Le porche de Pencran : les statues (kersanton, notamment v.1553, Prigent) des contreforts. Quelques autres statues de l'atelier Prigent.
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Sur Pencran :
- L'enclos paroissial de Pencran I. Les crossettes du porche (1553). par l'atelier Prigent.
- Le porche de Pencran : les moulures et leurs scènes bibliques (kersanton, traces de polychromie ocre, atelier Prigent, v. 1553).
- Le porche de Pencran : les apôtres du Credo apostolique.
- Le retable de la "Descente de Croix" de l'église de Pencran (29). (1517)
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Sur les porches de Basse-Bretagne (ordre chronologique):
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La Collégiale Notre-Dame du Folgoët. III. Le Porche des Apôtres. (1423-1433)
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L'église Notre-Dame de Rumengol . III. Le porche sud (vers 1468). et ses apôtres.
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L'église Saint-Salomon de La Martyre. I. L'Arc de Triomphe et le Porche sud. (1450-1468). Et ses apôtres.
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Les peintures de la voûte du porche de l'église de La Martyre.
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L'enclos paroissial de Saint-Herbot en Plonévez-du-Faou IV. Le porche sud : les Apôtres (1481).
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Avec du citron ! Les poissons du porche sud de l'église Saint-Nonna de Penmarc'h. (1509)
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Le portail sud de l'église de La Roche-Maurice. (vers 1530-1550, kersanton, atelier Prigent ?)
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Le porche de l'église de Landivisiau. I. L'extérieur. (1554-1565)
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Le porche (1554-1559) de l'église de Landivisiau. II. La grande arcade extérieure (1554-1565).
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Le porche de l'église de Landivisiau III. Les apôtres et leur dais.(1554-1565)
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Le porche de l'église de Landivisiau VII. L'arcade intérieure et son tympan.(1554-1565)
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L'enclos paroissial de Pencran I. Les crossettes du porche (1553).
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L'église de Guipavas III : les Apôtres du porche nord (1563).
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Sculpture sur pierre de l'Abbaye de Daoulas. I. Le Porche aux Apôtres (1566).
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Les sculptures de pierre de l'église de Bodilis . I. Le portail intérieur (1570) du porche sud.
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Les termes (cariatide et atlante) de Lanhouarneau. porche sud (1584-1588) de l'église Saint-Hervé..
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Porche de Pleyben (1588).
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L'église de Goulven VI. Le porche gothique et le porche aux apôtres. (v.1593)
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Les sculptures de pierre de l'église de Bodilis . II. Le décor de l'intérieur du porche sud (1601).
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La chapelle Saint-Tugen de Primelin : les statues en kersanton. de saint Tugen, des Apôtres et des quatre évangélistes (Maître de Plougastel , début XVIIe).
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Les navires sculptés (v. 1528) de la façade occidentale de l'église de Confort-Meilars. Ses 13 statues d'apôtres en kersanton (Maître de Plougastel, v.1588-1602).
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Le porche sud et la porte sud de l'église Saint-Houardon de Landerneau. 1604
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Les modillons et les bases de colonnes du porche intérieur de Guimiliau. (1606)
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Le porche de Trémaouezan et ses apôtres (1610-1623)
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Les Apôtres du porche sud de l'église de Plomodiern. (1624-1626).
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Porche de Gouesnou (1642)
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Porche de Commana (1645)
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Porche de Locmélar (1664)
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Le porche sud de l'église de Ploudiry. (1665, Jean Le Bescont)
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L'enclos paroissial de Brasparts. I. La Démone tentatrice du porche sud.
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L'Annonciation du tympan de la chapelle de Quilinen (Landrévarzec) ...et son double.
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Sur les statues de l'atelier Prigent ailleurs que sur les porches:
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L'enclos paroissial de Dirinon VIII: la statue de saint Antoine par Bastien Prigent (XVIe siècle).
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La statue de saint Fiacre sur la chapelle Sainte Nonne de Dirinon.
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L'église Saint-Nicaise à Saint-Nic III. La Pietà en kersanton polychrome par les frères Prigent.
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La chapelle Saint-Laurent en Pleyben. Le calvaire (Bastien Prigent, vers 1555).
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L'église Sainte-Marie-Madeleine de Dinéault IV. La statue de sainte Marguerite.
et : La Déploration à 6 personnages de Plourin par les Prigent Les 3 larmes.
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Attribution personnelle hors catalogue Le Seac'h :
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Le calvaire (Fayet, 1552 ou Prigent 1542?) de l'église de Lopérec.
