Le calvaire (kersanton, XVe siècle) de l'église de Saint-Éloy (29).
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PRÉSENTATION.
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Ce calvaire fait partie des plus anciens de Basse-Bretagne, et appartient, par son matériau (kersanton) et par son dais gothique en auvent, à un petit groupe d'une dizaine de sites. Il a en commun avec les calvaires de Rumengol et de Dirinon de comporter, au dos du Christ en croix, une Vierge à l'Enfant présentant un fruit. Autre élément notable, la présence de deux anges entre les personnages géminés. Enfin, un masque singulier entre le Christ et Marie au calvaire attire notre attention.
C'est dire l'intêret remarquable de ce calvaire. Il est l'élément le plus ancien de l'enclos, l'église lui étant postérieure.
"Saint-Eloy est une ancienne trève de la paroisse d'Irvillac, et Forsquilly et ses terres étaient au 12e siècle une prévôté dépendant de la seigneurie de Irvillac.
Située au bourg, une chapelle dédiée à Saint-Eloy, existait dès le 15e siècle. Indiquée ruinée sur le cadastre de 1825, on retrouve quelques pierres sculptées utilisées en remploi dans la maçonnerie de maisons au bourg. L'église paroissiale (consacrée en 1531 par Jean du Largez, évêque d'Avesnes), implantée à l'est de l'ancienne chapelle, a été érigée par les moines de l'abbaye de Daoulas qui, fuyant la peste, se sont installés à Saint-Eloy en 1521.
Au 15e siècle, le 4 mai 1485, François II, duc de Bretagne, autorise la tenue d'une foire."
Les autres calvaires du XVe siècle :
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Le Folgoët (kersantite, 1443) Vestiges en kersanton: Le cardinal de Coëtivy et le saint évêque : atelier du Folgoët , vers 1449.
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Rumengol (kersantite, v. 1433-1457), Premier atelier du Folgoët. Calvaire à dais en batière ou auvent. Vierge à l'Enfant.
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Plomodiern (kersantite, v. 1433-1457), Premier atelier du Folgoët. Dais.
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Le calvaire de l'église Notre-Dame de Châteaulin. (kersanton, seconde moitié du XVe siècle) Héritiers de l'atelier du Folgoët. Dais.
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Le calvaire de l'église d'Argol. (fin XVe ou début XVIe siècle) . Héritiers de l'atelier du Folgoët. Dais.
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Le calvaire du bourg de Dirinon (kersanton, XVe siècle) Vierge à l'Enfant
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Saint-Jean-Trolimon, calvaire monumental de Tronoën, (granite, 1470), par le Maître de Tronoën
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Quinze calvaires en granite de l'atelier du Maître de Tronoën à Guengat, Quéménéven, Châteauneuf-du-Faou, Saint-Hernin-Kerbreudeur , Laz, Saint-Goazec, Collorec, Gourin, Guiscriff, Langonnet, Le Moustoir, Plusquellec et Peumerit-Quintin).
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Description.
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Dans le cimetière situé au sud de l'église de Saint-Eloy, le calvaire du XVe siècle en kersanton, à un seul croisillon, est placé au sommet d'un fût plus récent en granite implanté sur un soubassement moderne en schiste du pays, à deux degrés et un socle à corniche, portant l'inscription IESU sur le plat. L'ensemble mesure 4,50 m de haut.
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La croix portant le Christ d'un côté et la Vierge à l'Enfant de l'autre, le croisillon et les deux statues géminées sont sculptés dans un seul bloc de pierre de kersanton.
Sur la face occidentale , le Christ en croix est entouré de la Vierge à sa droite et de Jean à sa gauche. Entre le Christ et Marie, un masque humain est sculpté en bas-relief.
Du côté oriental, la Vierge à l'Enfant est encadrée par saint Paul à sa droite et saint Pierre à sa gauche.
Les statues géminées (Marie/Pierre et Jean/Paul) comportent sur leur face latérale une tête d'ange.
Les éléments sculptés sont recouverts par plages de lichens blancs ou grisâtres ou de mousses et sur leur face humide d'un biofilm vert, rouge ou orangé par prolifération de cyanobactéries et d'algues ( ce pourrait être Trentepohlia et notamment T. iolithus).
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Je décrirai la partie ancienne, en kersantite. La datation du XVe siècle basée sur la présence d'un dais et le style du sculpteur est confirmée par les chaussures à extrémités pointues de la Vierge à l'Enfant. Les premières réalisations des sculpteurs de la pierre de kersanton en Basse-Bretagne sont postérieures à 1423 (au Folgoët), et ce calvaire date plutôt de la deuxième moitié du XVe siècle.
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LA FACE PRINCIPALE.
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Elle est, comme c'est la règle, orientée vers l'ouest.
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Sur la croix à fleurons carrés et sous le titulus INRI en lettres gothiques, le Christ a la tête inclinée vers la droite. Ses longs cheveux peignés retombent latéralement. Les côtes sont horizontales, le pagne affleure le nombril. Les jambes sont parallèles mais les pieds sont superposés.
