J'examinerai les principaux éléments sculptés figuratifs de l'extérieur de l'église de Saint-Éloy, datant sans doute du XVIe siècle, dont deux crossettes en pierre de Logonna, trois pierres d'amortissement en kersanton, duex bustes d'hommes supportant une corniche, une gargouille ou crossette du clocher, mais j'attire l'attention sur l'intérêt du messager portant une inscription de fondation, datée de 1572, de l'angle sud-est.
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LE CÔTÉ NORD.
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Église Notre-Dame-du-Fresq de Saint-Éloy. Photographie lavieb-aile 2023.
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Saint François montrant ses stigmates.
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Église Notre-Dame-du-Fresq de Saint-Éloy. Photographie lavieb-aile 2023.
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Crossette droite du rampant de la lucarne sud. Un dragon ailé.
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Église Notre-Dame-du-Fresq de Saint-Éloy. Photographie lavieb-aile 2023.
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Crossette gauche du rampant de la lucarne sud. Un homme tenant un bâton à l'extrémité bilobé (os?).
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Église Notre-Dame-du-Fresq de Saint-Éloy. Photographie lavieb-aile 2023.
Église Notre-Dame-du-Fresq de Saint-Éloy. Photographie lavieb-aile 2023.
Église Notre-Dame-du-Fresq de Saint-Éloy. Photographie lavieb-aile 2023.
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. LE CÔTÉ EST.
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Église Notre-Dame-du-Fresq de Saint-Éloy. Photographie lavieb-aile 2023.
Église Notre-Dame-du-Fresq de Saint-Éloy. Photographie lavieb-aile 2023.
Église Notre-Dame-du-Fresq de Saint-Éloy. Photographie lavieb-aile 2023.
Église Notre-Dame-du-Fresq de Saint-Éloy. Photographie lavieb-aile 2023.
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Buste d'un homme supportant la corniche.
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Église Notre-Dame-du-Fresq de Saint-Éloy. Photographie lavieb-aile 2023.
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Un chien montrant ses crocs, les pattes antérieures réunies sur un os.
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Église Notre-Dame-du-Fresq de Saint-Éloy. Photographie lavieb-aile 2023.
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Tête d'un sanglier.
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Église Notre-Dame-du-Fresq de Saint-Éloy. Photographie lavieb-aile 2023.
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Un chien (ou un ours?) portant un collier, assis pattes antérieures sur les "genoux".
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Église Notre-Dame-du-Fresq de Saint-Éloy. Photographie lavieb-aile 2023.
Église Notre-Dame-du-Fresq de Saint-Éloy. Photographie lavieb-aile 2023.
Église Notre-Dame-du-Fresq de Saint-Éloy. Photographie lavieb-aile 2023.
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Deuxième buste d'un homme supportant la corniche.
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Celui-ci n'a pas les bras levés, il porte un bonnet et une veste non boutonnée.
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Église Notre-Dame-du-Fresq de Saint-Éloy. Photographie lavieb-aile 2023.
Église Notre-Dame-du-Fresq de Saint-Éloy. Photographie lavieb-aile 2023.
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LE CÔTÉ SUD.
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Église Notre-Dame-du-Fresq de Saint-Éloy. Photographie lavieb-aile 2023.
Église Notre-Dame-du-Fresq de Saint-Éloy. Photographie lavieb-aile 2023.
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Le porche sud a été ajouté à une date tardive, et le rampant de l'ancien portail, à crochets, persiste, avec un personnage formant console.
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Église Notre-Dame-du-Fresq de Saint-Éloy. Photographie lavieb-aile 2023.
Église Notre-Dame-du-Fresq de Saint-Éloy. Photographie lavieb-aile 2023.
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ANGE AU PHYLACTÉRE DE L'ANGLE SUD-EST. INSCRIPTION DE FONDATION. Kersanton, 1572.
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Je n'ai pas trouvé la description de ce messager et le relevé de cette inscription dans les descriptions de référence (cf. Sources)
La tête de l'ange (ou du messager) est brisé.
Je crois pouvoir lire :
LAN 1572 28E IO[U]R DE SEP[TEM]BRE
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Église Notre-Dame-du-Fresq de Saint-Éloy. Photographie lavieb-aile 2023.
Église Notre-Dame-du-Fresq de Saint-Éloy. Photographie lavieb-aile 2023.
Église Notre-Dame-du-Fresq de Saint-Éloy. Photographie lavieb-aile 2023.
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UN PERSONNAGE AUX SEXE MARTELÉ DU CLOCHER.
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La galerie du clocher est cantonnée par deux faux canons et par deux personnages dont l'un porte une tunique boutonnée et un bonnet. Ses parties jugées honteuses ont été martelées, sans doute en raison d'un geste équivoque.
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Église Notre-Dame-du-Fresq de Saint-Éloy. Photographie lavieb-aile 2023.
Église Notre-Dame-du-Fresq de Saint-Éloy. Photographie lavieb-aile 2023.
Église Notre-Dame-du-Fresq de Saint-Éloy. Photographie lavieb-aile 2023.
Église Notre-Dame-du-Fresq de Saint-Éloy. Photographie lavieb-aile 2023.
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Note. On voit sur le côté ouest un disque en ardoise, qui n'est pas un cadran solaire, mais le cadran d'une horloge. On y lit l'inscription PICHON/SAINT-SAUVEUR. Il est néanmoins inscrit sur l'inventaire de la SAF.
En forme de croix latine, elle comprend une nef de trois travées avec bas-côté sud, un transept et un choeur peu profond terminé par un chevet à pans coupés du type Beaumanoir. Au droit de la seconde travée, au sud, porche ajouté au portail de style flamboyant. Elle date dans son ensemble du début du XVIè siècle et fut consacrée en 1531 par Jean du Largez, abbé de Daoulas ; elle a été remaniée à plusieurs reprises. Le clocher, à une galerie et une chambre de cloches, remonte à la fin du XVIè siècle ou même au début du XVIIè siècle.
— L'HARIDON ( Erwana) Dossier de l'Inventaire régional IA29005549 réalisé en 2012
L'église paroissiale (consacrée en 1531 par Jean du Largez, évêque d'Avesnes), implantée à l'est de l'ancienne chapelle, a été érigée par les moines de l'abbaye de Daoulas qui, fuyant la peste, se sont installés à Saint-Eloy en 1521.
Au 15e siècle, le 4 mai 1485, François II, duc de Bretagne, autorise la tenue d'une foire.
Cette chapelle qui dépendait, avant la Révolution, de la paroisse de Cuzon, dépend maintenant de la paroisse de Kerfeunten à Quimper.
La chapelle de Ty Mamm Doué, en français "Maison de la Mère de Dieu", doit sans doute son nom à un modeste oratoire de 1295, démoli en 1969. C'est probablement en cet oratoire que le père Julien Maunoir aurait reçu selon la croyance, le 8 juin 1631, le don de la langue bretonne du doigt d'un ange, un jour de Pentecôte.
Edifiée près du petit oratoire entre 1541 et 1592, en pierres de taille en granite, dans un style gothique, elle fut complétée entre 1605 et 1621 dans un style renaissance, souvent visible sur la face sud.
Cette chapelle est de dimension importante. Elle comprend une nef, d'abord sans bas-côtés puis avec une travée séparée de ses bas-côtés par une architrave sur pilier octogonal, enfin un transept non saillant et un choeur profond à chevet plat. Bien que non voûtée en pierre, elle est flanquée de contreforts d'angle ; le petit clocher à jour, de type cornouaillais, est posé sur l'un de ces contreforts, côté sud.
Un pèlerinage muet (en silence), le Pardon Mud, s'y déroulait le Jeudi Saint : les paroissiens, sans leur clergé; devaient faire trois fois le tour de la chapelle dans le sens du parcours du soleil.
Éléments historiques basés sur les inscriptions de 1541, 1578, 1592; 1605 et 1621 :
L'an 1540, Pierre Quénec'h-Quivilly, seigneur de Keranmaner, permettait aux paroissiens de Cuzon de la reconstruire sur ses terres, et l'inscription gothique, au-dessus de la porte latérale sud, indique la date de 1541:
CESTE CHAPELLE EN LHÕ~EVR
DE MAM DOE L . M Vcc XLI
AINSY FAITZ SCAVOIR A CHE
NOBLE SINEVR ÕAGE BONNE FOI
Et l'on doit traduire ainsi :
Ceste chapelle en l'honneur
De Mam Doe (la Mère de Dieu) l'an 1541
Ainsi faitz (je) scavoir à ce
Noble seigneur hommage et bonne foi.
Le chevet à noues multiples date de cette époque.
Le premier propriétaire était donc au XVIe siècle Pierre de Quénec'h-Quivilly, seigneur du Faou, propriétaire du manoir de Keranmaner, situé en haut du vallon occupé par la chapelle.
Manoir de Keramaner, à 300 mètres plus haut que la chapelle de la Mère-de-Dieu, du même côté de la route. Portail d'entrée de la cour d'honneur, style de la fin de la période ogivale, dans le genre du portail du manoir de La Forêt : pilastres carrés, avec bases et chapiteaux à moulures gothiques, surmontés de pinacles aigus et portant une arcade surbaissée à moulures prismatiques, et saillie à crossettes feuillagées. A la hauteur des chapiteaux, lions héraldiques. Grande cour précédent le manoir, puits entouré dune margelle à larges moulures. Maison développant une vaste façade à trois ouvertures au rez-de-chaussée, trois à l'étage et, dans les combles, trois lucarnes à frontons héraicirculaires, genre Renaissance, tandis que les chevronnières des pignons sont garnies de crossettes à feuilles de choux. A l'intérieur, portes gothiques, cheminées moulurées en granit, armoiries des Furic, 3 croix. Grand escalier tournant.
1509. Aveu de Jean Le Scanff, et femme Marguerite Nouel. L'Evêque lui fait don du devoir de bail. Mais Pierre de Quenechquivillic est sujet à ce droit pour le lieu de Keranmanic en 1515. Cependant, le 16 Décembre 1520, l'Evêque Claude de Rohan fait don de ce droit de bail au dit Pierre de Quenechquivillic, à cause de l'acquêt fait par lui du manoir de Keramaner. Lorsque celui-ci mourut en 1529, l'Evêque fit également don de bail à ses enfants en faveur et considération du Sgr du Faouet. (P. Peyron)
Puis, en 1548, le négociant en toile à voile Jehan Furic (*) s'affranchit, en monnaies portugaises, de Pierre de Quénec'h-Quivilly, pour le manoir et les terres.
"C'est un autre Pierre Quenechquivillic, fils du précédent, qui vendit Keranmanoir à Jean Furic, qui, le 7 Décembre 1554, rendant aveu, déclare tenir au fief de l'Evêque à droit de bail, le lieu noble de Keranmanoir, sa chapelle, cave, bois, laiterie et haute futaye et la métairie dite village de Keranmanic. En 1561. L'évêque Etienne Boucher cède le bois de Coetnescop à Jean Furic, Sr de Keranmanoir, qui donne en échange le pré du Pichiry, en Kerfeunteun.
