La verrière de saint Claude (?) ou baie 19 offerte vers 1495 par Guillaume Le Roux pour l' église de Louviers.
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Voir aussi sur Louviers :
Voir : Tous mes articles sur les vitraux.
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PRÉSENTATION.
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À l'extrémité ouest du bas-coté nord de la nef, et difficile d'accès, cette baie comporte une seule lancette trilobée de 4,30 m de haut et 0,70 m de large. Elle a été offerte par Guillaume II Le Roux vers 1495, et provient de la chapelle propre à cette grande famille dont le mécénat permis la reconstruction de la façade sud de l'église. Le registre principal montre un saint archevêque, qui serait a priori saint Claude, puisque le fils et successeur de Guillaume II est Claude Ier Le Roux (voir la baie 24 où figure également saint Claude, et Claude Le Roux).
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Verrière de saint Claude (vers 1495), baie 19 de l'église de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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L'archevêque et les donateurs occupent une niche d'architecture, dont le soubassement et les piédroits portent des panneaux ornés de prophètes, et dont le fond est tendu d'un étoffe damassée rouge (motif à trois feuilles découpées).
Le prélat est figuré selon Recensement VI en archevêque, mais ne peut-on dire qu'il est ici en abbé, avec son bâton pastoral tenu à droite, et doté d'une croix latine à une seule traverse ? Le saint porte les gants ou chirothèques (avec houppe dorée au poignet) avec, sur le dos de ces gants, la plaque de métal ouvragée en quadrilobe. Une bague est portée au pouce gauche (première phalange). Saint Claude est vêtu d'une chape au dessus d'une dalmatique verte à fentes latérales frangées d'or. Les fanons (théoriquement réservés aux évêques et non aux abbés) de la mitre sont larges et descendent assez bas sur les épaules.
La plus grande attention peut être portée aux détails de ces panneaux : non pas tant aux délicats rehauts de jaune d'argent de l'architecture qu'au verre rouge gravé de la mitre , et, surtout, aux nombreuses pièces en chef d'œuvre, ces verres colorés insérés à l'intérieur d'une autre pièce de verre grâce à une découpe audacieuse.
C'est un plaisir de les recenser sous forme de rubis, d'améthystes, de saphir, d'émeraudes et autres joyaux, en cabochon sur les pointes de la mitre précieuse , sur la croix, sur les orfrois de la chape.
On retrouvera cette technique pour les croisettes des armoiries.
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Verrière de saint Claude (vers 1495), baie 19 de l'église de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Verrière de saint Claude (vers 1495), baie 19 de l'église de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Verrière de saint Claude (vers 1495), baie 19 de l'église de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Verrière de saint Claude (vers 1495), baie 19 de l'église de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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LES DONATEURS.
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Au premier plan, le couple est vêtu du même manteau rouge fourrée. C'est un manteau identique que porte Claude Le Roux en donateur sur la baie 24 : renvoie-t-elle à une fonction honorifique ? Guillaume, comme Claude, fut Lieutenant-général du vicomte d'Elbeuf, et Conseiller au Parlement normand, l'Échiquier. Les Conseillers portaient-il un manteau rouge, long et fourré d'hermine ?
Il s'agit de Guillaume II Le Roux et de son épouse Jeanne Jubert, comme l'indique le blason sous-jacent : d'azur au chevron d'argent accompagné de trois têtes de léopard d'or (Guillaume Le Roux) et écartelé aux 1 et 4 d'azur à une croisette d'or qui est du Thil ; aux 2 et 3 d'azur à cinq fers de lance d'argent, 3 et 2 qui est de Jubert (Jeanne Jubert ). Ce blason est donc celui de Jeanne Jubert,
Sur Guillaume Le Roux, je renvoie à mon article sur la baie 24.
Jeanne Jubert est née le 15 août 1469 de Guillaume Jubert (mort en 1503), lieutenant général à Vernon du bailli de Gisors, puis conseiller à l'échiquier de Normandie. Elle épousa Guillaume Le Roux à 17 ans, le 27 juin 1486, et eut seize enfants.
