Les termes gainés (cariatide et atlante) du porche sud (1584-1588) de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Atelier du château de Kerjean, kersanton.
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Je continue à colliger une documentation iconographique sur les œuvres de la Première et Seconde Renaissance en Bretagne, inspirées de l'art à la grotesque, et de l'École de Fontainebleau, et je m'intéresse maintenant aux Termes, Cariatides et Atlantes que les architectes et sculpteurs bretons ont créés en Finistère à la fin du XVIe siècle et au XVIIe siècle. On les attribue, pour les premières réalisations, à l'atelier qui a travaillé à l'édification du château de Kerjean en Saint-Vougay vers 1570, et qui a introduit dans le Léon les nouveautés stylistiques de la Seconde Renaissance de l'École de Fontainebleau (1539) diffusés par des recueils comme ceux de Sebastiano Serlio (1537) et d'Androuet du Cerceau (vers 1550).
Le couple de termes masculin et féminin de l'entrée du château de Kerjean est repris au fronton du porche sud de Lanhouarneau en 1588 (granite). Ce fronton sert de modèle qui se retrouve, au fond du porche de Saint-Thégonnec en 1599 (kersanton), au fronton du porche sud de Saint-Houardon de Landerneau en 1604 (kersanton), au fond du porche de Guimiliau vers 1606, puis au fronton de la porte de l'ossuaire de La Martyre en 1619 (kersanton), et de l'ossuaire de Saint-Thégonnec en 1676 (kersanton). Dans ces six cas, les deux termes encadrent une niche accueillant une statue d'un saint ou d'une sainte, et ils sont épaulés par deux volutes latérales.
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Ce sont des "termes" car leur piètement est en forme de bornes, mais aussi des "cariatides" et "atlantes" (voire des "télamons"), car ils supportent sur leur tête, par un chapiteau ionique, un entablement. Face à ce flottement sémantique, il vaudrait mieux désigner ces figures comme des "supports anthropomorphes". J'ai choisi de rester simple, au prix de l'incorrection.
On retrouve aussi cet ornement, décliné avec beaucoup d'imagination, en granite à l'intérieur du porche de Bodilis (1570-1601), ou sur la façade de l'ossuaire de Sizun (1585), en kersanton sur un bénitier de Guimiliau (v.1606) et, en sculpture sur bois, sur les jubés et clôtures de chœur de La Roche-Maurice, et de la chapelle Saint-Nicolas en Priziac.
Sans compter— mais c'est essentiel — les sablières à cuirs chantournés et/ou grotesques du Maître de Plomodiern à Saint-Nic (1561-1566), Plomodiern (1564), à l'atelier du Cap-Sizun à Primelin, Pont-Croix (1544), Confort-Meilars, Esquibien ou de celle du Maître de Pleyben (1567-1576) à Pleyben, Kerjean, Plomodiern (Sainte-Marie du Menez-Hom), Bodilis, Saint-Divy, Notre-Dame de Berven (1579-1580) à Plouzévédé et peut-être Roscoff.
PRÉSENTATION GÉNÉRALE.
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On commencera par noter la proximité de Lanhouarneau avec le château de Kerjean (Saint-Vougay), à 8 km à l'est.
"En forme de croix latine, l'église comprend une nef de trois travées avec bas-côtés, un transept et un chœur accosté de deux chapelles et terminé par un chevet à trois pans. En dehors du clocher du XIVe siècle, l'édifice est en partie de la fin du XVIe siècle, en partie de la fin du XVIIIe siècle.
Le porche du midi , voûté sur croisée d'ogives avec liernes, porte la date de 1582 sur le contrefort est et l'inscription suivante dans l'entablement de l'arcade extérieure : "IEAN. TOVLLEC (?). Y. BERTHOV. ET. J. MESGVEN. PROCVREVRS (?)." Ce porche a une importance capitale pour l'histoire de l'art breton, car il présente une innovation totale dans la décoration des porches, aucun élément gothique n'y figurant plus et le style classique y apparaissent totalement pour la première fois. Dû sans nul doute à l'atelier de Kerjean, sa disposition et ses principaux ornements ont été reproduits dans de très nombreux monuments de la vallée de l'Elorn.
Le sommet du gable est décoré d'un écu martelé portant les armes mi-parti Maillé et Carman, armes de François de Maillé et de sa femme Claude de Carman, héritière de ses frères après leur fin tragique en 1584. C'est donc peu après cette dernière date que le porche semble avoir été achevé.
Les niches à coquille abritent encore les statues des douze Apôtres (kersanton) ; dans le soubassement, cartouches à têtes grimaçantes et grotesques comme à Bodilis. L'une des liernes porte sur ses deux faces l'inscription : "H. N. GAL... FAB. NOBLE. E. VEN. P. SR. M. G. ESQVZ... RECT. /M. E. GARS. CVRE. 1582. F. RICHART. FAB.". Au-dessus de l'arc surbaissé de la porte intérieure, statue en kersanton du Christ Sauveur du monde. Au pignon du porche, dans une niche à cariatides gaînées, statue de sainte à longues tresses, un enfant à ses pieds [sic]." (René Couffon)
Marie-Dominique Menant donne une lecture plus complète de l'inscription de l'intérieur gravée sur les liernes du porche : M. E. BARS. CURE. 1582. F. RICHART. FAB. H. NOAL. FAB. NOB. ET. VEN. PER. M. G... REC sur la croisée d'ogives. Je la discuterai à mon tour infra.
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Cartel in situ. Photographie lavieb-aile.
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LE FRONTON DU PORCHE.
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Au dessus de l'entablement du porche, le tympan est centré par une niche à coquille dont le plein cintre vient s'inscrire sous un fronton triangulaire supporté par deux colonnes à supports anthropomorphes. Deux volutes forment les arcs-boutants de cet ensemble central.
Dans le tympan, un blason, martelé à la Révolution, aux armes des familles Maillé et Carman permet de faire remonter aux environs de 1584 la fin de la construction du porche (cf. Couffon et Bouricquen).
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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La statue de la niche : une sainte (Marie-Madeleine) et un donateur (kersanton, 1588).
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On a vu que René Couffon décrit une "statue de sainte à longues tresses, un enfant à ses pieds". Effectivement, l'identité de la sainte ne peut être précisée facilement. Par contre, il me semble peu discutable que c'est un donateur (tête refaite en pierre ou ciment pierre) qui est agenouillé à ses pieds, les mains jointes autour d'un phylactère qui monte verticalement jusqu'aux nattes de la sainte. Ce donateur est un chanoine, car il est vêtu d'une chape à capuchon rabattu.
La femme (dont la tête est brisée) est tête nue, sans voile, ni bandeau, ni nimbe ni couronne, mais sa chevelure est remarquable car elle forme deux nattes méchées qui se réunissent devant la poitrine et descendent jusqu'au ventre. Ces nattes sont si remarquables qu'elles semblent être un attribut d'identification. Mais vers quelle sainte ?
L'autre attribut est le flacon qu'elle tient, par l'intermédiaire d'un pli de son manteau, dans la main gauche.
Je ne vois qu'une solution de cette devinette, et seule sainte Marie-Madeleine me semble correspondre à cette définition d'une chevelure longue et non couverte, et du flacon d'aromates présenté lors de la Mise au Tombeau, ou du lundi de Pâques, pour l'embaumement du corps du Christ.
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Pour en revenir au donateur, de qui peut-il s'agir ?
Serait-ce le recteur de la paroisse, ce "noble et vénérable personne M. G. R[ecteur] " de l'inscription de 1582 sous le porche ? L'absence de son nom interrompt les tentatives de recherche.
J.M. Abgrall nous indique le nom du recteur de 1585, un certain Guillaume Dall. Pas mieux.
Serait-ce un membre de la famille de Carman, dont les armes figuraient sur un blason du porche avec la date de 1584 ? Ce serait ma meilleure hypothèse. Une verrière de l'église de Plonévez-Lochrist montrait Jean de Carman, "chanoine de Léon" en donateur présenté par Jean-Baptiste devant une Descente de Croix.
Ce chanoine devint évêque de Saint-Pol-de-Léon, et sa dépouille y repose sur une dalle à son effigie, mais dans l'église de Plonévez-Lochrist, la chapelle Saint-Sébastien renferme dans un enfeu la tombe qu'il s'était destiné.
Mais hélas pour la validité de ma suggestion, cet évêque intronisé en 1503 est décédé en 1514.
L'énigme du donateur reste donc à résoudre.
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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Le terme masculin, ou "atlante". (Atelier de Kerjean, leucogranite à muscovite de Berven, 1588).
"Géologiquement, l’intrusion du granite à tourmaline de Sainte-Catherine a été précédée, en plusieurs points et en particulier aux environs de Berven, par la mise en place d’un granite clair, blanchâtre, à grain fin-moyen, caractérisé par la présence fréquente de muscovite (mica blanc) et le développement aléatoire, mais toujours en faible proportion, de tourmaline. Si cette roche est loin d’avoir la beauté et surtout l’originalité des divers faciès du massif de Sainte-Catherine, elle est cependant susceptible de fournir des pierres de taille parfois de fortes dimensions. Dans ces conditions, rien d’étonnant à ce qu’elle ait été recherchée pour l’église de Lanhouarneau, fréquemment en association avec le faciès (b) de Sainte-Catherine, extrait dans les mêmes secteurs. Sa mise en œuvre remonte certainement au xvie siècle, comme l’atteste sa présence dans le chevet et dans le porche méridional où elle forme les deux belles colonnes cannelées monolithes dressées de part et d’autre de la partie externe de l’accès. Elle a été également utilisée en remploi (au xviiie siècle), avec le granite de Sainte-Catherine, dans le transept sud, dans l’élévation méridionale… La même roche a été aussi mise en œuvre au niveau de la plate-forme du clocher (balustrade, colonne, base de la flèche…) sans que l’on puisse toutefois préciser ici la date de son utilisation, du fait des restaurations subies par ledit clocher. "(L. Chauris 2006)
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Ces deux supports anthropomorphes sont beaucoup plus grossiers (ou bien moins conservés du fait de leur matériau moins fin et inaltérable que le kersanton) que ceux à qui ils serviront de modèles ; ils ont les bras croisés devant la poitrine et la transition avec le pilier se fait par un pagne feuillagé (acanthe) suspendu à une volute ionique. Ils supportent l'entablement par un chapiteau ionique.
L'homme est remarquable par ses grands yeux et sa moustache.
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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Le terme féminin, ou "cariatide". (Atelier de Kerjean, Leucogranite à muscovite de Berven, 1588).
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Cette cariatide est nue et sa belle poitrine souligne sa grâce, plus que son visage qui nous échappe sous l'effet de l'altération de la pierre. Sa coiffure forme deux boucles qui la coiffe comme des oreilles de Mickey.
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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LE PORCHE EXTÉRIEUR.
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L'entrée en plein cintre sculpté, soutenu par des colonnes à tambour, est accostée de deux colonnes corinthiennes cannelées, conforme aux modèles de Philibert Delorme adoptés au château de Kerjean. Le pignon et les contreforts d'angles s'amortissent en lanternons.
La corniche à large moulure porte l'inscription : Mre: JEAN: TOVLLEC Rr: Y: BERTHOV : ET : J : MESGVEN : PROCVREVRS 1765, témoignant d'une restauration ou modification assez sérieuse à cette date. En effet, "en octobre 1760, l'architecte Guillaume Balcon est appelé pour étudier la réédification de l'église. Le sieur de Keramoal-Lucas, expert blasonneur, l'accompagne. Le transept et la nef sont repris à partir de 1766 : linteau daté, ajout d'une voûte basse en berceau dans le clocher et transformation du portail occidental. Le remontage du porche sud est effectué après numérotation peinte en rouge des pierres" . (M. Menant)
—Jean TOULLEC (1707-1777) a été recteur de 1748 à 1777.
—Yves BERTHOU (10 février 1719-31 juillet 1783), cultivateur, est qualifié d'Honorable Marchand, demeurant au Manoir du Ferz à Lanhouarneau. Il a été capitaine de la paroisse (équivalent de "procureur" je pense). Il a épousé vers 1739 Françoise Yvonne LE GUEN. Dans sa fratrie figure Hamon Berthou curé de Lanhouarneau.
Son ancêtre Jean Berthou avait fait construire le manoir du Fers en 1660 et y avait fait graver ses initiales avec celles de son épouse.
"Le Fers", à Lanhouarneau, apparaît sur Google Maps comme une, ou plutôt deux ou trois grosses exploitations d'élevage agricole. Existe-t-il encore des bâtiments anciens ? La notice de l'Inventaire décrit Le Fers Vras, en grès et granite, datant vers 1900.Il y a Le Fers, Le Fers Vras, Le Fers Bian et Le Fers Kerhilliguy. Le lieu-dit est mentionné sur la carte de Cassini, comme Tréfalégan.
Yves Berthou est marchand de toile : lorsqu'en 1785, à l’occasion de l’inventaire après décès du plieur de toile Ollivier Péton, de Landerneau, on découvre dans son grenier une boîte « contenant cinquante sceaux en bois gravés du nom et de la marque particulière de chaque fabriquant », deux noms de marchands sont de Lanhouarneau : le sien et celui de F. Nicolas.
Un post du forum CGF est consacré aux BERTHOU de Lanhouarneau.
On lit, dans les Antiquités de Bretagne (1832) de Fréminville : "En entrant dans l'église , à main droite, contre la muraille , est la pierre tombale de Jean Berthou. Son nom y est écrit en grosses lettres, mais sans aucune autre espèce d'épitaphe".
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— Jean MESGUEN, cultivateur, est né le 7 octobre 1751 au manoir de Tréfalégan, où il décéda le 29 avril 1806. Il avait épousé en 1785 Catherine BARS.
Un homonyme, cultivateur sachant signer, qualifié d'Honorable Homme, est né vers 1716 au manoir de Tréfalégan où il est décédé le 2 mai 1803. Il avait épousé en 1747 Honorable Femme Marie KEROUANTON.
Le manoir de Tréfalégan, à 800 m au nord-est de l'église, avait appartenu à Sébastien de Rosmadec puis à la famille Thépault dont il porte les armoiries.
Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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L'entablement est soutenu par deux colonnes cannelées, rudentées au tiers inférieur et baguées, en leucogranite à muscovite de Berven (L. Chauris) mais dont le chapiteau corinthien est en kersanton.
Près de ces chapiteaux, des anges présentent des cartouches en cuir découpé à enroulement, centrés par des masques anthropomorphes entourés d'un collier de perles de gros diamètre : l'influence du style bellifontain introduit au château de Kerjean est patent.
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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Les soubassements des contreforts, en granite de Sainte-Catherine, sont sculptés de masques (mi-humains mi-léonins) dans un encadrement rectangulaire de palmes.
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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L'INTÉRIEUR DU PORCHE.
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Cet intérieur a été reproduit en 1614 par Jean Bouricquen. Si son dessin est peu fidèle dans sa représentation du porche sud, il propose un intérieur coloré : les statues des apôtres et les arabesques le long des parois, la statue du Christ bénissant et les voûtes du couvrement sont polychromes ; les dessins des voûtes semblent représenter des anges.
Le bénitier à godrons, la frise et le soubassement des statues et colonnettes sont en granite de Sainte-Catherine facies b (L. Chauris).
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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La statue du Christ Sauveur (kersantite) dans la niche centrale.
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Comme sous le porche de Dirinon ou celui de Bodilis, le Christ, jambe gauche en avant, bénit de la main droite (brisée) le globe terrestre ou orbe tenu de la main gauche (brisée).
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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L'inscription.
Elle est gravée, d'une main maladroite, sur les liernes du porche sur la croisée d'ogives. Marie-Dominique Menant a relevé :
M. E. BARS. CURE. 1582. F. RICHART. FAB. H. NOAL. FAB. NOB. ET. VEN. PER. M. G... REC
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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Je propose de lire :
1°)
M : E : BARS : CVRE. 1588 /
Soit "Messire E. BARS curé en 1588".
La famille BARS est attestée sur la paroisse à cette date (on sait que les curés sont recrutés localement) : voir infra.
Ce changement de date créerait une rupture avec tous les auteurs datant ce porche de 1582 ou 1584 (d'après les armoiries de Carman-Maillé). Ma lecture, cliché à l'appui, semble assez fondée.
Nous savons par les archives qu'un Jean BARZ était fabricien de la paroisse en 1553, date à laquelle il a commandité avec Hervé Calvez la réalisation de la croix de Croas ar C'hor par l'atelier Prigent de Landerneau.
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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2°)
F : RICHART : FAB.
F[rançois?] RICHART Fabricien.
Les généalogistes signalent François RICHART, cultivateur, né vers 1570 à Goasven, Lanhouarneau et décédé au même lieu vers 1638, marié vers 1590 à Marie GRALL.
On remarque que sa sœur Barbe a épousé Alain BARS.
Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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3°)
H : MOAL : FAB.
Soit "H. Moal, fabricien".
Les paroisses élisent chaque année deux fabriciens : voici donc le second.
Je propose de reconnaître ici Hervé MOALIC, né vers 1580 à Plounéventer (pour l'instant, ça ne colle pas), mais marié vers 1610 à Lanhouarneau avec Plesoue BARS, fille d'Alain BARS et de Barbe RICHART (décédée en 1636) mentionnés supra.
Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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4°)
NOB : E : VEN : PER : M : --- REC
Soit "Noble et vénérable personne messire --- recteur".
Je ne parviens pas à un meilleur résultat, et le nom de ce recteur nous échappe encore. Mais résisterait-il à de nouvelles tentatives et à des éclairages différents ?
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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Les douze apôtres du Credo apostolique (kersanton).
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Ces apôtres, pieds nus et tenant le livre qui les caractérisent tous, tiennent chacun le phylactère où était jadis peint l'article du Credo qui leur est attribué. Ils sont vêtus du manteau et de la robe dont la fente pectorale est fermée par des boutonnières à languettes en S, caractéristique des ateliers de kersanton de Landerneau (atelier Prigent, puis Maître de Plougastel, puis Roland Doré puis Jean Bescont).
Toutes les têtes ont été refixées au ciment, quelques mains, doigts ou attributs ont disparu.
Attribution.
Ces statues ne sont pas attribuées par Emmanuelle Le Seac'h dans son Catalogue des ateliers de sculpture de Basse-Bretagne du XVe au XVIIe siècle, mais cette auteure ne semble pas s'être attardée à Lanhouarneau. Si on les estime contemporaine du porche, donc en 1588, elles correspondent à la période d'activité du Maître de Plougastel (1570-1621), très actif dans le Léon et auteur par exemple avec son atelier du Christ Sauveur de Bodilis, ou des termes gainés de Saint-Thégonnec. Mais on ne connait de cet atelier que les séries d'apôtres placés à l'extérieur des églises de Confort-Meilars et de Saint-Tugen en Primelin, ou le saint Pierre de Plogoff. On pourra les comparer ici :
On y retrouve la manière de traiter les visages, et certains traits, comme le livre coincé sous l'aisselle, la ceinture serrant quelques robes, la façon de caractériser saint Matthieu par sa balance, etc. Je propose donc cette hypothèse.
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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Saint Pierre et sa clef (brisée).
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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Apôtre non déterminé. Saint Thomas ?
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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Saint Jacques le Majeur, son chapeau frappé de la coquille et son bourdon.
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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Saint Jean tenant la coupe de poison.
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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Saint Philippe avec sa croix (brisée) à longue hampe.
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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Saint Jacques le Mineur avec son bâton de foulon (brisé).
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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Les six apôtres du coté ouest.
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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Saint non déterminé. Saint Matthias tenant sa lance ?
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Comparer avec :
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Saint Matthias (kersanton, Maître de Plougastel, début XVIIe), chapelle Saint-Tugen en Primelin. Photographie lavieb-aile mars 2020.
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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Saint Matthieu tenant la balance du publicain.
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Comparer à :
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L'Apôtre Matthieu, (kersanton, Maître de Plougastel, début XVIIe), chapelle Saint-Tugen en Primelin. Photographie lavieb-aile mars 2020.
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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Saint non déterminé. Barthélémy et son coutelas à dépecer ?
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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Saint non déterminé. Saint Jude tenant son épée ?
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Comparer à :
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L'Apôtre Jude, (kersanton, Maître de Plougastel, début XVIIe), chapelle Saint-Tugen en Primelin. Photographie lavieb-aile mars 2020.
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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Saint André et sa croix en X.
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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Saint Simon et sa scie.
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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SOURCES ET LIENS.
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— AGRALL (Jean-Marie), 1918, Notice sur Lanhouarneau, BDHA, Kerangall, Quimper.
— BOURICQUEN, Jan. Bref estat es preminences du marquis de Kerman et conte de Seszploe de mesme quelles sont es eglisses covent et chapelles tant en pierre boys viltres que lisières en Leon. Visite recuilli es ce presant livre faict pour hault et puissant mesire Charles de Maillé chevalier de l'Ordre du roy, gentilhomme ordinaire de sa chambre, seigneur marcquis de Kerman conte de Seizploue, baron de la Forest, [etc], par son peintre et vistrier humble et fidel serviteur Jan Bouricquen en 1614.
— CHAURIS (Louis), 2006, « Éclairage lithologique sur l’église de Lanhouarneau (Finistère) : XIVe-XVIe-XVIIIe siècles », Revue archéologique de l'Ouest, 23 | 2006, 117-149.
https://journals.openedition.org/rao/156
— COUFFON (René) Le BARS (Alfred), 1988, Lanhouarneau, in Diocèse de Quimper et de Léon. Nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper, 552 p.
— LE GUENNEC (Louis),1932, « Prééminences de la famille de Carman », Bulletin archéologique de l’Association bretonne, 44, 1932, p. 98-137.
— LE GUENNEC (Louis), "Lanhouarneau", in Morlaix et sa région. Quimper 1979
"-Lan Hoarneu, vers 1330; (Terre d'Huvarné, ou de saint Hervé). Ce fils d'Harvian et de Rivanone, sœur de saint Rivoaré, naquit vers 520 au manoir de Lanrioull, en Plouzévédé. Hervé, qui était aveugle de naissance, passa la plus grande partie de sa vie à Lanhouarneau, et y mourut. II fonda un monastère en ce lieu sur une révélation du ciel qui lui commanda de s'y fixer. Le champ appartenait à un paysan nommé Ioncour et celui-ci, sans refuser de le donner au saint, lui demanda d'attendre jusqu'à la moisson, afin de pouvoir récolter son blé. Hervé promit au paysan qu'il n'y perdrait rien; le blé fut coupé en herbe, engrangé, et l'août venu, il se trouva très mûr tout en fournissant le double en grains. Dans une crypte de l'église, on voyait jadis, dit Kerdanet, la tombe du saint aveugle sculptée par le « tailleur d'imaiges » Coyé. Ce mausolée n'existe plus, mais le trésor conserve une relique de saint Hervé contenue dans un bras de bois revêtu d'argent.
L'église est surmontée d'une massive tour gothique à balustrade en quatrefeuilles, elle offre tous les caractères du XIIIe siècle, et se termine par une flèche ajourée d'étoiles et de rosaces que flanquent quatre épais clochetons.
Sur le porche latéral sud, belle œuvre de la Renaissance bretonne, on lit la date de 1582. L'entrée en plein cintre sculpté, soutenu par des colonnes à tambour, est accostée de deux colonnes corinthiennes cannelées. La corniche à large moulure porte l'inscription : Mre: JEAN: TOVLLEC Rr: Y: BERTHOV : ET : J : MESGVEN : PROCVREVRS 1765. Le pignon et les contreforts d'angles s'amortissent en lanternons.
A l'intérieur du porche, des niches à coquille, séparées par des colonnes d'ordre ionique, abritent les statues des douze Apôtres; le soubassement est divisé en panneaux offrant des têtes grimaçantes et grotesques, comme à Guimiliau et Bodilis. Au-dessus de la porte du fond, est une statue de Notre-Seigneur.
L'église en partie du XVIe siècle, remaniée au XVIIIe siècle, a une nef très élevée et un transept. L'abside est percée de trois hautes fenêtres garnies de forts beaux vitraux modernes, représentant des scènes du Nouveau Testament, fabriqués en 1868 à Lanhouarneau même, par H. Laurans, dont l'atelier existait encore à la fin du siècle dernier. On s'étonne de trouver là ces belles verrières qui, pour la richesse et l'harmonie du coloris, peuvent rivaliser avec les meilleures productions du xvre siècle.
A l'angle sud-ouest du cimetière contre lequel est un lech octogone, il y a un ossuaire de la Renaissance, dont la façade est décorée de colonnes ioniques. Dans cet ossuaire, aujourd'hui transformé en chapelle, on remarque un très joli bénitier en granit, aussi de la Renaissance, où la fantaisie de l'artiste a représenté un diablotin furieux d'être obligé de porter la cuve du bénitier. Une pierre tombale aujourd'hui déposée au musée de Kerjean fut découverte en relevant les dalles du chœur. Elle porte l'effigie mutilée d'un chevalier que le lion héraldique sculpté sur son corselet fait reconnaître pour un seigneur de Coatmerret du nom de Launay. On trouva en même temps, paraît-il, une autre dalle chargée d'une effigie d'ecclésiastique, que les ouvriers auraient détruite sous l'œil indifférent du recteur. Au sud du bourg le manoir ruiné de Coatmerret, posé sur la crête d'un ravin abrupt, fut jadis une importante seigneurie avec haute justice. Le grand portail gothique de l'entrée et les ruines de l'édifice principal qui n'offrent plus que quelques pans de murs indiquent le xve siècle. A l'entrée de l'avenue gisent, près d'une fontaine, les débris d'une belle croix armoriée de deux écussons, l'un chargé d'un lion, l'autre mi-parti d'un lion et d'un coupé d'un lion et d'un burelé de dix pièces. Ce sont les armes de Guillaume de Launay, seigneur de Coatmerret en 1460, et de sa femme Marguerite de Lesquélen, de la maison de Penfeunteniou. Leur petite-fille et héritière Louise de Launay, dame de Coatmerret, épousa en 1520 Rolland de Kersauson, seigneur dudit lieu."
— TOSCER, (G.),1916 Le Finistère pittoresque. Brest : A. Kaigre, . p. 510-511
— WAQUET, (Henri) 1960. L'art breton. Grenoble : Arthaud. Tome II, La Renaissance. p. 42, 117, 110, 113, 143.
Les Termes (cariatides et atlantes) en kersanton du porche sud (1599) et de l'ossuaire ( Jean Le Bescont, 1676-1677) de Saint-Thégonnec.
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Je continue à colliger une documentation iconographique sur les œuvres de la Première et Seconde Renaissance en Bretagne, inspirées de l'art à la grotesque, et de l'École de Fontainebleau, et je m'intéresse maintenant aux Termes, Cariatides et Atlantes que les architectes et sculpteurs bretons ont créés en Finistère à la fin du XVIe siècle et au XVIIe siècle. On les attribue, pour les premières réalisations, à l'atelier qui a travaillé à l'édification du château de Kerjean en Saint-Vougay vers 1570, et qui a introduit dans le Léon les nouveautés stylistiques de la Seconde Renaissance de l'École de Fontainebleau (1539) diffusés par des recueils comme ceux de Sebastiano Serlio (1537) et d'Androuet du Cerceau (vers 1550).
Le couple de termes masculin et féminin de l'entrée du château de Kerjean est repris (encadrant une sculpture du patron du sanctuaire) au fronton du porche sud de Lanhouarneau en 1582, au fond du porche de Saint-Thégonnec en 1599, au fronton du porche sud de Saint-Houardon de Landerneau en 1604, puis au fronton de la porte de l'ossuaire de La Martyre en 1619, et de l'ossuaire de Saint-Thégonnec en 1676. Toujours en kersanton.
Ce sont des "termes" car leur piètement est en forme de bornes, mais aussi des "cariatides" et "atlantes" (voire des "télamons"), car ils supportent sur leur tête, par un chapiteau ionique, un entablement. Face à ce flottement sémantique, il vaudrait mieux désigner ces figures comme des "supports anthropomorphes". J'ai choisi de rester simple, au prix de l'incorrection.
On retrouve aussi cet ornement, décliné avec beaucoup d'imagination, en granite à l'intérieur du porche de Bodilis (1570-1601), ou sur la façade de l'ossuaire de Sizun (1585), et, en sculpture sur bois, sur les jubés et clôtures de chœur de La Roche-Maurice, et de la chapelle Saint-Nicolas en Priziac.
Sans compter— mais c'est essentiel —les sablières à cuirs chantournés et/ou grotesques du Maître de Plomodiern à Saint-Nic (1561-1566), Plomodiern (1564), à l'atelier du Cap-Sizun à Primelin, Pont-Croix (1544), Confort-Meilars, Esquibien ou de celle du Maître de Pleyben (1567-1576) à Pleyben, Kerjean, Plomodiern (Sainte-Marie du Menez-Hom), Bodilis, Saint-Divy, Notre-Dame de Berven (1579-1580) à Plouzévédé et peut-être Roscoff.
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PRÉSENTATION.
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L'enclos paroissial de Saint-Thégonnec, situé en Léon près de la voie express n°12 Rennes-Brest, est l'un des plus fameux et des plus visités, avec son "arc de triomphe", son ossuaire, son calvaire, et son église, édifiés entre 1520 et 1667. Il a été magnifiquement restauré après l'incendie du 8 juin 1998
Pourtant, et bien que le rôle de l'atelier des sculpteurs du château de Kerjean soit reconnu pour la construction de la porte triomphale entre 1587 et 1589, il est difficile de trouver mention (et a fortiori description) de ses deux couples de termes. François Quiniou décrit "deux cariatides à gaines coiffés de la volute ionique" de l'ossuaire, Yves-Pascal Castel les "deux termes, mâle et femelle" du même ossuaire, mais c'est Emmanuelle Le Seac'h qui décrit avec précision ces "termes gainés homme et femme" . Par contre, le couple des mêmes figures, à l'entrée sud de l'église, est passé sous silence.
Quand aux photographes, ils ne publient pas en ligne les clichés de ces figures ; Mais la façade de l'ossuaire est presque tout le temps dans l'ombre ( peut-être devrais-je tenter ma chance, au lever du jour en été ?) et le fond du porche reste plongé dans une ombre colorée de moisissures verdâtres.
On voudra bien pardonner l'exceptionnelle médiocrité de mes clichés.
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LE FRONTON DU PORTAIL INTÉRIEUR DU CLOCHER-PORCHE. LA VIERGE À L'ENFANT ENCADRÉE DE DEUX TERMES GAINÉS MASCULIN ET FÉMININ (KERSANTITE,1599).
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La date de 1599 est inscrite sur le bénitier à droite de l'entrée : elle s'applique a priori également à ce portail intérieur. Notons que le porche extérieur porte la date de 1605, et le cadran solaire celle de 1606.
La porte de plein cintre, dont on remarquera l'agrafe en S au décor d'acanthe, est encadrée par deux colonnes engagées à chapiteau ionique, qui supportent un entablement assez sobre.
Cet entablement est dominé par une niche à coquille, et c'est elle qui est encadrée par les deux termes qui, dans leur fonction de colonnes, soutiennent un fronton curviligne à trois pots-à-feu. Cet ensemble supérieur est épaulé par deux volutes en "S".
On comparera cette porte à celle de la tour clocher de Goulven (1593), rapprochée par Couffon de celle de Saint-Thégonnec et de Pleyben.
On comparera également cette disposition au porche extérieur de Lanhouarneau (1582) avec ses deux termes entourant la Vierge.
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Porche sud de Lanhouarneau (1582). Photo lavieb-aile 2017.
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Portail intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Portail intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Portail intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Portail intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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La Vierge à l'Enfant.
Elle est couronnée et voilée, et tient l'Enfant sur le bras droit. Le pan du manteau est fixé par une agrafe au poignet gauche, ce qui engendre un doux et ample plissé. Le visage est joufflu, les mains manquent de délicatesse. L'Enfant, vêtu d'une tunique longue, est figuré en Sauveur, bénissant et tenant le globe terrestre.
Que donnerait-elle si elle sortait de sa pénombre et que le soleil venait magnifier le travail du sculpteur sur le kersanton ?
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Portail intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Portail intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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La cariatide.
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Le visage est large, le nez épaté, la bouche petite, les yeux soulignés par d'épaisses paupières, et les cheveux longs forment deux masses latérales.
Elle porte un chapiteau dont la volute ionique est marquée par trois indentations.
Son buste à la poitrine nue et aux bras placés en arrière est posé sur la pyramide tronquée à deux étages cannelés.
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Portail intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Portail intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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L'atlante.
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Ce pilastre partage avec le voisin le motif anthropomorphe, le chapiteau à volute ionique et le pilier pyramidal tronqué à deux étages cannelés.
L'homme est barbu (un drôle de collier torsadé ou taillé dru), et son visage très grossièrement sculpté est vaguement léonin. Ses mains, croisées sur la poitrine, sont mal dessinées, avec cinq doigts isomorphes en éventail.
Je remarque que dans les deux cas, le pilier à deux étages est plus large que le buste de la figure, et qu'il dissimule entièrement l'abdomen, à la différence des nombreux termes où le ventre et bas-ventre sont recouverts d'un pagne, souvent feuillagé.
Cette caractéristique écarte, parmi les très nombreux modèles des recueils de gravure, de nombreux exemples. Mais inversement, elle en retient quelques-uns, comme les cheminées d'Androuet du Cerceau (Second Livre, 1561):
S'il faut conjuguer cette caractéristique à celle des piliers cannelés, la sélection s'amenuise.
http://www.fr-ornement.com/fr/node/123
Et si nous exigeons maintenant un pilier cannelé à deux étages, je déclare forfait, après avoir consulté (trop rapidement je l'avoue) les 12 pages du site Ornement.
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Portail intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Portail intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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Conclusion.
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Ce porche intérieur est de style Renaissance, et on mesurera (bien que ce style soit déjà introduit en France depuis plus d'un demi-siècle) combien il est audacieux d'encadrer une statue de la Vierge de ces figures issues du paganisme romain, en remplacement des anges prosternées, orant ou thuriféraires présents, par exemple, au dessus du porche sud de la cathédrale de Quimper.
Néanmoins, la repris des termes hermaïques fusionnées en statues-colonnes soutenant un portique sont parfaitement à leur place ici dans leur fonction de marquage d'un seuil ; et c'est aussi dans cette fonction que Sebastiano Serlio les place sur un frontispice ou dans un encadrement de cheminée, ou qu'Androuet du Cerceau les utilise sur une porte monumentale, ou que Jean Goujon les propose pour la Joyeuse Entrée d'Henri II à Paris.
"Ces « musées en plein vent » que sont les enclos paroissiaux symbolisent l’âge d’or du Léon et, notamment, du pays julod. S’ils manifestent l’importance de la foi chez nos aïeux, ils rappellent également la prospérité toilière, de même que l’aisance qui s’ensuit. Celle-ci concerne, surtout, les paysans-marchands mais touche également les autres paysans comme l’atteste la considérable augmentation de la population du pays toilier entre 1600 et 1675 : entre ces deux dates, les effectifs de la paroisse de Guiclan passent d’environ 1 125 à 2 525 habitants et ceux de Saint-Thégonnec de 1 775 à 3 750. Cette évolution est d’autant plus remarquable qu’à cette époque l’ensemble de la France traverse une période de crise économique et démographique." (L. Élégouët, Les Juloded)
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COMPLÉMENT. LA FRISE DU PORCHE INTÉRIEUR.
(Les 4 statues d'apôtres des niches, attribuées au Maître de Plougastel ou à Roland Doré, seront décrites ultérieurement).
1°) Coté gauche.
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On y trouve une succession de cartouches de cuirs découpés à enroulement, typiques du style bellifontain, et centrés par des masques de femmes coiffées d'un bandeau noué , des masques léonins, ou d'une feuille.
Les quatre masques féminins reprennent ce motif —déjà signalé sur les décors de l'atelier de Kerjean (Bodilis, N.-D. de Berven), et dérivé des modèles de gravure d'ornements de la Seconde Renaissance — où la femme est coiffé d'un bandeau noué sur les tempes et descendant en voile autour du menton en couvrant la gorge comme une guimpe. Il est amusant de voir comment notre sculpteur anonyme le décline à sa façon.
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Frise (granite, 1599) de l' intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Frise (granite, 1599) de l' intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Frise (granite, 1599) de l' intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Frise (granite, 1599) de l' intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Frise (granite, 1599) de l' intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Frise (granite, 1599) de l' intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Frise (granite, 1599) de l' intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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2°) Coté droit.
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On y trouve trois feuilles identiques, un masque de lion, et deux masques différents de femme portant le bandeau noué et le voile-guimpe.
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Frise (granite, 1599) de l' intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Frise (granite, 1599) de l' intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Frise (granite, 1599) de l' intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Frise (granite, 1599) de l' intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Frise (granite, 1599) de l' intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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LE FRONTON DU PORTAIL DE L'OSSUAIRE. LA STATUE DE SAINT-POL-AURÉLIEN ENCADRÉE DE DEUX TERMES GAINÉS MASCULIN ET FÉMININ (KERSANTITE, JEAN LE BESCOND, 1676).
