Les termes gainés (cariatide et atlante) du porche sud (1584-1588) de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Atelier du château de Kerjean, kersanton.
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Je continue à colliger une documentation iconographique sur les œuvres de la Première et Seconde Renaissance en Bretagne, inspirées de l'art à la grotesque, et de l'École de Fontainebleau, et je m'intéresse maintenant aux Termes, Cariatides et Atlantes que les architectes et sculpteurs bretons ont créés en Finistère à la fin du XVIe siècle et au XVIIe siècle. On les attribue, pour les premières réalisations, à l'atelier qui a travaillé à l'édification du château de Kerjean en Saint-Vougay vers 1570, et qui a introduit dans le Léon les nouveautés stylistiques de la Seconde Renaissance de l'École de Fontainebleau (1539) diffusés par des recueils comme ceux de Sebastiano Serlio (1537) et d'Androuet du Cerceau (vers 1550).
Le couple de termes masculin et féminin de l'entrée du château de Kerjean est repris au fronton du porche sud de Lanhouarneau en 1588 (granite). Ce fronton sert de modèle qui se retrouve, au fond du porche de Saint-Thégonnec en 1599 (kersanton), au fronton du porche sud de Saint-Houardon de Landerneau en 1604 (kersanton), au fond du porche de Guimiliau vers 1606, puis au fronton de la porte de l'ossuaire de La Martyre en 1619 (kersanton), et de l'ossuaire de Saint-Thégonnec en 1676 (kersanton). Dans ces six cas, les deux termes encadrent une niche accueillant une statue d'un saint ou d'une sainte, et ils sont épaulés par deux volutes latérales.
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Ce sont des "termes" car leur piètement est en forme de bornes, mais aussi des "cariatides" et "atlantes" (voire des "télamons"), car ils supportent sur leur tête, par un chapiteau ionique, un entablement. Face à ce flottement sémantique, il vaudrait mieux désigner ces figures comme des "supports anthropomorphes". J'ai choisi de rester simple, au prix de l'incorrection.
On retrouve aussi cet ornement, décliné avec beaucoup d'imagination, en granite à l'intérieur du porche de Bodilis (1570-1601), ou sur la façade de l'ossuaire de Sizun (1585), en kersanton sur un bénitier de Guimiliau (v.1606) et, en sculpture sur bois, sur les jubés et clôtures de chœur de La Roche-Maurice, et de la chapelle Saint-Nicolas en Priziac.
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Sur les Termes, cariatides et atlantes :
-Sculpture en pierre :
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L'atlante et la cariatide ( 1571-1595) du château de Kerjean en Saint-Vougay. La Seconde Renaissance dans le Léon. (Kersantite)
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Les termes (cariatides et atlantes) et cartouches du porche sud (granite, 1570-1601) de Bodilis. (granite)
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Le porche sud et la porte sud de l'église Saint-Houardon de Landerneau. (Kersantite, 1604)
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Les termes (cariatides et atlantes) de l'ossuaire (1619) de La Martyre. Una vergine corinthia. (Kersantite)
-Sculpture en bois :
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Le jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice (29).I. La tribune.
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Le jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice (29). II. La clôture de chœur.
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Voir sur l'art de la Renaissance :
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Les vitraux en grisaille (1542-1544) de la galerie de Psyché, Musée Condé de Chantilly.
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Les vitraux héraldiques provenant du château d'Ecouen, 1541, de la Galerie Duban à Chantilly.
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Le Hibou harcelé par les oiseaux des Compertementen (cartouches) de Jacques Floris en 1564.
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.Voir sur l'art de la Renaissance en Bretagne par ordre chronologique :
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Les 54 stalles (vers 1530-1550) de l'ancienne collégiale de La Madeleine de Champeaux (35).
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Le jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice (29).I. La tribune.
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Le jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice (29). II. La clôture de chœur.
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L'église de Goulven IV : la tribune d'orgue, ancien jubé du XVIe siècle.
