Fragments d'un calvaire (kersanton, vers 1555, atelier Prigent) au cimetière de La Forest-Landerneau.
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— Voir d'autres œuvres de Bastien ou Henry Prigent:
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La statue de saint Fiacre sur la chapelle Sainte Nonne de Dirinon.
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Le porche de l'église de Landivisiau III. Les apôtres et leur dais. Henry Prigent 1554-1565.
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Le porche de l'église de Landivisiau IV. Le bénitier, l'ange au goupillon.
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Le porche de l'église de Landivisiau VII. L'arcade intérieure et son tympan.
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Les sculptures extérieures du porche de l'église de Landivisiau.
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L'église Saint-Nicaise à Saint-Nic III. La Pietà en kersanton polychrome par les frères Prigent. (3 larmes)
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L'église de Guipavas III : les Apôtres du porche nord (1563).
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L'église Sainte-Marie-Madeleine de Dinéault IV. La statue de sainte Marguerite.
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Le calvaire de l'église de Dinéault (XVIe s, Prigent et XVIIe s. Roland Doré). (3 larmes)
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La Collégiale du Folgoët XIII. Le calvaire. (Pietà : 3 larmes)
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La Collégiale Notre-Dame du Folgoët. V. Les statues de kersanton par l'atelier des Prigent (1527-1577). (Saint Yves, Vierge à l'Enfant, Christ aux liens ...)
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La chapelle Saint-Laurent de Rozalghen en Pleyben. Le calvaire (Bastien Prigent, vers 1555). (3 larmes)
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Le calvaire (Fayet, 1552 ou Prigent 1542?) de l'église de Lopérec. (3 larmes)
et hors blog:
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La Déploration à 6 personnages de Plourin par les Prigent Les 3 larmes.
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Le calvaire de Saint-Divy : Marie-Madeleine (3 larmes)
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la Pietà du calvaire de la rue de Paris à Landerneau (cité par Castel)
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Attribution personnelle hors catalogue Le Seac'h :
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Le Noli me tangere et le Repas d'Emmaüs du Pénity de Locronan. (3 larmes)
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Ploéven II. La Déploration de l'église.(3 larmes)
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Saint-Ségal : le calvaire du bourg (vers 1550 et 1630, kersanton, atelier Prigent et Roland Doré) (3 larmes)
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La Pietà aux trois larmes (kersanton, XVIe, atelier Prigent) de la croix de Tal-ar-Groas à Crozon. (3 larmes)
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PRÉSENTATION.
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On a réuni à l'entrée du cimetière de La Forest-Fouesnant trois groupes sculptés en kersanton (soit au total six personnages) dont l'une des particularités est que chaque personnage est en pleurs.
Face au spectateur, une Vierge de Pitié est ainsi entourée par sainte Marie-Madeleine et par saint Jean, comme dans les Déplorations.
Mais les statues de Marie-Madeleine et de Jean sont en réalité géminées, c'est à dire qu'elles présentent, au dos, un autre personnage. Au dos de Marie-Madeleine, on reconnaît aisément la Vierge éplorée au pied du Calvaire, alors que Jean au calvaire est adossé à Jean en évangéliste (non identifié comme tel par Castel ou Le Seac'h).
Les larmes sculptées dans la pierre sous chaque paupière ont une forme caractéristique, en long filet d'eau s'achevant en perle : c'est l'un des traits stylistiques de l'atelier de Bastien et Henry Prigent, installés à Landerneau (proche du lieu d'extraction de la kersantite, principalement en Rade de Brest) et actifs entre 1527 et 1577.
On connaît plusieurs Vierges de Pitié présentant ces larmes. Les Prigent les placent aussi sur les visages de Marie et Jean debout au pied de la Croix, sur les calvaires qu'ils ont laissés, notamment en Léon, mais aussi sur ceux de Marie, Jean et Marie-Madeleine en déploration autour du corps du Christ, et, enfin, sur celui de Marie-Madeleine agenouillée au pied de la Croix.
