L'Orchis Bouffon Orchis morio (Anacamptis morio) (Linné) R.M.Bateman, Pridgeon & M.W.Chase, 1997
Falaise de Postolonnec, Crozon, 23 avril 2013.
Origine du nom :
I. Nom scientifique :
Orchis morio (L.) Anacamptis morio R.M.Bateman, Pridgeon & M.W.Chase, 1997
Richard M. Bateman ( 1955 ) est un botaniste britannique .
Alec M. Pridgeon ( 1950 ) est un botaniste anglais , internationalement reconnu dans le domaine de l'orchidologie, membre de la Société linnéenne de Londres , fondateur de la revue lindleyana .
Mark Wayne Chase ( 1951 ) est un botaniste britannique , connu pour ses études sur la classification et l'évolution des plantes .
Travaux :Pridgeon, AM, PJ Cribb, MW Chase, FN Rasmussen. 1999 . Générer Orchidacearum: Volume 1: Introduction générale, Apostasioideae, Cypripedioideae . Ed Oxford University Press.
Publication : Linné : Species Plantarum 940. 1753. (1 May 1753) : orchis morio
1. De l'Orchidée morio en tant que couillon.
On ne me pardonnera peut-être pas ce sous-titre vulgaire, mais nos ancêtres étaient moins snobs que Swann et Odette qui, dans La Recherche du temps Perdu, utilisent le nom d'une orchidée et disent "faire catleya" plutôt que "faire l'amour". De même, nous parlons pudiquement d'"orchidées" là où nos aïeux parlaient de Couillons, qu'Orchis ne fait que traduire. S'il me faut faire comprendre l'origine du nom "orchis", je ne peux faire l'économie de ce paragraphe. Sans reprendre l'historique des descriptions et des dénominations de la plante, on peut voir par quelques exemples comment, dans un dédale complexe, les auteurs ont repris les differents termes d'orchis, de couillon, couillon de chien, testiculus, satyrion, fol, morio, morion, mâle, femelle, dans leurs tentatives d'interprétation des textes antiques de Dioscoride, Théophraste et Pline l'Ancien.
Les tubercules des orchis en général, mais en particulier d'O. mascula et O. morio, sous le nom de "salep" (bulbes desséchés) étaient considérés comme des nourritures fortifiantes, stimulantes et/ou aphrodisiaques, ce qui a fait écrire à Linné que les taureaux de Dalécarlie, au centre de la Suéde, étaient mieux disposés que les autres à l'acte générateur parce qu'ils paissaient volontiers les feuilles d'orchis dont leurs pâturages sont riches. Nous avons là un parfait exemple de ce que Michel Foucault a désigné sous le nom de pensée analogique basée sur des rapports de correspondance. Puisque les tubercules des orchidées ressemblaient à des testicules, ils devaient conférer la puissance sexuelle. La recherche de ces harmonies analogiques a été poursuivie depuis les présocratiques et les platoniciens jusqu'à la fin du Moyen Âge, et, en médecine, elle s'est appliquée aux plantes médicinales selon la théorie des signatures, forme du principe Similia similibus curantur, "les semblables soignent les semblables. Le Salep (le mot saleb signifie en arabe "couille de renard") est toujours vendu par les marchands ambulants des rues d'Istanboul en hiver aux cris de Saaaalep, Saaaleeeep : c'est une boisson crémeuse saupoudrée de cannelle préparée avec la farine de tubercules d'Anatolie, du lait et de l'amidon, et ce secret échappé des harems ottomans a le succès que l'on devine.
Par une distorsion (ou ce qui en semble une à nos esprits "modernes") de ces principes, la forme de ces bulbes testiculoïdes s'est vue qualifiée de mâles (mascula) pour les bulbes les mieux formés, et de femelles (foemina) pour les plus chétifs ou flétris.
Ainsi, Bauhin (Pinax, p.82) décrit-il en 1596 deux Orchis morio : Orchis morio mas foliis maculatis (l'orchidée morio mâle aux feuilles maculées) qui correspond à notre Orchis mascula, et Orchis morio foemina , notre Orchis morio, que Fuchs avait nommé Cynosorchis foemina minor, Dodoens Testiculus morionis foemina, et Lobel Cynosorchis morio foemina.
Cette distinction se comprend mieux si on utilise un concept complémentaire proche des conceptions d'Hahnemann : bien que l'Orchis semble conférer la virilité par similitude, la même plante peut avoir un effet inverse si elle est, non pas diluée, mais choisie dans ses caractères les plus "bas", les moins "typiques" : c'est la lecture de Pierandrea Mattioli (1544) qui m'a donné accès à ce concept :
a) Commentaires sur les six livres de Pedarus Dioscoride, P. Mattioli 1544.
