Les ornements sculptés à type de femmes-serpents ne sont pas rares dans les églises et chapelles bretonnes. Hiroko Amemiya qui leur a consacré sa thèse, dénombre 10 exemples de femmes-serpents, dont 9 en Finistère et un en Morbihan. On les distinguera des femmes-poissons (sirènes).
1. église Saint-Idunet à Trégourez, granite,1687. Moyen-relief du mur d'enceinte.
2. Le Juch, granite XVIIe. Ornement aen haut-relief du faîte du chevet
3. église Notre-Dame , Bodilis, porche sud, granite, 1564-1570? Console d'une niche du porche
4. église Notre-Dame de Brasparts, porche sud, granite, 1592. Console d'une niche d'apôtre.
5. église Saint-Edern à Lannedern, crossette de l'ossuaire, 1662.
6. église de la Sainte-Trinité de Lennon, 2 crossettes du porche sud, XVIe siècle
7. chapelle Saint-Herbot de Plonévez-du-Faou, porche ouest, granite, 1516. Cul de lampe sous une niche.
8. église Saint-Suliau à Sizun, crossette de l'ossuaire, kersanton.
9. église Saint-Suliau à Sizun, ornement d'une frise du chevet, granite.
In H. Amémiya.
L'église de la Sainte-Trinité de Lennon présente deux femme-serpents symétriques, qui ont fonction de crossettes à la base du rampant du pignon du porche sud. Elles sont sculptées en moyen-relief. Leur datation est difficile, car l'église a été totalement reconstruite en 1862 en style néogothique par Joseph Bigot, à l'exception des baies de la façade ouest, du porche sud (16e-17e siècles) et de la tour-clocher occidentale (1772, Joseph Gautron et Malegol commanditaires).
Plus précisément Gwénael Fauchille indique pour le porche sud "le réemploi d'éléments du XVIe siècle comme la porte intérieure en anse de panier à accolade flamboyante et niches à coquilles séparées par des pilastres".
Mais la présence sous le porche de 12 statues d'apôtres du XIXe siècle qui sont des pastiches de statues anciennes inciterait à la prudence.
D'autant que les deux femme-serpents de Lennon, identiques mais en miroir, ressemblent à leur homologue du porche sud de l'église Saint-Idunet, datée par sa présence au dessus d'une inscription de 1687. Et que le bloc de leucogranite, taillé en biseau à angle franc, ne présente pas d'usure.
illustration Fauchille Gwénaël
Vue générale du porche.
Porche de l'église de Lennon. Photo lavieb-aile 2025.
Porche de l'église de Lennon. Photo lavieb-aile 2025.
La femme-serpent du côté ouest.
Elle a un visage en ovale bilobé par des pommettes soulignées, une longue chevelure en deux nattes épaisses et striées éloignées de la tête et encadrant les épaules. Les seins volumineux occupent tout le thorax. La partie inférieure a la forme d'un abdomen globuleux se prolongeant par une queue qui s'enroule en une boucle. Cette queue s'achève par une dilatation en forme de trèfle.
Femme-serpent du côté ouest, porche de l'église de Lennon. Photo lavieb-aile 2025.
Femme-serpent du côté ouest, porche de l'église de Lennon. Photo lavieb-aile 2025.
Femme-serpent du côté ouest, porche de l'église de Lennon. Photo lavieb-aile 2025.
La femme-serpent du côté est.
Elle est très proche de sa jumelle, mais on peut remarquer en l'inversant sur un montage que sa tête est inclinée vers le haut, ses nattes ne sont pas strièes, la limite des cheveux sur le front est soulignée, la boucle de la queue est moins fermée.
Montage des deux femmes-poissons. Photo lavieb-aile.
Femme-serpent du côté est, porche de l'église de Lennon. Photo lavieb-aile 2025.
Femme-serpent du côté est, porche de l'église de Lennon. Photo lavieb-aile 2025.
Comparaison avec les femme-serpents de Trégourez puis de Lannédern.
Porche de Trégourez. Photo lavieb-aile.
Ossuaire de Lannédern. Photo lavieb-aile.
SOURCES ET LIENS.
— AMEMIYA (Hiroko) 2005, Vierge ou démone, exemple dans la statuaire bretonne, Keltia éditeur, Spézet. 269 p. page 183, 2 illustrations. Version remaniée de la thèse de 1996.
— AMEMIYA (Hiroko) 1996, Figures maritimes de la déesse-mère, études comparées des traditions populaires japonaises et bretonnes thèse de doctorat d'études littéraires, histoire du texte et de l'image Paris 7 1996 sous la direction de Bernadette Bricout et de Jacqueline Pigeot. 703 pages Thèse n° 1996PA070129
https://theses.fr/1996PA070129
Résumé : Le thème principal de cette étude est de voir quel rôle la femme non-humaine - et notamment la femme qui appartient au monde maritime - a joué au japon et en Bretagne, à travers les récits relatifs à l'épouse surnaturelle. Pour la Bretagne, les recherches s'étendent également sur l'iconographie religieuse représentant l'être semi-humain telles la sirène et la femme-serpent. La région conserve dans ses chapelles de nombreuses statues des xvie et xviie siècles figurant ce type faites par des artisans locaux. L'imagination populaire s'épanouit ainsi dans la femme non-humaine de deux façons en Bretagne : dans l'expression orale et dans l'expression plastique ce qui nous offre une occasion inestimable d'étudier leur compatibilité dans leur contexte socioculturel. Les récits qui traitent le thème du mariage entre l'être humain et l'être non-humain révèlent la conception de l'univers d'une société. L'autre monde ou les êtres de l'autre monde sont en effet une notion fonctionnelle qui permet a la société de maintenir l'ordre interne par une intervention externe fictive : la suprématie du fondateur du japon s'explique par la transmission d'une puissance surnaturelle par sa mère du royaume maritime, alors qu'en bretagne, la destruction de la cite légendaire d'Is est causée par une fille maudite née d'une fée. Le premier volume de cette étude est composé de trois parties : i. L'autre monde dans la tradition populaire au japon, ii. Récits relatifs au mariage au Japon et en Bretagne, iii. Iconographie d'une femme semi-humaine. Le deuxième volume est un inventaire des différents types de représentation semi-humaine en bretagne.
— CHAUSSY (Dom Yves), 1953, Une paroisse bretonne. Lennon. Editions Guillet, Quimper. Réed. Breizh diffusion Spezet
— COUFFON (René), 1988, Alfred Le Bars, 1988, Notice sur Lennon extraite de : Diocèse de Quimper et Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper, Association diocésaine, 1988.
Le vitrail du Fou tirant la langue face à son hibou, avec les armoiries du verrier Barthélémy Linck, Suisse centrale, 1553, Le Louvre inv. OA 1187.
Ce panneau rectangulaire de 35,2 cm de haut et de 24,4 cm de large (mesures avec cadre) en verres transparent, rouge, bleu et mauve peints sur les deux faces à la grisaille, la sanguine et au jaune d'argent offre parmi ses multiples intérêts (historique, héraldique, etc.) celui de présenter un exemple de la figure du Fou à la Renaissance. C'est à ce titre qu'il figure dans l'exposition Figures du Fou - du Moyen-Âge aux Romantiques présentée au Louvre en 2024-2025.
Ce costume est parfaitement codé et associe :
-La capuche à oreille d'âne (un vrai bonnet d'âne) et à ligne de crêtes (crêtes de coq ou échine du dragon),
-les grelots qu'on retrouve sur le bonnet, comiquement placés à la pointe des oreilles, sur les poignets, les chevilles, autour des jambes (en bracelet) et à la pointe des chaussures.
-la tunique à manches exagérées et à glands de passementerie
-la bourse (ouverte?)
-les chaussures à la poulaine
-les couleurs mi-parties, associant le blanc et le damier noir et blanc, autre forme de partition.
Il manque ici que la marotte.
Le bouffon se détache, sous une arcade reposant sur deux colonnes à guirlandes, sur un fond jaune damassé (au pochoir ou "gratté à la plume"), au dessus d'un parapet aux pierres réunies par des crampons.
Le personnage est barbu, avec un collier se terminant par deux pointes, peut-être par référence à un portrait. Car selon la notice du Louvre, c'était la coutume en Suisse de s’offrir, particulièrement au XVIe siècle, des fenêtres et vitraux entre particuliers, : le donateur se faisait représenter directement ou indirectement sur l’œuvre, qu’il offrait à une connaissance, en signe des liens qui pouvaient les unir, ou en cadeau d'apparat d'une institution qu'il soutenait. Il y plaçait ses armoiries.
Ces armes se blasonnent « d’écu porte d’or à un dragon du même passant sur un grésoir d’argent posé en bande », soit un dragon surmontant un grésoir – ou grugeoir -, outil des verriers servant à façonner les bords des pièces de verre. Elles renvoient donc au verrier, qui a indiqué son nom, avec la date de 1553 :
BARTHLIME LINCK 1553
Barthlime est une forme de Barthélémy, également attesté comme patronyme.
Ce verrier (ses armes indiquent sa profession) était sans doute installé en Suisse centrale, à Zouck ou Zoug, et serait le père d'un autre peintre-verrier, « Bartholome Lingckh, von Zürch », qui devient bourgeois de Strasbourg en 1581.
À Strasbourg, une lignée de peintre-verrier est bien connue : après Barthélémy II Linck, né à Zouck en 1555 (Wikipédia) , viennent ses fils Laurent, Hans Konrad et Barthélémy III, qui réalisèrent les vitraux de la chartreuse de Molsheim. C'est Barthélemy Linck qui peignit en 1607 les vitraux de l'Hôtel de Ville d'Obernai qui représentaient les blasons des anciennes familles nobles et bourgeoises d'Obernai.
Le don de vitraux en Suisse aux XVe-XVIe siècle.
"Libres de toute soumission à des rois ou à des princes, les confédérés développèrent, par les victoires sur le duc de Bourgogne (1476-1477), par le triomphe à la guerre de Souabe (1499) et par les campagnes milanaises, un fort « sens commun » et une conscience enthousiaste de leur propre valeur : ils étaient devenus un acteur important et influent en Europe. Par conséquent, le besoin de la représentation augmenta dans la vie de chacun. Des personnes haut placées commencèrent à revendiquer des lettres de noblesse. Des marchands, des aubergistes, des artisans et même des paysans se mirent à la recherche d’armoiries qu’ils arboraient fièrement. Ces prétentions trouvèrent dans les vitraux suisses leur expression la plus appropriée.
Les autorités, les institutions et les bourgeois renommés s’offraient ces vitraux de petit format à l’occasion de nouvelles constructions, de la transformation de bâtiments ou d’événements politiques ou familiaux ou autres encore. L’initiative d’en faire la demande était prise par le propriétaire de la maison, qui s’adressait alors à son entourage public et privé. La fenêtre à vitre blanche formait la base de la donation, mais le vitrail incorporé montrait qui avait offert cette fenêtre si coûteuse.
En général, la donation allait bien au-delà d’une simple aide financière du demandeur. On illustrait ainsi les liens d’amitié réciproques. Tout visiteur pouvait comprendre qui était sous l’autorité de qui et quel rang le fier propriétaire du panneau occupait dans la société. Le vitrail offrait aussi au donateur la possibilité de démontrer sa propre importance et sa position politique ou religieuse par une scène imagée, une inscription et des armoiries." (U. Bergmann)
Vitrail du Fou aux armoiries du verrier Barthélémy Linck (1553), Musée du Louvre. Photographie lavieb-aile 2024.
Vitrail du Fou aux armoiries du verrier Barthélémy Linck (1553), Musée du Louvre. Photographie lavieb-aile 2024.
Vitrail du Fou aux armoiries du verrier Barthélémy Linck (1553), Musée du Louvre. Photographie lavieb-aile 2024.
Le Fou tire la langue à un hibou qu'il tient en bout de bras, attachée par un lacet . Si on admet que la chouette est l'animal symbolisant la sagesse, par référence à Athéna, on peut y lire le parti-pris du bouffon de prendre le contre-pied de toute rationalité dans un renversement délibéré des valeurs.
Néanmoins, le Hibou est aussi la figure, très répandue à la Renaissance, de l'oiseau nocturne harcelé par les oiseaux diurnes.
D'autre part, le Fou tirant la langue évoque immanquablement aux contemporains la figure de la Nef des Fous de Sébastian Brant, où cette langue tirée témoigne d'un excès de paroles, d'un bavardage dangereux en miroir de la Pie bavarde qui par son garrulement fait découvrir l'emplacement de son nid et de ses petits.
La lecture de ce chapitre nous indique que le Fou tire sa langue non pas par injure ou singerie envers le hibou, mais pour indiquer que sa folie tient à son désordre de langue, à l'aliénantion de sa parole.
Enfin on remarquera , si on part sur la piste d'un Fou à la langue bien pendue et bien sonore, que le hibou est un "chat huant" dont le hululement s'intégre parfaitement dans le concert des sons discordants des charivaris. C'est son chant dont on se sert, dans les chasses à la pipée, le verbe piper (du latin pipare) signifiant tout autant "pousser un petit cri,[cf notre expression "sans piper mot"], "piauler, glousser, voire gazouiller", que "tromper" (CNRTL). Le rapprochement avec la figure de la Nef du Fou s'en trouve accentué, mais on peut aussi voir ici deux figures en miroir du jeu de langue, le hibou au chant trompeur attirant les oiseaux trouvant son double dans le Bouffon jouant sur les mots et déconstruisant le "bon sens" du langage.
Vitrail du Fou aux armoiries du verrier Barthélémy Linck (1553), Musée du Louvre. Photographie lavieb-aile 2024.
Dans le registre supérieur apparaîssent dans un cadre rectangulaire quatre valets d'atelier portant des chevelures de filasses de lin ou chanvre et portant des pagnes de même matériau.
Ils esquissent des pas de danse et trois d'entre eux portent des massues, donnant ainsi à voir des figures de "l'homme sauvage".
Selon W. Wartmann, "La coutume de se déguiser en sauvage, en employant des fibres de chanvre ou de lin, semble avoir été aussi commune qu'ancienne; on se rappellera le récit que fait Froissart (livre IV) du bal où le jeune roi Charles VI faillit perdre la vie (janvier 1393), parce que de semblables déguisements s'y étaient enflammés." (C'est le Bal des Ardents ou Bal des Sauvages).
Ces bals étaient associées dans l'Europe médiévale à Hellequin ou Hannequin, roi des enchantements, la Chasse sauvage ou Mesnie Hellequin étant son cortège nocturne et fantastique de morts qui prenaient tantôt l’aspect de guerriers, tantôt de chasseurs-ravisseurs (K. Hueltschi), notamment lors des périodes de Carnaval ou lors des Douze petits jours de Noël à l'Epiphanie.
"Vitrail de personnage privé (Suisse centrale, 1553).
Sauzay, F. 206. — V. H. II. — L. 0,21 ; h. 0,32.
Un bouffon soutenant un écu armorié, dans un encadrement architectonique.
Deux fortes colonnes latérales d'un bon dessin, composées chacune d'un socle (h. 0,075) en
verre rouge foncé, d'un fût à peu près cylindrique (1. 0,025; h. 0,12), en verre bleu clair, et d'un
chapiteau en verre mauve (h. 0,04; ornementation identique à celle des chapiteaux du numéro 16),
supportent une sorte d'arcade.
Entre les colonnes, un personnage est debout, qui représente peut-être le donateur lui-même,
peut-être aussi est-ce un simple tenant d'armoiries déguisé en bouffon et s'appuyant sur l'écu. Il porte une tunique assez courte, dont la jupe flottante s'arrête bien au-dessus des genoux, et qui est mi-partie carrelée de noir et de gris (ou de blanc ?) à droite, et entièrement blanche à gauche ; ce vêtement possède des manches longues et très amples et un capuchon muni de deux grandes oreilles d'âne terminées chacune par un grelot. Des grelots sont pareillement attachés autour du genou, au cou de pied et à la pointe des souliers. Sur sa main droite, le personnage tient une chouette (cimier de l'écu?) à laquelle il tire la langue.
Pour fond, le motif central possède d'abord un petit mur ou parapet couleur de pierre, comme le sol sur lequel sont posés l'écu et son tenant ; il n'est guère plus haut que l'écu. Au-dessus
règne le fond proprement dit, un damassé jaune très fin, gratté à la plume dans une légère couche
de grisaille.
La partie supérieure du vitrail (h. 0,075 aux angles, 0,055 au milieu) ne peut figurer qu'un pan
de mur soutenu par les colonnes et remplaçant l'arc que d'ordinaire on trouve à cette place (les
colonnes n'auraient autrement aucune raison d'être) ; seulement, l'artiste, soit à dessein, soit par
négligence, n'a pas respecté la véritable nature de ce pan de mur, car il en a fait une frise avec
quatre enfants déguisés en sauvages (h. 0,06), portant des perruques et des pagnes en fibres de lin
ou de chanvre et armés d'énormes massues ; et ces enfants ne sont pas peints à l'imitation d'un bas-
relief, mais dessinés et modelés sur un fond transparent bordé de jaune.
L'écu (h. 0,10) porte : D'or à un dragon du même passant sur un grésoir d'argent posé en bande. Le grésoir [ou grugeoir] est l'insigne des verriers et peintres-verriers.
Au bas du vitrail, sur une bande de verre bleu très clair, comprise entre les socles des colonnes, on lit, en lettres gothiques minuscules : Barthlime Linck -1553 - (Barthélémi Linck, 1553).
Un peintre-verrier, « Bartholome Lingckh, von Zürch », devient bourgeois de Strasbourg en
1581 ; notre donateur ayant le même métier (le blason le prouve), est peut-être le père de celui-ci.
La façon dont a été introduite la figure du bouffon comme tenant de l'écu, est très personnelle
et originale ; son attitude n'a rien de commun avec le schéma habituel des tenants d'armoiries. On
remarquera avec quelle souplesse cette figure est adaptée aux dimensions et à la forme de la surface
dont l'artiste disposait. Les qualités du dessin, très soigné et d'un modelé bien exécuté, nous dédommagent entièrement du coloris assez terne.
Les morceaux de verre teint dont se composent les colonnes, constituent, en effet, les seules par-
ties colorées dans ce vitrail, tout le motif central, de même que la frise, étant peints uniquement en
grisaille et jaune sur deux grands morceaux de verre incolore. Aux fûts des colonnes, du jaune a
été appliqué au revers du verre bleu, pour produire le vert des guirlandes qui les décorent. Sur le
visage du fou, on constate, pour la première fois dans les vitraux du Louvre, un essai de carnation
à l'aide d'une grisaille brunâtre. La petite barbe qui garnit le menton du personnage est peinte en
jaune d'argent.
Le vitrail semble avoir reçu le choc d'un instrument pointu près de la patte postérieure gauche
du dragon, dans l'écu, car de ce point rayonnent dans toutes les directions six plombs supplémen-
taires (long. 0,045 à 0,195) ; à part cette détérioration, le panneau est intact.
La présence d'un fou dans un vitrail suisse n'a rien d'exceptionnel. Au musée national suisse on trouve même dans un vitrail de prélat un fou comme tenant des armoiries (donation de Félix Klauser, dernier abbé du chapitre de Rüti, 1504-1525; salle XVlIl, 3° fenêtre).
La coutume de se déguiser en sauvage, en employant des fibres de chanvre ou de lin, semble avoir été aussi commune qu'ancienne; on se rappellera le récit que fait Froissart (livre IV) du bal où le jeune roi Charles VI
faillit perdre la vie (janvier 1393), parce que de semblables déguisements s'y étaient enflammés.
Au sujet du grésoir dans les armes d'un (peintre-)verrier, voy., par exemple, au musée de Cluny, le n° 2086.
Sur Barth. Linck, voy. MEYER, op. cit., p. 259 et suiv. ; p. 260, n. 4, M. Meyer publie un extrait du registre du baptistère de l'église Saint-Nicolas de Strasbourg, qui dit que Barth. Linck, peintre-verrier, fait baptiser un fils du nom de Bartholome, en 1597, soit quarante-quatre ans après l'exécution de notre vitrail ; si on admet que celui-ci soit l'œuvre d'un maître âgé d'au moins vingt ans, il est peu probable que ce même maître, âgé de soixante-quatre ans, en 1597, ait pu encore avoir un fils ; le Barth. Linck devenu bourgeois de Strasbourg, se maria trois
fois : en 1581, en 1589 et en 1605 (MEYER, loc. cit., p. 259). Il semble bien que le «Barthlime Linck» qui, en 1553, a mis son nom sur notre vitrail, et le « Bartholome Lingk » qui, en 1597, fait baptiser son fils du même nom, soient deux personnages différents. Notre maître est probablement le père, domicilié en Suisse et y restant, tandis que le fils émigre et se fait bourgeois de Strasbourg. Le fils de celui-ci, baptisé à Strasbourg en 1597, le troisième Barth. Linck qui nous soit connu, pourrait être alors le monogrammiste r. (B. L.), l'auteur de notre numéro 28 a daté de 1628, et le collaborateur de Laurent Linck (autre fils né à Strasbourg en 1582, de Bart. Linck II),
pour la célèbre série des vitraux de l'ancienne abbaye de Molsheim, datés de 1622 à 1631 (LASTEYRIE, Histoire de la peinture sur verre, Paris, 1857, in-fol., pl. xcvm et xcix ; Peintres-verriers étrangers à la France, p. 16). Ainsi, trois générations correspondraient à une période de près de cent ans, s'étendant de 1530 (date de naissance approximative du Barth. Linck du vitrail de 1553) à 1630 (date des vitraux alsaciens signés B. L. et attribués à Barthélémi Linck III), ce qui est conforme aux observations de la statistique historique.
Malgré la note du registre de Strasbourg, qui le qualifie de Zuricois, ni Barthélémy II, ni son père, n'apparaissent parmi les peintres-verriers de Zurich ; il est d'autant plus plausible de classer notre vitrail, conformément aux caractéristiques de son style, parmi les vitraux provenant d'ateliers de la Suisse centrale."
"Le vitrail des Œuvres de miséricorde possède une iconographie peu commune. Quatre tableaux allégoriques illustrent les bienfaits de la Charité. Jean et Engrand Le Prince y déploient tout leur talent dans des panneaux hauts en couleurs. Celui du bas a subi une restauration après le saccage de Rouen par les protestants en 1562. Et l'atelier Duhamel-Marette fit une restauration générale en 1869.
Les registres regorgent d'inscriptions nommant les personnages ou expliquant ce qu'ils font : le thème devait être difficile à cerner.
-Le registre du bas est une allégorie du Mauvais riche. Celui-ci a pris place au centre de la table, habillé d'un manteau au col de fourrure très luxueux. À droite, on voit Suffisance, debout, dans sa belle robe rouge aux manches vertes ; à gauche se tient une nonne (les Le Prince voulaient-ils rappeler par là que les couvents étaient riches?). Trois pauvres tendent la main et se font rabrouer. Le quatrième, Lazare, est étendu par terre, au premier plan. Lui aussi tend la main ostensiblement.
-Le registre du dessus montre la punition de l'ingratitude. La cause des riches, en vêtements luxueux, est défendue par Pitié auprès du Christ, qui refuse de s'apitoyer sur leur sort : une inscription porte la mention : «Qu'ils souffrent de la faim comme les chiens». Dans ce panneau, les riches sont clairement désignés comme des ingrats. Une inscription à la base les appelle d'ailleurs «les riches ingrats». Cette notion d'ingratitude est ici surprenante. Qu'ont fait les pauvres pour ce riche? En quoi est-il leur débiteur? Il faut connaître la mentalité des gens du Moyen Âge à partir du XIIe siècle et le sens qu'on y donnait alors au mot pauvreté. Pour ce faire, on se reportera au développement proposé ci-dessous. Disons simplement que l'existence des indigents était, d'une certaine manière, considérée comme la source de la fortune des riches. Un riche qui ne pratiquait pas la charité était donc un ingrat : il ne rendait pas aux pauvres ce que les pauvres lui avaient donné eux-mêmes. Sur la gauche, la Mort perce un riche de sa lance.
-Au registre au-dessus, Richesse, une femme élégante parée d'une robe peinte au jaune d'argent., repousse Nécessité qui mendie pour ses enfants. Derrière, Charité secourt des pauvres, dont un boiteux. Au premier plan, à droite, une scène plus ambiguë : Aumône éteint le feu qui menace Péché. Ce symbole se traduit aisément : le secours aux pauvres réduit le pouvoir du Malin en ôtant les hommes secourus à son influence.
-Au registre supérieur enfin, le Christ , sous un dais richement décoré, promet de nourrir tous ceux qui viennent à lui. "
Source : Vitraux retrouvés de Saint-Vincent de Rouen, musée des Beaux-Arts de Rouen, 1995.
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Cette baie en arc brisé de 6, 70 m. de haut et 1,22 m de large est organisée en 4 registres, soit quatre tableaux des Œuvres de Miséricorde.
On nomme ainsi dans la tradition catholique (qu'on pense aux "bonnes œuvres", aux "œuvres de charité") des actions bienfaisantes que chaque chrétien doit accomplir par amour de son prochain, et on distingue les sept œuvres de miséricorde corporelles et les sept œuvres relevant de l'esprit.
Ce sont les Œuvres corporelles qui sont traitées ici, telles qu'elles ont été énumérées par Matthieu Mt 25:34 : donner à manger aux affamés ; donner à boire à ceux qui ont soif ; vêtir ceux qui sont nus ; accueillir les pèlerins ; assister les malades ; visiter les prisonniers ; et ensevelir les morts.
Ou plutôt, le discours moral est centré sur une mise en garde envers les Riches, s'ils ne se soucient pas de nourrir et d'assister les Pauvres.
L'auteur de cette baie est Engrand Le Prince et son parent Jean, qui sont les auteurs de la baie 3 ou Verrière des Chars. La signature d'Engrand Le Prince apparaît seule dans la baie 5 ou Vie de saint Jean-Baptiste.
Les baies 5 et 6 de Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen. Photographie lavieb-aile 2024.
La baie 6 ou verrière allégorique des Œuvres de Miséricordes (Le Prince v. 1525) de Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen.
La baie 6 ou verrière allégorique des Œuvres de Miséricordes (Le Prince v. 1525) de Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen.
La baie 6 ou verrière allégorique des Œuvres de Miséricordes (Le Prince v. 1525) de Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen.
En bas : Le festin du Mauvais Riche.
Restauré en 1562. La moitié inférieure du panneau inférieur a été aux trois-quarts refaite en 1869 par Duhamel-Marette aux frais de M. de Genouillac et Ernest Le Picard, marguilliers de l'église Saint-Vincent selon Baudry.
Inscription LE POURE COM[M]UN au dessus d'un pauvre homme en guenille, qui est présenté au riche par une religieuse afin qu'il le nourrisse. Un autre pauvre, infirme, un dont les jambes sont peut-être paralysées, est à demi allongé par terre.
Deux autres pauvres tendent la main vers le riche, du côté droit. Le maître de maison fronce les sourcils, détourne la tête et fait un geste de rejet. Deux femmes (son épouse et une servante ?) sont debout près de lui.
On lit le mot SUFISANCE dans un cartouche au dessus de la femme richement vêtue en bout de table. Souffisance ou Suffisance est le terme alors opposé à Pauvreté et pourrait se traduire par Aisance. Un jeune domestique noir de petite taille et qui porte une boucle en or tient la traîne de son manteau rouge.
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La baie 6 ou verrière allégorique des Œuvres de Miséricordes (Le Prince v. 1525) de Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La baie 6 ou verrière allégorique des Œuvres de Miséricordes (Le Prince v. 1525) de Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La baie 6 ou verrière allégorique des Œuvres de Miséricordes (Le Prince v. 1525) de Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La baie 6 ou verrière allégorique des Œuvres de Miséricordes (Le Prince v. 1525) de Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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Les inscriptions des arcades.
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INFIRMATA EST IN PAUPERTATE VIRTUS MEA
Je lis Frematta
Citation du psaume 31 verset 11 "ma force est épuisée à cause de mon iniquité, et mes os dépérissent."
Au dessus, un paysage urbain à remparts et clocher en grisaille et jaune d'argent sur un verre bleu très clair.
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La baie 6 ou verrière allégorique des Œuvres de Miséricordes (Le Prince v. 1525) de Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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FRANGE ESURIENTI PANEM TUUM "Partage ton pain pour celui qui a faim", Isaïe 58:7
La suite de ce verset dit : "et fais entrer dans ta maison les indigents et les sans-abri : alors ta lumière jaillira comme l’aurore, et ta justice précédera ta face."
Arrière-plan de ruines de murailles et peut-être une Tour de Babel.
Entre les arcades, des candélabres à figures nues.
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La baie 6 ou verrière allégorique des Œuvres de Miséricordes (Le Prince v. 1525) de Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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Tous les auteurs signalent qu'on lit "sur les clefs des arcs au registre inférieur" les monogrammes des peintres verriers Jean et Engrand Le Prince. Mais je n'ai pu retrouver ces initiales sur mes photos. Je vois bien, au dessus du cartouche de restauration, un entrelacs masqué par une toile d'araignée de plombs de casse.