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Le Noli me tangere et le Repas d'Emmaüs du Pénity de Locronan. (3 larmes)
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Ploéven II. La Déploration de l'église.(3 larmes)
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Saint-Ségal : le calvaire du bourg (vers 1550 et 1630, kersanton, atelier Prigent et Roland Doré) (3 larmes)
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La Pietà aux trois larmes (kersanton, XVIe, atelier Prigent) de la croix de Tal-ar-Groas à Crozon. (3 larmes)
Sur Wiki : https://fr.qaz.wiki/wiki/List_of_the_works_of_Bastien_and_Henry_Prigent.
RAPPEL (voir la présentation du porche ici).
Le porche sud de l'église de Pencran (ancienne trève de Ploudiry) est daté par inscription de 1553 (1552 à 1558 selon les lectures d'une inscription qui a été volée) et la quasi-totalité de ses sculptures en kersanton (pierre noire à grise très fine et très résistante à l'altération, extraite notamment en Rade de Brest) est attribuée à Bastien Prigent assisté de son frère Henry, actifs de 1527 à 1577.
Les pièces les plus remarquables ont fait l'objet d'un article dédié : les crossettes figurant un lion (à gauche) et un dragon (à droite) à la jonction du toit et des murs ; le pourtour de l'arc en plein-cintre avec ses trois moulures présentant des scènes bibliques et des anges ; le tympan conservant les reste d'une Adoration des Mages ; L'intérieur du porche avec les 12 apôtre d'un Credo, et un Christ Sauveur ; et cet article qui décrit les statues des contreforts.
L'ouverture du porche se fait en éventail dont chaque branche est équipé de bancs. Et c'est dans leur prolongement que se trouvent les contrefort. Chacun est doté sus ses trois faces de niches à dais, mais sur ces six niches, seules quatre ont conservé leur statue.
Elles seront décrites de l'est vers l'ouest, et donc de l'extrême droite de l'entré du porche vers la gauche.
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SAINTE ANNE ÉDUCATRICE. (Kersanton, Prigent v.1553).
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Niche extérieure du contrefort droit.
"Sainte Anne enseignant à la Vierge permet de comparer le style des deux sculpteurs [Bastien et Henry]. Ici, on retrouve les narines dilatées de la sainte Apolline de l'intérieur de l'église mais avec un visage plus plat. La tête a été recollée. Les chaussures sont plus carrées et les mains moins épaisses. Assise sur un petit tabouret, elle montre de l'index un livre ouvert à la Vierge, qui en saisit un angle. Elle est vêtue d'une robe recouverte d'un manteau ; le voile enserre comme un bandeau les mèches de cheveu." (E. Le Seac'h).
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Je retrouve une nouvelle fois le "bandeau occipital" si souvent remarquée dans la statuaire du Finistère, notamment de Marie ou de Marie-Madeleine, aux XVIe et XVIIe siècle, comme un trait auquel les trois ateliers de Landerneau restent attachés, mais qui diffuse en Basse-Bretagne .
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Sainte Anne éducatrice (kersanton, Prigent, v.1553), porche sud de l'église de Pencran. Photographie lavieb-aile.
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Le même atelier est aussi l'auteur (selon E. Le Seac'h) d'une Anne éducatrice pour le porche de Landivisiau (1555), mais les différences sont notables entre les deux œuvres.
https://www.lavieb-aile.com/2017/01/le-porche-de-l-eglise-de-landivisiau.html
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Sainte Anne éducatrice (kersanton, Prigent, v.1553), porche sud de l'église de Pencran. Photographie lavieb-aile.
Sainte Anne éducatrice (kersanton, Prigent, v.1553), porche sud de l'église de Pencran. Photographie lavieb-aile.
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SAINTE SUZANNE. (Kersanton, Prigent v.1553).
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Dans la niche médiane du contrefort droit, une imposante sainte porte l'inscription latine S : SUSSANNA : ORA , "Sainte Suzanne priez [pour nous]".
Elle tient en main droite un court phylactère sans inscription et en main gauche un livre ouvert.
Le voile de son manteau est "coqué" (à plis rigides) — une caractéristique des statues des Prigent — et laisse échapper sa longue chevelure dont seules deux mèches ondulées descendent sur le coté. Une chemise fine dépasse aux poignets et au col sous forme d'un petit plissé. La ceinture retient —sans doute par une agrafe ou "troussoire" — le pan du manteau sous le poignet droit.
