du trépas. La danse macabre de l’aître Saint-Maclou dissocie les laïcs (empereur, roi…) défilant sur les colonnes de la galerie ouest et les religieux (pape, évêque…) sur la galerie est. Il s’agit d’une représentation hiérarchisée de la société allant du plus puissant, l’empereur pour les laïcs, le pape pour les ecclésiastiques, aux plus humbles. Ces statues ont fortement été endommagées, on suppose, dans la deuxième moitié du 16e siècle, durant les Guerres de Religion, ce qui rend leur identification difficile. Les historiens donnent une origine française à la danse macabre, l’expression étant utilisée dans un poème du 14e siècle de Jean Le Fèvre. Un autre poème, la Danse des morts, attribué à Jean Gerson (1363-1429) inspire la première danse macabre peinte : celle du cimetière des Saints-Innocents à Paris en 1424. Le poème agrémenté de gravures reproduisant les fresques du cimetière de Paris se répand à la fin 15e siècle en France et en Europe, grâce au libraire parisien Guyot Marchand. L’imprimerie, nouvellement créée, va permettre cette diffusion et assurer une popularité au thème des danses macabres. Les représentations artistiques se multiplient en Europe. Une centaine a été recensée pour le moment. Leur création est souvent à mettre en relation avec un épisode de peste. Peu d’entre elles sont conservées aujourd'hui. En France, six ont été répertoriées : celles de La Ferté-Loupière (Yonne), de Kermaria (Côtes-d’Armor), de Meslay-le-Grenet (Eure-et-Loir), de la Chaise-Dieu (Haute-Loire), de Kernascléden (Morbihan) et de Brianny (Côte-d’Or). La danse macabre est liée au choc psychologique provoqué par l’effroyable mortalité de la Peste noire de 1348 et aux retours de l’épidémie qui fauchent les générations suivantes. (Métropole)
Des colonnes peintes de couleurs chatoyantes et dorées :
"Les noms des maçons G. Trubert, G. Ribert, J. Louvel et N. Canu nous sont parvenus grâce aux salaires qui leur ont été versés au cours du chantier. Il en est de même pour les sculpteurs des colonnes de pierre figurant une danse macabre. G. Trubert est chargé de la taille et de la mouluration de toutes les colonnes à l’exception de trois fournies par les maçons Louvel et Canu et Adam Leselin et ensuite Gauthier Leprevost ont ensuite travaillé à la sculpture des couples de personnages. Enfin, Jean de Sées et Robert Collas sont intervenus lorsque les sculptures étaient terminées pour les peindre de couleurs chatoyantes et dorées. Robert Collas fut employé aussi pour enduire d’huile de lin la charpente. "(A. Pavia)
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"Les trois galeries à l’ouest et à l’est comptent 21 colonnes disposées de façon très régulière sur l’ensemble des façades. Elles sont édifiées sur un socle carré reposant lui-même sur un muret, s’élevant en s’étrécissant sur toute la hauteur du rez-de-chaussée des galeries pour déployer à son sommet des chapiteaux aux motifs rappelant ceux de la Renaissance. La moitié inférieure est cannelée et rudentée. À mi-hauteur, une bague timbrée d’un écu au monogramme de saint Maclou, sert d’appui au couple de figures. Le fût laisse apparaître des groupes finement sculptés en saillie représentant un couple de personnages qui mesurent environ 50 centimètres sans la tête. Ceux-ci sont situés un peu plus haut que la taille d’un homme. " (A. Pavia)
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Les colonnes des galeries sont numérotées à partir de l'angle sud-ouest, pour reprendre la numérotation en usage par le site "Aître Saint-Maclou", et de sa visite en ligne ou sur application pour portable. La galerie ouest comporte 11 colonnes consacrées à la Danse macabre des Laïcs invités par la Mort à sa danse. La galerie est comporte également 10 colonnes, dont seules 9 sont sculptées des figures de la Danse macabre des Clercs.