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En bas à droite se lit l'inscription de restauration de 1869.
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La baie 6 ou verrière allégorique des Œuvres de Miséricordes (Le Prince v. 1525) de Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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Registre suivant. "Pas de pitié pour les riches".
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La Pitié (inscription) intervient auprès du Christ en faveur de trois personnages, les "riches ingras", en lui demandant Die ilti lapides panem fiat (Mt 4:3), "ordonne que ces pierres deviennent des pains" mais en vain, car le Christ répond : famem patientur in canes (Ps 58:15) "Ils souffriront de la faim comme des chiens".
Les trois riches, vêtus selon la mode François Ier/Henri II de vêtements à crevés, et drapés dans de beaux manteaux, se campent fièrement, les mains sur les hanches.
À gauche, au dessus du titre Le riche et le pauvre, la Mort, nue sous son suaire et au sourire grimaçant plante son javelot (sa flêche) dans la poitrine du riche, étendu au premier plan à côté d'un pauvre à demi-nu. L'inscription dit : Simul unum dives et pauper (Ps 58:3) "le même sort pour les riches et les pauvres".
Au fond, en grisaille sur le fond bleu, une architecture imaginaire évoquant un château. Ces arrière-fonds sont tout à fait caractéristiques de l'atelier de Beauvais.
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La baie 6 ou verrière allégorique des Œuvres de Miséricordes (Le Prince v. 1525) de Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
Registre suivant : La Nécessité, la Richesse, et la Charité.
Du côté gauche, une femme tenant sa quenouille, pousse ses deux (ou trois) enfants vers une femme richement vêtue d'un manteau et d'une robe damassée d'or ; elle est désignée comme l'allégorie de la Richesse. Cette femme à la quenouille, pauvre, est l'allégorie de la Nécessité (inscription en bas), elle est surmontée d'une inscription disant Parvuli peturierunt panem nec est qui frangat eis, "Le petits enfants demandent du pain et personne ne leur en donne", une citation des Lamentations de Jérémie, Lamentations 4:4.
Devant les enfants (qui sont vêtus comme de petits seigneurs) se lit l'inscription Divites eguerunt et esurieruntPsaume 33:11 "Les lionceaux éprouvent la disette et la faim" (mais ceux qui cherchent l'Eternel de sont privés d'aucun bien").
En arrière et au centre, une autre femme riche, habillée de rouge et de bleu, est sollicitée d'une aumône par trois pauvres (inscription Les poures), dont l'un est infirme. L'inscription dit : Pauperes saturabo panibus, "Je rassasierai les indigents"(Psaume 131:15). Et effectivement, cette femme tend une pièce de monnaie aux pauvres.
Du côté droit, une troisième femme vêtue en violet et nommée Omosne (Aumône) est placée sous l'inscription ; Elle tient d'une main une poche bien remplie, et verse de l'autre le contenu d'une cruche vers le sol devant un pauvre qui est allongé à terre. Le liquide tombe sur une vive flamme. Les auteurs du Corpus écrivent qu'elle verse de l'eau sur un brasier qui menace un homme étendu, le Péché. C'est effectivement ce terme qui est inscrit sur le cartouche qui accompagne cet homme, aux traits pourtant bien souffrants.
Au dessus d'Omosne, on lit la citation qui fournit l'explication : Sicut aqua extinguit ignem, ita elemosina 1 extinguit peccatum: "de même que l'eau éteint le feu, de même l'aumône éteint le péché". Il s'agit d'une citation de l'Ecclesiastique III :30
1.Du latin ecclésiastique eleemosyna, lui-même emprunté au grec ecclésiastique ἐλεημοσύνη, eleêmosúnê(«don charitable»).
Enfin, le magnifique fond architecturé accumule les tourelles à rotondes invraisemblables, mais si constantes dans les peintures des Le Prince que ces constructions mériteraient une étude spécifique.
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La baie 6 ou verrière allégorique des Œuvres de Miséricordes (Le Prince v. 1525) de Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La baie 6 ou verrière allégorique des Œuvres de Miséricordes (Le Prince v. 1525) de Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La baie 6 ou verrière allégorique des Œuvres de Miséricordes (Le Prince v. 1525) de Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La baie 6 ou verrière allégorique des Œuvres de Miséricordes (Le Prince v. 1525) de Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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Le Christ distribuant du pain.
Jésus, assis sur une cathèdre enveloppé dans un manteau bleu, est entouré par les inscriptions suivantes :
Surgite postquam sederitis qui manducatis panem venite ad me omnes qui laboratis et onerati estis et ego reficiam vos. Matthieu 11:28 : "Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos. Prenez mon joug sur vous et recevez mes instructions, car je suis doux et humble de cœur; et vous trouverez du repos pour vos âmes."
Nous lisons ensuite Cibabis nos pa/bus puis Medicare exubesco (j'ai honte de mendier) puis repleti prius pro panibus se locaverunt (I Samuel 2:5).
Le Christ distribue du pain à une foule de douze personnages formant plusieurs groupes de deux, désignés par les inscriptions suivantes :
Les penite[n]s (les pénitents), au dessus d'un moine : utilisation du carton renversé du même moine écoutant la prédication de Jean-Baptiste dans la baie 5, qui sort du même atelier Le Prince.
[Les inno?]cens accompagnent deux jeunes souriants en faisant des gestes.
Les indige[n]s (les indigents)
---- au dessus d'une femme assise et de son fils
Un homme désigne le Christ à son compagnon qui tend la main (cartouche Besoing ) avec les mots Ipohus [Ihesus ?] ad vadentes (?) : "---à ceux qui errent", et en dessous Lamy tainct.
Les mots Les plus fors dominent un travailleur torse nu, portant une hotte (carrier ?)
Un personnage est désigné par Vieillesse.
Une femme et un enfant illustrent une inscription Fodere non valleo, mendicare erubesco, Luc 16:3 "Je n'ai plus la force de creuser des sillons (de labourer), j'ai peur de mendier".
Les inscriptions du cartouche inférieur sont en parties effacées, on reconnaît les mots du Pater noster :
Panem nostrum da nobis quotidianum
La baie 6 ou verrière allégorique des Œuvres de Miséricordes (Le Prince v. 1525) de Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La baie 6 ou verrière allégorique des Œuvres de Miséricordes (Le Prince v. 1525) de Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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SOURCES ET LIENS.
—BAUDRY (Paul), 1875, L'Église paroissiale de Saint-Vincent de Rouen, par Paul Baudry. Description des vitraux (1875) pages 60-64.
— BLONDEAU (Caroline), "L'escu de voirre", le vitrail à Rouen 1450-1530
— CALLIAS-BEY (Martine), CHAUSSÉ (Véronique), GATOUILLAT (Françoise), HÉROLD ( Michel) 2001, Les vitraux de Haute-Normandie, Corpus Vitrearum -p. 399-411, Monum, Éditions du patrimoine, Paris, 2001 (ISBN 2-85822-314-9) ; p. 495
— DAVID (Véronique), 2004, Rouen, église Sainte-Jeanne d'Arc : les verrières, Connaissance du patrimoine de Haute-Normandie, coll. « Itinéraires du patrimoine », 16 p. (ISBN 2-910316-03-3)
— DELSALLE (L.), 1998, "A St-Vincent de Rouen, vitrail dit des Œuvres de Miséricorde", Bull. CDA, 1998, p. 119-130.
— LAFOND (Jean), 1958, "Les vitraux de l'église St-Vincent et l'aménagement du Vieux-Marché", Bull. AMR, 1958-1970, p. 154.
— LANGLOIS (E.H), 1832, Essai historique et descriptif sur la peinture sur verre, Rouen, page 67-68.
—LAQUERRIERE (E. De) 1843, Eglise Saint-Vincent de Rouen, les vitraux, Revue de Rouen et de Normandie vol.11 page 131 et 359.
— PERROT (Françoise ) 1995, Vitraux retrouvés de Saint-Vincent de Rouen, Catalogue d'exposition Musée des Beaux-arts, Rouen, 190 p.
— PERROT (Françoise ), « Les vitraux de l'ancienne église Saint-Vincent remontés place du Vieux-Marché » , Bulletin des Amis des monuments rouennais, 1979, p. 71-73
— PROUIN (Norbert), PRÉAUX (André), JARDIN (Anne), 1983, Rouen place du Vieux-Marché, L'Église Jeanne-d'Arc et ses vitraux, Charles Corlet, 36 p.
— RIVIALE (Laurence), 2007, Le vitrail en Normandie, entre Renaissance et Réforme (1517-1596), Presses universitaires de Rennes, coll. Corpus Vitrearum .
—RIVIALE (Laurence), 2003, « Les verrières de l’église Saint-Vincent de Rouen remontées à Sainte-Jeanne d’Arc », Congrès archéologique de France, 161e session, 2003, Rouen et Pays de Caux, Paris, Société archéologique de France, 2006, p. 262-268.
Les vitraux de la cathédrale de Troyes : les baies 131 (Adoration des Mages, 1501) et 231 ( histoire de Job 1501-1502) du triforium et des fenêtres hautes du côté nord de la nef. Auteur inconnu. Offerte par Jehanne de Mesgrigny veuve de Jean Molé.
Avec 1 500 m² de verrières, allant du XIIIe au XIXe siècle, la cathédrale de Troyes est l’un des plus vitrées de France. Elle possède un triforium totalement vitré, (situé à mi-hauteur et qui fait le tour du bâtiment), ce qui est assez exceptionnel. Les vitraux de la cathédrale de Troyes sont considérés comme une œuvre majeure de la peinture sur verre en France.
Les 20 verrières hautes de la nef forment un ensemble homogène. Elles ont été réalisées entre 1498 et 1505 par plusieurs peintres-verriers dont le nom de certains sont connus (Pierre Maçon, Jean Verrat, Balthasar Godon, Lievin Varin et le cartonnier Nicolas Cordonnier). Parmi les 66 « verriers » recensés dans les archives entre 1470 et 1560, 37 peuvent être considérés comme des peintres verriers. Regroupés autour de la collégiale Saint- Urbain, ils travaillaient au sein de structures familiales et fondaient des dynasties, comme les Verrat ou les Macadré. Leur atelier était une petite structure dirigée par un peintre verrier qui n’employait qu’un ou deux serviteurs, selon ses moyens, comme on le voit à Paris et en Provence (D. Minois).
Selon le rédacteur de la notice de l'Inventaire, rédigée en 1999, "Leur iconographie répond à la seule volonté des multiples donateurs. Leur véritable lien provient plus de la technique que du style : les peintres-verriers ont mis l'accent sur la lisibilité des compositions (larges registres de scènes, mise en valeur des faits et gestes des personnages par la réduction du rôle de l'architecture et des arrières-plans, modelé très appuyé, absence de chef-d'oeuvre et de gravure sauf dans la baie 233). Certains aspects rappellent les vitraux du milieu du 13e siècle des parties hautes du choeur : la gamme colorée très vive avec barbes et cheveux en pleine couleur, la mise en plomb des yeux de certains personnages, les fonds de mosaïque. Si la Renaissance italienne ne s'y fait pas encore sentir, Jean Lafond reconnaît une influence venue de l'est dans la verrière de saint Pierre (notamment l'atelier strasbourgeois de Pierre d'Andlau). Pour Emile Mâle, la présence dans ces verrières d'une forte veine d'inspiration populaire évoque l'imagerie d'Epinal."
Au contraire, Danielle Minois (2003 ; 2005) souligne la cohérence de ces ensembles qui illustrent en un discours argumenté et savant l’histoire du salut. Seul un clergé cultivé a pu élaborer ces programmes ; il l’a donc imposé aux donateurs qui l’ont financé. Parce que « le choix des sujets des verrières posées dans les églises est un reflet de la vie intellectuelle et religieuse », elle signale en outre les réactions des commanditaires face à la Réforme à travers les thèmes choisis, surtout après 1550 : l’histoire de Daniel ou de Tobie, la légende de l’hostie profanée. Elle montre comment les mêmes thèmes peuvent changer de sens face à un climat de remise en cause de l’Église romaine. (L. Rivale)
Ces 20 verrières hautes de la nef se répartissent entre les baies du triforium (galerie à trois arcades entre chaque travée), qui portent les numéros 127 à 136, et, au dessus de celles-ci, les baies hautes homologues portant les numéros 227 à 236. Selon la numérotation internationale des vitraux, les baies nord portent un numéro impair et les baies sud un numéro pair.
Les baies 131 (triforium) et 231 occupent la troisième travée côté nord.
Nous avons donc ainsi :
a) du côté nord, depuis le transept vers le fond de la nef :
-baies 127 et 227 : Saints ; vie de saint Pierre. réalisée en 1502, don d'Henri II de Lorraine Vaudémont, évêque de Metz ;
-baies 129 et 229 : Histoire de Tobie. 1500 ; don de Jean Fuestot l'Aîné (marchand et bourgeois de Troyes dans l'Aube) et de Denise Chappelain sa femme. Monogramme [du peintre verrier en tête de lancette de la baie 129].
-131 et 231 : Adoration des mages, et Histoire de Job. Don de Jeanne de Mesgrigny veuve de Jean Molé. 1501. Inscription et armoiries. Monogramme d'un verrier au tympan.
-133 et 233 : légende de saint Sébastien ; réalisée en 1501 par Lievin Varin, don de la confrérie de saint Sébastien ; un écu armorié d'Odard Hennequin mis en place en 1502-1503 par Jeancon Garnache et Nicolas Hulins a disparu.
- 135 et 235 : Légende de la Vraie Croix ; réalisées entre 1501 et 1502 par Jean Verrat, don de Claude Dorigny, veuve de Jean Péricard. Armoiries identifiées. Monogrammes. Très restaurées au XIXe.
b) du côté sud :
-baies 128 et 228 : Calvaire ; saints et saintes. 1499 ; peintre-verrier Balthazar Godon ; armoiries (identifiées) : Jean Huyard chanoine de la cathédrale, et Guillaume Huyard avocat du roi à Troyes
-baies 130 et 230 : Arbre de Jessé. Verrière réalisée par Lievin Varin entre 1498 et 1499, don de Jean de Marisy et Guillemette Phélipe sa femme. En baie 230, toute la famille de Jean de Marisy et de Guillemette Phélipe (ses frères, ses 9 filles et belles-filles) est représentée au bas de cette verrière. Armoiries.
-baies 132 et 232 : Annonciation et Nativité. Parabole du Fils Prodigue. Don de Guillaume Molé et Simone Boucherat , 1499. Réalisée en 1499 peut-être par Pierre I maçon (inscription ne notant que son prénom). Armoiries identifiées, devise "en attendant", monogrammes [du verrier]
-baies 134 et 234 : Vie de Joseph (biblique) ; réalisée en 1499, don d'Agnès Bonjean, veuve de Jehan Thévenin (écuyer et notaire royal à Troyes) son mari . Armoiries identifiées et monogrammes en baie 134. Inscription mentionnant le commanditaire et la date en baie 234.
-baies 136 et 236 : Histoire du prophète Daniel ;réalisées en 1499 par Pierre Maçon, don de Jean Corart, marchand de Troyes et de Marguerite, sa femme (inscription) ; les vitraux du 15e siècle du triforium (baie 136) ont disparu et sont remplacés par des vitraux du 20e siècle sur le thème de l'histoire de Daniel.
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Adoration des mages, baie n° 131 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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I. LA BAIE 131 : L'ADORATION DES MAGES (1501).
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Elle mesure 350 cm de haut et 600 cm de large, et est divisée en trois baies de deux lancettes trilobées sous un tympan à deux mouchettes et un soufflet. Les mages se dirigent vers la crèche abritant Joseph, la Vierge et l'Enfant, placée vers la droite et donc vers le chœur. Elle relève, comme le montrent les armoiries et devises, de la même donation que la baie sus-jacente 231, par Jehanne de Mesgrigny veuve de Jean Molé, , datée de 1500. Or on sait que la réalisation d'une verrière prend un an après la date de la donation.
Adoration des mages, baie n° 131 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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1. Les lancette A et B : BALTHAZAR
Dans la lancette A, quatre seigneurs ou soldats au service des rois mages se succèdent ; trois portent des hallebardes , ils sont coiffés de bonnets à plumes et vêtus de tuniques sur des chausses ajustées vertes. Devant eux, un africain, portant des boucles d'or à ses oreilles et un collier d'or, présente une coupe en or qui doit contenir la myrrhe.
Le roi ou mage BALTHASAR porte également des boucles d'oreilles en or (des maillons de chaîne) : par ce détail, l'artiste montre que Balthasar est, comme son valet, originaire d'Afrique, selon un code iconographique du XVe siècle qui s'affirme à la Renaissance (Dürer, Adoration, 1504) . Il est couronné, il tient un sceptre et est luxueusement vêtu ; on remarque notamment ses chausses à crevés, alors que la mode venue d'Italie ou des Lansquenets ne se généralisera que plus tardivement au XVIe siècle en France.
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Adoration des mages, baie n° 131 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Adoration des mages, baie n° 131 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Adoration des mages, baie n° 131 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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Dans les lobes du triforium nous trouvons deux écus suspendus, l'un au monogramme du Christ IHS et l'autre aux armes des Molé, donateurs du vitrail, de gueules à deux étoiles d'or en chef et un croissant d'argent en pointe. Au dessus se lit dans une banderole la devise de cette famille "POVR MIEVX AVOIR".
On trouve cette expression comme deuxième partie de deux proverbes équivalents : "Endurer pour mieux avoir" et "savoir attendre pour mieux avoir". Mais ici, la suite du décor va nous révéler la devise complète : CVIDER DECOYT POUR MIEVX AVOIR.
"Cuider" signifie "tenir pour vrai, croire, penser". Le sens premier de "décevoir" est "tromper". Jean-Luc Liez l'interprète comme "penser ou croire, déçoit".
Charles Fichot est plus clair : "veut dire qu'on s'est souvent trompé dans ses espérances ; que trop de confiance nuit, qu'on se trompe par trop de présomption".
Les deux étoiles et le croissant de l'écu des Molé sont des pièces posées en chef d'œuvre. Ces deux meubles pourraient renvoyer à l'Islam (et à une source d'approvisionnement des étoffes ?).
Jeanne de Mesgrigny et son époux Jean de Molé, qui sont représentés en donateurs sur la baie 231, s'affichent donc comme donateurs également de cette baie 131.
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Adoration des mages, baie n° 131 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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2. Les lancettes C et D : MELCHIOR ; JASPART
Traditionnellement, Melchior est le roi le plus âgé et c'est lui qui est figuré agenouillé devant l'Enfant. Il y a ici une interversion, et Melchior, debout, soulève son chapeau coiffée de la couronne et avance la jambe pour saluer en présentant son vase (d'encens). Au dessus de lui, l'écu suspendu par un ruban porte le monogramme de Marie, un M surmonté du tilde.
Le roi suivant est dénommé JASPART. C'est là un indice important, car cette graphie se retrouve dans le Mystère de la Passion de Troyesqui fut joué à Troyes de 1482 à 1490 : les donateurs ont donc pu y assister. Le manuscrit en trois volumes et 23000 vers est conservé à l'Hôtel de Ville, qui est l'ancien hôtel particulier de Jean Molé. Le texte qui était joué en quatre journées empruntait d'une part au Mystère du Vieil Testament ainsi qu'au Mystère de la Passion d'Arnoul Gréban. On sait qu'une des hypothèses d'Émile Mâle est de voir dans le théâtre une des sources de l'iconographie des monuments religieux.
Dans le texte d'Arnoul Gréban, le roi se nomme JASPAR. Il est le premier roi, devant MELCIOR et BALTAZAR le troisième. Les trois offrent "l'or, la mierre [myrrhe] et l'encens". Dans le texte de Troyes, chaque roi (JASPART, MELCÏOR et BALTHAZAR) sont accompagnés de leur "pages" Fleuriet, Friolet et Sadinet : ce sont peut-être eux qui sont représentés ici en début de cortège. JASPART présente (vers 5470) l'or , Melcïor l'encens qui "montre divine intelligence" et BALTHAZAR la myrrhe "contraire à toute putréfaction" et qui donc, par sa pureté, atteste de "l'incarnation faicte sans virille semence".
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Jaspart porte des cheveux blancs (et non gris comme Melchior) et une barbe blanche et longue. Il porte l'épée au côté gauche. Son chapeau couronné et rabattu sur la nuque. Ses genoux commencent à se fléchir pour s'agenouiller.
On admirera la graphie des trois noms en lettres gothiques jaunes aux fûts perlés.
L'écu placé au dessus de Jaspart est mi-parti, avec en 1 les armes de Molé, néanmoins affectées d'une bordure engrelée d'or indiquant que ce sont celles de Jean II Molé fils cadet de Guillaume Molé, et en 2 l'association des armes d'argent au lion de sable qui sont celles de Jeanne de Mesgrigny, et de gueules au chevron d'argent soutenant un oiseau d'or pour brisure.
Les armes de Jean Molé figurent sur son portrait , en enluminure de son Livre d'heures de 1485. (Voir aussi BnF fr 2598 f.131v). Jean II Molé est un bourgeois et bibliophile troyen, fils de Guillaume I Molé et Jeannette Lesguisé (sœur de l’évêque Jean Léguisé), et frère de Guillaume II et de Jacquette Molé. Il fut échevin de Troyes en 1472, 1487 et 1491 avant de mourir en 1492 ou 1493. Voir ici.
Sa mère Jeannette Lesguisé , fille de Huet Léguisé, marchand drapier teinturier de Troyes annobli en 1431 et conseiller de Troyes, avait d'abord épousé vers 1414 Guyot I Le Peley (1390-1427) changeur forain et marchand troyen, bourgeois de Troyes , trésorier de la reine (1418-1419) et maître de la monnaie de Troyes (1422-1425) . Leur fils Guyot II Le Peley (v1420-1489), demi-frère de Jean Molé, travailla en étroite collaboration avec lui, et avec Guillaume Molé II, notamment en armant des bateaux en Méditerranée. Ce Guyot II épousa Nicole Hennequin, et ce couple commanda des Livres d'Heures soit au Maître de Troyes (BnF NAL 3248) soit avec Jean Colombe (B.M. Troyes ms 3901).
Il serait intéressant de rechercher des liens éventuels entre ce vitrail et les enluminures du Livre d'heures de Jean Molé, réalisé par l'atelier de Guillaume Lambert en collaboration avec Jean Colombe, vers 1485 (Société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron, Rodez, Ms.1), ou encore avec les autres enluminures de Guillaume Lambert réalisées pour Claude Molé.
La devise est CVIDER DECOYT POUR MIEVLX AVOIR.
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Portrait de Jean Molé dans son Livre d'Heures de 1485
Deux hommes Maures tiennent le blason de gueules à deux étoiles d'or en chef et un croissant d'argent en pointe (l'argent a noirci) à bordure engrelée d'or. Le heaume à lambrequins et coiffé d'un tortil porte en guise de cimier une femme nue aux longs cheveux blonds-roux dont le phylactère indique : CVIDER DECOIT.
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Heures de Claude Molé France, Paris, ca. 1500 Morgan Library MS M.356 fol. 66r
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Dans le même manuscrit folio 59r, Claude Molé est présenté par son saint patron au dessus de la devise CVIDER DECOIT. La devise est citée seule, de façon indépendante de celle de son père "Pour miueux avoir", et on la retrouve au folio 54v.
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Heures de Claude Molé folio 59r
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Heures de Claude Molé France, Paris, ca. 1500 MS M.356 fol. 54v. En marge inférieure, parchemin inscrit de la devise, CVIDER DECOIT, en lettres d'or sur fond bleu et rouge.
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Adoration des mages, baie n° 131 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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Lancette E et F. La Vierge, Joseph et l'Enfant Jésus.
Sous un abri ouvert formant crèche, et sur le même sol carrelé noir et blanc que les panneaux précédents, la Vierge, assise sur un bnac très large, présente Jésus aux mages : ce dernier tend les bras vers le vase offert. Au dessus d'eux est l'étoile (l'estoille du Mystère v.5327) qui a guidé les mages.
Le manteau bleu de la Vierge est doublé d'une soie damassée rouge.
Sur l'autre lancette, saint Joseph s'appuie sur son bâton devant l'âne et le bœuf.
Au dessus de lui, nous retrouvons l'écu suspendu, mais cette fois-ci il est losangique, c'est donc celui d'une femme, Jeanne de Mesgrigny. Ce sont ses armes qui viennent en 1, accompagnées en 2 des armes de gueules au chevron d'argent soutenant un oiseau d'or, qui sont celles de Mesgrigny et aussi celles de Cochot seigneur de Villecerf (Troyes). Mais en fait les familles Cochot et Mesgrigny portaient alors les mêmes armes, la première en écartelé, la seconde en parti, ce qui indique communauté d'origine.
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Adoration des mages, baie n° 131 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Adoration des mages, baie n° 131 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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II. LA BAIE 231 : L'HISTOIRE DE JOB (1501-1502).
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PRÉSENTATION.
Cette verrière mesure 10 m de haut et 6 mètres de large, elle comporte 6 lancettes réunies deux par deux sous un soufflet et un tympan à 9 ajours et écoinçons. Les lancettes sont organisées en deux registres.
Chaque registre est lui-même découpé en trois scènes sur deux lancettes : chacune des six scènes est donc formée de deux panneaux soulignés dans une fausse architecture par une accolade à pampres sous un entablement occupé par des putti et les blasons et devises des donateurs. Les têtes de lancettes des six lancettes sont aussi occupées par ces putti et ces blasons. Soit au total quatre blasons et une devise
Sur les six scènes, celle du bas à gauche est reservée aux donateurs. L'inscription qui se déroule tout au long du registre inférieur identifie le couple de donateurs représentés , il s'agit comme nous l'avons vu de Jeanne de Mesgrigny, veuve de Jean Molé et donatrice en 1500.
Les cinq autres racontent l'histoire de Job.
Mais cette histoire débute au tympan, par trois scènes réparties sur trois mouchettes.
Histoire de Job, baie n° 231 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Les deux lancettes de gauche, registre inférieur : L'inscription de donation. Les donateurs.
—Inscription : "Damoiselle Jehanne de Mesgrigny vesue de Jehan Mole en son vivant escuyé seigneur de Villy le Maréchal a donné cette verrière et fut faite en l'an mil cinq cent"
Histoire de Job, baie n° 231 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
En 1500-1501, le maître-maçon de la cathédrale, Jehançon Garnache est payé pour "avoir assis l'huis de fer de la verrière de la Moslée". Mais dès 1489 ce maçon avait commencé à tailler "les formettes (remplage?) où sera le verre" du triforium et il poursuivi la confection de ces formettes jusqu'en 1499 .
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Inscription sur la partie supérieure de ce registre, lancettes C et F : devise : CVIDER DECOYT / POUR MIEUX AVOIR
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La famille Molé.
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"La famille Molé est l'une des plus célèbres familles française de la noblesse parlementaire ; elle est originaire de la région de Troyes. L'ascension sociale de cette famille commence probablement à la fin du XIIIe siècle, et son histoire se termine au milieu du XIXe siècle, avec la mort de son dernier représentant mâle, Mathieu Molé. Héritière d'un prospère commerce de draps depuis le milieu du xve siècle, la famille s'est agrégée à la noblesse par charges parlementaires dès 1537 "
La famille apparaît dans l'histoire avec Jacquin Molé, habitant de Savières cité pour la première fois en 1294. Le fils de ce dernier, Garnier Molé, occupe un poste de censitaire toujours à Savières en 1304. En 1401, un certain Nicolas Molé (probablement né vers 1350) est cité comme sergent et mesureur du chapitre de Saint-Pierre à Troyes. Son fils, Jean Molé (né vers 1370), est connu comme bourgeois de Troyes et épouse Denise de Marcheville. Ils ont notamment Guillaume Molé (1405-1459), riche drapier [époux de Jeanne Léguisé, soeur de l'évêque de Troyes, décédée en 1514)]. Leur fils aîné Guillaume épousera en 1467 Simone Boucherat.
Par son mariage avec Jeanne de Mesgrigny dame de Saint-Rémy, leur fils cadet Jean Molé (1435-1493) fait entrer la seigneurie de Villy-Maréchal dans la famille Molé. Il est lui aussi qualifié de marchand et bourgeois de Troyes. Il rend hommage au comte de Nevers pour son fief de Villy le 5 octobre 1487. Le couple laisse trois garçons et quatre filles, dont six resteront établis en Champagne. L'aîné, Claude Molé [qui épousa en 1480 Barbe Hennequin] succède à son père et rend hommage pour Villy le 14 janvier 1529 ; il est le fondateur de la branche aîné qui s'éteint en 1678 à la mort du dernier seigneur de Villy, Pierre Molé.