"Elle est vêtue d'une longue robe qui laisse à découvert des chaussures massives à bout rond. Le livre est décoré de marguerites plates et les manches de la robe sont plissées. Une chaîne à grosses mailles est terminé par un pendentif en forme de quadrilobe. Le col de la robe est ouvert par le milieu. Le visage et les draperies plus souples sont particuliers à Bastien Prigent [plus habile que son frère Henry]. Les pommettes sont saillantes et l'arête du nez très forte se poursuit avec un philtrum large et une fossette mentonnière prononcée. Les yeux semblent presque clos."(E. Le Seac'h)
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Sainte Suzanne de Rome est une vierge et martyre romaine du IIIe siècle fêtée le 11 août.
Sur une statue conservée dans l'église de Sainte-Suzanne en Mayenne, elle tient également un livre dans la main gauche.
Plus près de nous, la chapelle Sainte-Suzanne en Sérent sa statue du XVIe siècle tient un long phylactère à son nom. Elle est coiffée d'un bandeau occipital.
À Uzel (Saint-Thélo), la statue du XVIIIe la représente tenant la palme du martyre, couronnée et voilée.
La chapelle Sainte-Suzanne de Mûr-de-Bretagne possède une statue en bois de la fin du XVe siècle : elle y tient un livre en main gauche et la palme en main droite et, comme ailleurs, elle porte une cape à fermail.
Sa présence de sainte Suzanne à Pencran, à coté de sainte Anne et de saint Pierre, est à rapprocher du fait que le musée du Louvre conserve les statues (Jean Guilhomet, début XVIe) de ces trois saints personnages, conçues pour la chapelle du château de Chantelle, et honorant les trois saints patrons d'Anne de Beaujeu — fille de Louis XI et régente du royaume de France de 1483 à 1492 — de Pierre de Beaujeu son époux et de Suzanne, leur fille unique. Cette statue du Louvre montre la sainte royalement vêtue (turban, robe cintrée, chape à fermail, ceinture en chaîne, nombreux bijoux) et tenant des deux mains un livre.
Suzanne de Beaujeu (1491-Châtellerault 1521) fut duchesse de Bourbon et d'Auvergne et comtesse de la Marche de 1503 à 1521, après avoir épousé en 1505 Charles de Bourbon.
https://www.persee.fr/doc/piot_1148-6023_1899_num_6_1_1164
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Sainte Suzanne (kersanton, Prigent, v.1553), porche sud de l'église de Pencran. Photographie lavieb-aile.
Sainte Suzanne (kersanton, Prigent, v.1553), porche sud de l'église de Pencran. Photographie lavieb-aile.
Sainte Suzanne (kersanton, Prigent, v.1553), porche sud de l'église de Pencran. Photographie lavieb-aile.
Sainte Suzanne (kersanton, Prigent, v.1553), porche sud de l'église de Pencran. Photographie lavieb-aile.
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LA VIERGE À L'ENFANT. (Kersanton, XVe siècle).
Contrefort droit, niche interne.
Cette Vierge à l'Enfant est manifestement du XVe siècle (chaussures à bouts pointues, posture fortement hanchée et devait être fort belle avant qu'on ne brise la tête de la mère et du fils.
On en voit encore les longs cheveux qui ruissellent sur le manteau et sur le corsage. Le bras droit est également brisé et ne nous permet pas de présager si Marie présentait, d'un geste ample, un objet à son enfant. Le manteau fait retour sous le flanc gauche, dissimulant une éventuelle ceinture. L'Enfant est vêtu d'une tunique mais ses pieds sont nus.
On sait que l'église de Pencran possède une cloche de 1365, attestant la présence d'un sanctuaire au XIVe siècle ; et que la Déploration du retable du chœur date de 1517 : il est donc normal que nous trouvions des œuvres antérieures à la date de fondation du porche sud en 1553.
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Vierge à l'Enfant, kersanton, XVe siècle, porche sud de l'église de Pencran. Photographie lavieb-aile.
Vierge à l'Enfant, kersanton, XVe siècle, porche sud de l'église de Pencran. Photographie lavieb-aile.
Vierge à l'Enfant, kersanton, XVe siècle, porche sud de l'église de Pencran. Photographie lavieb-aile.
Vierge à l'Enfant, kersanton, XVe siècle, porche sud de l'église de Pencran. Photographie lavieb-aile.
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L'ange et son inscription
"Une Vierge à l'Enfant du XVe siècle repose sur un ange-console, qui déploie de chaque coté de son buste aujourd'hui presque brisé des bribes de ce qui pourrait être le milieu et la fin d'une inscription assez longue : OSCH [?] ET TYL[?]AIR / ROF FABR.