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La tribune (bois polychrome, XVIe siècle) ou ancien jubé de l'église d'Esquibien.
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L'église Saint-Salomon de La Martyre. IV. L'ossuaire (1619). Les inscriptions. Les crossettes.
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Sans compter— mais c'est essentiel — les sablières à cuirs chantournés et/ou grotesques du Maître de Plomodiern à Saint-Nic (1561-1566), Plomodiern (1564), à l'atelier du Cap-Sizun à Primelin, Pont-Croix (1544), Confort-Meilars, Esquibien ou de celle du Maître de Pleyben (1567-1576) à Pleyben, Kerjean, Plomodiern (Sainte-Marie du Menez-Hom), Bodilis, Saint-Divy, Notre-Dame de Berven (1579-1580) à Plouzévédé et peut-être Roscoff.
PRÉSENTATION GÉNÉRALE.
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On commencera par noter la proximité de Lanhouarneau avec le château de Kerjean (Saint-Vougay), à 8 km à l'est.
"En forme de croix latine, l'église comprend une nef de trois travées avec bas-côtés, un transept et un chœur accosté de deux chapelles et terminé par un chevet à trois pans. En dehors du clocher du XIVe siècle, l'édifice est en partie de la fin du XVIe siècle, en partie de la fin du XVIIIe siècle.
Le porche du midi , voûté sur croisée d'ogives avec liernes, porte la date de 1582 sur le contrefort est et l'inscription suivante dans l'entablement de l'arcade extérieure : "IEAN. TOVLLEC (?). Y. BERTHOV. ET. J. MESGVEN. PROCVREVRS (?)." Ce porche a une importance capitale pour l'histoire de l'art breton, car il présente une innovation totale dans la décoration des porches, aucun élément gothique n'y figurant plus et le style classique y apparaissent totalement pour la première fois. Dû sans nul doute à l'atelier de Kerjean, sa disposition et ses principaux ornements ont été reproduits dans de très nombreux monuments de la vallée de l'Elorn.
Le sommet du gable est décoré d'un écu martelé portant les armes mi-parti Maillé et Carman, armes de François de Maillé et de sa femme Claude de Carman, héritière de ses frères après leur fin tragique en 1584. C'est donc peu après cette dernière date que le porche semble avoir été achevé.
Les niches à coquille abritent encore les statues des douze Apôtres (kersanton) ; dans le soubassement, cartouches à têtes grimaçantes et grotesques comme à Bodilis. L'une des liernes porte sur ses deux faces l'inscription : "H. N. GAL... FAB. NOBLE. E. VEN. P. SR. M. G. ESQVZ... RECT. /M. E. GARS. CVRE. 1582. F. RICHART. FAB.". Au-dessus de l'arc surbaissé de la porte intérieure, statue en kersanton du Christ Sauveur du monde. Au pignon du porche, dans une niche à cariatides gaînées, statue de sainte à longues tresses, un enfant à ses pieds [sic]." (René Couffon)
Marie-Dominique Menant donne une lecture plus complète de l'inscription de l'intérieur gravée sur les liernes du porche : M. E. BARS. CURE. 1582. F. RICHART. FAB. H. NOAL. FAB. NOB. ET. VEN. PER. M. G... REC sur la croisée d'ogives. Je la discuterai à mon tour infra.
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LE FRONTON DU PORCHE.
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Au dessus de l'entablement du porche, le tympan est centré par une niche à coquille dont le plein cintre vient s'inscrire sous un fronton triangulaire supporté par deux colonnes à supports anthropomorphes. Deux volutes forment les arcs-boutants de cet ensemble central.
Dans le tympan, un blason, martelé à la Révolution, aux armes des familles Maillé et Carman permet de faire remonter aux environs de 1584 la fin de la construction du porche (cf. Couffon et Bouricquen).
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La statue de la niche : une sainte (Marie-Madeleine) et un donateur (kersanton, 1588).
