Les Termes (cariatides et atlantes) en kersanton du porche sud (1599) et de l'ossuaire ( Jean Le Bescont, 1676-1677) de Saint-Thégonnec.
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Je continue à colliger une documentation iconographique sur les œuvres de la Première et Seconde Renaissance en Bretagne, inspirées de l'art à la grotesque, et de l'École de Fontainebleau, et je m'intéresse maintenant aux Termes, Cariatides et Atlantes que les architectes et sculpteurs bretons ont créés en Finistère à la fin du XVIe siècle et au XVIIe siècle. On les attribue, pour les premières réalisations, à l'atelier qui a travaillé à l'édification du château de Kerjean en Saint-Vougay vers 1570, et qui a introduit dans le Léon les nouveautés stylistiques de la Seconde Renaissance de l'École de Fontainebleau (1539) diffusés par des recueils comme ceux de Sebastiano Serlio (1537) et d'Androuet du Cerceau (vers 1550).
Le couple de termes masculin et féminin de l'entrée du château de Kerjean est repris (encadrant une sculpture du patron du sanctuaire) au fronton du porche sud de Lanhouarneau en 1582, au fond du porche de Saint-Thégonnec en 1599, au fronton du porche sud de Saint-Houardon de Landerneau en 1604, puis au fronton de la porte de l'ossuaire de La Martyre en 1619, et de l'ossuaire de Saint-Thégonnec en 1676. Toujours en kersanton.
Ce sont des "termes" car leur piètement est en forme de bornes, mais aussi des "cariatides" et "atlantes" (voire des "télamons"), car ils supportent sur leur tête, par un chapiteau ionique, un entablement. Face à ce flottement sémantique, il vaudrait mieux désigner ces figures comme des "supports anthropomorphes". J'ai choisi de rester simple, au prix de l'incorrection.
On retrouve aussi cet ornement, décliné avec beaucoup d'imagination, en granite à l'intérieur du porche de Bodilis (1570-1601), ou sur la façade de l'ossuaire de Sizun (1585), et, en sculpture sur bois, sur les jubés et clôtures de chœur de La Roche-Maurice, et de la chapelle Saint-Nicolas en Priziac.
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Sur les Termes, cariatides et atlantes :
-Sculpture en pierre :
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L'atlante et la cariatide ( 1571-1595) du château de Kerjean en Saint-Vougay. La Seconde Renaissance dans le Léon. (Kersantite)
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Les termes (cariatides et atlantes) et cartouches du porche sud (granite, 1570-1601) de Bodilis. (granite)
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Le porche sud et la porte sud de l'église Saint-Houardon de Landerneau. (Kersantite, 1604)
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Les termes (cariatides et atlantes) de l'ossuaire (1619) de La Martyre. Una vergine corinthia. (Kersantite)
-Sculpture en bois :
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Le jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice (29).I. La tribune.
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Le jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice (29). II. La clôture de chœur.
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Voir sur l'art de la Renaissance :
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Les vitraux en grisaille (1542-1544) de la galerie de Psyché, Musée Condé de Chantilly.
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Les vitraux héraldiques provenant du château d'Ecouen, 1541, de la Galerie Duban à Chantilly.
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Le Hibou harcelé par les oiseaux des Compertementen (cartouches) de Jacques Floris en 1564.
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.Voir sur l'art de la Renaissance en Bretagne par ordre chronologique :
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Les 54 stalles (vers 1530-1550) de l'ancienne collégiale de La Madeleine de Champeaux (35).
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Le jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice (29).I. La tribune.
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Le jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice (29). II. La clôture de chœur.
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L'église de Goulven IV : la tribune d'orgue, ancien jubé du XVIe siècle.
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La tribune (bois polychrome, XVIe siècle) ou ancien jubé de l'église d'Esquibien.
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L'église Saint-Salomon de La Martyre. IV. L'ossuaire (1619). Les inscriptions. Les crossettes.
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Sans compter— mais c'est essentiel — les sablières à cuirs chantournés et/ou grotesques du Maître de Plomodiern à Saint-Nic (1561-1566), Plomodiern (1564), à l'atelier du Cap-Sizun à Primelin, Pont-Croix (1544), Confort-Meilars, Esquibien ou de celle du Maître de Pleyben (1567-1576) à Pleyben, Kerjean, Plomodiern (Sainte-Marie du Menez-Hom), Bodilis, Saint-Divy, Notre-Dame de Berven (1579-1580) à Plouzévédé et peut-être Roscoff.
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PRÉSENTATION.
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L'enclos paroissial de Saint-Thégonnec, situé en Léon près de la voie express n°12 Rennes-Brest, est l'un des plus fameux et des plus visités, avec son "arc de triomphe", son ossuaire, son calvaire, et son église, édifiés entre 1520 et 1667. Il a été magnifiquement restauré après l'incendie du 8 juin 1998
Pourtant, et bien que le rôle de l'atelier des sculpteurs du château de Kerjean soit reconnu pour la construction de la porte triomphale entre 1587 et 1589, il est difficile de trouver mention (et a fortiori description) de ses deux couples de termes. François Quiniou décrit "deux cariatides à gaines coiffés de la volute ionique" de l'ossuaire, Yves-Pascal Castel les "deux termes, mâle et femelle" du même ossuaire, mais c'est Emmanuelle Le Seac'h qui décrit avec précision ces "termes gainés homme et femme" . Par contre, le couple des mêmes figures, à l'entrée sud de l'église, est passé sous silence.
Quand aux photographes, ils ne publient pas en ligne les clichés de ces figures ; Mais la façade de l'ossuaire est presque tout le temps dans l'ombre ( peut-être devrais-je tenter ma chance, au lever du jour en été ?) et le fond du porche reste plongé dans une ombre colorée de moisissures verdâtres.
On voudra bien pardonner l'exceptionnelle médiocrité de mes clichés.