En 1562. Aveu de noble Jean Furic et demoiselle Jeanne Le Cleuziou, sa femme." (P. Peyron)
La propriété passa à son fils Pierre (**). (Son petit-fils, l’amiral de Kerguelen, hérite en 1772 de Keranmaner et des terres au nom du droit d’aînesse. Il ne résidera jamais au manoir).
(*)Jean Furic avait épousé le 7 février 1539 Anna Fily, d'où Françoise (1940), Jacques (1542), Pierre (1543), Pierre (1545), Anna (1546), Marie (1547), Yvon (1548), Guillamete, Jahanna, et Thomas (1553), François (1559), Jehan (1561), Guillaume (1561), Hervé (1563) et Yves (1564) (les derniers de Jahanna Le Cleuziou). 1604. Aveu de nobles gents Me Yves Furic, Sr de Treffentec.
(**) Pierre Furic épousa Jehanne Le Cleuziou le 28 juillet 1571. Devenu veuf, Il épousa ensuite, le 5 mars 1590, Jeanne de Kergadalen, puis en 1591 Rauanne du Mûr, d'où une fille Margaritte en 1596.
—Divers : Dans un parchemin daté de 1495 portant son testament, Thomas Furic, prêtre, léguait à la cathédrale de Quimper dix écus d'or.
Une des tours des fortifications de Quimper portait le nom de Tour Furic, "nom d'une famille nombreuse et puisssante qui fournit un assez grand nombre de membres à l'église de Quimper".
Dans la cathédrale de Quimper, le 27 avril 1498, Jehan Furic et Françoise, sa femme, bourgeois et habitants de Quimper, fondent un anniversaire de 20 sols, forte monnaie de rente, et choisissent leur sépulture en la chapelle de Saint-Benoît, près de celles de leurs parents. Un acte de 1623 mentionne, près du même autel, la tombe de Jeanne Furic. (Le Men)
Selon L'archiviste Le Men, "Une troisième chapellenie fut fondée sur cet autel, vers la même époque (de 1471 à 1490), parGuillaume Periou, recteur de Laz, qui fut procureur de la fabrique de 1468 à 1487. Il en laissa le patronage à ses neveux Jean, Guillaume et Thomas Furic Cette chapellenie, qui finit par prendre le nom de Chapellenie de Saint-Guillaume ou des Furic, fut successivement présentée par Pierre Furic, en 1529 ; par noble homme François en 1609 ; par noble homme Julien Furic, sieur du Run, fils aîné d’autre noble homme Jan Furic, sieur de Keramaner, en 1620 ; et enfin par Ignace Furic, sieur de Kergourant, en 1731. La famille Furic qui fut déboutée à la réformation de 1668, avait pour armes, d’après un sceau de 1731, des archives du Finistère : d’azur à 3 croisettes au pied haussé d’or. Ces armoiries se voient à l’intérieur et au bas de la chapelle de la Mère de Dieu, près Quimper, ou les sieurs de Keramaner avaient sans doute des prééminences. Les Furic avaient le privilège de voir leur tombe de 1575 située dans la nef et le transept de cathédrale de Quimper" (Monographie Le Men)
1713. Aveu d'écuyer Hervé-Louis de Kerléan, Sr de I Poulguinan, tuteur des enfants de feu Gervais Budoes, Sr de Kerléan, et de dame Anne-Corentine Furic, Sr et I dame de l'Isle."
Au-dessus de la porte sud, se lit une autre inscription de 1578 : " INRI/ O. MATER. DEI. MEMENTO. MEI. 1578. "
Enfin, le porche ouest, également toute gothique avec son gable tangent et coupant les piédroits, porte sur une banderole : " PAX : VOBIS. 1592. "
Le style Renaissance apparaît, au contraire, sur la petite porte sud de la nef, sur laquelle on lit l'inscription : " M. P. CORAY. RECTEVR. 1605 ", et sur un linteau de la sacristie daté par l'inscription " M : I : CONNAN : RECTEVR. 1621. "
Bâtie sur un terrain privé, elle fut vendue sous la Révolution au sieur Louis Ollivier, elle fut rachetée par la commune, restaurée en 1817 et rendue au culte vers 1822.
Les crossettes (pierres d'amortissement), la gargouille et les autres éléments figurés sont donc datables entre 1541 et 1578.
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Pour plus de précision, lire, infra en Sources, la description et l'historique du chanoine Paul Peyron datant de 1893.
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Situation.
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1. La carte de Cassini montre "la Mère de Dieu" située au nord de Kerfeunten, juste au dessous du manoir de Keramaner. À sa gauche, la rivière du Steïr effectue un coude à angle droit, tandis que sur la droite, le Frout descend verticalement, parallèle à l'Odet. Ces deux cours d'eau sont équipés de moulins. Plus à droite,l'Odet, passant par Cuzon.
On repérera deux importants axes routiers :
La route Brest-Lanvéoc-Locronan-Quimper.
La route Lesneven-Châteaulin-Quimper (ancienne voie romaine).
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La carte de Cassini rend mal compte de la situation de la chapelle sur la droite d'un chemin qui remonte vers le manoir de Keramaner en longeant un vallon assez encaissé.
La Carte d'Etat-Major.
Elle montre mieux ce ruisseau qui se jette dans le Steïr après le moulin de Meilh Stang Bihan. Ce ruisseau est important car qui dit chapelle dit fontaine, laquelle précédait peut-être, par ses vertus, l'oratoire.
La chapelle située à 40 m d'altitude occupe un petit éperon surplombant de 20 m la division d'un cours d'eau.
La carte montre aussi que la route de Châteaulin longe le manoir de Keramener.
Le toponyme est toujours "Chapelle de la Mère de Dieu"
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L'hydrologie est mieux visible encore sur la carte IGN. La chapelle n'est pas nommée sur ce grossisement, mais le chemin porte le nom de Ty Mamm Doué.
Un lavoir était aménagé à proximité de la chapelle. Mais on ne trouve aucune mention d'une fontaine avec édicule, ni aucune carte-postale témoignant de son existence .
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Terminons par la vue aérienne où est indiqué l'axe général du vallon, et où son tracé est marqué par les arbres et buissons :
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Description des crossettes de la façade sud.
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La sirène et les acrobates sculptés des crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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I. LA SIRÈNE. Crossette du côté gauche de la première lucarne sud. Granite, XVIe siècle.
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C'est l'une des seules à n'être pas citée par Hiroko Amemiya, qui a compilé ces ornements de type sirène (femme-poisson) en Bretagne dans son "Vierge et démone" en en dénombrant 20, dont 13 en pierre, et parmi elles 9 crossettes. 8 sont en Finistère, celles de Landévennec, Saint-Urbain, Landerneau, Bodilis, Lampaul-Guimiliau, Ploudaniel (chapelle Saint-Eloi), Sizun, Kergrist-Moëlou et Vitré. Si on y ajoute la dizaine d'ornement de type femme-serpent, nous constatons que les maîtres-sculpteurs répondent à une demande générale d'ornementation bien particulière. Cela se confirmera avec le deuxième motif, l'acrobate.
Nous parlions de la situation de la chapelle par rapport au réseau hydrographique, et de l'existence d'une fontaine. Nous ne nous étonnons donc pas de voir ici célébrer une créature féérique du monde aquatique.
Tournée vers l'ouest, elle est couchée sur le ventre mais avec le buste dressé, sa généreuse poitrine en avant et la tête renversée en arrière et tournée vers les cieux. Son épaisse chevelure retombe sur ses épaules, tandis qu'une couverture est posée, comme une selle, sur son dos. Elle est dotée d'une incontestable queue de poisson, et son corps est couvert d'écailles en réseau de losanges, y compris les bras.
Elle tient en main gauche un objet rectangulaire qui devrait nêtre, selon l'iconographie, soit un miroir, soit plutôt un peigne.
Sa main droite, moins visible, semble posée sur son côté droit.
Par sa posture, nous pouvons la rapprocher de celles de Landerneau, de Sizun (côté ouest), de Saint-Urbain et de Lampaul-Guimiliau, ... qui tiennent toutes un miroir.
La sirène et les acrobates sculptés des crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
La sirène : crossette (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
La sirène : crossette (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
La sirène : crossette (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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II. L'ACROBATE. Crossette du côté droit de la première lucarne sud. Granite, XVIe siècle.
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Sa posture poitrine en avant et tête vers le ciel est symétrique de celle de la sirène. C'est un acrobate en renversement postérieur, les talons se rapprochant de l'occiput, et ce personnage est très fréquent (presque omniprésent) dans les crossettes des chapelles bretonnes, ainsi qu'en d'autres emplacement comme les sablières et les porches. C'est d'ailleurs ce qui permet d'affirmer que c'est bien un acrobate.
Mais celui-ci se livre à un exercice particulier : il s'appuie à un bâton passé entre ses bras pliés (cf. flêche).
Je pourrais séparer les saltimbanques travaillant sans accessoire de ceux qui augmentent leur performance en faisant appel à des barres, crochets et autres entraves, quitte à se lier (nous le verrons) à des collègues. J'ai découvert l'existence de ces derniers sur les sablières et surtout les abouts de poinçon de la charpente de Pleyben, puis sur ceux de Grâces en Guingamp.
Il porte les cheveux longs tombant sur les épaules, il est vêtu d'une tunique courte à bords festonnés, serrée par une ceinture, de chausses moulantes et de chaussures.
Si la sirène appartenait au monde de l'eau, cet acrobate nous renverrait plutôt à celui de l'air, ou, du moins, du renversement des valeurs.
Dans les deux cas, ils nous renvoient au domaine du jeu, de la fantaisie et de l'imagination.
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L'acrobate : crossette (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
L'acrobate : crossette (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
L'acrobate : crossette (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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III. LE LION. Crossette du côté gauche du gable de la baie sud du transept.Granite, XVIe siècle.
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Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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IV. LE LION. Gargouille du côté gauche du gable de la baie sud du transept.Granite, XVIe siècle.
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Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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V. LA FEMME NUE. Crossette de l'angle sud-est. Granite, XVIe siècle.
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La posture de cette femme est difficile à comprendre. Elle est accroupie à l'angle d'un contrefort, une main sur le genou droit et l'autre sur la poitrine. Elle est coiffée d'une capuche.
Mais l'anatomie est bizarre, notamment pour cette "poitrine" et cette "main", et pour les épaules.
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Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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VI. Crossettes des côtés est et nord . Granite, XVIe siècle.
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Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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Un dragon.
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Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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VII. LES DEUX ACROBATES JUMELÉS Crossette du nord, côté droit du gable du transept. Granite, XVIe siècle.
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On les a considérés, on les considère encore comme les effigies de Jean Furic et de son fils Pierre. Mais on peut opposer à cette opinion plusieurs objections.
Aucun monument breton du XVIe siècle ne montre, sauf exception, le portrait du commanditaire (et ici, du propriétaire du terrain) sosu la forme de crossettes, car ces pierres d'ammortissement sont consacrées à des figures animales fabuleuse ou non ( dragon, lion, chien), ou à des chimères (femmes-serpent ou femme-poisson), ou à des figures humaines marginales (acrobates) ou métaphores du Vice (le Buveur, le Trop-Mangeur, le ou la Lubrique). Aucun noble, aucun riche marchand n'aurait accepté de figurer sur ce "tiers-lieu" intermédiaire entre les murs et les toits, et, surtout, n'aurait accepté d'y être représenté "en figure". Seules les armoiries pourraient, pour affirmer leurs prééminences, s'y trouver, comme on les voeint inscrites dans les sablières.