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Liste :
Les 11 Laïcs.
Colonne n°1 : trop usée. Le Sergent ?
Colonne n°2 : trop usée. L'Homme d'armes ?
Colonne n°3 : le Marchand ?
Colonne n°4 : trop usée. Le Bourgeois ?
Colonne n°5 : le Bailli ?
Colonne n° 6 : l' Ecuyer ?
Colonne n°7 : le Chevalier ?
Colonne n°8 : le Connétable ?
Colonne n°9 : trop usée. le Duc ?
Colonne n°10 : le Roi.
Colonne n°11 : l'Empereur.
Les 9 Clercs.
Colonne n°21 : le Pape.
Colonne n°22 : le "Patriarche" .
Colonne n°23 : trop usé [Le Cardinal ?]
Colonne n°24 : le Légat du Pape.
Colonne n°25 : l'Évêque.
Colonne n°26 : l'Abbé.
Colonne n°27 : Autre Abbé ou l'Astrologue
Colonne n°28 : trop usée. Le Chanoine ?
Colonne n°29 : trop usée. Le Maître d'école ?
Colonne n°30 : un moine prêcheur (Dominicain) : le "Chartreux".
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Comparaison avec les personnages de la Danse des morts de Guyot Marchand 1486 :
La danse macabre, ou danse de la mort, est un motif artistique de la fin du Moyen Âge. On considère la danse macabre du cimetière des Innocents de Paris, peinte en 1424, comme le point de départ de cette tradition. Aujourd’hui détruite, elle a pu toutefois parvenir jusqu’à nous grâce à un livre de l’éditeur Guyot Marchand, publié la première fois en 1485 et 1486.
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Cette liste permet de constater une bonne concordance avec les séquences de personnages de l'Aître Saint-Maclou, et dès lors de combler les lacunes liées aux destructions de Saint-Maclou.
1. L'empereur / le Pape
2. le Roi / Le Cardinal
3. Le Duc / Le Légat du Pape
4. Le Connétable / Le Patriarche
5. Le Chevalier / L'Archevêque
6. L'Écuyer / L'évêque
7. Le Bailli / L'Abbé.
8. Le Bourgeois/L'astrologue.
9. Le Marchand/ Le Chanoine.
10. L'Homme d'armes/le Maître d'école
11. Le Sergent/ Le Chartreux.
12. L'Usurier et le Pauvre / Le Moine.
13. L'Amoureux/ Le Médecin.
14. Le Ménestrel /L'Avocat.
15. Le Laboureur/ Le Curé.
16. Le Geolier./ Le Promoteur.
17. Le Berger/ Le Pèlerin.
18. L'Enfant / Le Cordelier.
19. L'Ermite/ Le Clerc.
20. Le Sot /Le Hallebardier
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Comparaison avec la liste des personnages de la Danse des Morts du BnF 995 de 1500-1510..
Cette liste montre que ce manuscrit suit assez fidèlement l'ordre de l'ouvrage imprimé par Guyot Marchand en 1486. Le Duc est absent.
1. L'Empereur/ Le Pape.
2. Le Roi/ Le Cardinal.
3. Le Connétable/ Le Patriarche.
4. Le Chevalier / L'Archevêque
5. L'Ecuyer/ Le Prélat (crosse)
6. Le Bailli/ L'Abbé.
7. Le Bourgeois/ L'Astrologue.
8. Le Marchand/ Le Chanoine.
9. Le Sergent/Le Maître d'école.
10. L'Usurier et le Pauvre homme/ Le Médecin
11. L'Amoureux/ L'Avocat.
12. Le Menestrier / Le (Moine)
13. Le Laboureur/ Le Cordelier.
14. L'Enfant/ Le Clerc.
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Plan de l'Aître par S. Bethmont-Gallerand.
Les galeries de l'Aître Saint-Maclou. Photographie lavieb-aile août 2020.