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LE FRONTON DU PORTAIL INTÉRIEUR DU CLOCHER-PORCHE. LA VIERGE À L'ENFANT ENCADRÉE DE DEUX TERMES GAINÉS MASCULIN ET FÉMININ (KERSANTITE,1599).
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La date de 1599 est inscrite sur le bénitier à droite de l'entrée : elle s'applique a priori également à ce portail intérieur. Notons que le porche extérieur porte la date de 1605, et le cadran solaire celle de 1606.
La porte de plein cintre, dont on remarquera l'agrafe en S au décor d'acanthe, est encadrée par deux colonnes engagées à chapiteau ionique, qui supportent un entablement assez sobre.
Cet entablement est dominé par une niche à coquille, et c'est elle qui est encadrée par les deux termes qui, dans leur fonction de colonnes, soutiennent un fronton curviligne à trois pots-à-feu. Cet ensemble supérieur est épaulé par deux volutes en "S".
On comparera cette porte à celle de la tour clocher de Goulven (1593), rapprochée par Couffon de celle de Saint-Thégonnec et de Pleyben.
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On comparera également cette disposition au porche extérieur de Lanhouarneau (1582) avec ses deux termes entourant la Vierge.
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Portail intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Portail intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Portail intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Portail intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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La Vierge à l'Enfant.
Elle est couronnée et voilée, et tient l'Enfant sur le bras droit. Le pan du manteau est fixé par une agrafe au poignet gauche, ce qui engendre un doux et ample plissé. Le visage est joufflu, les mains manquent de délicatesse. L'Enfant, vêtu d'une tunique longue, est figuré en Sauveur, bénissant et tenant le globe terrestre.
Que donnerait-elle si elle sortait de sa pénombre et que le soleil venait magnifier le travail du sculpteur sur le kersanton ?
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Portail intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Portail intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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La cariatide.
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Le visage est large, le nez épaté, la bouche petite, les yeux soulignés par d'épaisses paupières, et les cheveux longs forment deux masses latérales.
Elle porte un chapiteau dont la volute ionique est marquée par trois indentations.
Son buste à la poitrine nue et aux bras placés en arrière est posé sur la pyramide tronquée à deux étages cannelés.
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Portail intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Portail intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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L'atlante.
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Ce pilastre partage avec le voisin le motif anthropomorphe, le chapiteau à volute ionique et le pilier pyramidal tronqué à deux étages cannelés.
L'homme est barbu (un drôle de collier torsadé ou taillé dru), et son visage très grossièrement sculpté est vaguement léonin. Ses mains, croisées sur la poitrine, sont mal dessinées, avec cinq doigts isomorphes en éventail.
Je remarque que dans les deux cas, le pilier à deux étages est plus large que le buste de la figure, et qu'il dissimule entièrement l'abdomen, à la différence des nombreux termes où le ventre et bas-ventre sont recouverts d'un pagne, souvent feuillagé.
Cette caractéristique écarte, parmi les très nombreux modèles des recueils de gravure, de nombreux exemples. Mais inversement, elle en retient quelques-uns, comme les cheminées d'Androuet du Cerceau (Second Livre, 1561):
http://architectura.cesr.univ-tours.fr/Traite/Images/LES1598Index.asp
http://fr-ornement.com/fr/node/421
S'il faut conjuguer cette caractéristique à celle des piliers cannelés, la sélection s'amenuise.
http://www.fr-ornement.com/fr/node/123
Et si nous exigeons maintenant un pilier cannelé à deux étages, je déclare forfait, après avoir consulté (trop rapidement je l'avoue) les 12 pages du site Ornement.
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Portail intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Portail intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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Conclusion.
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Ce porche intérieur est de style Renaissance, et on mesurera (bien que ce style soit déjà introduit en France depuis plus d'un demi-siècle) combien il est audacieux d'encadrer une statue de la Vierge de ces figures issues du paganisme romain, en remplacement des anges prosternées, orant ou thuriféraires présents, par exemple, au dessus du porche sud de la cathédrale de Quimper.
Néanmoins, la repris des termes hermaïques fusionnées en statues-colonnes soutenant un portique sont parfaitement à leur place ici dans leur fonction de marquage d'un seuil ; et c'est aussi dans cette fonction que Sebastiano Serlio les place sur un frontispice ou dans un encadrement de cheminée, ou qu'Androuet du Cerceau les utilise sur une porte monumentale, ou que Jean Goujon les propose pour la Joyeuse Entrée d'Henri II à Paris.
"Ces « musées en plein vent » que sont les enclos paroissiaux symbolisent l’âge d’or du Léon et, notamment, du pays julod. S’ils manifestent l’importance de la foi chez nos aïeux, ils rappellent également la prospérité toilière, de même que l’aisance qui s’ensuit. Celle-ci concerne, surtout, les paysans-marchands mais touche également les autres paysans comme l’atteste la considérable augmentation de la population du pays toilier entre 1600 et 1675 : entre ces deux dates, les effectifs de la paroisse de Guiclan passent d’environ 1 125 à 2 525 habitants et ceux de Saint-Thégonnec de 1 775 à 3 750. Cette évolution est d’autant plus remarquable qu’à cette époque l’ensemble de la France traverse une période de crise économique et démographique." (L. Élégouët, Les Juloded)
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COMPLÉMENT. LA FRISE DU PORCHE INTÉRIEUR.
(Les 4 statues d'apôtres des niches, attribuées au Maître de Plougastel ou à Roland Doré, seront décrites ultérieurement).
1°) Coté gauche.
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On y trouve une succession de cartouches de cuirs découpés à enroulement, typiques du style bellifontain, et centrés par des masques de femmes coiffées d'un bandeau noué , des masques léonins, ou d'une feuille.
Les quatre masques féminins reprennent ce motif —déjà signalé sur les décors de l'atelier de Kerjean (Bodilis, N.-D. de Berven), et dérivé des modèles de gravure d'ornements de la Seconde Renaissance — où la femme est coiffé d'un bandeau noué sur les tempes et descendant en voile autour du menton en couvrant la gorge comme une guimpe. Il est amusant de voir comment notre sculpteur anonyme le décline à sa façon.