Si l'on admet que ET et TY sont deux mots, — cela veut dire en breton "chez", ce serait là la seule partie intelligible avec, à la fin, FABR , abréviation du mot "fabrique"." (E. Le Seac'h)
Je ne peux améliorer la lecture faite par Le Seac'h de façon cohérente. Je ne suis pas convaincu du tout que "et ty" soit du breton.
À l'intérieur de l'église, se trouvent deux anges porteurs de phylactère assez semblables et servant également de consoles : sous la statue de saint Yves, l'ange porte l'inscription en caractères gothiques : PAX : VOBIS, alors que sous la statue de saint Antoine de Padoue, le phylactère est brisé.
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L'entrée du porche de Lampaul-Guimiliau (auquel les Prigent ont participé) est encadrée par deux anges portant chacun une longue inscription, l'une en latin et l'autre en français, alors qu'un couple d'anges de la voûte tient une troisième inscription en latin.
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Vierge à l'Enfant, kersanton, XVe siècle, porche sud de l'église de Pencran. Photographie lavieb-aile.
Vierge à l'Enfant, kersanton, XVe siècle, porche sud de l'église de Pencran. Photographie lavieb-aile.
Console de la Vierge à l'Enfant, kersanton, XVe siècle, porche sud de l'église de Pencran. Photographie lavieb-aile.
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Le contrefort de gauche montre, sur sa face interne, une console dont la statue a été perdue. Cette console est également portée par un ange déployant un phylactère dont il manque la moitié, sans inscription lisible.
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Vierge à l'Enfant, kersanton, XVe siècle, porche sud de l'église de Pencran. Photographie lavieb-aile.
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LA VIERGE DU CALVAIRE. (Kersanton, Prigent v.1553).
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Elle est déplacée d'un autre site où elle encadrait, avec saint Jean, un Crucifié. Son buste est d'ailleurs tourné vers la gauche par rapport à l'axe des pieds.
On reconnait les trois larmes qui font la particularité (mais non spécificité, puisque les ateliers suivant leur ont parfois emprunté) des frères Prigent, et qu'ils réservent à la Vierge, à saint Jean et Marie-Madeleine au pied de la Croix ou en Déploration.
Nous retrouvons aussi le voile "coqué", faisant un pli au dessus du front, avant de s'intégrer au manteau, qui est un autre trait de l'atelier.
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Vierge (kersanton, Prigent, v.1553), contrefort de gauche du porche sud de l'église de Pencran. Photographie lavieb-aile.
Vierge (kersanton, Prigent, v.1553), contrefort de gauche du porche sud de l'église de Pencran. Photographie lavieb-aile.
Vierge (kersanton, Prigent, v.1553), contrefort de gauche du porche sud de l'église de Pencran. Photographie lavieb-aile.
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LA VIERGE À L'ENFANT DU PORCHE. Kersanton.
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Elle n'est pas attribué aux Prigent. Sa tête très ronde est couronnée. Elle a perdu l'objet qu'elle tenait en main droite.
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SAINT PIERRE. Kersanton, XVIe siècle.
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Remarquez le blason (muet) du culot.
Cette statue presque trop neuve n'est pas attribuée aux Prigent (ni à quiconque) par Le Seac'h. Ses yeux ourlés en amande, ses moustaches qui partent du coin des narines, sa barbe aux mèches terminées par des boucles, le boutonnage en S de sa robe rappellent les apôtres du porche sud, ou le saint Luc des moulures du porche.
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QUELQUES DAIS (kersanton, atelier Prigent, v. 1553).
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Dais des niches des contreforts (kersanton, Preigent, v.1553), porche nord de l'église de Pencran. Photographie lavieb-aile.
Dais des niches des contreforts (kersanton, Preigent, v.1553), porche nord de l'église de Pencran. Photographie lavieb-aile.
Dais des niches des contreforts (kersanton, Preigent, v.1553), porche nord de l'église de Pencran. Photographie lavieb-aile.
Dais des niches des contreforts (kersanton, Preigent, v.1553), porche nord de l'église de Pencran. Photographie lavieb-aile.
Dais des niches des contreforts (kersanton, Preigent, v.1553), porche nord de l'église de Pencran. Photographie lavieb-aile.
Dais des niches des contreforts (kersanton, Preigent, v.1553), porche nord de l'église de Pencran. Photographie lavieb-aile.
Dais des niches des contreforts (kersanton, Preigent, v.1553), porche nord de l'église de Pencran. Photographie lavieb-aile.
Dais des niches des contreforts (kersanton, Preigent, v.1553), porche nord de l'église de Pencran. Photographie lavieb-aile.
