L'église Notre-Dame des Carmes
à Pont-L'Abbé et les réalisations Le Minor
L'église Notre-Dame des Carmes habillée par Le Minor.
L'église possède trois ensembles (au moins, car je n'ai pas vu la nappe d'autel) venant de chez Le Minor : une bannière, un parement de buffet d'orgue, et les trois sièges sacerdotaux du choeur. Je terminerai par la bannière, qui me retiendra d'avantage.
1. Les trois sièges du choeur :
Il s'agit d'un ensemble composé d'un fauteuil et de deux tabourets :
Le fauteuil :
Les tabourets :
2. Le devant de buffet d'orgue :
Le grand orgue est, paraît-il, exceptionnel : conservant certains des tuyaux du premier orgue de 1666, c'est un instrument Beuchet-Debierre (1966-1968) agrandi par la manufacture Dargassies-Gonzales (1990) possédant 43 jeux pour trois claviers et pédalier, équipé d'une console mobile, transmissions électriques solid-state et combinateur électronique" (Wikipédia). Alors que depuis le XVIIe il était placé au fond de l'église sur la tribune, il a été installé en 1918 au dessus d'une grande baie qui communiquait jadis avec le couvent disparu, à droite du choeur.
Mais c'est le devant du buffet qui a retenu mon attention : le carton en a été dessiné par Bruno Le Folc'h, installé à Pont-L'Abbé, dessinateur de bandes dessinées ( Trois éclats blancs, 2004, Paysage au chien rouge 2007, Saint-Germain, puis roulez vers l'Ouest 2009, Chroniques outremers 2011-2012 ).
Il s'est inspiré de la bannière et des ornements des sièges, des jaunes et oranges des gilets bigoudens, du bleu de la grande rosace du vitrail, et les motifs bigoudens, plumes de paon et cornes de bélier la portéeont pris l'apparence de notes de musiques dansant sur. Le site Topic Topos signale une inscription donnant le très beau titre de "Symphonie pour une plume de paon". Je ne l'ai pas vu, et n'ai pas trouvé confirmation de cette inscription, mais c.'est bien trouvé.
C'est une tapisserie de 4,50 m de long sur 70 cm de large qui a été installé en janvier 1995, sur la commande de l'Association des amis de l'orgue.
2'. La nappe d'autel.
également brodée par Le Minor, mais que je n'ai pas photographiée.
3. La bannière :
Elle date de 1960 et a été réalisée par le père André Bouler (1924, Quimperlé-1997). Elle est à l'origine de l'anecdote suivante : le peintre avait d'abord proposé un premier carton, mais le curé de l'époque (1956) le trouva trop moderne à son goût et Bouler du reprendre sa copie et concevoir un carton plus traditionnel. Mais Madame Le Minor trouva que ce premier jet ne devait pas être délaissé, et elle fit broder cette Notre-Dame des Carmes pour son propre compte : c'est ainsi qu'elle est actuellement exposée à la Boutique Le Minor du Quai Saint-Laurent, où l'autorisation de la photographier m'a été très gentiment accordée :
La bannière qui reçut l'agrément du commanditaire est celle-ci : sur fond de la couleur brune de l'habit des carmes, la Vierge à l'Enfant couronnée, enveloppée d'une chasuble, tient pendu autour de l'avant-bras droit le scapulaire. Celui-ci, une sorte d'étole, est une pièce séparée de la bannière proprement dite et cousue seulement à sa partie supérieure.
Le verso porte l'inscription Itron Varia Garmez Pedit Evidomp, "Notre-Dame des Carmes Priez pour nous".
Les motifs bigoudens : la plume de paon (Pléon plaven), le soleil, la corne de bélier (Kornou maout), la chaîne de vie (Chadenn ar bed), dont certains auraient été ramenés de Hongrie après les guerres napoléonniennes.
L'artiste : André Bouler :
Le père jésuite André Bouler (1924-1997) développa précocement sa vocation de peintre, travaillant à Paris de 1949 à 1952 dans l'atelier de Fernand Léger, rencontrant l'abbé Morel et le père Couturier (fondateur de la revue Art Sacré), Jean Bazaine et Léon Zack. Parallèlement, il obéit à sa vocation religieuse qui le mène au Noviciat en octobre 1943 ; il termine sa formation de Jésuite et est ordonné en 1955 puis ouvre, avec la bénédiction de ses supérieurs, un atelier 35 rue de Sèvres à Paris, puis au 42 rue de Grenelle.