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À la différence du portail intérieur de l'église, je dispose de beaucoup plus d'informations sur cet ossuaire. À commencer par le nom de son architecte, Jean Le Bescont (vers 1664-1682). Ce dernier avait deux ateliers, l'un à Landerneau et l'autre à Carhaix, et il était aussi sculpteur sur pierre. Un bon sculpteur, peut-être formé auprès de Roland Doré à partir de 1650 avant de reprendre son atelier à sa mort en 1663.
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Jean Le Bescont.
Le Seac'h attribue à Jean Le Bescont, sculpteur de kersanton, les séries d'Apôtres du porche de Locmélar daté de 1664 (Apôtre et Dieu Sauveur), ceux du porche de Goulven (Apôtres, Dieu le Père et saint Goulven), et ceux de Dirinon (Apôtres, Dieu Sauveur et statue de saint Divy). Il a produit aussi un bénitier pour Ploudiry en 1680 et celui de La Martyre en 1681, le calvaire de Kerfeunteuniou à Bodilis en 1681 et le calvaire du cimetière de Saint-Eutrope à Plougonven daté de 1655 (vestige : statue de saint Eutrope).
Comme architecte-sculpteur, il est responsable du porche sud de Ploudiry en 1665 et de la reconstruction du chevet de Locmélar entre 1680 et 1681. En 1668, avec Yves Le Guiriec, il obtient le marché de l'aile sud du transept et de la sacristie de Saint-Thomas de Landerneau
À Saint-Thégonnec, il est intervenu à plusieurs reprises comme architecte sur l'église elle-même : il a fabriqué en son atelier de Landerneau les fenestrages du bas-coté nord en 1651 et a édifié le bas-coté sud de 1652 à 1656, après en avoir eu l'adjudication en 1650 comme entrepreneur à Carhaix (Kerhaez).
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Adjudication de l'ossuaire, artisans et tarifs,
"Le deuxième dimanche de février 1676, plusieurs architectes vinrent à Saint-Thégonnec pour assister à la mise en adjudication des travaux à exécuter pour la chapelle ossuaire. « Le second dimanche de février, ayant convenus de M. architecteurs pour voir l’aplacement du reliquaire qu’on vouloit bastir, fait des frais pour la some de quatre livres dix sols [cahier des comptes 1675-1676]. » Jean Le Bescon « architecteur de Khaez » ou Carhaix fut chargé de l’entreprise. Il était en même temps « architecteur, entrepreneur et maître picoteur », et outre son atelier de Carhaix, il en possédait un autre à Landerneau.
Me Jean Le Bescond fut payé d’après le nombre de journées employées par ses ouvriers à la construction de l’ossuaire. Les tailleurs de pierre payés à treize sols par jour étaient : Ivon Huon, Yvon Tanguy, Georges Pouliquen, René Pouliquen. Jean Bescont, Guillaume Tauc, Jacques Hamon, Le Duff et Vincent Tréguier.
Les six premiers travaillèrent jusqu’à la fin de l’entreprise. Les trois derniers ne furent pas employés d’une façon régulière et au bout de quelque temps furent même remplacés par Mathieu Runot, Jean Blez et Yvon le Bescont.
L’architecte mettait lui-même de temps en temps la main à l’ouvrage, probablement pour remplacer quelqu’un de ses ouvriers, ou pour exécuter un travail plus délicat, et recevait pour son salaire vingt-cinq sols par jour.
Les charpentiers percevaient le même salaire que les « picoteurs ». C’étaient Alain Picart, Charles Prigent, Charles Picart et François Chapalain.
Les couvreurs, Hervé Pichon et Yvon Pichon étaient payés douze à treize sols par jour, tandis que les « darbareurs » ou manœuvres ne touchaient que dix sols. Les darbareurs s’appelaient Yan Grall, Charles Prigent et Pierre Berthélé.
Pour l’ensemble des travaux qui durèrent de 1676 à 1681, les tailleurs de pierre reçurent 6.304 livres. Les frais de charrois de pierres de la montagne d’Arrée montèrent à la somme de 2.682 livres. Si l’on joint à ces deux chiffres le salaire des darbareurs, les dépenses en chaux, charbon, pierres de maçonnerie et quelques autres menus frais, nous trouvons que cette chapelle ossuaire revient à la fabrique à la somme de 9.500 livres, la charpente non comprise.
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Construction et fabriciens.
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La construction est faite, comme pour l'église, en granite de la Montagne de Plounéour--Ménez hormis les statues qui sont en kersantite.
On y relève les inscriptions suivantes : "CE RELIQUAIRE FUT FONDE LAN 1676 : LORS Y. BRETON : ET D : CARO F."
Et sur le contrefort à droite sur le façade orientale :
"P MAGVET : YVES FAGOT F. 1677."
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photo lavieb-aile 2011
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Autrement dit : "Ce reliquaire fut fondé l'an 1676 alors qu'Yves Breton et D. Caro étaient fabriciens" "P. Maguet et Yves Fagot fabriciens en 1677."
Recherches généalogiques.
Yves Breton : peut-être le père de Yves Breton né en 1660.
La famille CARO est attestée, mais il manque un prénom compatible avec le D.
Le patronyme LE MAGUET est attesté sur la paroisse au XVIIe siècle, mais on connait surtout Yves ou Yvon Le Maguet (1638-1688), "marchand", fils de Jean, et habitant Le Cosqueric. Il est nommé comme fabricien (infra) en 1678, donc à 40 ans.
Un Yves FAGOT est connu des généalogistes à Saint-Thégonnec, mais son premier enfant nait en 1688.
Archives. (F. Quiniou)
"Le recteur de la paroisse était à cette époque Jean Armand Harscouët. Les autres prêtres, vicaires ou chapelains, s’appelaient : Thomas Breton, Hervé Spaignol, Jacques La Haye et Guillaume Breton.
Les marguilliers [fabriciens] étaient :
- En 1676, Yvon Breton de Cozlen [Coz Len, au sud-ouest], Pierre Caro de Gouazanlan [Goasallan, Goazallan, tout au sud de la paroisse]
- En 1677, Pierre Maguet de Mengars [Monhars izella et uhella ?, à 500 m. à l'ouest], Yvon Fagot de Penanvern [près de Cosquéric, au sud-est].
-En 1678, Yvon Maguet de Cosquéric, Jean Pouliquen de Brogadéon [au nord-ouest au dessus de la Penzé].
-En 1679, Pierre Le Grand de Broustou [près de Cosquéric et Penanvern, au sud-est], Guillaume Picart du Bourg.
-En 1680, Mathieu Abgrall de Bodenéry[au sud, près de Marquès], François Caro de Mengars.
-En 1681, Hervé Cottain de Gozlen, Hervé Tanguy de Cosquéric.
-En 1682, Olivier Herrou de Kerfeultz. Jean Bras du Fers."
"Il est à peu près certain que la composition socio-professionnelle de la fabrique de Saint-Thégonnec n’est pas différente à la même époque. En 1625, on y trouve François Mazé, Ollivier Breton, Yvon Pouliquen, Jacques Meudec, Yvon Keryoual, Jean Gral, c’est-à-dire des patronymes de marchands de toile (Gac (Yvon), Étude démographique, économique et sociale de Guiclan, Saint-Thégonnec et des paroisses voisines au xviie siècle, (mémoire de maîtrise), Brest, 1971). En 1704, on y signale Jean Thoribé, Jacques Breton, Jean Coadic, Yves Martin, Hervé Madec, Guillaume Madec, Guillaume Le Maguet, François Mer, Ollivier Breton, Alexandre Rioual, François Caro, François Breton, François Floch : le recours aux registres paroissiaux et aux inventaires après décès permet quasiment d’affirmer qu’il s’agit là de marchands de toile. C’est fréquemment, par ailleurs, que l’on remarque des patronymes de Juloded sur les monuments des enclos paroissiaux : ce sont ceux des Pouliquen, Guillerm, Broustail, Madec, Breton, Fagot, Caro, Croguennec, Le Bras... que l’on observe sur les ossuaires, les chaires à prêcher, les fonts baptismaux... voire sur des croix, calvaires et chapelles." (L. Élégouët, Les Juloded)
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Noms des artisans.
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"D'après les sources conservées, on sait que la construction a été réalisée, de 1676 à 1682, avec des tailleurs de pierre dont on connait les noms. Un premier groupe est constitué par Jacques Hamon, Yvon Huon, Le Duff, Georges Pouliquen, René Pouliquen, Yvon Tanguy, Guillaume Tauc, Vincent Tréguier : ils ont reçu pour leur travail 965 livres 10 sols soit 13 sols par jour mais ils n'étaient pas présents tous les jours, à l'exception de Huon, Tanguy, les Pouliquen, Bescont et Tauc.
Un deuxième groupe était constitué par des travailleurs plus occasionnels, à savoir Mathieu Runot, Jean Blez et Yvon Le Bescont. Les pierres étaient taillées directement sur place dans une loge au toit de genêts coupés et charroyés par Jean Laurens pour 15 livres. L'ossuaire coûta 9500 livres, sans la charpente, : avec celle-ci, on dépasserait 10 000 livres, ce qui représente une somme colossale pour l'époque, qui a pu être financée grâce aux revenus de la fabrique liée en grande partie à la production florissante de toiles de lin."
"Au début du xviie siècle, un porche tel que ceux de Guimiliau, de Guiclan, de Commana coûte de 5 000 à 6 000 livres. Commencé en 1593 et terminé en 1639, le clocher-porche de Goulven a coûté 25 000 livres. C’est aussi le prix de revient approximatif de celui de Saint-Thégonnec qui est construit entre 1599 et 1610. Édifié entre 1685 et 1688, le chevet polygonal de Guiclan revient à 5 500 livres. Une sacristie comme celle de Bodilis, construite entre 1677 et 1690, coûte 10 000 livres. Le grand ossuaire de Saint-Thégonnec (1676-1682) revient à 10 000 livres également (Porhel (Jean-Luc), Les chantiers paroissiaux dans le Léon (mémoire de maîtrise), Brest, 1982.). Le prix des travaux de construction effectués à Saint-Thégonnec entre 1599 et 1690 s’élève à 41 400 livres (ossuaire : 10 000 L ; clocher-porche : 25 000 L environ, sacristie (1685-1690) : 6 400 livres)27. Si l’on tient compte de l’inflation, qui est de l’ordre de 75 % entre 1580 et 1690 et de 40 % entre 1600 et 169028, cela représente environ 60 000 livres de 1690. À cette époque, un domestique ne gagne pas 40 livres par an. Une bonne vache vaut une quarantaine de livres ; un cheval, une soixantaine." (L. Élégouët, Les Juloded)
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L'OSSUAIRE. DESCRIPTION.
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"La décoration de l'ossuaire est entièrement classique et reprend les grands thèmes de la Renaissance avec le découpage de la façade en deux étages séparés par une frise qui continue sur les autres faces de l'édifice.
Les angles de l'édifice sont flanqués de contreforts amortis par des lanternons à dômes et décorés d'élégants pots à feu. Un clocheton couronne sommet du pignon nord. Seul le chevet à trois pans s'inspire du style gothique avec des fenestrages à soufflets de l'atelier Beaumanoir mais avec des crochets à volutes classiques."(E. Le Seac'h 2014 p. 297-298)
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Ossuaire (Le Bescont, 1676-1677) de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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FAIRE LE TOUR DE L'OSSUAIRE ET LIRE L'INSCRIPTION.
Dans la frise qui sépare les deux étages est sculptée une inscription magistrale en grandes capitales romaines qui se continue sur tout le pourtour de l’édifice : C'est une bonne et sainte pensée de prier pour les fidèles trépassés. Requiescant in pace. Amen. Hodie tibi cras tibi. Ô pêcheurs repentez vous étant vivants, car à nous, morts, il n'est plus temps. Priez pour nous, trépassés, car un jour aussi vous en serez, Soyez en paix".
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1. Façade orientale :
CEST VNE BONNE ET SAINCTE PANSEE DE PRIER POUR LES FIDELLES TREPASSES. REQVIESCANT
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Ossuaire (Le Bescont, 1676-1677) de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Ossuaire (Le Bescont, 1676-1677) de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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Pignon nord.
IN PACE.
AMEN. — HODIE MIHI CRAS TIBI. O PECHEVRS, ...
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Ossuaire (Le Bescont, 1676-1677) de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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Façade ouest.
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REPANTEZ-VOVS ETANT VIVANTS, CAR À NOVS, MORTS, IL N’EST PLVS TEMPS. PRIEZ POUR NOUS, TREPASSES, CAR VN DE CES JOVRS AVSSI VOVS EN SEREZ, SOIEZ EN PAIX.
Au dessus, et au ras du toit, se voit une frise de crânes et d'ossements.
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Ossuaire (Le Bescont, 1676-1677) de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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Ossuaire (Le Bescont, 1676-1677) de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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LE CLOCHETON ET SES VISAGES FÉMININS.
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Ossuaire (Le Bescont, 1676-1677) de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Ossuaire (Le Bescont, 1676-1677) de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Ossuaire (Le Bescont, 1676-1677) de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Ossuaire (Le Bescont, 1676-1677) de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Ossuaire (Le Bescont, 1676-1677) de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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LA FAÇADE ORIENTALE.
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"Le premier étage est divisé en six fenêtres en plein cintre à colonnes lisses corinthiennes avec la porte au milieu.
Le second étage, l'attique, est ponctué de huit niches vides à coquilles et d'un fronton brisé au dessus de la porte avec une niche surmontée d'un dais."
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Façade orientale de l'ossuaire (Le Bescont, 1676-1677) de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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La porte en plein cintre est ornée d'une clef d'arc en relief ou "agrafe" à volutes et fleuron.
La boiserie à fuseaux rayonnants montre un lion crachant une guirlande de fruits parmi lesquelles une grenade et des glands.
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Porte de la façade orientale de l'ossuaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Porte de la façade orientale de l'ossuaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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À l'étage supérieur, le portail est marqué par un fronton brisé pour laisser place à la niche monumentale accostée de nos deux termes gainés ; et ceux-ci supportent par leur volute ionique l'entablement qui vient former un dais au dessus de la statue de saint Pol-Aurélien.
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Portail de la façade orientale de l'ossuaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Portail de la façade orientale de l'ossuaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Portail de la façade orientale de l'ossuaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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"Sur la façade orientale, dans la niche au-dessus de la porte d'entrée, une statue de Paul Aurélien est encadrée de deux termes gainés homme et femme dont le style est similaire à celui des trois séries d'Apôtres décrits plus haut. Le saint, vêtu de sa tenue d'évêque, tunique longue et manteau fermé par une bride, terrasse froidement un dragon de son bâton. L'animal essaie de lutter, la tête tournée vers le saint. Son corps est celui d'un lion, une aile déployée sur le dos. De chaque coté, des termes gainés femme et homme l'encadrent. Ils sont copiés sur ceux de l'ossuaire de La Martyre datant de 1619 de l'atelier du Maître de Plougastel. Le motif des termes gainés a ainsi essaimé de la vallée de l'Elorn, du porche de Lanhouarneau datant de 1584 à l'ossuaire de La Martyre, puis jusqu'au porche de Saint-Houardon de Landerneau datant de 1604.
Les termes gainés sont ici moulurés avec un motif en feuillage formant une jupette aux bustes. Ils sont surmontés d'une volute ionique. La féminité de la dame n'est exprimée que par le collier qui est fait d'une rangée de petites boules, imitant les perles de culture, reliées à un pendentif rond avec un motif en croix au centre qui tombe entre deux seins plats. Des mèches de cheveux les cachent jusqu'au milieu. Le saint est à rapprocher du saint Goulven de la niche extérieure de la façade sud du clocher-porche de Goulven. Habillé à l'identique, il a malheureusement perdu ses deux avant-bras. Le haut de sa mitre est rond tandis qu'à Saint-Thégonnec, il est pointu." (E. Le Seac'h 2014 p.297-298)
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On remarquera les grands yeux exorbités en amande qui sont le trait stylistique, reconnu par Le Seac'h , de Jean Le Bescont. À propos des Apôtres de ce sculpteur, elle précise (p. 294) : "La particularité de Jean Le Bescont est de donner à ses personnages des orbites très rondes avec un fin contour et une arcade sourcilière marquée. Les visages sont compris dans un rectangle aux angles adoucis."
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Mais le fronton en général, et son couple de termes en particulier, sont copiés sur ceux du portail de l'ossuaire de La Martyre, réalisé en 1619 par l'atelier du Maître de Plougastel. ( Notons la continuité et la transmission des savoirs des sculpteurs de kersanton du Léon, puisque Jean Le Bescont serait issu de l'atelier de Roland Doré (1618-1663), lui-même issu de celui du Maître de Plougastel (1570-1621) , et que ces trois ateliers sont basés sur Landerneau, premier port sur l'Élorn permettant le transport de la kersantite depuis ses gisements en Rade de Brest).
Il existe pourtant quelques différences. Pour la cariatide, par exemple, la chevelure de La Martyre est nattée et enlacée d'un ruban, le collier est plat, la poitrine plus modelée, les côtes thoraciques sont figurées, le pagne feuillagé s'inspire de l'acanthe, et le pilier n'est pas cannelé. Je renvoie à mon article sur La Martyre pour poursuivre ce jeu des différences.
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Porche sud de l'ossuaire (1619) de La Martyre. Photographie lavieb-aile décembre 2020.
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Porche sud de l'ossuaire (1619) de La Martyre. Photographie lavieb-aile décembre 2020.
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J'avais signalé que le portail de l'ossuaire de La Martyre reprenait l'ornementation du porche sud de Saint-Houardon de Landerneau, daté de 1604. Le rapprochement avec Saint-Thégonnec reste valide.
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Le porche sud et la porte sud de l'église Saint-Houardon de Landerneau (1604). Photo lavieb-aile.
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Un modèle possible serait l'une des cheminées de Second Livre d'architecture d'Androuet du Cerceau.
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Androuet du Cerceau, Cheminée Second Livre d'architecture
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Androuet du Cerceau, Cheminée du Second Livre d'architecture
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Le terme gainé féminin. Kersanton, Jean Le Bescont 1677.
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Cariatide (kersantite, Jean le Bescond, 1676-1677), portail de la façade orientale de l'ossuaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Cariatide (kersantite, Jean le Bescond, 1676-1677), portail de la façade orientale de l'ossuaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Cariatide (kersantite, Jean le Bescond, 1676-1677), portail de la façade orientale de l'ossuaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Cariatide (kersantite, Jean le Bescond, 1676-1677), portail de la façade orientale de l'ossuaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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Le terme gainé masculin. Kersanton, Jean Le Bescont 1677.
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Terme gainé masculin (kersantite, Jean le Bescond, 1676-1677), portail de la façade orientale de l'ossuaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Terme gainé masculin (kersantite, Jean le Bescond, 1676-1677), portail de la façade orientale de l'ossuaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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Saint Pol-Aurélien tenant en laisse grâce à son étole le terrible dragon de Batz. Kersanton, Jean Le Bescont 1677.
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Saint Pol-Aurélien (kersantite, Jean le Bescond, 1676-1677), portail de la façade orientale de l'ossuaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Saint Pol-Aurélien (kersantite, Jean le Bescond, 1676-1677), portail de la façade orientale de l'ossuaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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CONCLUSION.
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Dans un enclos pour lequel trois des plus grands maîtres de la sculpture du kersanton ont travaillé (le Maître de Plougastel, Roland Doré et le Maître de Saint-Thégonnec — auteur du calvaire monumental—), il est intéressant de constater que les deux exemples de couple de supports anthropomorphes sont réalisés par des architectes-sculpteurs : l'anonyme responsable de l'atelier de Kerjean en 1599, et Jean Le Bescont en 1676-1677.
En effet, c'est vers les Livres d'architecture que la recherche de modèles nous amène. Et c'est dans des ensembles architecturaux (portes, porches et portails ) qu'ils prennent place, dans un environnement marqué par les Ordres architecturaux décrits par Vitruve.
En amont des modèles d'Androuet, il faut placer la tribune des musiciens au Louvre par Jean Goujon (1550), les termes de la grotte de La Bâtie d'Urfé (1547), les Satyres-colonnes des stucs de Rosso Fiorentino et Francesco Primaticcio pour la Galerie François Ier de Fontainebleau (1539), mais auparavant et en Italie les réalisations des peintres-architectes Giulio Romano au Palais du Té (1532-1535) et Raphaël dans le soubassement des Chambres du Vatican (1524). Pour cette recherche génétique voir S. Frommel 2018.
Comme j'approfondis, studieusement, mon sujet, je découvre de nouvelles publications, comme celle d'Angelo de Grande, qui donne cette excellente introduction au concept des supports anthropomorphes comme nouvel et sixième ordre architectural, l'ordre anthropomorphe :
"Architecte et graveur parmi les plus prolifiques de son temps, Jacques Androuet du Cerceau s’est sans doute familiarisé auprès de Serlio à Fontainebleau avec des modèles d’Agostino Musi, dit Veneziano. À Venise, ce dernier avait gravé les ordres d’architecture selon les dessins de Serlio, lequel aurait pu ramener en France quelques dessins de termes de son collègue, auteur de la plus ancienne série de gravures véritablement consacrée à ces motifs d’après des modèles antiques (1536). On retrouve ainsi son «Hercule aux bras tronqués» et d’autres figures de la même série , copiés par du Cerceau dans sa suite des Termes et cariatides vers 1546-1549 .
"Pendant la seconde Renaissance, les termes et les cariatides devinrent un véritable ordre et des exemples comme le tombeau de Jules II ou la décoration peinte des stanze de Jules II par Raphaël au Vatican suscitèrent une vague de réceptions. Ces compositions s’appuient sur l’exégèse des descriptions que fit Vitruve dans le premier livre de son traité. Les cariatides dont parle l’auteur romain étaient des statues féminines qui soutenaient sur leur tête un entablement et qui, en remplaçant ainsi des colonnes, symbolisaient la défaite subie au combat et le châtiment. En tenant compte de la description faite par Vitruve d’un portique réalisé à Sparte, Marcantonio Raimondi, graveur des œuvres de Raphaël, les a figurées au second niveau d’une composition, dont le rez-de-chaussée est marqué par des Perses. Ces derniers, instigateurs et perdants du conflit avec la cité grecque, sont représentés comme condamnés à soutenir le poids de la construction. Les supports anthropomorphes peuvent être en figure entière, comme celles décrites par l’architecte romain, ou coupées à mi-corps et engainées, à l’instar des termes. Ces derniers dérivent de la figure du dieu Terminus qui présidait aux bornes et était aussi interprété comme métaphore de la mort.
"En France, le processus d’assimilation de ces motifs fut favorisé par des préfigurations dans l’architecture médiévale romane et gothique, dans laquelle des supports sous forme humaine existaient déjà. On en trouve ainsi dans des portails des églises gothiques sous forme de statues de saints et dans les parties hautes de certains bâtiments romans, comme au dernier étage du clocher de l’église abbatiale Saint-Philibert de Tournus, dans la Bourgogne voisine, datant du XIIe siècle. Au XVIe siècle, on assiste à une reprise massive de ces thèmes, car contrairement aux ordres «conventionnels », codifiés notamment par Serlio dans son Livre IV, l’ordre anthropomorphe revêt une forte composante narrative qui favorise des allusions et des significations spécifiques, devenues quelquefois énigmatiques à notre époque. Cet «ordre» s’est répandu en France grâce à l’œuvre de Rosso Fiorentino et de Francesco Primaticcio à Fontainebleau et par le frontispice du Quatrième Livre de Serlio publié à Venise en 1537.
Celui-ci développa de tels motifs dans des cheminées de ses Regole generali (1537) et ensuite dans les portails du Livre Extraordinaire (1551), alors que Jacques Androuet du Cerceau les assimila et les modifia dans plusieurs de ses recueils, la suite des Termes et cariatides ou le recueil de 25 portails triomphaux, Quinque et viginti exempla arcuum […] de 1549."
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SOURCES ET LIENS.
— CASTEL ( Yves-Pascal) 1956 Saint-Thégonnec, Renaissance du Haut-Leon, collection Reflet de Bretagne , ed. Jos Le Doaré
— COUFFON (René), 1948," l'architecture classique au pays de Léon, l'atelier de l'Elorn, l'atelier de Kerjean", Mémoires de la Société d'Histoire et d’Archéologie de Bretagne. 1948, 28.
—ANDROUET DU CERCEAU (Jacques), 1559 Livre d’architectvre de Jaques Androvet du Cerceau, contenant les plans et dessaings de cinquante bastimens tous differens : pour instruire ceux qui desirent bastir, soient de petit, moyen, ou grand estat. Auec declaration des membres & commoditez, & nombre des toises, que contient chacun bastiment, dont l’eleuation des faces est figurée sur chacun plan..., Paris, s.n., 1559.
—ANDROUET DU CERCEAU (Jacques), Second Livre d’architecture, par Iaqves Androvet Du Cerceau. Contenant plusieurs et diverses ordonnances de cheminées, lucarnes, portes, fonteines, puis et pavillons, pour enrichir tant le dedans que le dehors de tous edifices. Avec les desseins de dix sepultures toutes differentes, Paris, André Wechel, 1561.
—ANDROUET DU CERCEAU (Jacques), 1582, Livre d’architecture de Jaques Androuet Du Cerceau, auquel sont contenues diverses ordonnances de plants et élévations de bastiments pour seigneurs, gentilshommes et autres qui voudront bastir aux champs ; mesmes en aucuns d’iceux sont desseignez les bassez courts... aussi les jardinages et vergiers..., Paris, pour Iaques Androuet du Cerceau, 1582. de l’Orme (Philibert), Le Premier tome de l’architecture, Paris, Frédéric Morel, 1567.
— DELORME (Philibert), 1567 Le premier tome de l'architecture de Philibert de L'Orme conseillier et aumosnier ordinaire du Roy, & abbé de S. Serge lez Angiers , Paris, Federic Morel
— DE GRANDE (Angelo), 2014, "De Fontainebleau vers la Lorraine: l’ordre anthropomorphe de la maison «des Sept Péchés capitaux» à Pont-à-Mousson" in Gravures d'architecture et d'ornement au début de l'époque moderne : processus de migration en Europe (sous la direction de S, Frommel et E. Leuschner), pp.205-218, 2014.
— FROMMEL (Sabine), 2018 Supports anthropomorphes peints de la Renaissance italienne, in Frommel, Sabine – Leuschner, Eckhard – Droguet, Vincent – Kirchner, Thomas (dir.) Construire avec le corps humain/ Bauen mit dem menschlichen Korper. Les ordres anthropomorphes et leurs avatars dans l'art europèen de l'antiquité à la fin du XVIe siècle/ Antropomorphe Stùtzen von der Antike bis zur Gegenwart, Campisano Editore 2 volumes pp 618, 40 ill.
Rares sont les motifs architecturaux qui témoignent d'une persistance telle que les ordres anthropomorphes, depuis l'Antiquité jusqu'à la période actuelle, en passant par le Moyen Âge. Leur évolution s'articule par de subtiles interactions entre les domaines sculptural, architectural et pictural, alors qu'une fortune théorique durable a été instaurée par la description détaillée par Vitruve des "Perses" et des "Caryatides" dans son traité De architectura libri decem. Contrairement aux ordres architecturaux canoniques, ce " sixième ordre " invite à des interprétations et des variations plus souples et plus personnelles. Il put ainsi assimiler des traditions locales très diverses lors de son parcours triomphal dans toute l'Europe. Si la signification originelle de soumission et de châtiment de ces supports reste valable, les valeurs narratives ne cessèrent de s'enrichir et de s'amplifier, en faisant de ce motif un protagoniste abondamment présent dans de multiples genres artistiques, des meubles aux monuments les plus prestigieux, et qui révèle les mutations typologiques et stylistiques au fil du temps. Les contributions réunies dans ces deux volumes fournissent un large panorama européen de ces occurrences, offrant un large éventail de synergies et d'affinités révélatrices.
—SAMBIN ( Hugues), 1572 Oeuvre de la diversité des termes dont on use en architecture reduict en ordre : par Maistre Hugues Sambin, demeurant à Dijon, publié à Lyon par Jean Marcorelle ou par Jean Durant. Bibliothèque municipale de Lyon, Rés 126685.
—SERLIO (Sebastiano ), 1551 Liure extraordinaire de architecture, de Sebastien Serlio, architecte du roy treschrestien. Auquel sont demonstrees trente Portes Rustiques meslees de diuers ordres. Et vingt autres d’oeuvre delicate en diverses especes, Lyon, Jean de Tournes, 1551.
— VITRUVE, 1511, De architectura M. Vitruvius per Jocundum solito castigatior factus cum figuris et tabula, traduit par Fra Giovanni Giocondo en 1511 à Venise chez G. da Tridentino avec 136 gravures sur bois
Je continue à colliger une documentation iconographique sur les œuvres de la Première et Seconde Renaissance en Bretagne, inspirées l'art à la grotesque, et de l'École de Fontainebleau. Je reprends la description de l'intérieur du porche sud de Bodilis, déjà traité, en me limitant aux 14 Termes, Cariatides et Atlantes et aux cartouches à cuirs découpés et masques qui les séparent. Ce porche est contemporain du château de Kerjean et de sa chapelle, et est peut-être issu du même atelier.
Les termes (cariatides et atlantes) de l'ossuaire (1619) de La Martyre. Una vergine corinthia.
Sans compter— mais c'est essentiel — les sablières à cuirs chantournés et/ou grotesques du Maître de Plomodiern à Saint-Nic (1561-1566), Plomodiern (1564), à l'atelier du Cap-Sizun à Primelin, Pont-Croix (1544), Confort-Meilars, Esquibien ou de celle du Maître de Pleyben (1567-1576) à Pleyben, Kerjean, Plomodiern (Sainte-Marie du Menez-Hom), Bodilis, Saint-Divy, Notre-Dame de Berven (1579-1580) à Plouzévédé et peut-être Roscoff.
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Le porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
Le décor intérieur (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
Le décor intérieur (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
Cette École de Fontainebleau est très féconde (estampes d'Antonio Fantuzzi en 1543) et suscite des recueils de gravure, parfois consacrés exclusivement aux cariatides, termes et atlantes, comme le Recueil de 20 Termes de Jean Mignon (1543-1545) , les planches de 12 modèles de Termes et Caryatides d'Androuet du Cerceau publiées vers 1546-1550, celles de Quinque et viginti exempla arcum du même auteur (1549), sans compter les trouvailles que l'on peut faire dans ses Pièces diverses , ses Vases et coupes et ses Meubles, ou dans ses Compartiments ou dans sesGrands cartouches de Fontainebleau(1542-1545).
Sous cette influence des artistes de Fontainebleau ( Rosso Fiorentino et Le Primatice, Lucca Penni), le Maître de Henri II enlumine vers 1547 le Recueil des rois de France, dont les encadrements associent des cariatides et atlantes, des cartouches à cuirs découpés, et des masques à bandeau noué sur les tempes et guimpes, trois éléments qui se retrouvent à Bodilis. Le même enlumineur participe en 1542-1547, avec le groupe Bellemare, aux Heures dites de Henri II, où se retrouvent les trois mêmes éléments (folio 107v).
On connait les 4 cariatides sculptés en 1550 par Jean Goujon pour la galerie des musiciens du Louvre.
Vers 1565, Vredeman de Vries publie à Anvers son Caryatidum, dont le titre précise "Carytidum (vulgus termas vocat), sive Athlantidum multiformium ad quemlibet architecturae ordinem accomodatorum Centuria Primum in usum huius artis candidatorum artificiose excogitata. Veelderley dieverse Termen op de V ordene der Edificien tot behoef alle beelt ende steenhouwers, scrinwerkers, glaesscrivers ende alle constelicke hantwerkers ost alle die de Antieckse Compertementsche Cieraet Beminnen Geinventeert duer Johannes Vreedman Vriese, Gerar de Iode excudebat" , soit " Cariatides (vulgairement nommées "termes" ou Atlantes de toute variété pour l'architecture. Nombreux Termes selon les cinq ordres de l'architecture pour tous les sculpteurs et tailleurs de pierre, maître-verriers, artisans de cartouches à l'antique". On y trouve, outre les deux exemples du frontispice, 16 planches dont les Termes trouvent quelques correspondances avec ceux de Bodilis.
En 1572, Hugues Sambin publie son Oeuvre de la diversité des termes, dans lequel il présente 18 termes en 36 planches gravées sur bois. Mais on ne trouve là aucun modèle convaincant pour les sculptures de Bodilis.
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Note : il existe une difficulté à nommer précisément ces pilastres de Bodilis à sujet anthropomorphe soutenant l'entablement par l'intermédiaire d'une volute (comparable à un chapiteau ionique). J'ai adopté, à tort mais par commodité, le nom général de "terme", alors que je souhaiterai réserver ce nom aux figures en bornes (le dieu romain Terminus étant chargé du respect des limites), et employer le nom "cariatide" pour les femmes-colonnes dont l'anatomie n'est pas hybridée (les figures ne sont pas engainées) et dont les jambes sont intactes et celui d'atlante (ou télamon) pour les hommes-colonnes. Je me suis débrouillé comme j'ai pu.
Je compte 8 figures féminines, et 6 figures masculines. Il y a deux figures à mi-corps sur des piliers ou bornes cannelées, deux figures dont les jambes sont remplacées par des arceaux en X, deux figures implantés sur des pattes et ventre d'oiseaux, et il y a le couple central du coté gauche, le plus spectaculaire, dont le bas du corps forme deux serpents entortillés.
Que l'on adopte la date de 1570 inscrite à l'intérieur du porche, ou celle de 1601 placée au dessus du portail extérieur, ces sculptures sont postérieures à la publication des principaux recueils de planches de Termes et Cariatides et y trouvent leur modèle, de manière plus ou moins précise.
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La pierre.
Bien qu'elle ne semble pas avoir été étudiée et caractérisée par Louis Chauris dans son passionnant travail de géo-archéologie du Patrimoine, il s'agit à l'évidence d'un granite dans lequel se distingue (surtout à partir du 6ème ensemble) l'inclusion de gros cristaux noirs. S'agit-il du "granite à tourmaline de Sainte-Catherine", comme le laisserait penser la carte publiée par Chauris dans son étude lithographique de Lanhouarneau ?
On remarquera, sur le terme n°11, de belles teintes rosées.
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Liste des 12 "termes".
Terme n°1. Femme (?) à jupe feuillagée (acanthe) dont les bras sont remplacés par des volutes et les jambes par des arceaux entrecroisés.
Terme n°2. Homme barbu, bras croisés devant le ventre, pagne feuillagé (acanthe) et pilier cannelé.
Terme n°3. Cariatide soutenant la volute du chapiteau de la main droite, la main gauche retenant les plis d'une jupe courte. Un fleuron à cinq pétales sur la poitrine. Jambes nues.
Terme n°4. Atlante en homme sauvage (longue barbe, longs cheveux torsadés, pelage méché sur le corps).
Terme n°5. Femme (?) aux bras croisés sous la poitrine ; pagne au dessus d'un fût cannelé.
Terme n°6. Homme barbu et moustachu portant un pagne feuillagé (acanthe), dont les bras sont remplacés par des volutes et les jambes par des rubans en X.
Terme n°7. Cariatide bras croisés sous la poitrine, coiffée de longues et épaisses nattes qui se croisent sous le menton et semblent se prolonger autour des bras. Robe plissée s'arrêtant au dessus des genoux
Terme n°8. Atlante, souriant, peut-être coiffé d'un bonnet ou turban, bras croisés devant la poitrine, vêtu d'un pagne plissé. Jambes croisées.
Terme n°9. Association 1) d'une tête aux traits épais et grossiers, coiffée de palmettes et 2) de volutes en "S" s'achevant par des pattes griffues.
Terme n°10. Cariatide soutenant des deux mains les volutes du chapiteau. Robe plissée s'arrêtant au dessus des genoux. Jambes croisées.
Terme n°11. Couple nu s'étreignant et s'embrassant, les parties inférieures de leur corps étant remplacés par des formes de serpent, enlacées en tresse. L'homme est barbu ; les fronts sont séparés par une fleur à quatre pétales.
Terme n°12. Atlante barbu, mains jointes devant la poitrine, vêtu d'une tunique matelassée et d'une culotte bouffante, de chausses et de chaussures. Coiffure à préciser.
Terme n°13. Cariatide, nue, souriante, portant un collier à gros grains soutenant une croix. Sur le ventre, une fleur et ses pétales épineux. Ses bras se dirigent vers le pubis, et elle semble chevaucher un oiseau de type aigle qui masque ses jambes.
Terme n°14. Cariatide coiffée d'une coiffe à deux cornes. Elle est vêtue d'une robe plissée qu'elle maintient par le bras gauche. Le bras droit n'est pas visible. Les jambes sont nues sous les genoux.
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Le décor intérieur (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
Les Termes ou cariatides (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
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Coté droit, Terme n°1. Femme (?) à jupe feuillagée (acanthe) dont les bras sont remplacés par des volutes et les jambes par des arceaux entrecroisés.
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On notera la forme bilobée du visage (une boule mentonnière greffée sur la boule plus grosse de la tête), qui va se retrouver si fréquemment ensuite qu'elle devient un véritable trait stylistique du sculpteur.
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Les Termes ou cariatides (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
Les Termes ou cariatides (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
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Coté droit, Terme n°2. Homme barbu, bras croisés devant le ventre, pagne feuillagé (acanthe) et pilier cannelé.
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Les Termes ou cariatides (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
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Coté droit, Terme n°3. Cariatide soutenant la volute du chapiteau de la main droite, la main gauche retenant les plis d'une jupe courte. Un fleuron à cinq pétales sur la poitrine. Jambes nues.