C'est à cette époque que les Molé adoptent pour armoiries de gueules, à deux étoiles d'or en chef et au croissant d'argent en pointe. C'est le blason initial des Molé, notamment visible sur le portrait de Jean II Molé datant de 1485. Pour ce dernier, la bordure engrêlée indique que c'est le fils cadet de Guillaume Molé. Le nom de Molé pourrait venir du toponyme « mole », désignant en Champagne un tas ou une meule. Toutefois, les armoiries de la famille questionnent, avec la présence conjointe du croissant lunaire et de deux étoiles, deux symboles qui semblent évoquer l'islam. Durant la période de commerce drapier de la famille dans les grandes foires de Champagne, et tout comme les Cambefort, marchands qui étaient représentés à Troyes, Aurillac et au Puy-en-Velay, mais aussi à Montpellier.
Le cadet de Jean Molé, Nicolas, est connu comme seigneur de Jusanvigny. Il devient surintendant de Champagne et s'établit ensuite à Paris, devenant conseiller à la cour des aides, puis conseiller au parlement de Paris en 1517. Il écartèle ses armes de celles des Mesrigny ou Mesgrigny (famille de sa mère). Il est marié trois fois : d'abord à Jeanne Hennequin, puis à Jeanne Charmille et enfin à Marie de La Grange-Trianon. Il décède en 1542. De son premier mariage il laisse Nicolas (1536-1586), conseiller du roi et intendant général des finances ; il fonde la branche des seigneurs de Jusanvigny, qui s'éteint par les mâles en 1658 avec Jean Molé. De son troisième mariage, il laisse Édouard (1540-1614), fondateur du rameau de Champlâtreux, qui s'éteint en 1872, avec la mort de Clotilde Molé, fille de Mathieu Molé, ministre de Louis-Philippe." (d'après Wikipédia)
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Histoire de Job, baie n° 231 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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. La donatrice Jeanne de Mesgrigny présentée par son saint patron Jean l'évangéliste.
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Saint Jean tient la palme, l'un de ses attributs rappelant son rôle lors de la Dormition de la Vierge, et la coupe de poison rappelant l'épreuve face à Simon le magicien : un serpent ou dragon ailé sort de la coupe.
Jeanne de Mesgrigny est agenouillée mains jointes devant son livre de prière à fermoir d'or et étoffe de transport ; elle est vêtu d'une robe violette à manches fourréeset à ceinture de tissu. Sa coiffe encadre le visage.
Jeanne de Mesgrigny (née vers 1440 et décédée après le 18/02/1496), dame de Mesgrigny, Villy-Le-Maréchal, Assenay et Saint-Rémy-sous Barbuisse épousa vers 1475 et avant le 05/10/1487 Jean Molé, écuyer, marchand Bourgeois-drapier à Troyes, seigneur de Villy , décédé dès 12/10/1493 . La branche Jusanvigny de Molé écartèle, depuis, ses armes avec celles de Mesgrigny.
L'hôtel particulier de Jeanne de Mesgrigny, du XIVe siècle, devait être remarquable, puisqu'en 1494, le maire de Troyes l'acheta au nom de la ville : il deviendra l'hôtel de ville, avant de tomber en ruine .
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La donatrice est dite "la Moslée" dans les livres de compte, et les seigneurs de Molé s' y orthographient parfois "Moslé". Mais c'est le nom générique de toute épouse Molé, sur ces livres de compte (1462 : "A la Molée pour l'achat d'ung tablier contenant six aulnes de Paris et de un aulnes à la mesure de Troies de large, garny de touaille de pareille longueur, pour porter à Rome, présenter et donner à Monseigneur le cardinal d'Avignon, pour recognoistre le plaisir et service qu'il avoit fait à l'église à cause du pardon général estant en icelle, pour ce paie xv escus d'or qui valent xx 1. xn s. vi d.")
Un Guillaume Moslé apparaît dans les comptes de la cathédrale de Troyes comme donateur de la verrière du Fils prodigue pour un réglement au verrier Pierre en 1498.
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Au dessus de Jeanne de Mesgrigny sont figurés ses armes tenues par deux putti, dans un écu en losange, mi-parti Molé et de Mesgrigny comme en lancette D du triforium.
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Histoire de Job, baie n° 231 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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. Le donateur Jean Molé présenté par son saint patron saint Jean-Baptiste.
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Le saint tient l'agneau pascal tenant l'étendard de la résurrection, sur le livre.
Jean Molé est agenouillé mais jointes vêtu d'un manteau de même couleur violette que son épouse, et doublé de fourrure au col et aux manches, sur une robe ou pourpoint rouge vif.
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Au dessus, deux putti tronqués sur une collerette bleue jouent l'un du luth, et l'autre un instrument à vent.
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Histoire de Job, baie n° 231 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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L'HISTOIRE DE JOB : LE TYMPAN.
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Introduction.
L'histoire de Job est représentée par enluminures dès les initiales des manuscrits de Moralia in Job du XIIe siècle (*), ou sur des bibles moralisées du XIIIe siècle et en vitrail sur une baie D de la Sainte-Chapelle au XIIIe siècle. La base Mandragore propose 109 enluminures pour le XVe siècle, dont 63 pour Moralia in Job et 11 pour la Bible historiale de Guiard des Moulins. Mais la base POP propose 808 enluminures! L'histoire est aussi sculptée, comme au pilier central du portail des Calendes de la cathédrale de Rouen ( fin XIIe-début XIVe). L'histoire donne lieu à une verrière à l'église Saint-Patrice de Rouen, baie 20 (XVIe siècle).
(*) Moralia in Job, ou "Morales sur Job", de Grégoire le Grand, pape en 590, fut l'un des textes les plus lus et copiés au Moyen-Âge.
On notera enfin, en relation avec la réflexion sur les rapports entre théâtre religieux et verrières développée à propos de l'Adoration des mages du triforium, que l'histoire de Job donnait lieu à des Mystères, comme à Rouen en 1556 (in Petit de Julleville). Un Mystère de la patience de Job fut écrit vers 1450. Jean Lafond mentionne "un Mystère de Job à quarante-neuf personnages, dont on possède un manuscrit copié en 1478 (Bibl. nat., ms.fr. 1774) et plusieurs éditions imprimées à Paris, à Lyon, à Troyes (Nicolas Oudot 1613 et 1621) et à Rouen aux XVIe et XVIIe siècles." Ce Mystère de Job, à quarante-neuf personnages, fut imprimé à Rouen en 1604 par Romain de Beauvais. Voir BnF Français 1774 une copie datée de 1478 provenant de la bibliothèque d'Anet en 1724.
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Job devant ses "amis", Bible moralisée Vienne ÖNB 1179 f.159v. Elle a été achevée avant 1223, car elle était celle de Louis VIII,
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Le Christ et Job sur son fumier Bodleian Library Bodl 270b f.223v, XIIIe siècle
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Dans les Bibles moralisées, la page est découpée en deux colonnes de plusieurs vignettes et le texte biblique est accompagnée de textes et d'enluminures sur la signification morale du récit. Voir ainsi le BnF français 166 f. 102v à 113ra du XVe siècle. On y retrouve les thèmes repris par la verrière de Troyes, mais aussi des illustrations des discours des amis. On compte, tel un roman graphique, 116 vignettes, dont la moitié illustrant le Livre de Job et l'autre moitié les mises en relation à la vie du Christ ou des scènes moralisatrices.
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BnF fr 166 f.103 Gallica
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Bible moralisée du XVe siècle, BnF fr 166 f. 104v, Gallica
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Bible moralisée BnF fr 166 f.104v, Job affligé par Satan.
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BnF fr 166 f. 105r
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On comparera les dernières enluminures au registre inférieur de la verrière : le texte francais, proche du texte biblique, dit : "Nostre seigneur adiousta à Job plus de biens au double qu'il navait en devant , quatorze mille brebis, six mille chameus, mille couple de bœufs et mille anesse, sept fils et sept filles. Job donna à ses filles héritage au milieu de leurs frères et [vec plus] des douleurs en grande prospérité".
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Bible moralisée BnF fr166 f.113a, Job retrouve ses biens et ses enfants.
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Bien-sûr, les illustrations de la verrière ne peuvent rendre compte des débats théologiques tentant de justifier le sort du pauvre Job : ils montrent les évènements initiaux et finaux du Livre.
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Job 1 :1-6 :
"Il y avait dans le pays d'Uts un homme qui s'appelait Job. Et cet homme était intègre et droit; il craignait Dieu, et se détournait du mal. Il lui naquit sept fils et trois filles. Il possédait sept mille brebis, trois mille chameaux, cinq cents paires de boeufs, cinq cents ânesses, et un très grand nombre de serviteurs. Et cet homme était le plus considérable de tous les fils de l'Orient. Ses fils allaient les uns chez les autres et donnaient tour à tour un festin, et ils invitaient leurs trois soeurs à manger et à boire avec eux. Et quand les jours de festin étaient passés, Job appelait et sanctifiait ses fils, puis il se levait de bon matin et offrait pour chacun d'eux un holocauste; car Job disait: Peut-être mes fils ont-ils péché et ont-ils offensé Dieu dans leur coeur. C'est ainsi que Job avait coutume d'agir. Or, les fils de Dieu vinrent un jour se présenter devant l'Éternel, et Satan vint aussi au milieu d'eux."
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Histoire de Job, baie n° 231 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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1. Dieu le Père autorise Satan à mettre Job à l'épreuve.
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Texte : Job 1:7-12 :
"L'Éternel dit à Satan: D'où viens-tu? Et Satan répondit à l'Éternel: De parcourir la terre et de m'y promener. L'Éternel dit à Satan: As-tu remarqué mon serviteur Job? Il n'y a personne comme lui sur la terre; c'est un homme intègre et droit, craignant Dieu, et se détournant du mal. Et Satan répondit à l'Éternel: Est-ce d'une manière désintéressée que Job craint Dieu? Ne l'as-tu pas protégé, lui, sa maison, et tout ce qui est à lui? Tu as béni l'oeuvre de ses mains, et ses troupeaux couvrent le pays. Mais étends ta main, touche à tout ce qui lui appartient, et je suis sûr qu'il te maudit en face. L'Éternel dit à Satan: Voici, tout ce qui lui appartient, je te le livre; seulement, ne porte pas la main sur lui. Et Satan se retira de devant la face de l'Éternel."
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Description.
Dieu est représenté en majesté dans une nuée, assis, bénissant, coiffé de la tiare et portant l'orbe.
Satan, gris-bleu sur fond rouge, est allongé à ses pieds, cornus et griffu, avec une queue verte de serpent. Il tient une sorte de fléau articulé (que nous retrouverons plus bas).
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Histoire de Job, baie n° 231 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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2. Satan s'en prend à Job.
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Texte
" Un jour que les fils et les filles de Job mangeaient et buvaient du vin dans la maison de leur frère aîné, il arriva auprès de Job un messager qui dit: Les boeufs labouraient et les ânesses paissaient à côté d'eux; des Sabéens se sont jetés dessus, les ont enlevés, et ont passé les serviteurs au fil de l'épée. Et je me suis échappé moi seul, pour t'en apporter la nouvelle.
Il parlait encore, lorsqu'un autre vint et dit: Le feu de Dieu est tombé du ciel, a embrasé les brebis et les serviteurs, et les a consumés. Et je me suis échappé moi seul, pour t'en apporter la nouvelle. Il parlait encore, lorsqu'un autre vint et dit: Des Chaldéens, formés en trois bandes, se sont jetés sur les chameaux, les ont enlevés, et ont passé les serviteurs au fil de l'épée. Et je me suis échappé moi seul, pour t'en apporter la nouvelle. Il parlait encore, lorsqu'un autre vint et dit:
Tes fils et tes filles mangeaient et buvaient du vin dans la maison de leur frère aîné; et voici, un grand vent est venu de l'autre côté du désert, et a frappé contre les quatre coins de la maison; elle s'est écroulée sur les jeunes gens, et ils sont morts. Et je me suis échappé moi seul, pour t'en apporter la nouvelle.
Alors Job se leva, déchira son manteau, et se rasa la tête; puis, se jetant par terre, il se prosterna, et dit: Je suis sorti nu du sein de ma mère, et nu je retournerai dans le sein de la terre. L'Éternel a donné, et l'Éternel a ôté; que le nom de l'Éternel soit béni! En tout cela, Job ne pécha point et n'attribua rien d'injuste à Dieu."
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Description.
Satan, en diable rouge, frappe avec un marteau sur le toit de la maison des fils de Job : celle-ci s'écroule et tue les trois fils et les filles de Job, qui étaient attablés.
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Histoire de Job, baie n° 231 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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Les monogrammes du peintre-verrier.
Dans les écoinçons, deux monogrammes proche de "quatre de chiffre" sont sans doute les marques de verriers. D'autres monogrammes, différents mais proches, se retrouvent soit sur un écu du tympan de la verrière n°232, offerte par Guillaumme Molé, soit sur les baies 129, 231, 235, 232 et 134 .
On distingue sur ces monogrammes un V à l'extrémité d'une tige doublement barrée pouvant évoquer une clef.
Voir l'exemple relevé par Emile Alé à Cravan (Yonne) — à 100 km au sud de Troyes— daté de la fin du XVe siècle et où on retrouve cette forme générale de clef :
Voir le monogramme VB du verrier Valentin Bousch à Saint-Nicolas-le-Port (bas-côté nord, vers 1514) ou à la cathédrale de Metz
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Histoire de Job, baie n° 231 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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3. Satan s'en prend aux troupeaux de Job.
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Trois soldats (les Sabéens ou des Chaldéens) armés de hallebardes et de piques capturent les bœufs les chameaux, les brebis, et les ânesses de Job.
On remarque les mêmes marques en quatre de chiffre.
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Histoire de Job, baie n° 231 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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3b. Les serviteurs annonçant à Job (au centre) les désatres. Job déchire ses vêtements.
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Rappel : Trois serviteurs armés de piques viennent alors annoncer à Job les catastrophes. Job se lève, déchire ses vêtements, et tombe à terre disant « Nu je suis sorti du ventre de ma mère, et nu je retournerai dans le sein de la terre. Le Seigneur a donné, le Seigneur a repris, loué soit le Nom du Seigneur »
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Histoire de Job, baie n° 231 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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Le registre supérieur.
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Histoire de Job, baie n° 231 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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4. Satan face à Job sur son tas de fumier.
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Texte Job 2 :1-8
"Or, les fils de Dieu vinrent un jour se présenter devant l'Éternel, et Satan vint aussi au milieu d'eux se présenter devant l'Éternel. L'Éternel dit à Satan: D'où viens-tu? Et Satan répondit à l'Éternel: De parcourir la terre et de m'y promener. L'Éternel dit à Satan: As-tu remarqué mon serviteur Job? Il n'y a personne comme lui sur la terre; c'est un homme intègre et droit, craignant Dieu, et se détournant du mal. Il demeure ferme dans son intégrité, et tu m'excites à le perdre sans motif. Et Satan répondit à l'Éternel: Peau pour peau! tout ce que possède un homme, il le donne pour sa vie. Mais étends ta main, touche à ses os et à sa chair, et je suis sûr qu'il te maudit en face. L'Éternel dit à Satan: Voici, je te le livre: seulement, épargne sa vie. Et Satan se retira de devant la face de l'Éternel. Puis il frappa Job d'un ulcère malin, depuis la plante du pied jusqu'au sommet de la tête. Et Job prit un tesson pour se gratter et s'assit sur la cendre."
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Description.
Inscription : JOB / SATAN.
Têtes de lancettes : putti tenant un cordon à gland de passementerie / Putto tenant les armes mi-parti Molé/ Mesgrigny.
Job est assis nu, marqué par des ulcérations, sur son tas de fumier devant les remparts d'une ville, tandis qu'un diable lève sur lui un bâton articulé auquel est suspendu un filet plein d'immondices ou d'objets non identifiables. Ce Satan aux ailes de chiroptère tire une langue rouge, il est doté d'une bouche grimaçante sur le ventre et ses yeux sont jaunes.
L'épouse de Job sort à la porte de la ville et lève les bras. Ce qui correspond au texte biblique : "Sa femme lui dit: Tu demeures ferme dans ton intégrité! Maudis Dieu, et meurs! Mais Job lui répondit: Tu parles comme une femme insensée. Quoi! nous recevons de Dieu le bien, et nous ne recevrions pas aussi le mal! En tout cela Job ne pécha point par ses lèvres."
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Histoire de Job, baie n° 231 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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Tête de ces lancettes : un putti tenant un cordon à fleurette ; le blason losangique (féminin) de Jeanne de Mesgrigny, dont la bande blanche est gravée sur le verre rouge ; la ceinture Espérance.
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La ceinture, dégrafée, n'est pas la sangle du blason, ou un accessoire vestimentaire égaré, mais elle évoque un emblème, la ceinture Espérance , notamment propre aux Bourbons à Chapigny-sur-Veude.
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Histoire de Job, baie n° 231 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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5. Job est accablé par son épouse et ses amis qui lui demandent de se repentir pour ses péchés.
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Rappel : La femme de Job l'incite à maudire Dieu et mourir, mais Job « ne pécha point par ses lèvres ». Dans la traduction française, sa femme dit : « maudis Dieu et meurs », mais dans le texte hébreu il est écrit « bénis Dieu et meurs ».
Informés de son infortune, trois amis de Job, Éliphaz de Teman, Bildad de Schuach, et Tsophar de Naama, se rendent chez lui pour le plaindre et le consoler. Les malheurs de leur ami, qu'ils ne reconnaissent pas, leur font prendre le deuil et ils passent sept jours près de lui sans parler, avant que Job ne prenne la parole. Les chapitres 3 à 31 rapportent une série de discussions entre Job et trois amis Éliphaz, Bildad et Tsophar. Ils émettent et soutiennent l'idée que Dieu étant juste, quiconque connaît un sort aussi peu enviable que celui de Job est nécessairement puni pour avoir désobéi à la loi divine. À mesure que progresse le poème, leurs réprimandes se font de plus en plus insistantes sur son refus de confesser ses péchés, bien qu'eux-mêmes soient en peine de les déterminer. Ils continuent à estimer que Job est un pécheur méritant sa punition, et supposent, selon une théologie simpliste, que Dieu récompense le bien et punit le mal sans aucune exception. D'après eux, Dieu ne pourrait pas autoriser la souffrance pour une autre raison que la rétribution.
Job, convaincu de son innocence, maintient que ses souffrances ne pourraient être dues à ses péchés, et qu'il n'y a donc pas de raison que Dieu le punisse. Il refuse cependant et refusera obstinément de maudire Son Nom.
Les chapitres 32–37 contiennent les discours d'Élihou, un quatrième ami, qui condamne Job pour des raisons autres que celles des trois premiers amis.
Elihou, dont le nom signifie « Il est mon Dieu », tient la voie de la médiation, maintenant la souveraineté, la justice de la miséricorde divine. Il condamne fortement l'approche des trois amis, tout en reprochant à Job de présenter sous un faux jour la justice de Dieu, et de discréditer Son caractère aimant.
Elihou dit qu'il prend la parole en dernier du fait de son jeune âge, mais ajoute que l'âge ne fait pas de différence en matière de compréhension et de sagesse. Son discours, « prophétique » ou tout au moins inspiré, décrit le pouvoir de Dieu, la rédemption et la justice absolue de toutes ses actions. Dieu est puissant, et juste en même temps, prompt à avertir et pardonner.
Outre son discours et son ton distinctif, Elihou ne sera pas blâmé par Dieu à la fin de l'histoire, alors que les trois amis le seront. Par ailleurs, Job ne répond ni aux invectives d'Elihou ni à ses révélations de la manière dont Dieu le traite. (Wikipédia)
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Inscription : JOB / LA FE[M]ME JOB.
Job est agenouillé nu sur la paille de son fumier, devant les remparts d'une ville. Sa femme pointe un index accusateur vers lui. Elle porte à sa ceinture une pomme de senteur au bout d'une chaîne. Près d'elle les trois amis de Job, dont l'un se protège par sa manche de la puanteur de Job .
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Tête de lancette : putti tenant un cordon à gland de passementerie / Putto tenant les armes pleines des Molé de gueules, à deux étoiles d'or en chef et au croissant d'argent en pointe. Pour réaliser ces détails, il a fallu utiliser la technique du verre rouge doublé et gravé.
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Histoire de Job, baie n° 231 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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6. Job défend sa cause devant ses "amis".
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Devant les remparts d'une ville (Jérusalem), Job, agenouillé nu sur la paille du fumier, se cache le bas-ventre tout en protestant de sa cause face à ses trois amis dont la gestuelle illustre leur rôle de donneurs de pieux conseils. Ils portent chacun des détails vestimentaires (chapeau conique, aumonière, franges des galons de la tunique), les attributs alors codifiés des Juifs.
Aux chapitres 3 et 6-7, Job maudit le jour de sa naissance, se plaint, et se révolte contre l'injustice de son sort. Eliphaz l'exhorte à se tourner vers Dieu.
Bildad lui conseille de remettre en cause la solidité de sa foi. Au chapitre 9, Job proclame son innocence mais célèbre la grandeur de Dieu, dont la justice est impénétrable : "Il commande au soleil, et le soleil ne paraît pas; Il met un sceau sur les étoiles. Seul, il étend les cieux, Il marche sur les hauteurs de la mer. Il a créé la Grande Ourse, l'Orion et les Pléiades, Et les étoiles des régions australes. Il fait des choses grandes et insondables, Des merveilles sans nombre. Voici, il passe près de moi, et je ne le vois pas, Il s'en va, et je ne l'aperçois pas. S'il enlève, qui s'y opposera? Qui lui dira: Que fais-tu? Dieu ne retire point sa colère; Sous lui s'inclinent les appuis de l'orgueil. Et moi, comment lui répondre? Quelles paroles choisir? Quand je serais juste, je ne répondrais pas; Je ne puis qu'implorer mon juge." Il lui semble vain d'argumenter sa cause.
Tsophar reprend la parole et l'accuse d'iniquité, remettant en cause son innocence.
Job refuse de se justifier devant ses pairs : "Ce que vous savez, je le sais aussi, Je ne vous suis point inférieur. Mais je veux parler au Tout Puissant, Je veux plaider ma cause devant Dieu."
Un quatrième ami, absent de ce panneau, Elihu, s'enflamme de colère "parce que Job se disait juste" (Job 32)
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Plusieurs verres sont gravés, notamment le verre rouge de l'aumônière avec sa pièce jaune gravée et peinte au jaune d'argent.
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Histoire de Job, baie n° 231 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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Registre inférieur.
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7. Après les épreuves, Job retrouve ses troupeaux et ses serviteurs.
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Rappel :
Rappel : Les chapitres 38 à 42 forment la conclusion du Livre, assurant Job qu'il avait fait les bons choix dès le départ. Ce Livre se termine par un discours de l’Éternel :
"Qui est celui qui obscurcit mes desseins par des discours sans intelligence? Ceins tes reins comme un vaillant homme; Je t'interrogerai, et tu m'instruiras. Où étais-tu quand je fondais la terre? Dis-le, si tu as de l'intelligence. Qui en a fixé les dimensions, le sais-tu? Ou qui a étendu sur elle le cordeau? Sur quoi ses bases sont-elles appuyées? Ou qui en a posé la pierre angulaire, Alors que les étoiles du matin éclataient en chants d'allégresse, Et que tous les fils de Dieu poussaient des cris de joie? Qui a fermé la mer avec des portes, Quand elle s'élança du sein maternel; Quand je fis de la nuée son vêtement, Et de l'obscurité ses langes" ...etc
Et Dieu ne manque pas d'humour pour souligner l'ignorance de Job, et l'étendue de sapropre puissance :
"Prendras-tu le crocodile à l'hameçon? Saisiras-tu sa langue avec une corde? Mettras-tu un jonc dans ses narines? Lui perceras-tu la mâchoire avec un crochet? Te pressera-t-il de supplication? Te parlera-t-il d'une voix douce? Fera-t-il une alliance avec toi, pour devenir à toujours ton esclave? Joueras-tu avec lui comme avec un oiseau? L'attacheras-tu pour amuser tes jeunes filles? Les pêcheurs en trafiquent-ils? Le partagent-ils entre les marchands? Couvriras-tu sa peau de dards, et sa tête de harpons? Dresse ta main contre lui, et tu ne t'aviseras plus de l'attaquer. Voici, on est trompé dans son attente; à son seul aspect n'est-on pas terrassé? Nul n'est assez hardi pour l'exciter; qui donc me résisterait en face?"
Dans le dénouement, Dieu condamne les amis de Job pour leur insistance à parler de manière erronée des motifs et méthodes de Dieu, leur prescrit de réaliser d'énormes sacrifices animaux et instruit Job de prier pour leur pardon. (Wikipédia)
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Inscription JOB.
En haut : devise CUIDER DECOYT présentée par deux putti. À droite, deux créatures hybrides tiennent un nœud de branchage.
Les serviteurs présentent à Job, vêtu d'une robe écarlate fourrée d'hermine, un agneau, un âne, un taureau et un récipient en or.
La bouche de Job serait (D. Minois) une pièce montée en chef-d'œuvre.
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Histoire de Job, baie n° 231 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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8. Après les épreuves, Job retrouve sa famille.
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Inscription : JOB / LA FE[M]ME JOB.
En haut : deux angelots jouant du luth. Banderole présentée par deux putti : POUR AVOIR MIEULX.
Job, richement vêtu et coiffé d'un bonnet conique à turban, se tient parmi quatre de ses serviteurs, un de ses fils à ses pieds. Il tend la main pour bénir une de ses filles.
La femme de Job, coiffée d'un turban, pose la main sur la tête de sa fille. Derrière elle se tiennent deux femmes et un homme à large chapeau rouge.
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Histoire de Job, baie n° 231 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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SOURCES ET LIENS.
— BALCON-BERRY (Sylvie) 1999. "Les verrières hautes du choeur de la cathédrale de Troyes." Paris 4, 1999. http://www.theses.fr/1999PA040008.
Les vitraux légendaires du haut-choeur de la cathédrale de Troyes (XIIIe siècle) occupent les fenêtres supérieures ainsi que celles du triforium. Si ceux des ouvertures sommitales ont peu souffert, ceux du niveau médian ont été très perturbés au cours du XVIIIe siècle, puis restaurés au XIXe siècle. L'ensemble glorifie la cathédrale de Troyes et, par la même, le diocèse, à travers l'évocation des saints et des grands évêques troyens. L'emplacement des oeuvres répond à des besoins liturgiques et le choix de certains sujets s'explique par la volonté de pallier le manque de façade occidentale, réalisée au XVIe siècle. Ces oeuvres sont le fruit de deux ateliers. Le premier travaille déjà sur les verrières les plus occidentales avant l'ouragan de 1228 ayant entraîné l'effondrement du choeur primitif. Le second atelier intervient autour de 1235. Le triforium, non vitré avant 1228, est décoré par les deux groupes d'artistes qui travaillent concurremment à ce projet. Les derniers vitraux sont posés vers 1240.
— CHRISTE (Yves), 2004, "L'histoire de Job dans les bibles moralisées et la Sainte-Chapelle". Cahiers de Civilisation Médiévale Année 2004 47-186 pp. 113-126.
— COFFINET (Abbé Jean-Baptiste), 1858,Les peintres-verriers de Troyes pendant trois siècles depuis 1375 jusqu'à 1690 "Peintres-verriers. Nomenclature des peintres-verriers de Troyes depuis 1375 jusqu'à 1690". Annales archéologiques, 1858, t. 18, p. 212-224.
— JUBAINVILLE (Henri d'Arbois de), 1862, "Documents relatifs aux travaux de construction faits à la cathédrale de Troyes pendant les XIIIe, XIVe et XVe siècles" [second article].Bibliothèque de l'École des chartes Année 1862 23 pp. 393-423
— LAFOND (Jean) 1955 1957, "Les vitraux de la cathédrale Saint-Pierre de Troyes". In Société française d'archéologie, éd. Congrès archéologique de France : 113e session, Troyes, 1955. Orléans ; Nogent-le-Rotrou, 1957, p. 29-62.
— LEDIT (Charles-J. Abbé) 1948, Les Hautes verrières de la cathédrale de Troyes, préfacées par S. E. Mgr Julien Le Couedic,.
