L'atlante et la cariatide ( 1571-1595) du château de Kerjean en Saint-Vougay. La Seconde Renaissance dans le Léon.
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Je continue à colliger une documentation iconographique susceptible de servir de base de comparaison avec les œuvres de la Première et Seconde Renaissance en Bretagne (ou aux autres réalisations en France).
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. Voir sur l'art des grotesques de la Renaissance :
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Les vitraux en grisaille (1542-1544) de la galerie de Psyché, Musée Condé de Chantilly.
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Les vitraux héraldiques provenant du château d'Ecouen, 1541, de la Galerie Duban à Chantilly.
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Le Hibou harcelé par les oiseaux des Compertementen (cartouches) de Jacques Floris en 1564.
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Voir sur l'art des grotesques de la Renaissance en Bretagne par ordre chronologique :
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Les 54 stalles (vers 1530-1550) de l'ancienne collégiale de La Madeleine de Champeaux (35).
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Le jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice (29).I. La tribune.
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Le jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice (29). II. La clôture de chœur.
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L'église de Goulven IV : la tribune d'orgue, ancien jubé du XVIe siècle.
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La tribune (bois polychrome, XVIe siècle) ou ancien jubé de l'église d'Esquibien.
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L'église Saint-Salomon de La Martyre. IV. L'ossuaire (1619). Les inscriptions. Les crossettes.
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Les termes (cariatides et atlantes) de l'ossuaire (1619) de La Martyre. Una vergine corinthia.
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Sans compter— mais c'est essentiel — les sablières à cuirs chantournés et/ou grotesques du Maître de Plomodiern à Saint-Nic (1561-1566), Plomodiern (1564), à l'atelier du Cap-Sizun à Primelin, Pont-Croix (1544), Confort-Meilars, Esquibien ou de celle du Maître de Pleyben (1567-1576) à Pleyben, Kerjean, Plomodiern (Sainte-Marie du Menez-Hom), Bodilis, Saint-Divy, Notre-Dame de Berven (1579-1580) à Plouzévédé et peut-être Roscoff.
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Les auteurs André Mussat et René Couffon décrivent l' arrivée de l'art architectural classique (ou Seconde Renaissance) en Basse-Bretagne à partir de 1582 sur le porche de Lanhouarneau, dont le fronton montre deux Termes, masculin et féminin, encadrant une niche à coquille sous un fronton triangulaire.
On sait que ce style est apparu en France en 1540, date de l'arrivée à Paris de Sebastiano Serlio (Bologne 1475-Paris 1553) dont la Règle d'architecture était parue en 1537 à Venise : les Ordres toscan, dorique, ionique, corinthien et composite y étaient décrits. Et le frontispice de l'ouvrage montrait deux Termes, masculin et féminin au pilier coiffé d'une feuille d'acanthe soutenant le fronton triangulaire, comme à Lanhouarneau.
La publication de Serlio a été saluée par Jean Goujon et Philibert Delorme, dont les sculptures et les bâtiments illustrèrent le nouveau style.
On retrouve ensuite cette influence dans le Léon (le nord de la Basse-Bretagne), dans un foyer de rayonnement proche de celui de l'atelier de Landerneau (ou de l'Elorn) qui avait assuré la transition entre gothique et Renaissance sur les monuments religieux de 1550 à 1565.
Ainsi, le nouveau style se remarque, après Lanhouarneau, (et après les guerres de la Ligue de 1580 à 1600) sur le porche de Bodilis en 1601, sur celui de Saint-Houardon à Landerneau en 1604.
Mais il faut citer aussi les cariatides de la porte d'entrée du manoir de Trebodennic (1584) en Ploudaniel, , les termes de l'ossuaire de Sizun (1585), le couple cariatide-atlante de l'intérieur du porche sud de Saint-Thégonnec (1599-1605), ou les six termes de l'ossuaire de Landivisiau (1610-1620), le couple de termes et la cariatide de l'ossuaire de La Martyre (1619), et enfin le couple de la porte de l'ossuaire (1676) de Saint-Thégonnec.
René Couffon attribue plusieurs de ces réalisations à un atelier de Kerjean, du nom du château édifié par la famille Barbier à Saint-Vougay, et qui suit les modèles publiés par Androuet du Cerceau et Philibert Delorme.
À cet atelier est aussi attribué la chapelle Notre-Dame de Berven (1573) à Plouzévédé.