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Les Termes ou cariatides (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
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Coté droit, Terme n°4. Atlante en homme sauvage (longue barbe, longs cheveux torsadés, pelage méché sur le corps).
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Les Termes ou cariatides (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
Les Termes ou cariatides (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
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Coté droit, Terme n°5. Femme (?) aux bras croisés sous la poitrine ; pagne au dessus d'un fût cannelé.
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Les modèles de termes dont le pilier est cannelé sont rares. Je retiens :
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Vredeman de Vries, [1565], Caryatidum...pl.I (détail).
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Les Termes ou cariatides (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
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Coté droit, Terme n°6. Homme barbu et moustachu portant un pagne feuillagé (acanthe), dont les bras sont remplacés par des volutes et les jambes par des rubans en X.
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Les Termes ou cariatides (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
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Coté droit, Terme n°7. Cariatide bras croisés sous la poitrine, coiffée de longues et épaisses nattes qui se croisent sous le menton et semblent se prolonger autour des bras. Robe plissée s'arrêtant au dessus des genoux
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Les Termes ou cariatides (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
Les Termes ou cariatides (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
Les Termes ou cariatides (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
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Coté droit, Terme n°8. Atlante, souriant, peut-être coiffé d'un bonnet ou turban, bras croisés devant la poitrine, vêtu d'un pagne plissé. Jambes croisées.
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Les Termes ou cariatides (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
Les Termes ou cariatides (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
Les Termes ou cariatides (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
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Coté gauche, Terme n°9. Association 1) d'une tête aux traits épais et grossiers, coiffée de palmettes et 2) de volutes en "S" s'achevant par des pattes griffues.
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Recherche de modèle :
Termes et cariatides, Androuet du Cerceau vers 1550
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Les Termes ou cariatides (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
Les Termes ou cariatides (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
Les Termes ou cariatides (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
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Coté gauche, Terme n°10. Cariatide soutenant des deux mains les volutes du chapiteau. Robe plissée s'arrêtant au dessus des genoux. Jambes croisées.
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Les Termes ou cariatides (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
Les Termes ou cariatides (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
Les Termes ou cariatides (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
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Coté gauche, Terme n°11. Couple nu s'étreignant et s'embrassant, les parties inférieures de leur corps étant remplacés par des formes de serpent, enlacées en tresse. L'homme est barbu ; les fronts sont séparés par une fleur à quatre pétales.
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Recherche de modèle.
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Androuet du Cerceau, modèle de cheminée n°XIV, Second Livre d'architecture, 1561.
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Androuet du Cerceau, modèle de cheminée n° XIV, Second Livre d'architecture, 1561
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Vredeman de Vries [1565], Caryatidum ... planche 16 (détail)
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On peut aussi remarquer la double figure anthropomorphe de l'arrière-plan du tableau de Peter Paul Rubens, Deborah Kip, épouse de Sir Balthasar Gerbier, et ses enfants, peint en 1629-30. La scène se déroule sous un portique qui s’appuie sur un soutien géminé formé des femmes nues dont le torse se transforme en un serpent selon le motif préfiguré par Jacques Androuet Du Cerceau.
Les Termes ou cariatides (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
Les Termes ou cariatides (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
Les Termes ou cariatides (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
Les Termes ou cariatides (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
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Coté gauche, Terme n°12. Atlante barbu, mains jointes devant la poitrine, vêtu d'une tunique matelassée et d'une culotte bouffante, de chausses et de chaussures. Coiffure à préciser.
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Les Termes ou cariatides (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
Les Termes ou cariatides (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
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Coté gauche, Terme n°13. Cariatide, nue, souriante, portant un collier à gros grains soutenant une croix. Sur le ventre, une fleur et ses pétales épineux. Ses bras se dirigent vers le pubis, et elle semble chevaucher un oiseau de type aigle qui masque ses jambes.
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Les Termes ou cariatides (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
Les Termes ou cariatides (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
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Coté gauche, Terme n°14. Cariatide coiffée d'une coiffe à deux cornes. Elle est vêtue d'une robe plissée qu'elle maintient par le bras gauche. Le bras droit n'est pas visible. Les jambes sont nues sous les genoux.
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Les Termes ou cariatides (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
Les Termes ou cariatides (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
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II. LES PANNEAUX SCULPTÉS.
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Les 12 panneaux sont tous des cartouches, du type de ceux apparus en 1539 à la Galerie François Ier pour les stucs de Rosso Fiorentino et les boiseries de François de Carpi, et imitant les peaux de veau ou d'agneau des tanneurs, d'où leur dénomination de "cuirs découpés à enroulement". Des masques humains ou animaux occupent le centre de ces cuirs, à moins que ce soit des emblèmes ou des castels.
Mais les artistes qui reprennent ce modèle s'affranchissent du modèle anatomique (avec les amorces des quatre pattes), faufilent des rubans dans des trous à l'emporte-pièce, multiplient les inventions, jusqu'à représenter des lames d'allure métallique évoquant alors plutôt des ouvrages de ferronnerie. De même, les volutes et courbes tracées au "perroquet" laissent parfois la place à des entrelacs géométriques.
Comme pour les Termes et cariatides, les modèles se diffusent vite dans les recueils de gravure , comme, une fois encore, ceux d'Androuet du Cerceau au milieu du XVIe siècle, ou ceux de Vredeman de Vries. Et on les retrouve sur les monuments, comme le cartouche armorié du château d'Anet.
En Finistère, on les comparera à ceux du château de Kerjean (cartouche armorié) et des sablières de sa chapelle. Ou au cartouche armorié du château de Maillé. Ou à l'ensemble des sablières de l'atelier du Maître de Pleyben (et de Kerjean). Voir la liste de mes articles supra.
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Panneau sculpté n°1 (au dessus du bénitier). Cartouche à cuir découpé à enroulement centré sur un masque féminin.
Panneau sculpté n° 2. Cartouche complexe, à cuir découpé et enroulé, vase, et volutes, portant en partie haute un masque féminin à la chevelure aux nattes torsadées, à la coiffure en palmettes, sur un bandeau de linge noué sur les tempes et voile sous le menton comme une guimpe.
Panneau sculpté n°3. Cartouche en cuir découpé à enroulement centré par un masque féminin proche du précédent (palmette, bandeau, guimpe).
Panneau sculpté n° 4. Cartouche en cuir découpé à enroulement centré par un masque léonin.
Panneau sculpté n°5. Cartouche en cuir découpé à enroulement centré par une tresse à deux brins formant un fuseau vertical.
Panneau sculpté n°6. Cartouche en cuir découpé à enroulement centré par un masque léonin.
Panneau sculpté n°7. Cartouche en cuir découpé à enroulement centré par un masque léonin au dessus d'un vase ou calice.
Panneau sculpté n°8. Cartouche en cuir découpé à enroulement comportant un homme debout tenant les extrémités des volutes.
Panneau sculpté n°9. Cartouche en cuir découpé à enroulement centré par un masque léonin au dessus d'un vase ou calice.
Panneau sculpté n°10. Cartouche en cuir découpé à enroulement, et ferronnerie à entrelacs géométriques, centrés par un masque léonin.
Panneau sculpté n°11. Cartouche en ferronnerie centré par un masque léonin et deux masques humains masculin et féminin.
Panneau sculpté n°12. Cartouche en cuir découpé à enroulement centré par un masque léonin. . Au dessus, masque anthropomorphe crachant des feuillages. Au dessous, masque anthropomorphe entouré de feuilles/ailes.
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Coté droit, panneau sculpté n°1 (au dessus du bénitier). Cartouche à cuir découpé à enroulement centré sur un masque féminin.
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Les cartouches (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
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Coté droit, panneau sculpté n° 2. Cartouche complexe, à cuir découpé et enroulé, vase, et volutes, portant en partie haute un masque féminin à la chevelure aux nattes torsadées, à la coiffure en palmettes, sur un bandeau de linge noué sur les tempes et voile sous le menton comme une guimpe.
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Ce type de masque se retrouve, sous de multiples variations, sur les gravures des ornemanistes, sur les enluminures du Maître de Henri II vers 1545-1547 ou sur le jubé de La Roche-Maurice (fin XVIe), ou sur le cartouche armorié du portail du château de Kerjean (v. 1570), ou, tout simplement, sur les sablières de Bodilis.
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Recueil des rois de France BnF fr. 2848
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Recueil des rois de France BnF fr 2848 f.90r
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Livre d'Heures dit de Henri II BnF lat.
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Vredeman de Vries
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Les cartouches (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
Les cartouches (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
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Coté droit, panneau sculpté n°3. Cartouche en cuir découpé à enroulement centré par un masque féminin proche du précédent (palmette, bandeau, guimpe, ...).
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Les cartouches (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
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Coté droit, panneau sculpté n° 4. Cartouche en cuir découpé à enroulement centré par un masque léonin.
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Les cartouches (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
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Coté droit, panneau sculpté n°5. Cartouche en cuir découpé à enroulement centré par une tresse à deux brins formant un fuseau vertical.
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Ce fuseau a-t-il un rapport avec celui des tisserands, qui assurent la richesse du Léon ?
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Les cartouches (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
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Coté droit, panneau sculpté n°6. Cartouche en cuir découpé à enroulement centré par un masque léonin.
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Les cartouches (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
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Coté gauche, panneau sculpté n°7. Cartouche en cuir découpé à enroulement centré par un masque léonin au dessus d'un vase ou calice.
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Les cartouches (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
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Coté gauche, panneau sculpté n°8. Cartouche en cuir découpé à enroulement comportant un homme debout tenant les extrémités des volutes.
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Les cartouches (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
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Coté gauche, panneau sculpté n°9. Cartouche en cuir découpé à enroulement centré par un masque léonin au dessus d'un vase ou calice.
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Les cartouches (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
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Coté gauche, panneau sculpté n°10. Cartouche en cuir découpé à enroulement, et ferronnerie à entrelacs géométriques, centrés par un masque léonin.
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Les cartouches (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
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Coté gauche, panneau sculpté n°11. Cartouche en ferronnerie centré par un masque léonin et deux masques humains masculin et féminin.
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Les cartouches (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
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Coté gauche, panneau sculpté n°12. Cartouche en cuir découpé à enroulement centré par un masque léonin. . Au dessus, masque anthropomorphe crachant des feuillages. Au dessous, masque anthropomorphe entouré de feuilles/ailes.
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Les cartouches (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
Les cartouches (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
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III. LA FRISE.
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Je ne la détaillerai pas mais je montrerai quelques figures.
On y trouve des masques léonins, ou de moutons, ou d'homme coiffé d'un chapeau rond, d'homme barbu, deux exemples de la femme au bandeau noué et à la guimpe déjà décrit, d'un anthropomorphe crachant des feuillages, parmi des rubans en volutes ou motif géométrique et des feuillages. Ou encore deux lions entourant une fleur.
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La frise (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
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La frise (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
La frise (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
La frise (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
La frise (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
La frise (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
La frise (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
La frise (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
La frise (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
La frise (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
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Femme coiffée d'un bandeau noué en rosette sur les tempes et portant un linge formant guimpe.
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La frise (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
La frise (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
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Femme coiffée de palmettes et d'un bandeau noué en rosette sur les tempes et portant un linge formant guimpe.
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La frise (granite, 1570-1601) sous les niches des Apôtres du porche sud de Bodilis. Photographie lavieb-aile 2021.
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CONCLUSION.
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Si on admet l'hypothèse proposée par Couffon d'un atelier de sculpteurs de Kerjean, appelé par les Barbier pour bâtir et décorer leur château vers 1570 et jusque 1595 peut-être, et qui aurait rayonné dans le Léon (et la Cornouaille) pour diffuser le style de l'École de Fontainebleau (1539) et celui de la Seconde Renaissance Française (après 1540) en Basse-Bretagne, et notamment, après Lanhouarneau en 1582, à Bodilis, nous pouvons constater que les réalisations de cet atelier, sur le porche intérieur, sont parfaitement influencées par les constructions architecturales de ce style et par les recueils d'architecture et d'ornementation qui le diffusent. Si le matériau (le granite) est local, il est difficile de trouver ici une particularité régionale Mais cela n'exclut pas des traits stylistiques propres aux sculpteurs de Kerjean, et des travaux ultérieurs de comparaison des différents sites sauront peut-être les mettre en évidence (je ne note pour la part que ces visages bilobés à mentons en boule, une particularité que j'ai aussi remarquée, en sculpture sur bois, sur les sablières et blochets d'un hypothétique Maître de Saint-Nic vers 1640-1670).
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Une fois de plus, — comme en Haute-Bretagne à l'égard de la Première Renaissance à Dol, La Guerche et Champeaux, — la preuve est faite de la réactivité des Bretons, et de leur ouverture rapide aux nouveautés stylistiques de la Cour de François Ier et de Henri II. À la pointe du Finistère, les monuments architecturaux sont vraiment "à la page" !
— COUFFON, (René) 1948. L'architecture classique au Pays de Léon. Mémoires de la Société d'Histoire et d’Archéologie de Bretagne. .
"Porche sud de Bodilis : À l'intérieur court un frise beaucoup plus importante que celle des porches précédents [Pleyben, Saint-Thégonnec] et comportant en fort relief, une série de cartouches séparés par d'étranges cariatides. Est-ce là simple fantaisie de l'artiste ou en a t-il copié les divers motifs ? Il semble bien qu'il faille opter pour la seconde hypothèse. L'une des cariatides, par exemple, représente un homme et une femme à corps de serpents enlacés attire tout particulièrement l'attention. Or, un motif identique décore précisément un modèle de cheminée de l'Architecture d'Androuet du Cerceau, traité que possédait forcément l'atelier de Kerjean. L'illustre architecte paraît, lui-même, avoir interprété quelque statue antique d'Isis et de Sérapis dont il a supprimé les coiffures emblèmes. Le musée égyptien de Berlin, entre autres, conserve un tel groupe dont la tête du dieu, barbue, ressemble à celle de Bodilis." (Couffon, L'architecture classique au pays de Léon p. 47)
— LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne. Les ateliers du XVe au XVIIe siècle, Presses Universitaires de Rennes, p. 298-299. [Cette auteure ne s'étend pas sur un possible Atelier de Kerjean, et, au porche sud de Bodilis, décrit surtout les sculptures en kersantite du Maître de Plougastel et de Roland Doré]
— CHAURIS (Louis), 2006, « Éclairage lithologique sur l’église de Lanhouarneau (Finistère) : XIVe-XVIe-XVIIIe siècles », Revue archéologique de l'Ouest [En ligne], 23 | 2006, mis en ligne le 30 décembre 2008, consulté le 13 janvier 2021. URL : http://journals.openedition.org/rao/156 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rao.156
—ANDROUET DU CERCEAU (Jacques), 1559 Livre d’architectvre de Jaques Androvet du Cerceau, contenant les plans et dessaings de cinquante bastimens tous differens : pour instruire ceux qui desirent bastir, soient de petit, moyen, ou grand estat. Auec declaration des membres & commoditez, & nombre des toises, que contient chacun bastiment, dont l’eleuation des faces est figurée sur chacun plan..., Paris, s.n., 1559.
—ANDROUET DU CERCEAU (Jacques), Second Livre d’architecture, par Iaqves Androvet Du Cerceau. Contenant plusieurs et diverses ordonnances de cheminées, lucarnes, portes, fonteines, puis et pavillons, pour enrichir tant le dedans que le dehors de tous edifices. Avec les desseins de dix sepultures toutes differentes, Paris, André Wechel, 1561.
—ANDROUET DU CERCEAU (Jacques), 1582, Livre d’architecture de Jaques Androuet Du Cerceau, auquel sont contenues diverses ordonnances de plants et élévations de bastiments pour seigneurs, gentilshommes et autres qui voudront bastir aux champs ; mesmes en aucuns d’iceux sont desseignez les bassez courts... aussi les jardinages et vergiers..., Paris, pour Iaques Androuet du Cerceau, 1582. de l’Orme (Philibert), Le Premier tome de l’architecture, Paris, Frédéric Morel, 1567.
— DELORME (Philibert), 1567 Le premier tome de l'architecture de Philibert de L'Orme conseillier et aumosnier ordinaire du Roy, & abbé de S. Serge lez Angiers , Paris, Frederic Morel
— FROMMEL (Sabine), 2018 Supports anthropomorphes peints de la Renaissance italienne, in Frommel, Sabine – Leuschner, Eckhard – Droguet, Vincent – Kirchner, Thomas (dir.) Construire avec le corps humain/ Bauen mit dem menschlichen Korper. Les ordres anthropomorphes et leurs avatars dans l'art europèen de l'antiquité à la fin du XVIe siècle/ Antropomorphe Stùtzen von der Antike bis zur Gegenwart, Campisano Editore 2 volumes pp 618, 40 ill.
—SAMBIN ( Hugues), 1572 Oeuvre de la diversité des termes dont on use en architecture reduict en ordre : par Maistre Hugues Sambin, demeurant à Dijon, publié à Lyon par Jean Marcorelle ou par Jean Durant. Bibliothèque municipale de Lyon, Rés 126685.
—SERLIO (Sebastiano ), 1551 Liure extraordinaire de architecture, de Sebastien Serlio, architecte du roy treschrestien. Auquel sont demonstrees trente Portes Rustiques meslees de diuers ordres. Et vingt autres d’oeuvre delicate en diverses especes, Lyon, Jean de Tournes, 1551.
— VITRUVE, 1511, De architectura M. Vitruvius per Jocundum solito castigatior factus cum figuris et tabula, traduit par Fra Giovanni Giocondo en 1511 à Venise chez G. da Tridentino avec 136 gravures sur bois
L'atlante et la cariatide ( 1571-1595) du château de Kerjean en Saint-Vougay. La Seconde Renaissance dans le Léon.
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Je continue à colliger une documentation iconographique susceptible de servir de base de comparaison avec les œuvres de la Première et Seconde Renaissance en Bretagne (ou aux autres réalisations en France).
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. Voir sur l'art des grotesques de la Renaissance :
Sans compter— mais c'est essentiel — les sablières à cuirs chantournés et/ou grotesques du Maître de Plomodiern à Saint-Nic (1561-1566), Plomodiern (1564), à l'atelier du Cap-Sizun à Primelin, Pont-Croix (1544), Confort-Meilars, Esquibien ou de celle du Maître de Pleyben (1567-1576) à Pleyben, Kerjean, Plomodiern (Sainte-Marie du Menez-Hom), Bodilis, Saint-Divy, Notre-Dame de Berven (1579-1580) à Plouzévédé et peut-être Roscoff.
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Les auteurs André Mussat et René Couffon décrivent l' arrivée de l'art architectural classique (ou Seconde Renaissance) en Basse-Bretagne à partir de 1582 sur le porche de Lanhouarneau, dont le fronton montre deux Termes, masculin et féminin, encadrant une niche à coquille sous un fronton triangulaire.
On sait que ce style est apparu en France en 1540, date de l'arrivée à Paris de Sebastiano Serlio (Bologne 1475-Paris 1553) dont la Règle d'architecture était parue en 1537 à Venise : les Ordres toscan, dorique, ionique, corinthien et composite y étaient décrits. Et le frontispice de l'ouvrage montrait deux Termes, masculin et féminin au pilier coiffé d'une feuille d'acanthe soutenant le fronton triangulaire, comme à Lanhouarneau.
La publication de Serlio a été saluée par Jean Goujon et Philibert Delorme, dont les sculptures et les bâtiments illustrèrent le nouveau style.
On retrouve ensuite cette influence dans le Léon (le nord de la Basse-Bretagne), dans un foyer de rayonnement proche de celui de l'atelier de Landerneau (ou de l'Elorn) qui avait assuré la transition entre gothique et Renaissance sur les monuments religieux de 1550 à 1565.
Ainsi, le nouveau style se remarque, après Lanhouarneau, (et après les guerres de la Ligue de 1580 à 1600) sur le porche de Bodilis en 1601, sur celui de Saint-Houardon à Landerneau en 1604.
Mais il faut citer aussi les cariatides de la porte d'entrée du manoir de Trebodennic (1584) en Ploudaniel, , les termes de l'ossuaire de Sizun (1585), le couple cariatide-atlante de l'intérieur du porche sud de Saint-Thégonnec (1599-1605), ou les six termes de l'ossuaire de Landivisiau (1610-1620), le couple de termes et la cariatide de l'ossuaire de La Martyre (1619), et enfin le couple de la porte de l'ossuaire (1676) de Saint-Thégonnec.
René Couffon attribue plusieurs de ces réalisations à un atelier de Kerjean, du nom du château édifié par la famille Barbier à Saint-Vougay, et qui suit les modèles publiés par Androuet du Cerceau et Philibert Delorme.
À cet atelier est aussi attribué la chapelle Notre-Dame de Berven (1573) à Plouzévédé.
Néanmoins, on ignore la date exacte de la construction de ce château, et, si on se base sur les armoiries qui y sont visibles, celles de Louis Barbier (1523-1596) et de Jeanne Gouzillon, la date de leur mariage en 1571 incite les auteurs à admettre la période 1571-1595.
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DESCRIPTION
Le portail d'honneur à double entrée, évoque un arc de triomphe.
"La partie supérieure est un couronnement monumental. Elle comprend, en son milieu, une grande arcade voûtée en plein cintre décorée d’une clef en forme de tête de lion et encadrée de deux colonnettes corinthiennes à fût lisse. Ces colonnettes supportent un entablement sur lequel repose un fronton triangulaire, orné d’un cartouche dans son intérieur. Les deux petites arcades, de chaque côté, elles aussi voûtées en plein cintre, sont surmontées de volutes adossées par le sommet." (http://classeelementaire.free.fr/kerjean/parcours/Fiches-avant-visite.pdf)
On trouve à Kerjean, sur ce portail d'entrée, et encadrant la triple arche du sommet du portail, deux termes, l'un masculin (atlante) et l'autre féminin (cariatide), en kersantite.
Note : je préférerai réserver les termes de cariatide et atlante aux statues-colonnes dont le bas du corps n'est pas transformé en pilier, et employer celui de "terme". Mais, comme on l'imagine, il prête à confusion sémantique et n'aide pas les utilisateurs de moteurs de recherche. Et nous allons voir que les dessinateurs utilisaient, au XVIe siècle, les mots de cariatide et atlante.
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Entrée du château de Kerjean. Photographie lavieb-aile.
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Le premier est barbu, avec un visage fin et longiligne, et il supporte la double volute par laquelle, en guise de chapiteau, il supporte l'entablement. Ses bras nus, ramenés par devant, et ses mains croisés, sont, avec peut-être une partie du buste, les seules parties qui ne soient pas enveloppées par un corset de ferronnerie à la découpe savante (comme celle des cartouches des recueils contemporains).
La ferronnerie, dont les pattes concaves rappellent les cuirs découpés à enroulement, est centré par un masque humain grimaçant.
Je n'en trouve le modèle ni dans les Termes de Veneziano (1536), ni dans ceux d'Androuet du Cerceau (1549), ni dans ceux de Hughes Sambin 1572. Ni sur les principaux bâtiments accessibles en ligne. Le modèle le plus proche est cette estampe du graveur René Boyvin :
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Terme grotesque féminin, René Boyvin (Angers, 1530 ; Rome, 1598), MBA Orléans
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Voir aussi : https://bibliotheque-numerique.inha.fr/viewer/36098/?offset=3#page=16&viewer=picture&o=bookmark&n=0&q=
L'illustrateur Vredeman de Vries (1527-1604) semble partager les mêmes modèles (ou erreur d'attribution supra?) ; et ses cartouches (vers 1555-1583) en ferronnerie rappellent bien celles présentées sur le terme de Kerjean.
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Vredeman de Vries Caryatidum (Vulgus Termas Vocat) [...] Geinventeert dver Johannes Vreedman Vriese
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Vredeman de Vries Caryatidum (Vulgus Termas Vocat) [...] Geinventeert dver Johannes Vreedman Vriese
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Vredeman de Vries Caryatidum (Vulgus Termas Vocat) [...] Geinventeert dver Johannes Vreedman Vriese planche 12
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Terme masculin (kersantite, 1571-1590) du château de Kerjean. Photographie lavieb-aile.
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Le terme féminin ("caryatidum") est semblable à son partenaire, mais, comme sur le frontispice des estampes de Vredeman de Vries, sa poitrine nue est carapaçonnée dans le harnais de ferronnerie. Le mascaron n'est plus humain, avec son groin et ses canines proéminentes.
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Terme féminin (kersantite, 1571-1590) du château de Kerjean. Photographie lavieb-aile.
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Des moulages de ces statues sont présentés dans le château.
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Terme masculin (moulage) du château de Kerjean. Photographie lavieb-aile.
Terme féminin (moulage) du château de Kerjean. Photographie lavieb-aile.
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J'accompagnerai cette présentation d'une image du cartouche armorié aux armes de Louis Barbier et de Jeanne Gouzillon. Je note le masque au bandeau noué en rosettes sur les tempes et retombant en voile sur la nuque, puisque j'ai remarqué sa présence sur le jubé de La Roche-Maurice ou sur le porche et les sablières de Bodilis.
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Château de Kerjean. Photographie lavieb-aile.
Cartouche armorié (kersantite, après 1571) du château de Kerjean. Photographie lavieb-aile.
Cartouche armorié (moulage) du château de Kerjean. Photographie lavieb-aile.
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SOURCES ET LIENS.
— COUFFON (René), 1948, l'architecture classique au pays de Léon, l'atelier de l'Elorn, l'atelier de Kerjean, Mémoires de la Société d'Histoire et d’Archéologie de Bretagne. 1948, 28.
— LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne. Les ateliers du XVe au XVIIe siècle, Presses Universitaires de Rennes, p. 298-299.
— MUSSAT (André), 1982 Trois châteaux de la seconde Renaissance en Léon : Maillé, Kerjean, Kergournadec'h SHAB
—ANDROUET DU CERCEAU (Jacques), 1559 Livre d’architectvre de Jaques Androvet du Cerceau, contenant les plans et dessaings de cinquante bastimens tous differens : pour instruire ceux qui desirent bastir, soient de petit, moyen, ou grand estat. Auec declaration des membres & commoditez, & nombre des toises, que contient chacun bastiment, dont l’eleuation des faces est figurée sur chacun plan..., Paris, s.n., 1559.
—ANDROUET DU CERCEAU (Jacques), Second Livre d’architecture, par Iaqves Androvet Du Cerceau. Contenant plusieurs et diverses ordonnances de cheminées, lucarnes, portes, fonteines, puis et pavillons, pour enrichir tant le dedans que le dehors de tous edifices. Avec les desseins de dix sepultures toutes differentes, Paris, André Wechel, 1561.
—ANDROUET DU CERCEAU (Jacques), 1582, Livre d’architecture de Jaques Androuet Du Cerceau, auquel sont contenues diverses ordonnances de plants et élévations de bastiments pour seigneurs, gentilshommes et autres qui voudront bastir aux champs ; mesmes en aucuns d’iceux sont desseignez les bassez courts... aussi les jardinages et vergiers..., Paris, pour Iaques Androuet du Cerceau, 1582. de l’Orme (Philibert), Le Premier tome de l’architecture, Paris, Frédéric Morel, 1567.
— DELORME (Philibert), 1567 Le premier tome de l'architecture de Philibert de L'Orme conseillier et aumosnier ordinaire du Roy, & abbé de S. Serge lez Angiers , Paris, Federic Morel
Sambin Bibliothèque municipale de Lyon, Rés 126685.
—SERLIO (Sebastiano ), 1551 Liure extraordinaire de architecture, de Sebastien Serlio, architecte du roy treschrestien. Auquel sont demonstrees trente Portes Rustiques meslees de diuers ordres. Et vingt autres d’oeuvre delicate en diverses especes, Lyon, Jean de Tournes, 1551.
Je continue à colliger une documentation iconographique sur l'art à la grotesque, et sur l'École de Fontainebleau, pour servir de base de comparaison avec les œuvres de la Première et Seconde Renaissance en Bretagne (ou aux autres réalisations en France).
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. Voir sur l'art des grotesques de la Renaissance :
Sans compter— mais c'est essentiel — les sablières à cuirs chantournés et/ou grotesques du Maître de Plomodiern à Saint-Nic (1561-1566), Plomodiern (1564), à l'atelier du Cap-Sizun à Primelin, Pont-Croix (1544), Confort-Meilars, Esquibien ou de celle du Maître de Pleyben (1567-1576) à Pleyben, Kerjean, Plomodiern (Sainte-Marie du Menez-Hom), Bodilis, Saint-Divy, Notre-Dame de Berven (1579-1580) à Plouzévédé et peut-être Roscoff.
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J'avais déjà décrit cet ossuaire en décembre 2016, et j' avais étudié les sources des trois termes sculptés en kersantite par le sculpteur anonyme responsable, aussi, du Calvaire de Plougastel, et désigné sous le nom de Maître de Plougastel.
J'ai, depuis cette date, recensé dans ce blog un certain nombre de réalisations témoignant en Bretagne de l'art de la Renaissance, soit sur le mode des Grotesques, soit sur celui "à l'antique", soit par l'emploi de Termes, ou Cariatides, ou Atlantes, soit encore, le plus souvent, dans une alliance de ces trois registres.
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INTRODUCTION.
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Les Termes, cariatides et atlantes peuvent peut-être caractériser la pénétration en Bretagne de l'art architectural classique (Seconde Renaissance), apparu en France à partir de 1540 sous l'influence des traités d'architecture de Vitruve , de Serlio, d'Androuet du Cerceau et de Philibert Delorme. Ce motif architectural peut servir de marqueur facile à repérer, et on le trouve dans la traduction de Vitruve par Giovanni Giocondo (Venise 1511), dans les modèles architecturaux de Serlio ou encore d'Androuet du Cerceau qui lui consacre en 1549 une série de 12 planches (36 types de termes).
Puis on trouve en 1559, mais en Côtes d'Armor, les 4 Termes du campanile de Kerfons à Ploubezre. Ils coiffent la chapelle sud ou chapelle Saint-Yves rebâtie en 1559 par Claude de La Touche et dans laquelle repose Marquise de Goulaine (1500-1531), épouse de Renaud de La Touche-Limousinière et surtout fille de Christophe II de Goulaine. Cette introduction précoce de l'art classique trouve ses modèles dans la Porte Dorée de Fontainebleau datée de 1528 (pour la porte à encadrement de colonnes et agrafe à l'italienne en forme de S), dans les termes gainés du frontispice de Serlio (Venise 1537), dans les niches à la Philibert Delorme. Or, Marquise de Goulaine est la demi-sœur de Louise de Goulaine, toutes les deux étant les filles de Christophe II de Goulaine (1445-1530).
On peut suivre la trace de l'influence de cette famille de Goulaine dans la pénétration de la Renaissance en Bretagne dans le château de Maillé à Plounevez-Lochrist, puisque deux cartouches issus des modèles d'Androuet du Cerceau y montrent les armes de Maurice Carman (ou Kermavan) et de Jeanne de Goulaine, mariés en 1541. Mais l'aile Renaissance de ce château construit sous l'influence de Philibert Delorme ne présente pas, à ma connaissance, de cariatides.
Il était important de souligner le rôle de cette famille de la noblesse, dont les attaches en Touraine et Val-de-Loire sont notables, dans l'importation en Bretagne de la Renaissance, puisque, dans le Finistère et en particulier dans le Léon, c'est l'atelier du château de Kerjean (vers 1571-1590) qui introduisit, dans l'architecture religieuse, les décors inspirés de Serlio, Delorme et Du Cerceau.
Mais est-ce un hasard si la première apparition de ce style dans l'architecture religieuse en Finistère se fait en 1582 à Lanhouarneau sous un un écu, aujourd'hui martelé, qui portait mi-parti Maillé et Carman, armes de François de Maillé et de Claude de Carman ?
Quoiqu'il en soit, la valeur d'indice, sur ce décor de la Seconde Renaissance, des cariatides et atlantes s'avère appréciable, puisqu'on peut suivre grâce à eux la progression de l'atelier de Kerjean : après avoir examiné les deux termes en kersantite de l'entrée du château de Kerjean (v.1570-1595), nous les retrouvons au fronton du porche de Lanhouarneau (1582), puis nous admirons les cariatides de la porte d'entrée du manoir de Trebodennic (1584) en Ploudaniel, , les termes de l'ossuaire de Sizun (1585), les 14 cariatides et atlantes de l'intérieur du porche de Bodilis (1570-1601), le couple cariatide-atlante de l'intérieur du porche sud de Saint-Thégonnec (1599-1605), celui en kersantite surmontant le porche sud de Saint-Houardon à Landerneau (1604), avant de découvrir les six termes de l'ossuaire de Landivisiau (1610-1620), le couple de termes et la cariatide de l'ossuaire de La Martyre (1619), et enfin le couple de la porte de l'ossuaire (1676) de Saint-Thégonnec. Entourant, comme à La Martyre, une statue de saint Pol-de-Léon, ce dernier a tant de points communs avec ce site qu'il semble en être une copie, inférieure à l'original.
On les comparera aussi, pour la sculpture en bois aux 14 cariatides et atlantes du jubé de La Roche-Maurice, et à ceux du jubé de Saint-Nicolas en Priziac.
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Je découvre aujourd'hui, dans ce 2ème article sur l'ossuaire de La Martyre, le modèle de la cariatide de l'angle en pan coupé de l'ossuaire : le Quatrième Livre d'architecture de Sebastiano Serlio, publié à Venise en 1532 et traduit en français à Anvers en 1542. Cela me permet de désigner dorénavant la jeune personne sous le qualificatif de "la vierge corinthienne".
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Glossaire
TERMES.
Dans l'antiquité, borne qui marquait la limite d'un terrain, d'un champ, qui matérialisait une frontière. Terminus est une divinité romaine qui est le gardien des bornes. Il fut d'abord représenté sous la figure d'une grosse pierre quadrangulaire ou d'une souche puis, plus tard, on lui donna une tête humaine placée sur une borne pyramidale (un terme) qui servait de limite aux particuliers ou à l'État. Il était toujours sans bras et sans pieds, afin qu'il ne pût changer de place.
Architecture. Statue représentant un buste d'homme ou de femme dont la partie inférieure se termine en gaine et qui sert d'ornement.
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CARIATIDE
Une cariatide est une statue de femme drapée et debout, dont la tête sert de support à un entablement, une architrave ou une corniche.
Dans un ensemble architectural ou dans un meuble, elle s'emploie à la place d'une colonne ou d'un pilastre.
Parfois leurs bras ne sont figurés que par des tronçons : le bas du corps se termine souvent en gaine. Lorsque les cariatides portent sur la tête une corbeille formant un chapiteau, on les appelle canéphores.
Lorsque le personnage est représenté par un homme, la cariatide prend le nom d'Atlante ou de Télamon, sorte d'Hercule soutenant l'architrave sur ses épaules courbées.
Le nom, féminin, apparaît dans notre langue en 1546 (Caryatide) comme substantif ou comme adjectif qualifiant des colonnes dans l'Hypnerotomachie ou Discours du Songe de Poliphile de J. Martin, folio 14r (Caryatides canelees). Ces colonnes encadrent une porte dont l'architecture est minutieusement décrite.
Etymologie : Le nom serait, par un emprunt à l'italien cariatide au latin impérial caryatides, du grec κ α ρ υ α ́ τ ι δ ε ς, subst. fém. plur., proprement « femmes de Karyes (bourg de Laconie) », D'après Vitruve, 1, 1, 5 ces femmes emmenées captives après la destruction de Karyes qui avait soutenu les Perses lors de l'invasion de Xerxès, servirent de modèle aux statues construites en forme de colonnes. Pour des raisons historiques et archéologiques il semble plutôt que κ α ρ υ α ́ τ ι δ ε ς désigne des jeunes filles célébrant les fêtes d'Artémis Karyatis ainsi nommée en raison du temple où on l'honorait à Karyes.
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Porche sud de l'ossuaire (1619) de La Martyre. Photographie lavieb-aile décembre 2020.
Portail sud de l'ossuaire (1619) de La Martyre. Photographie lavieb-aile décembre 2020.
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De chaque coté de saint Pol de Léon, les deux termes, l'un féminin et l'autre masculin, soutiennent une volute. Ils ont les mains dans le dos, et le bas du corps est un fût sous un pagne de feuillage, cette transition par une feuille d'acanthe assurant le passage entre l'humain et le minéral.
Portail sud de l'ossuaire (1619) de La Martyre. Photographie lavieb-aile décembre 2020.
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L'un des modèles possibles est le frontispice du Quatro Libro de la Règle générale d'architecture de Sebastiano Serlio, dans l' édition italienne parue à Venise en 1537.
Les sources de Sebastano Serlio pour ces termes sont étudiées par Raphaël Tassin ici :
Portail sud de l'ossuaire (1619) de La Martyre. Photographie lavieb-aile décembre 2020.
Portail sud de l'ossuaire (1619) de La Martyre. Photographie lavieb-aile décembre 2020.
Terme féminin (kersanton, Maître de Plougastel, 1619) de La Martyre. Photographie lavieb-aile décembre 2020.
Terme féminin (kersanton, Maître de Plougastel, 1619) de La Martyre. Photographie lavieb-aile décembre 2020.
Terme masculin (kersanton, Maître de Plougastel, 1619) de La Martyre. Photographie lavieb-aile décembre 2020.