— MINOIS (Danielle), 2005 Le vitrail à Troyes : les chantiers et les hommes (1480-1560) .Sorbonne Université presses Corpus vitrearum France Etudes VI, 1 vol. (475 p.-XXIV p. de pl.) : ill. en noir et en coul., jaquette ill. en coul. ; 33 cm
La verrière ne présente pas d'unité iconographique : l'adoration des mages, au triforium, et l'histoire de Job, thème issu de l'ancien testament dans les lancettes et le tympan de la baie haute. Les textes n'associent aucun peintre verrier à la verrière. On note la présence de montures en chef d'oeuvre : la bouche de Job au milieu de sa barbe
— MINOIS (Danielle), 2003, thèse d'histoire de l'art Paris IV sous la direction de Fabienne Joubert et Michel Hérald, La peinture sur verre à Troyes à la fin du Moyen Age
"Troyes est un centre artistique brillant à la fin du Moyen Âge. Les chantiers sont nombreux. Les édifices religieux s'ornent de vitraux. Quels en sont les commanditaires ? les auteurs ? D'après l'enquête menée à partir des Archives et des vitraux, les donateurs, ecclésiastiques et riches bourgeois, ouverts à la nouveauté, restent attachés à la tradition. Le rôle de l'Eglise est prépondérant pour l'iconographie. Sur les cinquante et un verriers recensés, vingt trois peuvent être dits peintres verriers. Leurs travaux sont en général intégrés aux chantiers. Probablement dépourvus de statuts, leurs ateliers sont de petites structures. Lors de demandes importantes, ils s'associent. Ils travaillent aussi dans de nombreuses églises de Champagne méridionale. Reproduction de verrières, fonctionnement en association, absence de propriété des œuvres et existence de réseaux de donateurs permettent d'interpréter l'homogénéité apparente des verrières. La notion d'Ecole troyenne de peinture sur verre est confirmée et précisée."
—PASTAN (Élisabeth C. BALCON (Sylvie), 2006, Les vitraux du chœur de la cathédrale de Troyes (xiiie siècle), Paris, Cths, coll. « Corpus vitrearum - France II », 2006, 539 p.
— RIVIALE (Laurence), "Danielle Minois, Le vitrail à Troyes : les chantiers et les hommes (1480-1560). Paris, P.U.P.S., 2005, 475 p. (Corpus vitrearum France, études VI)." In: Bulletin Monumental, tome 166, n°1, année 2008. La galerie à Paris (XIVe-XVIIe siècle) pp. 85-86.
"Grâce à ce travail, il est possible de connaître l’iconographie des verrières originelles, la date exacte de leur pose et le nom de leurs donateurs. À travers l’analyse des archives, se déroulent à nouveau pour nous les chantiers de la cathédrale de Troyes et de douze églises troyennes : les baies se construisent, sont provisoirement bouchées de pans de bois et torchis, puis garnies de remplages, comblés de pieux de saule et de roseaux liés à l’osier, et enfin vitrés. La donation est faite au plus tard 18 mois après la pose du remplage ; celle de la verrière a lieu dans l’année qui suit la donation.
Un premier constat concernant l’origine et les conditions de la commande est l’essor de la production après la guerre de Cent ans et l’incendie de la ville en 1524. Entre guerre étrangère et guerres de religion, une période relativement prospère favorise la donation ; mais s’agit-il, comme le pense l’auteur, d’un « mécénat » « artistique » ? Le haut clergé troyen, très cultivé, en phase avec l’humanisme et à l’écoute critique de la Réforme, est à l’origine des idées dominantes reflétées dans les programmes iconographiques, car, d’autres études l’ont montré, le donateur, sauf exception, n’est qu’un payeur. Les commanditaires élaborent avec des théologiens les programmes iconographiques ; le choix du sujet permet donc de déterminer le degré de liberté du donateur : si les sujets rares ou difficiles ne peuvent qu’être imposés par le clergé, les thèmes hagiographiques peuvent témoigner du désir des particuliers de satisfaire leur dévotion à leur saint patron.
Selon le Recensement (vol. IV, 1992), l’absence de lien entre les thèmes des verrières témoigne d’une indifférence à une quelconque harmonisation : avec une profonde intelligence de la pensée chrétienne, l’auteur souligne au contraire la cohérence de ces ensembles qui illustrent en un discours argumenté et savant l’histoire du salut. Seul un clergé cultivé a pu élaborer ces programmes ; il l’a donc imposé aux donateurs qui l’ont financé. Parce que « le choix des sujets des verrières posées dans les églises est un reflet de la vie intellectuelle et religieuse », D. Minois signale en outre les réactions des commanditaires face à la Réforme à travers les thèmes choisis, surtout après 1550 : l’histoire de Daniel ou de Tobie, la légende de l’hostie profanée. Elle montre comment les mêmes thèmes peuvent changer de sens face à un climat de remise en cause de l’Église romaine.
Parmi les 66 « verriers » recensés dans les archives entre 1470 et 1560, 37 peuvent être considérés comme des peintres verriers. Regroupés autour de la collégiale Saint- Urbain, ils travaillent au sein de structures familiales et fondent des dynasties, comme les Verrat ou les Macadré. Leur atelier est une petite structure dirigée par un peintre verrier qui n’emploie qu’un ou deux serviteurs, selon ses moyens, comme on le voit à Paris et en Provence. Est ici mise en évidence, en réponse à une forte demande, la formation en associations, ponctuelles ou non, phénomène dont le dynamisme se ralentit après 1530 et dont l’exemple type est le travail en commun de Balthazar Godon, Jean Verrat et Lyevin Varin pour la cathédrale de Sens. Le recours à la soustraitance est également attesté. En Champagne méridionale comme en Provence ou en Normandie, l’exercice du métier est libre : au contraire de l’exemple parisien, aucune structure corporative ne protège la profession de peintre verrier. Certains verriers sont aussi peintres, comme Jean I Macadré, ou sculpteurs, comme Nicolas Cordonnier. L’analyse montre, en Champagne comme en Provence, qu’autorégulation du métier et surveillance mutuelle se substituent aux structures juridiques. Un apport fondamental du livre de D. Minois est la remise en cause des schémas de pensée antérieurs qui paralysaient la recherche. Émile Mâle exposait en 1911 sa théorie d’une École champenoise dont les foyers se trouvaient selon lui à Troyes, Sens et Châlons-sur- Marne, et dont la source était à chercher dans les baies hautes de la nef de la cathédrale et à Sainte-Madeleine de Troyes ; selon lui, toutes les verrières de l’Aube avaient été réalisées à Troyes. Pour P. Biver dès 1908, « l’École troyenne de peinture sur verre », attestée par les remplois de cartons et de pochoirs de damas, dépassait les limites du diocèse de Troyes. Concluant à une production d’origine troyenne quasi industrielle, Biver imagina des structures de production semblables à celles du XIXe siècle : un maître, inventeur des compositions, secondé par des compagnons chargés de les multiplier, et un atelier s’assurant l’exclusivité des pochoirs, d’où, croyait-il, une identification à coup sûr. J. Lafond, reprenant ce modèle, attribuait l’homogénéité de style des vitraux de la fin du XVe à la fin du XVIe siècle à l’influence déterminante d’un peintre à forte personnalité artistique, venu de Lorraine ou de Souabe, dont il décelait la main dans les baies hautes de la nef de la cathédrale de Troyes. Le caractère varié des remplois contredit le principe d’une reproduction systématique ; la notion de production industrielle fut donc plus tard refusée par N. Hany. Le Recensement (vol. IV) ne remettait cependant pas en cause le modèle Biver.
La démarche de D. Minois a été d’écarter dès l’abord cette notion d’École troyenne telle qu’elle était définie. Pour P. Biver, tous les vitraux de Champagne réalisés sur des patrons identiques étaient troyens. S’appuyant sur les travaux de M. Hérold (1990-1993), D. Minois souligne l’existence de copies interprétées de ces cartons. La mise en évidence de la pratique des associations de peintres verriers lui permet de supputer la probable circulation interne des mêmes patrons : la copie interprétée est donc forcément le fait d’un atelier extérieur à la ville de Troyes, sollicité par un commanditaire stimulé par l’exemple troyen. Si les verriers troyens ont certes travaillé pour des églises de Champagne méridionale, il existe d’autres foyers de peinture sur verre, à Châlons ou à Sens, Bar-sur-Seine ou Tonnerre, sans parler de Paris, dont l’aire de diffusion dépasse largement les limites de la capitale. D. Minois reformule donc en dernière analyse la notion d’École troyenne de peinture sur verre, en attribuant désormais le phénomène d’homogénéité de la production à la pratique, mise au jour par elle, des associations de peintres verriers. L’existence de dynasties en confirme l’existence. Selon elle, les ateliers associés ont « décidé » de ces caractéristiques stylistiques pour des raisons purement pratiques de rapidité d’exécution et de reproduction. Elle remarque par ailleurs qu’une verrière peut être l’oeuvre de plusieurs mains.
Les modalités de la répartition du travail ne sont cependant pas étudiées, et cette notion de « décision » commune d’un style, qui pose pourtant problème, n’est pas approfondie. L’auteur prouve aujourd’hui, grâce à l’analyse des salaires perçus, que les peintres verriers n’ont eu recours à des cartonniers que lorsque leur marge bénéficiaire ne risquait pas d’en pâtir, le coût d’un patron réalisé par un peintre représentant le quart du prix de la verrière. Les peintres verriers étaient donc capables de réaliser leurs cartons eux-mêmes : ainsi la collaboration avec un peintre cartonnier n’était pas « la règle », comme on a pu l’écrire, mais un cas de figure, fonction de la rémunération. Dans les cas où les textes ne vérifiaient pas des hypothèses d’attribution, on peut regretter l’absence de comparaisons avec les verrières subsistantes d’un verrier donné. L’identification des ateliers par examen rapproché pouvait être tentée, en dépit du système d’exécution partagée des verrières, puisque l’intervention de plusieurs mains a été notée.
On regrette surtout que l’auteur n’utilise pas davantage ses vastes connaissances en matière d’iconographie et de théologie, son sens très sûr et très subtil de la valeur des leçons données par les programmes. La recherche en matière de vitrail a besoin de telles compétences ; il y a là un champ ouvert où l’auteur pourrait donner toute sa mesure. Laurence Riviale
2019 "Pathologies des vitraux Les vitraux historiés (peints) des baies hautes du chœur datent des XIIIe et XVIe siècles. Ils représentent un ensemble d'une très grande valeur artistique, architecturale, technique et culturelle. Extrêmement fragiles (verre monté en plomb), culminant entre 19 et 28 mètres du sol, ils sont menacés par les vents forts et par les pluies battantes qui entraînent des infiltrations d’eau sur l’intérieur du monument. Ils présentent deux types d'altérations, principalement liées à l'usure du temps :
- des altérations d'ordre mécanique, qui mettent en cause les aspects de solidité, de résistance, et d’étanchéité des panneaux de verre-plomb, ainsi que leurs structures métal et pierre ;
- des altérations d'ordre chimique qui touchent à l’aspect visuel des vitraux par dégradation de la matière vitreuse et de la peinture en grisaille."
Cette chapelle qui dépendait, avant la Révolution, de la paroisse de Cuzon, dépend maintenant de la paroisse de Kerfeunten à Quimper.
La chapelle de Ty Mamm Doué, en français "Maison de la Mère de Dieu", doit sans doute son nom à un modeste oratoire de 1295, démoli en 1969. C'est probablement en cet oratoire que le père Julien Maunoir aurait reçu selon la croyance, le 8 juin 1631, le don de la langue bretonne du doigt d'un ange, un jour de Pentecôte.
Edifiée près du petit oratoire entre 1541 et 1592, en pierres de taille en granite, dans un style gothique, elle fut complétée entre 1605 et 1621 dans un style renaissance, souvent visible sur la face sud.
Cette chapelle est de dimension importante. Elle comprend une nef, d'abord sans bas-côtés puis avec une travée séparée de ses bas-côtés par une architrave sur pilier octogonal, enfin un transept non saillant et un choeur profond à chevet plat. Bien que non voûtée en pierre, elle est flanquée de contreforts d'angle ; le petit clocher à jour, de type cornouaillais, est posé sur l'un de ces contreforts, côté sud.
Un pèlerinage muet (en silence), le Pardon Mud, s'y déroulait le Jeudi Saint : les paroissiens, sans leur clergé; devaient faire trois fois le tour de la chapelle dans le sens du parcours du soleil.
Éléments historiques basés sur les inscriptions de 1541, 1578, 1592; 1605 et 1621 :
L'an 1540, Pierre Quénec'h-Quivilly, seigneur de Keranmaner, permettait aux paroissiens de Cuzon de la reconstruire sur ses terres, et l'inscription gothique, au-dessus de la porte latérale sud, indique la date de 1541:
CESTE CHAPELLE EN LHÕ~EVR
DE MAM DOE L . M Vcc XLI
AINSY FAITZ SCAVOIR A CHE
NOBLE SINEVR ÕAGE BONNE FOI
Et l'on doit traduire ainsi :
Ceste chapelle en l'honneur
De Mam Doe (la Mère de Dieu) l'an 1541
Ainsi faitz (je) scavoir à ce
Noble seigneur hommage et bonne foi.
Le chevet à noues multiples date de cette époque.
Le premier propriétaire était donc au XVIe siècle Pierre de Quénec'h-Quivilly, seigneur du Faou, propriétaire du manoir de Keranmaner, situé en haut du vallon occupé par la chapelle.
Manoir de Keramaner, à 300 mètres plus haut que la chapelle de la Mère-de-Dieu, du même côté de la route. Portail d'entrée de la cour d'honneur, style de la fin de la période ogivale, dans le genre du portail du manoir de La Forêt : pilastres carrés, avec bases et chapiteaux à moulures gothiques, surmontés de pinacles aigus et portant une arcade surbaissée à moulures prismatiques, et saillie à crossettes feuillagées. A la hauteur des chapiteaux, lions héraldiques. Grande cour précédent le manoir, puits entouré dune margelle à larges moulures. Maison développant une vaste façade à trois ouvertures au rez-de-chaussée, trois à l'étage et, dans les combles, trois lucarnes à frontons héraicirculaires, genre Renaissance, tandis que les chevronnières des pignons sont garnies de crossettes à feuilles de choux. A l'intérieur, portes gothiques, cheminées moulurées en granit, armoiries des Furic, 3 croix. Grand escalier tournant.
1509. Aveu de Jean Le Scanff, et femme Marguerite Nouel. L'Evêque lui fait don du devoir de bail. Mais Pierre de Quenechquivillic est sujet à ce droit pour le lieu de Keranmanic en 1515. Cependant, le 16 Décembre 1520, l'Evêque Claude de Rohan fait don de ce droit de bail au dit Pierre de Quenechquivillic, à cause de l'acquêt fait par lui du manoir de Keramaner. Lorsque celui-ci mourut en 1529, l'Evêque fit également don de bail à ses enfants en faveur et considération du Sgr du Faouet. (P. Peyron)
Puis, en 1548, le négociant en toile à voile Jehan Furic (*) s'affranchit, en monnaies portugaises, de Pierre de Quénec'h-Quivilly, pour le manoir et les terres.
"C'est un autre Pierre Quenechquivillic, fils du précédent, qui vendit Keranmanoir à Jean Furic, qui, le 7 Décembre 1554, rendant aveu, déclare tenir au fief de l'Evêque à droit de bail, le lieu noble de Keranmanoir, sa chapelle, cave, bois, laiterie et haute futaye et la métairie dite village de Keranmanic. En 1561. L'évêque Etienne Boucher cède le bois de Coetnescop à Jean Furic, Sr de Keranmanoir, qui donne en échange le pré du Pichiry, en Kerfeunteun.
En 1562. Aveu de noble Jean Furic et demoiselle Jeanne Le Cleuziou, sa femme." (P. Peyron)
La propriété passa à son fils Pierre (**). (Son petit-fils, l’amiral de Kerguelen, hérite en 1772 de Keranmaner et des terres au nom du droit d’aînesse. Il ne résidera jamais au manoir).
(*)Jean Furic avait épousé le 7 février 1539 Anna Fily, d'où Françoise (1940), Jacques (1542), Pierre (1543), Pierre (1545), Anna (1546), Marie (1547), Yvon (1548), Guillamete, Jahanna, et Thomas (1553), François (1559), Jehan (1561), Guillaume (1561), Hervé (1563) et Yves (1564) (les derniers de Jahanna Le Cleuziou). 1604. Aveu de nobles gents Me Yves Furic, Sr de Treffentec.
(**) Pierre Furic épousa Jehanne Le Cleuziou le 28 juillet 1571. Devenu veuf, Il épousa ensuite, le 5 mars 1590, Jeanne de Kergadalen, puis en 1591 Rauanne du Mûr, d'où une fille Margaritte en 1596.
—Divers : Dans un parchemin daté de 1495 portant son testament, Thomas Furic, prêtre, léguait à la cathédrale de Quimper dix écus d'or.
Une des tours des fortifications de Quimper portait le nom de Tour Furic, "nom d'une famille nombreuse et puisssante qui fournit un assez grand nombre de membres à l'église de Quimper".
Dans la cathédrale de Quimper, le 27 avril 1498, Jehan Furic et Françoise, sa femme, bourgeois et habitants de Quimper, fondent un anniversaire de 20 sols, forte monnaie de rente, et choisissent leur sépulture en la chapelle de Saint-Benoît, près de celles de leurs parents. Un acte de 1623 mentionne, près du même autel, la tombe de Jeanne Furic. (Le Men)
Selon L'archiviste Le Men, "Une troisième chapellenie fut fondée sur cet autel, vers la même époque (de 1471 à 1490), parGuillaume Periou, recteur de Laz, qui fut procureur de la fabrique de 1468 à 1487. Il en laissa le patronage à ses neveux Jean, Guillaume et Thomas Furic Cette chapellenie, qui finit par prendre le nom de Chapellenie de Saint-Guillaume ou des Furic, fut successivement présentée par Pierre Furic, en 1529 ; par noble homme François en 1609 ; par noble homme Julien Furic, sieur du Run, fils aîné d’autre noble homme Jan Furic, sieur de Keramaner, en 1620 ; et enfin par Ignace Furic, sieur de Kergourant, en 1731. La famille Furic qui fut déboutée à la réformation de 1668, avait pour armes, d’après un sceau de 1731, des archives du Finistère : d’azur à 3 croisettes au pied haussé d’or. Ces armoiries se voient à l’intérieur et au bas de la chapelle de la Mère de Dieu, près Quimper, ou les sieurs de Keramaner avaient sans doute des prééminences. Les Furic avaient le privilège de voir leur tombe de 1575 située dans la nef et le transept de cathédrale de Quimper" (Monographie Le Men)
1713. Aveu d'écuyer Hervé-Louis de Kerléan, Sr de I Poulguinan, tuteur des enfants de feu Gervais Budoes, Sr de Kerléan, et de dame Anne-Corentine Furic, Sr et I dame de l'Isle."
Au-dessus de la porte sud, se lit une autre inscription de 1578 : " INRI/ O. MATER. DEI. MEMENTO. MEI. 1578. "
Enfin, le porche ouest, également toute gothique avec son gable tangent et coupant les piédroits, porte sur une banderole : " PAX : VOBIS. 1592. "
Le style Renaissance apparaît, au contraire, sur la petite porte sud de la nef, sur laquelle on lit l'inscription : " M. P. CORAY. RECTEVR. 1605 ", et sur un linteau de la sacristie daté par l'inscription " M : I : CONNAN : RECTEVR. 1621. "
Bâtie sur un terrain privé, elle fut vendue sous la Révolution au sieur Louis Ollivier, elle fut rachetée par la commune, restaurée en 1817 et rendue au culte vers 1822.
Les crossettes (pierres d'amortissement), la gargouille et les autres éléments figurés sont donc datables entre 1541 et 1578.
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Pour plus de précision, lire, infra en Sources, la description et l'historique du chanoine Paul Peyron datant de 1893.
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Situation.
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1. La carte de Cassini montre "la Mère de Dieu" située au nord de Kerfeunten, juste au dessous du manoir de Keramaner. À sa gauche, la rivière du Steïr effectue un coude à angle droit, tandis que sur la droite, le Frout descend verticalement, parallèle à l'Odet. Ces deux cours d'eau sont équipés de moulins. Plus à droite,l'Odet, passant par Cuzon.
On repérera deux importants axes routiers :
La route Brest-Lanvéoc-Locronan-Quimper.
La route Lesneven-Châteaulin-Quimper (ancienne voie romaine).
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Carte de Cassini, fin XVIIIe. Gallica.
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La carte de Cassini rend mal compte de la situation de la chapelle sur la droite d'un chemin qui remonte vers le manoir de Keramaner en longeant un vallon assez encaissé.
La Carte d'Etat-Major.
Elle montre mieux ce ruisseau qui se jette dans le Steïr après le moulin de Meilh Stang Bihan. Ce ruisseau est important car qui dit chapelle dit fontaine, laquelle précédait peut-être, par ses vertus, l'oratoire.
La chapelle située à 40 m d'altitude occupe un petit éperon surplombant de 20 m la division d'un cours d'eau.
La carte montre aussi que la route de Châteaulin longe le manoir de Keramener.
Le toponyme est toujours "Chapelle de la Mère de Dieu"
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Carte d'etat-major 1820-1866.
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L'hydrologie est mieux visible encore sur la carte IGN. La chapelle n'est pas nommée sur ce grossisement, mais le chemin porte le nom de Ty Mamm Doué.
Un lavoir était aménagé à proximité de la chapelle. Mais on ne trouve aucune mention d'une fontaine avec édicule, ni aucune carte-postale témoignant de son existence .
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Terminons par la vue aérienne où est indiqué l'axe général du vallon, et où son tracé est marqué par les arbres et buissons :
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Description des crossettes de la façade sud.
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La sirène et les acrobates sculptés des crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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I. LA SIRÈNE. Crossette du côté gauche de la première lucarne sud. Granite, XVIe siècle.
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C'est l'une des seules à n'être pas citée par Hiroko Amemiya, qui a compilé ces ornements de type sirène (femme-poisson) en Bretagne dans son "Vierge et démone" en en dénombrant 20, dont 13 en pierre, et parmi elles 9 crossettes. 8 sont en Finistère, celles de Landévennec, Saint-Urbain, Landerneau, Bodilis, Lampaul-Guimiliau, Ploudaniel (chapelle Saint-Eloi), Sizun, Kergrist-Moëlou et Vitré. Si on y ajoute la dizaine d'ornement de type femme-serpent, nous constatons que les maîtres-sculpteurs répondent à une demande générale d'ornementation bien particulière. Cela se confirmera avec le deuxième motif, l'acrobate.
Nous parlions de la situation de la chapelle par rapport au réseau hydrographique, et de l'existence d'une fontaine. Nous ne nous étonnons donc pas de voir ici célébrer une créature féérique du monde aquatique.
Tournée vers l'ouest, elle est couchée sur le ventre mais avec le buste dressé, sa généreuse poitrine en avant et la tête renversée en arrière et tournée vers les cieux. Son épaisse chevelure retombe sur ses épaules, tandis qu'une couverture est posée, comme une selle, sur son dos. Elle est dotée d'une incontestable queue de poisson, et son corps est couvert d'écailles en réseau de losanges, y compris les bras.
Elle tient en main gauche un objet rectangulaire qui devrait nêtre, selon l'iconographie, soit un miroir, soit plutôt un peigne.
Sa main droite, moins visible, semble posée sur son côté droit.
Par sa posture, nous pouvons la rapprocher de celles de Landerneau, de Sizun (côté ouest), de Saint-Urbain et de Lampaul-Guimiliau, ... qui tiennent toutes un miroir.
La sirène et les acrobates sculptés des crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
La sirène : crossette (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
La sirène : crossette (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
La sirène : crossette (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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II. L'ACROBATE. Crossette du côté droit de la première lucarne sud. Granite, XVIe siècle.
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Sa posture poitrine en avant et tête vers le ciel est symétrique de celle de la sirène. C'est un acrobate en renversement postérieur, les talons se rapprochant de l'occiput, et ce personnage est très fréquent (presque omniprésent) dans les crossettes des chapelles bretonnes, ainsi qu'en d'autres emplacement comme les sablières et les porches. C'est d'ailleurs ce qui permet d'affirmer que c'est bien un acrobate.
Mais celui-ci se livre à un exercice particulier : il s'appuie à un bâton passé entre ses bras pliés (cf. flêche).
Je pourrais séparer les saltimbanques travaillant sans accessoire de ceux qui augmentent leur performance en faisant appel à des barres, crochets et autres entraves, quitte à se lier (nous le verrons) à des collègues. J'ai découvert l'existence de ces derniers sur les sablières et surtout les abouts de poinçon de la charpente de Pleyben, puis sur ceux de Grâces en Guingamp.
Il porte les cheveux longs tombant sur les épaules, il est vêtu d'une tunique courte à bords festonnés, serrée par une ceinture, de chausses moulantes et de chaussures.
Si la sirène appartenait au monde de l'eau, cet acrobate nous renverrait plutôt à celui de l'air, ou, du moins, du renversement des valeurs.
Dans les deux cas, ils nous renvoient au domaine du jeu, de la fantaisie et de l'imagination.
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L'acrobate : crossette (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
L'acrobate : crossette (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
L'acrobate : crossette (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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III. LE LION. Crossette du côté gauche du gable de la baie sud du transept.Granite, XVIe siècle.
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Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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IV. LE LION. Gargouille du côté gauche du gable de la baie sud du transept.Granite, XVIe siècle.
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Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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V. LA FEMME NUE. Crossette de l'angle sud-est. Granite, XVIe siècle.
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La posture de cette femme est difficile à comprendre. Elle est accroupie à l'angle d'un contrefort, une main sur le genou droit et l'autre sur la poitrine. Elle est coiffée d'une capuche.
Mais l'anatomie est bizarre, notamment pour cette "poitrine" et cette "main", et pour les épaules.
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Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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VI. Crossettes des côtés est et nord . Granite, XVIe siècle.
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Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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Un dragon.
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Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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VII. LES DEUX ACROBATES JUMELÉS Crossette du nord, côté droit du gable du transept. Granite, XVIe siècle.
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On les a considérés, on les considère encore comme les effigies de Jean Furic et de son fils Pierre. Mais on peut opposer à cette opinion plusieurs objections.
Aucun monument breton du XVIe siècle ne montre, sauf exception, le portrait du commanditaire (et ici, du propriétaire du terrain) sosu la forme de crossettes, car ces pierres d'ammortissement sont consacrées à des figures animales fabuleuse ou non ( dragon, lion, chien), ou à des chimères (femmes-serpent ou femme-poisson), ou à des figures humaines marginales (acrobates) ou métaphores du Vice (le Buveur, le Trop-Mangeur, le ou la Lubrique). Aucun noble, aucun riche marchand n'aurait accepté de figurer sur ce "tiers-lieu" intermédiaire entre les murs et les toits, et, surtout, n'aurait accepté d'y être représenté "en figure". Seules les armoiries pourraient, pour affirmer leurs prééminences, s'y trouver, comme on les voeint inscrites dans les sablières.
Surtout,la posture visible si nous nous plaçons face à la baie, et non de biais, est celle, bien connue des amateurs de crossettes et de sablières, de l'homme aggripant d'une main sa cheville. C'est, toujours, une posture soit lubrique, soit d'acrobatie lors d'un renversement postérieur. Aucun notable n'aurait accepté de se voir affublé de ce geste réservé aux saltimbanques.
À Dirinon, l'acrobate, nu, empoigne sa cheville d'une main et touche son sexe de l'autre, tandis que c'est, au sud, un acrbate bien vêtu qui prend son pied . C'est une femme nue qui prend cette pose à Notre-Dame-de-Berven de Plouzévédé, à Saint-Hervé de Gourin, à Notre-Dame des Trois-Fontaines de Gouezec. Au château de Pontivy, c'est, en 4, un buveur, et en 21, un acrobate qui aggripent leurs chevilles. De même à l'angle de la Maison du Guet de La Martyre.
Les acrobates jumelés : crossette (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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Donc, nous avons affaire ici à un numéro d'acrobatie, tout comme sur la façade sud avec l'homme s'accrochant à une barre pour réaliser son renversement.
Mais ici, nous trouvons deux têtes, l'une moustachue, l'autre non, sortant de la même tunique plissée échancrée en V, et chacune coiffée d'un bonnet.
Nous n'en savons pas assez sur l'art des saltimbanques du XVIe siècle pour interprêter plus à fond cette figure d'acrobatie : s'agissait-il de réussir un renversement en duo, et enfermé dans la même tunique ? Ce serait une forme d'entrave.
Un peu comme à Pleyben ?
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Abouts de poinçon de l'église de Pleyben. Photo lavieb-aile.
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Pleyben. Photo lavieb-aile.
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Les acrobates jumelés : crossette (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
Les acrobates jumelés : crossette (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
Les acrobates jumelés : crossette (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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LES CROSSETTES DU CLOCHER.
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1. L'acrobate de gauche, au dessus de la chambre des cloches. Crossette, granite, 1573.
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C'est le troisième exemple ici de l'acrobate empoignant ses chevilles pour réussir un renversement postérieur en bombant le torse. Il est coiffé du traditionnel bonnet, porte une veste courte à boutons, le bagou braz plissé et des chaussures.
En réalité, il ne saisit pas ses chevilles, mais il exerce une traction sur une barre ou une sangle (flêche) passée sous ses genoux : donc un nouvel exemple d'acrobatie avec accessoire.
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2. La femme tenant un livre et maintenant sa coiffe. Côté droit au dessus de la chambre des cloches. Crossette, granite, 1573.
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Crossette du clocheton, granite, 1573. Photographie lavieb-aile.
Crossette du clocheton, granite, 1573. Photographie lavieb-aile.
