Merci à Michel David qui m'a aidè à découvrir une petite partie des trésors botaniques de la Presqu'île de Crozon dont il est féru.
I. Tourbière de Tromel.
Ce n'est pas un secret, puisqu'un arrêté préfectoral de protection du biotope du 23 juillet 1996 précise que la commune de Crozon abrite ( on l'espère) une tourbière " de 9 ha47a85ca " où se trouve la linaigrette, la grassette du Portugal et les drosera rotifundia et intermedialis : la tourbière de Tromel.
Les linaigrettes, de la famille des Cyperacés (comme le carex) déployaient la longue chevelure gris-argenté au vent, espérant que celui-ci entraîne leurs akènes sur des sols propices à leur reproduction :
Les Drosera ( "couvertes de rosée") ou Rossolis ( "rosée du soleil") sont ces plantes carnivores qui développent leurs rosettes de feuilles dans les sphaignes spongieux des tourbières acides. Parmi les trois espèces françaises, deux seules sont signalées sur Tromel, mais je ne trouvais pour ma part que celle dont les feuilles aux limbes arrondis sont appliquées contre le sol : Drosera rotundifolia.
On connaît le piège semi-actif qu'elles tendent aux insectes attirés par ces perles brillantes, rouges ou translucides qu'ils prennent pour du nectar mais qui n'est qu'une glu qui les attrapent comme le papier tue-mouche : ils se débattent, activant ainsi les sécrétions d'enzymes protéolytiques et mettant en marche le mécanisme de lente fermeture de la feuille sur elle-même. Ils suffoquent, les trachées inondées par des produits surfactants. Conduits au centre de la feuille, où sont les glandes digestives, ils seront digérés, et seule leur enveloppe de chitine sera dédaignée. La feuille repue déploiera en une semaine ou deux sa grande antenne et fera briller ses bras appétissants, dégoulinant de sirops, sucette irrésistible à la vitrine d'un confiseur diabolique.
En comparaison, la feuille allongée de la Drosera intermedialis, en la tourbière de Kerfontaine :
La Grassette du Portugal Pinguicula lusitania L., 1753est aussi une plante carnivore, mais qui se fait plus discrète et ne croit pas devoir déployer une devanture dégoulinant de sirop pour attirer les petits insectes : seulement des poils gluants, mais qu'elle a installés partout, sur ses feuilles, sur la tige et sur les sépales des fleurs. Elle a triste mine à coté de Drosera sa voisine, et on prescrirait volontiers une cure au soleil et des vitamines à cette pauvre anémique, mais non, elle se trouve très bien comme ça.
Son piège est passif, et elle se contente de recueillir les insectes qui s'y collent et de les digérer, sans mettre en oeuvre le procédé actif de fermeture de le feuille sur sa proie comme la drosera.
On la trouve dans les lieux humides du littoral atlantique, du Portugal jusqu'à la Bretagne, volontiers dans les tourbières avec d'autres plantes acidophiles comme les Rossolis et le Lycopode inondé.
D'où vient ce nom de "pinguicula" ? Du latin, et Linné qui a nommé ce genre n'a eu qu'à rechercher dans son dictionnaire pour traduire "grassette" puisque pinguis signifie "gras, épais, huileux, visqueux" et que pinguiculus signifie "potelé, grassouillet".
Ce qui me plaît le plus chez cette plante, c'est sa fleur, dont l'éperon élégant lui donne des allures de hanap ou de corne d'abondance :
A Tromel se rencontre aussi la Lobélie brulante ou Cardinale des marais Lobelia urens L,. 1753 :
J'ignore si Linné l'a baptisée en l'honneur de Mathias Lobel, latinisé en Lobelius, ce botaniste et médecin (Lille, 1538-Highgate,1616) qui , après des études à Montpellier auprès de Rondelet, s'installa à Anvers puis à Delft avant de devenir botanographe du roi Jacques Ier et de publier à Londres en 1570 Stirpum adversaria nova.
Comme la Drosera et Pringuicula, c'est une plante des tourbières oligotrophes du littoral océanique. Elle appartient à un genre dont la majorité des espèces sont tropicales ; cette plante herbacée, dont les tiges peuvent atteindre 60 cm, est reconnaissable à sa drôle de fleur aux deux oreilles de Bugs Bunny. ( De profil, elle ressemble à une tête de chèvre). Les botanistes expliquent que c'est la lèvre supérieure divisée en deux de la corolle, alors que la lévre inférieure est divisée en trois.
2. Tourbière de Saint-Hernot.
Une autre " tourbière haute active " de Crozon, celle de Saint-Hernot, me permet de découvrir la Drosera Intermedialis : si on ne jugeait que sa fleur, on penserait rendre visite à une humble habitante des landes aimant la vie tranquille et la simplicité :
Mais on constate vite que c'est une danseuse aux pieds nus qui mène autour d'elle la ronde folle de rockers endiablés aux cheveux teints en rouge :
3. Les dunes de l'anse de Dinan.
On n'y trouve pas de tourbières acides actives, mais tout au plus une tourbière alcaline basse dunaire, mais c'est là que j'ai été admirer de près l'Epipactis ou Helléborine des marais Epipactis palustris (L.) Crantz, 1769 que j'avais trop longtemps croisé sans la considérer comme une orchidée à part entière.
Comme toutes les orchidées, l'épipactis présente un labelle qui mérite d'être décrit : il est séparé en deux parties séparées par un isthme : l' hypochile, blanc veiné de rouge violacé, est pauvre en nectar, tandis que l' épichile, en forme de gouttière, de couleur blanche avec des crêtes jaunes près de l'étranglement, est riche en nectar. Ce labelle est chapeauté par une cornette carmin formée par les deux pétales, et le tricorne des trois sépales.
On la trouve dans les milieux humides où elle fleurit en fin juin-début juillet.
Enfin, m'approchant de la plage de Goulien, je me laisse séduire par les Queues de Lièvres, Lagurus ovatus :