Surtout,la posture visible si nous nous plaçons face à la baie, et non de biais, est celle, bien connue des amateurs de crossettes et de sablières, de l'homme aggripant d'une main sa cheville. C'est, toujours, une posture soit lubrique, soit d'acrobatie lors d'un renversement postérieur. Aucun notable n'aurait accepté de se voir affublé de ce geste réservé aux saltimbanques.
À Dirinon, l'acrobate, nu, empoigne sa cheville d'une main et touche son sexe de l'autre, tandis que c'est, au sud, un acrbate bien vêtu qui prend son pied . C'est une femme nue qui prend cette pose à Notre-Dame-de-Berven de Plouzévédé, à Saint-Hervé de Gourin, à Notre-Dame des Trois-Fontaines de Gouezec. Au château de Pontivy, c'est, en 4, un buveur, et en 21, un acrobate qui aggripent leurs chevilles. De même à l'angle de la Maison du Guet de La Martyre.
Les acrobates jumelés : crossette (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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Donc, nous avons affaire ici à un numéro d'acrobatie, tout comme sur la façade sud avec l'homme s'accrochant à une barre pour réaliser son renversement.
Mais ici, nous trouvons deux têtes, l'une moustachue, l'autre non, sortant de la même tunique plissée échancrée en V, et chacune coiffée d'un bonnet.
Nous n'en savons pas assez sur l'art des saltimbanques du XVIe siècle pour interprêter plus à fond cette figure d'acrobatie : s'agissait-il de réussir un renversement en duo, et enfermé dans la même tunique ? Ce serait une forme d'entrave.
Un peu comme à Pleyben ?
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Les acrobates jumelés : crossette (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
Les acrobates jumelés : crossette (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
Les acrobates jumelés : crossette (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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LES CROSSETTES DU CLOCHER.
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1. L'acrobate de gauche, au dessus de la chambre des cloches. Crossette, granite, 1573.
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C'est le troisième exemple ici de l'acrobate empoignant ses chevilles pour réussir un renversement postérieur en bombant le torse. Il est coiffé du traditionnel bonnet, porte une veste courte à boutons, le bagou braz plissé et des chaussures.
En réalité, il ne saisit pas ses chevilles, mais il exerce une traction sur une barre ou une sangle (flêche) passée sous ses genoux : donc un nouvel exemple d'acrobatie avec accessoire.
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2. La femme tenant un livre et maintenant sa coiffe. Côté droit au dessus de la chambre des cloches. Crossette, granite, 1573.
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Crossette du clocheton, granite, 1573. Photographie lavieb-aile.
Crossette du clocheton, granite, 1573. Photographie lavieb-aile.
Crossette du clocheton, granite, 1573. Photographie lavieb-aile.
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3. Un ange. Crossette, granite, 1573.
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Crossette du clocheton, granite, 1573. Photographie lavieb-aile.
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SOURCES ET LIENS.
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— ABGRALL (Jean-Marie), 1915, Inscriptions gravées et sculptées sur les églises et monuments du Finistère
Chapelle de la Mère de Dieu: (Ty-Mam-Doue) . Au-dessus de la porte principale Sud-Est est une inscription gothique dont voici la lecture d'après MM. le chanoine Abgrall, Waquet et Lucien Lécureux : Ceste chapelle en lhoeur (l'honneur) De Mam Doe l (an) MVecXLI Ainsy faits scavoir a che Noble sineur oage et bonne foi (hommage)
Avant d'envoyer au Salon de Paris, qui va bientôt s'ouvrir, les dessins et relevés de cette chapelle, nous avons pensé qu'il serait intéressant de les soumettre aux membres présents à cette séance, et qui sans doute connaissent ce joli monument situé aux portes de Quimper.
Une étude approfondie faite l'été dernier nous a permis de réunir dans un même cadre les ensembles et détail de ce curieux édifice.
Nous ne redirons point l'historique de cette chapelle, notre éminent collègue, M. le chanoine Peyron, nous a précédé dans cette tâche avec son talent habituel, nous nous contenterons d'y ajouter seulement une courte description purement archéologique.
La Chapelle de Ty-Mam-Doué, ou maison de la mère de Dieu, fut rebâtie vers le milieu du XVIe siècle sur le versant d'un coteau, et subit comme tous les monuments de celle époque diverses transformations successives.
En plan elle a la forme d'une croix latine orientée de l'Est à l'Ouest avec nef sans bas-côtés, large transept et abside terminée par un mur droit. le tout flanqué de contreforts d'angle, quoiqu'on n'eût sans doute point l'intention de la voûter. Les charpentes sont recouvertes d'un berceau en lambris
peint de date récente; il est probable qu'autrefois les entraits et poinçons de charpente étaient apparents, mais il furent coupés et l'on en retrouve quelques traces le long des murs.
De larges Laies géminées éclairent le fond du chevet et du transept, d'autres petites ajoutent encore de la lumière à l'intérieur de ce monument.
Outre la partie principale du côté Ouest, trois autres portes sont pratiquées dans lés murs, deux du côté Sud, une du côté Nord; une petite sacristie est adossée de ce à l'extérieur. .même côté avec sortie directe
Les proportions de cette Chapelle sont élégantes, mais certaines dispositions présentent des talonnements ou des erreurs regrettables.' Ainsi nous remarquons ces deux transepts qui ne portent que de hautes piles octogonales du légères poutres, et l'irrégularité des rampants de cette
partie de l'édifice; il est évident que cette disposition était il nous sera permis que dire que les
voulue, cependanteaux prises avec des difficultés, n'ont pas su constructeurs, atteindre un 'résultat satisfaisant. II en est ainsi du léger gâble qui surmonte la porte Ouest, il n'est ni courbe ni droit, mais d'une forme indécise et, comme la fenêtre qui le surmonte, produit le plus fâcheux efTet.
Tout l'intérêt de la Chapelle réside particulièrement dans élégant clocher. Bâti de quilles légères, sur le sommet son d'un contrefort d'angle, il est surmonté d'une flèche gracieuse etde clochetons ;aux quatre angles ornée de crochets,de gâbles nous remarquons quatre petits marmousets des retombées
qui détachent curieusement leur silhouette dans le ciel.
Toule la richesse d'ornementation fut réservée aux façades Sud et Ouest; les contreforts sont ornés de niches peu profondes à pinacles fleuronnés couronnées de dais, et dont les supports sont ornés de têtes et de feuillages entrelacés. surmontaient autrefois ces contreforts.
Des pinacles
La porte ogivale que surmonte une accolade à gros fleuron est formée de fines nervures et flanquée de deux colonnes bagues ornées de couronnes et cordelières,
torses, avec et terminée par des pinacles fleuris; elle ['appelle cette si riche et si féconde que nous avons époque Louis XII sur les bords de la Loire bien souvent admirée
Au-dessus de cette porte s'étale une large inscription supportée par des anges et sur laquelle on lit en caractèresgothiques: Cette Chapelle · en l'honneur Mam-Doé l'an mille cinq cent qnarante et un nous y fait scavoir que chez Noblesse gisent (devocion) bonne foy, qui donne une date assez précise de la reconstruction de l"édifice . .
La porte principale du côté Ouest est aussi riche que la précédente, mais sans être d'aussi belles proportions, on y remarque pat'liculièrement les beaux feuillages qui ornent les gorges profondes de ces nervures et les deux personnages en ronde-bosse, aux amortissements du gâble au-dessus du bandeau. L'un représente un guerrier coilTé d'un casque et à corps d'animal, porlant un étendard déployé, l"autre une femme la tête couverte d'un voile et tenant une banderolle sur laquelle on lit ces mots : Pax: Vobis 1592.
Les meneaux des fenêtres attirent peu d'intérêt; nous y avons même trouvé une certaine gaucherie d'exécution qui dénature certainement l'ensemble de l'œuvre.
Au-dessus du gl'os gàble du transept Sud sont sculptées des armoiries presque effacées ,et supportées par des grillons.
Nous ne quitterons pas l'extérieur sans parler des curieuses gargouilles et sujets d'amortissement des gâbles, homme au poisson, torse de femme courbée) animaux fantastiques, personnes à deux têtes, etc. , tous atteslant une période féconde en production, où la naïveté jointe à une sûreté d'exécution, engendra des combinaisons souvent bizarres, mais toujours intéressantes.
L'intérieur est peu remarquable; cependant nous y trouvons les belles piscines, pratiquées dans les murs, toutes quatre diverses de formes, que nous nous sommes plu à l'e produire fidèlement; puis de jolis bénitiers, les uns adossés, les autres isolés comme celui du XVIIe siècle, monté sur un groupe de quatre petites colonnettes engagées.
Dans le bas de la Chapelle il semble qu'on ait voulu établil' une tribune dans de plus grandes proportions que celle qui existe aujourd'hui, si nous considérons les quatre encorbellements puissants placés le long des murs latéraux.
A l'angle Sud·Ouest un escalier à noyau central conduit à la tribune.
N'oublions pas de mentionner aussi les quelques consoles ou supports habilement sculptés, les deux du fond du chœur qui sont figurés sur nos dessins attirent particulièrement l'attention; ils représentent des monstres marins prêts à dévorer un mortel.