Terme masculin (kersanton, Maître de Plougastel, 1619) de La Martyre. Photographie lavieb-aile décembre 2020.
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Comparaison avec le fronton du porche sud (1604) de Saint-Houarnon à Landerneau.
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La ressemblance est frappante, notamment sur le détail du collier et de la coiffure de la cariatide.
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Porche sud (1604) de Saint-Houarnon à Landerneau, photo lavieb-aile.
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Comparaison avec le fronton de l'ossuaire (1676) de Saint-Thégonnec.
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Ossuaire (1676) de Saint-Thégonnec. Photo lavieb-aile.
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La cariatide de l'angle sud-ouest de l'ossuaire.
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Ossuaire de La Martyre. Photographie lavieb-aile décembre 2020.
Cariatide (kersanton, Maître de Plougastel, 1619) de La Martyre. Photographie lavieb-aile décembre 2020.
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On en trouve le modèle assez convainquant dans le dessin d'une cheminée du Quatrième Livre d'architecture de Sebastiano Serlio, publié à Venise en 1532 et traduit en français à Anvers en 1542. Dans son texte, l'auteur explique qu'il a représenté en guise de colonne la vierge de Corinthe qui, selon Vitruve, est à l'origine du chapiteau corinthien.
Il n'explique pas pourquoi ses deux cariatides ont deux paires de seins ; ni pourquoi le bandage de leurs jambes (qui laisse voir les pieds, à la différences des "termes" proprement dit) laisse échapper des jeunes feuilles. Et le Maître de Plougastel ne l'a pas suivi sur ces deux points.
L'emblème central, un globe qui éclate sous la pression de flammèches (ou feuilles) est peut-être en rapport avec cette pulsion vitale qui fait naître les feuilles entre les bandages, comme elle a su faire croitre le plant d'acanthes écrasé par un vase, dans la légende qu'on lira ci-dessous.
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Sebastiano Serlio, Cheminée corinthienne, quatrième livre sur les ordres, ou Reigles generales/ de l’Architecture, sur/ les cincq manieres d’e/difices, ascavoir, Thus/cane, Doricque, Ionicque,/ Corinthe, & Compo/site, auec les exemples/ danticquitez, selon la/ doctrine de Vitruve. Anvers 1542, traduction par Pieter Coecke van Aelst. Deuxième édition Anvers 1545
Regole generali di architettura di Sabastiano Serlio Bolognese : sopra le cinque maniere de gliedifici, cioe, thoscano, dorico, ionico, corinthio, e composito ; con gli essempi de l'antiquita, che per la maggior parte concordano con la dottrina di Vitruuio Venise, F. Marcolini, 1532
Sebastiano Serlio, Regoli generali di architetura, Venise F. Marcolini, 1537
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"En une salle ou grande chambre appartient aussi une cheminée de grande formosite, proportionnée selon le lieu, laquelle dût avoir spacieuse ouverture : pourtant, veut-on faite les modillons suffisant à telle saillie, occuperont deux places des cotés ; mais à tel sujet j'entends de faire un pilier plat, et devant celui-ci une ronde colonne séparée de l'autre, en sorte qu'entre les deux colonnes reste quelque espace, et en cette manière aisément [aisance] et décoration
Et ainsi que j'ai dit au commencement de ce chapitre, que cette mode Corinthe a son origine d'une pucelle, de la même ville de Corinthe, à cette cause je l'ai voulu constituer servant de colonne. La hauteur donc et latitude de l'ouverture située selon la place, sera l'altitude de celle-ci divisée en neuf mesures, et l'une d'elles sera pour le chef [la tête] de la fille, et le résidu de la figure formée et bandée ainsi qu'on voit.
La dérivation du chapiteau corinthien fut d'une pucelle de Corinthe, mais pour ce que Vitruve au quatrième livre chapitre premier de sa dérivation, a celle cause ne m'empêcherai plus avant d'en faire narration. Néanmoins je veux bien dire que si l'on avait faire quelque Temple pour la Vierge Marie, ou pour autres saints ou saintes de vie virginale, pareillement quelques maisons ou sépultures pour aucunes personnes de necte chaste et honnête vie, l'on pourrait user de cette manière."
« L'architecte romain Vitruve donne une explication légendaire aux chapiteaux corinthiens dotés de feuilles d'acanthe :
« Une jeune fille de Corinthe […] fut atteinte d'une maladie qui l'emporta ; après sa mort, de petits vases […] furent recueillis par sa nourrice, arrangés dans une corbeille et déposés sur sa tombe, et […] elle les recouvrit d'une tuile. Cette corbeille avait été par hasard placée sur une racine d'acanthe […]. Cette racine poussa vers le printemps des tiges et des feuilles […]. Le sculpteur Callimaque, […] passant auprès de ce tombeau, aperçut ce panier […]. Charmé de cette forme nouvelle, il l'adopta pour les colonnes qu'il éleva à Corinthe". Vitruve, De architectura, 15 avant J.-C.
"Duquel l'invention est attribuée à un nommé Callimachus; qui pour l'excellence & subtilité de son art, en matiere de tailler marbres, fut par les Atheniens surnomé Catatechnos, c'est à dire homme industrieux & plein d'artifice. L'invention en fut telle: Advint un jour qu'apres le deceds & inhumation de quelque jeune fille Corinthienne, sa nourrice, en consolation de ses douleurs, se souvint que ladicte fille en son vivant vouloir prende grandissime plaisir à aucuns vases qu'elle avoit: parquoy en memoire de ce, elle les mist tous dans un panier, & les porta sur la sepulture de sadite fille, pour le soulagement de ses douleurs & recordation de la defuncte. Et afin qu'ils fussent long temps conservez, & deffendus contre l'injure du temps & des pluyes, elle couvrit le panier d'une grosse tuile. Mais notez que par cas fortuit ledit panier fust mis sur une racine d'Acanthe ou branque Ursine, laquelle par succession de temps, pour este empechée & pressée du susdit panier, elle jecta ses tiges environ le printemps tout à l'entour dudit panier, tellement que ainsi que l'herbe croissoit autour d'iceluy, la tuile l'empechoit de monter, & la rabbatoit sur les bords & coings: de sorte qu' elle estoit contrainte de se courber & descendre contre bas: quasi comme vous le voyes aux rouleaux & volutes des chapiteaux qu'on fait aujourd'huy. Passant donc se susdit Callimachus aupres du sepulchre de la susdite Vierge Corinthienne, & voyant l'artifice de nature envers ledit Acanthe & panier, il pratiqua & prit de là l'ornement du chapiteau Corinthien, tel que vous le verrez cy-apres, & pourrez aussi voir au premier chapitre du quatrieme livre de Vitruve. Mais devant qu'entrer à la description dudit chapiteau Corinthien, il me semble qu'il sera tres bon de parler premierement de sa colomne, basse & stylobate."
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En résumé, cette jeune femme est la Vierge corinthienne sur la tombe de qui un vase fut placé sur un plant d'acanthes. Leurs feuilles, contraintes et rabattues, sont à l'origine du chapiteau corinthien, avec ses volutes.
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On retrouve la trace de ces rubans gainant les jambes tout en produisant des feuilles dans l'encadrement de l'enluminure de saint Louis dans le Recueil des rois de France par le Maître de Henri II, BNF fr 2848, daté vers 1545-1547 :
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Maître de Henri II, v.1545 "Jean du Tillet, Recueil des rois de France", BnF 1248 f.90r
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Cariatide (kersanton, Maître de Plougastel, 1619) de La Martyre. Photographie lavieb-aile décembre 2020.
Cariatide (kersanton, Maître de Plougastel, 1619) de La Martyre. Photographie lavieb-aile décembre 2020.
Cariatide (kersanton, Maître de Plougastel, 1619) de La Martyre. Photographie lavieb-aile décembre 2020.
Cariatide (kersanton, Maître de Plougastel, 1619) de La Martyre. Photographie lavieb-aile décembre 2020.
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AUTRES DÉTAILS D'ARCHITECTURE.
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Les modillons ou agrafes.
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Modillon (kersanton, Maître de Plougastel, 1619) de l'ossuaire de La Martyre. Photographie lavieb-aile décembre 2020.
Modillon (kersanton, Maître de Plougastel, 1619) de l'ossuaire de La Martyre. Photographie lavieb-aile décembre 2020.
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Un chapiteau.
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Chapiteau corinthien (kersanton, Maître de Plougastel, 1619) de l'ossuaire de La Martyre. Photographie lavieb-aile décembre 2020.
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Les masques feuillagés.
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Masque feuillagé (kersanton, Maître de Plougastel, 1619) de l'ossuaire de La Martyre. Photographie lavieb-aile décembre 2020.
Masque (kersanton, Maître de Plougastel, 1619) de l'ossuaire de La Martyre. Photographie lavieb-aile décembre 2020.
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SOURCES ET LIENS.
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— FONS DE KORT, s.d, [1975], La Martyre, l'église, par Fons de Kort.
— KEROUANTON (abbé) / PÉRÉNES (Henri), 1931, Notice sur La Martyre, BDHA page 173 ; page 225 ; page 281.
— LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne. Les ateliers du XVe au XVIIe siècle, Presses Universitaires de Rennes, p. 298-299.
— LÉCUREUX (Lucien), 1919, "La Martyre", Congrès archéologique de France : séances générales tenues ... par la Société française pour la conservation des monuments historiques, Société française d'archéologie. Derache (Paris) A. Hardel (Caen) http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k35688p/f166.image
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—Androuet du Cerceau (Jacques), Livre d’architectvre de Jaques Androvet du Cerceau, contenant les plans et dessaings de cinquante bastimens tous differens : pour instruire ceux qui desirent bastir, soient de petit, moyen, ou grand estat. Auec declaration des membres & commoditez, & nombre des toises, que contient chacun bastiment, dont l’eleuation des faces est figurée sur chacun plan..., Paris, s.n., 1559.
—Androuet du Cerceau (Jacques), Second Livre d’architecture, par Iaqves Androvet Du Cerceau. Contenant plusieurs et diverses ordonnances de cheminées, lucarnes, portes, fonteines, puis et pavillons, pour enrichir tant le dedans que le dehors de tous edifices. Avec les desseins de dix sepultures toutes differentes, Paris, André Wechel, 1561.
—Androuet du Cerceau (Jacques), Livre d’architecture de Jaques Androuet Du Cerceau, auquel sont contenues diverses ordonnances de plants et élévations de bastiments pour seigneurs, gentilshommes et autres qui voudront bastir aux champs ; mesmes en aucuns d’iceux sont desseignez les bassez courts... aussi les jardinages et vergiers..., Paris, pour Iaques Androuet du Cerceau, 1582. de l’Orme (Philibert), Le Premier tome de l’architecture, Paris, Frédéric Morel, 1567.
— DELORME (Philibert), 1567 Le premier tome de l'architecture de Philibert de L'Orme conseillier et aumosnier ordinaire du Roy, & abbé de S. Serge lez Angiers , Paris, Federic Morel http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k85636g/f1.double
—SERLIO (Sebastiano ), Liure extraordinaire de architecture, de Sebastien Serlio, architecte du roy treschrestien. Auquel sont demonstrees trente Portes Rustiques meslees de diuers ordres. Et vingt autres d’oeuvre delicate en diverses especes, Lyon, Jean de Tournes, 1551.
—SAMBIN ( Hugues), (Lyon, 1572 Oeuvre de la diversité des termes dont on use en architecture eduict en ordre par Maistre Huges SambinBibliothèque municipale de Lyon, Rés 126685.
— VIGNOLE 1562, La Règle des cinq ordres d'architecture
— VITRUVE De architectura M. Vitruvius per Jocundum solito castigatior factus cum figuris et tabula, traduit par Fra Giovanni Giocondo en 1511 à Venise avec 136 gravures sur bois
Comme la majorité des chancel (dont le nom signifie étymologiquement "treillis"), celui-ci est à claire-voie dans sa moitié supérieure, grâce à des séries de colonnades, permettant aux fidèles d'entendre et de voir les offices célébrés à l'autel.
Cette clôture ne ferme pas seulement le passage sous la tribune, entre nef et chœur, mais aussi la communication avec les chapelles latérales. D'où une forme en U dont chaque partie est percée par une porte. Mais elle est composite, puisqu'elle est en bois sur les cotés, et en pierre au centre pour les 14 colonnes (en deux périodes différentes selon R. Barrié).
"Dès l'achèvement du gros-œuvre, on construisit, en 1607, un chancel de granite ; le dessin de ses colonnes à cannelures garnies d'un jonc et de ses chapiteaux doriques surmontés d'une double corniche à fort relief se retrouve dans les piédroits d'une cheminée ornant une salle en étage située au bout de l'aile gauche du château de Kerjean.
Très vite, il apparaîtra trop austère, et, vers le milieu du XVIIe siècle, il sera complété, au Nord et au Sud, par un chancel en bois à chapiteaux corinthiens d'un style Renaissance plus adouci, déjà presque baroque, dans lequel s'intégreront des sculptures, le groupe de l'Annonciation et des bas-reliefs représentant des apôtres, des saintes et des vertus." (Roger Barrié 1982)
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Coté nef, la date de 1607 (1601 pour d'autres) est inscrite au dessus de la clef de la clef. Cette réalisation est donc bien tardive, et bien postérieure aux injonctions du Concile de Trente demandant la suppression des clôtures et des jubés au profit de chaires à prêcher.
La date est également tardive par rapport à celles de la construction des murs (1573 à 1580) et de la charpente ( sablières, 1579-1580), éléments marqués par le style Renaissance du château de Kerjean. Aussi les boiseries sculptées de la clôture sont-ils dépourvues — à quelques exceptions près — des marques de l'art grotesque ou de l'art bellifontain, qui se retrouvent sur les sablières.
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Clôture en pointillé, et tribune en n° 9.
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Clôture de chœur (1607) de Notre-Dame de Berven vue depuis la nef. Photographie lavieb-aile.
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LE COTÉ NORD : LES APÔTRES.
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Les colonnes en bois sont cannelées en partie haute, et sculptées d'enroulement de feuillages (dont la vigne et l'olivier), et elles portent des chapiteaux corinthiens.
En dessous, neuf panneaux sculptés (dont deux sur la porte) sont séparés par des pilastres sculptés de rameaux d'olivier.
Les Apôtres sont représentés pieds nus, vêtus d'une tunique longue serrée par une ceinture et un manteau ouvert (agrafé par un fermail), et tenant le Livre (Les Actes des Apôtres).
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Clôture de chœur (1607) de Notre-Dame de Berven. Photographie lavieb-aile.
Clôture de chœur (1607) de Notre-Dame de Berven. Photographie lavieb-aile.
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1. Saint Pierre et sa clef.
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Clôture de chœur (1607) de Notre-Dame de Berven. Photographie lavieb-aile.
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2. Saint André et sa croix en X.
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Clôture de chœur (1607) de Notre-Dame de Berven. Photographie lavieb-aile.
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3. Saint Jacques le Majeur, son bourdon et son chapeau (rabattu).
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Clôture de chœur (1607) de Notre-Dame de Berven. Photographie lavieb-aile.
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La porte latérale nord donnant accès au chœur.
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Clôture de chœur (1607) de Notre-Dame de Berven. Photographie lavieb-aile.
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4. Saint Jean bénissant et portant la coupe de poison.
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Clôture de chœur (1607) de Notre-Dame de Berven. Photographie lavieb-aile.
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5. Saint Philippe et la croix à longue hampe.
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Clôture de chœur (1607) de Notre-Dame de Berven. Photographie lavieb-aile.
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Clôture de chœur (1607) de Notre-Dame de Berven. Photographie lavieb-aile.
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6. Saint Barthélémy et son couteau à dépecer.
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Clôture de chœur (1607) de Notre-Dame de Berven. Photographie lavieb-aile.
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7. Saint Thomas et son équerre.
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Clôture de chœur (1607) de Notre-Dame de Berven. Photographie lavieb-aile.
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8. Saint Matthieu et sa lance.
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Clôture de chœur (1607) de Notre-Dame de Berven. Photographie lavieb-aile.
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9. Saint Jacques le Mineur et son bâton de foulon.
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Clôture de chœur (1607) de Notre-Dame de Berven. Photographie lavieb-aile.
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Du coté de la nef à gauche :
10. Saint Simon et sa scie.
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Clôture de chœur (1607) de Notre-Dame de Berven. Photographie lavieb-aile.
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Porte à deux vantaux du chancel central en pierre.
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Clôture de chœur (1607) de Notre-Dame de Berven. Photographie lavieb-aile.
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11. Saint Jude Thaddée de dos et tenant une croix latine dirigée vers le bas.
Clôture de chœur (1607) de Notre-Dame de Berven. Photographie lavieb-aile.
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12. Saint Matthias et sa hache.
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Clôture de chœur (1607) de Notre-Dame de Berven. Photographie lavieb-aile.
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Du coté de la nef à droite :
Un saint moine sous son capuchon. Certains y voient François d'Assise.
La cordelière est celle des ... cordeliers ou Franciscains, et le chapelet est celui des Antonins.
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Clôture de chœur (1607) de Notre-Dame de Berven. Photographie lavieb-aile.
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LE COTÉ SUD : LES SAINTES.
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On pourra comparer ces panneaux à ceux du jubé de La Roche-Maurice, avec les Apôtres coté nef et des saints et saintes coté chœur : Marie-Madeleine, Catherine, Barbe, Apolline, Geneviève et Marguerite.
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Clôture de chœur (1607) de Notre-Dame de Berven. Photographie lavieb-aile.
Clôture de chœur (1607) de Notre-Dame de Berven. Photographie lavieb-aile.
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1. Une sainte couronnée et voilée, tenant un livre, pieds nus,et présentant son sein droit tranché. Sainte Agathe.
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Clôture de chœur (1607) de Notre-Dame de Berven. Photographie lavieb-aile.
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2. Sainte couronnée, tenant la palme du martyre, la main droite sur la poitrine, pieds nus.
Les couronnes ne se réfèrent apparemment pas à la naissance royale des femmes, mais à leur martyre, qui les couronnent de sainteté.
Parmi les candidates, sainte Marguerite d'Antioche : il est impossible qu'elle soit absente de cette série des Vierges et Martyres.
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Clôture de chœur (1607) de Notre-Dame de Berven. Photographie lavieb-aile.
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3. Sainte couronnée, tenant la palme du martyre de la main droite, pieds nus .
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Clôture de chœur (1607) de Notre-Dame de Berven. Photographie lavieb-aile.
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4. Sainte Barbe, identifiée par la tour posée à ses pieds.Sainte couronnée, tenant un livre et la palme du martyre. Pieds nus.
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Clôture de chœur (1607) de Notre-Dame de Berven. Photographie lavieb-aile.
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Porte à deux vantaux, d'accès au chœur.
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Clôture de chœur (1607) de Notre-Dame de Berven. Photographie lavieb-aile.
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Trois anges présentant un cartouche muet dans un cuir découpé à enroulement.
Clôture de chœur (1607) de Notre-Dame de Berven. Photographie lavieb-aile.
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5. Sainte Geneviève, identifiée par son cierge. Femme voilée, tenant un livre ; pieds chaussés.
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Clôture de chœur (1607) de Notre-Dame de Berven. Photographie lavieb-aile.
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6. Sainte Catherine, identifiée son épée et sa roue à couteaux brisée. Femme bizarrement non couronnée, tenant la palme du martyre. Pieds chaussés.
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Clôture de chœur (1607) de Notre-Dame de Berven. Photographie lavieb-aile.
Clôture de chœur (1607) de Notre-Dame de Berven. Photographie lavieb-aile.
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7. Sainte Apolline et les tenailles de son martyre (elle eut les dents arrachées par les bourreaux). Femme voilée, tenant un livre, et pieds nus.
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Clôture de chœur (1607) de Notre-Dame de Berven. Photographie lavieb-aile.
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8. Sainte Marie-Madeleine identifiée par ses cheveux très longs et son flacon d'aromates ou de parfum.
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Clôture de chœur (1607) de Notre-Dame de Berven. Photographie lavieb-aile.
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9. Femme dirigeant vers sa poitrine nue une épée. Cheveux voilés, manteau, pieds nus.
Clôture de chœur (1607) de Notre-Dame de Berven. Photographie lavieb-aile.
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Les portes vues depuis le chœur.
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Les dessus de porte montrent deux anges présentant sur des cuirs découpés à enroulement (motif bellifontain) les monogrammes du Christ I~HS et de la Vierge MÃ, au dessus d'un cœur. C'est un décor très présent sur les retables baroques bretons.
Mais d'un coté les pilastres montrent entre des cannelures deux cariatides aux bras tronqués, ceinturées d'une guirlande, et au piètement de feuillage, qui sont directement issues du vocabulaire Renaissance, et des modèles de Termes de Serlio ou d'Androuet du Cerceau. Comme ceux du jubé de La Roche-Maurice ou de l'ossuaire de La Martyre (1619).
De l'autre coté, ces pilastres portent également des cariatides, mais moins distinctes puisqu'elles associent à un buste de volutes ces têtes féminines au bandeau nouée en bavette avec deux nœuds de rosette de chaque coté des oreilles, présentes déjà sur les sablières de cette église vers 1579, ou sur les sablières de Bodilis, et surtout sur le jubé de La Roche-Maurice, où elles abondent.
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Clôture de chœur (1607) de Notre-Dame de Berven. Photographie lavieb-aile.
Clôture de chœur (1607) de Notre-Dame de Berven. Photographie lavieb-aile.
Clôture de chœur (1607) de Notre-Dame de Berven. Photographie lavieb-aile.
Clôture de chœur (1607) de Notre-Dame de Berven. Photographie lavieb-aile.
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L'Annonciation.
Au-dessus de ces deux portes nord et sud, dans leurs frontons à arc brisé, l'ange Gabriel et la Vierge de l'Annonciation devant son prie-Dieu, deux statues en bois non polychrome.
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Clôture de chœur (1607) de Notre-Dame de Berven. Photographie lavieb-aile.
Clôture de chœur (1607) de Notre-Dame de Berven. Photographie lavieb-aile.
Clôture de chœur (1607) de Notre-Dame de Berven. Photographie lavieb-aile.
— BARRIÉ (Roger), 1983, Mobilier cultuel et décor intérieur dans l'église de Basse-Bretagne aux XVIIe et XVIIIe siècles , Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest Année 1983 90-2 pp. 377-386
— LE GUENNEC (Louis), 1913, réed. Les Amis de Louis Le Guennec. Morlaix et sa région.
"La nef est séparée du chœur par une clôture ou chancel en pierre, formée de quatorze colonnes cannelées et d'une porte centrale, en bois sculpté, au-dessus de laquelle on lit la date 1601. Le jubé, également en bois, d'un travail plus grossier, est surmonté d'une Crucifixion, accostée de la Sainte Vierge et de saint Jean. Au-dessous, quatre panneaux en bas-reliefs, séparés par des sibylles, retracent dans un ordre renversé les scènes suivantes de la Vie de Notre-Seigneur : l'Ecce Homo; Jésus tombe sous la Croix; Marie reçoit le corps de son Divin Fils; Jésus est mis au tombeau.
Les parties latérales du jubé, au-dessous de colonnes cannelées, montrent dans le soubassement : du côté de l'Evangile, les douze Apôtres et du côté de l'Epître, saint François d'Assise, sainte Apolline, sainte Agathe, sainte Catherine, etc. Les panneaux du tympan représentent la scène de l'Annonciation : la Sainte Vierge d'un côté, l'archange Gabriel de l'autre."
Les lambris sculptés en 1535-1538 par François Scibec de Capri à la Galerie François Ier de Fontainebleau. Emblématique de François Ier, cuirs découpés et décor à la grotesque.
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Je continue à colliger une documentation iconographique sur l'art à la grotesque, et sur l'École de Fontainebleau, pour servir de base de comparaison avec les œuvres de la Première et Seconde Renaissance en Bretagne (ou aux autres réalisations en France).
Ainsi, il est intéressant de comparer les cuirs découpés des boiseries sculptées par Scibec à Fontainebleau , en lien avec Philibert Delorme, avec ceux de la charpente sculptée du château de Kerjean (Saint-Vougay, Finistère) vers 1579.
Ou, inversement, de suivre le motif grotesque des deux lignes rinceaux à masques, animaux fantastiques, ou putti, déjà présent en Italie, et à Gaillon vers 1509, puis à Guerche-de-Bretagne vers 1518-1525, avant d'être repris à Fontainebleau.
Etc.
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. Voir sur l'art des grotesques de la Renaissance :
Sans compter— mais c'est essentiel — les sablières à cuirs chantournés et/ou grotesques du Maître de Plomodiern à Saint-Nic (1561-1566), Plomodiern (1564), à l'atelier du Cap-Sizun à Primelin, Pont-Croix (1544), Confort-Meilars, Esquibien ou de celle du Maître de Pleyben (1567-1576) à Pleyben, Kerjean, Plomodiern (Sainte-Marie du Menez-Hom), Bodilis, Saint-Divy, Notre-Dame de Berven (1579-1580) à Plouzévédé et peut-être Roscoff.
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PRÉSENTATION.
Je ne ferai pas l'affront au lecteur de lui présenter la Galerie François Ier du château de Fontainebleau, mais je n'aurai aucune honte à me rafraichir la mémoire grâce à Wikipedia :"
"Construite entre 1528 et 1530, elle mesure environ 64 mètres de long et 6 mètres de large, et constituait autrefois un pont couvert jouissant d'ouvertures des deux côtés. Le roi François Ier la fit édifier et décorer, afin de relier ses appartements à la chapelle de la Trinité. Il en gardait les clés et la faisait visiter à ses hôtes de marque.
La galerie a été confiée aux Italiens Rosso Fiorentino et Le Primatice qui la décorèrent de façon originale avec des peintures, des lambris, des fresques et des stucs. Les travaux s'échelonnèrent de mars 1535 à mai 1537 pour les stucs, à partir de 1536 pour les fresques, et furent achevés juste avant la visite de Charles Quint à la Noël 1539"
Et j'emprunterai à cet article la vue d'ensemble de cette galerie :
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La Galerie François Ier du château de Fontainebleau. Photo de Neils Rickards 2005.
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On sait aussi que ce qui fait la célébrité de la galerie, ce sont, sur huit travées, les sept grandes peintures à fresques qui, de chaque coté, alternent avec les fenêtres. Ce sont ces peintures, et leur encadrement par des grands et novateurs motifs en stuc, qui sont décrits par les guides lors de votre visite.
Mais je tiendrai la gageure de n'en regarder aucune (ou bien juste pour me repérer), et de parcourir les 64 mètres allant du vestibule succédant à la chapelle jusqu'aux appartements royaux (sens des visiteurs, opposé au sens des Conservateurs) en ne regardant QUE les boiseries.
Bien sûr, ce procédé se fera au détriment des rapports et correspondances spéculaires entre le décor de stuc et les boiseries, qui partagent les mêmes cuirs, les mêmes guirlandes, les mêmes bucranes, presque le même fourmillement de détails et la même emblématique : l'influence de Rosso Fiorentino est évidente sur les décors des boiseries.
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Comme on le voit, les lambris, "à la française" couvrent la moitié inférieure des murs, en quatorze ensembles de sept panneaux (un panneau central et six panneaux plus étroits).
Ils sont l'œuvre du menuisier italien Francisque Scibecq dit de Carpi (la localité de la province de Modène), alias François Scibec de Carpi.
Le dernier seigneur de Carpi, Alberto III Pio (1475-1531), ami intime du pape Léon X, a été ambassadeur en France et très proche de Georges d'Amboise. Il est l'instigateur du mariage entre Catherine de Médicis et Henri II. Son neveu l'évêque et cardinal Rodolfo Pio, collectionneur d'antiquité, a été proche de Jean du Bellay. Les échanges entre la ville du Nord-Est de l'Italie et la France furent intenses (Une exposition À la cour du roi de France. Alberto Pio et les artistes de Carpi dans les sites de la Renaissance française s'est tenue au Palazzo dei Pio du 8 avril au 18 juin 2017). On peut nommer le peintre Giovanni Francesco Donnela, actif à Albi, mais il est surtout intéressant de citer Ricardo da Carpi, que Georges Ier d'Amboise avait fait venir à Gaillon pour réaliser les boiseries de la chapelle haute.
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"Francesco Scibec , appelé Scibec da Carpi , était un fabricant de meubles italien du XVIe siècle de Carpi près de Modène . Il a travaillé pour la cour royale française au sein d'un groupe d'artistes maintenant appelé la première école de Fontainebleau .
Francesco est arrivé au bâtiment de Fontainebleau pour François Ier de France en même temps que son compatriote, Rosso Fiorentino en 1530. Il y acheva le lambris de la galerie François Ier. Un de ses contrats pour l'ameublement renouvelé en chêne et noyer de la grande galerie et du pavillon près du lac de Fontainebleau a été fait selon les instructions personnelles du roi en février 1541. Il a également travaillé au Château d'Anet pour Diane de Poitiers . En 1549, il a été engagé pour décorer des bateaux pour un spectacle sur la Seine pour l'entrée de Henri II de France à Paris. Francesco a également fabriqué des meubles et des lambris pour des clients privés et ecclésiastiques.
En juillet 1552, il accepte comme apprenti Bartholomew, le fils d'un autre peintre italien collègue à Fontainebleau, Francesco Pellegrini . Dans les deux années 1557 à 1559, il réalise des meubles pour le Louvre , pour le Château et la Chapelle dans les bois de Vincennes et pour le Château de Saint Germain-en-Laye . Pour Fontainebleau, il a réalisé un cadre photo spécial pour une carte de l'Italie et d'autres cadres sculptés pour les portraits de deux femmes.
En mars 1537, il épouse Marguerite Samson, fille d'un peintre français, Pierre Samson. " (Wikipedia)
Silbec demeurait alors à l'hôtel d'Étampes, près des Tournelles, où se préparaient les ouvrages de menuiserie commandés pour le roi.
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DESCRIPTION.
La description précise et documentée de Maurice Roy, en 1913, est disponible en ligne mais n'était pas transcrite. La voici à la disposition des internautes, et je ne regrette pas mon labeur de copie.
-Maurice Roy 1913 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k408260p/f212.item
"Dès l'année 1535, Francisque Sibec de Capri, le célèbre menuisier du roi qui tient une si grande place dans l'histoire du meuble au XVIe siècle, avait été chargé de la confection du lambris de chêne incrusté de bois de Brésil et destiné à encadrer les bancs préparés pour la grande galerie ; les panneaux et châssis étaient déjà commencés en août 1535 et assez avancés à cette date pour que le maître menuisier ait pu toucher le 23 du même mois, un acompte de 524 livres 9 sols et 6 deniers, puis on constate que les lambris à appliquer aux murs de la salle et du cabinet donnant sur le jardin d'abord entrepris par Sibec, furent ensuite continués par Joachim Raoullant en bois d'ébène, de brésil rouge et jaune et autres bois étrangers jusqu'au jour où le roi, se rendant compte que ces bois étaient particulièrement difficiles à ouvrer et que leur préparation demandait un temps trop long à son gré, décida que l'on emploierait simplement du bois de noyer, et fit passer, le 2 avril 1539 un nouveau marché avec Francisque Sibec de Carpi. Nous avons retrouvé le texte de ce marché contenant de nombreux détails sur la confection des belles boiseries qui existent encore aujourd'hui en grande partie.
Aux termes du marché, des lambris « de menuyserie » devaient être disposés dans tous les sens contre les murs de la galerie et du cabinet attenant , depuis le niveau du plancher jusqu'à la hauteur des ouvrages de peinture et de stuc. Al partie inférieure de ces lambris, composés de compartiments moulurés assez simples, formait une sorte de plinthe régnant tout au pourtour, mais, au dessus, par chaque travée entre les fenêtres de la galerie, se détachaient sept panneaux superbement décorés ; celui du milieu, plus large que les autres, mesurant six pieds environ, contenait comme motif principal les armoiries du roi enrichies de festons et ornements antiques à demie taille ; au dessous de ce panneau central était prévu, à hauteur raisonnable, un siège ou banc de cinq pieds de long et de quinze pouces de saillie pour asseoir deux personnes, ledit siège orné de moulures, supporté par aux deux bouts et au milieu par trois rouleaux en forme de pattes de lion enrichies à l'antique et se terminant de chaque coté, par des rouleaux servant d'accoudoirs.
Le panneau central devait être accompagné à droite et à gauche d'un premier panneau portant une salamandre avec deux tablettes où se trouvait gravée la devise habituelle, d'un deuxième enrichi d'un F couronné et de tablettes, enfin d'un troisième, sous l'aplomb de la poutre, indiqué en forme de pilastre rempli de feuillages et autre taille antique à demi-bosse. Cette disposition de sept panneaux se répétait sur les deux faces de chaque travée ; on sait que la galerie comprend elle-même, dans toute sa longueur, sept travées."
Aux deux bouts de la salle étaient prévus semblables lambris et sièges sous les deux tableaux qui s'y trouvaient alors, de même autour du cabinet avec un banc contre le mur opposé à la cheminée. Ces boiseries se poursuivaient en retournant dans l'épaisseur des portes, dans les embrasures et sous les appuis des croisées, le tout de bon bois de noyer teinté, verni et garni de filets dorés où il serait convenable, afin de mieux faire ressortir les lambris. Un plancher assemblé à losanges et carrés avec filets de chêne ou de noyer complétait le travail demandé à Scibec. (Le parquet actuel est moderne et date sans doute de 1846, époque de la réfection du plafond).
Si nous comparons maintenant les indications de dimension, de disposition et de décoration fournies par le marché de 1539 avec les boiseries qui existent actuellement et dont une grande partie est ancienne, nous remarquons que plusieurs modifications ont dû être apportée en cours d'exécution.
La galerie elle-même, prévue au devis de 1528 d'un longueur dans œuvre de 32 toises, soit environ 62m 36, et d'une largeur de 3 toises ou 5m84, ne développe en réalité que 60m70 sur 5m84, toutefois il faut tenir compte de l'épaisseur des boiseries qui modifient légèrement ces dimensions. D'après le même devis, deux cabinets devaient être construits en face l'un de l'autre au milieu de la longueur et de chaque coté de la galerie, or, un seul fut exécuté en saillie coté jardin, ainsi que le constate notre marché de 1539. Il a disparu au XVIIIe siècle lors de la nouvelle construction adossée à la galerie.
Les boiseries se trouvant contre le mur opposé à la terrasse paraissent anciennes pour la plupart, les autres, sans doute atteintes par l'humidité, ont été refaites et copiées plus ou moins fidèlement sous Louis-Philippe. Leur hauteur est de 2m25 environ.
Pendant leur confection, les lambris, dont nous venons de donner la description, d'après les termes de la commande, reçurent aussi des transformations assez notables.
Si les grands panneaux du milieu de chaque travée conservent exactement la mesure de chaque travée indiquée, 6 pieds de log, et le dessin des armoiries royales, les autres ne sont pas tels qu'ils aveint été projetés, les panneaux placés de chaque coté du panneau central représentent les F couronnées, puis viennent les salamandres , ensuite on a répété les motifs des F sous l'aplomb des poutres au lieu des pilastres remplis de feuillages et de taille antique qui étaient prévus. Il convient surtout de remarquer que l'artiste a varié, suivant sa propre inspiration, les motifs décoratifs et a su multiplier dans des dispositions heureuses et toujours renouvelées les attributs de chaque sujet : armes de tous genres, casques, boucliers, carquois, instruments de musique , etc., accompagnant l'écu royal, encadrements particulier des F et fromes diverses des tablettes à devises, décorations en général plus sobres mais que viennent rehausser les représentations variées des salamandres avec les riches et fines sculptures ornementales qui les entourent : rinceaux, feuillages, fleurs, rubans, cornes d'abondance, têtes de chérubins, oiseaux, chimères, etc., aucun de ces panneaux n'est semblable, et, s'ils forment un ensemble régulier à la vue, l'examen de chacun d'eux révèle une variété infinie de composition qui n'est pas le moindre charme de leur belle ordonnance.
Les bancs placés sous le panneau central sont sensiblement plus longs que ne l'indiquaient le marché : prévus de 5 pieds (1m62), ils atteignent 1m94 et peuvent servir à asseoir largement trois personnes au lieu de deux, mais ils sont bien supportés au milieu et aux extrémités par des rouleaux en forme de pattes de lion et se terminent par des accoudoirs à tête de lion. Leur saillie se trouve également conforme à la mesure stipulée.
Ce beau travail de Sibec fut conduit très rapidement, le roi était pressé, comme nous l'avons vu, de disposer d'une grande salle pour les réunions de la cour, ressource qui faisait alors complètement défaut à Fontainebleau. Sibec dut prendre l'engagement d'exécuter son œuvre « en la plus grande diligence et extrême et avec le plus grand nombre d'ouvriers que faire se pourra ».
Le marché était convenu pour le prix total de 4000 livres, et sa réalisation eut lieu dans le court espace de six ou sept mois. Tout se trouvait en effet terminé dès le mois d'octobre de la même année 1539, ainsi que paraît le constater la quittance, signée le 21 octobre, de la somme de 12000 livres, formant le solde des 4000 livres, montant total du marché.