Crossette du clocheton, granite, 1573. Photographie lavieb-aile.
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3. Un ange. Crossette, granite, 1573.
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Crossette du clocheton, granite, 1573. Photographie lavieb-aile.
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SOURCES ET LIENS.
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— ABGRALL (Jean-Marie), 1915, Inscriptions gravées et sculptées sur les églises et monuments du Finistère
Chapelle de la Mère de Dieu: (Ty-Mam-Doue) . Au-dessus de la porte principale Sud-Est est une inscription gothique dont voici la lecture d'après MM. le chanoine Abgrall, Waquet et Lucien Lécureux : Ceste chapelle en lhoeur (l'honneur) De Mam Doe l (an) MVecXLI Ainsy faits scavoir a che Noble sineur oage et bonne foi (hommage)
Avant d'envoyer au Salon de Paris, qui va bientôt s'ouvrir, les dessins et relevés de cette chapelle, nous avons pensé qu'il serait intéressant de les soumettre aux membres présents à cette séance, et qui sans doute connaissent ce joli monument situé aux portes de Quimper.
Une étude approfondie faite l'été dernier nous a permis de réunir dans un même cadre les ensembles et détail de ce curieux édifice.
Nous ne redirons point l'historique de cette chapelle, notre éminent collègue, M. le chanoine Peyron, nous a précédé dans cette tâche avec son talent habituel, nous nous contenterons d'y ajouter seulement une courte description purement archéologique.
La Chapelle de Ty-Mam-Doué, ou maison de la mère de Dieu, fut rebâtie vers le milieu du XVIe siècle sur le versant d'un coteau, et subit comme tous les monuments de celle époque diverses transformations successives.
En plan elle a la forme d'une croix latine orientée de l'Est à l'Ouest avec nef sans bas-côtés, large transept et abside terminée par un mur droit. le tout flanqué de contreforts d'angle, quoiqu'on n'eût sans doute point l'intention de la voûter. Les charpentes sont recouvertes d'un berceau en lambris
peint de date récente; il est probable qu'autrefois les entraits et poinçons de charpente étaient apparents, mais il furent coupés et l'on en retrouve quelques traces le long des murs.
De larges Laies géminées éclairent le fond du chevet et du transept, d'autres petites ajoutent encore de la lumière à l'intérieur de ce monument.
Outre la partie principale du côté Ouest, trois autres portes sont pratiquées dans lés murs, deux du côté Sud, une du côté Nord; une petite sacristie est adossée de ce à l'extérieur. .même côté avec sortie directe
Les proportions de cette Chapelle sont élégantes, mais certaines dispositions présentent des talonnements ou des erreurs regrettables.' Ainsi nous remarquons ces deux transepts qui ne portent que de hautes piles octogonales du légères poutres, et l'irrégularité des rampants de cette
partie de l'édifice; il est évident que cette disposition était il nous sera permis que dire que les
voulue, cependanteaux prises avec des difficultés, n'ont pas su constructeurs, atteindre un 'résultat satisfaisant. II en est ainsi du léger gâble qui surmonte la porte Ouest, il n'est ni courbe ni droit, mais d'une forme indécise et, comme la fenêtre qui le surmonte, produit le plus fâcheux efTet.
Tout l'intérêt de la Chapelle réside particulièrement dans élégant clocher. Bâti de quilles légères, sur le sommet son d'un contrefort d'angle, il est surmonté d'une flèche gracieuse etde clochetons ;aux quatre angles ornée de crochets,de gâbles nous remarquons quatre petits marmousets des retombées
qui détachent curieusement leur silhouette dans le ciel.
Toule la richesse d'ornementation fut réservée aux façades Sud et Ouest; les contreforts sont ornés de niches peu profondes à pinacles fleuronnés couronnées de dais, et dont les supports sont ornés de têtes et de feuillages entrelacés. surmontaient autrefois ces contreforts.
Des pinacles
La porte ogivale que surmonte une accolade à gros fleuron est formée de fines nervures et flanquée de deux colonnes bagues ornées de couronnes et cordelières,
torses, avec et terminée par des pinacles fleuris; elle ['appelle cette si riche et si féconde que nous avons époque Louis XII sur les bords de la Loire bien souvent admirée
Au-dessus de cette porte s'étale une large inscription supportée par des anges et sur laquelle on lit en caractèresgothiques: Cette Chapelle · en l'honneur Mam-Doé l'an mille cinq cent qnarante et un nous y fait scavoir que chez Noblesse gisent (devocion) bonne foy, qui donne une date assez précise de la reconstruction de l"édifice . .
La porte principale du côté Ouest est aussi riche que la précédente, mais sans être d'aussi belles proportions, on y remarque pat'liculièrement les beaux feuillages qui ornent les gorges profondes de ces nervures et les deux personnages en ronde-bosse, aux amortissements du gâble au-dessus du bandeau. L'un représente un guerrier coilTé d'un casque et à corps d'animal, porlant un étendard déployé, l"autre une femme la tête couverte d'un voile et tenant une banderolle sur laquelle on lit ces mots : Pax: Vobis 1592.
Les meneaux des fenêtres attirent peu d'intérêt; nous y avons même trouvé une certaine gaucherie d'exécution qui dénature certainement l'ensemble de l'œuvre.
Au-dessus du gl'os gàble du transept Sud sont sculptées des armoiries presque effacées ,et supportées par des grillons.
Nous ne quitterons pas l'extérieur sans parler des curieuses gargouilles et sujets d'amortissement des gâbles, homme au poisson, torse de femme courbée) animaux fantastiques, personnes à deux têtes, etc. , tous atteslant une période féconde en production, où la naïveté jointe à une sûreté d'exécution, engendra des combinaisons souvent bizarres, mais toujours intéressantes.
L'intérieur est peu remarquable; cependant nous y trouvons les belles piscines, pratiquées dans les murs, toutes quatre diverses de formes, que nous nous sommes plu à l'e produire fidèlement; puis de jolis bénitiers, les uns adossés, les autres isolés comme celui du XVIIe siècle, monté sur un groupe de quatre petites colonnettes engagées.
Dans le bas de la Chapelle il semble qu'on ait voulu établil' une tribune dans de plus grandes proportions que celle qui existe aujourd'hui, si nous considérons les quatre encorbellements puissants placés le long des murs latéraux.
A l'angle Sud·Ouest un escalier à noyau central conduit à la tribune.
N'oublions pas de mentionner aussi les quelques consoles ou supports habilement sculptés, les deux du fond du chœur qui sont figurés sur nos dessins attirent particulièrement l'attention; ils représentent des monstres marins prêts à dévorer un mortel.
Au XVIIe siècle on pratiqua dans le mur Sud une autre porte, qui, ornée de deux colonnes isolées, disparues maintenant, devait produire un très bel efTet. Elle est en arc surbaissée, ornée de pilastI'es, d'une fine corniche et d'unfronton au-dessous duquel on remm'que un petit motifsculpté également en ronde-bosse, représen tant le PèreEternel couronné de la tiare. Les petits pilastres sont ornés de têtes d'anges et de démons; sur les socles des colonnes se voient, mais bien mutilés, des personnages ailés; et au-dessus des entablements, de riches dais abritant sans doute des statues de pierre aujourd'hui disparues.La restauration, mais surtout la conservation de cet édifice, s'imposent. Aussi demanderons-nous à M. le Ministre des Beaux-Arts de vouloir bien le classer parmi les monuments historiques de la région,si caractéristiques dans département, pour l'étude des anciennes écoles françaises,
CHARLES CHAUSSE PIED
— COMITÉ D'ANIMATION
https://chapelletymammdoue.com
— COUFFON (René), 1980, Notice sur Quimper, in Nouveau répertoire des églises de chapelles du diocèse de Quimper et Léon
"Cette chapelle dépendait, avant la Révolution, de la paroisse de Cuzon. Elle comprend une nef, d'abord sans bas-côtés puis avec une travée séparée de ses bas-côtés par une architrave sur pilier octogonal, enfin un transept non saillant et un choeur profond à chevet plat. Bien que non voûtée en pierre, elle est flanquée de contreforts d'angle ; le petit clocher à jour est posé sur l'un de ces contreforts, côté sud. Elle remonte au XVIè siècle. L'an 1540, Pierre Quénec'h-Quivilly, seigneur de Keranmaner, permettait aux paroissiens de Cuzon de la reconstruire sur ses terres, et l'inscription gothique, au-dessus de la porte latérale sud, indique : " CESTE CHAPELLE EN LHOEUR/DE MAM DOE. L : M : Vcc : XLI./... " Le chevet à noues multiples date de cette époque. Au-dessus de la porte sud, autre inscription : " INRI/O. MATER. DEI. MEMENTO. MEI. 1578. " Enfin, la porte ouest, également toute gothique avec son gable tangent et coupant les piédroits, porte sur une banderole : " PAX : VOBIS. 1592. " Le style Renaissance apparaît, au contraire, sur la petite porte sud de la nef, sur laquelle on lit l'inscription : " M. P. CORAY. RECTEVR. 1605 ", et sur un linteau de la sacristie daté par l'inscription " M : I : CONNAN : RECTEVR. 1621. " A la croisée du transept, quatre entraits engoulés. Mobilier Maître-autel et deux autels latéraux de style néo-gothique, fin du XIXe siècle. - Chaire à prêcher avec abat-voix plat, début du XXe siècle ; bas-reliefs des Evangélistes sur les panneaux. - Stalles du choeur encore en place. - Deux confessionnaux cintrés, avec demi-dôme à écailles (début du XIXe siècle ?). Trois piscines gothiques, deux dans le choeur, une dans le transept nord. - Bénitier encastré et sculpté près de la porte ouest. Statues en bois polychrome : Christ en croix sur la poutre de gloire, autre Crucifix, Vierge à l'Enfant dite Notre Dame de Ty-Mam-Doué, XVIIe siècle, dans une niche en bois peint portant l'inscription : " GUERC'HEZ VARI MAM DOUE PEDIT EVIDOMP ", saint Joseph portant l'Enfant Jésus, Vierge aux mains jointes (Vierge au Calvaire ?), saint Jean-Baptiste, saint Corentin. Vitraux du début du XXe siècle dans le transept : au nord, verrière évoquant la construction des flèches de la cathédrale, très mutilée ; - au sud, " Souvenir reconnaissant des combattants de la Guerre 14-18 " : soldats montant à l'assaut accompagnés de Jeanne d'Arc ; en dessous, procession du pardon de Ty-Mam-Doué. Tableau de l'Assomption, peinture sur toile d'Olivier Perrin, en mauvais état, XVIIIe-XIXe siècle. . Cadran solaire au tympan d'une fenêtre du midi."
— PEYRON (Paul), 1893 Notice sur la chapelle Ty-Mam-Doue en Kerfeunteun · A. de Kerangal
La Mère - de - Dieu (Ty-Mam-Doue). La chapelle Ty-Mam-Doué ou de la Maison de la Mère de Dieu, située à trois kilomètres de Quimper, faisait autrefois partie de la paroisse de Cuzon, mais a été réunie depuis le Concordat à celle de Kerfeunteun. Cette chapelle est un lieu de pèlerinage fort fréquenté, tout particulièrement par les habitants de Quimper, tant à cause de sa proximité de la ville, qu'à raison de la dévotion traditionnelle qui, de temps immémorial, s'est manifestée en ce lieu, en l'honneur de la Mère de Dieu. A quelle époque faut-il faire remonter les origines de cet oratoire? C'est ce qu'il n'est pas possible de préciser, et nous ne pouvons répondre à cette question que dune manière approximative. Un arrêt du Parlement de Bretagne rendu le l6 Avril 1556 nous apprend que l'an 1540, Pierre Kernechquivilic, lors sieur de Keranmanoir, sur le terrain duquel était bâtie la chapelle, « aurait permis aux paroissiens de Choeuzon de refaire et reconstruire de nouveau certaine chapelle appelée chapelle de la Mère de Dieu ». Le premier édifice était donc en ruine au commencement du xvie siècle, ce qui suppose une existence antérieure d'au moins deux siècles. Il serait dès lors permis de conclure que la première construction datait de la première partie du xive siècle, et si l'on rapproche cette date de celle de la translation de la maison de Nazareth à Lorette en 1295, et de la dénomination sous laquelle a été connu de tout temps l'oratoire de Kerfeunteun : Chapelle de Ia Maison de la Mère de Dieu, il ne sera pas téméraire d'avancer que la chapelle de Ty-Mam-Doue a été construite en mémoire de la translation miraculeuse de la maison où s'est accompli le mystère de la Maternité divine, et que cette construction date d'une époque rapprochée de ce grand événement. Cette conjecture est encore confirmée par l'existence des deux édifices séparés qui se voient en ce lieu de Keranmaner, dont l'un affecte la forme d'une simple maison convertie en oratoire [détruit en 1969] et l'autre est la chapelle proprement dite de la Maison de la Mère de Dieu. Il serait difficile d'expliquer autrement le voisinage si rapproché de ces deux édifices.
Le manoir noble de Keranmaner, sur les terres duquel était bâtie la chapelle, relevait de l'Evêque de Quimper, auquel il payait la dîme. Ce manoir était possédé en 1509, par Jean Le Scanff, veuf de Marguerite Noël ; En 1540, il appartenait, d'après l'arrêt cité plus haut, à Pierre Kernechquivilic, qui, en 1549, le délaissa, à titre de féage, à Jehan Furic, époux (en 1562) de demoiselle Jeanne Le Cleuziou ; mais cette cession était faite à condition « qu'il ne serait permis à nulle personne fors audit « Kernechquivilic avoir et mettre armoieries et intersignes de noblesse, sans le congé du dit Kernechquivilic, suivant lequel contrat le dit de Kernechquivilic aurait « fait apposer des armoieries au portail d'icelle chapelle « lesquelles y auraient tousjours esté au veu et sceu de tous les paroissiens et si longuement que le dit de Kerec nechquivilic a esté sieur du dit lieu de Keranmanoir ». Le sieur de Kernechquivilic ne figure pas dans l'armorial de M. de Courcy, et il serait inutile de rechercher ses armes au portail de la chapelle, car cette partie de l'édifice porte la date de 1592. Non obstant la réserve formelle de l'acte de cession, Jehan Furic avait fait apposer ses armoiries sur la chapelle ; mais aussitôt le sieur de Kernechquivilic les avait fait abattre, et en 1556, il remontrait au Parlement que la dite chapelle « était assise au fief de l'Evêque de Cornouaille, dedans lequel fief n'était permis d'avoir armoieries en bosse, si non audit Evêque et aux gentilshommes de la paroisse ; que le dit Furic était roturier et de basse condition, incapable de jouir des droits et prérogatives appartenant à gens extraits de noble lignée ».
Le premier Avril 1556, un arrêt du Parlement reconnut le bien fondé de la réclamation et condamna le sieur Furic à l'amende et aux dépens. Le sieurs Furic furent, du reste, à diverses reprises déboutés de leurs prétentions à la noblesse, ce qui n'empêche pas que leurs armes soient les seules qui se voient de nos jours dans la chapelle de la Mère-de-Dieu. Elles sont sculptées en bois sur la tribune, qui date vraisemblablement de 1592 comme le portail, et portent dazur à trois croisettes au pied fiché et haussé dor. Les Furic demeurèrent propriétaires de Keranmanoir, de 1547 au commencement du XVIIIe siècle ; car après Jehan Furic, qui figure comme possesseur en 1547-1562, nous trouvons mentionnés en 1604, comme seigneurs de Keranmanoir, « nobles gens Yves Furic, Guillaume Furic et autres » ; et en 1681, « la dame Marie du Stangier, veuve de noble homme Ignace Furic ». Nous devons avouer que c'est de leur temps, et grâce sans doute à leur générosité, que fut rebâtie presque totalement la chapelle.
Grande chapelle actuelle
Elle est d'un très heureux effet, surtout vue à travers les arbres du placître. Ce qui lui donne particulièrement du pittoresque, c'est son petit clocher si singulièrement campé sur un contrefort d'angle, orné de niches et de dais, la belle porte sculptée et feuillagée à côté de ce contrefort, la fenêtre et le grand pignon du transept Sud et les pignons aigus de l'abside. Au-dessus de cette porte ornementée, se lit la date de cette partie de la construction, écrite en caractères gothiques sur un cartouche tenu par deux petits personnages.
Cette légende, avec ses abréviations, est très difficile à déchiffrer ; la voici, d'après la dernière lecture qu'en a faite M. Lucien Lécureux :
CESTE CHAPELLE EN LHÕ~EVR
DE MAM DOE L . M Vcc XLI
AINSY FAITZ SCAVOIR A CHE
NOBLE SINEVR ÕAGE Z BONNE FOI
Et l'on doit traduire ainsi :
Ceste chapelle en l'honneur
De Mam Doe (la Mère de Dieu) l'an 1541
Ainsi faitz (je) scavoir à ce
Noble seigneur hommage et bonne foi.
La petite porte Sud de la nef a été percée après coup, comme l'indique le style de son encadrement et de son fronton, et comme l'atteste l'inscription de la frise :
M.P. CORAY. RECTEVR . 1605
Le portail Ouest, donnant au bord de la route, est tout k fait dans la note gothique, et on est porté à lui attribuer la même date qu'au transept Midi et à l'abside, et cependant il serait de beaucoup postérieur d'après l'inscription que tient un ange sur une banderole à main droite de la porte :
PAX . VOBIS . 1592
De l'autre côté, un homme d'armes, en cariatide, porte une bannière ou enseigne fixée à une hampe ou branche à nœuds. Sur le côté Nord, nous trouvons une autre date :
INRI . O . MATER . DEI . MEMENTO . MEI . 1578
puis, du même côté, sur la porte :
MI . CONNAN . RECTEVR . 1621
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A l'intérieur, sans qu'il y ait grande richesse de style, on peut observer quelques curieuses particularités de construction, ainsi que deux ou trois piscines sculptées et moulurées. A gauche de l'entrée du chœur, sur un trône en chêne ouvragé, se trouve la statue vénérée de Notre-Dame, belle Vierge assise, ayant l'Enfant-Jésus debout sur ses genoux, et tenant dans la main droite une grande grappe de raisin. Cette statue est richement et noblement drapée. Les caractères de sa facture et les rapports qu'elle a avec la grande statue de Kerdévot semblent devoir lui assigner pour date l'époque de Louis XIII . En 1713, la terre de Keranmanoir appartenait aux enfants mineurs d'écuyer Germain Budos, sieur de Kerléan, dont est tuteur écuyer Hervé-Louis de Kerléan, - sieur de Poulguinan . Enfin, au moment de la Révolution, le propriétaire était le contre-amiral de Kerguélen-Trémarec. L'aveu rendu en 1775 spécifie le droit qu'avait le sieur de Kerguélen de faire exercer par ses fermiers « un droit de coutume sur toutes les denrées et marchandises qui s'y étaloient le jour du pardon » Il avait également dans la grande chapelle un banc avec ses armoiries ; ses armes se voyaient sur plusieurs portes des deux chapelles, et lors de la mort de sa femme, peu de temps avant la Révolution, M. de Kerguélen put ceindre la grande chapelle d'un cordon de deuil quil fit parsemer de ses armes.
Avant de raconter ce que devint la chapelle de la Mère-de-Dieu depuis la tourmente révolutionnaire, disons un mot de la grâce qu'y obtint le Vénérable Père Maunoir ; voici comment il raconte lui-même le fait dans la relation manuscrite qu'il a laissée des dix premières années de ses missions. « L'an 1630, je fus envoyé, dit-il, au collège de Quimper pour y professer la cinquième ; je ne pensais aucunement à me livrer aux travaux des missions de ce pays dont j'ignorais complètement la langue ; je me sentais plutôt poussé à obtenir de mes supérieurs d'être envoyé aux missions du Canada. Mais le Père Bernard, que je trouvais au collège, me fit un tel tableau du triste état du peuple d'Armorique, la rencontre que je fis à cette époque de M. Le Nobletz, ces diverses circonstances me portèrent à changer de sentiment. Sur ces entrefaites, comme j'allais un jour en pèlerinage visiter la chapelle de la Vierge que les habitants de ce pays appellent maison de la Mère de Dieu, je me sentis fortement porté à apprendre la langue bretonne, et il me sembla en même temps voir en mon esprit se dérouler tous les desseins de Dieu pour l'évangélisation des quatre diocèses de la Basse-Bretagne. Entré dans la chapelle, prosterné aux pieds de la sainte Mère de Dieu, je lui ouvris mon cœur et lui communiquais ce dessein que m'inspirait l'Esprit-Saint, la priant de le bénir et de faire que, pour la gloire de son fils, je puisse apprendre la langue bretonne. Cependant, devant les objections qui me furent faites touchant les difficultés extraordinaires qu'offrait l'étude de cette langue et le dommage qui en résulterait pour des études d'une toute autre importance, je résolus de ne rien entreprendre sans l'agrément du R. P. Provincial Barthélemy Jacquinot. « Grâce aux instances du Père Bernard, ia permission d'apprendre le breton me fut accordée le jour de la Pentecôte, et le ciel seconda si bien mon ardeur que, confiant dans la bonté et la puissance divine, le mardi suivant je fis le catéchisme au peuple en cette langue, et six semaines après je pus commencer à prêcher sans préparation écrite, gràce que Dieu m'a conservée jusqu'à ce jour. » C'est cette faveur vraiment extraordinaire que rappelle la belle fresque de M. Yan' Dargent à la cathédrale, près la porte de la sacristie,
Au moment de la Révolution, la terre de Keranmaner, appartenant à un des officiers les plus distingués de Ia Marine française, ne fut pas mise sous le sequestre, malgré l'absence du propriétaire, et la vente en fut faite au nom du contre-amiral de Kerguelen, au sieur Poullain, par acte du 28 Germinal, an IV.
Quant aux deux chapelles, elles avaient été vendues nationalement l'année précédente, le 8 Floréal, an III, à Louis Ollivier, du village de Kergariou, pour la somme de 3.150 fr. en assignats. Louis Ollivier, comme il le déclara lui-même devant la Municipalité de Kerfeunteun, le 5 Février 1806, n'avait fait cette acquisition que des deniers provenant de la libéralité des habitants de Ia commune et de beaucoup d'autres citoyens qui avaient une dévotion particulière pour cette chapelle » et dans l'intention de la faire rendre au culte dans des temps meilleurs. C'est dans ce but que le sieur Ollivier faisait don de la chapelle de la Mère-de-Dieu à la paroisse de Kerfeunteun par acte du 29 Août 1807. M. Vistorte, alors recteur de Kerfeunteun, voulut s'occuper immédiatement de la restauration de la chapelle. Mais à ce moment Keranmanoir appartenait à un nouveau propriétaire qui en avait fait l'acquisition l'an X, du sieur Poullain, et le nouveau venu prétendait que les pierres seules des chapelles, et non îe fonds, avaient été vendues au sieur Ollivier, et que dès lors il devait en débarrasser au plus tôt son terrain. Les Archives départementales (1) possèdent la lettre en forme de mémoire que le nouveau propriétaire écrivait au Préfet, le 4 Février 1812, pour soutenir le bien fondé de ses prétentions. Nous allons en citer les principaux passages, car quoique ce factum soit écrit dans un très mauvais esprit, il constate assez clairement la vénération profonde qui avait survécu à la tourmente révolutionnaire pour ce lieu de pèlerinage. Après avoir dit que les chapelles avaient été vendues seulement pour les pierres, à Louis Ollivier, l'auteur du factum ajoute : « Je viens d'apprendre que le sieur Vistorte, recteur se mettant aujourd'hui au lieu et place de l'acquéreur, profitant de l'embarras dans lequel m'avait jeté l'incendie que j'éprouvais le 1er Mai 1809, fit dans le courant de Juin réparer la petite chapelle et se dispose à réédifier la grande, qui n'est aujourd'hui qu'une misérable mazure à laquelle la simonie de ce curé rassemble tous les ans dans Ie courant de tout le carême particulièrement, une populace très nombreuse et très accablante, sous le prétexte spécieux de superstitieux miracles. « Oui, M. le Préfet, lorsque l'acquéreur du 8 floréal fit l'acquisition de ces matériaux, il était bien dans l'intention de les enlever pour réédifier les édifices de son domaine de Kergariou.[...]
Comme avant la Révolution, les habitants de Quimper et de Kerfeunteun reprirent avec plus d'empressement que jamais leurs pieuses visites à la Mère-de-Dieu, surtout pendant le Carême. Les dimanches, ils y venaient pour les vêpres, les jeudis, ils y amenaient leurs enfants pour la promenade des jours de congé, les vendredis, les paroissiens s'y rendaient nombreux pour faire l'exercice du chemin de la Croix et s'approcher des sacrements. Ces dévots usages se continuent encore aujourd'hui ; Mgr Sergent, de vénérée mémoire, ne manquait jamais d'y venir dire la messe, chaque année, pendant le Carême. Plusieurs pensionnats et congrégations de Quimper y viennent, tous les ans, se mettre sous la protection de la Mère de Dieu. Marie se plaît, comme autrefois, à écouter là ses enfants et à exaucer leurs prières. Les nombreux ex-voto qui entourent la statue en sont la meilleure preuve."
— ROSMORDUC (comte de) 1901 Papier contenant les naissances des enfants du sieur (Furic) de Keranmanoir et leurs mariages (1539-1596) ; document inédit. Bull. SAF
L'enfeu le mieux conservé du bas-côté nord de l'église de La Martyre, ancienne trève de Ploudiry, a été parfaitement décrit, et les armoiries de ses trois écus ont été attribués à la famille de Botlavan en alliance avec Kergrist :
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"On voit dans l’église trois enfeus, l’un contre le mur du Midi, les deux autres contre le mur du Nord. Leurs arcades ont la même forme : elles sont en anse de panier. Le premier de ces tombeaux arqués est dépourvu d’ornementation ; les autres sont bien dotés de détails architectoniques de l’époque (XVIème siècle) et leur arc surbaissé est surmonté d’un arc en accolade. Les blasons qui indiquaient leurs propriétaires ont été martelés, excepté ceux qui encadrent l’enfeu situé au haut du collatéral Nord. L’écusson placé au sommet de cet enfeu porte les armes de Botlavan : d’argent à l’aigle de sable, accompagné en bande de trois coeurs d’azur. Sur ces écussons latéraux sont les armes mi-parti de Botlavan, et d’or à quatre tourteaux de sable, 3 et 1, au croissant de même en abyme, qui est de Kergrist." (Abbé Kerouanton, BDHA 1931)
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Les blasons ont été relevés par Fons de Kort :
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Relevé des armoiries par Fons de Kort.
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Son décor Renaissance incite à l'attribuer à un atelier actif dans la vallée de L'Elorn, établi à Landerneau et très habile à sculpter la pierre de kersanton. René Couffon le nomme atelier de Kerjean, mais l'atelier de Bastien et Henry Prigent (actif de 1527 à 1577) a produit de nombreuses œuvres (porches, bénitiers, calvaires) introduisant les rubans en volutes accolés par un lien torsadé que nous retrouvons ici sous l'influence de l'art de la Seconde Renaissance. Notamment à Pencran en 1553. Les Prigent ont réalisé pour Ploudiry une statue de saint Sébastien en kersanton.
Je l'attribue donc aux Prigent, mais je laisse le point d'interrogation de mon titre puisque cet enfeu ne figure pas dans le catalogue raisonné de cet atelier dressé par Emmanuelle Le Seac'h.
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"La décoration des enfeux de la longère nord de La Martyre est extrêmement curieuse. L'enfeu, surmonté d'un galon plat orné de crossettes déjà évolué, est orné d'autre part aux extrémités de l'accolade de deux angelots gothiques tenant des écus mi-parti au 1 de Botlavan et au 2 de Kergrist, et au sommet d'un écu portant de Botlavan plein.
Un autre enfeu, décoré d'une accolade encore toute gothique, a ses pinacles terminées par des boules godronnées et ses crochets terminés par deux spirales." (René Couffon 1948)
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C'est dire que cet enfeu remarquable peut être étudié sous deux biais : celui de l'héraldique, et celui de l'histoire de l'art ornemental Renaissance en Finistère.
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1. Héraldique.
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Le lieu-dit Botlavan (du breton Bod, "résidence, demeure" et Avan, ancien patronyme) se situe à 1 km au sud-est de Ploudiry et à la même distance à l'est de La Martyre. Il conserve aujourd'hui un kanndi, petit bâtiment servant à blanchir le lin, qui témoigne de l'importance de la production et du commerce de la toile. Et une croix en kersanton du XIXe siècle.
En 1534, François de Botlavan, présent parmi les nobles de Ploudiry à la montre de Saint-Pol-de-Léon, "archer en brigandine".
En 1645, la propriété appartenait à Jean de Tanouarn, écuyer et de son épouse Catherine Gac.
Sur la carte de Cassini de la fin du XVIIe siècle, Botlavan est un hameau de 8 maisons.