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Frise (granite, 1599) de l' intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Frise (granite, 1599) de l' intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Frise (granite, 1599) de l' intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Frise (granite, 1599) de l' intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Frise (granite, 1599) de l' intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Frise (granite, 1599) de l' intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Frise (granite, 1599) de l' intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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2°) Coté droit.
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On y trouve trois feuilles identiques, un masque de lion, et deux masques différents de femme portant le bandeau noué et le voile-guimpe.
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Frise (granite, 1599) de l' intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Frise (granite, 1599) de l' intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Frise (granite, 1599) de l' intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Frise (granite, 1599) de l' intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Frise (granite, 1599) de l' intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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LE FRONTON DU PORTAIL DE L'OSSUAIRE. LA STATUE DE SAINT-POL-AURÉLIEN ENCADRÉE DE DEUX TERMES GAINÉS MASCULIN ET FÉMININ (KERSANTITE, JEAN LE BESCOND, 1676).
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À la différence du portail intérieur de l'église, je dispose de beaucoup plus d'informations sur cet ossuaire. À commencer par le nom de son architecte, Jean Le Bescont (vers 1664-1682). Ce dernier avait deux ateliers, l'un à Landerneau et l'autre à Carhaix, et il était aussi sculpteur sur pierre. Un bon sculpteur, peut-être formé auprès de Roland Doré à partir de 1650 avant de reprendre son atelier à sa mort en 1663.
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Jean Le Bescont.
Le Seac'h attribue à Jean Le Bescont, sculpteur de kersanton, les séries d'Apôtres du porche de Locmélar daté de 1664 (Apôtre et Dieu Sauveur), ceux du porche de Goulven (Apôtres, Dieu le Père et saint Goulven), et ceux de Dirinon (Apôtres, Dieu Sauveur et statue de saint Divy). Il a produit aussi un bénitier pour Ploudiry en 1680 et celui de La Martyre en 1681, le calvaire de Kerfeunteuniou à Bodilis en 1681 et le calvaire du cimetière de Saint-Eutrope à Plougonven daté de 1655 (vestige : statue de saint Eutrope).
Les Apôtres du porche sud de Dirinon (après 1664)
L'église de La Martyre : le bénitier de 1681.
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Comme architecte-sculpteur, il est responsable du porche sud de Ploudiry en 1665 et de la reconstruction du chevet de Locmélar entre 1680 et 1681. En 1668, avec Yves Le Guiriec, il obtient le marché de l'aile sud du transept et de la sacristie de Saint-Thomas de Landerneau
Le porche sud de Ploudiry (J. Le Bescont 1665)
À Saint-Thégonnec, il est intervenu à plusieurs reprises comme architecte sur l'église elle-même : il a fabriqué en son atelier de Landerneau les fenestrages du bas-coté nord en 1651 et a édifié le bas-coté sud de 1652 à 1656, après en avoir eu l'adjudication en 1650 comme entrepreneur à Carhaix (Kerhaez).
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Adjudication de l'ossuaire, artisans et tarifs,
"Le deuxième dimanche de février 1676, plusieurs architectes vinrent à Saint-Thégonnec pour assister à la mise en adjudication des travaux à exécuter pour la chapelle ossuaire. « Le second dimanche de février, ayant convenus de M. architecteurs pour voir l’aplacement du reliquaire qu’on vouloit bastir, fait des frais pour la some de quatre livres dix sols [cahier des comptes 1675-1676]. » Jean Le Bescon « architecteur de Khaez » ou Carhaix fut chargé de l’entreprise. Il était en même temps « architecteur, entrepreneur et maître picoteur », et outre son atelier de Carhaix, il en possédait un autre à Landerneau.
Me Jean Le Bescond fut payé d’après le nombre de journées employées par ses ouvriers à la construction de l’ossuaire. Les tailleurs de pierre payés à treize sols par jour étaient : Ivon Huon, Yvon Tanguy, Georges Pouliquen, René Pouliquen. Jean Bescont, Guillaume Tauc, Jacques Hamon, Le Duff et Vincent Tréguier.
Les six premiers travaillèrent jusqu’à la fin de l’entreprise. Les trois derniers ne furent pas employés d’une façon régulière et au bout de quelque temps furent même remplacés par Mathieu Runot, Jean Blez et Yvon le Bescont.
L’architecte mettait lui-même de temps en temps la main à l’ouvrage, probablement pour remplacer quelqu’un de ses ouvriers, ou pour exécuter un travail plus délicat, et recevait pour son salaire vingt-cinq sols par jour.
Les charpentiers percevaient le même salaire que les « picoteurs ». C’étaient Alain Picart, Charles Prigent, Charles Picart et François Chapalain.
Les couvreurs, Hervé Pichon et Yvon Pichon étaient payés douze à treize sols par jour, tandis que les « darbareurs » ou manœuvres ne touchaient que dix sols. Les darbareurs s’appelaient Yan Grall, Charles Prigent et Pierre Berthélé.
Pour l’ensemble des travaux qui durèrent de 1676 à 1681, les tailleurs de pierre reçurent 6.304 livres. Les frais de charrois de pierres de la montagne d’Arrée montèrent à la somme de 2.682 livres. Si l’on joint à ces deux chiffres le salaire des darbareurs, les dépenses en chaux, charbon, pierres de maçonnerie et quelques autres menus frais, nous trouvons que cette chapelle ossuaire revient à la fabrique à la somme de 9.500 livres, la charpente non comprise.
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Construction et fabriciens.
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La construction est faite, comme pour l'église, en granite de la Montagne de Plounéour--Ménez hormis les statues qui sont en kersantite.
On y relève les inscriptions suivantes : "CE RELIQUAIRE FUT FONDE LAN 1676 : LORS Y. BRETON : ET D : CARO F."
Et sur le contrefort à droite sur le façade orientale :
"P MAGVET : YVES FAGOT F. 1677."