Au XVIIe siècle on pratiqua dans le mur Sud une autre porte, qui, ornée de deux colonnes isolées, disparues maintenant, devait produire un très bel efTet. Elle est en arc surbaissée, ornée de pilastI'es, d'une fine corniche et d'unfronton au-dessous duquel on remm'que un petit motifsculpté également en ronde-bosse, représen tant le PèreEternel couronné de la tiare. Les petits pilastres sont ornés de têtes d'anges et de démons; sur les socles des colonnes se voient, mais bien mutilés, des personnages ailés; et au-dessus des entablements, de riches dais abritant sans doute des statues de pierre aujourd'hui disparues.La restauration, mais surtout la conservation de cet édifice, s'imposent. Aussi demanderons-nous à M. le Ministre des Beaux-Arts de vouloir bien le classer parmi les monuments historiques de la région,si caractéristiques dans département, pour l'étude des anciennes écoles françaises,
CHARLES CHAUSSE PIED
— COMITÉ D'ANIMATION
https://chapelletymammdoue.com
— COUFFON (René), 1980, Notice sur Quimper, in Nouveau répertoire des églises de chapelles du diocèse de Quimper et Léon
"Cette chapelle dépendait, avant la Révolution, de la paroisse de Cuzon. Elle comprend une nef, d'abord sans bas-côtés puis avec une travée séparée de ses bas-côtés par une architrave sur pilier octogonal, enfin un transept non saillant et un choeur profond à chevet plat. Bien que non voûtée en pierre, elle est flanquée de contreforts d'angle ; le petit clocher à jour est posé sur l'un de ces contreforts, côté sud. Elle remonte au XVIè siècle. L'an 1540, Pierre Quénec'h-Quivilly, seigneur de Keranmaner, permettait aux paroissiens de Cuzon de la reconstruire sur ses terres, et l'inscription gothique, au-dessus de la porte latérale sud, indique : " CESTE CHAPELLE EN LHOEUR/DE MAM DOE. L : M : Vcc : XLI./... " Le chevet à noues multiples date de cette époque. Au-dessus de la porte sud, autre inscription : " INRI/O. MATER. DEI. MEMENTO. MEI. 1578. " Enfin, la porte ouest, également toute gothique avec son gable tangent et coupant les piédroits, porte sur une banderole : " PAX : VOBIS. 1592. " Le style Renaissance apparaît, au contraire, sur la petite porte sud de la nef, sur laquelle on lit l'inscription : " M. P. CORAY. RECTEVR. 1605 ", et sur un linteau de la sacristie daté par l'inscription " M : I : CONNAN : RECTEVR. 1621. " A la croisée du transept, quatre entraits engoulés. Mobilier Maître-autel et deux autels latéraux de style néo-gothique, fin du XIXe siècle. - Chaire à prêcher avec abat-voix plat, début du XXe siècle ; bas-reliefs des Evangélistes sur les panneaux. - Stalles du choeur encore en place. - Deux confessionnaux cintrés, avec demi-dôme à écailles (début du XIXe siècle ?). Trois piscines gothiques, deux dans le choeur, une dans le transept nord. - Bénitier encastré et sculpté près de la porte ouest. Statues en bois polychrome : Christ en croix sur la poutre de gloire, autre Crucifix, Vierge à l'Enfant dite Notre Dame de Ty-Mam-Doué, XVIIe siècle, dans une niche en bois peint portant l'inscription : " GUERC'HEZ VARI MAM DOUE PEDIT EVIDOMP ", saint Joseph portant l'Enfant Jésus, Vierge aux mains jointes (Vierge au Calvaire ?), saint Jean-Baptiste, saint Corentin. Vitraux du début du XXe siècle dans le transept : au nord, verrière évoquant la construction des flèches de la cathédrale, très mutilée ; - au sud, " Souvenir reconnaissant des combattants de la Guerre 14-18 " : soldats montant à l'assaut accompagnés de Jeanne d'Arc ; en dessous, procession du pardon de Ty-Mam-Doué. Tableau de l'Assomption, peinture sur toile d'Olivier Perrin, en mauvais état, XVIIIe-XIXe siècle. . Cadran solaire au tympan d'une fenêtre du midi."
— PEYRON (Paul), 1893 Notice sur la chapelle Ty-Mam-Doue en Kerfeunteun · A. de Kerangal
La Mère - de - Dieu (Ty-Mam-Doue). La chapelle Ty-Mam-Doué ou de la Maison de la Mère de Dieu, située à trois kilomètres de Quimper, faisait autrefois partie de la paroisse de Cuzon, mais a été réunie depuis le Concordat à celle de Kerfeunteun. Cette chapelle est un lieu de pèlerinage fort fréquenté, tout particulièrement par les habitants de Quimper, tant à cause de sa proximité de la ville, qu'à raison de la dévotion traditionnelle qui, de temps immémorial, s'est manifestée en ce lieu, en l'honneur de la Mère de Dieu. A quelle époque faut-il faire remonter les origines de cet oratoire? C'est ce qu'il n'est pas possible de préciser, et nous ne pouvons répondre à cette question que dune manière approximative. Un arrêt du Parlement de Bretagne rendu le l6 Avril 1556 nous apprend que l'an 1540, Pierre Kernechquivilic, lors sieur de Keranmanoir, sur le terrain duquel était bâtie la chapelle, « aurait permis aux paroissiens de Choeuzon de refaire et reconstruire de nouveau certaine chapelle appelée chapelle de la Mère de Dieu ». Le premier édifice était donc en ruine au commencement du xvie siècle, ce qui suppose une existence antérieure d'au moins deux siècles. Il serait dès lors permis de conclure que la première construction datait de la première partie du xive siècle, et si l'on rapproche cette date de celle de la translation de la maison de Nazareth à Lorette en 1295, et de la dénomination sous laquelle a été connu de tout temps l'oratoire de Kerfeunteun : Chapelle de Ia Maison de la Mère de Dieu, il ne sera pas téméraire d'avancer que la chapelle de Ty-Mam-Doue a été construite en mémoire de la translation miraculeuse de la maison où s'est accompli le mystère de la Maternité divine, et que cette construction date d'une époque rapprochée de ce grand événement. Cette conjecture est encore confirmée par l'existence des deux édifices séparés qui se voient en ce lieu de Keranmaner, dont l'un affecte la forme d'une simple maison convertie en oratoire [détruit en 1969] et l'autre est la chapelle proprement dite de la Maison de la Mère de Dieu. Il serait difficile d'expliquer autrement le voisinage si rapproché de ces deux édifices.
Le manoir noble de Keranmaner, sur les terres duquel était bâtie la chapelle, relevait de l'Evêque de Quimper, auquel il payait la dîme. Ce manoir était possédé en 1509, par Jean Le Scanff, veuf de Marguerite Noël ; En 1540, il appartenait, d'après l'arrêt cité plus haut, à Pierre Kernechquivilic, qui, en 1549, le délaissa, à titre de féage, à Jehan Furic, époux (en 1562) de demoiselle Jeanne Le Cleuziou ; mais cette cession était faite à condition « qu'il ne serait permis à nulle personne fors audit « Kernechquivilic avoir et mettre armoieries et intersignes de noblesse, sans le congé du dit Kernechquivilic, suivant lequel contrat le dit de Kernechquivilic aurait « fait apposer des armoieries au portail d'icelle chapelle « lesquelles y auraient tousjours esté au veu et sceu de tous les paroissiens et si longuement que le dit de Kerec nechquivilic a esté sieur du dit lieu de Keranmanoir ». Le sieur de Kernechquivilic ne figure pas dans l'armorial de M. de Courcy, et il serait inutile de rechercher ses armes au portail de la chapelle, car cette partie de l'édifice porte la date de 1592. Non obstant la réserve formelle de l'acte de cession, Jehan Furic avait fait apposer ses armoiries sur la chapelle ; mais aussitôt le sieur de Kernechquivilic les avait fait abattre, et en 1556, il remontrait au Parlement que la dite chapelle « était assise au fief de l'Evêque de Cornouaille, dedans lequel fief n'était permis d'avoir armoieries en bosse, si non audit Evêque et aux gentilshommes de la paroisse ; que le dit Furic était roturier et de basse condition, incapable de jouir des droits et prérogatives appartenant à gens extraits de noble lignée ».
Le premier Avril 1556, un arrêt du Parlement reconnut le bien fondé de la réclamation et condamna le sieur Furic à l'amende et aux dépens. Le sieurs Furic furent, du reste, à diverses reprises déboutés de leurs prétentions à la noblesse, ce qui n'empêche pas que leurs armes soient les seules qui se voient de nos jours dans la chapelle de la Mère-de-Dieu. Elles sont sculptées en bois sur la tribune, qui date vraisemblablement de 1592 comme le portail, et portent dazur à trois croisettes au pied fiché et haussé dor. Les Furic demeurèrent propriétaires de Keranmanoir, de 1547 au commencement du XVIIIe siècle ; car après Jehan Furic, qui figure comme possesseur en 1547-1562, nous trouvons mentionnés en 1604, comme seigneurs de Keranmanoir, « nobles gens Yves Furic, Guillaume Furic et autres » ; et en 1681, « la dame Marie du Stangier, veuve de noble homme Ignace Furic ». Nous devons avouer que c'est de leur temps, et grâce sans doute à leur générosité, que fut rebâtie presque totalement la chapelle.
Grande chapelle actuelle
Elle est d'un très heureux effet, surtout vue à travers les arbres du placître. Ce qui lui donne particulièrement du pittoresque, c'est son petit clocher si singulièrement campé sur un contrefort d'angle, orné de niches et de dais, la belle porte sculptée et feuillagée à côté de ce contrefort, la fenêtre et le grand pignon du transept Sud et les pignons aigus de l'abside. Au-dessus de cette porte ornementée, se lit la date de cette partie de la construction, écrite en caractères gothiques sur un cartouche tenu par deux petits personnages.
Cette légende, avec ses abréviations, est très difficile à déchiffrer ; la voici, d'après la dernière lecture qu'en a faite M. Lucien Lécureux :
CESTE CHAPELLE EN LHÕ~EVR
DE MAM DOE L . M Vcc XLI
AINSY FAITZ SCAVOIR A CHE
NOBLE SINEVR ÕAGE Z BONNE FOI
Et l'on doit traduire ainsi :
Ceste chapelle en l'honneur
De Mam Doe (la Mère de Dieu) l'an 1541
Ainsi faitz (je) scavoir à ce
Noble seigneur hommage et bonne foi.
La petite porte Sud de la nef a été percée après coup, comme l'indique le style de son encadrement et de son fronton, et comme l'atteste l'inscription de la frise :
M.P. CORAY. RECTEVR . 1605
Le portail Ouest, donnant au bord de la route, est tout k fait dans la note gothique, et on est porté à lui attribuer la même date qu'au transept Midi et à l'abside, et cependant il serait de beaucoup postérieur d'après l'inscription que tient un ange sur une banderole à main droite de la porte :
PAX . VOBIS . 1592
De l'autre côté, un homme d'armes, en cariatide, porte une bannière ou enseigne fixée à une hampe ou branche à nœuds. Sur le côté Nord, nous trouvons une autre date :
INRI . O . MATER . DEI . MEMENTO . MEI . 1578
puis, du même côté, sur la porte :
MI . CONNAN . RECTEVR . 1621
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A l'intérieur, sans qu'il y ait grande richesse de style, on peut observer quelques curieuses particularités de construction, ainsi que deux ou trois piscines sculptées et moulurées. A gauche de l'entrée du chœur, sur un trône en chêne ouvragé, se trouve la statue vénérée de Notre-Dame, belle Vierge assise, ayant l'Enfant-Jésus debout sur ses genoux, et tenant dans la main droite une grande grappe de raisin. Cette statue est richement et noblement drapée. Les caractères de sa facture et les rapports qu'elle a avec la grande statue de Kerdévot semblent devoir lui assigner pour date l'époque de Louis XIII . En 1713, la terre de Keranmanoir appartenait aux enfants mineurs d'écuyer Germain Budos, sieur de Kerléan, dont est tuteur écuyer Hervé-Louis de Kerléan, - sieur de Poulguinan . Enfin, au moment de la Révolution, le propriétaire était le contre-amiral de Kerguélen-Trémarec. L'aveu rendu en 1775 spécifie le droit qu'avait le sieur de Kerguélen de faire exercer par ses fermiers « un droit de coutume sur toutes les denrées et marchandises qui s'y étaloient le jour du pardon » Il avait également dans la grande chapelle un banc avec ses armoiries ; ses armes se voyaient sur plusieurs portes des deux chapelles, et lors de la mort de sa femme, peu de temps avant la Révolution, M. de Kerguélen put ceindre la grande chapelle d'un cordon de deuil quil fit parsemer de ses armes.