L'interrogation de la base Geneanet ne retrouve qu'une Sybille de Botlavan, dame de Kerouez en Plouzévédé, épouse de Jean Ier Le Boutouiller (1515-1558).
Je ne retrouve aucune trace de l'alliance Botlavan/Kergrist. Le château de Kergrist est situé sur la commune de Ploubezre, dans le département des Côtes-d'Armor. Pol Potier de Courcy signale sept générations sept générations, aux réformations et montres de 1426 à 1543. Au milieu du XVIe siècle, les généalogistes signalent François de Kergrist et son fils Alain.
L'enfeu armorié (Prigent ?, seconde moitié du XVIe siècle) des Botlavan en alliance avec Kergrist du bas-côté nord de l'église de La Martyre. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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L'ANGE ET LE BLASON DU COTÉ GAUCHE.
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L'enfeu armorié (Prigent ?, seconde moitié du XVIe siècle) des Botlavan en alliance avec Kergrist du bas-côté nord de l'église de La Martyre. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
L'enfeu armorié (Prigent ?, seconde moitié du XVIe siècle) des Botlavan en alliance avec Kergrist du bas-côté nord de l'église de La Martyre. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
L'enfeu armorié (Prigent ?, seconde moitié du XVIe siècle) des Botlavan en alliance avec Kergrist du bas-côté nord de l'église de La Martyre. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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L'ange présente les armes mi-parti en 1 d’argent à l’aigle de sable, accompagné en bande de trois coeurs d’azur qui est de Botlavan et en 2 d’or à quatre tourteaux de sable, 3 et 1, au croissant de même en abyme, qui est de Kergrist.
L'enfeu armorié (Prigent ?, seconde moitié du XVIe siècle) des Botlavan en alliance avec Kergrist du bas-côté nord de l'église de La Martyre. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
Décalque de l'image, colorié selon les émaux des armes des Botlagan et de Kergrist.
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L'ANGE ET LE BLASON DU COTÉ DROIT.
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Le blason est le même.
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L'enfeu armorié (Prigent ?, seconde moitié du XVIe siècle) des Botlavan en alliance avec Kergrist du bas-côté nord de l'église de La Martyre. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
L'enfeu armorié (Prigent ?, seconde moitié du XVIe siècle) des Botlavan en alliance avec Kergrist du bas-côté nord de l'église de La Martyre. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
L'enfeu armorié (Prigent ?, seconde moitié du XVIe siècle) des Botlavan en alliance avec Kergrist du bas-côté nord de l'église de La Martyre. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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LE BLASON CENTRAL.
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Il porte les armes de Botlavan d’argent à l’aigle de sable, accompagné en bande de trois coeurs d’azur.
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L'enfeu armorié (Prigent ?, seconde moitié du XVIe siècle) des Botlavan en alliance avec Kergrist du bas-côté nord de l'église de La Martyre. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
L'enfeu armorié (Prigent ?, seconde moitié du XVIe siècle) des Botlavan en alliance avec Kergrist du bas-côté nord de l'église de La Martyre. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
Décalque de l'image, colorié selon les émaux des armes des Botlagan.
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2. LE DÉCOR RENAISSANCE.
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Il associe des masques de profil, casqués et feuillagés, des rubans formant accolade et dont les volutes sont liées par une torsade, un masque de face aux oreilles de faune au centre de rinceaux, diverses fleurs en rosace parfois géométriques, des crochets en feuilles se déroulant progressivement d'un bourgeon en boule, et des feuilles lancéolées.
Les anges sont remarquables par leur visage harmonieux et leur tunique au col roulé.
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L'enfeu armorié (Prigent ?, seconde moitié du XVIe siècle) des Botlavan en alliance avec Kergrist du bas-côté nord de l'église de La Martyre. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
L'enfeu armorié (Prigent ?, seconde moitié du XVIe siècle) des Botlavan en alliance avec Kergrist du bas-côté nord de l'église de La Martyre. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
L'enfeu armorié (Prigent ?, seconde moitié du XVIe siècle) des Botlavan en alliance avec Kergrist du bas-côté nord de l'église de La Martyre. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
L'enfeu armorié (Prigent ?, seconde moitié du XVIe siècle) des Botlavan en alliance avec Kergrist du bas-côté nord de l'église de La Martyre. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
L'enfeu armorié (Prigent ?, seconde moitié du XVIe siècle) des Botlavan en alliance avec Kergrist du bas-côté nord de l'église de La Martyre. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
L'enfeu armorié (Prigent ?, seconde moitié du XVIe siècle) des Botlavan en alliance avec Kergrist du bas-côté nord de l'église de La Martyre. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
L'enfeu armorié (Prigent ?, seconde moitié du XVIe siècle) des Botlavan en alliance avec Kergrist du bas-côté nord de l'église de La Martyre. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
L'enfeu armorié (Prigent ?, seconde moitié du XVIe siècle) des Botlavan en alliance avec Kergrist du bas-côté nord de l'église de La Martyre. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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SOURCES ET LIENS.
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— COUFFON (René), LE BARS (Alfred) , 1988, La Martyre, Diocèse de Quimper et de Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper, Association diocésaine, 1988, 551 p.
La décoration des enfeux de la longère nord de La Martyre est extrêmement curieuse. L'enfeu, surmonté d'un galon plat orné de crossettes déjà évolué, est orné d'autre part aux extrémités de l'accolade de deux angelots gothiques tenant des écus mi-parti au 1 de Botlavan et au 2 de Kergrist, et au sommet d'un écu portant de Botlavan plein.
Un autre enfeu, décoré d'une accolade encore toute gothique, a ses pinacles terminées par des boules godronnées et ses crochets terminés par deux spirales.
— FONS DE KORT, s.d, [1975], La Martyre, l'église, la foire.
— LÉCUREUX (Lucien), 1919, "La Martyre", Congrès archéologique de France : séances générales tenues ... par la Société française pour la conservation des monuments historiques, Société française d'archéologie. Derache (Paris) A. Hardel (Caen) http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k35688p/f166.image
— Commission 1982, Ploudiry aux marches de l'Arrée. Son passé. Ses monuments.
—POTIER DE COURCY (Pol), Nobiliaire et armorial de Bretagne
—Botlavan (de), sr dudit lieu, paroisse de Ploudiri, — de Keraziou, paroisse de Plabennec, — de Mesnescop, paroisse de Plouvorn.
Réf. et montres de 1426 à 1534, dites paroisse, évêché de Léon.
D’argent à l’aigle de sable, accompagné en bande de trois cœurs d’azur.
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—Botlavan (de), Sr dudit lieu, par. de Ploudiry. D’argent à l’aigle impériale de sable et trois cœurs d’azur posés en bande.
Eguiner, entre les nobles de Ploudiry, Réf. 1443.
https://www.tudchentil.org/spip.php?article628
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—Kergrist (de), sr dudit lieu, de Kervern et du Vieux-Chastel, paroisse de Ploubezre, de Kerdual, paroisse de Ploumilliau, de Kermoal, de Keravel et de Kerlescant, paroisse de Plouec, de Kerthomas, de Kerambellec, paroisse de Plouaret, de Kergadiou, du Plessix et de Goazanarbant, paroisse de Plestin, de Kerarapuil et de Treuscoat, paroisse de Pleyber-Christ, de Ponthaer, du Chemin-Neuf, de Kerriou, de Kervégaa, de Treziguidy, paroisse de Pleyben.
Anc. ext., réf 1669, sept générations, réf. et montres de 1426 à 1543, paroisse de Ploubezre et Ploumilliau, évêché de Tréguier, et Pleyber-Christ, évêché de Léon. D’or a quatre tourteaux de sable, 3. 1, au croissant de même en abyme, comme Prigent. Devise : Sanctum nomen ejus.
Jean, juge des régaires de Léon en 1395 ; Alain, archer de la garde du duc en 1453 ; Jean, vivant en 1463, épouse Marie Salliou, de la maison de Lesmais ; Goulven, auditeur des comptes en 1558 ; deux sénéchaux de Morlaix au xvie siècle. La branche ainée fondue dans Kergariou, puis Barbier.
— RIOULT (Jean-Jacques), 2009, La Martyre, église Saint-Salomon Paris : Société française d'archéologie, 2009 , 7 p. : ill. en noir et blanc, couv. ill en coul. ; 27 cm. (Congrès archéologiques de France, ISSN 0069-8881) In : Congrès archéologique de France, 165e session, 2007 : Finistère / Société française d'archéologie, p. 143-149.
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http://www.infobretagne.com/martyre-eglise.htm
On voit dans l’église trois enfeus, l’un contre le mur du Midi, les deux autres contre le mur du Nord. Leurs arcades ont la même forme : elles sont en anse de panier. Le premier de ces tombeaux arqués est dépourvu d’ornementation ; les autres sont bien dotés de détails architectoniques de l’époque (XVIème siècle) et leur arc surbaissé est surmonté d’un arc en accolade. Les blasons qui indiquaient leurs propriétaires ont été martelés, excepté ceux qui encadrent l’enfeu situé au haut du collatéral Nord. L’écusson placé au sommet de cet enfeu porte les armes de Botlavan : d’argent à l’aigle de sable, accompagné en bande de trois coeurs d’azur. Sur ces écussons latéraux sont les armes mi-parti de Botlavan, et d’or à quatre tourteaux de sable, 3 et 1, au croissant de même en abyme, qui est de Kergrist.
Montre de l'Evêché de Léon en 1534 :
Ploudiry : "François Botlavan archer en brigandine"
Le château de Kergrist est situé sur la commune de Ploubezre, dans le département des Côtes-d'Armor
Botlavan (de)
Sr dudit lieu, par. de Ploudiry.
D’argent à l’aigle impériale de sable et trois cœurs d’azur posés en bande.
Eguiner, entre les nobles de Ploudiry, Réf. 1443.
BOTLAVAN , en Ploudiry , Evêché de NAUD , & trisayeul de JOSEPH DE SÉGUIRANT , Léon : d'argent , à une aigle éployée supportant trois coeurs d'azur , posés ... ++++
—LA CHESNAYE DU BOIS,1864,
BOTLAVAN en Ploudiry Evesché de Leon , d'argent à une Aigle esployée de sable supportant trois cœurs d'azur posez en bande , sçavoir l'vn du bec , l'autre sur la poictrine & le troisiéme du pied senestre .
Fondée entre les VIe et VIIe siècles, la paroisse primitive de Ploudiry comprend les trèves de La Martyre, La Roche-Maurice, Pencran et Saint-Julien-de-Landerneau. Ce vaste territoire, prieuré de Daoulas, relève alors du diocèse de Léon. Sur le plan civil, des manoirs sont érigés à Ti-Brid, Pors-Lazou, Kerangoarch et Botlavan. (Histoire de la commune de Ploudiry)
Voir les 29 Passions des verrières du Finistère au XVIe siècle dont beaucoup sont dues à l'atelier Le Sodec à Quimper. Le Corpus Vitrearum VII permet d'en dresser une chronologie :
3e quart XVIe siècle (vers 1560), Quéménéven église Saint-Ouen : Attribuable à l'atelier Le Sodec . Cartons communs (Le Bihan) avec Guengat, Gouezec et Guimiliau, ou La Martyre et La Roche-Maurice (Gatouillat).
3e quart XVIe siècle Tréguennec ; Attribuable à l'atelier Le Sodec. 5 lancettes dont une Grande Crucifixion centrale.
3e quart XVIe siècle : Ploudiry. 3 lancettes consacrées à une Grande Crucifixion, proche de celles de La Roche-Maurice, La Martyre, etc.
4e quart XVIe : Pont-Croix. Attribuable à l'atelier Le Sodec. 6 lancettes de la Vie du Christ à un couple de donateurs (Rosmadec).
Parmi les Passions finistériennes il faut distinguer les verrières comportant ou bien des scènes de la Vie du Christ dont la Passion, ou bien des scènes de la Passion, ou bien de Grandes Crucifixions soit centrales au centre d'autres scènes, soit occupant toute la vitre. La maîtresse-vitre du Juch appartient à ces dernières.
On la comparera donc avec intérêt aux verrières de La Roche-Maurice, La Martyre et Tourc'h — et Saint-Mathieu de Quimper qui en est la copie—, mais surtout avec celles de Guengat, Guimiliau, Gouezec, Quéménéven et Ploudiry.
Tous ces vitraux sont attribués à l'atelier Le Sodec de Quimper. Ils ont, outre cette composition, et leur proximité géographique, des points communs temporels (entre 1535 et 1560 environ) et stylistiques.
On notera en particulier la fréquence des inscriptions de lettres, souvent edépourvues de sens, sur les galons des vêtements et les harnachements, et d'autre part, la représentation de larmes sous les yeux de Marie, Jean et Marie-Madeleine au pied du calvaire, sur laquelle je m'attarderai.
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Cette seule appartenance à un ensemble thématique et stylistique suffirait à donner à la maîtresse-vitre du Juch une grande valeur, mais nous verrons que la maîtrise de la peinture sur verre s'y révèle remarquable.
Pourtant, René Couffon la décrivit comme "une œuvre exécutée à bon marché".
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René Couffon est celui qui, en 1945, dans son article "La peinture sur verre en Bretagne. Origine de quelques verrières au XVIe siècle", étudie et dénombre les Grandes Crucifixions du Finistère où la Crucifixion occupe une superficie six fois plus importante que celle des autres scènes.
Il en décrit un premier groupe qualifié de prototype, associant la maîtresse-vitre de La Martyre, choisit comme type, de La Roche-Maurice (1535), de Saint-Mathieu de Quimper et de Tourc'h. Auquel il ajoute les vitres aujourd'hui perdues, mais connues par description, de l'abbaye de Daoulas (vers 1530), et de Trémaouezan (v. 1555).
Il y reconnait l'influence des peintres des Pays-Bas et de Dürer, et prétend lire le nom de Jost à La Martyre, nom qu'il relit à Jost de Negker, qui travailla à Anvers et puis à Augsbourg.
Depuis, cette inscription n'a pas été retrouvée, mais l'attribution de cette verrière à ce Jost de Negker est encore reprise en copié-collé d'auteurs en auteurs. Au contraire, ces vitraux sont aujourd'hui attribués à un atelier quimpérois.
De même, il attribue la verrière de La Roche-Maurice à Laurent Sodec, verrier quimpérois, sur la simple constatation des "initiales" L.S sur un galon.
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À ce premier groupe il associe les vitres "aux costumes rajeunies" de Ploudiry, Le Juch et La Véronique à Bannalec [malgré sa date de 1622], puis celles de Gouezec (1571), Guengat (1571), Lababan en Pouldreuzic (1573), Langolen (1575), Pleyben, et Tréflénevez (vers 1590).
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Depuis cet article de 1945, aucune étude critique et approfondie de cette trentaine de Crucifixions n'a été conduite, et aucun travail de synthèse sur l'atelier quimpérois qu'on s'accorde à nommer Le Sodec n'a été publié.
L'ensemble des articles de ce blog souhaite y contribuer, mais chaque découverte d'un site pas encore visité, ou chacune des re-visites d'un site déjà étudié, montre combien il faut approfondir l'examen, et, a contrario, combien il faut se laisser saisir par l'enthousiasme admiratif. Revenir souvent. Varier les heures et condition d'éclairage, s'ouvrir à la surprise.
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La Passion (XVe siècle. Vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle. Vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle. Vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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LA LANCETTE A (PREMIÈRE À GAUCHE).
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La Passion (XVe siècle. Vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Les dais.
Les dais des hauts des lancettes sont peints en grisaille sur verre blanc avec rehaut au jaune d'argent. Ils associent trois gables à crochets et fleuron, aérés d'un quatre-feuilles, et des pinacles, dans le style gothique.
Ils datent selon Gatouillat et Hérold de la fin du XVe siècle.
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La Passion (XVe siècle. Vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Buste d'un saint diacre : saint Maudet ? Vers 1540.
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Il était autrefois placé à côté de la donatrice que décrit Abgrall en lancette B. Et c'est Abgrall qui l'assimile à saint Maudet "en dalmatique rouge".
Saint Maudez ou Maudet est le co-patron, après Notre-Dame, de l'église du Juch. Ce saint bien vénéré en Côte d'Armor serait venu d'Irlande au Ve siècle pour évangéliser la région et fonder un ermitage. Il est souvent représenté en évêque.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Saint_Maudez
Ici, rien ne permet de préciser son identité, mais il est tête nue, tonsuré, portant une étole sur sa dalmatique. La tête a été restaurée à la fin du XVIe siècle, en associant grisaille avec le jaune d'argent pour les ombres et les cheveux. Le visage est finement hachuré par le passage d'un pinceau large.
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La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Marie-Madeleine, la Vierge et Jean en pleurs au calvaire.
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C'est une scène culte qui se retrouve dans la plupart des Crucifixions, mais par inversion du carton, Jean se trouve soit à droite soit à gauche de la Vierge.
Les trois personnages sont nimbés d'un disque d'or rayonnant. La Vierge au centre, tête inclinée, voilée de son grand manteau bleu, portant la guimpe blanche, et vêtue d'une robe mauve, serrée par une ceinture nouée, croise les mains devant la poitrine.
Le galon de son manteau porte les lettres TCR et MOB---, en haut et NS/ONPRI/IN en bas
Le galon de la robe porte les lettres REOM.
On voit que ces lettres sont dépourvues de sens. Il est tentant pour certains esprits amateurs d'ésotérisme d'y rechercher un sens caché, ou uns signature, mais la répétition de ces lettres aléatoires sur l'ensemble du corpus de l'atelier quimpérois montre que le parti-pris est bien de créer une illusion d'inscriptions sacrées.
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La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Sainte Marie-Madeleine essuyant ses larmes.
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Marie-Madeleine (ou du moins une sainte femme, car nous ne pouvons identifier le personnage par son attribut, le flacon d'aromates ; mais les larmes lui est un second attribut ) a ses beaux cheveux blonds recouverts d'un voile qui fait retour devant sa poitrine. Et c'est sans doute de ce voile qu'elle essuie son œil gauche.
Elle porte aussi un manteau rouge et une robe verte.
En fait, un examen attentif montre que le flacon d'aromates est bien présent, mais qu'il se confond avec la robe verte. C'est bien Marie-Madeleine.
Ce geste par lequel elle essuie ses pleurs avec un linge se retrouve sur beaucoup de Déplorations finistériennes, et certainement sur des enluminures et peintures de façon générale : ce geste est encore l'un de ses attributs.
Ce premier portrait (le vitrail en recèle un grand nombre) et de portrait en pleurs (quatre au total) mérite toute notre attention. Les clichés doivent être sous-exposés pour révéler les trésors de virtuosité. Nous avons affaire à une œuvre de peinture sur verre de première force.
Le premier cliché, trop clair, montre l'élégance du trait en grisaille sombre.
Le deuxième cliché permet de les nuances d'utilisation de la sanguine (ou Jean Cousin) pour les carnations. Les cheveux sont rendus par des lignes en enlevé sur une grisaille sombre, peinte ensuite au jaune d'argent.
Le modelé du visage tient au fond ocre rose de sanguine, affaibli par estompage au dessus des pommettes, ou rehaussé par hachurage sur les joues, le menton et les ailes du nez.
Des lignes ocres soulignent les rides du front, ou l'arête du nez.
Les yeux associent le trait (de grisaille et de sanguine), les ombrages, et l'enlevé.
C'est cette technique de l'enlevé, du bout du pinceau ou avec une autre pointe, du fond de sanguine qui est utilisée pour les larmes.
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Les trois larmes.
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Cette tradition se retrouve constamment sur les Crucifixions finistériennes, mais encore faut-il la rechercher avec soin, aux jumelles puissantes ou au zoom, en ne laissant pas la lumière dissimuler ces traits blancs.
Elle est contemporaine de l'attachement de l'atelier Prigent de Landerneau (1527-1577) de placer, sous les mêmes personnages (Jean, la Vierge, Marie-Madeleine, et aussi Marie-Madeleine agenouillée au pied de la Croix) de leurs calvaires en kersanton trois larmes de pierre, fines mais s'épaississant en une goutte terminale.
Les calvaires et Déplorations de l'atelier Prigent :
Les larmes de la peinture sur verre ont le même nombre, et la même forme que celles des sculpteurs sur pierre : un long filet s'achève par une gouttelette, tout cela en blanc par enlevé de la sanguine.
Mais le peintre ajoute un très discret détail que le sculpteur peine à rendre : il trace, toujours par enlevé, un petit lac lacrymal sur la paupière inférieure en blanchissant la conjonctive.
Notre premier exemple, celui de Marie-Madeleine, n'est pas typique car seules deux larmes sont visibles. Mais les exemples suivants confirmeront ma description.
Soue l'œil gauche, l'artiste a peint la paupière humide et le début de l'écoulement d'une larme avant que le mouchoir ne vienne la tamponner.
Pour peu qu'on veuille se donner la peine de les observer, ces détails sont là, intacts depuis 500 ans, et éminemment émouvants.
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J'ai déjà signalé dans ce blog combien cette effusion lacrymale relève, non pas seulement d'un souci de réalisme, mais d'une mystique de la participation aux souffrances du Christ, où la contemplation méditative du sang versé par le Rédempteur doit susciter, en retour, chez le fidèle, le versement des larmes. Et J'ai montré comment Marie-Madeleine était le modèle proposé à l'adepte de cette devotio moderna et d'abord, avant tout, aux moines des couvents franciscains pour l'initier à une Imitation à l'empathie et à la gratitude, non pas cérébrale, mais émotionnelle.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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La Vierge éplorée.
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Le dessin au trait à la grisaille.
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La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Les nuances à la sanguine.
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La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Les trois larmes, et la paupière inférieure noyée.
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Ces clichés peuvent aussi permettre d'étudier combien le peintre est attentif au reflet cornéen, jamais stéréotypé, mais s'adaptant à la direction du regard.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Saint Jean.
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Le dessin au trait de grisaille.
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Notez aussi, parce que ce détail est presque constant en sculpture sur kersantite pour les apôtres, la fente de la robe, et son bouton.
Jean est vêtu d'un manteau rouge et d'une robe violette serrée par une ceinture. Il soutient la Vierge en enlaçant son épaule droite tandis que sa main gauche se tend, en symétrie avec le geste de Marie-Madeleine, vers le genou de Marie et le pan de son manteau.
Au dessus de son pied, on lit les lettres NORT.
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La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Le modelé à la sanguine. Les cheveux sont tracés par enlevé de grisaille.
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La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Les trois larmes.
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Le regard, comme chaviré, est emporté par l'émotion vers le haut.
Le reflet cornéen forme un arc, renforcé (sublime souci du détail infime) par une virgule blanche.
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La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
Schéma lavieb-aile juillet 2022.
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Etude comparative de saint Jean dans quelques Crucifixions.
Les larmes sont plus ou moins bien visibles, mais sont toujours là. Le même carton, ou du moins le même modèle, est réutilisé par l'atelier, parfois en le retournant. La démonstration pourrait être étendue aux autres Crucifixions avec le même résultat.
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Guimiliau
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La Roche-Maurice
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Saint-Gouezec.
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Les inscriptions du galon du manteau bleu et de la robe vieux-rose de la Vierge.
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Sur le manteau (sous réserve) :
TOR ---AOB H
NS --IONPRI --NS
NORT
sur la robe :
RL---
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Au total, comme c'est si souvent le cas sur les vitraux de Le Sodec que cela ne peut être un hasard ou un mauvaise transcription, ces séquences de lettres sont dépourvues de sens et ont une visée ornementale de trompe-l'œil.
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La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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La macédoine de la partie inférieure.
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La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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LA LANCETTE B : LE BON LARRON.
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La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Le Bon Larron tourne son visage vers le Christ pour témoigner de sa foi : un ange emporte son âme vers les Cieux.
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Là encore, la proximité avec les calvaires sculptés, notamment, par l'atelier Prigent est évidente, par la forme de la traverse, la façon de lier les larrons par les bras, mais de n'attacher qu'une seule jambe, l'autre étant brisée par les soldats. Ou encore par la culotte à crevés et par l' importante braguette nouée par des aiguillettes.
Un cavalier romain, en armure, assure la garde, la lance en main.
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La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Tête de saint Pierre (détail isolé de la scène où Pierre tranche l'oreille du serviteur du grand prêtre).
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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LA LANCETTE C : LE CHRIST EN CROIX ET MARIE-MADELEINE EN PLEURS.
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La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Dans le dais de la fin du XVe siècle, un fragment d'inscription.
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ES NON HREI
IS TUI
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La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Le Christ en croix sous le titulus INRI entre les lances, un oriflamme, et la hampe portant l'éponge de vinaigre.
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La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Les détails du visage (rides, cheveux, barbe ) sont traités en enlevé sur la grisaille et la sanguine.
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La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Le sang des plaies est soigneusement représenté à la sanguine.
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L'importance de ces représentations est considérable, car ces Crucifixions ne se comprennent que dans une dévotion aux souffrances du Christ, à leur contemplation et leur participation mystique. Au sang versé doit répondre l'écoulement des larmes, écoulement dévotionnel dont Marie-Madeleine est l'initiatrice.
Chacun de personnages représenté ici est essentiel : ceux qui font verser le sang, celui qui saigne, et les quatre saints personnages qui pleurent.
Il existe des lignes de force qui parcourent la verrière : elle vont d'une part des instruments contendants et aux gestes blessants vers les plaies, des plaies vers le sang qui s'écoule le long de la croix, et de ce sang vers le visage en larmes de Marie-Madeleine. Elles vont aussi du visage des cavaliers (qui vont se convertir) vers celui du Christ.
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La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Sur son cheval au harnachement à inscriptions, l'officier romain Longin transperce le flanc droit du Christ de sa lance.
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Longin porte sur le galon de sa tunique les lettres NOSM.
Il semble coiffé d'un turban.
Sous son bras, un morceau de verre rouge gravé.
Un fois de plus, nous pouvons admirer la maîtrise du portrait, les pommettes et le dessus des sourcils clairs et brillants, les nuances de la carnation rendues par de fines hachures, les cils détaillés, et le reflet cornéen savant sans oublier la moustache et la barbe où deux "couches" de traits blancs se superposent.
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La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Détail du harnachement doté de grelots. René Couffon les signalaient sur les verrières prototypes.
La tête du cheval est perdue. Les bandes rouges portent les lettres FNROM, sans signification.
Noter un verre rouge gravé parmi les pièces en réemploi, et un visage.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Du côté droit, le deuxième cavalier lève les yeux vers le Christ. C'est le Centenier converti, celui qui s'écrit "Celui-ci était vraiment le fils de Dieu". Il porte l'armure et le casque des officiers romains.
Ces deux cavaliers sont très fréquemment représentés de part et d'autre de la croix sur le premier croisillon des calvaires bretons contemporains. Mais alors, Longin porte un doigt à la paupière, témoignant de la guérison d'un trouble de la vue, tandis que le Centenier lève la main de façon éloquente. Ces détails sont absents sur ces verrières. Ils forment un couple emblématique, tout comme leurs montures.
Le cheval porte l'inscription INS, sans signification.
Son mors crénelé et en C ou en S se retrouve sur tous les vitraux, mais aussi sur les calvaires. Tous les chevaux de l'atelier quimpérois donnent l'impression d'être hilares.
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Néanmoins, dans la lancette D, un autre cavalier fera peut-être un Centenier plus convaincant que ce personnage en grisaille sur verre bleu clair, avec rehaut de jaune d'argent.
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La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (XVe siècle, et vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Marie-Madeleine éplorée agenouillée au pied de la croix.
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Elle étreint la croix de ses bras et de ses jambes et lèvent les yeux vers les pieds du Christ et vers le sang qui s'en écoule.
Elle est somptueusement habillée et coiffée, même si l'état fragmentaire du vitrail exige de nous un peu d'attention.
On remarquera d'abord le manteau rouge rejeté en arrière, puisque ce manteau est si caractéristique sur les calvaires des Prigent où Marie-Madeleine reprend exactement la même posture : à Pencran, Sainte-Marie-du-Ménez-Hom, Saint-Sébastien de Saint-Ségal, Dinéault, Saint-Divy, etc, etc. Et ces verrières peuvent nous permettre d'imaginer l'état de ces calvaires lorsqu'ils conservaient leur polychromie.
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Calvaire de la chapelle Sainte-Marie-du-Ménez-Hom.
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Elle porte une robe voilette (réemploi) dont les galons des manches portent les inscriptions, pour une fois presque cohérentes NISERV MARIAM.
Puis viennent des manches vertes rapportées, à crevées, une chemise fine dont le col frise sous la dentelle, une broche perlée au centre du décolleté, et enfin une coiffe (rappelant le bonnet d'Anne de Bretagne), perlée également, mais qui ne retient pas entièrement la chevelure blonde dont l'exubérance est presque un attribut de la sainte.
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J'espère que vous distinguerez sur mon cliché que les yeux sont noyés de larmes, et que celles-ci s'écoulent, exactement comme sur les trois portraits de Marie, Marie-Madeleine et Jean , sous forme de trois traits blancs partant de chaque paupière, par la technique de l'enlevé sur fond du réseau de hachures de sanguine.