Cet indice a permis à Yves-Pascal Castel de remarquer vers 1980 que "Ces pièces se rattachent à la manière des frères Prigent qui ont sculpté le calvaire de Plougonven" et de proposer la datation de 1550 [le calvaire de Plougonven est daté de 1554, celui de Pleyben de 1555] .
Cette attribution a été validée de façon formelle en 2014 par E. Le Seac'h dans son catalogue raisonné des œuvres des Prigent (page 326), sans se prononcer sur la datation. Elle leur attribue aussi les personnages du calvaire du cimetière bas (Vierge et sainte martyre géminées, le Crucifié ; Jean et un saint évêque géminés ; Vierge de Pitié ; Marie-Madeleine agenouillée). Mais sur ce dernier calvaire, seul le visage de Marie-Madeleine porte les larmes caractéristiques.
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La réelle réussite de la disposition actuelle des statues, dont les personnages éplorés accueillent les familles se rendant sur la tombe de leurs proches, fait oublier qu'il s'agit ici de fragments d'un calvaire. Il faut se référer aux exemples (assez nombreux) de calvaires préservés pour imaginer les groupes géminés de chaque coté d'un croisillon entourant un Crucifix. La Vierge et Jean sont tournés, comme le Christ en croix, vers l'ouest, et par le fait même, Marie-Madeleine et Jean évangéliste sont tournés vers l'orient.
Au milieu du croisillon (le "nœud") se place alors, du coté est, la Vierge de Pitié, qui est creusée pour s'appliquer contre le fût.
Ce schéma est assez facile à se représenter sur place puisque c'est celui du calvaire du cimetière de contre-bas (à la différence près que les personnages géminés avec la Vierge et Jean sont un évêque et une sainte).
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Cette reconstitution mentale du calvaire d'origine peut être enrichie par d'autres statues, c'est ce que nous verrons plus bas : un Christ aux liens pouvait être placé du coté opposé à la Vierge de Pitié, et une Marie-Madeleine pouvait être agenouillée au pied de la croix.
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Six personnages d'un ancien calvaire (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Six personnages d'un ancien calvaire (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Six personnages d'un ancien calvaire (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
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LA VIERGE DE PITIÉ (KERSANTON, v.1555, ATELIER PRIGENT).
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La Vierge, dont le corps forme un triangle, est agenouillée genou gauche à terre, tandis que le genou droit supporte le dos du corps de son Fils.
Le Christ est presque assis sur le genou gauche de sa Mère, et les jambes repliées mais non croisées reposent au sol par la pointe des pieds. Le dos se cambre sur le chevalet de la cuisse de Marie, en un arc qui est accentué par la chute de la tête qui se tourne vers sa droite.
La Vierge soutient son Fils par la main droite passée sous le flanc droit, tandis que sa main gauche soulève légèrement le bras du défunt. Elle est voilée, et porte la guimpe (cf. la Vierge du calvaire). Son visage est en larmes.
La plaie du flanc et celle de la main droite sont exposées au regard du fidèle.
À son dos, on constate un évidemment rectangulaire, correspondant à la forme du fût de la croix contre laquelle elle était posée.
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Bien que chaque Pietà du Finistère soit différente des autres, la posture du corps et des bras du Christ est semblable à celle des deux Vierges de Pitié de Plouvorn, attribuées à l'atelier Prigent, et marquées des trois larmes. Elle est comparable également à celle de Tal-ar-Groas en Crozon, à celle de Saint-Divy et celle du Folgoët. Les jambes du Christ sont souvent croisées.
La Vierge de Pitié du calvaire du bas répond aussi au même schéma, mais elle est d'une facture plus naïve.
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La Vierge de Pitié (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
La Vierge de Pitié (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
La Vierge de Pitié (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
La Vierge de Pitié, détail, (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
La Vierge de Pitié (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
La Vierge de Pitié, détail, (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
La Vierge de Pitié, détail, (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
La Vierge de Pitié, détail, (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
La Vierge de Pitié, détail, (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
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LES VIERGES DE PITIÉ DU FINISTÈRE.