" Le Couillon de chien, que les Grecs appellent Cynos-orchis, [...] produit des racines bulbeuses, longuettes, étroites comme une olive, et double dont celle qui est la plus haute est pleine et charneuse ; et la plus basse est est plus molle et plus ridée. Ses racines sont bonnes à manger, cuites, comme on fait les bulbes. On dit que si les hommes mangent la plus grosse racine, elle fait engendrer les mâles, et que l'autre mangée des femmes fait engendrer des femelles. On dit aussi qu'en Thessalie les femmes broient la racine la plus charnue, en lait de chèvre, pour s'inciter au jeu d'amour, et usent de l'autre racine, qui est ridée, en la même sorte, pour se refroidir. Et qu'une racine empêche la vertu de l'autre, la prenant en breuvage" ( Mattioli, Sur Dioscoride Livre III chap. CXXIIII).
Tout bien considéré, ce n'est qu'une application du principe de similitude : si la glande est ridée et molle, elle est comme impuissante à conférer la virilité, que ce soit dans la conception ou dans l'exercice de la sexualité.
Le propre de cette plante est donc d'être bipolaire, ses deux tubercules ayant deux effets opposés, ce que nous retrouvons en onomastique dans les formes attestées en bas-saxon : Adam-en-eva, "Adam et Éve". Et celui qui, croyant qu'en mangeant ces racines, il deviendra un guai boute-en-train, il sera déçu "car ceux qui les mangent toutes deux ne sentent aucun échauffement". A contrario, la plante suivante, le Satyrium, a une racine de la grosseur d'une pomme, elle est rouge en dehors et blanche en dedans : elle est univalente, et "quand on voudra jouster avec les dames, il est bon d'user de cette racine, car elle rend l'homme gentil compagnon". Avec un degré de plus, une autre variété de Satyrium, S. erythronium, sine rubrum, est rouge en excès, et "sa graine excite à luxure" ; quant à sa racine, il suffit de la tenir à la main pour qu'elle vous mette en chaleur ; et "échauffe encore plus la personne après les femmes, la buvant avec du vin".
On comprend combien les effets des plantes, quoiqu'étant toutes des Orchis, des testiculii, peuvent différer, et combien Pattioli peut s'emporter à juste titre contre :
"les médecins et apothicaires de [son] temps [qui] abusent grandement en cet endroit de leur art, et principalement en ce que au lieu du satyrium, ils mettent ordinairement le couillon de chien en leurs compositions. Car combien que ces plantes soient quasi d'un même naturel, néanmoins selon Dioscoride, elles sont bien différentes en forme et en figure. Car en premier lieu les racines des couillons de chien viennent à doubles, comme les couillons, et sont longuettes, et pendent d'un coté et l'autre ; toutefois la plus haute est la mieux nourrie ; car celle d'en-bas est plus flasque, et vide à demi. Mais la racine de satyrion est bulbeuse et poulpue, étant ronde comme une pomme".
Il est évident que ces deux plantes ne procurent pas les mêmes effets (dont le lecteur découvre quelques lignes plus loin les prodiges) et qu'il faut choisir son apothicaire avec soin plutôt qu'un charlatan plus prompt à vider votre bourse qu'à tenir ses promesses.
Au terme de la lecture de ce premier auteur, nous avons 5 descriptions :
- Cynosorchis ou Couillon de chien (à deux bulbes, l'un plutôt mâle, l'autre plutôt femelle) excitant ou freinant la virilité, ou la conception des garçons.
- Serapias, "moins propre au jeu d'amour",
- Satyrium ou Satyrion ou Trifolium , franchement aphrodisiaque.
- Satyrium erythronum, aphrodisiaque jusqu'à la luxure,
- Palma Christi, propre à soigner la dysenterie et autres caquessangues.
b) Les questions de genre se compliquent avec Fuchse, et avec Dodoens en 1557 qui décrit parmi les Couillons, ou Orchis, des espèces mâles et des espèces femelles: Il discerne
- le Couillon de chien (cinq espèces) : Cynosorchis
- le Couillon de Bouc ou couillon de lièvre: Tragorchis
- le Triple couillon de chien (deux espèces mâle et femelle) : Triorchis ou Serapias
- le Couillon de renard et le Couillon odorant : testiculus vulpis et T. odoratus
Rien, dans la description, ne m'a permis de comprendre sur quel critère les espèces sont baptisées mâle et femelle, ni la taille ou l'épaisseur de la tige, ni la taille des bulbes, ceux des mâles étant comparés à des noix de muscade ou de petites olives. Beaucoup présentent cette dyssymétrie des bulbes précedemment décrite pour Cynosorchis. Notons donc qu'ici, les mots mascula et foemina n'ont pas de signification sexuelle mais indiquent simplement une différence d'aspect, un dimorphisme.