Les galeries de l'Aître Saint-Maclou. Photographie lavieb-aile août 2020.
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GALERIE OUEST : LA DANSE MACABRE DES LAÏCS.
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La colonne n°1. Trop usée. Le Sergent ?
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Hypothèse : le Sergent ? Son attribut est la masse d'armes. Voici, en guise d'introduction à ces Danses, le dialogue entre le squelette, et le vivant :
Le mort
Sergent qui porte cellez mace:
Il semble que vous rebellez.
Pour neant faictez la grimace:
Se on vous greve si appellez.
Vous este de mort appellez.
Qui luy rebelle il se decoit.
Les plus fort sont tost ravallez.
Il nest fort quaussi fort ne soit.
Le sergent
Moy qui suis royal officier:
Comme mose la mort frapper
Ie fasoye mon office hier.
Et elle me vient huy happer:
Ie ne scay quelle part eschapper:
Ie suis pris deca et dela.
Malgre moy me laisse apper.
Enviz meurt qui appris ne la.
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Le Sergent, La Danse macabre historiée, Paris 1486, Guyot Marchand.
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La colonne n°2. Trop usée. L'Homme d'armes ??
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On s'attend à trouver ici l'Homme d'armes.
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La colonne n°3. Un Marchand.
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Il ne reste plus que le bras gauche du squelette mais on devine qu'il porte un cercueil sur l'épaule et tient le vivant pour l'emmener avec lui. Ce vivant est habillé d'une manière qui rappelle les vêtements des riches marchands du 16e siècle.
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L'un des modèles possibles : l'enluminure du Maître de Philippe de Gueldre (1500-1510) du BnF Fr. 995. Selon John Plummer, ce maître pourrait avoir travaillé à Rouen, notamment pour le cardinal d'Amboise, mais Nicole Reynaud a montré qu'il n'avait travaillé qu'à Paris. Il est influencé par le travail de Bourdichon.
Voici l'invite du mort (transcription personnelle) :
La Danse macabre des laïcs, sur les colonnes sculptées de la galerie ouest de l'Aître Saint-Maclou. Photographie lavieb-aile.
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La colonne n°4. Très usée. Le Bourgeois ??
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Il ne reste qu'un drap ; le squelette est suffisamment préservé pour déterminer qu'il s'appuie sur une faux.
Il serait logique d'y attendre le Bourgeois.
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La colonne n°5. Le Bailli ?.
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Il se caractérise sur la gravure et l'enluminure par son manteau fourré, son chaperon, voire son aumônière. Sur la colonne, aucun attribut n'est visible, mais le riche et long manteau est présent.
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Le Baillif. BnF 995.
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Le relevé de Langlois.
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La colonne n°6. L'Ecuyer ?.
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Le noble personnage serait, si l'ordre est respecté, l'Ecuyer. Comme sur la gravure, il se tient en arrière pour échapper à la sollicitation du squelette dont sont conservés encore les vêtements, les jambes en mouvement, et les deux bras qui saisissent le vivant.
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L'écuyer. BnF fr. 995.
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La Danse macabre des laïcs, sur les colonnes sculptées de la galerie ouest de l'Aître Saint-Maclou. Photographie lavieb-aile.
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La colonne n°7. La mort invite à danser le Chevalier.
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Sur l'enluminure, il tient un bâton. Sur la gravure, il porte l'épée au côté gauche. Sur la colonne, il se détourne et tourne le dos au squelette.
Le mort s'adresse à lui en disant Vous q'entre les grans barons avez eu renom chevalier : le titre est donc considérable, au delà de notre acceptation courante.
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Le Chevalier BnF fr.995.
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La Danse macabre des laïcs, sur les colonnes sculptées de la galerie ouest de l'Aître Saint-Maclou. Photographie lavieb-aile.