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Autrement dit : "Ce reliquaire fut fondé l'an 1676 alors qu'Yves Breton et D. Caro étaient fabriciens" "P. Maguet et Yves Fagot fabriciens en 1677."
Recherches généalogiques.
Yves Breton : peut-être le père de Yves Breton né en 1660.
La famille CARO est attestée, mais il manque un prénom compatible avec le D.
Le patronyme LE MAGUET est attesté sur la paroisse au XVIIe siècle, mais on connait surtout Yves ou Yvon Le Maguet (1638-1688), "marchand", fils de Jean, et habitant Le Cosqueric. Il est nommé comme fabricien (infra) en 1678, donc à 40 ans.
Un Yves FAGOT est connu des généalogistes à Saint-Thégonnec, mais son premier enfant nait en 1688.
Archives. (F. Quiniou)
"Le recteur de la paroisse était à cette époque Jean Armand Harscouët. Les autres prêtres, vicaires ou chapelains, s’appelaient : Thomas Breton, Hervé Spaignol, Jacques La Haye et Guillaume Breton.
Les marguilliers [fabriciens] étaient :
- En 1676, Yvon Breton de Cozlen [Coz Len, au sud-ouest], Pierre Caro de Gouazanlan [Goasallan, Goazallan, tout au sud de la paroisse]
- En 1677, Pierre Maguet de Mengars [Monhars izella et uhella ?, à 500 m. à l'ouest], Yvon Fagot de Penanvern [près de Cosquéric, au sud-est].
-En 1678, Yvon Maguet de Cosquéric, Jean Pouliquen de Brogadéon [au nord-ouest au dessus de la Penzé].
-En 1679, Pierre Le Grand de Broustou [près de Cosquéric et Penanvern, au sud-est], Guillaume Picart du Bourg.
-En 1680, Mathieu Abgrall de Bodenéry[au sud, près de Marquès], François Caro de Mengars.
-En 1681, Hervé Cottain de Gozlen, Hervé Tanguy de Cosquéric.
-En 1682, Olivier Herrou de Kerfeultz. Jean Bras du Fers."
Localisation sur IGN Doublemap
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Les fabriciens ? Des marchands de toile.
"Il est à peu près certain que la composition socio-professionnelle de la fabrique de Saint-Thégonnec n’est pas différente à la même époque. En 1625, on y trouve François Mazé, Ollivier Breton, Yvon Pouliquen, Jacques Meudec, Yvon Keryoual, Jean Gral, c’est-à-dire des patronymes de marchands de toile (Gac (Yvon), Étude démographique, économique et sociale de Guiclan, Saint-Thégonnec et des paroisses voisines au xviie siècle, (mémoire de maîtrise), Brest, 1971). En 1704, on y signale Jean Thoribé, Jacques Breton, Jean Coadic, Yves Martin, Hervé Madec, Guillaume Madec, Guillaume Le Maguet, François Mer, Ollivier Breton, Alexandre Rioual, François Caro, François Breton, François Floch : le recours aux registres paroissiaux et aux inventaires après décès permet quasiment d’affirmer qu’il s’agit là de marchands de toile. C’est fréquemment, par ailleurs, que l’on remarque des patronymes de Juloded sur les monuments des enclos paroissiaux : ce sont ceux des Pouliquen, Guillerm, Broustail, Madec, Breton, Fagot, Caro, Croguennec, Le Bras... que l’on observe sur les ossuaires, les chaires à prêcher, les fonts baptismaux... voire sur des croix, calvaires et chapelles." (L. Élégouët, Les Juloded)
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Noms des artisans.
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"D'après les sources conservées, on sait que la construction a été réalisée, de 1676 à 1682, avec des tailleurs de pierre dont on connait les noms. Un premier groupe est constitué par Jacques Hamon, Yvon Huon, Le Duff, Georges Pouliquen, René Pouliquen, Yvon Tanguy, Guillaume Tauc, Vincent Tréguier : ils ont reçu pour leur travail 965 livres 10 sols soit 13 sols par jour mais ils n'étaient pas présents tous les jours, à l'exception de Huon, Tanguy, les Pouliquen, Bescont et Tauc.
Un deuxième groupe était constitué par des travailleurs plus occasionnels, à savoir Mathieu Runot, Jean Blez et Yvon Le Bescont. Les pierres étaient taillées directement sur place dans une loge au toit de genêts coupés et charroyés par Jean Laurens pour 15 livres. L'ossuaire coûta 9500 livres, sans la charpente, : avec celle-ci, on dépasserait 10 000 livres, ce qui représente une somme colossale pour l'époque, qui a pu être financée grâce aux revenus de la fabrique liée en grande partie à la production florissante de toiles de lin."
"Au début du xviie siècle, un porche tel que ceux de Guimiliau, de Guiclan, de Commana coûte de 5 000 à 6 000 livres. Commencé en 1593 et terminé en 1639, le clocher-porche de Goulven a coûté 25 000 livres. C’est aussi le prix de revient approximatif de celui de Saint-Thégonnec qui est construit entre 1599 et 1610. Édifié entre 1685 et 1688, le chevet polygonal de Guiclan revient à 5 500 livres. Une sacristie comme celle de Bodilis, construite entre 1677 et 1690, coûte 10 000 livres. Le grand ossuaire de Saint-Thégonnec (1676-1682) revient à 10 000 livres également (Porhel (Jean-Luc), Les chantiers paroissiaux dans le Léon (mémoire de maîtrise), Brest, 1982.). Le prix des travaux de construction effectués à Saint-Thégonnec entre 1599 et 1690 s’élève à 41 400 livres (ossuaire : 10 000 L ; clocher-porche : 25 000 L environ, sacristie (1685-1690) : 6 400 livres)27. Si l’on tient compte de l’inflation, qui est de l’ordre de 75 % entre 1580 et 1690 et de 40 % entre 1600 et 169028, cela représente environ 60 000 livres de 1690. À cette époque, un domestique ne gagne pas 40 livres par an. Une bonne vache vaut une quarantaine de livres ; un cheval, une soixantaine." (L. Élégouët, Les Juloded)
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L'OSSUAIRE. DESCRIPTION.