Derrière eux, nous voyons quatre enfants, deux garçons (tête nue) et deux filles. Trois fils nous sont connus, Guillaume, Claude et Nicolas.
Les Le Roux et le Parlement de Normandie.
rappel :
En 1499, l’Echiquier est composé de quatre présidents, compris le premier président, de treize conseillers clercs et de quinze conseillers laïcs (ou lays) ; choisis parmi les hommes « vertueux, justes, coustumiers, sachans, cognoissans et intendans les coustumes et usages, styles et chartes dudit pays » de Normandie, ils sont majoritairement originaires de la province et tout particulièrement de Rouen, du pays de Caux et du Vexin normand. Les membres du Parlement sont pourvus d’une charge publique qui prend la forme d’un office. Malgré une interdiction ancienne, l’office devient un élément du patrimoine et, comme tel, transmissible moyennant rémunération. En résignant leurs offices, présidents et conseillers désignent leurs successeurs ; par la vénalité des charges, ils garantissent leur inamovibilité. De véritables dynasties se constituent ainsi. En février 1515, quelques jours après son avènement, François Ier confirme la création de son prédécesseur, en modifiant toutefois sa titulature : le terme d’échiquier, symbole de l’identité normande, disparaît, la Cour devient un parlement à l’instar des autres cours souveraines du royaume. Son ressort géographique, son rôle juridictionnel et politique, son pouvoir réglementaire et son organisation interne sont alors en partie définis.
— Guillaume Le Roux, Conseiller au parlement en 1499, alors que Jacques Calenge était président. Je note qu'il fut prince (président) des Palinods de Rouen, ou en tout cas, il fut le premier à doter d'un fonds fixe cette confrérie vouée à l'Immaculée Conception. Le concours de poésie (ou Puy, ou Palinod) en l'honneur de la Conception de la Vierge avait été institué en 1489. C'est un argument de poids pour interpréter certains vitraux de Louviers comme une défense de l'Immaculée Conception.
— Claude Le Roux : conseiller du parlement de Normandie en 1520.
— Nicolas Le Roux (frère de Claude), conseiller du parlement de Normandie en 1537
— Robert (fils de Claude), conseiller clerc au parlement de Normandie en 1553.
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L'inscription placée en légende au pied de la vitre n'a pas été(à ma connaissance) décryptée. Dommage !
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Verrière de saint Claude (vers 1495), baie 19 de l'église de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Le couronnement du dais et les anges de la tête de lancette ont été composés en 1903 par Maurice Muraire. Les philactères portent les inscriptions TE DEUM LAUDAMUS et IN DOMINUM CONFITEMUR.
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Verrière de saint Claude (vers 1495), baie 19 de l'église de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
SOURCES ET LIENS.
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Office du tourisme Seine-Eure :
http://www.tourisme-seine-eure.com/images/06-QUE-FAIRE/1-culture-patrimoine/B1.2-ND-Louviers/Circuit-Bilingue-EGLISE-ND-LOUVIERS.pdf
— CALLIAS BEY (Martine), CHAUSSÉ (Véronique), GATOUILLAT (Françoise), HÉROLD (Michel), 2001,"Les vitraux de Haute-Normandie", Corpus vitrearum Recensement VI, CNRS éditions, page 171
— FOSSEY (abbé Jules), 1896, L'église Notre-Dame à Louviers, La Normandie monumentale.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62406567/f7.image.texteImage
— HÉROLD (Michel),1995, Louviers, église Notre-Dame, les verrières, Rouen, 16P
— LAFOND Jean, 1963, Les vitraux de Notre-Dame de Louviers, par Jean Lafond . Louviers et Pont-de-l'Arche. Nouvelles de l'Eure, n° 15, Pâques 1963. (pp. 42-47). Non consulté.
— LE MERCIER (E.) Monographie de l'église Notre-Dame de Louviers Ch. Hérissey et fils, 1906 - 212 pages
— PREVOST (Gustave-Amable ), 1896, L'influence de la fortune et de l'initiative privées sur l'architecture : une famille normande et la Renaissance en Haute-Normandie, impr. de C. Hérissey (Évreux) pages34 et suiv.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5502915c/f37.image
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k63528p/texteBrut