Avant de raconter ce que devint la chapelle de la Mère-de-Dieu depuis la tourmente révolutionnaire, disons un mot de la grâce qu'y obtint le Vénérable Père Maunoir ; voici comment il raconte lui-même le fait dans la relation manuscrite qu'il a laissée des dix premières années de ses missions. « L'an 1630, je fus envoyé, dit-il, au collège de Quimper pour y professer la cinquième ; je ne pensais aucunement à me livrer aux travaux des missions de ce pays dont j'ignorais complètement la langue ; je me sentais plutôt poussé à obtenir de mes supérieurs d'être envoyé aux missions du Canada. Mais le Père Bernard, que je trouvais au collège, me fit un tel tableau du triste état du peuple d'Armorique, la rencontre que je fis à cette époque de M. Le Nobletz, ces diverses circonstances me portèrent à changer de sentiment. Sur ces entrefaites, comme j'allais un jour en pèlerinage visiter la chapelle de la Vierge que les habitants de ce pays appellent maison de la Mère de Dieu, je me sentis fortement porté à apprendre la langue bretonne, et il me sembla en même temps voir en mon esprit se dérouler tous les desseins de Dieu pour l'évangélisation des quatre diocèses de la Basse-Bretagne. Entré dans la chapelle, prosterné aux pieds de la sainte Mère de Dieu, je lui ouvris mon cœur et lui communiquais ce dessein que m'inspirait l'Esprit-Saint, la priant de le bénir et de faire que, pour la gloire de son fils, je puisse apprendre la langue bretonne. Cependant, devant les objections qui me furent faites touchant les difficultés extraordinaires qu'offrait l'étude de cette langue et le dommage qui en résulterait pour des études d'une toute autre importance, je résolus de ne rien entreprendre sans l'agrément du R. P. Provincial Barthélemy Jacquinot. « Grâce aux instances du Père Bernard, ia permission d'apprendre le breton me fut accordée le jour de la Pentecôte, et le ciel seconda si bien mon ardeur que, confiant dans la bonté et la puissance divine, le mardi suivant je fis le catéchisme au peuple en cette langue, et six semaines après je pus commencer à prêcher sans préparation écrite, gràce que Dieu m'a conservée jusqu'à ce jour. » C'est cette faveur vraiment extraordinaire que rappelle la belle fresque de M. Yan' Dargent à la cathédrale, près la porte de la sacristie,
Au moment de la Révolution, la terre de Keranmaner, appartenant à un des officiers les plus distingués de Ia Marine française, ne fut pas mise sous le sequestre, malgré l'absence du propriétaire, et la vente en fut faite au nom du contre-amiral de Kerguelen, au sieur Poullain, par acte du 28 Germinal, an IV.
Quant aux deux chapelles, elles avaient été vendues nationalement l'année précédente, le 8 Floréal, an III, à Louis Ollivier, du village de Kergariou, pour la somme de 3.150 fr. en assignats. Louis Ollivier, comme il le déclara lui-même devant la Municipalité de Kerfeunteun, le 5 Février 1806, n'avait fait cette acquisition que des deniers provenant de la libéralité des habitants de Ia commune et de beaucoup d'autres citoyens qui avaient une dévotion particulière pour cette chapelle » et dans l'intention de la faire rendre au culte dans des temps meilleurs. C'est dans ce but que le sieur Ollivier faisait don de la chapelle de la Mère-de-Dieu à la paroisse de Kerfeunteun par acte du 29 Août 1807. M. Vistorte, alors recteur de Kerfeunteun, voulut s'occuper immédiatement de la restauration de la chapelle. Mais à ce moment Keranmanoir appartenait à un nouveau propriétaire qui en avait fait l'acquisition l'an X, du sieur Poullain, et le nouveau venu prétendait que les pierres seules des chapelles, et non îe fonds, avaient été vendues au sieur Ollivier, et que dès lors il devait en débarrasser au plus tôt son terrain. Les Archives départementales (1) possèdent la lettre en forme de mémoire que le nouveau propriétaire écrivait au Préfet, le 4 Février 1812, pour soutenir le bien fondé de ses prétentions. Nous allons en citer les principaux passages, car quoique ce factum soit écrit dans un très mauvais esprit, il constate assez clairement la vénération profonde qui avait survécu à la tourmente révolutionnaire pour ce lieu de pèlerinage. Après avoir dit que les chapelles avaient été vendues seulement pour les pierres, à Louis Ollivier, l'auteur du factum ajoute : « Je viens d'apprendre que le sieur Vistorte, recteur se mettant aujourd'hui au lieu et place de l'acquéreur, profitant de l'embarras dans lequel m'avait jeté l'incendie que j'éprouvais le 1er Mai 1809, fit dans le courant de Juin réparer la petite chapelle et se dispose à réédifier la grande, qui n'est aujourd'hui qu'une misérable mazure à laquelle la simonie de ce curé rassemble tous les ans dans Ie courant de tout le carême particulièrement, une populace très nombreuse et très accablante, sous le prétexte spécieux de superstitieux miracles. « Oui, M. le Préfet, lorsque l'acquéreur du 8 floréal fit l'acquisition de ces matériaux, il était bien dans l'intention de les enlever pour réédifier les édifices de son domaine de Kergariou.[...]
Comme avant la Révolution, les habitants de Quimper et de Kerfeunteun reprirent avec plus d'empressement que jamais leurs pieuses visites à la Mère-de-Dieu, surtout pendant le Carême. Les dimanches, ils y venaient pour les vêpres, les jeudis, ils y amenaient leurs enfants pour la promenade des jours de congé, les vendredis, les paroissiens s'y rendaient nombreux pour faire l'exercice du chemin de la Croix et s'approcher des sacrements. Ces dévots usages se continuent encore aujourd'hui ; Mgr Sergent, de vénérée mémoire, ne manquait jamais d'y venir dire la messe, chaque année, pendant le Carême. Plusieurs pensionnats et congrégations de Quimper y viennent, tous les ans, se mettre sous la protection de la Mère de Dieu. Marie se plaît, comme autrefois, à écouter là ses enfants et à exaucer leurs prières. Les nombreux ex-voto qui entourent la statue en sont la meilleure preuve."
— ROSMORDUC (comte de) 1901 Papier contenant les naissances des enfants du sieur (Furic) de Keranmanoir et leurs mariages (1539-1596) ; document inédit. Bull. SAF
Cet ornement sculpté dans le granite n'est pas une gargouille, puisqu'elle ne se charge pas de l'écoulement des eaux pluviales. Elle occupe le sommet du rampant de la dernière lucarne, à sa jonction avec le chevet. Elle participe, par ses charmes, à la célébrité de l'église, et elle est décrite presque partout comme une sirène.
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1. Une sirène. Sophie Duhem, et tous les sites patrimoniaux sur le net.
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a) Sophie Duhem.
"L'infamie de la luxure a trouvé dans l'art breton un être à sa dimension —la femme— dont les nudités voluptueuses sont des gouffres de l'âme pour l'homme jouisseur taraudé par des pensées impures. Allégorie de la séduction, son corps paré aux ondulations dansantes a pris des aspects bien divers dans l'art. En Bretagne, par exemple, la sirène est l'emblème de sa vénusté et des sortilèges qui l'accompagnent."
Le Juch, église Notre-Dame, gargouilles, XVIe-XVIIe siècle. Le corps maudit, l'ensorcelante cambrure des sirènes.
La sirène sculptée parmi les gargouilles de l'église du Juch est d'une grande beauté : le visage a subi les injures du temps, cependant la finesse du portrait, le sourire timide, le traitement des cheveux délicatement posés sur les épaules donnent une idée de la qualité de la facture originelle. L'artiste voulait suggérer la beauté comme l'indique le buste incliné sur la corniche, la tête légèrement penchée de la femme séductrice, sans oublier la majestueuse poitrine qu'elle offre de ses deux mains en la projetant vers le monde des hommes. De toutes les ensorceleuses postées au sommet des églises dans l'attente de leur coupable forfait, c'est la plus convaincante. Son visage est si expressif qu'on l'entendrait presque chanter. » Sophie Duhem Avec 3 photos, p. 116 et 120.
Ce site est plus prudent, et, sous le titre "sirène", il décrit "une queue de reptile". Alors que Sophie Duhem reprend une interprétation moralisatrice par laquelle les sirènes et femmes sculptées sont des figures de la luxure et du péché incitant les fidèles à la conversion de leur conduite, ce site ouvre la porte à d'autres interprétations.
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"La sirène. Située au niveau de la toiture sur le flanc sud du sanctuaire, au pignon de la nef, la statue de sirène est une autre particularité de l’église. Sa chevelure est abondante et ondulée, ses seins généreux évoquent une mère allaitante. Le corps se prolonge ensuite en queue nouée, qui évoque une queue de reptile.
Cette statue a été soumise à nombre d’interprétations différentes.
Dans ses mémoires, Hervé Friant, habitant du Juch au début XXe siècle, la nomme « Gwrac’hic ar Zal », la femme redoutable, la sorcière malfaisante. Cela renvoie à une vieille légende du Juch, celui d’une déesse mère, la Gwarc’h, ou « vielle femme ». Cette légende est antérieure au christianisme et pourtant présente sur la statue d’un édifice chrétien.
Le serpent apparaît comme élément de la déesse, sirène aquatique ou créature reptilienne, gardienne des eaux souterraines. De par ses seins gonflés, elle symbolise la vie, comme déesse de la fécondité.
D’autres ont vu une référence à Eve et la Genèse : une figure féminine portant la marque du péché originel, et faisant référence au serpent de la tentation et de la chute.
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2. Une femme-serpent. Hiroko Amemiya.
Une observation plus attentive, et plus exigeante dans la nomenclature de ces "ornements à type de femmes semi-humaine" est celle que l'on trouve dans l'ouvrage de Hiroko Amemiya, "Vierge ou Démone", largement cité dans ce blog.
L'universitaire de Rennes 2 qui a consacré sa thèse de 1996 aux figures maritimes de la déesse-mère remarque que nous ne voyons pas (encore faut-il regarder) une femme-poisson, mais une femme serpent.
"Femme-serpent : couchée sur le ventre, tête à gauche. Visage joufflu encadré d'une longue chevelure en torsade. Seins proéminents. Le bras droit accoudé, le gauche tendu vers l'arrière. La partie inférieure du corps a la forme d'une queue de serpent nouée, l'extrémité pointue dirigée vers le bas." (H. Amemiya)
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N.B. La femme-serpent est aussi décrite par B. Rio dans son ouvrage Le Cul-bénit p. 80, avec une illustration p. 82 sous le titre "sirène".
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Ces descriptions n'ont pas besoin d'être reprises. On remarquera seulement que la queue se termine par une flèche (un dard). Et que la main droite de la femme est posée sur le sein droit, dans un geste de caresse, mais qui rappelle celui des Démones tenant une pomme.
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Je crois qu'il faut garder ouverte l'interprétation de cette femme-serpent.