Ce dernier paiement est mentionné dans les acquits au comptant publiés par M. de Laborde sous la forme laconique suivante : « A Me Nicolas Picart, commis au paiement des édifices de Fontainebleau, pour délivrer à Francisque Cibec, menuisier, sur le lambril de la grand gallerie dud. Lieu … 1000 livres (1539). C'était d'ailleurs le seul document qui avait permis jusqu'ici de connaître le nom de l'auteur des boiseries de la galerie François Ier. J'ai donc pensé qu'il était intéressant d'apporter aujourd'hui le texte complet du marché ainsi que le libellé de la quittance finale, documents nouveaux permettant de fixer, d'une façon définitive, les détails d'exécution, les dates et le prix d'une importante œuvre d'art. "
Les pièces originales sont données ici, en Annexe.
Année 1536. "Ouvrages de menuiserie. A maistre Francisque Sibecq, dit de Carpe, menuisier, pour ouvrages de menuiserie qu'il a faits audit Fontainebleau par l'ordonnance du sieur de Neufville, à luy la somme de 286 livres."
Année 1537 : "Ouvrages de menuiserie. A Francisque Sibecq, dit de Carpe, menuisier italien, pour tous les ouvrages de menuiserie qu'il a faits audit Fontainebleau par l'ordonnance desdits de Neufville et Babou, le 7e de may 1538, la somme de 1 075 livres."
Année 1557 : il est réglé « à Jean Huet et Francisque Scibec, maistres menuisier, la somme de 750 livres pour ouvrage de menuiserie par eux faits au dit lieu (château de Saint-Germain-en-Laye).
-Nous trouvons aussi dans les Minutes de Guillaume I Payen, notaire . 1549, janvier - 1550, 4 avril le "Marché de menuiserie entre Francisque Scibec dit de Carpi, menuisier du roi, et Philibert Delorme, architecte du roi, pour la salle de bal, le cabinet de la reine et le cabinet au-dessus du château de Fontainebleau." En effet, le décor de cette pièce avait été dirigé à partir de l’avènement du roi Henri II par Philibert Delorme qui avait confié l’exécution des lambris, des portes et de la tribune des musiciens à Francisque Scibec de Carpi par un marché de juin 1550. Chaque panneau est sculpté d’un écusson entouré de cuirs découpés et surmonté d’une couronne royale fermée. L’un abrite les armes de France (trois fleurs de lys) buchées à la Révolution, l’autre le triple croissant entrelacé, emblème d’Henri II. Ils étaient initialement peints et dorés comme le révèlent les restes de polychromie encore visibles. Deux panneaux sont exposés au Musée National de la Renaissance;
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Le "menuisier" et sculpteur aurait travaillé sur des dessins préparatoires, dont l'un exécuté par le peintre italien Claude Badouyn , actif à Fontainebleau dès 1535 et collaborateur de Rosso Fiorentino pour les fresques et les stucs de la Galerie François 1er.
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Réception.
"En 1539 Giovanni Battista Gambara, ambassadeur du duc de Mantoue rapporte qu'il a visité:
« una galeria ma troppo stretta, et e dipinta di picture molto brutte. Egli e moite figure di stucco di man del Bologna, molto belle, et e salegata di asse intersiate assai belle ; il solaro di asse intagliato con un poco di oro, che anchor puo compare. Egli e pur fodrata di asse intagliate con impresse et arme di sua Maesta che sono molto belle, fatte per mano di un maestro Francesco di Carpo... »
( une galerie très longue mais trop étroite, et elle est peinte de peintures très laides. Il y a beaucoup de figures en stuc de la main du Bolonais, très belles, et le parquet est de bois marqueté, très beau; le plafond de bois sculpté, avec un peu d'or, qui peut aussi faire quelque effet. Elle est revêtue d'un lambris de bois sculpté aux devises et aux armes de Sa Majesté, très beau fait de la main d'un maître Francesco da Carpo), cité et traduit par Marc Hamilton Smith, « La première description de Fontainebleau », Revue de l'Art, 1991, p. 44-46. V"
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Je n'ai pas fait un relevé des quelques 100 panneaux de la galerie.
L'emblématique de François Ier est bien connue, et est répétée avec peu de variation. Je n'y m'attarderai pas. Les F ne sont pas couronnées malgré l'indication de M. Roy, tandis que plusieurs salamandres le sont.
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Trois panneaux.
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Au centre :
-Cartouche à têtes de béliers, feuillagées, avec l'inscription FRANCIS /CVS (François)
-Rinceaux au putto ailé tenant une guirlande de fruits
-Cuir découpé à enroulement, clouté au motif de la salamandre
-Suspendu à un aegicrane, un cartouche en bouclier d'amazone à deux têtes d'aigles, porte l'inscription FRANCORVM REX (roi des Français)
Note : ce "bouclier d'amazone" est repris d'un pilastre des Loges de Raphaël au Vatican, sous forme d'un médaillon lui-même copié de la Volta degli stucchi de la Maison Dorée de Néron. Mais sur ces modèles, les aigles sont tournés l'un vers l'autre. (N. Dacos 2008). On en trouve un exemple sur une gravure d'Androuet du Cerceau dans ses Trophées d'armes en 1545-1550.
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De chaque coté :
-cartouche à l'inscription FRANCISC suspendu par des rubans
-Cuir découpé à enroulements en cornets avec le monogramme F dans un ovale clouté.
-cartouche à l'inscription FRANC REX suspendu par un arceau.
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Lambris (chêne ou noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
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Première travée, au nord, sous le Sacrifice de Rosso Fiorentino. Trois des sept panneaux.
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Au centre.
Dans un cuir déroulé à enroulement, les armes royales à trois fleurs de lys, sous une couronne . En dessous, un cartouche sans inscription.
Deux bâtons-cannes identiques sont entrecroisés, en bois écôté et au pommeau sculpté en tête de lion.
L'une de ces cannes porte un collier de grelots : est-ce celle d'un maître de danse ? (crcb) Est-elle chargée de battre la mesure ?
À ces cannes sont suspendus par des rubans des "trophées" sur le thème de la musique. À gauche une lyre et une flûte (Apollon et Marsyas ?) sur un cuir découpé. À droite une partition (de chant ?), deux instrument à vent (à embouchures et à à pavillon large) croisés et un autre instrument à vent, courbé en crosse (cromorne ??).
La "flûte" ressemble à une flûte de pan par la réunion de sept tubes de longueur croissante, mais elles sont percées chacune d'un biseau et de cinq trous.
François Ier est honoré comme protecteur des arts et maître qui en bat la mesure.
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De chaque coté : les panneaux étroits au monogramme F et aux cartouches à son nom.
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Lambris (chêne ou noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
Lambris (chêne ou noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
Lambris (chêne ou noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
Lambris (chêne ou noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
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Deuxième travée, coté nord, sous "l'Éléphant fleurdelysé" de Rosso Fiorentino. Huit panneaux.
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-Les deux vantaux d'une porte : trophées d'armes. Outre les casques, les boucliers, les lances et hallebardes, les enseignes au titulus frappé d'une étoile, nous trouvons deux instruments de musique (percussion), un claquebois (avec son maillet) et des crotales.
-Deux panneaux au monogramme F
-Deux panneaux à la salamandre, sur fond de rinceaux (cf. infra)
-Deux panneaux au monogramme F.
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Lambris (chêne ou noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
Lambris (chêne ou noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
Lambris (chêne ou noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
Lambris (chêne ou noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
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Les panneaux à la salamandre, sur fond de rinceaux.
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Le cuir découpé est traversé, en haut et par deux orifices, de deux dragons aux queues tirebouchonnées liées entre elles. Le rinceau qui occupe ce registre supérieur flirte avec un aegicrâne au centre, et vient fleurir sur les cotés en deux gracieux bustes féminins.
N'oublions pas les deux aigles perchés sur les têtes des dragons. Et n'oublions pas de constater que le corps renflé des dragons ou leur tête feuillagé s'évertuent à nous les faire confondre avec les productions végétales qui les entourent.
Au registre inférieur, des rinceaux sont tenus par une femme canéphore, au dessus de deux sphinges liées par la queue. Ces rinceaux donnent des fleurs, qui se métamorphosent en serpents, qui, après avoir traversé l'orifice du cuir, dardent l'un vers l'autre leur langue venimeuse.
Mais notre femme que j'ai non sans pédanterie qualifiée de canéphore (portant un pot de fleur) est hybridée par le végétal, puisque sa tête est feuillagée, ses mains remplacées par les vrilles de quelque plante grimpante, et ses jambes escamotées au profit d'un calice.
Deux autres tiges produisent des cornes d'abondances aux fruits replets.
Vous pouvez voir en fin de mon article sur La Guerche-de-Bretagne comment les rinceaux de cette collégiale sculptés avant 1525, figuraient déjà sur les boiseries faites par Richard da Carpi pour la chapelle de Georges d'Amboise à Gaillon, et comment ils trouvaient eux-mêmes leur modèle de dessins italiens de Pietro da Birago gravés entre 1505 et 1507. Mais on les trouve aussi sur les pilastres des Loges de Raphaël par Giovanni da Udine.
Si je les examine en détail ici, c'est pour montrer ce goût de la varietas, de l'imagination féconde, du mélange des genres, de la métamorphose des formes, des courbes en volute, et de l'irrévérence envers la réalité. Qui nous échappent lorsque nous passons trop rapidement en nous laissant hypnotiser par la salamandre.
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Lambris (chêne ou noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
Lambris (chêne ou noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
Lambris (chêne ou noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
Lambris (chêne ou noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
Lambris (chêne ou noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
Lambris (chêne ou noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
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Deuxième travée, coté sud. Sous "L'unité de l'Etat" de Rosso Fiorentino. Sept panneaux.
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Le panneau central.
Armoiries royales dans un cuir déroulé, au dessus d'une fourche et d'un trident entrecroisés. Du coté gauche, un casque panaché et cornu est suspendu par des rubans. À droite , un casque, un bouclier, un croissant.
Deux panneaux au monogramme F
Deux panneaux à la salamandre.
Deux panneaux au monogramme F.
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Lambris (chêne ou noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
Lambris (chêne ou noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
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Troisième travée, au nord, sous "Les Jumeaux de Catane" de Rosso Fiorentino. Sept panneaux.
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Le panneau central. Armoiries royales dans un cuir déroulé. Deux torches entrecroisées auxquelles sont suspendus des trophées d'armes (carquois et jambières d'armure).
Deux panneaux au monogramme F
Deux panneaux à la salamandre avec rinceaux (infra)
Deux panneaux au monogramme F.
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Lambris (chêne ou noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
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Lambris (chêne ou noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
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Panneau à la salamandre.
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Au registre supérieur, l'inscription énonce la devise NVTRISCO ET EXTINGO, "je me nourris (du bon feu) et j'éteins (le mauvais)".
Les rinceaux, qui traversent les enroulements du cuir, sont picorés par quatre aigles.
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Lambris (chêne ou noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
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Panneau à la salamandre.
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Ici, nous retrouvons les aigles picorant, mais la tige des rinceaux est crachée par un masque vaguement humain, mais feuillagé.
Et il y a cette superbe métamorphose des feuilles des rinceaux en lions colletés : c'est sur leur tête que les aigles cavalièrement se posent.
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Lambris (chêne ou noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
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Autre exemple proche.
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Lambris (chêne ou noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
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Ailleurs. Armoiries royales et rinceaux.
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Et allons y ! Les têtes de lion et les têtes de bélier, le putto ailé et feuillagé, et le bucrane : ah, notre artiste connaît sa grammaire grotesque, et ne se gêne pas pour encadrer les fleurs de lys des Valois de ce monde déjanté !
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Lambris (chêne ou noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
Lambris (chêne ou noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
Lambris (chêne ou noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
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Cinquième travée, au nord, sous "La Vengeance de Nauplius" de Rosso Fiorentino. Sept panneaux.
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Le panneau central.
Armoiries royales dans un cuir déroulé. Deux torchères entrecroisées, auxquelles sont suspendues par des rubans du coté gauche, deux carquois, et du coté droit deux guêtres ou jambières sur des boucliers. (comme sur la 3ème travée).
Deux panneaux au monogramme F
Deux panneaux à la salamandre.
Deux panneaux au monogramme F.
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Lambris (chêne ou noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
Lambris (chêne ou noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
Lambris (chêne ou noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
Lambris (chêne ou noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
Lambris (chêne ou noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
Lambris (chêne ou noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
Lambris (chêne ou noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
Lambris (chêne ou noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
Lambris (chêne ou noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
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Cinquième travée, au sud, sous "La mort d'Adonis" de Rosso Fiorentino. Sept panneaux.
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Le panneau central.
Armoiries royales dans un cuir déroulé. Deux torchères entrecroisées, auxquelles sont suspendues par des rubans du coté gauche, deux carquois, et du coté droit deux guêtres ou jambières sur des boucliers. (comme sur la 3ème travée).
Deux panneaux au monogramme F
Deux panneaux à la salamandre.
Deux panneaux au monogramme F.
Lambris (chêne ou noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
Lambris ( noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
Lambris ( noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
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Sixième travée, au nord, sous "La mort d'Adonis" de Rosso Fiorentino. Sept panneaux.
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Le panneau central.
Armoiries royales dans un cuir déroulé. Deux torchères entrecroisées, auxquelles sont suspendues par des rubans du coté gauche, deux carquois, et du coté droit deux guêtres ou jambières sur des boucliers. (comme sur la 3ème et la 5ème travée).
Deux panneaux au monogramme F
Deux panneaux à la salamandre.
Deux panneaux au monogramme F.
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Lambris (noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
Lambris (noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
Lambris (noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
Lambris ( noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
Lambris ( noyer, Francesco Scibec de Capri, 1536-1537 et dorure), galerie François Ier, château de Fontainebleau. Photographie lavieb-aile 2019.
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CONCLUSION.
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Plusieurs décors ont été repris de façon répétitive. Cela s'explique-t-il par la copie de panneaux originaux lors des restaurations ?
Néanmoins, le décor des panneaux centraux avec leurs trophées et des panneaux aux salamandres avec leurs rinceaux organisés en deux colonnes verticales et trois registres, ou enfin la variété des cuirs à enroulement permet de se livrer à un travail d'iconographie comparative, à la recherche des sources ainsi que de l'influence d'un style qui portera désormais le qualificatif de "bellifontain".
On pourra comparer ces boiseries à celles, différentes, et en marqueterie, réalisées pour la chapelle du château d'Écouen (pour Anne de Montmorency, qui disposait d'un logis au château de Fontainebleau) et pour celle de La Bâtie d'Urfé.
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. ANNEXE. PIECES JUSTIFICATIVES PUBLIÉES PAR MAURICE ROY.
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SOURCES ET LIENS.
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Je n'ai pas trouvé de monographie consacrée à ces boiseries de la galerie François Ier, hormis l'article de Maurice Roy.
— AUCLAIR ( Valérie), 2007. L'invention décorative de la galerie François Ier au château de Fontainebleau. In: Seizième Siècle, N°3, 2007. pp. 9-35; doi : https://doi.org/10.3406/xvi.2007.917 https://www.persee.fr/doc/xvi_1774-4466_2007_num_3_1_917
"au début des comptes de 1541-1550, hors des parties extraordinaires, se trouve un paiement de menuiserie à « Francisque scibecq, dit de carpy, menuisier italien […] pour les ouvrages de lambris, de menuiserie, qu’il a faits de neuf pour le roy, […] en la grande salle haulte du grand pavillon près l’estang en sondit chasteau, au pourtour des murs sur l’aire du plancher du longs de laditte salle, […] le tout de bois de noyer et chesne, façon et ordonnance qu’il a esté advisé par le roy, ainsi qu’il est plus à plain contenu et déclaré au marché, de ce par lesdits commissaires, fait et passé cy devant avec ledit Francisque scibecq, le 25e febvrier 1541 [a. st.] » (p. 186-187). Ce marché du 25 février 1542 (n. st.) a été retrouvé et publié par Maurice Roy . il précise que les ouvrages de menuiserie devaient prendre place « depuis le rez de [chaussée] du plancher de lad. salle jusques à la haulteur des ouvraiges de paincture et stucq qui sont faits en icelle salle », autrement dit selon le système décoratif mis au point quelques années auparavant dans la chambre du roi et dans la galerie François-Ier . Comme dans cette dernière, les décors peints et de stuc avaient été exécutés avant les lambris (l’emploi du temps présent l’assure) et étaient donc terminés, ou en voie de l’être, en février 1542. les paiements qui s’y rapportent furent donc bien effectués au commencement de la décennie 1541-1550, et il est logique de les trouver en début de chronologie. si l’on en croit Vasari dans ses Vite , le décor de la salle haute des Poêles fut réalisé, ou tout au moins commencé, sous la direction du Rosso, décédé à Fontainebleau le 14 novembre 1540. les premiers paiements des comptes de 1541- 1550 doivent donc correspondre à l’achèvement des stucs et des peintures sous la direction de Primatice, qui rentra de Rome, où François Ier l’avait envoyé en mission, peu après la mort du Florentin ."
— ROY (Maurice), 1913, « la galerie de François Ier à Fontainebleau », Mémoires de la Société des antiquaires de France, t. lxxiii, 1913, p. 205-224.
Sans compter les sablières à cuirs chantournés et/ou grotesques du Maître de Plomodiern à Saint-Nic (1561-1566), Plomodiern (1564), à l'atelier du Cap-Sizun à Primelin, Pont-Croix (1544), Confort-Meilars, Esquibien ou de celle du Maître de Pleyben (1567-1576) à Pleyben, Kerjean, Plomodiern (Sainte-Marie du Menez-Hom), Bodilis, Saint-Divy, et peut-être Roscoff.
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PRÉSENTATION.
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Description générale
"Sur une longueur de 5 mètres entre les deux grosses piles de l’entrée du chœur, est placé un jubé en bois de chêne polychromé d’une ornementation abondante qui le date de la fin du XVIe siècle. Il se compose d’un soubassement de panneaux surmonté d’une claire-voie. Celle-ci sert d’appui à des montants verticaux ou obliques qui soutiennent la tribune à laquelle on accède par un escalier aménagé dans la pile sud." (G. Leclerc)
Soucieux de fournir aux amateurs une iconographie commentée de l'expression de l'art de la Renaissance, et de la pénétration des décors grotesques en Bretagne, je consacrerai à ce jubé breton trois articles :
— I. La tribune.
— II. La clôture de chœur.
—III. Les deux retables aux licornes : sainte Marguerite et sainte Anne éducatrice.
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Introduction lexicologique.
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Il faudrait distinguer le jubé (au sens strict : la tribune) et la clôture qu'il domine.
L'article Wikipédia incite à réserver le terme de chancel aux clôtures paléochrétiennes et médiévales, et à parler ensuite de clôture de chœur, pour désigner la même séparation entre le chœur réservé au clergé et la nef réunissant les fidèles.
Puisque ce jubé (au sens large ou métonymique) de La Roche-Maurice date de la Renaissance, j'ai donc, bête et discipliné, employé le terme de clôture de chœur pour le titre de cet article.
Mais la consultation du Trésor de la Langue Française à l'article "chancel" est néanmoins fructueux, puisqu'il indique que ce mot apparu dans notre langue dès 1130 est issu du latin cancellus "grille, treillis", du verbe cancello "disposer en treillis". Le chancel est une grille, ou une balustrade, donc une séparation à claire-voie, c'est là où je veux en venir. Mais puisque les treillis (cancellationis) servaient à délimiter les champs, on peut comprendre que l'idée de limite, de frontière ou de séparation est associée à l'idée d'entrecroisement en grillage.
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Accessoirement (mais c'est ma gourmandise), j'apprends que chanceler, c'est marcher avec les jambes qui tricotent en X comme les barres d'un grillage, et que le chancelier ou "préposé à la grille" était l'appariteur placé près de la barrière séparant le public de la cour de justice (Alain Rey). Incarcérer, c'est, je m'en rends compte maintenant, mettre quelqu'un (et de préférence quelqu'un d'autre que moi) "derrière les barreaux" (latin cancer, cancri). Si je vous disais que tout ce petit monde de mots provient de la racine indo-européenne °karkr-, °kankr- "objet fait de matériaux entrelacés" (Alain Rey), vous comprendriez que nous ne puissions pas ôter facilement à ce mot de chancel son image d'entrelacs.
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Tout cela pour dire que nous aurions tort d'imaginer les jubés comme des séparations étanches et pleines comme des portes derrière lesquels le public n'a aucun autre accès à ce qui se passe dans le chœur que les lectures et les chants que quelque clerc veut bien venir leur proposer du haut de la tribune. Au contraire, les fidèles participent pleinement à l'office, au déploiement de luxe de la paramentique, aux chants et psalmodies sacrées et aux parfums de l'encens. Pourvu qu'ils soient bien placés...
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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LA PARTIE SUPÉRIEURE EN CLAIRE-VOIE.
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Quatre colonnes de chaque coté laissent la place, au centre, à une porte dont la largeur incite à imaginer à deux vantaux.
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I. Le coté tourné vers la nef.
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Elle associe des motifs religieux (les figures de 4 saintes) ou laïc (un soldat) avec un vocabulaire typique de l'art grotesque, avec notamment cette hybridation des formes (humaines, angéliques, animales) par le végétal, et cette désinvolture vis à vis de la réalité.
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A. La colonnade du coté gauche.
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Entre deux hémi-colonnes, la colonnade de quatre fûts évasées et baguées aux chapiteaux pseudo-corinthiens sommés d'un fleuron soutient une architrave à deux registres. Le registre supérieur aligne trois frises de modillons en volutes (ou langocha), d'oves feuillagées et de perles. Le registre inférieur est celui des arcades en plein cintre, occupés de personnages.
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a) Dans ces arcades en plein-cintre formant niche, nous trouvons successivement de gauche à droite :
un masque ailé crachant un feuillage.
un masque ailé à barbe bifide crachant un feuillage.
Un masque barbu coiffé d'un linge noué
Une tête de mouton, feuillagée et crachant des feuillages
Un soldat en buste, coiffé d'un bonnet, la tunique plissée recouverte d'une cape, et désignant de l'index gauche l'épée ou glaive posée sur l'épaule droite.
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b) Dans les intervalles ou écoinçons :
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Un masque de profil
Un putto ailé à collerette de trois tiges de feuilles
Un putto ailé à bavette de feuilles
Une tête de bélier crachant trois tiges de feuilles
Un putto ailé à collerette de trois tiges de feuilles
Un masque de profil
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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B. La colonnade du coté droit.
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Nous retrouvons la colonnade de quatre colonnes évasées et baguées et leur chapiteau pseudo-corinthien sommé d'un fleuron.
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a) Dans les arcades en plein-cintre formant niche, nous trouvons quatre saintes déjà représentées sur le coté est de la tribune. Ce sont successivement de gauche à droite :
Sainte Marie-Madeleine et son pot d'aromates.
Sainte Marguerite et son crucifix.
Une sainte vierge et martyre.
Sainte Apolline.
Au centre, un masque crachant un feuillage.
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b) Dans les intervalles ou écoinçons :
Un masque de profil.
Un masque de putto ailé crachant des feuillages.
Un masque humain coiffé d'un linge noué.
Un masque anthropomorphe feuillagé.
Un masque de putto ailé à cuir et feuillage.
Un masque de profil.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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C. La frise au dessus de la porte.
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Là encore, les thèmes grotesques sont déclinés, avec ces rinceaux dont les tiges sont crachées par un mascaron au bonnet de linge noué (motif récurrent ici), ou par des masques de profil, lorsqu'ils ne proviennent pas des jambes d'un putto, tandis que leurs extrémités se transforment en gueules de dragons ou de poissons : toujours le même principe de mutation des formes.
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Note : on va retrouver le motif du mascaron au bandeau noué en mouchoir de ménagère à grands nœuds de rosettes et s'évasant derrière la nuque à plusieurs reprises sur cette clôture. Il importerait d'en trouver le modèle. Mon exploration des peintures romaines à la grotesque , des mascarons sculptés souvent plus tardifs (Bordeaux, Nantes, Paris, Strasbourg) ou des recueils de gravures diffusant l'art italien et bellifontain ne pouvait être exhaustive mais est resté vaine pour l'instant. À défaut, on notera qu'il apparaît à l'identique sur les sablières de Bodilis en 1574 (Sa Sb2 et Sb3, entrait E1), et sur celles de Notre-Dame de Berven à Plouzévédé, en 1579.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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II. Le coté tourné vers le chœur.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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A. La colonnade du coté gauche.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Le montant du coté gauche.
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Il est centré par un mascaron en haut relief d'une tête d'homme, moustachu, et coiffé du même bandeau noué, mais dont le voile forme ici une collerette.
Trois autres têtes ornaient les autres montants (la dernière est perdue). Elles rappellent celles du bénitier du trumeau du porche sud.
Le décor est de haut en bas :
un masque casqué crachant des dauphins
un couple de dauphins affrontés
des feuillages et fruits
un putto ailé crachant des volutes de feuillages
un cuir découpé à enroulement
Des feuillages.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Les 5 personnages des arcades de la claire-voie.
Il manque la partie inférieure, dont la présence est attestée par un trou de fixation d'une cheville à leur partie basse.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Saint Yves coiffé de la barrette de docteur (en théologie) faisant le geste de l'argumentation juridique.
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Le patron de l'église débute cette série.
Sur ce geste où la pulpe de l'index vient sur celle du pouce, voir parmi de nombreux exemples dans ce blog celui de Saint-Sébastien de Saint-Ségal :
Il est encadré d'un masque feuillagé de profil et d'un oiseau.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Putto ailé et feuillage.
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À sa droite, un cheval feuillagé.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Moine tenant un livre ouvert.
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À sa droite, un aigle.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Saint Pierre tenant sa clef.
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À sa droite, un cheval feuillagé.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Saint Paul tenant un livre et une épée.
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À sa droite, un masque de profil, feuillagé.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Le montant gauche de la porte.
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Il comporte un masque grimaçant et feuillagé en moyen relief, un cuir découpé à enroulement noué à un ruban, un masque animal, un masque anthropomorphe feuillagé crachant des tiges et des dauphins.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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La frise au dessus de la porte.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Un putto nu et ailé tient les extrémités en tête de serpent des rinceaux. Son ventre et ses jambes sont remplacées par des feuillages, sources des rinceaux. dilatés en trompes, qui se métamorphosent en dragons.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Le masque coiffé d'un bandeau noué crache des rinceaux qui, là encore, se transforment en serpents ou en masques de profil.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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B. La colonnade du coté droit.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Le montant de gauche.
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Il est orné d'une très belle tête féminine en haut relief.
Le décor est :
une tête de putto ailé crachant des feuillages
des feuillages en volutes affrontés
Le masque féminin à bandeau noué et voile
Un cuir découpé à enroulement
Des feuillages et fruits.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Les 5 personnages des arcades de la claire-voie.
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Ce sont les mêmes figures que celles sculptées au verso, et visibles du coté ouest.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Un soldat casqué montre du doigt l'épée qu'il tient contre son épaule gauche.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Une tête de mouton, feuillagée et crachant des feuillages
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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4. Un masque barbu coiffé d'un linge noué.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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5. un masque grimaçant ailé crachant un feuillage.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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un masque ailé crachant un feuillage.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Le montant de droite.
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La figure centrale, fixée par tenon et mortaise, est perdue.
De haut en bas :
Un masque feuillagé coiffé de palmettes et crachant des volutes feuillagées
Un putto nu et feuillagé, coiffé de palmes, aux pattes de bouc, et libérant par l'anus une tige verte
le cadre à volutes du haut relief manquant
Un masque de putto ailé crachant des tiges et des volutes portant des fruits
Un cuir découpé à enroulement,
des feuillages.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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C. La frise au dessus de la porte.
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Elle reprend les mêmes motifs qu'à son avers visible du coté ouest.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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LA PARTIE INFÉRIEURE DE LA CLÔTURE.
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La partie inférieure de la clôture, coté de la nef.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Le personnage du montant de gauche : Un femme jouant du violon.
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Par le couple qu'elle forme avec le personnage d'allure christique de droite, nous pourrions penser à Marie-Madeleine, mais ses cheveux sont bruns, et, surtout, elle tient un objet contourné qui n'est pas un flacon d'aromates, mais bien plus probablement un violon.
Ses jambes et ses pieds sont nus, et croisés comme lors d'une danse.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Les 3 panneaux de grotesques de la partie gauche.
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Ils s'organisent, comme les dorsaux des stalles de La Guerche datant vers 1518-1525, , ou comme les boiseries de la clôture de chœur de Gaillon datant de 1509 (ou comme les panneaux ornementaux attribués à Giovanni Pietro da Birago, gravés en 1505-1515), mais au lieu de s'organiser en volutes de rinceaux affrontés en deux parties symétriques verticalement, ils construisent leurs trois registres autour de figures centrales.
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Premier panneau.
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Masque ailé feuillagé dont les rinceaux se terminent par des masques feuillagés de profil et se regardant
Deux volutes affrontés s'achevant pas des masques feuillagés barbus de profil
Tête de putto ailé dans des volutes réunis au centre par une bague.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Deuxième panneau.
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Masque feuillagé cornu et barbu orné de tiges à épillets et crachant des rinceaux. La tige centrale se noue comme un ruban et suspend le motif suivant
Cuir découpé à enroulement, portant en son centre un visage, et sur ses cotés des épillets
Guirlandes de légumes (cucurbites) ou de fruits.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Troisième panneau.
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Masque de putto ailé d'où partent des rinceaux en volutes dont deux s'achèvent en gueules de dragon. Ce masque crache un ruban vert
À ce ruban est suspendu un cuir découpé à enroulement,portant en son centre un visage, et sur ses cotés des épillets
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Le personnage en haut relief du montant : Le Christ ressuscité ??
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Son torse nu et son manteau rouge plaide pour l'hypothèse christique. Au contraire, son chapeau à plumet jaune, la position de sa main (qui ne désigne pas une plaie du flanc droit, mais le milieu de la poitrine), ou ses jambes entrecroisées dans une figure de danse, ne plaident pas pour cette piste.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Les 3 panneaux de grotesques de la partie droite.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Montant de gauche : lion traversant un rouleau orné d'une tête grimaçante.
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Ce motif se retrouve aussi sur les montants de la tribune.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Premier panneau.
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Masque d'homme moustachu, feuillagé et ailé
Rinceaux en volutes produisant des fruits, ou se terminant par une gueule animale.
Cuir découpé à enroulement,portant en son centre un visage
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Deuxième panneau.
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Masque d'homme ailé au visage se déformant en cuir à enroulement.
Rinceaux en volutes produisant des fruits, ouun visage de putto au centre, ou se terminant par des têtes de béliers.
Rinceaux en volutes à feuillages et épillets, ou à masques anthropomorphes de profil.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Troisième panneau.
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Masque de putto entouré de feuillages.
Rinceaux en volutes produisant des fruits ou légumes autour d'un cuir à enroulement, et s'achevant par deux têtes de dragons affrontés.
Femme nue sur une jupe de feuillage, tenant les tiges des rinceaux qui s 'achèvent en bas par des têtes animales.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Montant de droite.
Terme féminin à la tête de satyre, sans bras, sur un pilier recouvert de feuillages, comme les termes des montants de la tribune.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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La partie inférieure de la clôture, coté chœur.
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Les 3 panneaux de grotesques de la partie gauche.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Montant de gauche.
Cuir découpé et feuillages.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Premier panneau.
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Masque grimaçant, en bandeau noué et voile en collerette plissé.
Rinceaux en volutes s'achevant par des masques de profil
Cuir découpé à enroulement, frappé de clous, portant en son centre un visage grimaçant et feuillagé.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Deuxième panneau.
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Masque masculin grimaçant, feuillagé, entouré de deux masques de profil au bout de rinceaux.
Cuir découpé à enroulement, orné d'un masque et traversé de feuillages.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Troisième panneau.
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Masque de lion ou de mouton crachant des rinceaux, s'achevant en masques anthropomorphes de profils.
Femme nue, coiffée du bandeau noué à voilettes, et dont le bas du corps est remplacé par des feuillages. Elle tient les tiges des rinceaux produisant des légumes.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Montant de droite.
Masque de lion crachant des rinceaux
Cuir découpé à enroulement et feuillages.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Les 3 panneaux de grotesques de la partie de droite.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Montant de gauche.
Masque d'animal cornu crachant des rinceaux s'achevant en tête de serpents.
Tige et feuillage traversant une tunique et jupe.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Premier panneau.
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Masque anthropomorphe coiffé de palmettes sur un bandeau noué de chaque coté.
Rinceaux s'achevant par des têtes de serpents.
Rinceaux produisant des rosettes.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Deuxième panneau.
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Masque d'homme barbu, feuillagé, coiffé du bandeau noué, entouré de feuilles.
Il crache une tige se divisant en rinceaux de fruits et de légumes, et de rinceaux s'achevant en tête d'oiseaux feuillagés.
Cuir découpé à enroulement, centré par une tête d'enfant, ailée.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Troisième panneau.
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Masque d'homme à barbe bifide , au bandeau noué à voile derrière la nuque, entouré de feuilles.
Il crache une tige se divisant en rinceaux s'achevant en tête de serpents, et de rinceaux s'achevant en tête d'oiseaux feuillagés.
Cuir découpé à enroulement, centré par une tête d'enfant.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Montant de gauche.
Masque anthropoïde ou léonin, feuillagé, crachant des rinceaux
Rinceaux s'achevant par des masques de profils.
Feuillages.
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Clôture de chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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CONCLUSION.
Le jubé de La Roche-Maurice et sa clôture de chœur nous offrent un superbe exemple de la pénétration en Bretagne, à une date hélas imprécise vers le milieu ou la fin du XVIe siècle, de l'art à la grotesque.
Ces décors révélés à la fin du XVe siècle aux artistes italiens par la découverte des anciens palais de Néron (1er siècle) et peints par Raphaël ou Giovanni da Udine pour la Loggetta et les Loges du Vatican (1519) avaient fait leur apparition en Bretagne, en bas-reliefs, sur le tombeau de Thomas James à Dol-de-Bretagne vers 1508, puis sur les stalles de La Guerche de Bretagne vers 1518-1525. Ce nouveau décor se caractérise par son attrait pour les métamorphoses, par son indépendance vis à vis de la réalité, par son obsession des courbes, en volutes notamment, par son monde en deux dimensions, et par l'absence de toute référence au religieux.
Ici, à La Roche-Maurice, nous le voyons côtoyer les figures de saints et saintes et le regard passe du coq à l'âne, de l'hagiographie médiévale aux trivialités fantasques, sans aucune séparation entre les genres.
Les masques feuillagés témoignent de cette confusion entre les formes qui se contaminent entre elles.
Les mascarons appartiennent à ce vocabulaire. J'ai souligné l'intérêt, comme indice iconographique, de la figure (masculine ou féminine) à bandeau noué en rosette et voile plissé. Elle est très largement employée ici, et se retrouve sur le charpente de Bodilis.
Les termes (atlantes, cariatides) avaient été diffusés, toujours par reprise de l'art des antiquités romaines, par les recueils d'architecture de Sébastien Serlio en 1537. Ils sont repris ici, tant sur la tribune que sur la clôture, dans leur rôle de marquage d'une transition et d'un seuil, bien avant d'apparaître sur l'ossuaire de La Martyre.
Quant aux cuirs découpés à enroulement, ils ont été développés par l'École de Fontainebleau, notamment sur les boiseries de la galerie François Ier réalisés en 1535 par Francesco Scibec de Carpi. Les panneaux de la clôture en montrent des exemples achevés, mais puisque sa date est imprécise, nous ne pouvons savoir si ils précèdent ceux de l'architecture du château de Kerjean (29) et de la charpente de sa chapelle, sculptés vers 1570.
Nous noterons néanmoins l'absence de médaillons.
Ainsi, de multiples liens peuvent être tracés entre ce décor et celui des autres bâtiments Renaissance, soit pour en souligner la similitude et les rapports, soit pour déterminer peut-être quelques traits spécifiquement locaux. C'est le rôle des liens proposés, au début, vers mes autres articles.
Il est par exemple intéressant de reprendre, après cette visite, celle du jubé de la chapelle Saint-Nicolas en Priziac peint en 1580.
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SOURCES ET LIENS.
— APEVE
http://www.apeve.net/spip/spip.php?article234
—CASTEL (Yves-Pascal) / CAOUISSIN (Eflamm) /DIOCÈSE DE QUIMPER, 2 décembre 2014, YOUTUBE
—COUFFON (René), LE BARS (Alfred), 1988, Diocèse de Quimper et Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper, Association diocésaine. - 551 p.: ill.; 28 cm. ISBN 978-2-950330-90-1.
"Jubé de Priziac, achevé en 1580. [...] À La Roche-Maurice, dernière étape : la tribune n'est plus sur voûte, mais sur plafond à caissons décorés d'entrelacs en « cuirs » avec des toupies pendantes ; de monstrueuses consoles animales, accroupies, soutiennent ce plafond."
"Sur une longueur de 5 mètres entre les deux grosses piles de l’entrée du chœur, est placé un jubé en bois de chêne polychromé d’une ornementation abondante qui le date de la fin du XVIe siècle. Il se compose d’un soubassement de panneaux surmonté d’une claire-voie. Celle-ci sert d’appui à des montants verticaux ou obliques qui soutiennent la tribune à laquelle on accède par un escalier aménagé dans la pile sud.