Son art est qualifié de non-figuratif animé de "vibration colorée". Parallèlement à la peinture pure, il participe à l'aménagement de quelques 69 chapelles et églises, à la création d'autels, de vêtements et ornements liturgiques, et,surtout peut-être, de 42 ensembles de vitraux dont ceux de Sainte Thérèse du Landais et Saint-Laurent de Lambezellec à Brest, de la chapelle Sainte-Marine à Combrit, de l'église Notre-Dame de Bénodet, de l'église de Goulven de de Bourg-Blanc. Chapelle Sainte-Marine à Combrit : la Vierge allaitante et la bannière Le Minor.
Le motif : la transmission du scapulaire.
Ce don du scapulaire est un motif central et fondateur de l'ordre du Mont Carmel. On sait ( Vitrail de Plogonnec III : la Transfiguration. ) qu'il date de l'apparition de la Vierge à Simon Stock à Londres en 1245 (ou 1251).
Simon Stock devint supérieur général des Carmes en 1245. Dans la nuit du 16 juillet 1245, il demande à Marie de prendre l'institution sous sa protection, et à l'aurore, celle-ci lui apparut au milieu d'anges et cerclée de lumière, vêtue de l'habit de l'Ordre et tenant dans sa main une étoffe marron qui était le scapulaire de l'Ordre. Elle le revêtit en disant à Simon : "Ceci est un privilège pour toi et pour tous les Carmes. Quiconque mourra en portant cet habit ne souffrira pas le feu éternel".
A une époque où la plus grande peur est de mourir en état de péché sans être assisté d'un prêtre et sans recevoir les derniers sacrements, c'est un fameux bonus pour les Carmes d'être assuré d'échapper à l'Enfer par le seul port de cet accessoire. La citation parle d'un habit, et je n'ai pas saisi clairement comment ce "scapulaire", du latin scapula, épaule, qui était un vêtement composé de deux pans, parfois complété d'une capuche et porté sur l'habit, se transforma en un sous-vêtement plus court, puis en une sorte d'écharpe brune, et enfin en deux rectangles d'une dizaine de centimètres de coté reliés ensemble par deux cordons, portés autour du cou afin que les deux plaquettes se trouvent prés de la poitrine. C'est en tout cas cet accessoire de la paramentique que les deux bannières représentent, la première (qui fut réfutée) d'une façon sans-doute excessivement stylisée et qui frise l'irrespect en ressemblant à une corde à sauter.
La place cruciale de cette apparition mariale est attestée, en l'église Notre-Dame des Carmes, à la fois par une statue et par un vitrail :
Poursuivre la visite de l'église...
...ne manque pas d'intérêt, ne serait-ce que pour la Pietà qui se trouve à l'entrée, à gauche.
Mais ne quittons pas les vitraux sans regarder la rosace :
Les confessionnaux du XVIIIe attribués à leur desservant :
Les bannières anciennes : Le Sacré-Coeur;
Des armoiries :
Une Vierge à l'Enfant, blafarde :
L'Annonciation :
J'avoue que je ne suis pas satisfait de mes clichés, et que, loin des broderies pleines de vie et de couleur, je commence à me fatiguer, et à prendre ce Saint Sébastien du XVIe siècle pour un curiste d'une station thermale, sans-doute parce qu'il "est placé dans un enfeu, à droite d'une piscine gothique" :
...de trouver à Saint Crépin et Saint Crépinien des allures de Dupont-Dupond,
et de voir en Saint-Joseph et son fils (XVIIe) des danseurs de flamenco jouant de castagnettes :
Le mauvais esprit me guette, Le Minor me manque, il est temps de m'arrêter.
Je termine par la plume de paon, symbole d'immortalité. Portés devant le pape sous le nom de flabella, elles représentent par leurs ocelles la vigilance de l'oeil ouvert. La chute et la repousse des plumes en fait un symbole de résurrection. Les anges en confectionnent leurs ailes.
Plus tard, on y vit un signe d'ostentation, d'orgueil et de vanité.
Par la plume de paon, le bigouden montre qu'il est fier.
D'avoir des brodeurs de talent.