Néanmoins, on ignore la date exacte de la construction de ce château, et, si on se base sur les armoiries qui y sont visibles, celles de Louis Barbier (1523-1596) et de Jeanne Gouzillon, la date de leur mariage en 1571 incite les auteurs à admettre la période 1571-1595.
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DESCRIPTION
Le portail d'honneur à double entrée, évoque un arc de triomphe.
"La partie supérieure est un couronnement monumental. Elle comprend, en son milieu, une grande arcade voûtée en plein cintre décorée d’une clef en forme de tête de lion et encadrée de deux colonnettes corinthiennes à fût lisse. Ces colonnettes supportent un entablement sur lequel repose un fronton triangulaire, orné d’un cartouche dans son intérieur. Les deux petites arcades, de chaque côté, elles aussi voûtées en plein cintre, sont surmontées de volutes adossées par le sommet." (http://classeelementaire.free.fr/kerjean/parcours/Fiches-avant-visite.pdf)
On trouve à Kerjean, sur ce portail d'entrée, et encadrant la triple arche du sommet du portail, deux termes, l'un masculin (atlante) et l'autre féminin (cariatide), en kersantite.
Note : je préférerai réserver les termes de cariatide et atlante aux statues-colonnes dont le bas du corps n'est pas transformé en pilier, et employer celui de "terme". Mais, comme on l'imagine, il prête à confusion sémantique et n'aide pas les utilisateurs de moteurs de recherche. Et nous allons voir que les dessinateurs utilisaient, au XVIe siècle, les mots de cariatide et atlante.
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Le premier est barbu, avec un visage fin et longiligne, et il supporte la double volute par laquelle, en guise de chapiteau, il supporte l'entablement. Ses bras nus, ramenés par devant, et ses mains croisés, sont, avec peut-être une partie du buste, les seules parties qui ne soient pas enveloppées par un corset de ferronnerie à la découpe savante (comme celle des cartouches des recueils contemporains).
La ferronnerie, dont les pattes concaves rappellent les cuirs découpés à enroulement, est centré par un masque humain grimaçant.
Je n'en trouve le modèle ni dans les Termes de Veneziano (1536), ni dans ceux d'Androuet du Cerceau (1549), ni dans ceux de Hughes Sambin 1572. Ni sur les principaux bâtiments accessibles en ligne. Le modèle le plus proche est cette estampe du graveur René Boyvin :
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Voir aussi : https://bibliotheque-numerique.inha.fr/viewer/36098/?offset=3#page=16&viewer=picture&o=bookmark&n=0&q=
L'illustrateur Vredeman de Vries (1527-1604) semble partager les mêmes modèles (ou erreur d'attribution supra?) ; et ses cartouches (vers 1555-1583) en ferronnerie rappellent bien celles présentées sur le terme de Kerjean.
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Le terme féminin ("caryatidum") est semblable à son partenaire, mais, comme sur le frontispice des estampes de Vredeman de Vries, sa poitrine nue est carapaçonnée dans le harnais de ferronnerie. Le mascaron n'est plus humain, avec son groin et ses canines proéminentes.
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Des moulages de ces statues sont présentés dans le château.
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J'accompagnerai cette présentation d'une image du cartouche armorié aux armes de Louis Barbier et de Jeanne Gouzillon. Je note le masque au bandeau noué en rosettes sur les tempes et retombant en voile sur la nuque, puisque j'ai remarqué sa présence sur le jubé de La Roche-Maurice ou sur le porche et les sablières de Bodilis.
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SOURCES ET LIENS.
— COUFFON (René), 1948, l'architecture classique au pays de Léon, l'atelier de l'Elorn, l'atelier de Kerjean, Mémoires de la Société d'Histoire et d’Archéologie de Bretagne. 1948, 28.
https://www.shabretagne.com/document/article/2612/de-l-honneur-et-des-epices.php
— LE BRAS (Em;), Le château de Kerjean.
http://www.infobretagne.com/saintvougay-chateaukerjean.htm
— LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne. Les ateliers du XVe au XVIIe siècle, Presses Universitaires de Rennes, p. 298-299.