La Danse macabre des laïcs, sur les colonnes sculptées de la galerie ouest de l'Aître Saint-Maclou. Photographie lavieb-aile.
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La colonne n°8. La mort invite à danser le Connétable.
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Sur la colonne, le squelette porte un bâton de son bras gauche. Et il ne reste du vivant qu'un peu de ses vêtements et une épée, ce qui incite les experts à identifier un connétable, le chef des armées du roi, le plus haut grade de la hiérarchie militaire, celui qui, en tout lieu, représente le roi et tient son épée. Sous François Ier, il s'agira du fameux Anne de Montmorency, mais il reçut cette charge en 1538. Il plaça sur ses armes deux épées, pointe vers le haut.
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Le Connétable. BnF fr.995 f.4r.
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La Danse macabre des laïcs, sur les colonnes sculptées de la galerie ouest de l'Aître Saint-Maclou.
La Danse macabre des laïcs, sur les colonnes sculptées de la galerie ouest de l'Aître Saint-Maclou.
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La colonne n°9. Très usée. Le Duc ?.
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On voit un pan de vêtement appartenant au mort, un bâton (ou épée) central, et le pied du vivant.
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Le Duc.
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La Danse macabre des laïcs, sur les colonnes sculptées de la galerie ouest de l'Aître Saint-Maclou.
La Danse macabre des laïcs, sur les colonnes sculptées de la galerie ouest de l'Aître Saint-Maclou.
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La colonne n°10. La mort invite à danser le roi.
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Sur la colonne, le roi tient son sceptre avec son bras relevé sur sa poitrine. Le squelette nous tourne le dos, et ce dos est bombé comme une carapace de tortue, par un effet du linceul dont il se drape .
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Le Roi.
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La Danse macabre des laïcs, sur les colonnes sculptées de la galerie ouest de l'Aître Saint-Maclou. Photographie lavieb-aile.
La Danse macabre des laïcs, sur les colonnes sculptées de la galerie ouest de l'Aître Saint-Maclou. Photographie lavieb-aile.
La Danse macabre des laïcs, sur les colonnes sculptées de la galerie ouest de l'Aître Saint-Maclou. Photographie lavieb-aile.
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La colonne n°11. La mort invite à danser l'Empereur.
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Du squelette, nous ne voyons que le pied, et le geste par lequel il tire l'Empereur par son manteau. C'est une large cape retenue sur la poitrine par une agrafe ronde et perlée. L' épée est brandie à la main droite , l'autre main devait tenir le globe impérial. Le vandale iconoclaste, dans son jeu de massacre, a brisé toutes les têtes mais il reste ici la pointe de la barbiche.
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L'Empereur.
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L'un des modèles possibles : l'enluminure du Maître de Philippe de Gueldre (1500-1510) pour BnF fr.995.
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Le relevé effectué par Langlois en 1837 :
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La Danse macabre des laïcs, sur les colonnes sculptées de la galerie ouest de l'Aître Saint-Maclou. Photographie lavieb-aile.
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Les chapiteaux.
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Ils permettent de constater l'influence de l'ornementation de la Première Renaissance, introduite en Normandie à Gaillon par le cardinal Georges d'Amboise.
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La Danse macabre des laïcs, sur les colonnes sculptées de la galerie ouest de l'Aître Saint-Maclou. Photographie lavieb-aile.
La Danse macabre des laïcs, sur les colonnes sculptées de la galerie ouest de l'Aître Saint-Maclou. Photographie lavieb-aile.
La Danse macabre des laïcs, sur les colonnes sculptées de la galerie ouest de l'Aître Saint-Maclou. Photographie lavieb-aile.
La Danse macabre des laïcs, sur les colonnes sculptées de la galerie ouest de l'Aître Saint-Maclou. Photographie lavieb-aile.
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Un des blasons.