Certes, le père Julien Maunoir, grand moralisateur et évangélisateur de la Bretagne soucieux de conversion de ce qu'il considérait être une terre de paganisme, est venu au Juch en 1642, et, selon son biographe, en 1657 et en 1658 . IL effectua plusieurs guérisons avec l'huile de la lampe brulant devant saint- Michel :
« Les Pères [Maunoir et Bernard] partirent de Quimper Ie 21 Août 1642, et ils expérimentèrent l'efficace de la bénédiction du consolateur de Catherine [saint Corentin] pendant leur voyage. Pensant que ce saint directeur était l'Archange de Bretagne, ils brûlèrent en son honneur un peu d'huile, dans l'église de N.-D. du Juch, devant l'image de saint Michel, en faisant quelques prières. Dès le même jour, appliquant cette huile à Jeanne Le Cor, de Douarnenez, qui souffrait de la fièvre et de douleurs aiguës depuis quinze jours, elle fut guérie de ces deux infirmités. BDHA 1909 p.
Mais on comprend mal que l'utilisateur des Tableaux de missions ou Taolennou dans lesquels les "vices" étaient toujours accompagnés de symboles qui les condamnaient expressément (luxure ici, accompagné d'un bouc) et les menaçaient toujours des flammes et tortures de l'enfer, puisse juger opportun de placer, en un lieu particulièrement ostensible, une femme nue si bien avantagée et si séduisante que la regarder est déjà commettre un péché de chair.
Cette sirène est trop joliment humaine et féminine pour être le support d'un sermon
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Il faut peut-être accepter que les villageois aient pu souhaiter — comme ailleurs des chanoines pour leurs stalles— orner leur église de figures emblématiques de leurs pulsions, sans vouloir aussitôt les dénoncer. Et qu'ils n'aient pas eu la même conscience dévote d'une bienséance catholique propre à des siècles plus tardifs.
Les exemples abondent dans l'ornementation sculptée des églises et chapelles bretonnes, notamment sous l'influence de la Renaissance, de représentations anthropomorphes hybrides dont l'unique but est d'être décoratif. Chassons les censeurs et transmetteurs de moraline et préservons notre plaisir d'admirer les œuvres des sculpteurs bretons témoins sans les recouvrir d'une "interprétation" anachronique. Ils ont été le relais d'un imaginaire ancestral dont les clefs débordent largement les tribulations bas-bretonne de recteurs face à leurs ouailles mais explorent les frontières de l'animalité et de l'humanité.
L'assimilation d'éléments hybrides venant des modillons romans, des contacts orientaux et méditerranéens pour certains, germaniques pour d'autres, est d'abord un élément de vitalité plutôt qu'un agent de la diabolisation et du dénigrement.
Et Mélusine dont se réclame la famille de Lusignan, apporte la fécondité liée à l'élément aquatique qui permet à Raymondin de posséder des terres et des châteaux :
"Et voit Melusigne en la cuve, qui estoit jusques au nombril en figure de femme et pignoit ses cheveulx, et du nombril en aval estoit en forme de queue d'un serpent, aussi grosse comme une tonne où on met harenc, et longue durement [très longue], et debatoit de sa coue l'eaue tellement qu'elle la faisoit saillir [gicler] jusques à la voulte de la chambre. »
— Jean d'Arras, Le Roman de Mélusine (1393-1394) https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9lusine_(f%C3%A9e)
— LECLERQ-MARX (Jacqueline) 2002, Du monstre androcéphale au monstre humanisé. À propos des sirènes et des centaures, et de leur famille, dans le haut Moyen Âge et à l'époque romane , Cahiers de Civilisation Médiévale Année 2002 45-177 pp. 55-67
— MAZET (Christian), 2019, La « sirène » d’Orient en Occident comme exemple de la sélection culturelle des hybrides féminins en Méditerranée orientalisante (viiie-vie siècle av. J.-C.), in L'Animal-symbole, CTHS Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques,
4. église Notre-Dame de Brasparts, porche sud, granite, 1592.
5. église Saint-Edern à Lannedern, crossette de l'ossuaire, 1662.
6. église de la Sainte-Trinité de Lennon, crossette du porche sud, XVIe siècle
7. chapelle Saint-Herbot de Plonévez-du-Faou, porche ouest, granite, 1516.
8. église Saint-Suliau à Sizun, crossette de l'ossuaire, kersanton.
9. église Saint-Suliau à Sizun, ornement d'une frise du chevet, granite.
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Mais la ressemblance avec la crossette de l'ossuaire de Lannédern doit être particulièrement soulignée. Bien que cette dernière n'ait pas la beauté de la dame du Juch, elle a la même posture, la même position des bras, la même torsion de la queue et surtout la même pointe, a priori venimeuse, de la queue.
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Datation vers 1700 : éléments de discussion.
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a) les datations du plan de l'association patrimoniale locale : "XVIIIe siècle.
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b) Les auteurs.
Selon Henri Waquet et Jacques Charpy, "L'influence de Ploaré, paroisse-mère de Juch avant la Révolution apparaît sur le chevet du XVIIe siècle (vers 1668) à trois pans."
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c) Les inscriptions lapidaires datées.
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Sur le mur voisin de cette sirène (je conserve la dénomination d'usage), on lit sur le mur de l'abside du chevet l'inscription :
M.RE. P. PHILIPPE
La mention Mre, abréviation de Messire, désigne en règle le recteur. Mais la liste des noms des recteurs de Ploaré ne comprend aucun Philippe. Le patronyme PHILIPPE est attesté à Ploaré. "Messire" peut aussi précéder le nom d'un prêtre, d'un curé.
Ce nom se retrouve sur le fronton du porche ouest, avec la mention M.G. PHILIPPE DE KERDALEC, P.[rêtre]. L'inscription ne peut être datée (en 1725-1726) que si on déchiffre le nom du recteur comme étant celui de Charles-Pierre Huchet.
Geneanet signale la famille PHILIPPE de Keralec.
Puis viennent dans deux cartouches séparés les noms des fabriciens, suivi de la mention "F.", "fabricien (ou fabrique)", qui, comme les gendarmes, vont toujours par deux.
R : CORNIC : F .
A : PERENNOV : F
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Un hasard d'archives ou de recherche généalogique pourrait permettre par recoupement d'identifier ces individus et éventuellement de mieux dater le monument.
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Les figures sculptées sur les pignons et façades de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Le chanoine Abgrall a soigneusement relevé les inscriptions de l'ensemble de l'église, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur.
A l'intérieur, le chœur est daté par inscription de 1668 du coté nord (avec le nom du recteur de Ploaré, Guillaume Paillart (de 1676 à 1706) et de ses prêtres et curés), et de 1702 du coté sud, où se situe la sirène, avec le nom du curé, [Noël?]Le Billon. Cette famille Le Billon est bien établie à Kerstrat.
-Dans le sanctuaire, du côté de l'Evangile :
RE : M : GVILLAVME : PAILLART : DOCTEVR : EN : SORBONNE : ET : RECT. — ME : P : M : PAILLART : R - P : M : Y : LOVBOVTIN : C — 1668 : M : A : MESCVZ0
-Au côté de l'Epître :
Mre NO: LE : BILLON: DE : KERSTRAT: PRE: CVRE: 1702
Sur le bas-côté Midi, plus haut que le porche, s'ouvre une chapelle dans laquelle est un autel en granit largement sculpté, agrémenté d'anges cariatides, de moulures, fleurons et d'un médaillon central encadrant un buste de la Sainte Vierge. Le soubassement porte cette inscription :
M : N : LE : BILLON : P : CVRE : MIC : LE : BILLON : F
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Au total, la date de 1702 me paraît la plus judicieuse à choisir pour dater par approximation cette sirène.
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LES AUTRES FIGURES (MASQUES ET GARGOUILLES) ORNANT LE PIGNON EST ET LA FAÇADE SUD.
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Cette femme-serpent ne doit pas être décrite seule, isolée de son contexte, mais accompagnée des autres éléments sculptés figuratifs.
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Les figures sculptées sur les pignons et façades de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Les gargouilles : deux lions.
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Les figures sculptées sur les pignons et façades de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
Les figures sculptées sur les pignons et façades de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
Les figures sculptées sur les pignons et façades de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
Les figures sculptées sur les pignons et façades de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
Les figures sculptées sur les pignons et façades de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Le masque sur un voile du chevet.
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Les figures sculptées sur les pignons et façades de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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Les masques de la façade sud.
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Les figures sculptées sur les pignons et façades de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
Les figures sculptées sur les pignons et façades de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
Les figures sculptées sur les pignons et façades de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
Les figures sculptées sur les pignons et façades de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
Les figures sculptées sur les pignons et façades de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
Les figures sculptées sur les pignons et façades de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
Les figures sculptées sur les pignons et façades de l'église du Juch. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
Ancienne trève de Ploaré érigée en paroisse le 16 août 1844. EGLISE NOTRE-DAME (C.)
Dédiée aussi à saint Maudez. Elle comprend une nef de six travées avec bas-côtés terminée par un chevet à trois pans. Accolée au porche, au sud, chapelle en aile. L'édifice a été profondément remanié au XVIIè siècle et au XVIIIè siècle ; les parties les plus anciennes, l'angle sud-ouest et le porche, remontent à la fin du XVè siècle ou au début du XVIè siècle.
— ABGRALL (Chanoine Jean-Marie) et Chanoine Peyron , 1914, Le Juch, "Bulletin diocésain d'histoire et d'archéologie", 1914, pages 151, 178, 217 et suivantes
"Léglise est bâtie sur le versant Ouest d'une colline qui est très escarpée du côté Est, et sur-laquelle on reconnaît les substructions du vieux château qui fut la résidence des barons du Juch.
Les parties les plus anciennes de cette église, l'angle Sud-Ouest et le porche, portent les caractères du commencement du xvie siècle, déclin de la période ogivale. Le porche est surmonté d'une chambre qui est de construction plus récente. Sur le reste de l'édifice sont réparties des dates diverses qui indiquent des remaniements et des agrandissements.. Le caractère général de l'édifice est le même que celui de l'église de Ploaré. L'abside est également dessinée en pans coupés, rehaussés de contreforts surmontés de clochetons et de lanternons, et ces petits couronnements, en se combinant et se mariant avec le clocher, donnent une très heureuse silhouette. A l'extérieur, sur le mur Sud de l'abside, on lit cette inscription : Mre PHILIPPE . R . CORNIC , F . A : PERENNOV : F
-Sur le côté Nord est une autre inscription plus longue, mais qui ne pourrait se lire qu'en montant à une échelle. Le clocher a été ajouté après coup, en 1700, et cela de fond en comble, en faisant une tranchée dans la façade Ouest.
La porte principale est accostée de deux colonnes à grandes volutes ioniques, portant un fronton courbe dont le tympan contient cette inscription :
Mre : P : CHARLES M :Mme : MAREC
I...OI : ET : LICENC DE : KISORE : P : C
IE : EN : LVNIVERSITE M : C : PHILIPPE DE : PARIS : ET : REC DE : KERDAEC : P
-Sur le pilastre ou contrefort Sud du clocher :
RENE : RENEVOT : P : 1700
-Et sur la porte en bois : 1720 : H : H : LE : BILLON : DE : KERSTRAT : FAB
-Le clocher, accompagné de deux tourelles octogonales, terminées en dômes, a sa base surmontée d'une chambre des cloches à deux baies, entourée d'une balustrade à forte saillie. Plus haut, une seconde balustrade encadre la naissance de la flèche. A l'intérieur, composé d'une nef principale et de deux bas-côtés, des piliers octogonaux très élevés, soutiennent des arcades à moulures prismatiques.