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Yves-Pascal Castel en a dénombré une centaine, en bois et en pierre, mais il englobe sous ce terme les Pietà proprement dites à deux personnages (La Vierge et le Christ) avec ce qu'il faut désormais nommer des Déplorations, où la Mère et le Fils sont entourés de Jean, Madeleine, les Saintes Femmes, Joseph d'Arimathie et Nicodème, ou Gamaliel et son fils...
Elles sont assises, ou agenouillées, et parfois debout (Brasparts) .
Sur les Pietà :
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La chapelle Sainte-Barbe de Ploéven. Son calvaire, son vitrail, sa statuaire, son Pardon.
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Ploéven III. L'église : le calvaire (kersanton, vers 1550) du placître.
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L'église Notre-Dame de Rumengol VIII. Les bannières ; La Pietà.
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Les sculptures sur pierre de l'abbaye de Daoulas. II. Le calvaire du cimetière.
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La Pietà aux trois larmes (kersanton, XVIe, atelier Prigent) de la croix de Tal-ar-Groas à Crozon.
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Le calvaire de l'église de Cast, et les statues de Roland Doré.
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Vierge de Pitié aux anges de compassion, chapelle de la Trinité à Pleyben, kersanton
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Les sculptures sur pierre de Daoulas. V : le calvaire du Champ de Foire.
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Le calvaire de l'église de Cast, et les statues de Roland Doré.
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Les Déplorations.
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Déploration de Saint-Hernin, grès arthrosique, Maître de Laz, vers 1527
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La Déploration de la chapelle de Quilinen. La Déploration à six personnages (bois polychrome, XVIe siècle) en Landrévarzec.
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La "Descente de croix" de Lampaul-Guimiliau. La "Descente de croix" ou mieux Déploration à six personnages (chêne polychrome, XVIe siècle)
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La Déploration de l'église de Locronan. La Déploration (kersanton polychrome, vers 1525, par le Maître de Cast ) de la chapelle du Pénity de l'église Saint-Ronan de Locronan.
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L'église Saint-Nicaise à Saint-Nic III. La Déploration en kersanton polychrome par les frères Prigent (1527-1577). Cinq personnages.
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Ploéven II. La Déploration de l'église. (pierre polychrome, 1547 ).
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Les sculptures de l'église de Bodilis : le retable de la Déploration. (bois polychrome, XVIe siècle, Neuf personnages.).
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Déploration de Rumengol, kersanton polychrome
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Les sculptures de l'église de Bodilis : le retable de la Déploration.
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Le retable de la Déploration (1517) de l'église de Pencran (29). Onze personnages.
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La Mise au tombeau de l'église de Rosporden (29). Retable, groupe à neuf personnages, bois polychrome, fin XVe ou début XVIe
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Liste des Vierges de Pitié de l'atelier Prigent (Catalogue par Le Seac'h):
- Brignogan, chapelle Saint-Pol
- Dinéault, calvaire de l'église
- Le Folgoët, calvaire (3 larmes)
- La Forest-Landerneau, fragments, cimetière haut. (3 larmes)
- La Forest-Landerneau, cimetière bas,
- Landerneau, calvaire dit Croix de la Vierge atlas n°998
- Lanhouarneau, croix de Kerlaouéret
- Loc-Brévalaire, calvaire de l'église
- Lothey [Gouezec], croix de Kerabri 1556 (3 larmes)
- Plourin-Ploudalmézeau
- Saint-Derrien, calvaire
- Saint-Divy, calvaire oriental
- Saint-Nic, intérieur église [en réalité Déploration]
- Saint-Renan, hôpital Lejeune
- Lopérec, calvaire [attribué à Fayet, compagnon de l'atelier Prigent]
Auquel j'ajoute :
- Plouvorn, cimetière (3 larmes)
- Plouvorn, chapelle de Lambader, fontaine (3 larmes)
- Crozon, Tal ar Groas, calvaire chapelle Saint-Laurent (3 larmes)
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GROUPE GÉMINÉ MARIE-MADELEINE/VIERGE (KERSANTON, v.1555, ATELIER PRIGENT).