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Le dais en auvent.
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Le titulus aux belles lettres gothiques INRI.
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La Vierge.
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Son voile forme une sorte de bérêt rond assez particulier. Le bas du visage est triangulaire. Les cheveux retombent sur les épauiles. Les mains sont croisées devant la taille. La pointe de petites chaussures s'échappent de la robe.
Notez l'extension des lichens crustacés.
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Le masque : un voile de sainte Véronique ?
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Le masque anthropomorphe ressemble au visage du Christ. Il doit sans doute son existence à la présence de l'Enfant du côté oriental, et tire profit du dos du bloc sculpté.
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Saint Jean.
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Il porte la main droite vers l'oreille tandis que la main gauche tient un livre. Il est coiffé de ce qui pourrait être un turban à médaillon central, ce qui n'a guère de sens, mais qui peut correspondre plutôt à la chevelure.
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LA FACE ORIENTALE.
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La Vierge à l'Enfant.
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C'est une Vierge couronné, au dessus de cheveux retombant sur les épaules. Elle présente à l'Enfant un fruit (poire ?) tandis que le Fils tient des deux mains un livre ouvert vers nous. Il est vêtu d'une tunique longue et ses cheveux forment, comme pour saint Jean, une sorte de turban ou d'anneau épais.
La robe de la Vierge laisse voir deux chaussures à bouts pointus qui confirment la datation du XVe siècle.
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Saint Paul et son épée.
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Les pieds sont nus, il s'agit bien d'un apôtre, a priori saint Paul. Il tient son épée (attribut lié à sa décollation) de la main droite, tandis que la main gauche retient l'extrémité d'un phylactère, comme dans les Credo apostoliques.
Nous retrouvons la même coiffure en bourrelet (proche de la tonsure romaine) que pour Jean et l'Enfant.
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Saint Pierre et sa clef.
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LES FACES LATERALES.
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Entre les statues géminées, l'artiste a sculpté deux têtes joufflues qui sont celles d'angelots car en regardant mieux nous discernons leurs ailes, et même leur tunique. Mais leur coiffure est singulière, là encore en bourrelet.
Tout comme le masque "du voile de Véronique", ces deux anges qui ne sont retrouvés sur aucun autre calvaire confèrent le statut d'unicum à ce calvaire.
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Du côté sud entre saint Jean et saint Paul.
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Du côté nord entre la Vierge et saint Pierre.
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SOURCES ET LIENS.
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—CASTEL (Yves-Pascal), 1980, Atlas des croix et calvaires du Finistère. Société archéologique du Finistère, 1980.
https://societe-archeologique.du-finistere.org/croix/saint_eloy.html
2700. Saint-Eloy, église, g. k. s. 4,50 m. XVè s. Deux degrés. Socle à corniche, sur le plat: IESU. Fût rond. Croix monolithe, croisillon aux personnages formant triades, Vierge-ange-Pierre, Jean-petit personnage-Paul. Croix à fleurons carrés, dais, crucifix, Vierge à l’Enfant, on devine un masque à droite du Christ. [YPC 1980]
— COUFFON (René), LE BARS (Alfred), 1980, Nouveau répertoire des églises et chapelles du diocèse de Quimper.
https://bibliotheque.diocese-quimper.fr/items/show/1020
"Dans le cimetière, croix monolithe au sommet du fût : statues triples sur le croisillon, Crucifix sous un dais, Vierge à l'Enfant au revers."
— L'HARIDON ( Erwana) Dossier de l'Inventaire régional IA29005549 réalisé en 2012
https://inventaire-patrimoine.region-bretagne.fr/gertrude-diffusion/dossier/calvaire-saint-eloy/881a4ce9-e891-4d8f-abe8-90da8c8c4634
"Calvaire en kersanton du 15e siècle. Antérieur à l'édification de l'église paroissiale, probablement lié à l'ancienne chapelle détruite au 19e siècle. Deux degrés en schiste. Socle à corniche en grès, sur le plat : IESU. Fût rond en granite. Croix monolithe en kersanton. Croix à fleurons carrés, dais, Vierge à l’Enfant, saint Pierre, Saint Paul, on devine un masque à droite du Christ, saint Jean, sainte Véronique."
— MAIRIE DE SAINT-ELOY, PATRIMOINE
https://www.saint-eloy.fr/decouverte-de-la-commune/patrimoine
"Les matériaux qui constituent la base de ce calvaire rappellent que de nombreux gisements de schiste entourent la commune de Saint Eloy. Il ne s’agit pas d’un schiste ardoisier mais d’un schiste de construction souvent utilisé dans la commune.
Cette croix monolithique fait partie d’un ensemble rare de croix à dais et à statues latérales triples. A gauche on trouve la Vierge à l’enfant et Saint Pierre, à droite Saint Jean, un petit personnage et Saint Paul."
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WIKIPEDIA
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Saint-Eloy_3.jpg
http://www.infobretagne.com/saint-eloy.htm
Confusion possible avec le calvaire de la chapelle Saint-Eloi de Ploudaniel
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