Sur les six panneaux du soubassement de 66 sur 32 centimètres chacun, figurent, en bas-relief, sur les deux faces, des grotesques constituées de visages coiffés de plumes ou de turbans noués sur les côtés, de ces visages partent des rinceaux se terminant par des têtes humaines ou animales. La partie inférieure des panneaux est décorée de cuirs enveloppant un masque.
La claire-voie est composée de colonnettes tournées présentant un triple étage de formes et terminées par des chapiteaux corinthiens. Aux extrémités des claires-voies les montants sont décorés d’une succession de masques ou de personnages soutenant des chutes de feuillages. L’entablement au-dessus de la claire-voie présente d’abord une série d’arcatures encadrant des bustes en relief de saints personnages ou autres. Au-dessus de la porte, aujourd’hui disparue, deux grotesques évidées montrent un personnage ailé jaillissant de rinceaux qui se terminent en têtes de dauphins. Au-dessus de la frise, des palmettes sont surmontées de gouttes et de volutes. Les montants perpendiculaires ou obliques qui soutiennent la tribune sont décorés de cariatides humaines ou animales à l’aspect menaçant. Tout ce décor abondant et extrêmement varié appartient à la tradition maniériste de la seconde Renaissance. Ici, la dévotion semble faire bon ménage avec des représentations humaines caricaturées et dénudées. Rien ne permet de dire à qui revient l’initiative d’un tel décor entre le commanditaire ou l’artiste. Le sculpteur disposait de gravures diffusées en grand nombre par les ornemanistes du XVIe siècle. Des inscriptions qui figuraient sur des écriteaux tenus par des cariatides ont été buchées. Au milieu de tous ces personnages caricaturés apparaît, sur un montant de l’entrée, le buste d’une jeune femme sculptée en haut-relief : apparition surprenante dans ce monde de sculptures en délire.
La tribune offre un décor moins burlesque plus propre à accueillir sur sa face du côté de la nef, la théorie incomplète des Apôtres sculptés en haut-relief dans des niches en trompe l’œil surmontées de dais à fuseaux. Sur l’autre face, du côté du chœur, on a les représentations en bas-relief de saints personnages en compagnie du Christ ressuscité.
Le dessous de la tribune est constitué d’un plafond à caissons décorés de motifs géométriques et de pendentifs. Du côté de la nef, la tribune sert de poutre de gloire pour une crucifixion encadrée de la Vierge et saint Jean."
— LE GUENNEC (Louis), Le Finistère monumental, page 501.
"Le jubé de la Roche est une des plus belles œuvres en chêne sculpté que nous ait légué le XVIe siècle. Le soubassement plein est surmonté d'une clairevoie à barreaux fuselés, entremêlés de colonnettes formant pendentifs d'un très heureux effet.
Au-dessus règne une plate-forme dont le plafond divisé en caissons, a pour supports d'élégantes consoles ornées de figures fantastiques. Les deux façades de la galerie, où on monte par un escalier ménagé dans le pilier, à l'entrée du chœur du côté de l'Épître, sont richement décorés de panneaux avec personnages. Du côté de la nef sont neuf Apôtres et trois papes. La façade du côté chœur contient les statues suivantes : saint Pol Aurélien - évêque bénissant - saint Christophe - saint Michel terrassant le dragon - sainte Marguerite - Christ de Résurrection - sainte Marie Magdeleine - sainte Barbe - sainte Appoline - saint Antoine, ermite - sainte Geneviève - autre sainte Marguerite. Un grand Christ en croix domine le jubé ; à sa droite, la Vierge, à sa gauche, saint Jean. Les statues de ce groupe sont presque de grandeur naturelle"
— TASSIN (Raphaël), 2018, "Le frontispice du Quarto libro de Sebastiano Serlio et sa fortune durant l’époque moderne" in Construire avec le corps humain. Bauen mit dem menschlichen Körper, dir. S. Frommel, E. Leuschner, V. Droguet, T. Kirchner, collab. R. Tassin et C. Castelletti, Rome/Paris, Campisano/Picard, 2018, vol.1, p. 239-253.
Sans compter les sablières à cuirs chantournés et/ou grotesques du Maître de Plomodiern à Saint-Nic (1561-1566), Plomodiern (1564), à l'atelier du Cap-Sizun à Primelin, Pont-Croix (1544), Confort-Meilars, Esquibien ou de celle du Maître de Pleyben (1567-1576) à Pleyben, Kerjean, Plomodiern (Sainte-Marie du Menez-Hom), Bodilis, Saint-Divy, et peut-être Roscoff.
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PRÉSENTATION.
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Description générale
"Sur une longueur de 5 mètres entre les deux grosses piles de l’entrée du chœur, est placé un jubé en bois de chêne polychromé d’une ornementation abondante qui le date de la fin du XVIe siècle. Il se compose d’un soubassement de panneaux surmonté d’une claire-voie. Celle-ci sert d’appui à des montants verticaux ou obliques qui soutiennent la tribune à laquelle on accède par un escalier aménagé dans la pile sud." (G. Leclerc)
Soucieux de fournir aux amateurs une iconographie commentée de l'expression de l'art de la Renaissance, je consacrerai à ce jubé breton trois articles :
— La tribune.
— La clôture ou chancel.
—Les deux retables aux licornes : sainte Marguerite et sainte Anne éducatrice.
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Datation
-vers 1540, si on se réfère à la verrière, selon Yves-Pascal Castel (vidéo)
-vers 1550 (M. Jules)
-vers 1560-1570, SPREV
- 1570-1580, "Petit Patrimoine"
-"fin XVIe siècle" ... "Seconde Renaissance" Guy Leclerc.
Je rappelle que le portail sud date du milieu du XVIe siècle, que la maîtresse-vitre date de 1539, et que les sablières datent de 1552 (bas-côté sud), 1559 (nef et chœur) et 1561 (bas-côté nord).
Il est amusant ou intriguant de constater que, si on adopte une datation postérieure à 1560, celle-ci correspond à la fin du concile de Trente (1545-1563), par lequel il fut demandé aux paroisses de dégager le lieu de la célébration liturgique en enlevant les jubés, précisément installés pour fermer le chœur et isoler le célébrant et les membres du clergé des fidèles tout en permettant à ceux-ci d'entendre la lecture des textes liturgiques et les chants donnés depuis la tribune. Après ce Concile de Trente, les jubés ont été démontés et remplacés par des chaires à prêcher. Pourquoi celui-ci fit exception ?
La datation n'est pas accessoire, notamment en histoire de l'art pour suivre la pénétration du style des décors Renaissance (grotesques et cuirs à enroulements) en Bretagne. La pose du jubé suppose que la toiture du chœur soit achevée, soit entre 1539 (vitrail) et 1561 (sablières). On peut s'appuyer sur la date de la diffusion des gravures de modèles de termes et cariatides par Serlio (1537) ou Androuet du Cerceau (1546-1560) et autres diffuseurs du style italien puis bellifontain. Plus on adopte une date tardive, plus cette réalisation devient contraire aux consignes du Concile de Trente, achevé en 1564, sur le passage de chœurs clos, médiévaux, aux chœurs ouverts permettant une intégration des laïcs au culte, son accès à la Présence Réelle du Saint-Sacrement présenté sur l'autel dans le tabernacle, et son accès à la prédication désormais délivrée depuis des chaires. Mais c'est un vieux et complexe débat que celui de l'application de ces consignes, même si force est de constater que la Bretagne n'a conservé qu'une vingtaine de ses jubés et clôtures de chœur.
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Restauration.
Le jubé a été restauré en 1968 par l'atelier Hémery de Paris, M. Auzas étant inspecteur des Monuments historiques (A. Croguennec).
La restauration de la charpente de l'église et de sa polychromie a eu lieu en 2014-2017 par les entreprises Le Ber et Arthema sous la supervision de Marie-Suzanne de Ponthaud.
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Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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LA TRIBUNE COTÉ NEF ET LES 12 PANNEAUX.
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Douze niches accueillent des personnages. Les architectures en plein cintre sur des pilastres vus en perspective sont surmontées de dais polygonaux à fuseaux encadrés par des volutes.
Ces niches séparées par des fuseaux sont bordées en haut et en bas par des moulures à perles, rais de cœur, oves et denticules.
Elles accueillent des personnages sculptés en haut-relief.
On trouve du coté ouest 9 apôtres qui sont barbus, pieds nus et qui tiennent un livre (les Actes des Apôtres). Ils portent tous un manteau, ouvert sur une tunique soit bouffant au dessus d'une ceinture, soit boutonnée. Il manque à la série des 12 apôtres saint Pierre, saint Jean et saint Barthélémy. Par contre, Dieu le Père est représenté trois fois, en pape, sans sembler remplacer les absents L'un de ces "papes" vaut-il pour saint Pierre (cet façon de faire n'étant pas attesté en Finistère dans ces séries apostoliques) ?
Enfin, la séquence des apôtres ne suit pas l'ordre habituel, hiérarchisé par le Credo apostolique.
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Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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1. L'Apôtre Philippe et sa croix à longue hampe.
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2. Dieu le Père coiffé de la tiare, bénissant, assis sur une cathèdre. [ou pour la majorité des auteurs : un pape]
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3. L'Apôtre André avec sa croix en X.
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Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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4. L'Apôtre Thomas et son équerre.
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5. L'Apôtre Matthias et sa lance (ou hallebarde) (ou Jude Thaddée) .
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6. L'Apôtre Matthieu et sa balance de collecteur d'impôt.
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Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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7. Dieu-le-Père coiffé de la tiare, bénissant, assis sur une cathèdre. [ou pour la majorité des auteurs : un pape].
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8. L'Apôtre Jacques le Mineur et son bâton de foulon.
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9. L'Apôtre Jules Thaddée (ou Matthias) et sa lance.
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Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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10. Dieu-le-Père coiffé de la tiare, bénissant, assis sur une cathèdre.[ou pour la majorité des auteurs : un pape].
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11. L'Apôtre Simon et sa scie.
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12. L'Apôtre Jacques le Majeur, son chapeau de pèlerin, son bourdon, son baudrier à coquilles et sa besace.
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LA TRIBUNE COTÉ CHOEUR ET LES 12 PANNEAUX.
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Les 12 panneaux sont séparés, comme à l'ouest, par des fuseaux et encadrés en haut et en bas par des moulures à oves, denticules et perles, mais on ne retrouve ni les dais, ni les niches en perspective, et les personnages sont sculptés en bas-relief dans un cadre rectangulaire. Le décor de ce cadre diffère pour chaque panneau, et énumère le vocabulaire des ornemanistes de l'époque. Seul les deux premiers panneaux reprennent, la niche en plein cintre et en perspective.
Les saints et saintes qui entourent le Christ de la Résurrection sont ceux qui figurent, dans les Livres d'Heures, aux Suffrages. Nous avons la liste presque complète des saintes vénérées dans ceux-ci (avec sainte Ursule et sainte Hélène).
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Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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1. Saint Pol-Aurélien, patron et fondateur de l'évêché du Léon, en évêque tenant le dragon par son étole.
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On sait que Pol Aurélien débarrassa l'île de Batz, en face de Roscoff, du dragon qui la dévastait en passant son étole autour de son cou.
Il porte la mitre (avec ses fanons) et tient la crosse propre à sa dignité. Il est vêtu sous la chape vermillon d'un surplis blanc au dessus de la tunique talaire violette. Le dragon ailé tire sa langue rouge, mais il est asservi par la pointe de la hampe. Les pilastres de la niche sont remplacés par un décor de rinceaux et de volutes, qui est propre à l'art des grotesques.
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Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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2. Un autre évêque, sans attribut distinctif, debout sur une tête d'angelot.
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La niche associe une voûte en plein cintre (au décor de tresse) et deux pilastres cannelés.
L'évêque n'est pas nimbé (mais saint Pol-Aurélien non plus).
Seules les couleurs de son habillement change, avec une tunique rouge et une chape verte. Mais les gants (ou chirothèques) et les chaussures liturgiques (ou "sandales" épiscopales) restent de couleur violette, car tous les deux accordés à celle du temps liturgique, ici celui de l'Avent ou du Carême. Même la mitre ou du moins les fanons sont accordés ! Mais j'ignore si les couleurs sont d'origine, ou bien relèvent d'une restauration.
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On peut hésiter entre saint Corentin, patron fondateur de l'évêché de Quimper (alors distinct, et jusqu'en 1790, de celui de Saint-Pol-de-Léon), et, mais cela me semble moins vraisemblable, Claude de Rohan fils cadet du seigneur de la Roche-Maurice et évêque de Quimper.
Des quantités de saints évêques sont honorés dans le Léon (et figurent par exemple sur les bannières paroissiales) et sont dépourvus d'attributs permettant leur identification lorsque leur nom n'est pas spécifié.
Nous ne pouvons exclure non plus saint Nicolas.
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Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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3. Saint Christophe portant Jésus enfant en Salvator mundi.
Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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4. Saint Michel terrassant le dragon.
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L'archange est en armure sous la cape rouge d'officier, comme chef de la milice céleste, et darde la pointe de la hampe de la croix dans la gueule du dragon. Le bouclier est en forme de masque anthropomorphe feuillagé.
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Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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5. Sainte Marie-Madeleine tenant le flacon d'aromates.
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Elle occupe la place de choix qui est la sienne, à droite du Ressuscité, qu'elle fut la première à rencontrer devant le tombeau ouvert et vide : c'est la scène du Noli me tangere, dans laquelle Jésus a pris l'apparence d'un jardinier.
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Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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6. Le Christ ressuscité.
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Il occupe la place centrale devant l'autel.
Il est figuré victorieux de la Mort puisqu'il tient la croix de cette victoire ainsi que le manteau rouge écarlate, mais son corps nu sous le pagne met en évidence la plaie de son flanc droit. L'importance donnée à cette plaie plus encore qu'à celles des mains et des pieds a été commentée dans mon article sur la dévotion des plaies du Christ à la cour ducale de Bretagne. C'est elle seule qui justifie que le Christ tienne la lance de Longin.
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Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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7. Sainte Catherine d'Alexandrie.
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Nous l'identifions par sa couronne, son livre et son épée.
La couronne est celle de la noblesse de sa naissance, car elle elle est la fille du roi Costus (Légende dorée) mais se rapporte surtout à son prénom qui provient du mot syriaque céthar "couronne", car, selon saint Jérôme, elle a remporté la triple couronne de la virginité, de la science et du martyr.
Le livre témoigne du fait que, instruite dès son enfance des arts libéraux, ce puits de science et de sagesse tint tête par son éloquence à l'empereur Maxence, et à plus de cinquante grammairiens et rhéteurs d'Alexandrie.
L'épée est celle de sa décollation, pour avoir résisté au supplice de la roue armée de lames, à la prison et au jeun, et tant irrité l'empereur par son entêtement à s'opposer au culte des idoles et à refuser les honneurs qu'il lui proposait en échange.
L'iconographie complète ces attributs par la roue dentée, absente ici, et par la tête couronnée placée sous ses pieds. Il faut donc penser que la tête coiffée de linge blanc et portant une fraise puisse correspondre à celle de l'empereur, ou du roi Costus, ou des savants d'Alexandrie. Mais il s'agit plutôt d'un ornement semblable à ceux des autres compartiments.
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Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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8. Sainte Barbe tenant la palme du martyre, le livre de sa science théologique, avec derrière elle la tour aux trois ouvertures de sa réclusion, et de sa foi en la Trinité.
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Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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9. Sainte Apolline, son livre, et les tenailles avec lesquelles le bourreau arracha toutes ses dents.
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Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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10. Saint Antoine avec son livre, sa canne en tau et son chapelet.
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Ce saint n'est pas toujours identifié, alors que ses attributs sont nombreux : outre la canne en tau et le chapelet à gros grains, nous trouvons le livre de la règle de l'ordre hospitalier des Antonins, qu'il fonda, l'habit monastique de cet ordre, avec pèlerine , capuche et ceinture (sans le tau). Il manque la clochette et le cochon.
Sous ses pieds est repris l'ornement d'un masque à coiffe blanche nouée.
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Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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11. Sainte Geneviève de Paris, et le conflit de l'ange et du démon autour du cierge de la Foi.
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Sainte Geneviève de Paris (en latin Genovefa), vierge du VIe siècle, patronne de Paris et du diocèse de Nanterre, est représentée en religieuse et tenant un cierge. Elle fait l'objet d'un culte particulier à Loqueffret, à Lannédern et à Brennilis, ainsi qu'à Saint-Herbot, car on la considère comme une sainte bretonne, sœur de saint Edern, et fondatrice du monastère de Loqueffret. Bien que certains estiment que cette Genovefa bretonne n'est qu'une homonyme de la sainte parisienne, les statues et bas-reliefs la montrent portant les mêmes attributs et relevant du même légendaire que cette dernière.
Elle tient le cierge de la Foi, dont la flamme résiste miraculeusement aux tentatives d'un diable qui tente de l'éteindre avec un soufflet tandis qu'un ange le rallume. Ce motif se retrouve presque constamment associé à la représentation de la sainte (*), mais il est complété ici du détail de l'ange frappant le diable avec un bâton (un goupillon sans doute).
(*) Voir la discussion et l'iconographie de la sainte dans mon article sur la niche à volets de l'église de Brennilis avec la photo de sainte de l'église de Saint-Suliau à Sizun.
La sainte est représentée entre deux colonnes engagées cannelées à chapiteaux de feuillage presque corinthien. Un nouvel indice de l'influence de la Renaissance et de son goût pour l'antique.
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Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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12. Sainte Marguerite d'Antioche issant du dragon, crucifix à la main.
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La sainte, emprisonnée pour sa foi et son attachement à la virginité face aux avances du préfet Olybrius, demanda au Christ de voir le diable de visu. Un dragon lui apparut, et la dévora, mais elle en fut victorieuse en se taillant une issue hors du ventre de la bête grâce à son crucifix. Elle est donc vénérée par les femmes enceintes pour les protéger des dangers de la délivrance. L'artiste n'oublie pas de montrer l'extrémité de la robe rouge qui est encore dans la gueule du dragon ailé tandis que sa victime lui échappe déjà.
L'encadrement est une tresse simple, le fond des feuilles d'acanthe.
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Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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LES ANGES DU COTÉ CHOEUR.
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Sous la moulure à godrons et tresse, huit anges volent, le corps et les jambes horizontales. Sept tiennent les instruments de la Passion, et un seul près du pilier sud tient un phylactère.
Ils sont réunis par une frise de rinceaux où des mascarons crachent des rubans.
je les décris de gauche à droite.
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1. Ange tenant la Colonne (de la Flagellation).
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Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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2. Ange tenant deux fouets.
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Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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3. Ange tenant la couronne d'épines.
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Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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4. Ange tenant la croix.
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Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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5. Ange tenant un outil ?
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Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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6. Ange tenant un clou (et jadis un marteau en main droite ?)
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Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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7. Ange tenant les verges de la Flagellation.
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Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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8. Ange tenant un phylactère.
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Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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LE PLANCHER DE LA TRIBUNE (OU PLAFOND DU JUBÉ).
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En 1924, Victor-Henri Debidour a décrit le jubé de La Roche-Maurice comme une dernière évolution des jubés bretons, après celui de Priziac en 1580. Il utilisa, pour désigner les pendentifs en boule du plafond, le terme technique de "toupies", qui a été repris ensuite par tous les auteurs :
"À La Roche-Maurice, dernière étape : la tribune n'est plus sur voûte, mais sur plafond à caissons décorés d'entrelacs en « cuirs » avec des toupies pendantes (*) ; de monstrueuses consoles animales, accroupies, soutiennent ce plafond."
(*)"toupies" : on décrit sur les solives des plafonds à la française "des tournettes ou toupies, sortes de petits cul-de-lampe ou pendentifs de bois tourné reproduisant l'effet des anciennes chevilles saillantes de l'art du charpentier".
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Mais on s'arrêtera plutôt sur les 40 caissons, multipliant les décors géométriques (animés parfois de personnages) autour du motif du cuir chantourné à enroulement, introduit en France sous forme de cartouches par la construction de la Galerie François Ier à Fontainebleau en 1530, et sans tarder en Bretagne sur les stalles de la collégiale de Chapeaux (ca 1530-1550), avant de les voir repris au château de Kerjean vers 1570. Ils ont été largement diffusés par la gravure par Androuet du Cerceau dans sa suite des Cartouches dits parfois « Grands cartouches de Fontainebleau » publiés entre 1548 et 1549 et la suite des « Compartiments de Fontainebleau » dite « Petits cartouches de Fontainebleau » entre 1545 et 1547. Ou par René Boyvin à Angers, par Jacques et Cornelis Floris à Anvers.
Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Du coté chœur :
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Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Quatre fous en ronde tiennent dans des cuirs un motif circulaire tressé.
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Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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LES 14 MONTANTS VERTICAUX AUX TERMES ET ANIMAUX.
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Les 7 montants verticaux du coté ouest aux atlantes et cariatides anthropomorphes ou animaux .
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Ils sont complétés par 7 autres figures analogues du coté est.
Ces "termes" (du nom de dieu Terminus et de celui des bornes qui, équivalents des piliers hermaïques, limitaient les territoires dans l'antiquité latine) masculins et féminins, sont placés en toute logique au dessus de la clôture limitant la nef du chœur. C'est en vertu de la même logique que Sébastien Serlio les plaça en encadrement de la porte du frontispice de sa Règle générale d'architecture (Regole generali , Venise, 1537) introduisant ainsi ce motif en architecture puis en ornement de la Renaissance. Le remplacement des jambes par un pilier, propre à leur fonction de bornage, et une métaphore de la stabilité d'un dieu Terminus, qui ne bouge pas.
Certains de ces termes, coiffés de pots de fleurs et certains ayant les pieds posés sur des masques, sont à comparer aux 12 planches gravées Termes et cariatides(3 figures par planches) d'Androuet du Cerceau, datant de 1546-1560. Mais on notera qu'ils disposent tous de leurs bras (ou dans un cas de tronçons en volutes)
On songera aussi aux trois termes gainés (dont 2 cariatides) sculptés en 1619 sur le fronton et à l'angle sud-ouest de l'ossuaire de La Martyre, à quelques kilomètres de là.
"Le goût de ces motifs se révèle chez Androuet du Cerceau dès 1549, avec les XXV exempla arcuum. Peu représentés dans la trattatistica italienne (Serlio n’en use que pour les cheminées), ils connurent une fortune certaine en France, comme en témoignent les ouvrages d’Hugues Sambin (Œuvre de la diversité des termes, Lyon, 1572) puis de Joseph Boillot (Nouveaux portraits et figures de termes, Langres, 1592) et dans l’ensemble de l’Europe du Nord, Flandres, Allemagne et Angleterre. "(Yves Pauwels, Cesr, Tours, – 2009)
Leur piètement est souvent un tronc de pyramide cannelé, parfois nappé partiellement (comme chez Serlio) d'une feuille.
Deux d'entre ces figures sont en réalité des animaux, un lion et un bélier, dotés de leurs pattes. Ils tiennent curieusement, et pour une raison qui m'échappent un carré de bois devant leur bassin.
Voir :
—SAMBIN ( Hugues), (Lyon, 1572 Oeuvre de la diversité des termes dont on use en architecture eduict en ordre par Maistre Huges SambinBibliothèque municipale de Lyon, Rés 126685.
—Androuet du Cerceau (Jacques), Livre d’architectvre de Jaques Androvet du Cerceau, contenant les plans et dessaings de cinquante bastimens tous differens : pour instruire ceux qui desirent bastir, soient de petit, moyen, ou grand estat. Auec declaration des membres & commoditez, & nombre des toises, que contient chacun bastiment, dont l’eleuation des faces est figurée sur chacun plan..., Paris, s.n., 1559.
—Androuet du Cerceau (Jacques), Second Livre d’architecture, par Iaqves Androvet Du Cerceau. Contenant plusieurs et diverses ordonnances de cheminées, lucarnes, portes, fonteines, puis et pavillons, pour enrichir tant le dedans que le dehors de tous edifices. Avec les desseins de dix sepultures toutes differentes, Paris, André Wechel, 1561.
—Androuet du Cerceau (Jacques), Livre d’architecture de Jaques Androuet Du Cerceau, auquel sont contenues diverses ordonnances de plants et élévations de bastiments pour seigneurs, gentilshommes et autres qui voudront bastir aux champs ; mesmes en aucuns d’iceux sont desseignez les bassez courts... aussi les jardinages et vergiers..., Paris, pour Iaques Androuet du Cerceau, 1582. de l’Orme (Philibert), Le Premier tome de l’architecture, Paris, Frédéric Morel, 1567.
—Serlio (Sebastiano ), Liure extraordinaire de architecture, de Sebastien Serlio, architecte du roy treschrestien. Auquel sont demonstrees trente Portes Rustiques meslees de diuers ordres. Et vingt autres d’oeuvre delicate en diverses especes, Lyon, Jean de Tournes, 1551.
Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Les 7 montants verticaux du coté est aux atlantes et cariatides anthropomorphes ou animaux .
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Les sept termes ou figures du coté est sont pour la plupart la reprise de leur homologues du coté ouest.
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L'abbé Castel avait cru reconnaître dans cette figure je ne sais quelle divinité d'Amérique Centrale, ce qui fut repris à l'envie pour célébrer les Bretons voyageurs prompts à trouver leur inspiration outre atlantique quelques années seulement après la découverte du Mexique !
L'origine du décor à la grotesque vient de la redécouverte des peintures effectuées pour le palais de Néron, avec leurs figures précisément bizarres ou monstrueuses, voire "exotiques", reprises avec leur entourage d'arabesques et d'animaux par Pinturicchio, Giovanni da Udine, Raphaël, Jules Romain, etc. Néanmoins, un peintre aussi soucieux d'histoire naturelle que Giovanni da Udine sut faire figurer des espèces botaniques et animales du Nouveau Monde dans ses pergolas factices, peu d'années après leur apparition en Europe, pour le plus grand plaisir des riches propriétaires des palais du Latium passionnés par les collections d'histoire naturelle.
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Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Les 4 jambes de force soutenant la tribune du coté ouest.
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Ce sont quatre hybrides (et autant de l'autre coté) aux pattes et à la crinière animales, à la tête parfois léonine mais souvent anthropomorphe. Les gueules sont hilares, les sourcils hypertrophiés, les yeux exorbités.
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Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Les 4 jambes de force soutenant la tribune du coté est.
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Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
Tribune du jubé (chêne polychrome, v. 1560) de l'église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile 2017 et 2020.
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LA POUTRE DE GLOIRE.
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SOURCES ET LIENS.
— APEVE
http://www.apeve.net/spip/spip.php?article234
—CASTEL (Yves-Pascal) / CAOUISSIN (Eflamm) /DIOCÈSE DE QUIMPER, 2 décembre 2014, YOUTUBE
—COUFFON (René), LE BARS (Alfred), 1988, Diocèse de Quimper et Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper, Association diocésaine. - 551 p.: ill.; 28 cm. ISBN 978-2-950330-90-1.
"Jubé de Priziac, achevé en 1580. [...] À La Roche-Maurice, dernière étape : la tribune n'est plus sur voûte, mais sur plafond à caissons décorés d'entrelacs en « cuirs » avec des toupies pendantes ; de monstrueuses consoles animales, accroupies, soutiennent ce plafond."
— JULES (Matthieu), guide pour la SPREV, 2018, Vidéo
"Sur une longueur de 5 mètres entre les deux grosses piles de l’entrée du chœur, est placé un jubé en bois de chêne polychromé d’une ornementation abondante qui le date de la fin du XVIe siècle. Il se compose d’un soubassement de panneaux surmonté d’une claire-voie. Celle-ci sert d’appui à des montants verticaux ou obliques qui soutiennent la tribune à laquelle on accède par un escalier aménagé dans la pile sud.
Sur les six panneaux du soubassement de 66 sur 32 centimètres chacun, figurent, en bas-relief, sur les deux faces, des grotesques constituées de visages coiffés de plumes ou de turbans noués sur les côtés, de ces visages partent des rinceaux se terminant par des têtes humaines ou animales. La partie inférieure des panneaux est décorée de cuirs enveloppant un masque.
La claire-voie est composée de colonnettes tournées présentant un triple étage de formes et terminées par des chapiteaux corinthiens. Aux extrémités des claires-voies les montants sont décorés d’une succession de masques ou de personnages soutenant des chutes de feuillages. L’entablement au-dessus de la claire-voie présente d’abord une série d’arcatures encadrant des bustes en relief de saints personnages ou autres. Au-dessus de la porte, aujourd’hui disparue, deux grotesques évidées montrent un personnage ailé jaillissant de rinceaux qui se terminent en têtes de dauphins. Au-dessus de la frise, des palmettes sont surmontées de gouttes et de volutes. Les montants perpendiculaires ou obliques qui soutiennent la tribune sont décorés de cariatides humaines ou animales à l’aspect menaçant. Tout ce décor abondant et extrêmement varié appartient à la tradition maniériste de la seconde Renaissance. Ici, la dévotion semble faire bon ménage avec des représentations humaines caricaturées et dénudées. Rien ne permet de dire à qui revient l’initiative d’un tel décor entre le commanditaire ou l’artiste. Le sculpteur disposait de gravures diffusées en grand nombre par les ornemanistes du XVIe siècle. Des inscriptions qui figuraient sur des écriteaux tenus par des cariatides ont été buchées. Au milieu de tous ces personnages caricaturés apparaît, sur un montant de l’entrée, le buste d’une jeune femme sculptée en haut-relief : apparition surprenante dans ce monde de sculptures en délire.
La tribune offre un décor moins burlesque plus propre à accueillir sur sa face du côté de la nef, la théorie incomplète des Apôtres sculptés en haut-relief dans des niches en trompe l’œil surmontées de dais à fuseaux. Sur l’autre face, du côté du chœur, on a les représentations en bas-relief de saints personnages en compagnie du Christ ressuscité.
Le dessous de la tribune est constitué d’un plafond à caissons décorés de motifs géométriques et de pendentifs. Du côté de la nef, la tribune sert de poutre de gloire pour une crucifixion encadrée de la Vierge et saint Jean."
— LE GUENNEC (Louis), Le Finistère monumental, page 501.
"Le jubé de la Roche est une des plus belles œuvres en chêne sculpté que nous ait légué le XVIe siècle. Le soubassement plein est surmonté d'une clairevoie à barreaux fuselés, entremêlés de colonnettes formant pendentifs d'un très heureux effet.
Au-dessus règne une plate-forme dont le plafond divisé en caissons, a pour supports d'élégantes consoles ornées de figures fantastiques. Les deux façades de la galerie, où on monte par un escalier ménagé dans le pilier, à l'entrée du chœur du côté de l'Épître, sont richement décorés de panneaux avec personnages. Du côté de la nef sont neuf Apôtres et trois papes. La façade du côté chœur contient les statues suivantes : saint Pol Aurélien - évêque bénissant - saint Christophe - saint Michel terrassant le dragon - sainte Marguerite - Christ de Résurrection - sainte Marie Magdeleine - sainte Barbe - sainte Appoline - saint Antoine, ermite - sainte Geneviève - autre sainte Marguerite. Un grand Christ en croix domine le jubé ; à sa droite, la Vierge, à sa gauche, saint Jean. Les statues de ce groupe sont presque de grandeur naturelle"
— TASSIN (Raphaël), 2018, "Le frontispice du Quarto libro de Sebastiano Serlio et sa fortune durant l’époque moderne" in Construire avec le corps humain. Bauen mit dem menschlichen Körper, dir. S. Frommel, E. Leuschner, V. Droguet, T. Kirchner, collab. R. Tassin et C. Castelletti, Rome/Paris, Campisano/Picard, 2018, vol.1, p. 239-253.
Pourquoi se priver de citer les bons auteurs ? Il s'agit après tout d'un réel travail de synthèse ou, au contraire, d'approfondissement ou d'éclairage mutuel des apports de chacun, et de rassemblement de la documentation disponible. Tout le texte placé en retrait et entre guillemets est tiré de l'abondante littérature publiée, ou disponible en ligne et dont les liens sont donnés en fin d'article.
Néanmoins, ces emprunts conduisent à accepter les discordances entre telle et telle source d'information, d'autant que le sujet s'enrichit d'éclairages très récents (Bugini, 2019).
Mes photos (sous-titrées lavieb-aile) ont été prises lors de l'exposition Massot Abaquesne l'éclat de la faïence à la Renaissance, Musée national de la Renaissance, château d'Écouen en 2016.
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La Bâtie d'Urfé
"La Bâtie d'Urfé, dans le Forez (commune de Saint-Étienne-le-Molard, Loire, entre Lyon et Clermont-Ferrand), était la résidence favorite de Claude d'Urfé (1501-1558), bailli du Forez, chambellan de Henri II et ami d’Anne de Montmorency, il devient gouverneur des enfants du roi puis surintendant de la maison du Dauphin à son retour d’Italie où il exerça la charge d’ambassadeur du roi Henri II auprès du Saint-Siège. À la suite d'un séjour de près de cinq ans en Italie, de 1546 à 1551, il redécora son manoir du Forez dans un style nouveau en faisant ainsi un important avant-poste de la culture italienne en France."
"Gentilhomme issu d’une vieille famille du Forez, élevé avec François Ier dans le milieu lettré et humaniste de la Cour de France, il y connut Anne de Montmorency et le cardinal François de Tournon . Il est l’envoyé du roi au concile de Trente en 1546, puis aux sessions de Bologne en 1547. Il est fait chevalier de l’ordre de Saint-Michel le 29 septembre 1549. Henri II en fait son ambassadeur auprès du Saint-Siège, de 1548 à 1551."
"Ce goût pour l’art italien fut renouvelé par plusieurs séjours de Claude d’Urfé dans la Péninsule, où il fut envoyé de 1546 à 1551, d’abord comme ambassadeur de François Ier au Concile de Trente ensuite transféré à Bologne, puis comme ambassadeur d’Henri II auprès du Saint-Siège à partir de 1548"
"En effet, au sein de la vieille construction médiévale bordée de fossés, le bailli de Forez aménagea une grande loggia ainsi qu'une grotte" "Au rez-de-chaussée du corps de logis, il décida d'édifier une chapelle, précédée d'une grotte, et de faire de cet ensemble le cœur physique et sémantique de sa maison. La chapelle fut consacrée en 1557 "
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La chapelle
"La chapelle de la bâtisse était un des ensembles décoratifs les plus célèbres commandés par Claude d'Urfé. Une architecture audacieuse y servait en effet de cadre à un décor des plus originaux : voûte stuquée polychrome et or, parois décorées, dans leur partie haute, de toiles du peintre maniériste romain Gerolamo Siciolante , et, dans leur partie basse, de boiseries marquetées et sculptées de Fra Damiano da Bergamo (Metropolitan Museum of Art de New York)." "Pour la chapelle du château, il commanda une série de toiles au peintre actif à Rome, Siciolante da Sermoneta, et des panneaux de marqueterie de bois à l’un des plus illustres représentants de cette technique, Fra Damiano da Bergamo, lequel avait notamment réalisé les stalles de la cathédrale de Bologne."
Les percées étaient également décorées de magnifiques vitraux. Le sol, composé d'environ deux mille huit cents carreaux de faïence, maintenant répartis dans un grand nombre de collections publiques (Ecouen, Grenoble, Lyon, Rouen, Sèvres, notamment) et privées, avait été commandé chez Masséot Abaquesne à Rouen, selon un acte enregistré à Rouen le 22 septembre 1557, pour une valeur de cinq cent cinquante-neuf livres tournois."
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Le décor.
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Claude d'Urfé a pu s'inspirer pour sa chapelle (P. Madinier-Duée), à Bologne de la chapelle San Sebastian de la famille Vaselli de la cathédrale San Petronio (pour son décor associant un pavement émaillé, des marqueteries et des peintures), ou à Rome de la chapelle du cardinal Alborense à San Giacomo degli Spagnoli (1517), mais aussi de la Sala Regia du Vatican datant de 1534-1549 et qui forme antichambre pour la chapelle Sixtine : Claude d'Urfé a eu tout loisir d'y admirer le pavement et la voûte en berceau stuquée peinte par Perino del Vaga, lorsqu'il faisait antichambre dans ses fonctions d'ambassadeur du Saint-Siège. Cf. Elena Bugini 2019, "Dans le sillage de Perino del Vaga, les tableaux de Girolamo Siciolante pour Claude d'Urfé."
"Le décor de la chapelle a été projeté dès la 2e moitié de la décennie 1540 : on sait en effet que le gros œuvre de la chapelle est en place dès 1548 (datation par dendrochronologie du plancher situé au-dessus), et que Claude d'Urfé commanda le lambris destiné à en orner les murs, selon une disposition d'ensemble déjà arrêtée, la même année (il possédait déjà un premier tableau de marqueterie, inclus ensuite dans le lambris, daté de 1547). C'est au cours de l'ambassade dont il fut chargé auprès du Concile de Trente, en 1547-1548, à Trente puis à Bologne, que Claude d'Urfé a pu charger des artiste issus du milieu bolonais ou romain de réaliser divers éléments du décor (peintures, lambris). Le reste du décor semble au contraire dû à des ateliers français : la voûte, exécutée sur place, peut-être par des artistes débauchés du chantier de Fontainebleau, l'autel, les carreaux de pavement et les verrières, qui portent tous deux la date de 1557."