Enfin, et c'est essentiel, le regard de la sainte est dirigé, non vers le sommet de la Croix, mais vers les pieds du Christ, et surtout sur le sang qui coule le long du bois.
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La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Comme pour les autres scènes, cette représentation de Marie-Madeleine est semblable à celle des autres Crucifixions, par reprise du même carton d'atelier ou du même modèle. Mais le hasard qui a présidé à la préservation ou à la détérioration des verrières, et à leurs restaurations plus ou moins invasives, nous donne une quantité de versions de la même scène. Ici, le bonnet perlé est moins visible.
Prenons l'exemple de la verrière de La Martyre :
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Marie-Madeleine au pied de la Croix, baie 0, chœur de l'église Saint-Salomon de La Martyre. Photographie lavieb-aile.
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LA LANCETTE D : LE MAUVAIS LARRON.
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La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Un diable rouge aux ailes vertes emporte l'âme damnée (non conservée) du mauvais larron vers les Enfers.
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La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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La braguette Renaissance sur les chausses à crevés, et le système d'attache de cette braguette.
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La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Au pied du gibet, un cavalier Juif (turban, oreillettes, barbe longue) tient une lance ; il esquisse un geste vers le deuxième cavalier.
À ses côtés, un autre Juif (turban et barbe), et trois soldats romains en armure.
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La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Les chevaux.
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La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Les grelots des sangles.
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La Passion (vers 1540) de la maîtresse-vitre de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
La fenêtre absidale est garnie d'une maîtresse-vitre ancienne où les dais de couronnement sont de dessin gothique. La scène principale figure le Calvaire : Notre Seigneur en croix, les deux larrons, juifs, bourreaux, cavaliers. Dans la première baie, on voit la Sainte Vierge à moitié assise, saint Jean et.la Madeleine. Derrière se trouve saint Maudet en dalmatique rouge. Une donatrice à genoux est vêtue dune robe et d'un manteau armoriés : d' azur au lion d'argent, armé et lampassé de gueules, qui est Juch ; — d'or au lion passant de gueules-, Pont-l'Abbé
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Voici quel était l'état des armoiries dans cette église, en 1678 :
« Dans l'église tréviale du Juch, ès principale vitre, il y a en éminence et en supériorité, les armes de France et de Bretagne, et plus bas, joignant les dites armes, un écusson au franc canton d'azur et un lion rampant dargent armé et lampassé de gueules, qui sont les armes de la seigneurie du Juch, quoique la dite fenêtre soit à présent au seigneur marquis de Molac
« Le reste des vitres de la dite église sont armoyées des armes du dit Juch et de ses alliances sans qu'il y ait autres écussons ny armoiries, ès dites vitres.
« Du côté de l'Epitre, joignant le petit balustre, est le banc et accoudoir du dit Le Juch armoyé de ses armes.
« Au-dessus de la porte faisant l'entrée du chantouer et supportant le dôme, il y a un écusson du dit Juch en bosse.
« Au haut du dit dôme et au niveau de la poutre, il y a un écusson des armes de Rosmadec.
« ll y a aussi au-dessus de la fenêtre de la chambre de l'église, au second pignon du midy, un écusson des armes du Juch en bosse."
— CASTEL (Yves-Pascal), 1979, Les vases acoustiques.
"Vitraux : Verrière du chevet consacrée à la Crucifixion, XVIè siècle, oeuvre exécutée à bon marché, refaite en partie (C.) ; donatrice en vêtements armoriés (Juch et Pont-l'Abbé)."
— COUFFON (René), 1945, La peinture sur verre en Bretagne, Société d'histoire et d'archéologie de Bretagne (SHAB) pages 27 à 64.
"Ce vitrail atypique peut sembler désordonné de premier abord. Cette grande crucifixion des années 1540 a été déplacée dans le chœur lors de sa reconstruction en 1688. Son aspect particulier est dû à son installation dans un emplacement qui ne lui était pas destiné et à son ré-assemblage avec d’autres vitraux. Au XXe siècle l’ensemble a été démonté pendant l’occupation allemande pour le protéger et n’a pas été remonté correctement. Il a été restauré en 1950 par Jean-Jacques Gruber, célèbre verrier de l’École de Nancy.
Les parties les plus anciennes sont les éléments architecturaux en grisaille surplombant la scène de la crucifixion (dais). Au tympan se trouvaient autrefois les armoiries des seigneurs du Juch remplacées par des pièces de vitrail éparses. Auparavant la donatrice, aux armes de Pont-l’Abbé, apparaissait en bas des lancettes ; aujourd’hui ne subsistent que quelques fragments du portrait de son époux.
La scène centrale représente la Vierge accompagnée de saint Jean et d’une sainte femme aux pieds du Christ crucifié et des deux larrons."
— GATOUILLAT (Françoise), HÉROLD (Michel), 2005, Les vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum, France VII, Presses Universitaires de Rennes, Rennes, p. 183.
— INFOBRETAGNE, Ploaré :
http://www.infobretagne.com/ploare.htm
—INFOBRETAGNE, La Jaille :
http://www.infobretagne.com/famille-jaille.htm
— LE MOIGNE (Gérard),1997, « La baronnie du Juch » Bull. Société Archéologique du Finistère, Quimper, 1997, 27 p.
Le décor de cette baie en arc brisé de 6,70 m. de haut et 3,50 m. de large est consacré, sur quatre registres, aux miracles attribués à saint Antoine de Padoue. L'ensemble est peint en grisaille et jaune d'argent, à l'exception des sols et des ciels.
Elle a été restaurée notamment en 1873 grâce aux dons de l'abbé Duménil, curé de Saint-Vincent, par l'atelier Duhamel-Marette.
Dans l'église Saint-Vincent, elle occupait la baie 5, du côté nord.
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Plan annoté des vitraux de l'ancienne église Saint-Vincent.
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Aujourd'hui, elle est installée à la droite du pan coupé orienté vers l'est, dont elle occupe toute la hauteur, à côté des verrières 5 et 6.
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photo wikipédia
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La baie 7 (vers 1520-1530) ou Vie de saint Antoine de Padoue de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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Le sujet en est original, et on peut se demander pourquoi les rouennais de Saint-Vincent ont invoqué la figure du saint franciscain de Padoue.
Alexandra Blaise propose trois explications.
1. Saint-Antoine de Padoue est considéré comme le patron des marins , des navigateurs, et des naufragés. Un miracle des poissons le fait souvent représenter avec cet attribut. Les marchands et armateurs du port de Rouen ont pu être sensibles à ce patronage, tout comme celui de saint Nicolas ou de saint Pierre . Plusieurs navires sont figurés en arrière-plan de ce vitrail.
"Les hommes dont la profession était liée à la mer constituaient une part majoritaire des habitants ou visiteurs occasionnels de la paroisse. Cela influença notablement l’iconographie des vitraux : on a pu ainsi y repérer deux saints patrons des marins – saint Antoine de Padoue (baie 7) et saint Nicolas (baie 8) à qui la chapelle nord était dédiée –, deux saints ayant un lien avec la mer – saint Pierre (baie 1), qui était pêcheur, et probablement saint Claude (baie 8) qui avait sauvé un voyageur de la noyade –, et enfin, de façon inhabituelle, une accumulation de scènes en rapport avec l’eau et les bateaux (baies 1, 7, 13)."
2. Saint Antoine illustre le thème, franciscain, de la charité, déjà central dans la baie voisine, celle des Œuvres de Miséricordes :
"Dans la chapelle nord du chœur de Saint-Vincent, deux verrières – la verrière des Œuvres de miséricorde (baie 7) et la verrière consacrée à la vie de saint Antoine de Padoue (baie 5) – développent le thème de la charité, auquel les paroissiens fortunés devaient être sensibles. Ces marchands qui accumulaient beaucoup de richesses n’étaient pas dans les meilleures dispositions pour espérer le salut. La charité était une des vertus qu’ils devaient donc s’imposer et c’est pourquoi ils faisaient de nombreux dons à leurs paroisses. La Découverte du cœur de l’usurier dans sa cassette, scène de la vie de saint Antoine de Padoue placée immédiatement à droite de la verrière des Œuvres de miséricorde, aborde précisément ce sujet : saint Antoine prône la supériorité de la richesse chrétienne sur la richesse matérielle, qui écarte toute possibilité de salut. Il est probable que la légende de ce saint, mort au début du XIIIe siècle, peu populaire dans le milieu du nord de la France et à Rouen, qui lui préférait des saints anciens et traditionnels, a été choisie en partie pour cette scène qui s’accordait parfaitement avec le thème de la verrière voisine. D’une manière générale, les qualités du saint semblaient particulièrement convenir à cette population de marchands enrichis, qui essayaient de prendre modèle sur les vertus de ce prédicateur défendant pauvreté et humilité."
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"...Les autres légendes hagiographiques représentés dans les vitraux de saint-Vincent celles de saint Antoine de Padoue (baie 5), de sainte Anne (baie 8) et de saint Pierre (baie 11), ne sont pas le reflet de dévotions personnelles de leurs commanditaires mais entrent toutes trois dans des thématiques développées semble-il par la fabrique, et sur lesquelles nous reviendrons dans notre troisième partie : le thème de la charité complété par celui de l’Immaculée Conception dans une chapelle entièrement dédiée à sainte Anne, et enfin de la défense de l’Église romaine, symbolisée par saint Pierre, face à la montée des idées luthériennes. L’intention était bel et bien de traduire des idées chères à la fabrique et aux paroissiens de Saint-Vincent. Les fidèles ayant financé les œuvres se sont donc adaptés aux thématiques que l’ensemble de la fabrique souhaitait représenter."
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3. On peut penser à l'influence de l'abbé Antoine Bohier, même si c'est à l'église Saint-Ouen qu'il voua une verrière à son saint patron :
"L’abbé Antoine Bohier (1492-1515), proche de Georges d’Amboise, poursuivit après l’abbé Guillaume d’Estouteville l’ambitieux chantier de Saint-Ouen. S’il ne put le mener à son terme, il fit avancer les travaux de la nef et l’enrichit de remarquables verrières dans les bas-côtés (vers 1508). Antoine Bohier commence par faire représenter la légende de son saint patron, saint Antoine de Padoue, dans la première baie du côté sud (baie 23)"
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Registre inférieur : Miracle de la mule qui s'agenouille devant l'hostie. Deux donatrices agenouillées.
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Une mule s'agenouille devant le Saint-Sacrement tenu par saint Antoine. À l'arrière-plan, une nef à deux mâts, semblable aux navires marchands qui fréquentent le port de Rouen, et une architecture qui évoque celles des Le Prince. La partie haute est un verre bleu, teinté de jaune par endroit. Le Querrière a remarqué que l'animal tenait plus de l'âne que de la mule. Dans les Grandes Heures d'Anne de Bretagne f.187v, c'est un cheval.
À gauche, l'hérétique, accompagné d'un témoin et d'un soldat portant une hallebarde, perd son pari, car sa mule se prosterne. Le navire au fond laisse imaginer qu'il s'agit d'un armateur. Selon l'hagiographie, la scène se déroule à Toulouse.
À droite a lieu la scène, souvent représenté sur les vitraux, de la procession du Saint-Sacrement : le prêtre (ici saint Antoine) porte l'étole, et un assistant tient un flambeau. Un couple suit les deux moines.
"Antoine disputait un jour sur la présence de Jésus dans l’Eucharistie avec un hérétique. Ce dernier lui lança un défi de prouver, par un miracle, que dans l’hostie consacrée est présent le vrai corps du Christ, et lui promit, s’il y parvenait, de se convertir à la foi catholique.
L'hérétique lui dit : « J’enfermerai ma mule pendant plusieurs jours dans mon étable, sans lui donner à manger. Je l’amènerai ensuite sur la place devant tout le monde en lui présentant du fourrage. Pendant ce temps, tu placeras l’hostie devant la mule. Si l'animal s’agenouille devant l’hostie en négligeant le fourrage, je me convertirai. »
Le jour fixé, le Saint montre l’hostie à la mule en disant :
«En vertu et au nom du Créateur que moi, bien qu’indigne, je tiens entre mes mains, je te dis, animal, et je t'ordonne de t'approcher avec humilité et de Lui prêter la vénération qui Lui est due ».
Dès qu’Antoine eut prononcé ces mots, la mule, négligeant le fourrage, baissa la tête, s'approcha de lui et s'agenouilla devant le sacrement du corps du Christ." https://www.santantonio.org/fr/content/la-mule
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La baie 7 (vers 1520-1530) ou Vie de saint Antoine de Padoue de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La baie 7 (vers 1520-1530) ou Vie de saint Antoine de Padoue de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La baie 7 (vers 1520-1530) ou Vie de saint Antoine de Padoue de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La baie 7 (vers 1520-1530) ou Vie de saint Antoine de Padoue de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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Deuxième registre : découverte du cœur de l'usurier dans une cassette.
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Sur une place entourée d'arcades, saint Antoine lit un texte (office des Morts ?) devant une chaire face à la foule des proches. Le lieu évoque l'Aître Saint-Maclou, où les morts étaient enterrés dans la cour après la bénédiction. Mais saint Antoine refuse cette bénédiction, car il a la conviction, miraculeuse, que le cœur du cadavre a été ôté.
En bas à gauche, un médecin (riche manteau, chapeau lié à son titre) vient procéder à l'autopsie, il lève le bras vers saint Antoine, sans doute pour confirmer qu'effectivement le cœur est absent du thorax. (on voit vaguement le cadavre allongé sur la pierre avec le ventre ouvert, et les organes apparents.)
En bas à droite, un homme découvre le cœur : il était placé dans la cassette (proche d'un reliquaire) remplie d'or !
Le cœur rouge est monté en chef-d'œuvre. Un cartouche porte les initiales SA sur le pilier de la maison.
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"Dans une ville, en Toscane, toute la famille est réunie pour les funérailles solennelles d’un homme très riche. Antoine est présent, ainsi que de nombreux parents et amis, lorsque, troublé intérieurement, il s’écrie : « Ce mort ne doit pas être enterré dans un lieu béni, car son corps est sans le cœur.».
Tous les présents sont bouleversés et un débat animé s’engage entre eux. À la fin, on appelle des médecins qui ouvrent la poitrine du défunt, et, effectivement, son cœur n’est pas dans son thorax. On le retrouvera, peu après dans le coffre-fort où l’homme riche conservait son argent."https://www.santantonio.org/fr/content/le-c%C5%93ur-de-l%E2%80%99avare
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La baie 7 (vers 1520-1530) ou Vie de saint Antoine de Padoue de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La baie 7 (vers 1520-1530) ou Vie de saint Antoine de Padoue de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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Troisième registre : la guérison de la jambe coupée.
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"Un jeune homme de Padoue, nommé Leonardo, avait avoué en confession d’avoir donné un violent coup de pied à sa propre mère. Antoine l’avait admonesté sévèrement en lui disant :
« Le pied qui frappe la mère ou le père mérite d'être coupé à l'instant ».
Pris de remord, le jeune homme, aussitôt retourné chez lui, se trancha le pied qui avait frappé sa mère. La nouvelle se diffusa dans toute la ville et parvint aux oreilles d’Antoine. Le saint se rendit alors chez le jeune homme et, après s’être recueilli en prière, rattacha le pied et fit sur le jeune homme un grand signe de croix.
Le jeune homme se leva aussitôt tout joyeux, et en marchant et en sautillant, il louait Dieu et rendait grâces à saint Antoine." https://www.santantonio.org/fr/content/le-pied-rattach%C3%A9
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À gauche, saint Antoine est en train de prêcher en disant SI OCULUS TU EST TUA SCANLALIZAT TE.
Cette inscription cite l'évangile de Matthieu Mt 5:29-30: Si oculus tuus dexter scandalizat te, erue eumEt si dextra manus tua scandalizat te, abscide eam ("si ton œil droit est pour toi une occasion de chute, arrache le [...] et si ta main droite est pour toi une occasion de chute, coupe la") .
Parmi l'assistance, un jeune homme est endormi ou songeur au pied de la chaire. D'autres lisent, tandis qu'un mouvement se fait parmi la foule.
Sur une tour de l'arrière-plan une lettre P est inscrite.
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La baie 7 (vers 1520-1530) ou Vie de saint Antoine de Padoue de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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Le jeune homme, rentré chez lui (deux inscriptions-signatures SA sur les piliers) se coupe la jambe ... gauche.
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La baie 7 (vers 1520-1530) ou Vie de saint Antoine de Padoue de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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Alerté, saint Antoine replace miraculeusement la jambe victime de cet excès de zèle.
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La baie 7 (vers 1520-1530) ou Vie de saint Antoine de Padoue de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
La baie 7 (vers 1520-1530) ou Vie de saint Antoine de Padoue de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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Quatrième registre : la mort de saint Antoine.
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Cartouche aux initiales SA suspendu au dessus du lit.
Trois enfants appellent des soldats en criant (phylactères)
SANCTVS EST MORTVS
SANCTVS EST MORTVS
SANCTVS ANTHEON (pour Sanctus Antonius ?)
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"L’épuisement dû à son intense travail du Carême l’obligea à accorder un temps de repos à un physique déjà éprouvé. Après Pâques, il accepta de se retirer avec quelques confrères dans la communauté de Camposampiero, à une vingtaine de kilomètres au nord de Padoue. Un certain comte Tiso, ami des Frères, lui construisit une hutte sur un grand noyer, au milieu de ses champs, où il puisse se consacrer à la prière, à la méditation et à quelques entretiens avec les gens de la campagne. C’est pendant ce séjour, qu’il eut la visite de Jésus Enfant, comme en témoignera le comte Tiso lui-même.
Le 13 juin 1231, un vendredi, au cours du repas, il est pris de malaise. Se sentant proche de la mort, il demande à être transporté dans sa communauté de Padoue. Déposé sur un char à bœufs, il est transporté à Padoue, mais les Frères le prient de s’arrêter dans le petit couvent de l’Arcella, aux faubourgs de la ville. C’est là que, murmurant ces paroles : « Je vois mon Seigneur », il meurt à l’âge d’environ 36 ans.
Quelques jours après, le mardi 17 juin, par des funérailles présidées par l’évêque et avec un grand concours de peuple, il est transporté solennellement à l’église Mère du Seigneur, et déposé en terre, dans un cercueil en bois, comme on le retrouvera plus tard, au cours de la reconnaissance canonique présidée par saint Bonaventure.
La multiplication des guérisons sur sa tombe et la dévotion des habitants de Padoue et de toute la région amenèrent le pape Grégoire IX à procéder à sa canonisation, le 30 mai 1232, fait unique dans l’histoire de la sainteté, 11 mois seulement après sa mort.
En 1946, le pape Pie XII proclamait saint Antoine de Padoue « Docteur de l’Église Universelle », au titre de Docteur évangélique." https://www.santantonio.org/fr/content/1231-la-mort
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La baie 7 (vers 1520-1530) ou Vie de saint Antoine de Padoue de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc à Rouen. Photographie lavieb-aile 2020.
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SOURCES ET LIENS.
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— BLAISE (Alexandra), Le représentations hagiographiques à Rouen à la fin du Moyen Age (vers 1280-vers 1530), Thèse d'histoire de l'art Paris IV sous la dir. de Fabienne Joubert.
—BAUDRY (Paul), 1875, L'Église paroissiale de Saint-Vincent de Rouen, par Paul Baudry. Description des vitraux (1875) pages 60-64.
— CALLIAS-BEY (Martine), CHAUSSÉ (Véronique), GATOUILLAT (Françoise), HÉROLD ( Michel) 2001, Les vitraux de Haute-Normandie, Corpus Vitrearum -p. 399-411, Monum, Éditions du patrimoine, Paris, 2001 (ISBN 2-85822-314-9) ; p. 405.
— DAVID (Véronique), 2004, Rouen, église Sainte-Jeanne d'Arc : les verrières, Connaissance du patrimoine de Haute-Normandie, coll. « Itinéraires du patrimoine », 16 p. (ISBN 2-910316-03-3)
— DELSALLE (L.), 1998, "A St-Vincent de Rouen, vitrail dit des Œuvres de Miséricorde", Bull. CDA, 1998, p. 119-130.
— LAFOND (Jean), 1958, "Les vitraux de l'église St-Vincent et l'aménagement du Vieux-Marché", Bull. AMR, 1958-1970, p. 154.
— LANGLOIS (E.H), 1832, Essai historique et descriptif sur la peinture sur verre, Rouen, page 67-68.
—LAQUERRIERE (E. De) 1843, Eglise Saint-Vincent de Rouen, les vitraux, Revue de Rouen et de Normandie vol.11 page 363.
— PERROT (Françoise ) 1995, Vitraux retrouvés de Saint-Vincent de Rouen, Catalogue d'exposition Musée des Beaux-arts, Rouen, 190 p.
— PERROT (Françoise ), « Les vitraux de l'ancienne église Saint-Vincent remontés place du Vieux-Marché » , Bulletin des Amis des monuments rouennais, 1979, p. 71-73
— PROUIN (Norbert), PRÉAUX (André), JARDIN (Anne), 1983, Rouen place du Vieux-Marché, L'Église Jeanne-d'Arc et ses vitraux, Charles Corlet, 36 p.
— RIVIALE (Laurence), 2007, Le vitrail en Normandie, entre Renaissance et Réforme (1517-1596), Presses universitaires de Rennes, coll. Corpus Vitrearum .
—RIVIALE (Laurence), 2003, « Les verrières de l’église Saint-Vincent de Rouen remontées à Sainte-Jeanne d’Arc », Congrès archéologique de France, 161e session, 2003, Rouen et Pays de Caux, Paris, Société archéologique de France, 2006, p. 262-268.
"Jusqu'en 1541, Anne de Montmorency, nommé premier gentilhomme de la chambre du roi, va connaître la faveur royale et une carrière éclatante. Il est à Marignan en 1515 mais aussi à la bataille de La Bicoque, près de Milan, en 1522, où sa bravoure lui vaut d'être nommé maréchal, et au désastre de Pavie en 1525, où il est fait prisonnier. Libéré contre rançon, il rejoint la France alors que le roi est prisonnier à Madrid, et aide la Régente, Louise de Savoie à l'administration du royaume. Elle favorisera, en 1527, son mariage avec Madeleine de Savoie, union qui contribuera à faire de lui un des plus riches propriétaires de France, et le père de 12 enfants. Grand Maître de France en 1526 (il est responsable de tous les services de la maison du roi), il est enfin nommé Connétable en 1538, c'est-à-dire chef suprême des armées, auquel est accordé l'insigne honneur de porter l'épée du roi.
Sa disgrâce, brutale, vient en 1541. Jouant un rôle actif dans la diplomatie française et conseiller de François 1er sur les affaires italiennes, il a prôné la confiance en Charles Quint, persuadant le roi que l'empereur lui rétrocéderait le Milanais. Erreur funeste : celui-ci en fait don à son fils, l'infant Philippe. Le Connétable ne reparaîtra plus à la cour jusqu'à la mort de François 1er, le 31 mars 1547. Tel le phénix, il renaît alors de ses cendres, plus glorieux qu'auparavant.
L'attachement qu'Henri II, le nouveau souverain lui porte est un fait aussi avéré qu'étonnant. " Ne vous voyant pas, les jours me durent des années " écrit le jeune roi à son aîné de 26 ans. Leur entente ne se démentira jamais et Écouen possède de nombreuses traces des visites d'Henri II.
En 1551 le roi élève la baronnie de Montmorency en duché-pairie, la considérant comme la première de France. Si ce n'était le clan des Guise (Claude, le duc et son frère, le cardinal de Lorraine), qui sont ses indéfectibles rivaux à la cour et reprendront une influence importante sous le règne de François II (1559-1560), l'emprise du connétable sur la politique du royaume serait entière. Cette loyauté indéfectible, bâtie sur un caractère réputé cassant, a néanmoins souvent montré un net défaut de clairvoyance. Catholique convaincu, défenseur intransigeant de la royauté, Anne de Montmorency l'imagine toujours menacée, notamment par la Réforme, dont manifestement il ne comprend pas l'enjeu.
L'accession au trône de Charles IX (1560-1574) voit son retour en grâce et son engagement virulent contre les Protestants.
Il mourra en novembre 1567, à la tête de l'armée royale qui affronte celle des Huguenots, dans la plaine de Saint-Denis. Il avait 74 ans. Henri II avait désiré être enterré auprès de lui, mais Anne de Montmorency avait décliné l'honneur d'une sépulture à Saint-Denis. Il fut donc inhumé dans la collégiale de Montmorency (de son tombeau, il ne reste aujourd'hui que son priant et celui de son épouse). Mais son coeur fut déposé aux côtés de celui de son roi, dans la chapelle de l'église des Célestins à Paris. Barthelemy Prieur sculpta, sur un projet de Jean Bullant, la colonne torse ornée de motifs végétaux et accompagnée de statues allégoriques, au sommet de laquelle reposait le cœur de celui dont la devise Aplanos, " tout droit ", n'avait jamais failli au trône." (Musée de la Renaissance)
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Le château d'Écouen. Photographie lavieb-aile.
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LA CHAPELLE DU CHÂTEA D'ÉCOUEN.
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La chapelle occupe le pavillon sud-est.
Jean Goujon, "architecte du connétable", intervient en 1542-1544, notamment sur le décor de la chapelle. Influencé par les nouveautés de la Seconde Renaissance, la tradition antique et les traités de Sebastiano Serlio, il laisse notamment sa marque sur le décor en bois de la chapelle.
Ce décor, aux douze panneaux de marqueterie représentant les apôtres, a été remonté dans la chapelle du château de Chantilly.
L'absence de sources écrites ne permet pas une datation précise, mais trois dates permettent de la préciser : celle de 1544 sur les vitraux, de 1545 au revers d'un cartouche du garde-corps de la tribune, et de 1548, sur un lambris remonté à Chantilly.
Entre 1550 et 1552, Jean Bullant prend la direction du chantier, en particulier pour l'autel de la chapelle.
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Un remarquable panoramique interactif de cette chapelle est proposé sur le site du Musée de la Renaissance, et cet article ne saurait lui faire concurrence : j'engage chacun à s'y reporter.
CLIQUEZ SUR LES IMAGES.
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Chapelle (vers 1550) du château d'Écouen. Photographie lavieb-aile.
Chapelle (vers 1550) du château d'Écouen. Photographie lavieb-aile.
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La voûte de la chapelle : l'emblématique du Connétable et de Madeleine de Savoie.
Elle allie la voûte d'ogives et des voûtains très plats, et son décor peint est entièrement consacré à l'emblématique d'Anne de Montmorency, alliée aux emblèmes royaux de François Ier et Henri II.
On la comparera à celle de la chapelle de Chantilly.
" Le 10 février 1538, devant la cour réunie au palais ducal de Moulins, Anne de Montmorency reçoit l'épée de connétable des mains de François Ier, récompense de ses succès militaires et plus encore de son action à la tête d'une grande partie des affaires du royaume. Tout comme sa nomination comme Grand Maître de France et son mariage avec Madeleine de Savoie, fille de son prédécesseur et nièce de Louise de Savoie, l'avait amené à rénover son château de Chantilly, le nouveau connétable décide de reconstruire entièrement son château d'Écouen afin de marquer son rang et sa place à la cour."
" Le château est conçu pour recevoir le roi, la reine et la cour. Son plan, moderne et audacieux, quadrangulaire avec quatre pavillons saillants et une distribution intérieure innovante, porte l’ambition de mettre en valeur le protocole et la dignité de ses invités, car Montmorency, également grand maître de France, a la charge d’organiser la vie de la cour. Hélas pour lui, en 1541, alors que l’édification du château est commencée depuis trois ans, le connétable est disgracié par François Ier sur des querelles de politique étrangère et sur des intrigues de cour. Durant les six années de disgrâce, Montmorency partage sa vie entre Écouen et Chantilly, sans reparaître à la cour."
"Il lui faut attendre la mort du roi en 1547 pour qu’Henri II le rétablisse dans toutes ses prérogatives. Dès lors sont modifiés les façades du château et les escaliers qui mènent aux appartements du roi, et les cheminées reçoivent leur décor peint, exécuté vers 1550 par l’équipe de Jean Cousin. Le style d’Écouen présente une transition entre l’art très orné des châteaux de la Loire et la période classique, très respectueuse des canons de l’architecture antique selon Vitruve, en vogue sous le règne d’Henri II. Après Fontainebleau, Ancy-le-Franc et Oiron, Écouen est l’un des châteaux peints les mieux conservés de la Renaissance française." (T. Crépin-Leblond)
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Chapelle (vers 1550) du château d'Écouen. Photographie lavieb-aile.
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Au centre : les armoiries d'Anne de Montmorency, pleines vers l'est (fenêtre) et mi-parti de Savoie-Montmorency, de Madeleine de Savoie, vers la tribune d'orgues.
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Anne de Montmorency : d'or à la croix de gueules cantonnée de seize alérions d'azur ordonnés 2 et 2.