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"La décoration de l'ossuaire est entièrement classique et reprend les grands thèmes de la Renaissance avec le découpage de la façade en deux étages séparés par une frise qui continue sur les autres faces de l'édifice.
Les angles de l'édifice sont flanqués de contreforts amortis par des lanternons à dômes et décorés d'élégants pots à feu. Un clocheton couronne sommet du pignon nord. Seul le chevet à trois pans s'inspire du style gothique avec des fenestrages à soufflets de l'atelier Beaumanoir mais avec des crochets à volutes classiques."(E. Le Seac'h 2014 p. 297-298)
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FAIRE LE TOUR DE L'OSSUAIRE ET LIRE L'INSCRIPTION.
Dans la frise qui sépare les deux étages est sculptée une inscription magistrale en grandes capitales romaines qui se continue sur tout le pourtour de l’édifice : C'est une bonne et sainte pensée de prier pour les fidèles trépassés. Requiescant in pace. Amen. Hodie tibi cras tibi. Ô pêcheurs repentez vous étant vivants, car à nous, morts, il n'est plus temps. Priez pour nous, trépassés, car un jour aussi vous en serez, Soyez en paix".
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1. Façade orientale :
CEST VNE BONNE ET SAINCTE PANSEE DE PRIER POUR LES FIDELLES TREPASSES. REQVIESCANT
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Pignon nord.
IN PACE.
AMEN. — HODIE MIHI CRAS TIBI. O PECHEVRS, ...
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Façade ouest.
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REPANTEZ-VOVS ETANT VIVANTS, CAR À NOVS, MORTS, IL N’EST PLVS TEMPS. PRIEZ POUR NOUS, TREPASSES, CAR VN DE CES JOVRS AVSSI VOVS EN SEREZ, SOIEZ EN PAIX.
Au dessus, et au ras du toit, se voit une frise de crânes et d'ossements.
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LE CLOCHETON ET SES VISAGES FÉMININS.
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LA FAÇADE ORIENTALE.
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"Le premier étage est divisé en six fenêtres en plein cintre à colonnes lisses corinthiennes avec la porte au milieu.
Le second étage, l'attique, est ponctué de huit niches vides à coquilles et d'un fronton brisé au dessus de la porte avec une niche surmontée d'un dais."
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Façade orientale de l'ossuaire (Le Bescont, 1676-1677) de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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La porte en plein cintre est ornée d'une clef d'arc en relief ou "agrafe" à volutes et fleuron.
La boiserie à fuseaux rayonnants montre un lion crachant une guirlande de fruits parmi lesquelles une grenade et des glands.
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À l'étage supérieur, le portail est marqué par un fronton brisé pour laisser place à la niche monumentale accostée de nos deux termes gainés ; et ceux-ci supportent par leur volute ionique l'entablement qui vient former un dais au dessus de la statue de saint Pol-Aurélien.
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"Sur la façade orientale, dans la niche au-dessus de la porte d'entrée, une statue de Paul Aurélien est encadrée de deux termes gainés homme et femme dont le style est similaire à celui des trois séries d'Apôtres décrits plus haut. Le saint, vêtu de sa tenue d'évêque, tunique longue et manteau fermé par une bride, terrasse froidement un dragon de son bâton. L'animal essaie de lutter, la tête tournée vers le saint. Son corps est celui d'un lion, une aile déployée sur le dos. De chaque coté, des termes gainés femme et homme l'encadrent. Ils sont copiés sur ceux de l'ossuaire de La Martyre datant de 1619 de l'atelier du Maître de Plougastel. Le motif des termes gainés a ainsi essaimé de la vallée de l'Elorn, du porche de Lanhouarneau datant de 1584 à l'ossuaire de La Martyre, puis jusqu'au porche de Saint-Houardon de Landerneau datant de 1604.
Les termes gainés sont ici moulurés avec un motif en feuillage formant une jupette aux bustes. Ils sont surmontés d'une volute ionique. La féminité de la dame n'est exprimée que par le collier qui est fait d'une rangée de petites boules, imitant les perles de culture, reliées à un pendentif rond avec un motif en croix au centre qui tombe entre deux seins plats. Des mèches de cheveux les cachent jusqu'au milieu. Le saint est à rapprocher du saint Goulven de la niche extérieure de la façade sud du clocher-porche de Goulven. Habillé à l'identique, il a malheureusement perdu ses deux avant-bras. Le haut de sa mitre est rond tandis qu'à Saint-Thégonnec, il est pointu." (E. Le Seac'h 2014 p.297-298)
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On remarquera les grands yeux exorbités en amande qui sont le trait stylistique, reconnu par Le Seac'h , de Jean Le Bescont. À propos des Apôtres de ce sculpteur, elle précise (p. 294) : "La particularité de Jean Le Bescont est de donner à ses personnages des orbites très rondes avec un fin contour et une arcade sourcilière marquée. Les visages sont compris dans un rectangle aux angles adoucis."
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Mais le fronton en général, et son couple de termes en particulier, sont copiés sur ceux du portail de l'ossuaire de La Martyre, réalisé en 1619 par l'atelier du Maître de Plougastel. ( Notons la continuité et la transmission des savoirs des sculpteurs de kersanton du Léon, puisque Jean Le Bescont serait issu de l'atelier de Roland Doré (1618-1663), lui-même issu de celui du Maître de Plougastel (1570-1621) , et que ces trois ateliers sont basés sur Landerneau, premier port sur l'Élorn permettant le transport de la kersantite depuis ses gisements en Rade de Brest).
Il existe pourtant quelques différences. Pour la cariatide, par exemple, la chevelure de La Martyre est nattée et enlacée d'un ruban, le collier est plat, la poitrine plus modelée, les côtes thoraciques sont figurées, le pagne feuillagé s'inspire de l'acanthe, et le pilier n'est pas cannelé. Je renvoie à mon article sur La Martyre pour poursuivre ce jeu des différences.