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On a vu que René Couffon décrit une "statue de sainte à longues tresses, un enfant à ses pieds". Effectivement, l'identité de la sainte ne peut être précisée facilement. Par contre, il me semble peu discutable que c'est un donateur (tête refaite en pierre ou ciment pierre) qui est agenouillé à ses pieds, les mains jointes autour d'un phylactère qui monte verticalement jusqu'aux nattes de la sainte. Ce donateur est un chanoine, car il est vêtu d'une chape à capuchon rabattu.
La femme (dont la tête est brisée) est tête nue, sans voile, ni bandeau, ni nimbe ni couronne, mais sa chevelure est remarquable car elle forme deux nattes méchées qui se réunissent devant la poitrine et descendent jusqu'au ventre. Ces nattes sont si remarquables qu'elles semblent être un attribut d'identification. Mais vers quelle sainte ?
L'autre attribut est le flacon qu'elle tient, par l'intermédiaire d'un pli de son manteau, dans la main gauche.
Je ne vois qu'une solution de cette devinette, et seule sainte Marie-Madeleine me semble correspondre à cette définition d'une chevelure longue et non couverte, et du flacon d'aromates présenté lors de la Mise au Tombeau, ou du lundi de Pâques, pour l'embaumement du corps du Christ.
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Pour en revenir au donateur, de qui peut-il s'agir ?
Serait-ce le recteur de la paroisse, ce "noble et vénérable personne M. G. R[ecteur] " de l'inscription de 1582 sous le porche ? L'absence de son nom interrompt les tentatives de recherche.
J.M. Abgrall nous indique le nom du recteur de 1585, un certain Guillaume Dall. Pas mieux.
Serait-ce un membre de la famille de Carman, dont les armes figuraient sur un blason du porche avec la date de 1584 ? Ce serait ma meilleure hypothèse. Une verrière de l'église de Plonévez-Lochrist montrait Jean de Carman, "chanoine de Léon" en donateur présenté par Jean-Baptiste devant une Descente de Croix.
http://www.patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/illustration/ivr5319852900781za/9eae3a3f-faad-4b3c-a424-a62e2538c112
Ce chanoine devint évêque de Saint-Pol-de-Léon, et sa dépouille y repose sur une dalle à son effigie, mais dans l'église de Plonévez-Lochrist, la chapelle Saint-Sébastien renferme dans un enfeu la tombe qu'il s'était destiné.
http://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/dossier/cenotaphe-de-monseigneur-jean-de-carman-encastre-dans-un-enfeu-eglise-paroissiale-saint-pierre-plounevez-lochrist/f79cc30e-0846-4b12-9c2b-fe26744da00c
Mais hélas pour la validité de ma suggestion, cet évêque intronisé en 1503 est décédé en 1514.
L'énigme du donateur reste donc à résoudre.
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Le terme masculin, ou "atlante". (Atelier de Kerjean, leucogranite à muscovite de Berven, 1588).
"Géologiquement, l’intrusion du granite à tourmaline de Sainte-Catherine a été précédée, en plusieurs points et en particulier aux environs de Berven, par la mise en place d’un granite clair, blanchâtre, à grain fin-moyen, caractérisé par la présence fréquente de muscovite (mica blanc) et le développement aléatoire, mais toujours en faible proportion, de tourmaline. Si cette roche est loin d’avoir la beauté et surtout l’originalité des divers faciès du massif de Sainte-Catherine, elle est cependant susceptible de fournir des pierres de taille parfois de fortes dimensions. Dans ces conditions, rien d’étonnant à ce qu’elle ait été recherchée pour l’église de Lanhouarneau, fréquemment en association avec le faciès (b) de Sainte-Catherine, extrait dans les mêmes secteurs. Sa mise en œuvre remonte certainement au xvie siècle, comme l’atteste sa présence dans le chevet et dans le porche méridional où elle forme les deux belles colonnes cannelées monolithes dressées de part et d’autre de la partie externe de l’accès. Elle a été également utilisée en remploi (au xviiie siècle), avec le granite de Sainte-Catherine, dans le transept sud, dans l’élévation méridionale… La même roche a été aussi mise en œuvre au niveau de la plate-forme du clocher (balustrade, colonne, base de la flèche…) sans que l’on puisse toutefois préciser ici la date de son utilisation, du fait des restaurations subies par ledit clocher. "(L. Chauris 2006)
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Ces deux supports anthropomorphes sont beaucoup plus grossiers (ou bien moins conservés du fait de leur matériau moins fin et inaltérable que le kersanton) que ceux à qui ils serviront de modèles ; ils ont les bras croisés devant la poitrine et la transition avec le pilier se fait par un pagne feuillagé (acanthe) suspendu à une volute ionique. Ils supportent l'entablement par un chapiteau ionique.