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STATUE DE SAINT SÉBASTIEN (vestiges). Kersanton, Prigent, XVIe siècle.
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Mur ouest du transept.
Le saint est attaché par deux liens à un tronc d'arbre en forme de croix : le bras droit passe derrière une branche, le bras gauche est lié au dessus de sa tête. Le saint regarde vers le bas et la droite avec tristesse.
Il est vêtu d'un pagne. Son ventre, son thorax et son bras portent les trous des flèches.
On peut le comparer à son homologue de Ploudiry, attribué également à l'atelier Prigent : la posture des bras et la direction du regard sont simplement inversés.
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On peut le comparer aussi au saint de l'arc de triomphe de la chapelle Saint-Sébastien de Saint-Ségal, et à celui du calvaire du bourg de Saint-Ségal.
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STATUE DE SAINTE APOLLINE (kersanton polychrome, Henry Prigent v.1553).
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Sainte Apolline, vierge martyre dont les bourreaux ont arraché les dents (d'où la pince serrant une molaire qui est son attribut) est très vénérée dans les églises et sur les Livres d'Heures (Livre d'Etienne Chevalier, de Jean de Montauban, etc. ), et ses statues sont au nombre de 20 dans le diocèse de Quimper et Léon (Couffon).
Elle est la co-patronne de l'église de Pencran, comme l'indique l'inscription de fondation.
"La première œuvre signée du seul Henry Prigent est, en 1555, une statue de sainte Apolline à Pencran. C'est elle qui permet de distinguer les styles des deux hommes et de constater qu'Henry est le moins habile. La sainte, debout, tient dans le creux de la main gauche un livre ouvert et la tenaille de son supplice de la main droite. Son visage ovale est légèrement creusé au niveau des tempes. Le nez massif avec les narines creuses attirent l'œil. Les yeux tombent, le menton est prédominent. Le teint de la sainte est surchargé en peinture ocre rouge, ce qui lui donne des pommettes carmin respirant la santé et le grand air. En comparaison, le style de Bastien est plus fin : il donne des coques au voile des femmes qu'il sculpte, aiguise les arcades sourcilières. Les yeux sont taillés en un petit losange horizontal. Les drapés sont fluides. De façon générale, la manière plus souple qu'il a de sculpter, qui produit un effet plus impressionniste, voire maniériste, contraste avec le hiératisme, la raideur des réalisations de Henry." (Le Seac'h p.139 )
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Sainte Apolline (kersanton polychrome, Prigent v.1553), église de Pencran. Photographie lavieb-aile 2017.
Sainte Apolline (kersanton polychrome, Prigent v.1553), église de Pencran. Photographie lavieb-aile 2017.
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L'inscription.
Le socle a été barbouillé de peinture noire et surchargé d'une indication superflue STE APOLLINE, qui dissimule la précieuse inscription gothique de quatre lignes (qui sera restituée, à coup sûr, par la restauration en cours). Je peux lire CEST YMAIGE FUT FAI... LE MERCIER ET R.
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Lucien Lécureux écrivait en 1915 :
"Dans le bas-côté sud se trouve la statue de sainte Appolline dont nous avons déjà eu l'occasion de parler à cause de la date qu'elle porte. Cette statue est en pierre, de facture maladroite. Elle a été grossièrement repeinte. Sur le socle se lit l'inscription suivante en relief d'une écriture cursive assez gauche :
CEST YMAIGE FUT FAICTE
ET CESTE CHAPELE NICHE AN
P[AR] O. LE MERCIER ET R. SCAN
LAN 1555.
L'inscription est évidemment fautive. La première ligne contient déjà une de ces libertés syntaxiques fréquentes à cette époque dans les inscriptions françaises de Bretagne, où nous trouvons constamment le masculin pour le féminin. Déjà deux inscriptions de Pencran, celle de 1553 sur un cube de pierre et celle de 1517 au bas du groupe de la descente de croix, nous ont fourni des exemples de ce genre de faute : fut fondé ceste chapele — cest histoire fut complet.
La fin de la seconde ligne est incompréhensible. On lit très nettement : niche an. Peut-être le premier mot doit-il être interprété : niché. A cette époque on ne peut s'attendre à trouver un accent sur la finale. Quant à la syllabe an c'est une graphie très répandue en Bretagne à cette époque et encore au XVIIème siècle pour la préposition française : en. On lit sur le calvaire de Plougastel : A[N] LA[N] 1602, sur une sablière de La Roche : A[N] LA[N] M V LXVII.