"L'ensemble du décor est centré sur le thème de l'amour divin dans lequel doit culminer l'amour terrestre (dont celui de Claude pour son épouse défunte), et dont l'expression la plus haute est le sacrifice du Christ dans l'eucharistie ; le programme rejoint ainsi les points réaffirmés par le Concile de Trente, l'unité de Dieu dans la Trinité (devise VNI : un seul Dieu, un seul amour) et sa présence dans l'eucharistie.
A partir de 1872, ce programme décoratif résultant d'une conception unique et très élaborée est cependant arraché au gros œuvre et vendu pour le compte du propriétaire, le banquier Verdolin, par l'antiquaire lyonnais Derriaz, relayé par l'antiquaire et collectionneur parisien Beurdeley. Différents collectionneurs se partagent ces dépouilles, en particulier Emile Peyre qui reconstitua partiellement (lambris, tableau d'autel, autel, fragment de pavement et peintures) la chapelle dans son hôtel du 126 avenue Malakoff à Paris. L'aspect original de l'intérieur est connu par deux tableaux du peintre turinois Giuseppe Uberti , et par un photomontage de Félix Thiollier datant des années 1880-1886. Seule la voûte échappa au démontage. Depuis 1949, la société savante de la Diana s'efforce d'obtenir le retour à la Bastie des éléments de décor dispersés, grâce aux dépôts consentis par les musées de France ou aux achats réalisés avec l'aide du Conseil général de la Loire."
Seul le pavement de la marche d'autel (270 carreaux) est datée de 1557 par inscription. Mais la même année, Masséot Abaquesne a donné quittance au sieur "d'Urse" de la somme de 559 livres tournois pour un nombre non précisé de carreaux, dont 12 livres pour leur livraison future. La somme restante (547 livres) correspond à un nombre très élevée de carreaux, bien supérieur à la seule marche d'autel, si on juge par le prix payé en 1564 à Marion Durant, veuve Abaquesne, de 36 livres par milliers de carreaux (4000 carreaux portant pour certains le monogramme de Claude d'Urfé CCI). Le prix payé en 1557 correspondrait donc à une commande totale de 15 000 carreaux ! Soit, pour des carreaux de 11 cm sur 11, une surface de 180 m². Le site de l'Inventaire estime à 2800 carreaux le pavement total de la chapelle.
Nous pourrions donc appliquer la date de 1557 à l'ensemble des pavements de la chapelle, et notamment aux 220 carreaux non datés .
Mais la rupture de style entre le pavement principal, reflet de la voûte, avec la stricte organisation géométrique des carrés et octogones emblématiques, et la marche d'autel de 1557, aérienne, musicale et grotesque, incite, par rapprochement avec la même rupture entre les deux pavements du château d'Ecouen (Premier pavement de la galerie de Psyché en 1542, second pavement en 1551 pour la galerie orientale), à imaginer une commande en deux temps (A. Gerbier 2019). Le pavement central relève des modèles architectoniques de Sebastiano Serlio et la marche d'autel des grotesques à l'italienne.
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L'ensemble présenté ici n'est qu'une partie du pavement complet (1350 carreaux ?), dont la moitié est localisée et est conservée in situ à La Bâtie d'Urfé, ou au Musée de la Céramique (92), ou aux musées des Beaux-Arts de Rouen, de Grenoble et de Lyon, au musée des Tissus et des Arts décoratifs de Lyon, et au musée d'Art et d'Industrie de Saint-Etienne. Voir le site de l'inventaire Général. Dans le carré situé au centre du pavement se lisait, comme sur la voûte, l'inscription D . O . M . S . (peut être pour Deo optimo maximo sempiterno).
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Claude d'Urfé, après avoir fait appel à des artistes italiens en 1548-1549, pour ses peintures et ses boiseries, choisit pour son pavement un faïencier de Rouen, Masséot Abaquesne, sans doute sur la recommandation d'Anne de Montmorency, qui avait fait réaliser par ce dernier les pavements de son château d'Écouen en 1542 et en 1551. Les deux hommes sont des proches. Le Connétable est l'oncle et le parrain d' Anne d'Urfé (1555-1621), petit-fils de Claude. Et d'ailleurs, le paiement des carreaux de La Bâtie sera effectué par le receveur des finances d'Anne de Montmorency, André Rageau, receveur des aides et tailles de la ville de Rouen. À Écouen, le pavement réunissait les devises, les armoiries et les emblèmes du propriétaire dans une succession de carrés. Ici, ce sont des octogones séparés par des losanges qui sont choisis, et les armoiries sont écartées, mais le principe est le même. On retrouve aussi les putti joufflus des bordures du premier pavement d'Écouen, les bordures d'oves et de tresses, ou les sirènes ailées du second pavement.
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Technique.
Cf. Catherine Leroy.
Les couleurs sont le bleu (oxyde de cobalt), le jaune (antimoniate de plomb) et l'orange (oxyde de cuivre) associé au vert (oxyde de cuivre) pour les végétaux. La marche d'autel montre aussi du violet (oxyde de manganèse). Les carreaux de pâte argileuse reçoivent une base blanche vitrifiée et opaque (un émail d'argile liquide, de silice et d'oxyde de plomb et d'étain), puis la peinture, et enfin une ultime couche vitrifiée transparente pour assurer une bonne résistance mécanique à l'abrasion engendré par le piétinement. L'argile rosée ou blanche, qui a séché sur une trame textile dont les carreaux gardent l'empreinte, a reçu une première cuisson "de dégourdi" au four de 800 °, puis une fois le décor appliqué, une cuisson à 950° dans un four dit "à réverbère" proche de ceux utilisés à Anvers à la même époque. Les carreaux portent à leur revers un marquage de repérage caractéristique de l'atelier. (Aurélie Gerbier)
Les motifs suivent les modèles fournis par le commanditaire en utilisant des poncifs. Certains contours sont tracés au trait bleu (ou brun). Les ombres sont diverses : contour bleu foncé ou orangé (lettres du monogramme, grains de raisins), touches plus foncées sur le feuillage, et, sur la marche d'autel qui se révèle d'une maîtrise technique supérieure, un camaïeu de gris pour le corps des génies ailés. Le relief est donné par une subtile utilisation du blanc du fond émaillé qui est préservé, comme pour les ondulations des rubans, les perles ou olives et pour les enroulements des cuirs.
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Les carreaux ont été fabriqués à Rouen, dans l'atelier de bord de Seine , puis livrés, comme le précise une quittance de 1557, pour une somme de 12 livres tournois versée à un sous-traitant pour "la façon des casses de boys et natte ou a été mys et enchassé led[ict] carreau" par un trajet terrestre et fluvial (par la Loire jusqu'à Roanne ?).
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I. Le pavement (Masséot Abaquesne, ca 1549-1550 , faïence) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé. Musée national de la Renaissance, Écouen, E.Cl 11117.
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"Cet ensemble de deux cent vingt carreaux constitue une partie du pavement de faïence qui couvrait le sol de la chapelle du château de la Bâtie d’Urfé.
Sur les carreaux, les chiffres de Claude d’Urfé et de son épouse Jeanne de Balsac alternent avec leur emblème : un autel où brûle l’agneau du sacrifice dans un triangle arborant la devise UNI. Des jeux de rubans, de grappes de fruits et de légumes encadrent les caissons octogonaux. Ce pavement s’intégrait parfaitement dans le riche décor de lambris sculptés, panneaux de marqueterie, peintures murales et vitraux en grisaille de la chapelle, réalisé par des artistes italiens. Les carreaux de pavement reproduisent assez fidèlement le motif des caissons dorés de la voûte qui semblait se refléter sur le sol de faïence.
Le pavement, ainsi disposé, menait vers la droite à l’autel de la chapelle qui présentait une marche en faïence richement décorée (actuellement conservée au musée du Louvre). "
"Le pavement a été réalisé en 1557 (date inscrite dans un cartouche de cuirs découpés au centre du degré de l'autel). Il provient sans doute dans l'atelier du faïencier Masséot Abaquesne à Rouen : une quittance de 1557 mentionne "les pourtraits et devises que ledit Durfé lui avait baillés" pour une commande dont une partie pourrait concerner la Bastie." En 1874, l'antiquaire lyonnais Derriaz acheta le pavement ; il en vendit une partie, dont le degré d'autel, à Beurdeley (legs au musée du Louvre), et fit confectionner des " tableaux " revendus au détail (le collectionneur Emile Peyre acquit le motif central), ce qui explique la fragmentation du pavement en de très nombreuses collections.
Le sol de la chapelle était constitué de petits carreaux de pavement carrés, de 11 cm de côté, en faïence polychrome. Le degré entourant l'autel était pavé de carreaux du même type. Le nombre total de carreaux est estimé à 2800. La composition d'ensemble du sol de la chapelle reprenait en miroir le dessin de la voûte, avec des caissons octogonaux disposés autour d'un carré central. Un décor différent était réservé au degré d'autel."
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Pavement (Masséot Abaquesne, ca 1549-1550) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé. Photographie lavieb-aile Écouen 2016.
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Pavement (Masséot Abaquesne, ca 1549-1550) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé. Photographie lavieb-aile Écouen 2016.
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Médaillon octogonal à l'emblématique de Claude d'Urfé.
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Au centre de l'octogone, dans un cartouche à enroulement, l'agneau divin est offert aux flammes d'un autel sacrificiel au dessus des trois figures géométriques du carré (Terre), du cercle (Ciel) et du Triangle (Trinité et/ou delta de la Déité). La symbolique du triangle est précisée par l'inscription .V.NI.
On retrouve cet emblème sur la porte de la chapelle, sur les caissons de sa voûte, sur ses lambris, sur les reliures des ouvrages de la bibliothèque et même sur le lit à colonnes de Claude d'Urfé.
Selon N. Ducimetière, "Après la mort prématurée de sa femme en 1542, à l’âge de 26 ans, Claude d’Urfé fit porter sur nombre de ses livres le chiffre entrelacé des initiales de leur prénom, ainsi que le mot « Uni », abréviation de la devise néoplatonicienne Uni et nunc et semper ("unis maintenant et pour toujours")."
Mais loin d'être immuable, il se décline en de nombreuses variantes sur l'ensemble du décor (pavement, voûte, boiseries).
Sur les autres supports, le triangle peut contenir, au lieu du mot VNI, un autre triangle, ou un point, ou un point dans un deuxième triangle, et même une femme qui en enjambe la pointe, quand il n'est pas entouré de trois fleurs ou centré par une rose, ou traversé par un ruban tenu par deux femmes.
De même, le point encadrant ici le V (.V.NI) n'est pas retrouvé ailleurs, mais pourrait en modifier le sens (comme dans l'abréviation D.NI de Domini).
Le pourtour est, par contre, stéréotypé dans ces pavements : le cartouche s'inscrit dans une arabesque jaune à perles et fleurons puis successivement dans un cadre de perles enfilées, un cadre d'oves intercalés de dards, un cadre d'olives et de perles enfilées, et enfin un rang de rubans ondés cantonné par des fruits et légumes (raisins, pommes, grenades et artichaut ??).
Note : Sur les nervures des voutains de la voûte, les experts ont reconnu des pommes, des nèfles, des courges (?) des nèfles, des poires, des melons, des grenades (?), des cornichons, des fèves, des feuilles d'artichaut (?), du blé et des feuilles de chou.
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Pavement (Masséot Abaquesne, ca 1549-1550) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé. Photographie lavieb-aile Écouen 2016.
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L'animal du sacrifice : agneau ou bélier.
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L'animal offert aux flammes de l'autel est considéré le plus souvent comme un agneau, faisant allusion à l'agneau pascal, et, par là, au Christ et à l'Eucharistie.
Mais, au moins sur l'un des octogones où ce détail est mieux visible, cette victime offerte en sacrifice porte des cornes : il s'agit d'un bélier.
L'examen des différents caissons de la voûte permet de retrouver, et de façon indiscutable, un bélier sur le caisson n°30.
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L'animal du sacrifice : agneau pascal ou en lien avec les sacrifices des Hébreux ?
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Si l'interprétation la plus immédiate est de voir là l'agneau pascal symbole du Christ offert en expiation, et symbole par là du sacrement chrétien de l'Eucharistie, cette piste facile se heurte au fait que l'agneau pascal de la Pâque Chrétienne est représenté comme un animal égorgé, et non consumé par les flammes.
La première apparition de l'autel sacrificiel est le folio 2 du Livre d'Heures de Claude d'Urfé, datant de 1549. On y trouve déjà le triangle emblématique, la devise VNI, associée à la citation Et nunc et semper, et un agneau immolé, allongé dans les flammes.
Et nunc et semper est un abrégé de la doxologie trinitaire Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto...
Si nous savions traduire correctement le huitain en latin placé sous l'autel, cela éclaircirait sans doute la compréhension de l'emblème.
Non phoebo, non ista Ioui. (Quid vanius illis?)
Sed supremo ardet victima sacra Deo ;
Quem nos tergeminum, atque unum veneramur, Et a quo (tergeminum = "triple, trinitaire")
Ex nihilo vates omnia facta canunt.
Et quoniam non tam is tauros, caesasque bidenteis (caesas = égorgé ; bidenteis = à deux rangées de dents)
Quam puros animos, castaque corda petit,
Haec qui sacra fecit, cum puro candidus agno
Purum offert animum, castaque, corda Deo.
Ce n'est pas à Phoebus, ni à Jupiter (à quel titre pourraient-ils y prétendre ?) mais au Dieu suprême que brûle la victime sacrée. Celui que nous vénérons comme unique en trois personnes et dont les poètes chantent la création ex nihilo...non des taureaux ...que des esprits purs et au cœur chaste avec le pur et blanc agneau pour offrir à Dieu un cœur chaste et pur ???
Anecdotiquement, je remarque que le poème fait un emprunt à une élégie de Marc-Antoine Flaminio (1498-1550), écrite en 1538 avant son départ à Naples, De se proficiscente Neapolim : le vers "Ex nihilo vates omnia facta canunt".
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L'autel du sacrifice. Livre d'Heures de Claude d'Urfé (1549) folio 2.
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Enfin l'autel avec ses sphinges et ses guirlandes retenues par des têtes de bélier, est certainement la copie d'un autel antique, tel l'autel funéraire de Caius Julius Phoebus Rufioninus, aujourd'hui aux Offices de Florence mais documenté entre 1535 et 1555 dans l'église Santa Lucia a Ripa de Rome (I. Balsamo et M. Lalanne 2019).
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Autel funéraire de Caius Julius Phoebus Rufioninus. Fin du Ier siècle. Uffizi, Firenze
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Ce frontispice, mais aussi cet emblème, confirme que Claude d'Urfé ne se livre pas à une défense et illustration d'un dogme trinitaire et tridentin, mais se plait à mêler en un syncrétisme savant trois traditions du sacrifice sur l'autel comme geste cultuel d'union d'un peuple avec la Divinité : l'antiquité romaine, la religion hébraïque vétérotestamentaire, et l'eucharistie chrétienne, ou plutôt la Rédemption, sacrifice du Fils par le Père par la médiation (Incarnation) de l'Esprit, avec, en arrière plan, et par la reprise d'un autel funéraire, l'affirmation d'une fidélité de Claude d'Urfé à son épouse défunte.
L'intérêt de Claude d'Urfé pour la religion antique se voit indirectement illustré par le fait que l'antiquaire et numismate lyonnais Guillaume du Choul, bailli du Dauphiné lui ait dédicacé en 1556 son Discours sur la religion des anciens Romains (Lyon, G. Rouillé), rédigé de 1546 au plus tard jusqu'en 1556. De nombreuses scènes de sacrifice à l'autel y sont données, "retirées des marbres antiques de Rome ou de Gaule" (page 308 par ex.). Mais on notera, par la dédicace, que l'amitié des deux hommes remonte précisément à la période romaine (1548-1551) de d'Urfé, où la chapelle fut élaborée. Et on remarquera, comme dans le huitain du frontispice, la référence au petit agneau du sacrifice, mis en parallèle avec celui de 100 bœufs :
"J'avais délibéré longtemps y a, illustrissime Seigneur, de vous faire connaître l'affection que j'ai toujours eue de vous faire service, pour reconnaissance de l'honneur qu'il vous a plut me faire et aux miens, vous étant Ambassadeur pour le Roi à Rome, accompagné de l'amitié que de longtemps vous m'avez portée, sans l'avoir mérité envers vous. Ce petit traité (vous fera voir) les temples des Dieux, les enseignes de leur religion, et des sacerdoces les cérémonies et sacrifices : vous suppliant le recevoir d'aussi bon cœur que je vous l'envoie : considérant que les Dieux au temps passé prirent en gré le petit agneau que présentait sur l'autel le pauvre berger, d'une volonté aussi bonne que le sacrifice de cents bœufs d'un grand Empereur : en suppliant le Créateur, Monseigneur, de vous donner telle félicité que je la vous désire." 15 février 1556. (BnF page 4)
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Un détour par une tapisserie aux armes et chiffres de Claude d'Urfé.
On trouve dans la collection de Roger de Gaignières le relevé par dessin aquarellé d'une tapisserie montrant cette figure. L'autel, d'inspiration antique, est comparable, avec les mêmes têtes de bélier et les sphinges, et c'est un agneau qui est (vaguement) discernable dans les flammes. Nous retrouvons le motto VNI (et non V.NI) inscrit dans un triangle, mais celui-ci s'inscrit dans un cercle avant de le faire dans un carré. Enfin, le triangle des nuées s'interprète clairement pour le Delta de la Déité trinitaire.
Tapisserie aux armes et chiffres de Claude d'Urfé, Coll. Gaignières, BnF RESERVE Pc-18-Fol.
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Emblème de Claude d'Urfé sur une tapisserie, Bibliothèque nationale de France, RESERVE Pc-18-Fol.
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Un emprunt à Alberto III Pio.
Rosa de Marco a souligné que cette impresa est également celle d'une médaille portant le nom d'Alberto III Pio de Savoie, dernier seigneur de Carpi entre 1480 et 1527. Même motto VNI, mêmes têtes de béliers aux angles de l'autel, mais c'est un bélier qui brûle sur l'autel, et le triangle est absent. La médaille aurait été gravée vers 1528. "Le prince Alberto Pio, qui finit sa vie en France après la prise de son territoire de Carpi par les Este, avait déjà fait représenter cette devise dans son palais de Carpi dès 1518." (I. Balsamo 2019)
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Avers et revers de la médaille d'Alberto III Pio, BnF département Estampes et photographie, FOL-NE-49 (B)
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Un détour par le frontispice du Livre d'heures et par le portail à deux vantaux de la chapelle.
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Le frontispice de Livre d'heures montre une porte de plein cintre sous un fronton sommé par le Saint-Esprit, tandis que le Christ est figuré en dessous avec l'inscription SALVATOR MVNDI. Deux paysages des marges supérieure et inférieure (ruines ?) demandent à être explicités. L'inscription indique que l'ouvrage est fait à Rome.
De cette enluminure, I. Balsamo écrit : " le frontispice du livre d’heures reprend littéralement le dessin de la porte d’entrée de la chapelle toujours visible, dessin inspiré par Vignole, et peut-être donné par lui à Claude d’Urfé lors de leur rencontre à Bologne."
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Livre d'heures à l'usage de Rome (1549) de Claude d'Urfé, Huntington HM 1102 folio 1.
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Le portail de la chapelle se trouve sur son flanc nord et permet son accès depuis la cour du château. L’arcade en plein cintre de la porte à proprement parler, assez simplement moulurée, est encadrée par des colonnes jumelées posées sur un haut stylobate et portant un entablement et un fronton triangulaire. Selon Agnès Bos, " Reprenant les codes du portail monumental «à l’antique», le portail s’inspire donc d’un vocabulaire architectural courant à l'époque, mais décliné ici sans fioriture et avec sobriété: le stylobate est lisse, le fût des colonnes à chapiteaux corinthiens également, l’entablement et le fronton ne portent pas de décor sculpté. Celui-ci est cantonné aux rampants du fronton, à la corniche de l’entablement, aux impostes et archivoltes de l’arcade et, bien sûr, à son agrafe. Ce dépouillement ornemental s’explique certainement, au moins partiellement, par la volonté de faire porter l’attention sur les inscriptions qui y sont gravées :«Jésus de Nazareth roi des Juifs» à trois reprises, en hébreu, grec et latin sur le fronton, et sur l’entablement, le début de la parabole dite du Bon Pasteur, Amen amen dico vobis qui non intrat per ostium in ovile ovium sed ascendit aliunde ille fur est et latro11 (Jean10:1-2). "En vérité, en vérité, je vous le dis : celui qui n'entre pas par la porte dans la bergerie, mais qui y monte par ailleurs, celui-là est un voleur et un larron ; mais celui qui entre par la porte c'est le pasteur des brebis.".
Le verset « Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis » (Jean 10, 11) fait écho à la fois au sacrifice des animaux sur les vantaux de la porte et au sacrifice du Christ lors de la Passion.
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Porte de la chapelle, gravure.
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Les deux vantaux en bois, et la lunette du tympan fixe, qui ont été modifiés, ont été restaurés en 2009 et sont conservés et exposés au château. Le vantail montre Moïse
Panneaux sculptés en bois de noyer de la porte extérieure de la chapelle (1550 environ).
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Panneau des vantaux du portail de la chapelle.
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Sur le tympan, les anges portent les instruments de la Passion : la colonne de la Flagellation, la croix, le flagellum, la couronne d'épines et les clous .
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Tympan du portail.
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Les deux vantaux illustrent le début du Livre de l'Exode chapitre 29, qui détaille les rites de consécration de l'autel du Temple sous la tente de l'assignation, par Aaron et ses fils, ou le Lévitique chapitre 16, où Moïse donne à son frère Aaron les consignes de l'Eternel pour son entrée, comme grand prêtre, dans le sanctuaire.
À gauche, le grand prêtre d'Israël, tenant une tiare, discute avec un personnage tenant un bâton, qui pose l'index au dessus d'un autel. À droite, deux hommes amènent pour un sacrifice l'un un taureau, l'autre un bélier.
Voici le texte du Lévitique 16:11-16 : Aaron offrira son taureau expiatoire, et il fera l'expiation pour lui et pour sa maison. Il égorgera son taureau expiatoire. Il prendra un brasier plein de charbons ardents ôtés de dessus l'autel devant l'Éternel, et de deux poignées de parfum odoriférants en poudre; il portera ces choses au delà du voile ; il mettra le parfum sur le feu devant l'Éternel, afin que la nuée du parfum couvre le propitiatoire qui est sur le témoignage, et il ne mourra point. Il prendra du sang du taureau, et il fera l'aspersion avec son doigt sur le devant du propitiatoire vers l'orient; il fera avec son doigt sept fois l'aspersion du sang devant le propitiatoire. Il égorgera le bouc expiatoire pour le peuple, et il en portera le sang au delà du voile. Il fera avec ce sang comme il a fait avec le sang du taureau, il en fera l'aspersion sur le propitiatoire et devant le propitiatoire. C'est ainsi qu'il fera l'expiation pour le sanctuaire à cause des impuretés des enfants d'Israël et de toutes les transgressions par lesquelles ils ont péché. Il fera de même pour la tente d'assignation, qui est avec eux au milieu de leurs impuretés.
De même, dans Lévitique 9:7-15 : Moïse dit à Aaron: Approche-toi de l'autel; offre ton sacrifice d'expiation et ton holocauste, et fais l'expiation pour toi et pour le peuple; offre aussi le sacrifice du peuple, et fais l'expiation pour lui, comme l'Éternel l'a ordonné. Aaron s'approcha de l'autel, et il égorgea le veau pour son sacrifice d'expiation. Les fils d'Aaron lui présentèrent le sang; il trempa son doigt dans le sang, en mit sur les cornes de l'autel, et répandit le sang au pied de l'autel. Il brûla sur l'autel la graisse, les rognons, et le grand lobe du foie de la victime expiatoire, comme l'Éternel l'avait ordonné à Moïse. Mais il brûla au feu hors du camp la chair et la peau. Il égorgea l'holocauste. Les fils d'Aaron lui présentèrent le sang, et il le répandit sur l'autel tout autour. Ils lui présentèrent l'holocauste coupé par morceaux, avec la tête, et il les brûla sur l'autel. Il lava les entrailles et les jambes, et il les brûla sur l'autel, par dessus l'holocauste. Ensuite, il offrit le sacrifice du peuple. Il prit le bouc pour le sacrifice expiatoire du peuple, il l'égorgea, et l'offrit en expiation, comme la première victime."
Il s'agit bien, pour ce portail qui délimite le franchissement vers un espace sacré, d'un sacrifice d'expiation où une victime animal est offerte, sur un autel, par le feu et par l'aspersion de son sang. Ce sacrifice est l'exclusivité d'une tribu, celle des Lévites, choisie par l'Eternel et Moïse, puisqu'Aaron et ses Fils ont l'exclusivité de l'entrée dans le Temple, par le rituel de purification qu'ils ont accompli. "Je consacrerai Aaron et ses fils pour qu'ils exercent mon sacerdoce" (Exode 30:19).
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Le verset « Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis » (Jean 10, 11) fait écho à la fois au sacrifice des animaux sur les vantaux de la porte et au sacrifice du Christ lors de la Passion évoqué par le biais des arma Christi tenus par les deux anges du tympan. Mais les deux scènes s'opposent-elles (comme le fait l'Epitre aux Romains de saint Paul opposant le sacrifice hébraïque légaliste et sacerdotal et le sacrifice universel du Christ qui abolit les restrictions d'entrée au sanctuaire) ou se rejoignent-elles dans une vision typologique ?
La porte franchie, nous découvrons le décor de la chapelle. Nous y remarquons onze tableaux , qui ont été commandés par Claude d'Urfé durant son ambassade auprès du Saint Siège, à Rome, au peintre Gerolamo Siciolante, originaire de Sermoneta (près de Rome) ; ils étaient en cours de réalisation en 1549. Ils sont surmontés d'une inscription en hébreu, tirée de la Bible. Huit de ces sujets sont des scènes de l'Ancien Testament qui déclinent le thème de la nourriture céleste, symbole de présence divine et signe de sa reconnaissance, ou à l'inverse de l'offrande sacrificielle et sacerdotale. Chaque épisode préfigure par là la mort du Christ, sa Résurrection ainsi que l'Eucharistie. [Six toiles de Ferdinand Elle l'Ancien reprendront les mêmes thèmes au XVIIe siècle]. Claude d'Urfé a-t-il fourni un recueil thématique à l'artiste, qui avait participé à la décoration de l'église Saint-Louis-aux-Français ?
Par exemple, à la fin du Moyen-Âge, l'offrande de Melchisedéch et la Manne encadrent la Cène de la Biblia pauperum, le Sacrifice d'Abraham, ou Moïse frappant le rocher y accompagnent la Crucifixion (BNF xylo-2, ou bien BL Kings'5 f.18r),.
Deux tableaux rectangulaires sont placés en pendant de part et d'autre de l'autel, deux tableaux de part et d'autre de la fenêtre de la chapelle, deux tableaux de part et d'autre de l'oratoire, un long tableau sur le mur ouest, deux tableaux en forme de tympans semi-circulaire à l'intersection de la voûte et des murs ouest et est , enfin deux tableaux rectangulaires en pendant face à face sur les murs est et ouest de l'oratoire.
— Le sacrifice d'Abraham. Ce tableau situé à gauche de l'autel dont il encadre, avec le suivant, le retable, représente l'ange arrêtant le couteau d'Abraham sur le point de sacrifier Isaac (Gn 22, 11-12). Inscription : "Quant au Juste, par sa sincérité, il vaincra" (Ha 2, 4).
—Melchisédech offrant le pain et le vin : Ce tableau situé à droite de l'autel représente Melchisédech offrant le pain et le vin au Seigneur (Gn 14, 18). Inscription : "Venez, mangez de mon pain et buvez du vin que j'ai mêlé" (Pr 9, 5).
—Abraham et Melchisédech . Ce tableau situés sur le mur sud, encadrant l'oratoire à sa gauche, représente la rencontre d'Abraham et de Melchisédech qui le bénit et lui offre les pains (Gn 14, 18-20). Inscription : "Tu es prêtre à jamais selon l'ordre de Mechisédech" (Ps 110, 4).
— Moïse frappant le rocher pour en faire jaillir une source. Cette lunette surplombant l'autel, en pendant du suivant, représente l'épisode où, après la Sortie d'Égypte, Moïse procure de l'eau à son peuple dans le désert : "Le peuple était là, pressé par la soif, et murmurait contre Moïse. Il disait: Pourquoi nous as-tu fait monter hors d'Égypte, pour me faire mourir de soif avec mes enfants et mes troupeaux? ... L'Éternel dit à Moïse: Passe devant le peuple, et prends avec toi des anciens d'Israël; prends aussi dans ta main ta verge avec laquelle tu as frappé le fleuve, et marche! Voici, je me tiendrai devant toi sur le rocher d'Horeb; tu frapperas le rocher, et il en sortira de l'eau, et le peuple boira." Exode 17:1-6. Pas d'inscription..
— Les Israélites recueillant la manne . Cette lunette surplombant l'autel, en pendant du précédant, représente l'épisode où, après la Sortie d'Égypte, Moïse et Aaron nourrit miraculeusement le peuple d'Israël souffrant de la faim dans le désert du Sinaï ( Exode 16:12-14). Pas d'inscription..
— La Pâque. Ce tableau occupant le mur ouest représente la célébration de la Pâque "L'Éternel dit à Moïse et à Aaron dans le pays d'Égypte: Parlez à toute l'assemblée d'Israël, et dites: Le dixième jour de ce mois, on prendra un agneau pour chaque famille, un agneau pour chaque maison. [...] Vous ne le mangerez point à demi cuit et bouilli dans l'eau; mais il sera rôti au feu, avec la tête, les jambes et l'intérieur." (Ex, 12:1-9).
Des Israélites sont attablés autour de l'agneau, du pain sans levain et des herbes amères dans une architecture feinte ; un personnage s'apprête à entrer dans la pièce. Inscription : "Mangeront les humbles et ils seront rassasiés ; et loueront YHVH ceux qui le cherchent ; vivra leur cœur pour toujours" (Ps 22, 27).
— Elie nourri par un ange. Ce tableau situés sur le mur sud, encadrant l'oratoire à sa droite représente Elie endormi nourri par un ange (1 R 19, 6-8) : "Tous attendent de toi que tu leur donnes leur nourriture en son temps" (Ps 104, 27).
—Samson retirant le miel de la gueule du lion (Jg 14, 8-9). Quelques temps après avoir tué un lion à mains nues, Samson découvre un rayon de miel dans la dépouille et le mange. Il pose ensuite aux Philistins l'énigme "De celui qui mange est sorti ce qui se mange, et du fort est sorti le doux". C'est par contre l'épisode de Samson dans la gueule du lion (Biblia pauperum) qui est comme une préfiguration du Christ aux limbes. Ce tableau est situé sur le mur nord, encadrant la fenêtre à gauche. Inscription "Le lion rugit, qui ne craindrait ; le Seigneur YHVH parle, qui ne prophétiserait ?" (Am, 3, 8) et "Que sont douces à mon palais tes paroles, plus que le miel à ma bouche" (Ps 119, 103).
—Un apôtre ou prophète, doigt tendu vers le spectateur. Ce tableau est situé sur le mur nord, encadrant la fenêtre à : "A YHVH la royauté" (Ps 22, 29).
— Une Annonciation. Ce tableau rectangulaire occupe le mur est de l'oratoire. Inscription "Car YHVH est élevé, et il voit celui qui est abaissé (Ps 138, 6) et En présence de la Gloire, l'humilité." (Pr 18, 12).
— L'Esprit de Dieu fécondant les Eaux (une colombe surmontée de Dieu le Père aux bras écartés). Ce tableau rectangulaire occupe le mur ouest de l'oratoire, en face de l'Annonciation : "Et après cela je répandrai mon esprit sur toute chair" (Jl 3, 1)
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Les lambris (Fra Damiano Zambelli, Bologne, 1548, d'après Jacopo Barozzi da Vignola).
"Le lambris recouvrait l'ensemble des murs de la chapelle (32 travées), dont il masquait les portes et l'accès à l'oratoire, lui aussi recouvert d'un lambris de même composition (14 travées, avec un 15e travée plus large au centre du mur est). Il se compose de travées séparées (dans la chapelle) par une console en volute surmontée d'un pilastre ionique à décor marqueté. Chaque travée comprend, en partie haute, un tableau de marqueterie d'incrustations en bois teintés, et en partie basse, un décor sculpté en bas-relief et demi-relief, rehaussé de dorure ; les panneaux sont séparés par des cartouches rectangulaires à décor de marqueterie. Des moulurations sculptées forment les encadrements des panneaux et les séparations de niveaux. Une frise marquetée (étudiée) surmontée d'une corniche court au-dessus du lambris de la chapelle ; une frise sculptée en bas-relief occupait le même emplacement dans l'oratoire.
Le lambris a été commandé par Claude d'Urfé en même temps que le tableau d'autel ( signé et daté 1548), durant son ambassade auprès du Concile de Trente, au célèbre marqueteur Fra Damiano Zambelli, né à Bergame, moine dominicain au couvent de San Domenico à Bologne, ville où siégeait alors le concile.
Le dessin d'ensemble a été attribué par O. Raggio à Vignole, d'après les recueils de Serlio."
Il a été vendu et est exposé au Metropolitan Museum en 1942 ; il est placé en 1968 dans une salle spécialement aménagée .
Les cartouches sculptés présentent le chiffre de Claude d'Urfé et de son épouse, Jeanne de Balzac, l'agneau sacrificiel eucharistique, adopté comme emblème par Claude d'Urfé, et divers symboles trinitaires. La conception de ces cartouches était aussi probablement due à Vignola.
On y trouve aussi Saint Jérôme au désert, Élie nourri par un ange, Elie nourri par un corbeau, Élie ressuscitant le fils de la veuve de Sarépta, des vues d'architecture, des instruments de musique ou de géométrie, un panneau figurant un encrier avec l'inscription Domini ante te omne desiderium meum "Seigneur tout mon désir est devant toi Paule 38:10 ou l'inscription Domine domine conturbata sua ossa "Seigneur mes os sont bouleversés" Psaume 6:3, etc.
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L'inscription du lambris.
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Le lambris est entouré par une inscription basée sur les paroles de l'hymne eucharistique de saint Thomas d'Aquin, ce qui pourrait indiquer que la chapelle était dédiée au Saint-Sacrement ainsi qu'à la Trinité. (Metmuseum). Elle est gravée en lettres noires (*) autour de la frise de la chapelle principale, et commence à droite de l'autel.
(*) Selon G. de Soultrait en 1858, "Les lettres de cette inscription sont de ce type ferme et élégant que la Renaissance emprunta à l'épigraphie antique. Chacune d'elles, se détachant en bois noir, est tenue par deux figures d'enfant en mosaïque ; de semblables figures portant les instruments de la passion, des virgules ou des points triangulaires, comme ceux des inscriptions romaines de la belle époque, séparent les mots."
Les mots dans leur ordre actuel n'ont pas de sens et on ne sait pas à quel moment de l'histoire de la chapelle est né le mauvais arrangement. L'ordre correct a été établi et les sources identifiées comme suit:
Maiorem hac dilectione nemo habet "Il n'est pas de plus grand amour [que de donner sa vie pour ses amis]"(Jean 15:13)
[Amoris enim impetu] se nascens dedit socium convescens in edulium moriens (in pretium) regnans (dat) in proemium "par l'élan de l'amour, en naissant il s'est donné comme compagnon, en mangeant avec eux il s'est donné comme nourriture, en mourant il s'est donné comme rachat, en régnant il s'est donné comme récompense" ; Hormis la partie entre crochet, le texte appartient à l'Hymne eucharistique de saint Thomas d'Aquin,Verbum Supernum prodiens (Le Verbe est descendu des Cieux ), qui a été écrit pour les Laudes de l'office du Corpus Christi (Fête Dieu, Saint-Sacrement) célébrant la présence réelle de Jésus-Christ sous les espèces sensibles du pain et du vin consacrés lors de la messe.
Igitur o Christe gloria tibi hanc mensam hoc sacrificium ...viventes ac mortui " (ainsi donc ô Christ, gloire à toi, cette table, ce sacrifice... vivants et morts... ; texte liturgique).
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Le tableau de marqueterie de l'oratoire. L'Esprit Saint remplit l'univers (1547).
"Le tableau de l'oratoire a été commandé par Claude d'Urfé, durant son ambassade auprès du Concile de Trente, au marqueteur Francesco Orlandini, de Vérone, ville voisine de Trente. Les personnages pourraient s'inspirer de ceux de la fresque (*) de l'abside de la cathédrale de Vérone (Francesco Torbido, 1534, d'après Jules Romain). Le choix de la scène représentée, rare dans l'art italien, est à mettre en relation avec la doctrine du concile de Trente (culte trinitaire) et avec le programme pensé pour la chapelle par Claude d'Urfé. Ce tableau semble cependant avoir été acheté de façon isolée, avant que ne soit arrêtés la composition du reste du lambris, commandé l'année suivante." (*) une Assomption.