L'homme est remarquable par ses grands yeux et sa moustache.
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Le terme féminin, ou "cariatide". (Atelier de Kerjean, Leucogranite à muscovite de Berven, 1588).
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Cette cariatide est nue et sa belle poitrine souligne sa grâce, plus que son visage qui nous échappe sous l'effet de l'altération de la pierre. Sa coiffure forme deux boucles qui la coiffe comme des oreilles de Mickey.
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LE PORCHE EXTÉRIEUR.
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L'entrée en plein cintre sculpté, soutenu par des colonnes à tambour, est accostée de deux colonnes corinthiennes cannelées, conforme aux modèles de Philibert Delorme adoptés au château de Kerjean. Le pignon et les contreforts d'angles s'amortissent en lanternons.
La corniche à large moulure porte l'inscription : Mre: JEAN: TOVLLEC Rr: Y: BERTHOV : ET : J : MESGVEN : PROCVREVRS 1765, témoignant d'une restauration ou modification assez sérieuse à cette date. En effet, "en octobre 1760, l'architecte Guillaume Balcon est appelé pour étudier la réédification de l'église. Le sieur de Keramoal-Lucas, expert blasonneur, l'accompagne. Le transept et la nef sont repris à partir de 1766 : linteau daté, ajout d'une voûte basse en berceau dans le clocher et transformation du portail occidental. Le remontage du porche sud est effectué après numérotation peinte en rouge des pierres" . (M. Menant)
—Jean TOULLEC (1707-1777) a été recteur de 1748 à 1777.
https://gw.geneanet.org/gaelliou?n=toullec&oc=&p=jean
—Yves BERTHOU (10 février 1719-31 juillet 1783), cultivateur, est qualifié d'Honorable Marchand, demeurant au Manoir du Ferz à Lanhouarneau. Il a été capitaine de la paroisse (équivalent de "procureur" je pense). Il a épousé vers 1739 Françoise Yvonne LE GUEN. Dans sa fratrie figure Hamon Berthou curé de Lanhouarneau.
https://gw.geneanet.org/flcharlet?lang=fr&iz=3045&p=yves&n=berthou&oc=6
Son ancêtre Jean Berthou avait fait construire le manoir du Fers en 1660 et y avait fait graver ses initiales avec celles de son épouse.
"Le Fers", à Lanhouarneau, apparaît sur Google Maps comme une, ou plutôt deux ou trois grosses exploitations d'élevage agricole. Existe-t-il encore des bâtiments anciens ? La notice de l'Inventaire décrit Le Fers Vras, en grès et granite, datant vers 1900.Il y a Le Fers, Le Fers Vras, Le Fers Bian et Le Fers Kerhilliguy. Le lieu-dit est mentionné sur la carte de Cassini, comme Tréfalégan.
Yves Berthou est marchand de toile : lorsqu'en 1785, à l’occasion de l’inventaire après décès du plieur de toile Ollivier Péton, de Landerneau, on découvre dans son grenier une boîte « contenant cinquante sceaux en bois gravés du nom et de la marque particulière de chaque fabriquant », deux noms de marchands sont de Lanhouarneau : le sien et celui de F. Nicolas.