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J'avais signalé que le portail de l'ossuaire de La Martyre reprenait l'ornementation du porche sud de Saint-Houardon de Landerneau, daté de 1604. Le rapprochement avec Saint-Thégonnec reste valide.
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Un modèle possible serait l'une des cheminées de Second Livre d'architecture d'Androuet du Cerceau.
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Le terme gainé féminin. Kersanton, Jean Le Bescont 1677.
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Cariatide (kersantite, Jean le Bescond, 1676-1677), portail de la façade orientale de l'ossuaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Cariatide (kersantite, Jean le Bescond, 1676-1677), portail de la façade orientale de l'ossuaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Cariatide (kersantite, Jean le Bescond, 1676-1677), portail de la façade orientale de l'ossuaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Cariatide (kersantite, Jean le Bescond, 1676-1677), portail de la façade orientale de l'ossuaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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Le terme gainé masculin. Kersanton, Jean Le Bescont 1677.
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Terme gainé masculin (kersantite, Jean le Bescond, 1676-1677), portail de la façade orientale de l'ossuaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Terme gainé masculin (kersantite, Jean le Bescond, 1676-1677), portail de la façade orientale de l'ossuaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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Saint Pol-Aurélien tenant en laisse grâce à son étole le terrible dragon de Batz. Kersanton, Jean Le Bescont 1677.
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Saint Pol-Aurélien (kersantite, Jean le Bescond, 1676-1677), portail de la façade orientale de l'ossuaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Saint Pol-Aurélien (kersantite, Jean le Bescond, 1676-1677), portail de la façade orientale de l'ossuaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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CONCLUSION.
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Dans un enclos pour lequel trois des plus grands maîtres de la sculpture du kersanton ont travaillé (le Maître de Plougastel, Roland Doré et le Maître de Saint-Thégonnec — auteur du calvaire monumental—), il est intéressant de constater que les deux exemples de couple de supports anthropomorphes sont réalisés par des architectes-sculpteurs : l'anonyme responsable de l'atelier de Kerjean en 1599, et Jean Le Bescont en 1676-1677.
En effet, c'est vers les Livres d'architecture que la recherche de modèles nous amène. Et c'est dans des ensembles architecturaux (portes, porches et portails ) qu'ils prennent place, dans un environnement marqué par les Ordres architecturaux décrits par Vitruve.
En amont des modèles d'Androuet, il faut placer la tribune des musiciens au Louvre par Jean Goujon (1550), les termes de la grotte de La Bâtie d'Urfé (1547), les Satyres-colonnes des stucs de Rosso Fiorentino et Francesco Primaticcio pour la Galerie François Ier de Fontainebleau (1539), mais auparavant et en Italie les réalisations des peintres-architectes Giulio Romano au Palais du Té (1532-1535) et Raphaël dans le soubassement des Chambres du Vatican (1524). Pour cette recherche génétique voir S. Frommel 2018.
Comme j'approfondis, studieusement, mon sujet, je découvre de nouvelles publications, comme celle d'Angelo de Grande, qui donne cette excellente introduction au concept des supports anthropomorphes comme nouvel et sixième ordre architectural, l'ordre anthropomorphe :
"Architecte et graveur parmi les plus prolifiques de son temps, Jacques Androuet du Cerceau s’est sans doute familiarisé auprès de Serlio à Fontainebleau avec des modèles d’Agostino Musi, dit Veneziano. À Venise, ce dernier avait gravé les ordres d’architecture selon les dessins de Serlio, lequel aurait pu ramener en France quelques dessins de termes de son collègue, auteur de la plus ancienne série de gravures véritablement consacrée à ces motifs d’après des modèles antiques (1536). On retrouve ainsi son «Hercule aux bras tronqués» et d’autres figures de la même série , copiés par du Cerceau dans sa suite des Termes et cariatides vers 1546-1549 .
"Pendant la seconde Renaissance, les termes et les cariatides devinrent un véritable ordre et des exemples comme le tombeau de Jules II ou la décoration peinte des stanze de Jules II par Raphaël au Vatican suscitèrent une vague de réceptions. Ces compositions s’appuient sur l’exégèse des descriptions que fit Vitruve dans le premier livre de son traité. Les cariatides dont parle l’auteur romain étaient des statues féminines qui soutenaient sur leur tête un entablement et qui, en remplaçant ainsi des colonnes, symbolisaient la défaite subie au combat et le châtiment. En tenant compte de la description faite par Vitruve d’un portique réalisé à Sparte, Marcantonio Raimondi, graveur des œuvres de Raphaël, les a figurées au second niveau d’une composition, dont le rez-de-chaussée est marqué par des Perses. Ces derniers, instigateurs et perdants du conflit avec la cité grecque, sont représentés comme condamnés à soutenir le poids de la construction. Les supports anthropomorphes peuvent être en figure entière, comme celles décrites par l’architecte romain, ou coupées à mi-corps et engainées, à l’instar des termes. Ces derniers dérivent de la figure du dieu Terminus qui présidait aux bornes et était aussi interprété comme métaphore de la mort.
"En France, le processus d’assimilation de ces motifs fut favorisé par des préfigurations dans l’architecture médiévale romane et gothique, dans laquelle des supports sous forme humaine existaient déjà. On en trouve ainsi dans des portails des églises gothiques sous forme de statues de saints et dans les parties hautes de certains bâtiments romans, comme au dernier étage du clocher de l’église abbatiale Saint-Philibert de Tournus, dans la Bourgogne voisine, datant du XIIe siècle. Au XVIe siècle, on assiste à une reprise massive de ces thèmes, car contrairement aux ordres «conventionnels », codifiés notamment par Serlio dans son Livre IV, l’ordre anthropomorphe revêt une forte composante narrative qui favorise des allusions et des significations spécifiques, devenues quelquefois énigmatiques à notre époque. Cet «ordre» s’est répandu en France grâce à l’œuvre de Rosso Fiorentino et de Francesco Primaticcio à Fontainebleau et par le frontispice du Quatrième Livre de Serlio publié à Venise en 1537.