Un panneau du Metropolitan Museum, qui me semblait d'abord représenter le Reniement de saint Pierre en raison du coq placé en bas et à droite, porte dans un petit cartouche ou cartelino l'inscription Spiritus Domini Replevit Orbem Terrarum ("L'esprit du Seigneur remplit l'univers") , puis Francisci Orlandini Veronensis Opus [1547]. Pourtant, il est plus judicieusement désigné sous le titre général de La Descente du Saint-Esprit ou comme une Pentecôte sur le site de l'Inventaire Général. et il est décrit ainsi : " Les apôtres et la Vierge sont représentés sous un portique monumental supporté par des piliers doriques. Au fond de celui-ci s'ouvre une porte au-dessus de laquelle plane la colombe. A droite se déploie un paysage avec au premier plan un coq, une porte de ville, puis une colline boisée."
Sur le cliché de Felix Thiollier (1886), ce panneau est encadré par deux vues architecturales, et sur les clichés d'ensemble prises au Metropolitan Museum il est encadré d'une Visitation à droite et d'un tableau moins distinct où Dieu plane au dessus de deux personnages.
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L'Esprit du Seigneur remplit l'univers, Pentecôte ?, venant de l'oratoire de la chapelle. Metropolitan Museum
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Les verrières (1557) : anges jouant un concert de louanges.
"Chaque panneau comprend une table rectangulaire portant une inscription encadrée de quatre anges assis jouant d'un instrument de musique. Entre chaque table est placé un motif d'entrelacs avec des chutes de fruits, le monogramme de Claude d'Urfé CIC et son emblème (triangle avec le mot VNI)."
Les inscriptions sont :
Baie 1, lancette A : Exaltabo te deus meus rex et benedicam nomini tuo in seculum et in seculum seculi per singulos dies benedicam tibi. Lancette B : Et laudabo nomen tuum in seculum et in seculu seculi magnus dominus et laudabilis nimis et magnitudini eius non est finis "Je t’exalterai, ô mon Dieu, mon roi ! Et je bénirai ton nom à toujours et à perpétuité. Chaque jour je te bénirai, et je célébrerai ton nom à toujours et à perpétuité." (Psaume 145 1-3)
Baie 2 (fenêtre de l'oratoire) lancette A : Laudate dominum de celis . Laudate eum in excelsis. Laudate eum omnes angeli eius. Lancette B : Laudate eum omnes populi quoniam confirmata est super nos misericordia eius et veritas domini manet in eternum : "Louez l’Éternel, vous toutes les nations, célébrez-le, vous tous les peuples ! Car sa bonté pour nous est grande, et sa fidélité dure à toujours. Louez l’Éternel !" (Psaume 117:2)
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L'AUTEL
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Le panneau marqueté, au dessus de l'autel, et conservé au Metropolitan Museum, représente la Cène avec l'inscription Hoc est corpus meum.
"Le tableau d'autel de la Bastie, ainsi que le lambris de revêtement (étudié), a été commandé par Claude d'Urfé, durant son ambassade auprès du Concile de Trente, au célèbre marqueteur Fra Damiano Zambelli, né à Bergame, moine dominicain au couvent de San Domenico à Bologne, ville où siégeait alors le concile. Les personnages de la Cène sont empruntés à la Cène d'après Raphaël gravée par Marcantonio Raimondi ; l'encadrement d'architecture serait repris d'un carton du Repas chez Lévi de Vignole, réactualisé par celui-ci qui aurait contribué au dessin d'ensemble du lambris (O. Raggio). Le choix de la scène représentée, l'institution de l'eucharistie (et non l'annonce par le Christ de la trahison), rappelé par l'inscription HOC EST CORPUS MEUS, est à mettre en relation avec le thème iconographique général de la chapelle, l'exaltation du saint sacrement, dont le culte venait d'être réaffirmé par le pape Paul III avant de l'être à nouveau par le concile de Trente."
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Les trois bas-reliefs de l'autel. David vainqueur de Goliath, le sacrifice de Noé (au centre), et le Passage de la Mer Rouge.
"Les bas-reliefs de l'autel pourraient avoir été sculptés par un artiste évoluant dans l'entourage de la cour au milieu du 16e siècle. La représentation du sacrifice de Noé, qui montre des similitudes avec l'un des tableaux de marqueterie de l'oratoire -situé au-dessous du tableau de la descente du Saint-Esprit- et avec le tableau représentant la descente de l'Esprit sur les eaux, semble indiquer que l'autel leur est postérieur, et que son auteur connaissait les éléments déjà en place à la Bastie. Les pilastres sont surmontés de chapiteaux composites à volutes."
"Sur la face principale de l'autel est représenté le sacrifice de Noé : après la sortie de l'arche, Noé entouré de sa famille offre un agneau en holocauste. Dieu le Père lui apparaît dans une nuée pour agréer le sacrifice ; à l'arrière-plan sont représentés l'arche, l'arc en ciel et divers animaux paissant sur un fond de paysage."
"Sur la face gauche est figuré le passage de la Mer Rouge, alors que Moïse vient de frapper sur les eaux qui se referment sur pharaon et son armée."
"Sur la face droite est représentée la victoire de David sur Goliath, dont il s'apprête à couper la tête ; à l'arrière-plan, derrière un grand arbre, l'armée des Israélites met en fuite les Philistins."
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Le premier sacrifice de l'histoire biblique, celui de Noé, est une action de grâce (Dieu a sauvé Noé du Déluge), mais aussi la concrétisation d'une Promesse divine, qui va engendrer une bénédiction (Gn 9:1), un tabou sur le sang, et une Alliance qui prendra la forme d'un arc-en-ciel.
" Noé construisit un autel en l’honneur de l'Eternel. Il prit de toutes les bêtes pures et de tous les oiseaux purs et offrit des holocaustes sur l'autel. L'Eternel perçut une odeur agréable et se dit en lui-même: «Je ne maudirai plus la terre à cause de l'homme, car l’orientation du cœur de l'homme est mauvaise dès sa jeunesse, et je ne frapperai plus tous les êtres vivants comme je l'ai fait. Tant que la terre subsistera, les semailles et la moisson, le froid et la chaleur, l'été et l'hiver, le jour et la nuit ne cesseront pas." Genèse 8:20-22
"Seulement, vous ne mangerez aucune viande avec sa vie, avec son sang. Sachez-le aussi, je redemanderai le sang de votre vie, je le redemanderai à tout animal. Et je redemanderai la vie de l'homme à l'homme, à l'homme qui est son frère. Si quelqu'un verse le sang de l'homme, son sang sera versé par l'homme, car Dieu a fait l'homme à son image. " (Gn 9:4-6)
CONCLUSION SUR L'EMBLÈME AU TRIANGLE ET À L'AUTEL.
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Ce long détour en dehors de mon sujet (le pavement de La Bastie) me permet de montrer combien le choix par Claude d'Urfé vers 1548 de son emblème est un condensé d'une pensée théologique sur le Sacrifice vétérotestamentaire, le Don de nourriture et d'eau par Dieu, sur l'Eucharistie, et sur la Trinité. Mais bien davantage, c'est un condensé, semblable à nos Logos, du décor qu'il a choisi entre 1547 et 1557 pour sa chapelle de La Bastie. Cet emblème résume sa chapelle, et en constitue une forme sigillaire qu'il appose sur ce décor à coté de son monogramme.
On peut s'étonner de l'absence des armoiries de Claude d'Urfé. Doit-on en conclure que sa chapelle a pris à ses yeux une valeur identitaire plus forte que son appartenance familiale ?
Il n'aurait pas eu tort, puisque, par elle, son nom a acquis une postérité toujours vive aujourd'hui, que son rôle d'ambassadeur auprès du Saint-Siège ne lui aurait pas assuré. Ainsi, le mécénat artistique s'avère plus rentable au Renom que les titres et le C.V. De même, c'est la création artistique qui fera la renommée d'Honoré d'Urfé par la rédaction de l'Astrée.
L'autel où brûle un agneau (ou bélier) est le signe iconique du Sacrifice de Noé (Action de grâce et Alliance), de celui d'Abraham (Mise à l'épreuve ; victime de substitution ; préfiguration du Christ), de l'offrande sacerdotale de Melchisédech, du sacrifice sacerdotale d'expiation et de purification par Aaron et les Lévites au Temple, de l'agneau de la Pâque biblique et de l'agneau pascal de la Cène.
Le triangle où s'inscrit le mot UNI renvoie, placé sous l'autel du sacrifice, au Delta de la Déité, ou à la Trinité, mais aussi à ce signe d'union (ou alliance) avec Dieu qui opère par le sacrifice ou par l'envoi d'eau et de nourriture par Dieu à son Peuple (Manne ; source du rocher d'Horeb). Enfin, le symbole trinitaire renvoie, dans le décor de La Bastie, aux peintures et lambris témoignant de l'intervention de l'Esprit Saint.
Le symbole eucharistique ne peut être écarté, mais il n'est étayé dans le choix du décor que par une seule représentation de la Cène (boiserie) sans les calices surmontés de l'hostie, ou sans l'Agneau de Dieu. Et ce n'est que lors de la session du 11 octobre 1551du Concile de Trente à Bologne que seront pris les décrets et canons sur le très saint sacrement de l'eucharistie, plusieurs années après l'adoption de cet emblème.
J'ignore combien de théologiens Claude d'Urfé a consulté (je ne parviens même pas à trouver la liste des évêques et autres prélats français présents à Bologne !), le nombre de prédication qu'il a entendu, et je n'ai pas encore pris le temps d'explorer les rapports entre le programme iconographique des églises de Rome, et sa chapelle ; notamment celui de Trinité-des-Monts, de Saint-Louis-des Français ou de Saint-Yves-des-Bretons.
À mon avis, il s'agit de l'emblème le plus riche, le plus rempli de monde à l'intérieur, le plus polysémique ... et le plus long à commenter. Une vraie "chapelle portative" (sacellum mirabile) !
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Pavement (Masséot Abaquesne, ca 1549-1550) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé. Photographie lavieb-aile Écouen 2016.
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Médaillon octogonal au monogramme aux deux C et au L enlacés de Claude d'Urfé et de son épouse Jeanne de Balzac, dans un cartouche à cuir à enroulement.
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Ce monogramme rappelle celui du roi Henri II et de la reine Catherine de Médicis, aux deux C opposés dans un H (et, par là, indirectement, les croissants de lune emblématique du roi). Le cuir à enroulement bleu s'inscrit dans un cadre de perles enfilées, puis un cadre d'oves intercalés de dards, d'un cadre d'olives et de perles enfilées, et enfin d'un rang de rubans ondés cantonné par des fruits et légumes (raisins, pommes, grenades et artichaut ??).
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Il se retrouve aussi, associé à l'octogone précédent, et comme en miroir, dans le plafond à caissons de la voûte de la chapelle.
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Pavement (Masséot Abaquesne, ca 1549-1550) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé. Photographie lavieb-aile Écouen 2016.
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2. Frise de bordure (Masséot Abaquesne, 1557 ) du pavement de la chapelle de La Bâtie d'Urfé, Musée de la Renaissance d'Écouen E.Cl.11555.
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Une bande centrale de créneaux, de couleur jaune, est semée de fleurs vertes à cœur jaune. Elle est entourée d'un cadre de perles enfilées, d'un cadre d'oves intercalés de dards, d'un cadre d'olives et de perles enfilées, et enfin d'un rang d'entrelacs en tresses cantonné par des visages de putti.
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Pavement (Masséot Abaquesne, ca 1549-1550) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé. Photographie lavieb-aile Écouen 2016.
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3. La marche d'autel (Masséot Abaquesne, 1557) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé. Musée du Louvre inv.OA 2518.
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Il s'agit d'un véritable chef-d'œuvre, dont la qualité est supérieure au pavement général de la chapelle, par son décor de grotesque, par sa prouesse technique, ou par sa palette. Il faut l'imaginer installé in situ, et visualiser l'autel qui le centre avec ses trois bas-reliefs que les Allégories de la Foi et de la Justice commentent, la Foi s'appliquant au Passage de la Mer Rouge (des Hébreux poursuivis par les armées du pharaon) et la Justice à la victoire de David sur Goliath. Il faut replacer au dessus de l'autel le retable (aujourd'hui perdu) avec ses emblèmes à l'autel du sacrifice et à la devise VNI, et introduire aussi au centre de ce retable la marqueterie de La Cène. ou à la citation d'Habaquq "Quand au juste, par sa sincérité, il vaincra".
"Cet ensemble de deux cent soixante-dix carreaux décorait la marche de l'autel de la chapelle du château de la Bâtie d'Urfé (Loire). Les motifs décoratifs reprennent les compositions de Raphaël s'inspirant des fresques antiques découvertes au XVe siècle dans la Maison dorée de Néron, à Rome. Cette œuvre, du milieu du XVIe siècle, est un jalon important de l'histoire de la faïence diffusée en France par les artistes italiens.
Décor de grotesques
À la différence des carreaux du sol, la marche de l'autel se caractérise par son décor de grotesques sur fond blanc, repris des compositions de Raphaël pour les Loges du Vatican lui-même inspiré des fresques antiques découvertes au XVe siècle dans la Maison dorée de Néron, à Rome. Très couramment employé dans les arts décoratifs français du milieu du XVIe siècle, ce décor est également utilisé dans les ateliers de majolique italienne (ex. Urbino) à la même époque. Peints dans la tonalité des couleurs de grand feu où dominent les bleu, vert et jaune, oiseaux fantastiques, termes, baldaquins et draperies se répartissent symétriquement de chaque côté d'un cartouche portant la date : 1557. La musique est évoquée par des musiciens ailés et des trophées d'instruments. Sur les deux panneaux latéraux, les figures allégoriques sont placées sous un dais en treille de jardin que domine le "sinocchio" (parasol papal de Paul IV). Il s'agit de la Foi (à droite) et de la Justice (à gauche) directement inspirés de la suite des Grotesques gravés par Du Cerceau en 1550."
Le degré présente une composition totalement différente, avec des grotesques sur fond blanc, disposées symétriquement de part et d'autre d'un cartouche central en cuir découpé.
Des sortes de putti musiciens, dont le corps se termine en feuillages, encadrent des cartouches, des chimères ailées et engainées et aux extrémités des cariatides qui soutiennent une tonnelle encadrée d'urnes enflammées et de trophées d'instruments de musiques, et dans laquelle est représentée la foi, à gauche, et la justice, à droite. "
"Son décor diffère totalement de celui du revêtement de la chapelle et a sans doute été réalisé dans un second temps
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Marche d'autel de la chapelle de la Bâtie d'Urfé
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A. Le retour, coté gauche : allégorie de la Foi sous une pergola.
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Cette femme sous une pergola s'inspire en premier chef d'une gravure d'Agostino Veneziano (Venise 1490-Rome 1540), élève de Marcantonio Raimondi et qui a gravé sur cuivre les compositions de Giovanni da Udine, de Raphaël mais aussi de Michel-Ange, de Jules Romain ou de Rosso Fiorentino. Cette source est d'autant plus probable que c'est à Veneziano qu'est attribué le modèle de l'Hiver et de l'Été de la grotte adjacente à la chapelle de La Bâtie. Néanmoins, la source initiale est le même motif présent sur les pilastres des Loggia dites de Raphaël au Vatican, peintes par Giovanni da Udine en 1517-1519. Cf. G. Le Breton 1882 à propos de "Jean d'Udine"). On y retrouve ces femmes vêtues de longues robes aux plis mouillés. Les gravures de Androuet du Cerceau, quoique souvent citées comme modèles, sont moins crédibles.
Le motif de la pergola m'a permis de lire avec passion un mémoire de 2012 de Natsumi Nonaka, aujourd'hui enseignante à l'université d'Austin (Texas) en histoire de l'architecture et de l'art dans l'Italie de la Renaissance et auteure d'ouvrage sur les jardins italiens.
Ce mémoire présente les origines dans la Rome antique et le Latium des treillis de jardins , ou "pergola" (treille en italien au XIVe siècle, du latin pergula "avancée" pour des constructions en saillie ou surajoutées), un terme qui n'est introduit en français qu'e vers 1910 (Alain Rey). Ces constructions légères placées dans un parc, une terrasse (elles font office de belvédère au XVe siècle dans les villas) ou un jardin servent de support à des plantes grimpantes dans un espace intermédiaire entre l'intérieur et l'extérieur. Leur représentation peinte sur les murs, les "pergolas factices" (illusionistic pergola) qui sont le sujet même de ce mémoire, s'observent sur les fresques de Pompei, au dessus des Vierges de la fin du XVe (Cima da Conegliano, Andrea Mantegna, —Madonne de la Victoire, (1496), Louvre — , Lucas Cranach l'Ancien), mais sont surtout à la mode au début du XVIe siècle (1517-1520) sous le pinceau de Giovanni da Udine, qui en décore les murs de la Loggia d'Amour et Psyché de la Farnesina, de la Loggetta du cardinal Bibbiena au Vatican et dans la Première Loggia de Léon X au Vatican. Elles reviendront à la mode dans les palais des environs de Rome dans une deuxième période (1550-1580) à la Première Loggia de Grégoire XIII, dans le studiolo de Ferdinand de Médicis, la Villa Giulia, la Villa d'Este à Tivoli et la Villa Farnese à Caprarola, et se rempliront de peintures d'espèces botaniques et zoologiques savantes ou exotiques non sans lien avec les herbiers et les collections d'histoire naturelle des propriétaires.
Il est certain que leur charme, tant dans leur réalité que dans leur peinture murale, n'a pu que séduire Claude d'Urfé lors de son séjour romain. Et on peut penser qu'elles ont guidé les choix du propriétaire de La Bâtie de créer une grotte, et un jardin centré par un kiosque. Ce kiosque abritait une fontaine et était coiffé d'une statue de Céres.
C'est tout cela qui vient en mémoire lorsque nous regardons le motif de l'Allégorie sous son toit de verdure ... au moins autant que le programme théologique qu'il étaye.
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Gravure d'Agostino Veneziano
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Grotesques (détail), Androuet du Cerceau, INHA
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Grotesques, Androuet du Cerceau INHA
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Pavement (Abaquesne 1557) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé. Photographie lavieb-aile Écouen 2016.
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Oui, tout à nos pieds vient nous détourner du prosélytisme tridentin que l'ambassadeur du Saint-Siège développe ailleurs, et tout nous attire vers les délices de Capoue ou de Capri d'une dolce vita romaine : les corbeilles d'oranges, les pendeloques à miroirs et fanfreluches, l'allure de divinité païenne de l'Allégorie, et les instruments de musique qui l'entourent pour nous promettre sérénades et chansons d'amour. Car les luths, les pipeaux et les flûtes encore suspendus à leurs rubans vont bientôt répondre aux éclats endiablés des trompettes des démons ailés certes hybridés, mais surtout débridés.
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Pavement (Abaquesne 1557) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé. Photographie lavieb-aile Écouen 2016.
Pavement (Abaquesne 1557) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé. Photographie lavieb-aile Écouen 2016.
Pavement (Abaquesne 1557) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé. Photographie lavieb-aile Écouen 2016.
Pavement (Abaquesne 1557) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé. Photographie lavieb-aile Écouen 2016.
Pavement (Abaquesne 1557) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé. Photographie lavieb-aile Écouen 2016.
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La tonnelle est soutenue par une cariatide à la poitrine dénudée, coiffée de verdure et d'oranges, et posée par la seule pointe des pieds nus sur un cartouche centrée par une émeraude. Deux chimères ailées (buste de garçons coiffés de palmettes et jambes remplacées par des volutes de feuillage) soufflent dans des trompes enrubannées. Deux libellules sommaires ouvrent leurs ailes ocellées.
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Pavement (Abaquesne 1557) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé. Photographie lavieb-aile Écouen 2016.
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B. Le retour droit. Allégorie de la Justice.
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Elle tient une balance dans la main droite et une épée du coté gauche.
Pavement (Abaquesne 1557) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé. Photographie lavieb-aile Écouen 2016.
Pavement (Abaquesne 1557) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé. Photographie lavieb-aile Écouen 2016.
Pavement (Abaquesne 1557) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé. Photographie lavieb-aile Écouen 2016.
Pavement (Abaquesne 1557) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé. Photographie lavieb-aile Écouen 2016.
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Les putti joufflus des angles de la bordure.
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Pavement (Abaquesne 1557) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé. Photographie lavieb-aile Écouen 2016.
Pavement (Abaquesne 1557) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé. Photographie lavieb-aile Écouen 2016.
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La partie basse centrale, parcourue de gauche à droite.
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Deux chimères ailées et engainées : l'une, coiffée de palmettes, et dotée d'ailes d'anges souffle dans une corne enrubannée tandis que l'autre, avec une coiffure d'herbes , des ailes de papillon et une poitrine féminine, lit une partition. Un papillon (avec une vague ressemblance avec la Petite Tortue Aglais urticae) et une libellule sans crédibilité naturaliste évoluent sur le fond.
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Pavement (Abaquesne 1557) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé. Photographie lavieb-aile Écouen 2016.
Pavement (Abaquesne 1557) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé. Photographie lavieb-aile Écouen 2016.
Pavement (Abaquesne 1557) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé. Photographie lavieb-aile Écouen 2016.
Pavement (Abaquesne 1557) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé. Photographie lavieb-aile Écouen 2016.
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Deux chimères associent le buste de garçons ailés et musiciens (jouant du luth), et des jambes en volutes feuillages ; ils encadrent un cartouche dont la découpe ovale ne porte pas d'inscription. Au-dessus, un disque d'or est suspendu sous un pavillon bleu et jaune, entre deux échassiers cueillant des baies.
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Pavement (Abaquesne 1557) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé. Photographie lavieb-aile Écouen 2016.
Pavement (Abaquesne 1557) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé. Photographie lavieb-aile Écouen 2016.
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L'élément central est un cartouche de cuir à enroulement portant le chronogramme 1557. Il est suspendu à un cadre de volutes de ferronnerie, au dessus d'un masque à palmette et sous un vase de fleurs et de feuillages.
Deux putti ailés sont assis sur cette ferronnerie et jouent d'une trompe contournée. À ces trompes est suspendu un miroir perlé, puis un masque d'enfant, ailé, et à bavoir.
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Pavement (Abaquesne 1557) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé. Photographie lavieb-aile Écouen 2016.
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En poursuivant notre lecture du panneau vers la droite, nous retrouvons par symétrie les mêmes éléments déjà décrits.
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Pavement (Abaquesne 1557) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé. Photographie lavieb-aile Écouen 2016.
Pavement (Abaquesne 1557) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé. Photographie lavieb-aile Écouen 2016.
Pavement (Abaquesne 1557) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé. Photographie lavieb-aile Écouen 2016.
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Deux hybrides chanteurs lisent leur partition.
Ils rappellent l'hybride de la gourde créée vers 1555-1560 par Masséot Abaquesne avec son décor armorié (*) d'un coté , et de l'autre un presqu'humain (pattes de boucs) nu, jambes écartées sur ses génitoires, et portant des ailes de papillon (à ocelles).
(*) d'azur à deux clefs d'argent passées en sautoir accompagnées d'une étoile d'or en chef, de deux croissants d'argent aux flancs et d'un cœur en pointe : non identifiées mais rapprochées de celles de la famille Jughon, originaire de la Haute-Loire.
On admire dans les deux cas la finesse des camaïeu de gris des bustes.
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Pavement (Abaquesne 1557) de la chapelle de la Bâtie d'Urfé. Photographie lavieb-aile Écouen 2016.
22 septembre 1557. Quittance par laquelle Masséot AZbaquesne reconnaît avoir recçu la somme de 559 livres tournois de maître André Rageau, conseiller du roi et secrétaire des finances, pour la livraison de carreaux de terres émaillée au sieur Durse, gouverneur du Dauphin.
"En présence de nous, Claude Lucas, tabelion royal et heredital a Rouen, et de Pierre Thevaut, adjoinct aud. tabellionage, Massiot Abaquesne, esmailleur en terre demourant à Rouen, a confessé avoir eu et receu cy devant comptant a plusieurs et diverses foys de maistre André Rageau, conseiller du roy et secretaire de ses financesla somme de cinq cens cinquante neuf livres tournois en monnoie de teston, douzains et dizains, assavoir Vc XLVII livres sur la façon et fourniture de certain nombre de carreau de terre esmaillee qu'il avoit cy devant entreprins de faire et parfaire pour le sieur Durse chevalier de l'ordre du roy et gouverneur de monseigneur le dauphin selon les pourtraictz et devises que led. seigneur Durse luyavoit a ceste fin baillez et XII livres pour son remboursement de semblable somme qu il a payee pour la façon des casses de boys et natte ou a esté mys et enchassé led. carreau pour le porter de ceste ville de Rouen es lieux et endroictz ou il plaira aud. sieur le faire mener, de laquelle premiere somme de Vc LIX livres led. Massiot Abaquesne s'est tenu content et bien payé et en a quicte led. Rageau, led. sieur Durse et tous autres. En tesmoing desquelles choses nousd. tabellion et adjoinct dessus nommes, avons signé la presente quictance de noz seingz cy mis le mercredi vingt deuxiesme jour de septembre l'an mil cinq cens cinquante sept. M. Abaquesne"
— BALSAMO Isabelle, 2013, « Les Heures d’Urfé et la Trinité-des-Monts, un grand décor romain pour une “chapelle portative” », Rivista di storia della miniatura, n° 17, 2013, p. 165 et 167.
— BALSAMO Isabelle, 2013, Les heures de Claude d’Urfé (1549) : la « chapelle portative » de l’ambassadeur. In: Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 157e année, N. 2, 2013. pp. 585-593; doi : https://doi.org/10.3406/crai.2013.95219 https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_2013_num_157_2_95219
—BOS (Agnès), 2019, "Les portes de la chapelle du château de la Bâtie d'Urfé", in Sacellum mirabile, Nouvelles études sur la chapelle d’Urfé , Presses Universitaires de Rennes pages 119-131.
—BUGINI (Elena), 2019, "Dans le sillage de Perino del Vaga, les tableaux de Girolamo Siciolante pour Claude d'Urfé.", in Sacellum mirabile, Nouvelles études sur la chapelle d’Urfé , Presses Universitaires de Rennes.
— CHASTEL (Guy)1937,: la Bastie d'Urfé. La chapelle et la grotte, p. 65-76. Claude d'Urfé, en construisant, entre 1535 et 1537, une chapelle richement décorée et une grotte de rocaille au décor mythologique, imitée de l'italien, séparées par une simple cloison, montrait que le sentiment chrétien peut s'allier avec l'humanisme. Bulletin de la Diana. Tome XXVI, n° 1, année 1937.
— COOPER (Richard), 2020, Claude d’Urfé (1501-1558), ambassadeur, mécène, bibliophile et gentilhomme forézien, Dans Réforme, Humanisme, Renaissance 2020/1 (N° 90), pages 133 à 149
— DEHLINGER (Dr.) 1937, : le Pavement en faïence de la chapelle du château de la Bastie d'Urfé, p. 89-99. Description de ce pavement, actuellement au Musée du Louvre, œuvre du faïencier rouennais Abaquesne (4 pi.) Bulletin de la Diana. Tome XXVI, n° 1, année 1937.
—DUCIMETIERE (Nicolas) 2010, « La bibliothèque d'Honoré d'Urfé : histoire de sa formation et de sa dispersion à travers quelques exemplaires retrouvés », Dix-septième siècle 2010/4 (n° 249), pages 747 à 773
— II existait avant la Révolution à Écouen un certain nombre de salles dont le sol était orné de carreaux émaillés qui ont disparu soit en 1787 lors de la démolition de l'aile orientale, soit au cours de la Révolution, soit même pendant la restauration du milieu du xixe siècle. On a entrepris de les restituer dans la mesure du possible. L'un d'entre eux, à l'emblématique du connétable et de sa femme Madeleine de Savoie, a déjà été remonté dans la « Salle », un autre est actuellement en cours de reconstitution. Parallèlement à ce travail de puzzle très long et difficile, M. Arnauld Brejon de Lavergnée en a fait une étude approfondie dont il vient de livrer les résultats dans un excellent article. On sait par un certain nombre de documents que Masseot Abaquesne « esmailleur...etc
— GOSSELIN (Edouard-Hippolyte), 1869, Glanes historiques normandes. Les potiers, briquetiers, tuiliers et émailleurs en terre de Rouen, Revue de Normandie. t.I, Rouen pages 613-622 et 679-690.
— LALANNE (Manuel), 2015, « Nouvelles identifications concernant trois enluminures du livre d’Heures de Claude d’Urfé (Rome, 1549, Huntington Library, San Marino, HM 1102) », Les Cahiers de l’École du Louvre [Online], 6 | 2015, Online since 01 April 2015, connection on 07 December 2020. URL: http://journals.openedition.org/cel/308 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cel.308
— LES COLLECTIONS DOUCET DE LA BIBLIOTHEQUE NUMERIQUE DE L'INHA.
— LE BRETON (Gaston),1882 "Notice sur le carrelage de la chapelle du château de La Batie-en-Forez. Pavage en faïence émaillé d'Abaquesne", in Bulletin de la Commission des Antiquités de Seine-inférieure, Rouen Cagniard tome V pages 170-172.
"Le carrelage en question couvrait le devant de l'autel. Il est en faïence à émail stannifère, décoré de chimères à corps de feuillage, alternant avec des cariatides ailées, qui sont reliées entre elles par des rinceaux et des draperies supportant des trophées d'armes et des branches d'olivier. Au centre, dans un cartouche surmonté par des amours, on lit la date de 1557. Sur les côtés, deux femmes placées sous des vignes repliées en arceaux, symbolisent par les attributs qu'elles portent, la justice et la foi. Les couleurs employées sont le jaune d'antimoine, le violet de manganèse, le vert de cuivre et le bleu.
Cet ensemble décoratif dénote au premier aspect une influence italienne, et rappelle les élégantes compositions de Jean d'Udine.
Si l'on vient ensuite à étudier les détails, on s'aperçoit qu'un goût tout français a présidé à l'exécution des figures et de certains accessoires. Plusieurs des caractères de la fabrication diffèrent également : les couleurs sont vives et harmonieuses, mais le ton laiteux de l'émail du fond est plus blanc que dans les majoliques italiennes, et la teinte du biscuit n'est pas la même. Un document conservé dans les archives de l'ancien tabellionage de Rouen vient confirmer notre opinion, que ce carrelage a dû être exécuté en France. Il nous paraît provenir en effet de l'atelier de Masseot Abaquesne, le céramiste rouennais, dont notre savant et regretté prédécesseur, M. André Pottier, avait, on le sait, signalé l'existence à Rouen au XVIe siècle, en voyant son nom inscrit sur une liste des notables de la ville, où sa profession de céramiste se trouvait indiquée. Certaines conjectures avaient amené M. André Pottier à lui attribuer le pavage du château d'Ecouen, exécuté pour le connétable Anne de Montmorency ; ce pavage, en effet, portait la mention: à Rouen, 1542.
Plusieurs documents découverts plus tard par M. Gosselin dans les archives de l'ancien tabellionage du palais de justice de Rouen vinrent confirmer l'attribution de M. André Pottier. Un fragment de ce pavage, provenant du château d'Ecouen, a été donné au Musée céramique de Rouen par M. Lejeune, architecte de la Légion d'honneur. Il contient le chiffre du connétable Anne de Montmorency, entouré par deux phylactères portant la légende : Aplanos. Deux mains gantelées et armées accompagnent ce chiffre. Sur l'une des épées on lit : à Rouen, et sur l'autre : 1542. D'autres fragments ayant la même provenance existent également aux Musées du Louvre, de Sèvres, de Cluny, et dans plusieurs autres collections. Enfin les deux panneaux principaux de ce pavage appartiennent à Mgr le duc d'Aumale. Ils représentent Mucius Scévola et Curtius. Il nous faut revenir maintenant au carrelage de la Bâtie. Nous citerons d'abord à ce sujet un des documents découverts par M. Gosselin concernant Masseot Abaquesne. Il nous montre ce dernier en relations d'affaires avec un sieur d'Urfé, gouverneur de Mgr le Dauphin, qui pourrait bien avoir été le propriétaire du pavage en question.
Le 22 septembre 1557 (même date que l'on trouve sur le pavage), Abaquesne donne quittance à André Rageau, secrétaire des finances du roi, d'une somme « de 559 livres tournois pour la façon et fourniture de certain nombre de carreau de terre esmaillée qu'il avait cy devant entreprise de faire et parfaire pour le sieur Durfe, comme gouverneur de Monseigneur le Dauphin selon les pourtraits et devises que ledit Durfe lui avait baillés à cette fin, en ce compris 12 livres tournois pour son rembours de semblable somme qu'il a payée pour la façon des casses des bois et nattes ou a esté mis et enchâssé ledit carreau (Tabellionage, acte du 12 septembre 1557). »
À quelle résidence ces carreaux avaient-ils été employés, telle était la question qui jusque-là restait sans réponse. Lorsque nous eûmes la bonne fortune de voir le carrelage du château de la Bâtie, nous n'hésitâmes pas à le reconnaître comme étant celui d'Abaquesne. Evidemment nous n'avons aujourd'hui sous les yeux qu'une très faible partie de ce carrelage, qui devait être complétée par une autre beaucoup plus importante, recouvrant entièrement le sol de la chapelle. Le chiffre élevé de la quittance permet du reste de supposer qu'en raison même de la somme versée, un nombre beaucoup plus considérable de carreaux émaillés avait dû être fourni. Ce qu'il nous importe surtout de constater ici, c'est que ce devant d'autel en faïence a bien été fabriqué à Rouen, par Abaquesne. L'influence italienne que l'on remarque sous le rapport de sa décoration s'explique par l'importance même des relations commerciales qui existaient au XVIe siècle, entre notre ville et l'Italie. A cette époque, en effet, Rouen était continuellement visité par des négociants étrangers que leurs affaires commerciales attiraient dans notre port. Le contact réciproque devait nécessairement permettre aux industriels rouennais de se mettre au courant de la mode et des nouvelles découvertes susceptibles d'augmenter leurs bénéfices. C'est ainsi que le céramiste Abaquesne avait pu connaître et s'approprier les procédés de l'émail stannifère qui lui avaient sans doute été indiqués par des Italiens. En étudiant également les majoliques qui venaient de leur pays, il dut chercher à se rendre compte par lui-même des progrès qu'il fallait faire faire à son art. L'honneur lui revient donc d'avoir su égaler ses modèles, en exécutant ces magnifiques pavages du château d'Ecouen, et de la chapelle de la Bâtie. Il serait superflu d'insister sur la valeur de ce nouveau don, qui met le Louvre en possession d'une des œuvres les plus rares et les plus remarquables de la céramique française.
M. de Beaurepaire se demande si la quittance citée par M. Le Breton contient la preuve absolue qu'elle se réfère au carrelage du château de la Bâtie. Il resterait dans tous les cas à prouver que le château, à cette date, a été habité par le Dauphin, et à rechercher à qui il appartenait à la date de la quittance.
— LEROY (Catherine), 1997, "Avers et revers des pavements du château d'Ecouen", Revue de l'Art Année 1997 116 pp. 27-41.
— MADINIER-DUÉE (Pauline), Masséot Abaquesne à la Bätie d'Urfé, 2016, in Masséot Abaquesne. L'éclat de la faïence à la Renaissance, Réunion des Musées Nationaux-Grand Palais, pages 112-119.
— MADINIER (Pauline), 2008, Le sacrifice eucharistique dans la chapelle de la Bâtie d'Urfé, Studiolo n°6 p.17-38. Non consulté.
—MOREL (Philippe), 2019, Avant-Propos, in Sacellum mirabile, sous la dir. d'Elena Bugini.
— RAPHAËL ET LA GRAVURE. La collaboration de Raphaël et de Raimondi, son graveur attitré à Rome de 1510 à 1527 a abouti à plusieurs centaines de gravures sur cuivre, réalisées par Marcantonio Raimondi et deux autres graveurs qui ont rapidement rejoint ce dernier, Marco Dente et Agostino Veneziano
— TOSCANO (Gennaro), 2015, Les Heures de Claude d’Urfé (1549), manuscrit de la Huntington Library à San Marino (États-Unis) et l’église de la Trinité-des-Monts, à Rome [compte-rendu]Bulletin Monumental Année 2015 173-3 pp. 265-266. Fait partie d'un numéro thématique : La cathédrale de Chartres, Nouvelles découvertes
— VERNET (André), 1976, , « Les Manuscrits de Claude d'Urfé (1501-1558) au Château de la Bastie », in Académie des Inscriptions et Belles-lettres: Comptes rendus (Paris, 1976), pp. 81-97 (pp. 89 n. 35, 90).
Heures de Nostre Dame à l'usaige de Rome escriptes au dict lieu l'an MDXLIX par M. Franc. Wydon et dédie un Messire Claude D'urfe Chevalier de l'ordre du Roy Tres Chrestien et son Ambassadeur au saint siège apostolique
Heures à l’usage de Rome, 1549, San Marino, Huntington Library, HM 1102, vélin, H. 23 ; L. 15,5 cm. 24 enluminures. Le frontispice (fo 1) est suivi d’un calendrier (fos 2vo-21), puis des péricopes et de la Passion selon saint Jean (fos 21vo-28vo), de l’office de la Vierge et du Salve Regina (fos 29vo-56), des psaumes pénitentiaux et litanies (fos 56vo-68), de l’office des morts (fos 68vo-79vo), des petites Heures de la Croix (fos 80-82), des petites Heures du Saint-Esprit (fos 82vo-84) et des suffrages de la Trinité, de saint Michel, Gabriel, Raphaël et Claude (fos 84vo-85).
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1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
"Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué). "Les vraies richesses, plus elles sont grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)