Madeleine de Montmorency : mi-parti Montmorency et Savoie, de gueules à la croix d'argent.
Suite à une restauration au siècle dernier, les armoiries d'Anne de Savoie ont été inversées.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Madeleine_de_Savoie
Chapelle (vers 1550) du château d'Écouen. Photographie lavieb-aile.
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Sur l'une des clefs de voûte, l'écu armoirié d'Anne de Montmorency, couronné, entouré du collier de l'Ordre de Saint-Michel et encadré de l'emblème d'Anne, l'épée en dextrochère .
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La couronne n'est pas conforme au modèle des barons, premier titre d'Anne de Montmorency, mais ce n'est pas non plus la couronne ducale. En 1551 le roi élève la baronnie de Montmorency en duché-pairie, la considérant comme la première de France.
Avec ses créneaux, elle se rapproche de la couronne de la capitale. Ces approximations sont certainement liées aux restaurateurs du XIXe siècle.
https://www.wikiwand.com/fr/Baron_(noblesse)
Le collier est celui adopté par François Ier après son avènement en 1515. Le premier collier institué par Louis XI représentait des « doubles las » comme des aiguillettes formant des doubles nœuds, alors que le second alterne les coquilles avec une double cordelière. Ce dernier motif renvoie à la cordelière des franciscains (ordre de saint François) ou à celle de la maison de Savoie, d’où est issu sa mère Louise de Savoie. À ce collier est suspendu un médaillon où saint Michel terrasse le dragon. Saint Jacques n'est pas oublié avec les coquilles, bien que celles-ci renvoient aussi au pèlerinage du Mont-Saint-Michel.
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L'ensemble est porté par un cartouche à cuir découpé enroulement, motif d'origine italienne qui apparaît en France dans le décor de la Galerie François Ier du château de Fontainebleau après 1539., et appartient ensuite au vocabulaire de la Seconde Renaissance.
Anne de Montmorency était un habitué du château de Fontainebleau où il avait ses appartements.
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Chapelle (vers 1550) du château d'Écouen. Photographie lavieb-aile.
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Sur l'autre clef de voûte, l'écu armoirié de Madeleine de Savoie, couronné, entouré de la cordelière franciscaine et présenté par un ange.
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La cordelière est un peu l'équivalent pour les femmes du collier d'un Ordre, qui aurait été fondé par Anne de Bretagne en l'honneur de la dévotion de son père François pour son saint patron et pour l'Ordre des Franciscains. On la trouve souvent autour des écus féminins. Mais c'est aussi, et surtout ici, un hommage à Louise de Savoie, tante de Madeleine et mère de François Ier.
À nouveau, les armes de Madeleine de Savoie sont inversées, les armes du mari (Montmorency) étant en règle à notre gauche.
Voir à la chapelle de Chantilly les armes correctes.
Chapelle (vers 1550) du château d'Écouen. Photographie lavieb-aile.
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Les voûtains.
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On y trouve de chaque côté le "chiffre" d'Anne, les initiales A et M entrelacées, traversées par l'épée propre au rang de Connétable (chef des armées), encadrées par les alérions de ses armoiries, et sommé par la couronne.
Puis viennent des dextrochères (bras ou ici poignet droit, protégé par l'armure et tenant l'épée) au dessus des fourreaux de ces épées, munis de leur baudrier.
Au centre, deux cartouches emblématiques, l'un honorant le roi et l'autre le connétable, entourent l'épée.
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Chapelle (vers 1550) du château d'Écouen. Photographie lavieb-aile.
Chapelle (vers 1550) du château d'Écouen. Photographie lavieb-aile.
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Le cartouche honorant François Ier (la salamandre et la devise NUTRISCO ET EXTINGUO).
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Ce qui m'intéresse ici n'est pas cette salamandre, ou la devise qui l'accompagne et la commente (Je nourris et j'éteins), mais le cartouche.
En effet, c'est une évolution tardive, complexe et marquée par l'orfèvrerie ou la ferronnerie du modèle initial, le cuir , imitant une peau tannée avec l'enroulement de ses bords et les découpes des membres. Il n'en garde que quatre rouleaux de courbures inversées. Nous passons donc à des cartouches qui imitent le travail du métal.
Le fond est un ovale, découpé à ses sommets, et où se superposent deux bras imitant le bronze doré, soutenus par deux termes anthropomorphes, et complétés en bas par une anse à coquille. En haut et en bas, nous retrouvons les alérions emblématiques du connétable.
J'ai consacré de multiples articles aux cartouches Renaissance, et aux termes, cariatides et atlantes tant prisés par les ornemanistes de la Seconde Renaissance.
Chapelle (vers 1550) du château d'Écouen. Photographie lavieb-aile.
Chapelle (vers 1550) du château d'Écouen. Photographie lavieb-aile.
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Le cartouche honorant Anne de Montmorency: sa devise APLANOS.
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Nouvel exemple de ces cartouches "métalliques" (je dirais presque "de quincaillerie"), mais enrichis ici de rubans factices à glands de passementerie.
L'épée du connétable est au centre, ses alérions sont présents. Deux allégories tiennent une palme et une fine couronne.
La devise (le "mot") APLANOS signifie "tout droit, sans dévier".
Les collections du Musée contiennent une serrure où un cartouche renferme le même "mot", mais avec un N retrograde.
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Entrée de serrure avec la devise "Aplanos" de Anne de Montmorency Photo (C) RMN-Grand Palais (musée de la Renaissance, château d'Ecouen) / Adrien Didierjean
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Voir aussi ce vitrail :
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Deux anges présentant les armes d'Anne de Montmorency, Paris, vers 1557, par Nicolas Beaurain. Photographie lavieb-aile.
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Chapelle (vers 1550) du château d'Écouen. Photographie lavieb-aile.
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Le cartouche honorant Anne de Montmorency: sa devise APLANOS associée aux 3 croissants emblématiques de Henri II, ajoutés secondairement.
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Le roi Henri II possédait à Écouen sa chambre, où on admire encore son chiffre et ses trois croissants peints sur les poutres du plafond.
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Chapelle (vers 1550) du château d'Écouen. Photographie lavieb-aile.
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Cartouche présentant la sentence FIDUS ET VERAT IN IUSTICIA IUDICAT ET PUGNAT.
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"Celui qui fiable et véridique en justice juge et combat".
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Chapelle (vers 1550) du château d'Écouen. Photographie lavieb-aile.
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Les quatre docteurs de l'Église.
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Aux quatre angles de la chapelle, à la retombée des voûtes, des niches abritent les statues de quatre Pères de l'Église. Ces statues en pierre et terre cuite polychrome mesurent 1, 50 m. de haut, elles sont presque de taille réelle.
Chaque personnage est placé sous l'attribut de l'un des évangélistes.
Le site du Musée soulève l'hypothèse que ces statues puissent être l'œuvre des Juste, venus de Florence.
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Saint Jérôme sous le lion ailé de saint Luc.
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Il tient un livre, la Vulgate ou traduction de la Bible dont il est l'auteur, et les fiocchi de son chapeau de cardinal, de façon anachronique. ("En 383, le pape Damase Ier le choisit comme secrétaire et lui demande de traduire les quatre Évangiles en latin. La marque de confiance que le pape lui avait accordée à cette occasion explique que la tradition et l'iconographie lui reconnaissent la qualité de cardinal, bien que l'institution cardinalice n'ait pas encore reçu, à l'époque, la définition précise que lui conférera au XIe siècle la réforme grégorienne.")
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Chapelle (vers 1550) du château d'Écouen. Photographie lavieb-aile.
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Saint Augustin.
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Sous l'aigle de Jean , il tient ses écrits (la Cité de Dieu, ses Confessions, ...) alors que sa mitre d'évêque d'Hippone est posée à ses pieds.
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Chapelle (vers 1550) du château d'Écouen. Photographie lavieb-aile.
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Saint Grégoire.
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Il a perdu la crosse d'évêque de Nysse.
L'ange de saint Matthieu est au dessus de lui.
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Chapelle (vers 1550) du château d'Écouen. Photographie lavieb-aile.
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Saint Ambroise.
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Il est dominé par le Taureau ailé de saint Marc. Il tient sa crosse d'évêque de Milan.
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Chapelle (vers 1550) du château d'Écouen. Photographie lavieb-aile.
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La Vierge à l'Enfant, mosaïque de Davide Ghirlandaio, Florence 1496.
La verrière de la Vie de saint Jean-Baptiste (Engrand Le Prince 1525-1526), baie 5 de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc de Rouen provenant de l'église Saint-Vincent.
Cette baie à 4 lancettes trilobées et un tympan à 6 soufflets et 6 mouchettes est la 5ème en partant de la gauche. C'est la première, et la plus large, du pan court orienté vers l'est et qui comporte 4 baies, dans cet angle où est situé l'autel.
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Article Wikipédia, photo Chabe01 sous licence CC BY-SA 4.0
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Elle mesure 6,65 m. de haut et 3,24 m. de large et le décor de ses lancettes est organisé en deux registres de deux épisodes, le registre supérieur consacré à la prédication de Jean-Baptiste puis au Baptême du Christ, et le registre inférieur consacré à la mort du saint. Le tympan illustre la naissance et l'enfance de Jean-Baptiste.
L'auteur en est Engrand Le Prince, comme l'indique les initiales portées au tympan et sur les deux scènes du registre inférieur, et les dates de 1525-1526 sont inscrites dans le décor de la danse de Salomé.
Ce maître-verrier, membre le plus illustre de l'atelier Le Prince de Beauvais a également réalisé la baie 3 ou vitrail des Chars entre 1522 et 1524, et la baie 6 ou verrière des œuvres de Miséricorde vers 1525. "Leurs œuvres témoignent d'une virtuosité incomparable dont les qualités ne sont plus à démontrer : dynamisme des compositions, éclat et subtilité des couleurs, raffinement dans la technique de peinture et surtout maîtrise incomparable du jaune d'argent ; le peintre-verrier obtient le modelé par contraste des différentes valeurs du jaune d'argent, allant du citron à l'orangé, et le verre nu laissant à la lumière toute son intensité. Damas et dinanderies sont également traités par l'emploi exclusif du jaune d'argent sans trait préalable cernant les contours." (Callias-Bey p. 402)
Ce blog consacre plusieurs articles à cet atelier.
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LE REGISTRE SUPÉRIEUR.
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Cliquez sur les images.
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Les deux lancettes de gauche : la prédication de saint Jean-Baptiste.
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La prédication de saint Jean a lieu dans une forêt peuplée d'animaux et d'oiseaux.
Saint Jean parle depuis une "chaire" édifiée entre deux arbres par des branches entrecroisées en palissade. Barbe et cheveux longs, il est nimbé, et vêtu de sa peau de chameau (jaune) et d'un grand manteau rouge dont le pan s'envole au vent. Ses pieds sont nus, l'un cavalièrement posé sur la fourche du tronc. Il trace avec le pouce et l'index le geste de l'argumentation oratoire.
On voit à ses pieds des fleurs bleues, jaunes et rouges, un lapin, un cerf, et un lion. Ce lion reproduit celui de la gravure de Dürer "saint Jérôme dans sa cellule".
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Discussion iconographique.
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Le thème de la "prédication" (ou "sermon") de saint Jean-Baptiste trouve sa source dans les évangiles, notamment en Matthieu III : 1-12 :
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"En ce temps-là parut Jean Baptiste, prêchant dans le désert de Judée. Il disait: Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche. Jean est celui qui avait été annoncé par Ésaïe, le prophète, lorsqu'il dit: C'est ici la voix de celui qui crie dans le désert: Préparez le chemin du Seigneur, Aplanissez ses sentiers. Jean avait un vêtement de poils de chameau, et une ceinture de cuir autour des reins. Il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. Les habitants de Jérusalem, de toute la Judée et de tout le pays des environs du Jourdain, se rendaient auprès de lui; et, confessant leurs péchés, ils se faisaient baptiser par lui dans le fleuve du Jourdain.
"Mais, voyant venir à son baptême beaucoup de pharisiens et de sadducéens, il leur dit:Races de vipères, qui vous a appris à fuir la colère à venir? Produisez donc du fruit digne de la repentance, et ne prétendez pas dire en vous-mêmes: Nous avons Abraham pour père! Car je vous déclare que de ces pierres-ci Dieu peut susciter des enfants à Abraham. Déjà la cognée est mise à la racine des arbres: tout arbre donc qui ne produit pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu.
"Moi, je vous baptise d'eau, pour vous amener à la repentance; mais celui qui vient après moi est plus puissant que moi, et je ne suis pas digne de porter ses souliers. Lui, il vous baptisera du Saint Esprit et de feu. Il a son van à la main; il nettoiera son aire, et il amassera son blé dans le grenier, mais il brûlera la paille dans un feu qui ne s'éteint point."
"Selon ce qui est écrit dans Ésaïe, le prophète: Voici, j'envoie devant toi mon messager, qui préparera ton chemin; c'est la voix de celui qui crie dans le désert: préparez le chemin du Seigneur, Aplanissez ses sentiers.
Jean parut, baptisant dans le désert, et prêchant le baptême de repentance, pour la rémission des péchés. Tout le pays de Judée et tous les habitants de Jérusalem se rendaient auprès de lui; et, confessant leurs péchés, ils se faisaient baptiser par lui dans le fleuve du Jourdain.
Jean avait un vêtement de poils de chameau, et une ceinture de cuir autour des reins. Il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage.
Il prêchait, disant: Il vient après moi celui qui est plus puissant que moi, et je ne suis pas digne de délier, en me baissant, la courroie de ses souliers. Moi, je vous ai baptisés d'eau; lui, il vous baptisera du Saint Esprit.
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— Le désert de Judée (deserto Judacaea) est un lieu montagneux entre Jérusalem et la Mer Morte et le Jourdain, fleuve qu'il surplombe dans sa pointe nord. Le séjour de Jean-Baptiste dans "les déserts" est également indiqué par Luc 1:80, mais ce séjour précède le temps où le saint "se présente devant Israël".
Le terme grec est ἐρῆμος , eremos et il revient mainte fois dans les évangiles (à propos de Jean-Baptiste mais aussi de Jésus), dans les Actes, les Epîtres et l'Apocalypse.
Le paysage de forêt représenté par Engrand Le Prince, puis d'autres peintres, relève de la tradition iconographique dans laquelle le "désert" est un lieu inhabité et sauvage voué à la solitude. Ce rapport entre la forêt et l'adjectif "sauvage" existe dans l'étymologie reliant "sauvage", salvaticus, silvaticus , et silva, "forêt". C'est la justification de la présence des bêtes sauvages, le cerf, le lion, voire le lapin s'il s'agit d'un lièvre, et des oiseaux.
Jean 1:28 situe l'endroit où Jean baptisait les Juifs à "Béthanie au delà du Jourdain", assimilé par certains à Bathanée, ou Ectabane. En Jean 1:23, le saint se désigne ainsi : "je suis la voix qui crie dans le désert".
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— La tenue vestimentaire de Jean-Baptiste est précisée dans le texte : un vêtement en poils de chameau et une ceinture de cuir. Le peintre a bien montré une sorte de peau de chameau (c'est une vieille tradition de l'art occidental où les pattes ou la tête sont parfois détaillées), mais il l'a largement recouvert d'un glorieux manteau rouge qui n'est pas fidèle au texte évangélique. Est-ce une façon de présenter Jean-Baptiste comme le Précurseur du Christ, celui-ci étant traditionnellement figuré nu sous le manteau rouge de la Résurrection ?
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— De quel prêche s'agit-il ? Les textes nous proposent plusieurs thèmes :
Celui de l'annonce d'un Seigneur, où Jean réalise la prophétie d'Esaïe 40:3
Celui de l'appel au repentir, "car le royaume des cieux est proche", et au baptême de repentance par immersion dans le Jourdain
Celui qui critique durement les pharisiens et sadducéens.
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Le peintre a placé devant le prédicateur huit auditeurs, dont un moine, des hommes et femmes en costume François Ier. Les deux hommes (dont un riche seigneur en bonnet à plume) discutent avec des gestes expressifs, les femmes ont amené des livres. Nous ne pouvons deviner quel thème du prêche est illustré ici, et cela semble plutôt une transposition d'une prédication contemporaine portant sur les sujets épineux de théologie qui vont conduire à la Réforme.
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Quand et comment ce sujet de la prédication de Jean-Baptiste a-t-il été illustré?
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Si j'interroge Wikipédia, je suis conduit à un tableau peint par Pieter Bruegel l'Ancien en 1566. Le commentaire mentionne que
"Ce n'est qu'à partir du xvie siècle que saint Jean-Baptiste est figuré en prédicateur. Il se tient ici loin à l'arrière plan, mais l'attention dont il fait l'objet et la tribune que lui offre la nature pour prêcher suffisent à le mettre en évidence. De la main gauche, il semble annoncer l'importance de Jésus qui se tient légèrement à l'écart. Jean est ainsi représenté à la fois en prédicateur ambulant, maître de Jésus, et prophète annonçant la venue du Messie. La foule s'est réunie sur la lisière d'une épaisse forêt pour entendre la parole de l'ascète, qui apparaît au fond."
Lucas Cranach le jeune peint une Prédication en 1549 : dans une forêt, saint Jean juché sur la souche d'un tronc parle derrière une branche formant balustrade, comme à Rouen, mais le public est très différent, fait de soldats et de notables arrogants et dubitatifs. Le contraste entre le dénuement du saint et la richesse et la puissance des bourgeois et de la troupe est accentué.
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Lucas Cranach le Jeune, la Prédication de saint Jean-Baptiste, 1549
Jost Haller, vers 1445 représente la scène sur un retable de l’église de la commanderie des Chevaliers de Saint-Jean de Bergheim ou Tempelhof (aujourd'hui au musée Unterlinden de Colmar). La scène se déroule aussi dans une forêt, devant un public de villageoises et villageois, mais Jean désigne clairement du doigt le Christ, qui est figuré au centre.
Un autre retable conservé au musée Unterlinden de Colmar date de 1526, le Retable de saint Jean-Baptiste, école du Danube, origine Allemagne du sud . La scène se passe dans un paysage désertique, mais, comme dans la verrière d'Engrand Le Prince, Jean prêche derrière une balustrade de branches assemblées. "Ces panneaux retracent les principaux épisodes de la vie de saint Jean-Baptiste, la Prédication, le Baptême du Christ, la confrontation à Hérode et Hérodiade, la Décollation, et Salomé présentant sa tête à Hérodiade. Ces cinq éléments sont surmontés d’un panneau représentant Dieu le Père. Le retable ainsi constitué, hors de son cadre d’origine, semble complet. L’artiste s’est inspiré de gravures sur bois pour deux compositions, une oeuvre de Dürer (1511) dans « Salomé présentant la tête de saint Jean-Baptiste» et d’Altdorfer (1512) pour la « Décollation ». Ces influences suffisent à rattacher cette oeuvre au courant stylistique qualifié d’Ecole du Danube auquel ont participé Cranach, Hans Baldung Grien, Dürer et Altdorfer. Dans les années 1510-1530, ces artistes de la région du Danube ont cherché à traduire émotions et sentiments, non par la seule présence humaine, mais en l’insérant dans une nature dont la représentation – formes, couleurs, lumières – participe aussi à l’évocation d’états d’âme."
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Le peintre flamand Joachim Patenier (1483-1524) réalisa aussi un Paysage avec prédication de saint Jean-Baptiste, qui mérite notre intérêt car Patenier est un ami de Dürer. Or les vitraux d'Engrand Le Prince comporte plusieurs motifs inspirés de Dürer, à Beauvais comme à Rouen.
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Enfin, il me paraît intéressant de mentionner, pour la proximité de temps avec notre vitrail, et la proximité de lieu, la tenture réalisée en 1516 pour l’église Saint-Jean-Baptiste d’Angers et actuellement conservée à la cathédrale d'Angers.
Cette tenture a été commandée au maître lissier Guillaume de Rasse en 1516 pour Jean Hector, recteur de l’église Saint-Jean-Baptiste d’Angers. Les cartons en sont attribués à Gauthier de Campes. Elle devait comporter à l’origine 7 tapisseries mais seules 4 sont actuellement connues. Deux épisodes y sont juxtaposés, séparés par des pilastres ornés de très beaux motifs de grotesques . La Burrell collection de Glasgow conserve Saint Jean-Baptiste s’adressant à la foule, aux publicains et aux soldats.L’Annonce à Zacharie et La Visitation est probablement la seule pièce complète.
Saint Jean-Baptiste devant les Prêtres et les Lévites a été achetée par l'Etat en 2015 pour rejoindre le trésor de la cathédrale.
On y lit les mots : Misericorde/ de l'agniau de cõcorde / et verite joie par le pur lan---
et le cartouche indique Ego sum vox clamantis in deserto.
Sur la tapisserie conservée à Glasgow, et qui est aussi une "prédication", Jean-Baptiste a le geste d' argumentation avec l'index droit posé sur le pouce gauche, comme sur le vitrail de Rouen.
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Saint Jean-Baptiste s’adressant à la foule, aux publicains et aux soldats. Copie d'écran Burrel collection, Glasgow.
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Détail dans le volume VI du Corpus vitrearum , qui montre la précision de la peinture, dont je n'ai pu rendre compte avec mes photos.
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Les deux lancettes de droite : le Baptême de Jésus dans le Jourdain.
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La tête et la partie inférieur du corps du Christ ont été restaurées vers le milieu du XVIe siècle. La tête de Dieu et peut-être celle de Jean-Baptiste ont été restaurées.
Inscription HIC EST FILIUS MEUS DILLECT9 IN QUO MICHI BENE [COMPLACUI]
C'est une citation de Matthieu 3:17 : "Et voici, une voix fit entendre des cieux ces paroles: Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis toute mon affection." Le verset précédent dit : "Dès que Jésus eut été baptisé, il sortit de l'eau. Et voici, les cieux s'ouvrirent, et il vit l'Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui."
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Deux anges tiennent la tunique du Christ. Un homme nu se prépare à être baptisé, un autre sort du fleuve et s'essuie les pieds, un couple arrive, portant un enfant.
Dans le fond, un château, de style plus rhénan que normand.
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LE REGISTRE INFÉRIEUR.
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À gauche : la décollation de Jean-Baptiste ; sa tête est remise à Salomé sur un plat.
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La tête de Salomé et celle des suivantes ont été restaurées.
Les manches à crevés de Salomé donnent un technique de gravure sur verre rouge.
Les jambes des bourreaux sont toujours nues, et leur chemise ne doit pas entraver leur geste technique. Un assistant tient une épée (de rechange ?), pointe vers le haut.
Le spectacle d'une décollation est toujours très couru, et on voit deux couples de spectateur accoudés à leur fenêtre pour en profiter.
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Au dessus de la porte d'où provient Salomé, on lit les initiales LP correspond à la signature de Le Prince.
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Aux pieds de Salomé bondit son petit chien blanc. Cet animal de compagnie, presque toujours blanc, est très fréquemment associé, sur les vitraux du XVIe siècle, à la représentation des cours seigneuriales.
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Un ange tourne vers lui un écu portant, non des armoiries, mais les initiales MP reliées par un lacs d'amour. Les auteurs du Corpus vitrearum rapportent (avec un point d'interrogation) l'hypothèse d'y voir les initiales de Marion Le Pilleur. En effet cette famille possédait sa tombe dans l'église Saint-Vincent :
Dans la ligne du milieu de la nef, [...].
Au-dessus , beau fragment de la pierre tumulaire de Jehan Le Pilleur, marchand et bourgeois de Rouen, et de sa femme, tous deux sous de très riches dais gothiques. Il n'y a plus que la moitié de cette pierre colossale, autour de laquelle on lit, en caractères gothiques : "Cy gissent honorable home Jehan Le Pilleur marchant et bourgois de Rouen"..... Le reste illisible ou tronqué.
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Mais le lacs d'amour réunit souvent les initiales des prénoms d'un couple (ici à Champeaux). Jacques Le Lieur les utilise aussi comme rébus de son nom dans ses manuscrits.
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À droite : Danse de Salomé devant Hérode, et Hérode et Hérodiate attablés.
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Le bras gauche d'Hérodiate a été restauré, et une pièce de damas a été utilisé en bouche-trou dans son costume.
La danse de Salomé, signalée manquante par La Quérière en 1844, a été réalisée en 1869 pour remplacer des bouche-trous. Le sujet d'origine était Salomé présentant le chef de saint Jean-Baptiste à Hérode et Hérodiate, comme sur la copie de cette verrière exécutée en 1535 par Mausse Heurtault pour l'église Saint-Ouen de Pont-Audemer.
On retrouve les petits chiens blancs (ou un chat blanc).
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Détail dans le volume VI du Corpus vitrearum page 404 : le roi Hérode.
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Détail de l'architecture avec l'inscription de la date 152 [5].
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L'ensemble de la verrière a été restauré et complété en 1869 par Duhamel-Marette grâce aux dons de "Mrs et Melle Dutuit" (inscription en bas à gauche).
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LE TYMPAN.
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1°) Soufflet supérieur et du centre gauche : annonce de l'ange (en haut) de la naissance de Jean-Baptiste à son père Zacharie agenouillé devant l'autel.
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Inscription ZACHARIE sur l'autel.
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2°) Visitation (soufflet droit) : rencontre d'Elisabeth, alors enceinte de Jean-Baptiste, avec Marie (nimbée) enceinte de Jésus, cousin de Jean-Baptiste.
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Fond architecturé.
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3°) Départ de la maison paternelle : soufflet inférieur gauche.
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4°) Jean-Baptiste Précurseur désignant le Christ comme Agneau de Dieu. Soufflets médian et droit.
Jean-Baptiste, assis dans un paysage forestier désigne à des disciples (un couple, un enfant et un homme) un agneau portant l'étendard de la croix sous l' inscription Agnus Dei.
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5°) Les mouchettes peintes en grisaille et jaune d'argent : motifs décoratifs Renaissance à rinceaux, médaillons à l'antique et cartouches. Deux anges tiennent des cartouches aux initiales LP (Le Prince).
"LP" est la lecture des auteurs du Corpus vitrearum. Je lis pour ma part les initiales "ALP" avec certitude. La forme Angrand Le Prince pour Engrand ou Enguerrand Le Prince est attestée, notamment en signature ALP d'une baie de Saint-Etienne de Beauvais.
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SOURCES ET LIENS.
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—BAUDRY (Paul), 1875, L'Église paroissiale de Saint-Vincent de Rouen, par Paul Baudry. Description des vitraux (1875) pages 60-64.
— BLONDEAU (Caroline), "L'escu de voirre", le vitrail à Rouen 1450-1530
— CALLIAS-BEY (Martine), CHAUSSÉ (Véronique), GATOUILLAT (Françoise), HÉROLD ( Michel) 2001, Les vitraux de Haute-Normandie, Corpus Vitrearum -p. 399-411, Monum, Éditions du patrimoine, Paris, 2001 (ISBN 2-85822-314-9) ; p. 495
— DAVID (Véronique), 2004, Rouen, église Sainte-Jeanne d'Arc : les verrières, Connaissance du patrimoine de Haute-Normandie, coll. « Itinéraires du patrimoine », 16 p. (ISBN 2-910316-03-3)
— DELSALLE (L.), 1998, "A St-Vincent de Rouen, vitrail dit des Œuvres de Miséricorde", Bull. CDA, 1998, p. 119-130.
— LAFOND (Jean), 1958, "Les vitraux de l'église St-Vincent et l'aménagement du Vieux-Marché", Bull. AMR, 1958-1970, p. 154.
— LANGLOIS (E.H), 1832, Essai historique et descriptif sur la peinture sur verre, Rouen, page 67-68.
—LAQUERRIERE (E. De) 1843, Eglise Saint-Vincent de Rouen, les vitraux, Revue de Rouen et de Normandie vol.11 page 131 et 359.
— PERROT (Françoise ) 1995, Vitraux retrouvés de Saint-Vincent de Rouen, Catalogue d'exposition Musée des Beaux-arts, Rouen, 190 p.
— PERROT (Françoise ), « Les vitraux de l'ancienne église Saint-Vincent remontés place du Vieux-Marché » , Bulletin des Amis des monuments rouennais, 1979, p. 71-73
— PROUIN (Norbert), PRÉAUX (André), JARDIN (Anne), 1983, Rouen place du Vieux-Marché, L'Église Jeanne-d'Arc et ses vitraux, Charles Corlet, 36 p.
— RIVIALE (Laurence), 2007, Le vitrail en Normandie, entre Renaissance et Réforme (1517-1596), Presses universitaires de Rennes, coll. Corpus Vitrearum .
—RIVIALE (Laurence), 2003, « Les verrières de l’église Saint-Vincent de Rouen remontées à Sainte-Jeanne d’Arc », Congrès archéologique de France, 161e session, 2003, Rouen et Pays de Caux, Paris, Société archéologique de France, 2006, p. 262-268.
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1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
"Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué). "Les vraies richesses, plus elles sont grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)