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Ces blasons qui ornent chaque colonne ont été décrits ainsi par Langlois :
"Un écusson dans le goût du temps, surmonté d'une crosse, présente sur chaque colonne le monogramme ci dessous dans les enlacements duquel se trouvent toutes les lettres dont se compose le nom latin de saint Maclou, S. MACUTUS. La tige de la crosse forme le jambage du T, le C se trouve dans la moitié du M, et l'A compte pour le V supposé vu dans un sens inverse ; on ne peut méconnaître l'S, qui réunit, comme une espèce de ligature, ce groupe de caractères. Dans les monogrammes antiques, comme dans ceux du moyen-âge, une seule lettre, par la manière dont elle est combinée, en représente souvent plusieurs à la fois. Dans l'exemple dont nous donnons la figure, il n'existe à la vérité qu'un seul V, mais il suffisait généralement que chacune des lettres dont se composait un mot se trouvât une seule fois figurée, dans ces sortes de chiffres, pour qu'ils fussent considérés comme complet »
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Néanmoins, la présence d'une crosse "en pal" sur ce monogramme laisse supposer la marque d'une abbatiale ou d'une influence épiscopale.
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La Danse macabre des laïcs, sur les colonnes sculptées de la galerie ouest de l'Aître Saint-Maclou. Photographie lavieb-aile.
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LA GALERIE EST : LA DANSE MACABRE DES CLERCS.
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Dans cette galerie, tous les squelettes se dirigent vers notre droite, vers le sud (qui était alors ouvert).
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Colonne n° 21 : le Pape invité à la danse par la Mort.
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Sur la colonne, le Pape tient une croix papale à trois traverses. Sa cape comporte une capuche terminée par un gland frangé.
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La Mort :
Vous qui vivez : certainnement
Quoy qu’il tarde ainsi danceres :
Mais quant ? Dieu le scet seulement
Advisez comme vous serés.
Dam Pape : vous commenceres
Comme le plus digne seigneur :
En ce point honores seres
Aux grans maistre est deu lonneur.
Le Pape :
Hée : fault il que la dance mainne
Le premier : qui suis dieu en terre
J’ay eu dignité souveraine
En l’église comme saint Pierre :
Et comme autre mort me vient querre
Encore point morir ne cuidasse :
Mais la mort a tous maine guerre
Peu vault honneur que si tost passe.
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Le Pape, 1486.
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Le Pape, BnF 995.
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Relevé par Langlois à Saint-Maclou :
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La Danse macabre des clercs, sur les colonnes sculptées de la galerie est de l'Aître Saint-Maclou. Photographie lavieb-aile.
La Danse macabre des clercs, sur les colonnes sculptées de la galerie est de l'Aître Saint-Maclou. Photographie lavieb-aile.
La Danse macabre des clercs, sur les colonnes sculptées de la galerie est de l'Aître Saint-Maclou. Photographie lavieb-aile.
La Danse macabre des clercs, sur les colonnes sculptées de la galerie est de l'Aître Saint-Maclou. Photographie lavieb-aile.
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Colonne n° 22 : le Patriarche invité à la danse par la Mort.
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D'après l'iconographie, c'est bien le Patriarche qui tient une croix à double traverse (d'ailleurs nommée "croix patriarcale". Le Patriarche de la colonne est mitré, comme en témoignent les fanons frangés visibles de dos. Le squelette est drapé de son linceul.
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Le Patriarche 1486
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Le Patriarche BnF 995.
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Le relevé de Langlois en 1837 :
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La Danse macabre des clercs, sur les colonnes sculptées de la galerie est de l'Aître Saint-Maclou. Photographie lavieb-aile.
La Danse macabre des clercs, sur les colonnes sculptées de la galerie est de l'Aître Saint-Maclou. Photographie lavieb-aile.
La Danse macabre des clercs, sur les colonnes sculptées de la galerie est de l'Aître Saint-Maclou. Photographie lavieb-aile.