Quoiqu'il en soit, Dodoens, dans son chapitre "les vertus et les opérations", reprend ce qui a été dit par Mattioli : le bulbe de bouc est fortifiant et puissamment stimulant, mais pour les autresl leurs propriétés différent non par l'espèce mâle ou femelle, mais par l'usage du bulbe le plus plein par opposition au bulbe flétri.
Dans une autre publication en 1568 Florum, coronariarum odoratarumque nonnullarum herbarum historia, Dodoens considère cinq espèces de Couillon de chien, mais aussi deux espèces nommées Testiculus morionis :
1. testiculus morionis mas (comme mascula)
Source : http://www.biusante.parisdescartes.fr/histmed/medica/page?pharma_res019124&p=207
2. Testiculus morionis foemina :
Voir le texte correspondant, page 205
c) Les auteurs : Lobel Plantarum stirpium icones en 1570 ; John Gerard* Herball or Generall Historie of Plantes 1597 ; Bauhin (Pinax Theatri Botanici) en 1596 ; Schwenckfelt, (Stirp. foss. Siles. catal) en 1600 ; Sidney Parkinson en 1629 (Parad. sole parad. terr.) ; John Ray 1670, Catal. pl. angliae, p. 225 ; Sébastien Vaillant en 1727, font ainsi ajouter leurs descriptions et leurs classifications. On voit alors apparaître un consensus pour décrire deux principales espèces, qui se distinguent par leur qualificatif de Mâle (mascula ) et femelle (foemina) et qui reprennent les deux Testiculus morionis de Dodoens:
- Orchis morio mas folii maculatis, qui deviendra avec Linné notre Orchis mâle O. mascula
- Orchis morio foemina, qui deviendra notre Anacamptis (Orchis) morio.
*John Gerard ou Gerarde, 1545 -1611 ou 1612 botaniste anglais, célèbre pour son herbier, The Herball or Generall Historie of Plantes 1597. Il s'agit en réalité d'une adaptation de l'œuvre de Dodoens.
Finalement, Orchis morio a été créé par Linné dans son Species Plantarum en 1753. Il donne comme sources "Orchis morio femina. Bauh. pin. 82. vaill. paris. t. 31. f. 13. 14. Segu. ver. t. 15. f. 7" : Je les reprendrais l'une après l'autre :
a) Gaspard Bauhin, 1596 Pinax theatri botanici sen Index in Theoplirasti, Dioscoridis, Plinii, et botanicorum qui a seculo scripserunt opera p.82.
b) Sébastien Vaillant en 1727 : Botanicon parisiense
c) Jean-François Séguier, Plantae Veronenses p. 125.
Au total, les auteurs ont repris sous des noms parfois différents les deux espèces décrites en 1568 par Dodoens sous les noms couplés de Testiculus morio mascula et Testiculus morio foemina, transformés en Orchis morio mas et Orchis morio foemina avant de perdre chacun une part de leur nom et de devenir depuis Linné Orchis mascula et Orchis morio.
Cette recherche génétique parmi les auteurs me permet désormais l'étude onomastique de l'épithète morio.
2. De l'épithète morio.
a) Pour certains (FloreAlpes.com) cet orchis tient son nom latin de l’Espagnol catalan Morion qui désignait le casque des fantassins de la Renaissance, ses sépales formant un casque bien régulier.