Un post du forum CGF est consacré aux BERTHOU de Lanhouarneau.
https://forum.cgf.bzh/forum/phpBB3/viewtopic.php?f=1&t=31255&sid=2ac4d95
On lit, dans les Antiquités de Bretagne (1832) de Fréminville : "En entrant dans l'église , à main droite, contre la muraille , est la pierre tombale de Jean Berthou. Son nom y est écrit en grosses lettres, mais sans aucune autre espèce d'épitaphe".
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— Jean MESGUEN, cultivateur, est né le 7 octobre 1751 au manoir de Tréfalégan, où il décéda le 29 avril 1806. Il avait épousé en 1785 Catherine BARS.
Un homonyme, cultivateur sachant signer, qualifié d'Honorable Homme, est né vers 1716 au manoir de Tréfalégan où il est décédé le 2 mai 1803. Il avait épousé en 1747 Honorable Femme Marie KEROUANTON.
Le manoir de Tréfalégan, à 800 m au nord-est de l'église, avait appartenu à Sébastien de Rosmadec puis à la famille Thépault dont il porte les armoiries.
http://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/dossier/manoir-puis-ferme-aujourd-hui-maison-trefalegan-lanhouarneau/7ce401b0-600a-41f3-8e14-260fcdd79068
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L'entablement est soutenu par deux colonnes cannelées, rudentées au tiers inférieur et baguées, en leucogranite à muscovite de Berven (L. Chauris) mais dont le chapiteau corinthien est en kersanton.
Près de ces chapiteaux, des anges présentent des cartouches en cuir découpé à enroulement, centrés par des masques anthropomorphes entourés d'un collier de perles de gros diamètre : l'influence du style bellifontain introduit au château de Kerjean est patent.
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Les soubassements des contreforts, en granite de Sainte-Catherine, sont sculptés de masques (mi-humains mi-léonins) dans un encadrement rectangulaire de palmes.
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L'INTÉRIEUR DU PORCHE.
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Cet intérieur a été reproduit en 1614 par Jean Bouricquen. Si son dessin est peu fidèle dans sa représentation du porche sud, il propose un intérieur coloré : les statues des apôtres et les arabesques le long des parois, la statue du Christ bénissant et les voûtes du couvrement sont polychromes ; les dessins des voûtes semblent représenter des anges.
Le bénitier à godrons, la frise et le soubassement des statues et colonnettes sont en granite de Sainte-Catherine facies b (L. Chauris).
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La statue du Christ Sauveur (kersantite) dans la niche centrale.
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Comme sous le porche de Dirinon ou celui de Bodilis, le Christ, jambe gauche en avant, bénit de la main droite (brisée) le globe terrestre ou orbe tenu de la main gauche (brisée).
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L'inscription.
Elle est gravée, d'une main maladroite, sur les liernes du porche sur la croisée d'ogives. Marie-Dominique Menant a relevé :
M. E. BARS. CURE. 1582. F. RICHART. FAB. H. NOAL. FAB. NOB. ET. VEN. PER. M. G... REC
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Je propose de lire :
1°)
M : E : BARS : CVRE. 1588 /
Soit "Messire E. BARS curé en 1588".
La famille BARS est attestée sur la paroisse à cette date (on sait que les curés sont recrutés localement) : voir infra.
https://gw.geneanet.org/flcharlet?lang=fr&iz=3045&p=alain&n=bars+le+bars+barz+le+barz&oc=5
Ce changement de date créerait une rupture avec tous les auteurs datant ce porche de 1582 ou 1584 (d'après les armoiries de Carman-Maillé). Ma lecture, cliché à l'appui, semble assez fondée.
Nous savons par les archives qu'un Jean BARZ était fabricien de la paroisse en 1553, date à laquelle il a commandité avec Hervé Calvez la réalisation de la croix de Croas ar C'hor par l'atelier Prigent de Landerneau.