Maintenant faut-il joindre an au mot l'an qui commence la quatrième ligne. Faut-il supposer une autre transposition et comprendre ainsi les deux premières lignes :
CESTE YMAIGE FUT FAICTE
ET EN CESTE CHAPELE NICHÉE
(niché au lieu de nichée étant un exemple de plus de manque d'accord) ?
En tout cas l'inscription est fautive, et d'ailleurs il ne faut pas trop s'étonner de trouver des fautes dans les inscriptions françaises de Basse-Bretagne, exécutées par des ouvriers bretonnants qui devaient souvent reproduire sans les comprendre des modèles déjà incorrects.
Quant aux deux noms qui occupent la troisième ligne, ce sont des noms de fabriques. Nous avons trouvé un autre O. le Mercier dans l'acte de 1619 relatif à la réparation des orgues. C'est un des deux notaires de Landerneau devant lesquels est passé l'acte. Il se peut que le fabrique 0. le Mercier habitât déjà Landerneau puisqu'en 1550 Hervé Kerahès avait sa demeure dans cette ville."
E. LE Seac'h a lu (et cela semble plus fidèle) : CEST. YMAIGE . FVT. FAICTE / ET . CESTE . CHAPELLE . PAR . HENRY . P. G. LE MERCIER . ET . R. SCAF. F. LAN 1555.
Ces informations capitales pour l'historien méritent d'être à nouveau disponibles à la lecture après suppression de la lamentable peinture noire .
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1. Une signature d'Henry Prigent, sculpteur.
E. Le Seac'h interprète astucieusement l'inscription "cette ymaige fut faicte et ceste chapelle par Henry P.G." comme une signature du sculpteur : "cette image fut faite en cette chapelle par Henry Prigent".
Ce nom est attesté à coté de celui de son frère Bastien sur le calvaire de Plougonven un an auparavant : "BASTIEN ET HENRY PRIGE[N]T ESTOIE[N]T YMAGEURS 1554. La première œuvre datée et signée, par Bastien seul, est le bénitier de la chapelle Saint-Guévoc de Trédrez en 1545 : [...] CO[MPOSEE. A. PAR . BASTIEN . P[RI]GE[N]T Ma; FAITE . MVC.XLV.". Mais un document des comptes de paroisse de Lanhouarneau concernant la croix de Croas-ar-C'hor
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2. Recherches généalogiques.
1°) LE MERCIER.
Geneanet propose 10 indications pour ce patronyme à Landerneau. Dont un Olivier Le Mercier :
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"Olivier, anobli en 1515, père de Jean, et celui-ci de Sébastien, vivant en 1538, marié à Marie de Kerroudault." (Pol Potier de Courcy)
De plus, un acte notarié du 15 septembre 1531, relatif à l'église Saint Ivy, mentionne "Maître Jan le Mercier sieur de Beaurepos". (Archives Le Forestier de Quillien)
Mercier (le), sr de Beaurepos et de Keroman, par. de Guipavas. Confirmé par lettres de 1673 et maint. au conseil en 1717, sept gén. ; montres de 1534 a 1538, par. de Lambezellec, ev. de Leon. D’azur au chevron d’argent, accomp. en chef de deux quintefeuilles de même, et en pointe d’une cloche d’or, bataillée de sable.
Olivier, anobli en 1515, père de Jean, et celui-ci de Sébastien, vivant en 1538, marié à Marie de Kerroudault. Fondu dans Fontaine de Mervé." (généalogie Cedric L'haridon) (Pol de Courcy)
Cet Olivier serait le père de Jean, mais aussi de François, marié avant 1537 avec Thomine LE CAM et dont les trois enfants Marguerite (1537-)Jean (1542-) et Catherine (1545-) sont baptisés à l'église Saint-Thomas de Landerneau.
Par contre, la base Geneanet n'offre aucun individu à Guipavas ou à Ploudiry (ou à Pencran) pour ce nom de Mercier ou Le Mercier.
Un Maître Jean Le Mercier et Pierre Le Mercier participent à la montre de l'évêché du Léon en 1534 pour Lambézellec.
Un Jean Le Mercier est mentionné dans les archives de la juridiction de Corlay.
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2°) R. SCANF.
Je pense qu'il faut comprendre "SCANF" ou SCANV derrière les leçons "SCAN" et "SCAF" (ou un tilde n'a peut-être pas été relevé). Albert Deshayes consacre un item de son Dictionnaire (p. 160) à "Le Scanv" et ses nombreuses variantes Le Scan, Scaff, Scaf, An Scanff, Le Scanf, Le Scanve, Lescan, Le Scao correspondant au qualificatif moyen-breton "legier, non pesant". . On les trouve à Quimper, Plouguin, Ploudalmézeau, Daoulas, Plourin-Morlaix, mais non à Ploudiry ou Landerneau.