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1°) la Vierge.
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C'est, je l'ai dit, Marie au pied de la Croix, pleurant la mort de son Fils crucifié, la tête recouverte d'un voile et la gorge dissimulée par la guimpe du deuil, les mains jointes doigts croisés sous l'effet de la douleur et les jambes qui semblent fléchir : c'est Marie du Stabat Mater dolorosa.
Son voile, sa guimpe, son visage et ses larmes, son manteau, sa robe, ses chaussures sont ceux de la Vierge de Pitié.
L'une des caractéristiques des femmes voilées de l'atelier Prigent est que le voile est épais, rigide, à plis cassés, et nous retrouvons cela ici, mais parfois, et ce n'est pas le cas, le voile fait un pli au dessus de la tête.
Nous retrouvons le visage rond, les yeux ourlés d'un double trait, et surtout la petite bouche concave dont la lèvre inférieure s'avance en moue amère.
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La Vierge au calvaire (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
La Vierge au calvaire (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
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2°) Marie-Madeleine.
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Elle semble également chanceler, la tête est inclinée, mais aussi le torse, le genou gauche cède, et tout vient confirmer la crispation de la bouche réprimant un cri.
Comme d'habitude, la chevelure de Marie-Madeleine n'est pas recouverte d'un voile, et ruisselle dans son dos, seulement rassemblée au niveau de la nuque par le bandeau occipital si habituel à l'atelier Prigent, bien qu'il ne lui soit pas spécifique.
Elle tient des deux mains le flacon d'aromates destiné à l'embaumement. Elle est vêtue d'un manteau dont le pan gauche, qui a glissé de l'épaule, fait retour vers une agrafe de la ceinture, d'une robe à décolleté rectangulaire et aux manches plissées, d'une chemise à col rond.
Son visage est proche de celui de la Vierge, mais le front très dégagé en arrière par la raie médiane accentue la rondeur très douce des traits, et malgré la lèvre inférieure qui s'éverse vers le menton, ce visage est d'une beauté émouvante.
Ces statues géminées sont vues d'habitude en place, en haut de leur croisillon, mais lorsque nous les découvrons à notre hauteur, il se dégage de ces deux femmes adossées un fort sentiment de sororité ou de rapprochement entre deux générations ; et ce groupe devient une icone exemplaire de la solidarité qui scelle les corps et les âmes dans l'épreuve.
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Sainte Marie-Madeleine (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Sainte Marie-Madeleine (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Sainte Marie-Madeleine (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Sainte Marie-Madeleine (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Sainte Marie-Madeleine (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Sainte Marie-Madeleine (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
La Vierge Marie et Marie-Madeleine (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
La Vierge Marie et Marie-Madeleine (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
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GROUPE GÉMINÉ JEAN AU CALVAIRE/JEAN L'EVANGELISTE (KERSANTON, v.1555, ATELIER PRIGENT).
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Jean au calvaire, le disciple préféré de Jésus qui lui dit du haut de la croix "Fils, voici ta mère" et le charge par cela de veiller sur Marie, est adossé ici avec son double, Jean comme évangéliste. Ce n'est pas un cas unique, et cela s'observe par exemple sur le calvaire de l'église de Cast.
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1°) Jean au Calvaire.
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Nous retrouvons le visage très rond dont la hauteur de l'étage inférieur est réduite, la bouche petite à lèvre inférieure avancée, le petit menton rond, le regard baissé, et, bien entendu, les trois larmes sous la paupière inférieure. Nous retrouvons aussi le manteau (ne couvrant que le dos), la robe aux manches plissées, le genou fléchi.
La chevelure est soigneusement peignée en mèches rejetées concentriquement vers l'arrière.