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2°)
F : RICHART : FAB.
F[rançois?] RICHART Fabricien.
Les généalogistes signalent François RICHART, cultivateur, né vers 1570 à Goasven, Lanhouarneau et décédé au même lieu vers 1638, marié vers 1590 à Marie GRALL.
On remarque que sa sœur Barbe a épousé Alain BARS.
https://gw.geneanet.org/fernandl?n=richart&oc=&p=francois
Le village de Goasven se trouve à l'est de la paroisse.
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3°)
H : MOAL : FAB.
Soit "H. Moal, fabricien".
Les paroisses élisent chaque année deux fabriciens : voici donc le second.
Je propose de reconnaître ici Hervé MOALIC, né vers 1580 à Plounéventer (pour l'instant, ça ne colle pas), mais marié vers 1610 à Lanhouarneau avec Plesoue BARS, fille d'Alain BARS et de Barbe RICHART (décédée en 1636) mentionnés supra.
https://gw.geneanet.org/flcharlet?n=moalic&oc=1&p=herve
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4°)
NOB : E : VEN : PER : M : --- REC
Soit "Noble et vénérable personne messire --- recteur".
Je ne parviens pas à un meilleur résultat, et le nom de ce recteur nous échappe encore. Mais résisterait-il à de nouvelles tentatives et à des éclairages différents ?
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Les douze apôtres du Credo apostolique (kersanton).
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Ces apôtres, pieds nus et tenant le livre qui les caractérisent tous, tiennent chacun le phylactère où était jadis peint l'article du Credo qui leur est attribué. Ils sont vêtus du manteau et de la robe dont la fente pectorale est fermée par des boutonnières à languettes en S, caractéristique des ateliers de kersanton de Landerneau (atelier Prigent, puis Maître de Plougastel, puis Roland Doré puis Jean Bescont).
Toutes les têtes ont été refixées au ciment, quelques mains, doigts ou attributs ont disparu.
Attribution.
Ces statues ne sont pas attribuées par Emmanuelle Le Seac'h dans son Catalogue des ateliers de sculpture de Basse-Bretagne du XVe au XVIIe siècle, mais cette auteure ne semble pas s'être attardée à Lanhouarneau. Si on les estime contemporaine du porche, donc en 1588, elles correspondent à la période d'activité du Maître de Plougastel (1570-1621), très actif dans le Léon et auteur par exemple avec son atelier du Christ Sauveur de Bodilis, ou des termes gainés de Saint-Thégonnec. Mais on ne connait de cet atelier que les séries d'apôtres placés à l'extérieur des églises de Confort-Meilars et de Saint-Tugen en Primelin, ou le saint Pierre de Plogoff. On pourra les comparer ici :
- La chapelle Saint-Tugen de Primelin : les statues en kersanton.
- Les navires sculptés (leucogranite, v.1547) et la statue d'apôtre (v.1621) de l'église de Plogoff.
- Les navires sculptés (leucogranite, v. 1528) de la façade occidentale de l'église de Confort-Meilars. Son inscription. Ses 12 statues d'apôtre en kersanton (v.1588-1602).
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On y retrouve la manière de traiter les visages, et certains traits, comme le livre coincé sous l'aisselle, la ceinture serrant quelques robes, la façon de caractériser saint Matthieu par sa balance, etc. Je propose donc cette hypothèse.
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Saint Pierre et sa clef (brisée).
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Apôtre non déterminé. Saint Thomas ?
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Saint Jacques le Majeur, son chapeau frappé de la coquille et son bourdon.
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Saint Jean tenant la coupe de poison.
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Saint Philippe avec sa croix (brisée) à longue hampe.
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Saint Jacques le Mineur avec son bâton de foulon (brisé).
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Les six apôtres du coté ouest.
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Saint non déterminé. Saint Matthias tenant sa lance ?
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Comparer avec :
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Saint Matthieu tenant la balance du publicain.