Celui-ci développa de tels motifs dans des cheminées de ses Regole generali (1537) et ensuite dans les portails du Livre Extraordinaire (1551), alors que Jacques Androuet du Cerceau les assimila et les modifia dans plusieurs de ses recueils, la suite des Termes et cariatides ou le recueil de 25 portails triomphaux, Quinque et viginti exempla arcuum […] de 1549."
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SOURCES ET LIENS.
— CASTEL ( Yves-Pascal) 1956 Saint-Thégonnec, Renaissance du Haut-Leon, collection Reflet de Bretagne , ed. Jos Le Doaré
http://bibliotheque.idbe-bzh.org/data/cle_137/Saint_Thegonnec_Renaissance_du_Haut-Leon_.pdf
— COUFFON (René), 1948," l'architecture classique au pays de Léon, l'atelier de l'Elorn, l'atelier de Kerjean", Mémoires de la Société d'Histoire et d’Archéologie de Bretagne. 1948, 28.
https://www.shabretagne.com/document/article/2612/de-l-honneur-et-des-epices.php
— COUFFON (René), LE BARS (Alfred), 1988, Répertoire des églises : paroisse de SAINT-THEGONNEC,” Collections numérisées – Diocèse de Quimper et Léon,
http://bibliotheque.diocese-quimper.fr/items/show/1039.
— ÉLÉGOËT (Louis), 1996, Les Juloded Grandeur et décadence d'une caste paysanne en Basse Bretagne, Presses Universitaires de Rennes. 299 p.
https://books.openedition.org/pur/11548?lang=fr
— LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne. Les ateliers du XVe au XVIe siècle. Presses Universitaires de Rennes.
http://www.pur-editions.fr/couvertures/1409573610_doc.pdf
— QUINIOU (François), 1909, Saint-Thégonnec. L’Église et ses annexes F. Paillard, 1909.
https://fr.wikisource.org/wiki/Saint-Th%C3%A9gonnec._L%E2%80%99%C3%89glise_et_ses_annexes/Texte_entier
— QUINIOU (François), 1929, Saint-Thégonnec : une paroisse bretonne sous la Révolution, Presses libérales, Brest, 232 p.
http://bibliotheque.diocese-quimper.fr/items/show/3696
— ROUDAUT (F.) (dir.), 1998, Saint-Thégonnec. Naissance et renaissance d'un enclos, Brest, CRBC, 183 p.
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OUVRAGES DE RÉFÉRENCE
—BASE DE DONNÉES "ORNEMENTS ANTHROPOMORPHES"
http://www.fr-ornement.com/fr/anthropomorphe?page=8
—ANDROUET DU CERCEAU (Jacques), 1542-1545, Compartiments, ou Grands cartouches de Fontainebleau. Deux séries de 10 planches.
https://bibliotheque-numerique.inha.fr/collection/item/1807-compartiments-de-fontainebleau-de-grand-format?offset=7
—ANDROUET DU CERCEAU (Jacques), 1548-1549, Cartouches, 12 planches gravées sur cuivre.
https://bibliotheque-numerique.inha.fr/collection/item/1802-cartouches?offset=3
—ANDROUET DU CERCEAU (Jacques), 1559 Livre d’architectvre de Jaques Androvet du Cerceau, contenant les plans et dessaings de cinquante bastimens tous differens : pour instruire ceux qui desirent bastir, soient de petit, moyen, ou grand estat. Auec declaration des membres & commoditez, & nombre des toises, que contient chacun bastiment, dont l’eleuation des faces est figurée sur chacun plan..., Paris, s.n., 1559.
http://architectura.cesr.univ-tours.fr/Traite/Notice/ENSBA_Masson647.asp?param=
—ANDROUET DU CERCEAU (Jacques), Second Livre d’architecture, par Iaqves Androvet Du Cerceau. Contenant plusieurs et diverses ordonnances de cheminées, lucarnes, portes, fonteines, puis et pavillons, pour enrichir tant le dedans que le dehors de tous edifices. Avec les desseins de dix sepultures toutes differentes, Paris, André Wechel, 1561.
—ANDROUET DU CERCEAU (Jacques), 1582, Livre d’architecture de Jaques Androuet Du Cerceau, auquel sont contenues diverses ordonnances de plants et élévations de bastiments pour seigneurs, gentilshommes et autres qui voudront bastir aux champs ; mesmes en aucuns d’iceux sont desseignez les bassez courts... aussi les jardinages et vergiers..., Paris, pour Iaques Androuet du Cerceau, 1582. de l’Orme (Philibert), Le Premier tome de l’architecture, Paris, Frédéric Morel, 1567.
http://architectura.cesr.univ-tours.fr/Traite/Notice/ENSBA_LES1592.asp?param=
—ANDROUET DU CERCEAU (Jacques), 1549, Quinque et viginti exempla arcum
http://architectura.cesr.univ-tours.fr/Traite/Notice/INHA-4R1475.asp?param=
— DELORME (Philibert), 1567 Le premier tome de l'architecture de Philibert de L'Orme conseillier et aumosnier ordinaire du Roy, & abbé de S. Serge lez Angiers , Paris, Federic Morel
http://architectura.cesr.univ-tours.fr/traite/Notice/ENSBA_Les1653.asp?param=
http://architectura.cesr.univ-tours.fr/traite/Images/Les1653Index.asp
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k85636g/f1.double
— DELORME (Philibert), 1561 Les Nouvelles Inventions pour bien bastir et a petits frais
http://architectura.cesr.univ-tours.fr/Traite/Images/Masson643Index.asp
— DE GRANDE (Angelo), 2014, "De Fontainebleau vers la Lorraine: l’ordre anthropomorphe de la maison «des Sept Péchés capitaux» à Pont-à-Mousson" in Gravures d'architecture et d'ornement au début de l'époque moderne : processus de migration en Europe (sous la direction de S, Frommel et E. Leuschner), pp.205-218, 2014.
https://www.academia.edu/11289409/De_Fontainebleau_vers_la_Lorraine_l_ordre_anthropomorphe_de_la_maison_des_Sept_P%C3%A9ch%C3%A9s_capitaux_%C3%A0_Pont_%C3%A0_Mousson
— FROMMEL (Sabine), 2018 Supports anthropomorphes peints de la Renaissance italienne, in Frommel, Sabine – Leuschner, Eckhard – Droguet, Vincent – Kirchner, Thomas (dir.) Construire avec le corps humain/ Bauen mit dem menschlichen Korper. Les ordres anthropomorphes et leurs avatars dans l'art europèen de l'antiquité à la fin du XVIe siècle/ Antropomorphe Stùtzen von der Antike bis zur Gegenwart, Campisano Editore 2 volumes pp 618, 40 ill.