La base Geneanet les trouve aussi à Saint-Pol-de-Léon (++), Lannilis et Plouvien, Plougasnou.
Le Nobiliaire de Pol de Courcy localise un Le Scanf, seigneur de Kervelguen en Goëllo.
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LA VIERGE DE PITIÉ AUX TROIS LARMES : UNE OEUVRE DES PRIGENT ? Kersanton polychrome, XVIe siècle.
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Elle occupe un pilier sud de l'intérieur de l'église et fait l'objet de la restauration en cours.
Bien qu'elle n'est pas été placée par E. Le Seac'h dans son catalogue des œuvres attribuées aux frères Prigent, je peux suggérer cette attribution, puisque la Vierge montre sous chaque œil les trois larmes caractéristiques de cet atelier —mais qui seront reprises ponctuellement par le Maître de Plougastel (1570-1621) et par Roland Doré (1618-1663) —. Puisque l'atelier Prigent se signale à Pencran par de nombreuses sculptures, et que les deux autres ateliers sont plus tardifs, comme nous retrouvons les particularités stylistiques de l'atelier, comme le manteau qui forme un voile à plis rigides sur la tête, cela me semble (très) vraisemblable.
Ces larmes avaient été remarquées avant moi par Yves-Pascal Castel .
Voir la Vierge de Pitié de Tal-ar-Goas à Crozon : je fais la synthèse en fin d'article sur les Pietà des Prigent. Voir aussi la Vierge de Pitié du calvaire de Kerabri à Lothey, par les Prigent.
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La forme du groupe s'inscrit dans un triangle, et le manteau de la Vierge englobe le corps de son Fils. Celui-ci, soutenu par la main droite de Marie sous la tête et sa main gauche sur le ventre, forme une diagonale orientée vers le haut et la gauche, mais il forme aussi une croix avec le bras droit (exposant la paume et sa plaie), et le bras gauche de la Vierge.
La Vierge de Pitié est assise, et ses jambes tournées vers sa droite et légèrement écartées soutiennent la tête et le flanc du Christ.
Les plaies des pieds, de la main droite et du flanc sont bien exposées, celles de la couronne d'épines seront à ré-examiner après restauration. Mais elles participent de la même dévotion aux Cinq Plaies, au Sang versé et aux souffrances endurées par le Rédempteur qui s'est développé en France (Bourgogne) et dans le Duché de Bretagne au XIV et XVe siècles, et qui ont suscité la floraison que l'on connait en Finistère des calvaires au XVIe siècle. Cette dévotion est indissociable de l'attachement aux larmes versées par les trois saints personnages au pied du calvaire (la Vierge, Saint Jean et Marie-Madeleine)et cette effusion des pleurs répondant par participation émotionnelle au versement du sang incite les fidèles à s'unir à ce geste de piété.
Voir Dévotion franciscaine aux Plaies du Christ à la cour ducale de Bretagne.
Cette dévotion n'est sans doute mieux attestée qu'à Pencran, puisque ces larmes se retrouvent sur la Vierge du Calvaire (supra), sur cette Pietà, sur le visage de Marie-Madeleine au pied du calvaire (de 1521 ?), sur les trois personnages de ce calvaire autour de la croix, tandis que les visages attristés du retable de la Déploration de 1517 (sans larmes sculptées, mais avec mouchoir) relève de la même sensibilité.
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Vierge de Pitié, (kersanton polychrome, Prigent ?, XVIe siècle), église de Pencran. Photographie lavieb-aile 2017.
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STATUE DE MARIE-MADELEINE ÉPLORÉE, (kersanton, Prigent v. 1553).
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C'est une Marie-Madeleine au pied du calvaire, figure habituelle de l'atelier Prigent, mais qui a été séparée du calvaire d'origine, que nous ignorons, pour être placée sur un socle sur la pelouse du nord de l'église.
Elle est agenouillée, et lève la tête et le regard vers le Christ crucifié tout en levant les deux mains écartées en signe d'émotion. Elle porte une riche et épaisse robe, aux manches, plissées qui s'évasent aux poignet, au corsage ajusté et non plissé tandis que la jupe laisse tomber des plis tubulaires sous la ceinture nouée par une rosette.
Le manteau est tombé des épaules et forme, entre les reins et les jambes, une masse en éventail.
Le flacon d'aromates ou d'onguents est posé à sa droite.