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Comparer à :
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Saint non déterminé. Barthélémy et son coutelas à dépecer ?
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Saint non déterminé. Saint Jude tenant son épée ?
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Comparer à :
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Saint André et sa croix en X.
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Saint Simon et sa scie.
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SOURCES ET LIENS.
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— AGRALL (Jean-Marie), 1918, Notice sur Lanhouarneau, BDHA, Kerangall, Quimper.
https://bibliotheque.diocese-quimper.fr/items/show/398
— BOURICQUEN, Jan. Bref estat es preminences du marquis de Kerman et conte de Seszploe de mesme quelles sont es eglisses covent et chapelles tant en pierre boys viltres que lisières en Leon. Visite recuilli es ce presant livre faict pour hault et puissant mesire Charles de Maillé chevalier de l'Ordre du roy, gentilhomme ordinaire de sa chambre, seigneur marcquis de Kerman conte de Seizploue, baron de la Forest, [etc], par son peintre et vistrier humble et fidel serviteur Jan Bouricquen en 1614.
— CHAURIS (Louis), 2006, « Éclairage lithologique sur l’église de Lanhouarneau (Finistère) : XIVe-XVIe-XVIIIe siècles », Revue archéologique de l'Ouest, 23 | 2006, 117-149.
https://journals.openedition.org/rao/156
— COUFFON (René) Le BARS (Alfred), 1988, Lanhouarneau, in Diocèse de Quimper et de Léon. Nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper, 552 p.
https://bibliotheque.diocese-quimper.fr/files/original/708d6fe21ec665e814c611e6c521e395.pdf
— COUFFON (René) 1948. L'architecture classique au Pays de Léon. Mémoires de la Société d'Histoire et d’Archéologie de Bretagne. 1948, 28.
— KEROUANTON (abbé Yves), 1986, Dans le passé de Lanhouarneau, 255 pages. Non consulté.
— MENANT (Marie-Dominique), 1987, L'église de Lanhouarneau, Inventaire général
http://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/dossier/eglise-paroissiale-saint-herve-lanhouarneau/4093c692-080a-4c5d-b945-697dc32b0423
— MENANT (Marie-Dominique), 1987, Ensemble de douze statues : Les Apôtres, église Saint-Hervé (Lanhouarneau)
http://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/dossier/ensemble-de-douze-statues-les-apotres-eglise-saint-herve-lanhouarneau/8a5def98-8856-41c4-a7c0-db1a98198f4d
— MUSSAT (André), La Renaissance en Bretagne.
— Le patrimoine des communes du Finistère. Paris : Flohic, éditions, 1998. (Le patrimoine des communes de France).
p. 1011-1012. Région Bretagne (Service de l'Inventaire du patrimoine culturel)
https://amf29.asso.fr/wp-content/uploads/2015/11/lanhouarneau-patrimoine-historique.pdf
— LE GUENNEC (Louis),1932, « Prééminences de la famille de Carman », Bulletin archéologique de l’Association bretonne, 44, 1932, p. 98-137.
— LE GUENNEC (Louis), "Lanhouarneau", in Morlaix et sa région. Quimper 1979
"-Lan Hoarneu, vers 1330; (Terre d'Huvarné, ou de saint Hervé). Ce fils d'Harvian et de Rivanone, sœur de saint Rivoaré, naquit vers 520 au manoir de Lanrioull, en Plouzévédé. Hervé, qui était aveugle de naissance, passa la plus grande partie de sa vie à Lanhouarneau, et y mourut. II fonda un monastère en ce lieu sur une révélation du ciel qui lui commanda de s'y fixer. Le champ appartenait à un paysan nommé Ioncour et celui-ci, sans refuser de le donner au saint, lui demanda d'attendre jusqu'à la moisson, afin de pouvoir récolter son blé. Hervé promit au paysan qu'il n'y perdrait rien; le blé fut coupé en herbe, engrangé, et l'août venu, il se trouva très mûr tout en fournissant le double en grains. Dans une crypte de l'église, on voyait jadis, dit Kerdanet, la tombe du saint aveugle sculptée par le « tailleur d'imaiges » Coyé. Ce mausolée n'existe plus, mais le trésor conserve une relique de saint Hervé contenue dans un bras de bois revêtu d'argent.