Sur le mur du bas-côté Nord on trouve :
i : BRVT : FA : 1600
et ailleurs :
G : IONCOVR : FA : DE : KERVELLOV : 1696
-Dans le sanctuaire, du côté de l'Evangile :
RE : M : GVILLAVME : PAILLART : DOCTEVR : EN : SORBONNE : ET : RECT. — ME : P : M : PAILLART : R - P : M : Y : LOVBOVTIN : C — 1668 : M : A : MESCVZ0
-Au côté de l'Epître :
Mre NO: LE : BILLON: DE : KERSTRAT: PRE: CVRE: 1702
Sur le bas-côté Midi, plus haut que le porche, s'ouvre une chapelle dans laquelle est un autel en granit largement sculpté, agrémenté d'anges cariatides, de moulures, fleurons et d'un médaillon central encadrant un buste de la Sainte Vierge. Le soubassement porte cette inscription :
M : N : LE : BILLON : P : CVRE : MIC : LE : BILLON : F
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Voici quel était l'état des armoiries dans cette église, en 1678 : « Dans l'église tréviale du Juch, ès principale vitre, il y a en éminence et en supériorité, les armes de France et de Bretagne, et plus bas, joignant les dites armes, un écusson au franc canton d'azur et un lion rampant dargent armé et lampassé de gueules, qui sont les armes de la seigneurie du Juch, quoique la dite fenêtre soit à présent au seigneur marquis de Molac « Le reste des vitres de la dite église sont armoyées des armes du dit Juch et de ses alliances sans qu'il y ait autres écussons ny armoiries, ès dites vitres. « Du côté de l'EpUre, joignant le petit balustre, est le banc et accoudoir du dit Le Juch armoyé de ses armes. « Au-dessus de la porte faisant l'entrée du chantouer et supportant le dôme, il y a un écusson du dit Juch en bosse. « Au haut du dit dôme et au niveau de la poutre, il y a un écusson des armes de Rosmadec. « ll y a aussi au-dessus de la fenêtre de la chambre de l'église, au second pignon du midy, un écusson des armes du Juch en bosse."
Le clocher comporte une tour qui prolonge le pignon occidental, encadré de deux contreforts à pilastres. Puis, au dessus d'une galerie en surplomb, vient une première chambre de cloches, carrée, et ensuite dans une flèche octogonale, une fausse chambre de cloche qui s'ouvre par des frontons encadrés de pilastres.
Selon l'abbé Billant,
"Le clocher ne porte pas de date de construction. Il a dû être bâti au plus tard au commencement du XVIIe siècle. Dans un procès soutenu vers 1670 contre les prétentions du recteur de Hanvec, les tréviens de Rumengol, accusés de mal employer les deniers de leur église, allèguent « qu'ils ont fait et bâti une « tour magnifique et y ont mis des cloches ». Les galeries de la tour n'ont été construites qu'en 1750, d'après les comptes rendus par le marguillier, fabrique en 1751: «quittance de la somme de 75 livres pour premier terme passé avec Yves Tellier pour les guérides au clochet »,
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Clocher de l'église Notre-Dame de Rumengol. Photographie lavieb-aile.
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Clocher de l'église Notre-Dame de Rumengol. Photographie lavieb-aile.
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D'après André Mussat, qui écrit en 1957 :
"Ce type de façade, comportant un large pignon-mur sur lequel se fonde un grand clocher posé en encorbellement, à la chambre des cloches ajourée et à la flèche haute et légère découpée par de grands gâbles, est bien connu en Cornouaille. Comme à Confort, à Kérinec en Poullan, la tourelle d'escalier rond flanque le clocher nord et se termine par une coupolette en lanternon. Aucune fenêtre ne viendra altérer le caractère mural. […] C'est l'heureux moment où les motifs lombards renouvellent les grands partis architecturaux français traditionnels. Les choux des arcs deviennent d'élégants fleurons, les pinacles se muent en candélabres, les niches s'ornent de coquilles ; l'anse de panier profondément mouluré de la porte, l'alternance dans une corniche de consoles et d'une frise de feuillages très refoulés, la finesse des colonnes torses sont autant de signes de cette adaptation élégante et éphémère. Il n'y a sans doute pas en Bretagne d'exemple plus réussi.
Les niches des contreforts sont, comme à l'Hôpital-Camfrout, surmontées de deux banderoles dont les extrémités se retournent en s'accolant : ce thème, que l'on voit à Lampaul-Guimiliau en 1533, connaîtra une belle destinée dans la région : on le retrouve, tout près de là, au porche de Lopérec en 1586. Il ne reste dans toute cette façade malheureusement qu'une seule statue dans la niche centrale. Elle paraît d'ailleurs bien petite pour son emplacement. C'est sainte Catherine, avec sa roue, son livre et l'empereur foulé aux pieds. L'exécution est élégante, sans être exceptionnelle,et se rattache au style de la Loire."
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Clocher et façade occidentale de l'église Notre-Dame de Rumengol. Photographie lavieb-aile.
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I. LA FAÇADE OUEST.
Commençons, sur le conseil de l'abbé Billant qui nous sert de guide, par admirer, à l'ouest, le frontispice, d'un très gracieux effet.
"Devant vous se dresse un clocher svelte avec une chambre de cloches percée à jour d'un incroyable légèreté, à laquelle on accède par une tourelle ronde d'escalier couronnée d'un dôme et d'une petite lanterne. Au-dessus de la chambre des cloches s'élance, « suspendue en l'air, dirait-on, par un prodige d'équilibre, une flèche octogonale aussi hardie que gracieuse, aux rampants munis de crochets (abbé Millon, les ·grandes Madones bretonnes). Au dessous de la galerie saillante de ce clocher s'épanouit un portail qui est, .avec celui de l'Hôpital-Camfrout l'une des plus belles pages de la Renaissance en Basse-Bretagne. Une porte centrale en anse de panier est encadrée de moulures prismatiques, puis de deux colonnettes formées des mêmes moulures qui se tordent en hélice et se terminent par des chapiteaux soutenant deux petits pinacles appliqués et un arceau saillant qui se résout en une accolade d'où surgit un troisième pinacle. (M. le chanoine Abgrall).
Au-dessus de la porte, une belle frise feuilIagée et moulurée entrecoupée par des écussons supporte trois niches dont celle du milieu abrite la statue en pierre, d'une rare beauté et malheureusement mutilée, de sainte Catherine d'Alexandrie, richement vêtue et portant d'une main un livre, de l'autre une· épée, ayant à ses côtés la roue brisée, et sous ses pieds le tyran Maximin Daïa, ce dernier revêtu du manteau et de la toque des ducs de Bretagne. Cependant, d'après Charles- Baussart (Semaine littéraire du 22 juin 1913), ce n'est pas le tyran Maximin Daïa qui serait sous ses pieds, mais le rhéteur Porphyre qui l'avait défiée à un ·combat de philosophie ; aussi est-il sous ses pieds, vaincu,. terrassé par la vérité. Dans tous les détails de ce portail l'on trouve un mélange étonnant du style gothique qui allait disparaître et du style renaissance qui allait bientôt régner en maître. Et cependant le gothique n'avait pas encore dit son dernier mot, car nous le trouvons bien franc et bien caractérisé dans les pinacles et pyramides des contreforts, dans les crossettes du rampant principal, dans le porche et les portes latérales, dans les· meneaux et pignons des fenêtres. »
Façade occidentale de l'église Notre-Dame de Rumengol. Photographie lavieb-aile.
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La Vierge de pèlerinage.
Cette statue moderne (elle était absente en 1957) est une représentation de la statue vénérée à Rumengol lors des pèlerinages, une statue en bois du XVe siècle (photo sur Wikipédia). Cette Vierge en chêne est couronnée (couronne dorée ouverte qualifiée de "ducale"), mais l'Enfant est tête-nue. Elle porte un sceptre, et Jésus porte le globus cruciger. Le thème du couronnement de la Vierge et de sa royauté, déjà présent sur le calvaire de Rumengol, était présent dès l'origine.
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La statue est caractéristique de la statuaire bretonne du fin XVe-début du XVIe par son encolure droite (portrait d'Anne de Bretagne vers 1508), et par son voile qui ne recouvre que l'arrière des cheveux avant de faire retour derrière la nuque en bandeau ou "chouchou" tel que je l'ai étudié ici, ou encore là (Le Folgoët, XVe), ou bien aussi à Brennilis, ou sur sainte Anne à Pencran en 1553, sur sainte Marie-Madeleine au calvaire de Pencran par Bastien Prigent, sur la cariatide de La Martyre, etc...
Le même privilège avait été demandé par Mgr Sergent dès 1856 pour Rumengol. Il fut accordé à la date du 8 mai 1857 par Pie IX, le pape de l'Immaculée-Conception. Le Grand Couronnement eut lieu le 30 mai 1858. Par cette date, Rumengol peut prétendre au titre de première Vierge du Couronnement en Bretagne. La Vierge et l'Enfant reçurent un riche costume avec robe, manteau, voile, et couronne royale, fermée.
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Façade occidentale de l'église Notre-Dame de Rumengol. Photographie lavieb-aile.
La statue de Notre-Dame de Rumengol, habillée et couronnée. Photographie lavieb-aile.
La statue de Notre-Dame de Rumengol, habillée et couronnée. Photographie lavieb-aile.
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La Vierge est entourée des deux principales saintes invoquées dans les Livres d'Heures, appartenant aux Saintes Auxiliatrices : Catherine d'Alexandrie et Barbe.
Sainte Catherine d'Alexandrie
La fille du roi Costus tient l'épée de sa décapitation, et le livre signalant qu'elle est docteur de l'Église. Près d'elle, la roue brisée du supplice dont elle fut sauvée. A ses pieds, le roi ou empereur Mayence qui ordonna sa mort devant son refus de l'épouser et de renoncer à sa pieuse virginité. Elle associe la Connaissance (science théologique), la Virginité, et le Martyre. Ses cheveux longs et défaits témoignent de la virginité. Le manteau à fermoir fait repli vers la main droite. La robe est cintrée. Un collier en maillons de chaîne porte un médaillon en soleil-fleur.
Sainte Catherine. Façade occidentale de l'église Notre-Dame de Rumengol. Photographie lavieb-aile.
Sainte Catherine. Façade occidentale de l'église Notre-Dame de Rumengol. Photographie lavieb-aile.
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Sainte Barbe et sa tour.
Trace de peinture rouge.
Sainte Barbe. Façade occidentale de l'église Notre-Dame de Rumengol. Photographie lavieb-aile.
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II. LES GARGOUILLES.
Elles sont au nombre de six entre la tour et la chambre de cloches, et quatre plus petites entre cette chambre et la flèche.