Les détails de la boucle de ceinture avec son aiguillon, ou du bouton rond fermant le col de la robe, ont cette précision qui est habituelle aux sculpteurs de kersanton, et que l'on observe facilement sur les séries d'apôtres des porches bretons (cf. liens supra, les porches réalisés par les Prigent).
Je suis surpris par la taille malhabile des mains, et par la position étonnante des paumes tournées vers nous.
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n.b. On pourrait m'objecter que ce personnage ne porte aucun attribut permettant de l'identifier avec certitude. Néanmoins, les trois larmes sont, par elles-mêmes, un attribut. Et la posture est celle de Jean au calvaire. En outre, les visages des deux saint Jean sont spéculaires, tout comme leur tenue vestimentaire. Enfin, un autre indice vient des pieds nus, qui sont propres aux apôtres ; et Jean est le seul apôtre imberbe...
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L'apôtre Jean (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
L'apôtre Jean (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
L'apôtre Jean (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
L'apôtre Jean (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
L'apôtre Jean (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
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2°) Jean l'évangéliste.
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L'attribut de l'évangéliste est accroché à sa ceinture, c'est le plumier, associé à l'encrier.
La tête est légèrement inclinée vers la droite. La main droite est posée sur la poitrine. Tout le reste (visage rond, 3 larmes, jambe avancée, pieds nus, ceinture à la boucle et à l'aiguillon détaillée, manteau porté en arrière, robe dont les pointes du revers de col sont larges, etc.) est semblable à la statue de son alter ego.
On verra sur le calvaire de la chapelle Saint-Laurent à Pleyben un Jean au calvaire de l'atelier Prigent, aux trois larmes, portant plumier et encrier à la ceinture.
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Saint Jean l'évangéliste (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Saint Jean l'évangéliste (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Saint Jean l'évangéliste (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Saint Jean l'évangéliste (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
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SUGGESTION N° 1 : LE CHRIST AUX LIENS DU CALVAIRE HAUT.
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Le calvaire du cimetière haut (atlas n°532) de La Forest-Landerneau, daté du XVIe siècle, est simple, et ne porte qu'un crucifix, ainsi qu'un Christ lié.
Il est douteux qu'il soit à son emplacement d'origine, et la plupart des Christ aux liens de ce type trouvent place en hauteur, entre les croisillons d'un calvaire.
Ne pourrait-on imaginer qu'il appartienne au même calvaire que les pièces étudiées précédemment ? La Vierge de Pitié serait placée en situation diamétralement opposée.
Une étude lithologique pourrait nous dire s'il s'agit d'un kersanton de faciès identique.
Et une étude comparative des Christ aux liens sortis de l'atelier Prigent pourrait fournir des éclaircissements.
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Christ aux liens (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Calvaire du cimetière haut de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Christ aux liens (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Calvaire du cimetière haut de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Christ aux liens (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Calvaire du cimetière haut de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Christ aux liens (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Calvaire du cimetière haut de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Christ aux liens (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Calvaire du cimetière haut de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
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SUGGESTION N°2 : MARIE-MADELEINE AU PIED DE LA CROIX DU CIMETIÈRE BAS.
Je défendrais cette hypothèse avec plus de conviction. Car, bien que ce calvaire (avec son Crucifix et ses statues géminées sur une crossette) soit également attribué à l'atelier Prigent par E. Le Seac'h, l'unité stylistique me semble plus importante entre cette Marie-Madeleine et les fragments présentés plus haut, non seulement en raison des trois larmes que ces personnages ont en commun, mais aussi en raison de la proximité des visages et des vêtements.
Je m'appuierai sur l'avis d'E. Le Seac'h, qui écrivait page 168 :
"À La Forest-Landerneau, dans le cimetière haut, trois vestiges sont disposés sur des dalles de schiste : deux statues géminées, celle de Jean et d'un saint indéterminé, de la Vierge et Madeleine avec une pietà au milieu. Dans le cimetière bas, sur le socle [sic] de la croix, une Madeleine éplorée, les mains levées vers le Christ, est de la même facture".