L'église est surmontée d'une massive tour gothique à balustrade en quatrefeuilles, elle offre tous les caractères du XIIIe siècle, et se termine par une flèche ajourée d'étoiles et de rosaces que flanquent quatre épais clochetons.
Sur le porche latéral sud, belle œuvre de la Renaissance bretonne, on lit la date de 1582. L'entrée en plein cintre sculpté, soutenu par des colonnes à tambour, est accostée de deux colonnes corinthiennes cannelées. La corniche à large moulure porte l'inscription : Mre: JEAN: TOVLLEC Rr: Y: BERTHOV : ET : J : MESGVEN : PROCVREVRS 1765. Le pignon et les contreforts d'angles s'amortissent en lanternons.
A l'intérieur du porche, des niches à coquille, séparées par des colonnes d'ordre ionique, abritent les statues des douze Apôtres; le soubassement est divisé en panneaux offrant des têtes grimaçantes et grotesques, comme à Guimiliau et Bodilis. Au-dessus de la porte du fond, est une statue de Notre-Seigneur.
L'église en partie du XVIe siècle, remaniée au XVIIIe siècle, a une nef très élevée et un transept. L'abside est percée de trois hautes fenêtres garnies de forts beaux vitraux modernes, représentant des scènes du Nouveau Testament, fabriqués en 1868 à Lanhouarneau même, par H. Laurans, dont l'atelier existait encore à la fin du siècle dernier. On s'étonne de trouver là ces belles verrières qui, pour la richesse et l'harmonie du coloris, peuvent rivaliser avec les meilleures productions du xvre siècle.
A l'angle sud-ouest du cimetière contre lequel est un lech octogone, il y a un ossuaire de la Renaissance, dont la façade est décorée de colonnes ioniques. Dans cet ossuaire, aujourd'hui transformé en chapelle, on remarque un très joli bénitier en granit, aussi de la Renaissance, où la fantaisie de l'artiste a représenté un diablotin furieux d'être obligé de porter la cuve du bénitier. Une pierre tombale aujourd'hui déposée au musée de Kerjean fut découverte en relevant les dalles du chœur. Elle porte l'effigie mutilée d'un chevalier que le lion héraldique sculpté sur son corselet fait reconnaître pour un seigneur de Coatmerret du nom de Launay. On trouva en même temps, paraît-il, une autre dalle chargée d'une effigie d'ecclésiastique, que les ouvriers auraient détruite sous l'œil indifférent du recteur. Au sud du bourg le manoir ruiné de Coatmerret, posé sur la crête d'un ravin abrupt, fut jadis une importante seigneurie avec haute justice. Le grand portail gothique de l'entrée et les ruines de l'édifice principal qui n'offrent plus que quelques pans de murs indiquent le xve siècle. A l'entrée de l'avenue gisent, près d'une fontaine, les débris d'une belle croix armoriée de deux écussons, l'un chargé d'un lion, l'autre mi-parti d'un lion et d'un coupé d'un lion et d'un burelé de dix pièces. Ce sont les armes de Guillaume de Launay, seigneur de Coatmerret en 1460, et de sa femme Marguerite de Lesquélen, de la maison de Penfeunteniou. Leur petite-fille et héritière Louise de Launay, dame de Coatmerret, épousa en 1520 Rolland de Kersauson, seigneur dudit lieu."
— TOSCER, (G.),1916 Le Finistère pittoresque. Brest : A. Kaigre, . p. 510-511
— WAQUET, (Henri) 1960. L'art breton. Grenoble : Arthaud. Tome II, La Renaissance. p. 42, 117, 110, 113, 143.
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