— MUSSAT (André), 1982 Trois châteaux de la seconde Renaissance en Léon : Maillé, Kerjean, Kergournadec'h SHAB
https://www.shabretagne.com/scripts/files/5f46a237208505.19686063/1982_07.pdf
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OUVRAGES DE RÉFÉRENCE
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—ANDROUET DU CERCEAU (Jacques), 1549, Quinque et viginti exempla arcum
http://architectura.cesr.univ-tours.fr/Traite/Notice/INHA-4R1475.asp?param=
—ANDROUET DU CERCEAU (Jacques), 1559 Livre d’architectvre de Jaques Androvet du Cerceau, contenant les plans et dessaings de cinquante bastimens tous differens : pour instruire ceux qui desirent bastir, soient de petit, moyen, ou grand estat. Auec declaration des membres & commoditez, & nombre des toises, que contient chacun bastiment, dont l’eleuation des faces est figurée sur chacun plan..., Paris, s.n., 1559.
http://architectura.cesr.univ-tours.fr/Traite/Notice/ENSBA_Masson647.asp?param=
—ANDROUET DU CERCEAU (Jacques), Second Livre d’architecture, par Iaqves Androvet Du Cerceau. Contenant plusieurs et diverses ordonnances de cheminées, lucarnes, portes, fonteines, puis et pavillons, pour enrichir tant le dedans que le dehors de tous edifices. Avec les desseins de dix sepultures toutes differentes, Paris, André Wechel, 1561.
—ANDROUET DU CERCEAU (Jacques), 1582, Livre d’architecture de Jaques Androuet Du Cerceau, auquel sont contenues diverses ordonnances de plants et élévations de bastiments pour seigneurs, gentilshommes et autres qui voudront bastir aux champs ; mesmes en aucuns d’iceux sont desseignez les bassez courts... aussi les jardinages et vergiers..., Paris, pour Iaques Androuet du Cerceau, 1582. de l’Orme (Philibert), Le Premier tome de l’architecture, Paris, Frédéric Morel, 1567.
http://architectura.cesr.univ-tours.fr/Traite/Notice/ENSBA_LES1592.asp?param=
— DELORME (Philibert), 1567 Le premier tome de l'architecture de Philibert de L'Orme conseillier et aumosnier ordinaire du Roy, & abbé de S. Serge lez Angiers , Paris, Federic Morel
http://architectura.cesr.univ-tours.fr/traite/Notice/ENSBA_Les1653.asp?param=
http://architectura.cesr.univ-tours.fr/traite/Images/Les1653Index.asp
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k85636g/f1.double
— DELORME (Philibert), 1561 Les Nouvelles Inventions pour bien bastir et a petits frais
http://architectura.cesr.univ-tours.fr/Traite/Images/Masson643Index.asp
Sambin Bibliothèque municipale de Lyon, Rés 126685.
—SERLIO (Sebastiano ), 1551 Liure extraordinaire de architecture, de Sebastien Serlio, architecte du roy treschrestien. Auquel sont demonstrees trente Portes Rustiques meslees de diuers ordres. Et vingt autres d’oeuvre delicate en diverses especes, Lyon, Jean de Tournes, 1551.
http://architectura.cesr.univ-tours.fr/Traite/Notice/ENSBA_LES1745.asp?param=
https://bibliotheque-numerique.inha.fr/collection/item/32769-extraordinario-libro-di-architettura-di-sebastiano-serlio-livre-extraodinaire-de-architecture-de-sebastien-serlio
—SERLIO (Sebastiano ), 1540 Il terzo libro ... Venise F. Marcolini
http://architectura.cesr.univ-tours.fr/Traite/Notice/Serlio1540.asp?param=
https://archive.org/details/ilterzolibronelq00serl
—SERLIO (Sebastiano ), 1537 Regole generali di architectura, quatrième livre, Venise F. Marcolini
http://architectura.cesr.univ-tours.fr/Traite/Images/B272296201_A101Index.asp
—SERLIO (Sebastiano ), 1547, Livre V, Paris
http://architectura.cesr.univ-tours.fr/Traite/Notice/INHA-4R1476.asp?param=
—SAMBIN ( Hugues), (Lyon, 1572 Oeuvre de la diversité des termes dont on use en architecture eduict en ordre par Maistre Huges
— VITRUVE
http://architectura.cesr.univ-tours.fr/Traite/Notice/ENSBA_01665A0013.asp
— VITRUVE, 1511, De architectura, traduit par Giovanni Giocondo, Venise, G. da Tridentino
http://architectura.cesr.univ-tours.fr/Traite/Images/CESR_2994Index.asp
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— VITRUVE, 1513, De architectura, traduit par Giovanni Giocondo
https://echo.mpiwg-berlin.mpg.de/ECHOdocuView?url=/mpiwg/online/permanent/library/488D7ND1/pageimg&start=11&viewMode=images&pn=17&mode=imagepath
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