Sa tête est partiellement voilée par le fameux bandeau occipital (cf. Sainte Anne supra), plissé en éventail sur l'occiput avant de rassembler les nattes et de se nouer derrière la nuque. Les deux nattes descendent devant les épaules.
Le bloc de pierre est brisé (on dirait même scié) sous la taille, et cette statue a peut-être été retrouvée dans des décombles.
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Cette Marie-Madeleine éplorée au pied de la croix se retrouve, avec toutes ses caractéristiques, sur le calvaire monumental de Pleyben, datant de 1555 (exactement comme la sainte Apolline de Pencran), mais aussi au calvaire du bourg de Saint-Ségal, et avec toutes ou partie de ces caractéristiques, au calvaire de la chapelle Saint-Sébastien de Saint-Ségal, au calvaire de la chapelle du Ménez-Hom en Plomodiern, et enfin au calvaire de Lopérec (et encore sur un contrefort de la chapelle Saint-Tugen en Primelin). Voir ma présentation ici :
https://www.lavieb-aile.com/2019/07/saint-segal-le-calvaire-du-bourg.html
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Enfin nous ne pouvons ignorer que cette Marie-Madeleine éplorée au pied de la croix est présente au pied du calvaire nord de Pencran (1521 ?) et du calvaire sud (cimetière). Mais dans ces deux cas, les trois larmes de compassion sont absentes.
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Marie-Madeleine éplorée (kersanton, Prigent v. 1553), église de Pencran. Photographie lavieb-aile 2019.
Marie-Madeleine éplorée (kersanton, Prigent v. 1553), église de Pencran. Photographie lavieb-aile 2019.
Marie-Madeleine éplorée (kersanton, Prigent v. 1553), église de Pencran. Photographie lavieb-aile 2019.
Marie-Madeleine éplorée (kersanton, Prigent v. 1553), église de Pencran. Photographie lavieb-aile 2019.
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SOURCES ET LIENS.
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— ABGRALL (Jean-Marie) 1915, Inscriptions gravées et sculptées sur les églises et monuments recueillies par M. le chanoine Abgrall, Bulletin de la Société Archéologique du Finistère T. 42. page 189.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2077163/f241.item
— ABGRALL (Jean-Marie) 1916, Inscriptions gravées et sculptées sur les églises et monuments recueillies par M. le chanoine Abgrall (suite), Bulletin de la Société Archéologique du Finistère page 95.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2077197/f126.item
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2077197/f155.item
— ABGRALL (Jean-Marie) 1898, Inscriptions gravées et sculptées sur les églises et monuments du Finistère, par M. l'abbé J.-M. Abgrall. Congrès archéologique de France : séances générales tenues à Morlaix et à Brest ... par la Société française pour la conservation des monuments historiques Société française d'archéologie. Derache (Paris), A. Hardel (Caen) 1898 page 155. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k356651/f222.image
— ABGRALL (chanoine Jean-Marie), 1902, Le livre d'or des églises de Bretagne, Oberthür.
— APEVE
http://www.apeve.net/spip/spip.php?article8
—CHAURIS (Louis ) 2010, Le kersanton. Une pierre bretonne, Presses universitaires de Rennes,
— COUFFON (René), LE BARS (Alfred), 1988, Notice sur Pencran, Répertoire des églises et chapelles du diocèse de Quimper
https://bibliotheque.diocese-quimper.fr/files/original/7f786fe0966306242750d6e111e8c78d.pdf
— FAVÉ (abbé), 1899, Excursion..., Bulletin SAF
https://societe-archeologique.du-finistere.org/bulletin_article/saf1899_0452_0506.html
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k207649z/f457.item
— LÉCUREUX (Lucien), 1915 Société Archéologique du Finistère - SAF 1915 tome 42 - Pages 139 à 156
https://societe-archeologique.du-finistere.org/bulletin_article/saf1915_0199_0218.html
— LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne. Les ateliers du XVe au XVIe siècle. Presses Universitaires de Rennes.
http://www.pur-editions.fr/couvertures/1409573610_doc.pdf
— PÉRENNÈS (Henri), 1938 Notice de Pencran, BDHA
http://bibliotheque.diocese-quimper.fr/files/original/3c650c05ef86fe15d59ddb6b528d5f93.pdf
—DANIEL ( Tanguy ) 1987, La mort d' un mythe : un art breton sans artistes . Cahiers de Bretagne occidentale , n° 6 , 1987 , p . 75 - 84 ( Mélanges Yves Le Gallo )
http://www.gbv.de/dms/hebis-mainz/toc/013196308.pdf
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