Rares sont les motifs architecturaux qui témoignent d'une persistance telle que les ordres anthropomorphes, depuis l'Antiquité jusqu'à la période actuelle, en passant par le Moyen Âge. Leur évolution s'articule par de subtiles interactions entre les domaines sculptural, architectural et pictural, alors qu'une fortune théorique durable a été instaurée par la description détaillée par Vitruve des "Perses" et des "Caryatides" dans son traité De architectura libri decem. Contrairement aux ordres architecturaux canoniques, ce " sixième ordre " invite à des interprétations et des variations plus souples et plus personnelles. Il put ainsi assimiler des traditions locales très diverses lors de son parcours triomphal dans toute l'Europe. Si la signification originelle de soumission et de châtiment de ces supports reste valable, les valeurs narratives ne cessèrent de s'enrichir et de s'amplifier, en faisant de ce motif un protagoniste abondamment présent dans de multiples genres artistiques, des meubles aux monuments les plus prestigieux, et qui révèle les mutations typologiques et stylistiques au fil du temps. Les contributions réunies dans ces deux volumes fournissent un large panorama européen de ces occurrences, offrant un large éventail de synergies et d'affinités révélatrices.
https://www.academia.edu/36821730/Supports_anthropomorphes_peints_de_la_Renaissance_italienne_in_Frommel_Sabine_Leuschner_Eckhard_Droguet_Vincent_Kirchner_Thomas_dir_Construire_avec_le_corps_humain_Bauen_mit_dem_menschlichen_K%C3%B6rper_Co_%C3%A9dition_Picard_Campisano_Paris_Roma_2018_?email_work_card=view-paper
— MAITRE DE HENRI II (membre du Groupe de Noël Bellemare) Heures dites de Henri II BnF Latin 1429
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8447767x/f81.item#
— MAITRE DE HENRI II 1546-1547 (offert à Charles IX en 1566), Jean du Tillet Recueil des rois de France BnF fr.2848
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84516158/f189.item#
https://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc492956
—SAMBIN ( Hugues), 1572 Oeuvre de la diversité des termes dont on use en architecture reduict en ordre : par Maistre Hugues Sambin, demeurant à Dijon, publié à Lyon par Jean Marcorelle ou par Jean Durant. Bibliothèque municipale de Lyon, Rés 126685.
https://bibliotheque-numerique.inha.fr/collection/item/36089-oeuvre-de-la-diversite-des-termes-dont-on-use-en-architecture-reduit-en-ordre-par-maitre-hugues-sambin?offset=1
—SERLIO (Sebastiano ), 1551 Liure extraordinaire de architecture, de Sebastien Serlio, architecte du roy treschrestien. Auquel sont demonstrees trente Portes Rustiques meslees de diuers ordres. Et vingt autres d’oeuvre delicate en diverses especes, Lyon, Jean de Tournes, 1551.
http://architectura.cesr.univ-tours.fr/Traite/Notice/ENSBA_LES1745.asp?param=
https://bibliotheque-numerique.inha.fr/collection/item/32769-extraordinario-libro-di-architettura-di-sebastiano-serlio-livre-extraodinaire-de-architecture-de-sebastien-serlio
—SERLIO (Sebastiano ), 1540 Il terzo libro ... Venise F. Marcolini
http://architectura.cesr.univ-tours.fr/Traite/Notice/Serlio1540.asp?param=
https://archive.org/details/ilterzolibronelq00serl
—SERLIO (Sebastiano ), 1537 Regole generali di architectura, quatrième livre, Venise F. Marcolini
http://architectura.cesr.univ-tours.fr/Traite/Images/B272296201_A101Index.asp
—SERLIO (Sebastiano ), 1547, Livre V, Paris
http://architectura.cesr.univ-tours.fr/Traite/Notice/INHA-4R1476.asp?param=
— VIGNOLE 1562, La Règle des cinq ordres d'architecture
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6327303x/f11.planchecontact.r=delagardette.langEN
— VITRUVE
http://architectura.cesr.univ-tours.fr/Traite/Notice/ENSBA_01665A0013.asp
— VITRUVE, 1511, De architectura M. Vitruvius per Jocundum solito castigatior factus cum figuris et tabula, traduit par Fra Giovanni Giocondo en 1511 à Venise chez G. da Tridentino avec 136 gravures sur bois
http://architectura.cesr.univ-tours.fr/Traite/Notice/CESR_2994.asp?param=
http://architectura.cesr.univ-tours.fr/Traite/Images/CESR_2994Index.asp
— VITRUVE, 1513, De architectura, traduit par Giovanni Giocondo
https://echo.mpiwg-berlin.mpg.de/ECHOdocuView?url=/mpiwg/online/permanent/library/488D7ND1/pageimg&start=11&viewMode=images&pn=17&mode=imagepath
— VREDEMAN DE VRIES (Hans) [1565] Caryatidum (vulgus termas vocat) sive Athlantidum multiformium ad quemlibet architecture. Anvers
https://bibliotheque-numerique.inha.fr/viewer/36809/?offset=#page=43&viewer=picture&o=bookmark&n=0&q=
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