Le personnage devait être l'Archevêque, tenant sur la gravure et l'enluminure une croix à une seule traverse. (pourtant, en théorie, la croix archiépiscopale a deux traverses).
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Ou le Cardinal (qui vient en deuxième position sur la danse macabre de 1486) :
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La Danse macabre des clercs, sur les colonnes sculptées de la galerie est de l'Aître Saint-Maclou. Photographie lavieb-aile.
La Danse macabre des clercs, sur les colonnes sculptées de la galerie est de l'Aître Saint-Maclou. Photographie lavieb-aile.
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Colonne n° 24 : le Légat du Pape invité à la danse par la Mort.
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Ou : le Cardinal : tous les deux ont les rangs de houppe de leur chapeau qui pendent devant leur robe. Mais le Légat est le seul à tenir la croix à longue hampe et à traverse simple. Les cinq rangs de fiocchi du chapeau témoignent d'un haut rang dans la hiérarchie.
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Le Légat 1486
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Le relevé de Langlois en 1837 :
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La Danse macabre des clercs, sur les colonnes sculptées de la galerie est de l'Aître Saint-Maclou. Photographie lavieb-aile.
La Danse macabre des clercs, sur les colonnes sculptées de la galerie est de l'Aître Saint-Maclou. Photographie lavieb-aile.
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Colonne n° 25 : un Évêque invité à la danse par la Mort.
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Il ne reste de la mitre que les fanons frangés retombant derrière la nuque sur le capuchon, orné d'un gland de passementerie.
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L'Évêque, 1486.
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L'Evesque, BnF 995.
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Le relevé de Langlois en 1837 :
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La Danse macabre des clercs, sur les colonnes sculptées de la galerie est de l'Aître Saint-Maclou. Photographie lavieb-aile.
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Colonne n° 26 : un Abbé invité à la danse par la Mort.
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Le Père abbé porte la crosse au même titre que l'évêque, mais du côté droit ; il s'en distingue par son habit monastique.
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L'Abbé 1486
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L'Abbé, BnF 995.
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Le relevé de Langlois en 1837 :
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La Danse macabre des clercs, sur les colonnes sculptées de la galerie est de l'Aître Saint-Maclou. Photographie lavieb-aile.
La Danse macabre des clercs, sur les colonnes sculptées de la galerie est de l'Aître Saint-Maclou. Photographie lavieb-aile.
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Colonne n° 27 : un autre Abbé invité à la danse par la Mort. L'Astrologue ?
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Ou bien l'Astrologue, si on suit la séquence des Danses macabres contemporaines. Mais la croix, quoique tenue à main gauche, affaiblit cette hypothèse.
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L'Astrologien 1486
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L'Astrologue BnF 995.
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Le relevé par Langlois :
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La Danse macabre des clercs, sur les colonnes sculptées de la galerie est de l'Aître Saint-Maclou. Photographie lavieb-aile.
La Danse macabre des clercs, sur les colonnes sculptées de la galerie est de l'Aître Saint-Maclou. Photographie lavieb-aile.
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Colonne n° 28 : très usée. Le Chanoine ?
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D'après la séquence des Danses macabres, nous pourrions avoir ici le Chanoine portant l'aumusse.
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Le Chanoine, 1486
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Le Chanoine, BnF 995.
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Colonne n° 29 : très usée.
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Il ne reste du squelette qu'un talon et un morceau d'habit tandis que le vivant n'a plus que ses deux pieds.
D'après la séquence des Danses macabres, nous pourrions avoir le "Maistre d'escole" .
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Le Maistre d'escole, 1486
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Colonne n° 30 : un moine prêcheur (dominicain) invité à la danse par la Mort.
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Ou "Chartreux" dans les textes de l'époque.
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Le Chartreux, 1486.
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Le Chartreux in BnF 995.
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Le relevé par Langlois.
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La Danse macabre des clercs, sur les colonnes sculptées de la galerie est de l'Aître Saint-Maclou. Photographie lavieb-aile.