Ces statues de la Madeleine éplorée qui trouvent leurs sources dans les Crucifixions des peintures de chevalet, des fresques (Fra Angelico) et des enluminures, puis des vitraux (Passions finistériennes contemporaines de la production de l'atelier Prigent) étaient certainement placées à l'origine immédiatement au pied de la croix, contre le fût, et le geste des bras de la sainte, écartés dans la posture du ravissement, paumes se faisant face, ne trouve toute sa cohérence que lorsqu'on sait qu'ils entouraient et enlaçaient presque — plus ou moins étroitement — le pied de cette croix. (Les rapports de Madeleine avec les pieds du Christ ouvriraient un long chapitre).
Marie-Madeleine, avec son flacon d'aromates, est aujourd'hui placée sur la deuxième marche d'un calvaire qui a été remanié en 1762 et 1887, ce qui est certainement l'emplacement le plus satisfaisant, puisque son regard et sa tête en extension sont levés vers le Christ. Mais on peut penser que sur le calvaire initial (celui-ci ou, pour moi, un autre) elle était placée sur le socle.
On sera sans doute plus convaincu par mon hypothèse après avoir visité, par exemple, le calvaire de l'église de Dinéault sculpté par Bastien Prigent. On y trouve sur le croisillon la Vierge (3 larmes), saint Jean (3 larmes). Du coté est, la Vierge de Pitié ( larmes ?), et au pied de la croix Marie-Madeleine (3 larmes).
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Marie-Madeleine (kersanton, Prigent, v.1555). Calvaire du cimetière bas de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
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Ses modèles ou semblables (qui ont perdu très souvent eux aussi leur rapport initial avec la croix) sont nombreux et situés majoritairement en Finistère sur le bassin de l'Élorn (Léon):
-Pelouse nord de l'église de Pencran (Prigent v.1553).
-Calvaire monumental de Pleyben (Prigent 1554)
-Calvaire monumental de Plougonven (Prigent 1555)
-Calvaire de Sainte-Marie du Ménez-Hom (Prigent vers 1550)
-Calvaire de l'église de Lopérec (Prigent ou "fayet", 1542 ou 1552)
-Calvaire est de l'église de Saint-Divy
- Calvaire du bourg de Saint-Ségal
-Calvaire de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal
-chapelle Saint-Tugen en Primelin, contrefort sud-ouest.
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Les points communs (avec des exceptions à chaque fois) sont la posture agenouillée bras écartés, regard et tête levée ; les trois larmes ; le bandeau occipital ; la robe serrée par une ceinture nouée ; le manteau retombant en un éventail plissé derrière les reins ; le pot d'aromates.
Parfois (Plougonven), la sainte regarde vers le bas, et ouvre son flacon).
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Marie-Madeleine (kersanton, Prigent, v.1555). Calvaire du cimetière bas de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Marie-Madeleine (kersanton, Prigent, v.1555). Calvaire du cimetière bas de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Marie-Madeleine (kersanton, Prigent, v.1555). Calvaire du cimetière bas de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Marie-Madeleine (kersanton, Prigent, v.1555). Calvaire du cimetière bas de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Marie-Madeleine (kersanton, Prigent, v.1555). Calvaire du cimetière bas de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
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Détails.
Les trois larmes.
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Marie-Madeleine (kersanton, Prigent, v.1555). Calvaire du cimetière bas de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Marie-Madeleine (kersanton, Prigent, v.1555). Calvaire du cimetière bas de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
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Le bandeau occipital ou voile.
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Il recouvre l'arrière des cheveux au niveau de l'occiput, puis revient en avant, rassemblant ainsi la longue chevelure qui, ensuite, ruisselle dans le dos presque jusqu'à la taille. Mais ce voile, au lieu de passer derrière la nuque (comme un bandeau), glisse de chaque coté ses extrémités sous une natte antérieure.
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Marie-Madeleine (kersanton, Prigent, v.1555). Calvaire du cimetière bas de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
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L'encolure.
Sous la robe au décolleté carré et au col à pans larges et pointus se voit le col en V et sans rabat d'une chemise.
