Tromel à Crozon : Grande tortue et compagnie.
Date : 28 juin 2011.
Lieu : tourbière de Tromel à Crozon.
La Grande Tortue Nymphalis polychloros.
Juste le temps de réaliser deux clichés qu'elle s'envole vers les fourrés où je ne peux la suivre:
Le Tristan Aphantopus hyperanthus (Linnaeus, 1758) :
Tromel, pour lui, c'était le paradis : une forêt de pins, des fougères, des taillis de feuillus humides, et des allées bordées de ronciers ; et puis la tourbière, et la lande à proximité. Il explorait chaque plante comme un vacancier excité faisant l'inventaire enthousiaste de son nouveau domaine, et passait devant moi en point noir dans les trouées de lumière, presqu' aveuglant d'être si sombre, et fatigant.
Car je courais derrière, persuadé qu'il allait s'arrêter, me penchant mille fois sur la graminée, le jonc, la feuille qu'il n'avait fait qu' éffroler d'une patte avant de repartir plus loin, de rebrousser chemin, de s'éclipser pour reparaître comme un satyre des bois, malin, inépuisable, jouant de ma méprise lorsqu'un myrtil s'envolait là où il restait caché...
Et puis enfin, grand seigneur, il choisit une tige et se posa, consentant mi-tendre, mi-narquois, à une séance photo.
Son nom de genre vient du grec aphantos qui signifie "rendu invisible" et pous, "le pied", et Wallengren qui en est l'auteur fait sans-doute allusion au caractère de tous les membres de la famille des Nymphalidés, dont la première paire de patte est atrophiée en forme de brosse et repliée contre le thorax, ce qui la rend peu visible.
Son nom d' espèce est emprunté à l'un des cinquante fils d'Aegyptus, ceux-là même qui épousèrent les cinquante Danaïdes : c'est encore Linné qui a puisé dans son dictionnaire de mythologie grecque pour nous sortir cet Hyperanthus.
Le Demi-deuil : pincé par un radar !
Chez les insectes, Misumena vatia doit avoir la même réputation que, chez les conducteurs, certains gendarmes bien dissimulés guettant de leur radar les conducteurs négligents ; et ce Demi-deuil aurait vitupéré in petto ou fredonné "Au marché de Brive-la-Gaillarde" s'il avait pu. Mais immobilisé par les chélicères aux mâchoires plus strictes que des menottes, il avait vite reçu l'injection de salive venimeuse de cette tortionnaire déguisée en infirmière, et il ne bougeait plus que lorsque le vent faisait battre ses ailes comme les pages d'un livre oublié sur la terrasse. La misumène buvait à la paille ses chairs déliquescentes, et de vitupérer il n'était plus temps : tout au plus, de prendre le grand deuil.
Le Tabac d'Espagne Argynnis paphia ...
... dont je m'assure qu'il ne s'agit pas d'un Cardinal en photographiant son verso :
L' Orthetrum bleuissant Orthetrum coerulescens (Fabricius, 1798):
Il est plus rare que l'Orthetrum cancellatum, et plus joli aussi avec ses ptérostigmas jaunes. On hésite toujours un peu sur l'identification, et on va chercher les bandes antéhumérales blanches de son thorax, ou les marques noires en échelle sur chaque segment de l'abdomen qui le transforme en canne de bambou..
La femelle :
Le mâle : c'est lui qui porte les couleurs " bleuissantes" :
Ce qui devait arriver :
Pyrrhosoma nymphalis in copula.
Un peu plus loin, c'est la Petite Nymphe à corps de feu qui fait des pompes sous la surveillance de son coach :
Enoplognatha ovata : la femelle.
j'avais rencontré Monsieur Enoplognathe et son allure de courgette, ( Deux jolies araignées : Enoplognatha sp. et Nigma puella.) mais il ne m'avait pas présenté son épouse. Celle-ci n'a pas du tout son cotè légume, elle serait plutôt du coté des fruits ou des patisseries avec son abdomen vanille et citron strié de deux arcs crénelés framboise et constellé de points noirs comme des pépins ; quand au thorax et aux pattes, c'est fait en sirop gélifié façon Ours d'Or. :
Criquet des pâtures Chorthippus parallelus ( Criquet palustre Chorthippus montanus) :
C'est difficile les Orthoptères, c'est difficile ! mais comme Mikaël Buord et Bastien Louboutin viennent de proposer aux amateurs d'invertébrés de Bretagne Vivante et du GRETIA une clef de détermination des Chorthippus et Euchorthippus, je me lance !
Il faut d'abord repérer le lobe basal des tegmina... C'est bon... puis évaluer si la carène du pronotum est anguleux, ou seulement flexueuse . Puisqu'elle n'est que flexueuse sur mon sécimen, que les tegmina sont courts (ce qui élimine C. dorsatus), et que les genoux sont sombres, il reste C. parallelus (trés commun dans les pâtures) ou C. Montanus ( seulement localisé dans les prairies marécageues et tourbeuses).
Mon cliché ne me permet pas d'aller plus loin, et mon incompétence aggrave les choses. Mais j'ai trouvé ce criquet dans une tourbière, alors... alors je ne sais pas : Montanus ou parallelus ?
Ce que je sais, c'est qu'il sait bien sauter, et échapper au photographe.
En comparaison, un autre criquet bien caché dans la lande qui surplombe Kerloc'h à Camaret, avec une tenue camouflée aux teintes vertes et roses de la bruyère : carène latérale peu divergente, genoux sombres, tegmina courts, Chorthippus parallelus?
Les Orthoptères, c'est vraiment difficile ; finalement, il s'agissait de C. parallelus, sans aucun montanus.
Exuvie d'orthoptère : à qui ?
Je les trouve dans la tourbière, et il est toujours curieux de voir ces doubles fantomatiques qu'ont laissé derrière eux de jeunes criquets après leur mue.
Une cétoine: Protaetia (Netocia) morio (Fabricius, 1781).
Je ne l'ai pas observé dans la tourbière, mais sur la lande en bord de mer où cet insecte cherche les chardons et les centaurés qu'il affectionne.
J'ignore ce que signifie Protaetia, et j'ignore également pourquoi Fabricius l'a nommé initialement Cetonia morio, la cétoine folle. Rien de très extravagant ni de très délirant chez ce sombre personnage aux élytres ponctuées de blanc, et je comprends mieux le nom attribué par Fabre, Cetonia lugubris.
Pour conclure cette balade, je cède la place à Ectophasia crassipennis, cette Tachinaire que je trouve si élégante :