Ce n'est pas en Bretagne qu'on donnerait tort à Viollet-le-Duc lorsqu'il écrit :
"La variété des formes donné aux gargouilles est prodigieuse ; nous n’en connaissons pas deux pareilles en France, et nos monuments du moyen âge en sont couverts. Beaucoup de ces gargouilles sont des chefs-d’œuvre de sculpture ; c’est tout un monde d’animaux et de personnages composés avec une grande énergie, vivants, taillés hardiment par des mains habiles et sûres. Ces êtres s’attachent adroitement aux larmiers, se soudent à l’architecture et donnent aux silhouettes des édifices un caractère particulier, marquant leurs points saillants, accusant les têtes des contre-forts, faisant valoir les lignes verticales."
Puisqu'on les regarde toujours le nez en l'air, de bas en haut, on méconnaît parfois la façon dont elles sont creusées à leur face supérieure :
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Mais les images suivantes le laisse deviner par le doublage en zinc moulé sur la rigole.
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Balustrade autour de la chambre des cloches. Clocher de l'église Notre-Dame de Rumengol. Photographie lavieb-aile.
Balustrade autour de la chambre des cloches. Clocher de l'église Notre-Dame de Rumengol. Photographie lavieb-aile.
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Les six gargouilles encadrant la balustrade.
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Gargouille du clocher de l'église Notre-Dame de Rumengol. Photographie lavieb-aile.
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Moine vomissant.
Un homme à la tête recouverte d'un capuchon ou d'une coule déverse les eaux de pluie par sa bouche largement ouverte.
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Gargouille du clocher de l'église Notre-Dame de Rumengol. Photographie lavieb-aile.
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Homme "urinant".
Un homme à la barbe courte est accroupi. Son visage, tourné vers le coté, bouche à demi ouverte, reflète la béatitude ...ou la jouissance. Sa main droite empoigne sa jambe. La main gauche, posée sur le genou, tend l'index vers un sexe en érection. L'eau pluviale suit une rigole doublée de zinc creusée sur la face dorsale et s'écoule au dessus de la tête, mais sans orifice apparent.
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Gargouille du clocher de l'église Notre-Dame de Rumengol. Photographie lavieb-aile.
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Gargouille du clocher de l'église Notre-Dame de Rumengol. Photographie lavieb-aile.
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Gargouille du clocher de l'église Notre-Dame de Rumengol. Photographie lavieb-aile.
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3°) Homme vomissant.
Cet homme agenouillé, tête couverte, est richement habillé, avec des manches et un pantalon court à crevés, un manteau court ou tunique dont le parement épais évoque un revers de fourrure. Il porte une barbe longue, bouclée et taillée au carré. L'embonpoint de son ventre replet, et sa braguette saillante font de lui le type de l'Intempérant, bon buveur et bon mangeur qui se soulage ici de ses excès.
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Gargouille du clocher de l'église Notre-Dame de Rumengol. Photographie lavieb-aile.
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Gargouille du clocher de l'église Notre-Dame de Rumengol. Photographie lavieb-aile.
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4°) Dragon chauve-souris.
Ce dragon aux oreilles et aux ailes de chauve-souris déverse sous son museau retroussé les eaux du ciel, rares sous le climat aride de notre région.
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Gargouille du clocher de l'église Notre-Dame de Rumengol. Photographie lavieb-aile.
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5°) Gargouille-dragon. Écoulement au dessus de la tête.
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Gargouille du clocher de l'église Notre-Dame de Rumengol. Photographie lavieb-aile.
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Les quatre gargouilles hautes.
On trouve dans ces hauteurs un lion, un ange, un monstre et un oiseau aux quatre coins de l'espace.
1°) Lion tenant entre ses pattes avant un bâton. Écoulement par la bouche.
Ce cylindre est si régulièrement retrouvé dans les crossettes que je m'interroge, sans avoir encore trouvé une réponse, sur sa signification.
Gargouille du clocher de l'église Notre-Dame de Rumengol. Photographie lavieb-aile.
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2°) Un monstre tenant un écu.
Blason losangique frappé d'une croix.
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3°) Un ange. Écoulement au dessus de la tête.
Il tient un livre ouvert. Ses jambes s'étendent sur le coté de l'angle.
Ange-gargouille du clocher de l'église Notre-Dame de Rumengol. Photographie lavieb-aile.
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4°) Oiseau.
Gargouille du clocher de l'église Notre-Dame de Rumengol. Photographie lavieb-aile.
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A droite du porche.
Gargouille de l'église Notre-Dame de Rumengol. Photographie lavieb-aile.
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La crossette coté nord : un cochon (ou sanglier).
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Crossette de l'église Notre-Dame de Rumengol. Photographie lavieb-aile.
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LES CLOCHES.
L'indispensable abbé Billant, indique :
"Enfin, l'une des cloches (546 kilos) étant fêlée, ils la remplacèrent en 1899 par deux autres de moindre poids ( 400 kilos et 280 kilos), mais qui réalisent avec la vieille cloche un carillon des plus gracieux. "
"...M. Hervé Auffret (1810-1813), dont le nom se trouvait sur une cloche fondue en 1812 et refondue comme fêlée en 1899. "
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1°) La première cloche : Marie-Jeanne
Elle porte l'inscription que mon angle de vue décrypte partiellement ainsi :
A l'ouest :
NOMMEE MARIE JEANNE
PAR
Mr JEAN LANN MAIRE
ET
Mme FRANCOISE HOUE
Motif : En haut : frise à personnages. En bas : Assomption de la Vierge parmi les anges ; trois croix fleuronnées
A l'est :
1899
S.S LÉON XIII PAPE
M M
OLLIVIER LE PAPE RECTEUR DE RUMENGOL
JEAN LE LANN MAIRE
JEAN-MARIE GALL PRÉSIDENT
FRANCOIS GRALL TRÉSORIER
HERVE POULMARCH
JEAN-LOUIS HOUE
HERVE GOASGUEN FABRICIENS
HAVARD A VILLEDIEU Vve E LE JAMTEL
Léon XIII fut pape de [1878-1903]
Ollivier Le Pape fut recteur de Rumengol de 1895 à 1915 (il succéda à son frère Yves-Marie Le Pape, de Landivisiau, Petit-Séminaire de Saint~Pol-de-Léon, puis recteur de Rumengol de 1889 à 1895 et de 1916 à 1919. Un frère cadet, François Le Pape, était également prêtre et sera recteur de l'Hôpital-Camfrout puis du Drennec.
Jean-Marie Le Lann fut maire de Rumengol de 1878 à 1881 et de 1884 à 1902
"Jean-Marie Gall président"
"François Grall trésorier". Je note Jacques Grall, organiste à Rumengol, qui sera décoré du Mérite diocésain en 1942.
Hervé Poulmarch. La famille Poulmarc'h est signalé depuis le XVIe siècle au moins sur Rumengol. L'un d'entre eux fut maire en 1858-1860. Hervé-Marie Poulmarc'h sera maire de 1943 à 1969. Un Bernard Poulmarc'h était trésorier de la fabrique en 1864 (inscription de la chaire à prêcher)
Jean-Louis Houé. Jean-Louis Le Houé, conseiller paroissial de Rumengol, fut décoré du Mérite diocésain en 1930.
La famille Le Jamtel était fondeurs de cloche à Guingamp depuis la veille de la Révolution et ont réalisé, parmi tant d'autres, les cloches de Brasparts. Voir : http://ville-brasparts.forum-actif.net/t592-le-bapteme-des-cloches-de-brasparts. Ce sont des fondeurs qui représentaient la fonderie Cornille Havard de Villedieu-les-Poêles,et qui s'occupèrent pendant plus d'un siècle de la fabrication des cloches d'église. (par ex : La chapelle Sainte-Croix à Guingamp ; l'église Saint-Jacques de Perros-Guirec en 1926 ). Au XIXe siècle, ils montent peu à peu une entreprise de commerce de gros et de détail de fers, de fontes et quincaillerie. Bernard Le Jamtel exerce aujourd'hui cette profession de campaniste. En 1899, Émile Le Jamtel plaçait des encarts publicitaires dans chaque parution hebdomadaire de La Semaine Religieuse du Diocèse de Quimper (page 32) pour la Fonderie de cloches Adolphe Havard.
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Cloche de l'église Notre-Dame de Rumengol. Photographie lavieb-aile.
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Cloche de l'église Notre-Dame de Rumengol. Photographie lavieb-aile.
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2°) Deuxième cloche.
A l'ouest :
NOMMEE IMMACULEE CONCEPTION
JEAN-MICHEL
Motif : Guirlandes. Crucifix
A l'est :
R M. SERRE VICAIRE GENERAL LE 25
E CATHERINE CEVAER M LE GRAND P
Motif : Assomption de la Vierge parmi les anges ; trois croix fleuronnées
Mr Adolphe Serré ancien recteur de Roscoff, était Vicaire général du diocèse de Quimper depuis 1881 jusqu'à son décès en 1893. Mr Legrand était recteur
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Cloche de l'église Notre-Dame de Rumengol. Photographie lavieb-aile.
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3°) Troisième cloche : Marie-Victorine.
J'AI ETE BENITE PAR SON EX. MGR
MARIE-VICTORINE PAR JACQUES
SON EX Mgr DUPARC EVEQUE JOSEPH BOT
Ornements: frise de losanges ; autre frise. Calvaire.
Monseigneur Duparc a été évêque de Quimper de 1908 à 1946.
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4°) Quatrième cloche : Marie-Françoise.
NOMMEE MARIE-FRANCOISE
PAR
Mr JEAN LE LANN
ET
Mme FRANCOISE HOUE
Motif : pietà et croix.
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Cloche de l'église Notre-Dame de Rumengol. Photographie lavieb-aile.
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SOURCES ET LIENS.
— BILLANT (Abbé Nicolas) Rumengol, son sanctuaire et son pèlerinage, 1924, sn. Brest, Imprimeries de la Presse Libérale.
(L'abbé Billant de Saint-Urbain fut recteur de Rumengol de 1920 à ? après avoir été recteur de l'Île Tudy.)
— COUFFON (René) & LE BRAS (Alfred), 1988, Diocèse de Quimper et de Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper, Association diocésaine, 1988, 551 p.
— LECLERC (Guy), 1996-97, Monuments et objets d'art du Finistère (année 1996) : Le Faou, églises Notre-Dame de Rumengol et Saint-Sauveur du Faou Bulletin de la Société Archéologique du Finistère (126, p. 145-149)
— LECLERC (Guy), 2000, Monuments et objets d'art du Finistère. Etudes, découvertes, restaurations (année 2000) : Le Faou, église Notre-Dame de Rumengol, porche méridional, Bulletin de la Société Archéologique du Finistère 2000, (129, p. 59-62)
— LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne. Les ateliers du XVe au XVIIe siècle. Coll. "Art et Société" Presses Universitaires de Rennes, pages 74 et 92.
— MUSSAT (André), 1957, article -Rumengol, in Société française d'archéologie. Congrés archéologique de France. CXVe Cession, 1957, Cornouaille. page 165. In-8° (23 cm), 285 p., fig., carte, plans. H. c.Orléans : M. Pillault, 37, rue du Pot-de-Fer (Nogent-le-Rotrou, impr. Daupeley-Gouverneur). Pages 161-177.
— VIOLLET-LE-DUC "Gargouilles", Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle
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1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
"Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué). "Les vraies richesses, plus elles sont grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)