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Marie-Madeleine (kersanton, Prigent, v.1555). Calvaire du cimetière bas de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
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Le bouton de la manche.
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Marie-Madeleine (kersanton, Prigent, v.1555). Calvaire du cimetière bas de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
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SOURCES ET LIENS.
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— ABGRALL (Jean-Marie), 1910, "Notice sur La Forest-Landerneau", Bulletin diocésain d'histoire et d'archéologie Quimper, Kerangal.
https://bibliotheque.diocese-quimper.fr/files/original/60798cc0c60ed80e4fbabd1443d17155.pdf
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— CASTEL (Yves-Pascal) 1980, Atlas des Croix et Calvaires du Finistère. Site de la SAF.
https://societe-archeologique.du-finistere.org/croix/la_forest_landerneau.html
a) La Forest-Landerneau n° 532. cimetière haut.
"532. La Forest-Landerneau, , 1. g. k. 3 m. XVIe s. Trois degrés. Socle octogonal, Christ lié. Fût à pans avec trois petites croix en creux. Croix à pans, crucifix. [YPC 1980]"
b) La Forest-Landerneau n°533 La Forest-Landerneau n°2 . cimetière haut.
"533. La Forest-Landerneau, 1550. Trois statues provenant d’un calvaire. Groupe N.-D. de Pitié. Statues géminées: Vierge-Madeleine, Jean-personnage sans attribut. Ces pièces se rattachent à la manière des frères Prigent qui ont sculpté le calvaire de Plougonven. [YPC 1980]"
c) La Forest-Landerneau n°534 La Forest-Landerneau n°3. cimetière bas.
"534. La Forest-Landerneau, k. 6 m. XVIè s. Trois degrés, Madeleine à genoux. Socle cubique à griffes: 1762, MISSION 1887. Croisillon, écus aux armes de France et de Bretagne. Statues géminées: Vierge/sainte martyre, Jean/évêque. Croix à branches rondes, crucifix, groupe N.-D. de Pitié. [YPC 1980]"
— CASTEL (Yves-Pascal), 2001, Les Pietà du Finistère.( Revue bilingue breton-français Minihy-Levenez n°69 de juillet-août 2001)
http://patrimoine.du-finistere.org/art2/ypc_pieta.html
— COUFFON (René), LE BARS ( Alfred), 1988, Répertoire des églises : paroisse de LA FOREST-LANDERNEAU, Diocèse de Quimper et Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper, Association diocésaine, 1988. - 551 p.: ill.; 28 cm.
https://bibliotheque.diocese-quimper.fr/files/original/7fe6b104461be9db56d8ced2650d285a.pdf
"Près de l'église, calvaire : base rectangulaire à pinacles gothiques, croix des larrons sur le croisillon"
—— COUFFON (René), 1961, "L'évolution de la statuaire en kersanton" Mémoires de la Société d'émulation des Côtes-du-Nord, Saint-Brieuc t. LXXXIX, 1961 p. 1-45.
— DEBIDOUR (Victor-Henri), 1953, La sculpture bretonne, étude d'iconographie religieuse populaire, Rennes, Plihon, pages 118-130
— DEBIDOUR (Victor-Henri), Croix et calvaires de Bretagne, photos de Jos Le Doaré
http://bibliotheque.idbe-bzh.org/data/cle_149/Croix_et_Calvaires_de_Bretagne__.pdf
— DEBIDOUR (Victor-Henri), La Vierge en Bretagne, photos de Jos Le Doaré
http://bibliotheque.idbe-bzh.org/data/cle_146/La_Vierge_en_Bretagne__.pdf
— LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne. Les ateliers du XVe au XVIe siècle. Presses Universitaires de Rennes.
http://www.pur-editions.fr/couvertures/1409573610_doc.pdf
— PHOTOS.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:La_Forest-Landerneau_Restes_d%27un_ancien_calvaire.jpg
https://mapio.net/pic/p-48048484/
https://mapio.net/pic/p-48048171/
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