La Danse macabre des clercs, sur les colonnes sculptées de la galerie est de l'Aître Saint-Maclou. Photographie lavieb-aile.
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Chapiteaux et blasons.
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Les chapiteaux.
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Le relevé de Langlois :
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Les colonnes sculptées de la galerie est de l'Aître Saint-Maclou. Photographie lavieb-aile.
Les colonnes sculptées de la galerie est de l'Aître Saint-Maclou. Photographie lavieb-aile.
Les colonnes sculptées de la galerie est de l'Aître Saint-Maclou. Photographie lavieb-aile.
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Les blasons.
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Ils ont été décrits par Langlois : voir plus haut.
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Les colonnes sculptées de la galerie est de l'Aître Saint-Maclou. Photographie lavieb-aile.
Les colonnes sculptées de la galerie est de l'Aître Saint-Maclou. Photographie lavieb-aile.
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UNE PIERRE COMMÉMORATIVE DE 1522 (ou 1525) .
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Les donateurs sont peut-être Jean Dufour (accompagné de ses fils et descendance), et son épouse (accompagnée de ses filles). Ces opulents drapiers avaient fait don en 1505 de deux cours et d'une maison afin d'agrandir l'aître. La famille Dufour est l'une des principales donatrices également de l'église Saint-Maclou (verrière de la façade occidentale).
"Le « Grand Chartrier », cartulaire enluminé exécuté en 1532, consacre le rôle prépondérant et durable de la famille Dufour dans la construction de l'église et célèbre l'accession de ces bourgeois aux plus hautes fonctions publiques et à la noblesse à la fin de la guerre de Cent Ans." (E. Hamon)
En effet Jehan Dufour fut selon Maurice Pillet conseiller de Rouen et seigneur du Monchel
— BETHMONT-GALLERAND (Sylvie), 2003, "Un autre travail du bois à Rouen : Les sablières de l’aître saint-Maclou", in Les stalles de la cathédrale de Rouen, C. Elaine Block, Frédéric Billiet p. 199-220 Presses universitaires de Rouen et du Havre
https://books.openedition.org/purh/7435?lang=fr
https://books.openedition.org/purh/7437
— LANGLOIS (E.-Hyacinthe ), 1833, "Rouen au XVIe siècle et la danse des morts", Bulletin de la Société libre d’émulation de Seine-Maritime, 6 juin 1832, Rouen, Baudry, 1833, p. 70. Non consulté.
« Dans les statuettes du cimetière de Saint-Maclou, tantôt la mort se montre dans une action d'entraînement plus ou moins brusque; tantôt, affectant une pose tranquille, elle parait employer le raisonnement plutôt que la violence. Sur quelques colonnes des plus mutilées, on retrouve des pieds décharnés dont l'élévation au-dessus du plan sur lequel posaient les figures atteste que plusieurs de ces cadavres symboliques gambadaient en s'emparant de leurs victimes. Quant à ces derniers personnages, ils montrent généralement, par leurs poses simples et calmes, plus de résignation que de résistance, » Langlois,
—LANGLOIS (Eustache-Hyacinthe), 1837, réed 1852, Essai historique, philosophique et pittoresque sur les Danses des Morts. Rouen, Lebrument, Deux volumes I p.10-30, II p.10-61.
— LEVASSEUR (P.), 2003, « Observations sur l’iconographie de l’aître saint-Maclou : une synthèse de l’art macabre et des apports de la Renaissance », Actes du onzième congrès international d’études sur les Danses Macabres et l’art macabre en général , Rouen du 1er au 5 octobre 2003,éditions Danses Macabres d’Europe, p. 41. Non consulté.
—LOTH (Julien), 1910, L'Aître de Saint-Maclou, Rouen, Léon Gy, 28 p. Non consulté.
—MÂLE (Emile) 1922, L’art religieux de la fin du Moyen-Age en France, é