Cette étymologie a le mérite de souligner une des caractéristiques morphologiques de la plante, la façon dont les sépales et pétales latéraux sont réunis en un casque sub-globuleux.
b) Pour d'autres, le nom morio vient du grec moros, "fou", qui rejoint notre qualificatif français de "bouffon". Mais comment justifier ce qualificatif ?
c) D'autres encore (Nicolas Lémery, dictionaire ou traité des drogues simples, 1711, p. 394) font venir morio du grec signifiant "partie génitale": c'est alors, si je peux me permettre l'expression, le chat qui se mord la queue, et nous revenons au sens du mot orchis . Cette hypothèse est reprise dans une discussion du forum telebotanica (cf sources) :
"Il semble qu'il y ait eu ici une confusion entre "morion" et "moorion" (oo pour oméga). Il s'agit vraisemblablement du grec morion, "partie(s)", spécialement parties génitales, aussi bien mâles que femelles, ce que semble tout à fait confirmer l'existence des dénominations Orchis morio femina et Orchis morio mas. La répétition du nom de genre (ou de sa signification) dans l'épithète spécifique sous une autre forme n'est pas rare en botanique. Voyez Lobel (1581, Kruydtb., p 214 ; 1581, Pl. s. st. ic., p. 176), C. Bauhin (1623, Pinax, p. 82), Vaillant (1727, Bot? par., p. 151), Linné (1753, Sp. pl., II,
En grec, morion a le sens général de "partie" (mais aussi d'article, d'élément, de particule, etc.), de membre du corps, et plus spécialement de parties sexuelles, l'application à la femme étant attestée dans Lucien (Dialogue des morts)."
Je vais désormais m'attacher à démontrer que l'origine de l'épithète morio est, plutôt que le casque militaire nommé morion, le bonnet de fou.
1. Mon premier argument passe par la consultation du texte du premier auteur à utiliser ce qualificatif, Dodoens, dans son Florum de 1668 :
Dans sa description, je relève pour Testiculus morionis mascula : "Morionis duplex est (...) anterior vero cucullum auriculatum et cristatum Morionis referunt. Nant cuculli quidam et patentis galea modo flosculus hiat, et angusta foliola quae a lateribus surgunt auriculas ; quod cero e medio attolitur, cristam refert : radices gemini sunt, nucleo nucs myristicae similes, supra quos fibrae exeunt."
Et pour Testiculus morio foemina : Description: "flores hiantes quoque et veluti patentes cuculli, a tergo dependente singulis corniculo, sed foliolis quae cristae aut auricularum modo adnascuntur nus erectis, sed ipsi floris cucullo ita incumbentibus, ut non facile observentur : gemini et his testiculis similes globuli ; exeunt et supra anexum aliquot fibrae."
- Lexique : cucullus "voile, capuchon couvrant la tête (Columelle, TLL) capuche, froc, pélerine, " ; a donné "cagoule". A ne pas confondre avec cuculus, "coucou" ou, chez Plaute "imbécile".
- Morionis : génitif singulier de morio, onis mŏrĭo, ōnis, m. cf. gr. μῶρος. 1 - un fou, un bouffon -( Plin. Ep. 9, 17, 1 ; Mart. 8, 13, 1 ) 2 - un imbécile : Aug. (Ep. 166, 17.) ; 3 - un monstre, une personne contrefaite.- Mart. 6, 39, 17.
- referunt : refero : "remporter, gagner ; porter en arrière".
- adnascuntur : agnascor : "pousser à coté, pousser sur, en excroissance"
- hians, hiantis: part.prés. de hio : "béant" ; ou, à propos d'une fleur : "éclose".
- veluti : "par exemple ; comme si"
- patentes : "étant découvert, ouvert, exposé"
- a tergo : à l'arrière
- corniculo : "petite corne", avec ce commentaire :"CORNICULUM: de cornu, toute petite corne ; mais, dans un sens plus particulier, ornement conféré par le chef aux soldats qui le méritaient, comme marque de distinction (Liv. X, 44) ; il avait, à ce qu'on suppose, la forme d'une corne, et il était porté sur le casque pour supporter l'aigrette"
- cristae : pluriel de crista "aigrette, crête, huppe, touffe"
2. Mon second argument sera la description en français de l'Histoire générale des plantes de Dalechamps et Desmoulins Livre XV p. 424.
La plante y sont décrites comme "Couillon de fol" : le terme de Dodoens testiculus morionis a donc été traduit littéralement ainsi, ce qui confirme que "morionis" doit être compris comme " fol, de fou, de bouffon" et non autrement.
La description va être précisément la traduction de celle de Dodoens :
Pour le mâle : "Ses fleurs sont entassées en un épi, purpurines et blanchâtres vers le nombril, odorantes et de bonne grâce, qui ont comme une petite corne pendante par derrière, quasi semblable à la corne de la fleur Royale ; mais par devant elles retirent au capuchon crêté d'un badin, avec les oreilles. Car la fleur est ouverte à mode d'un capuchon ou d'un morion ouvert, et a des feuilles étroites par le coté qui représentent les oreilles, et ce qui est relevé par le milieu ressemble à la crête. Pour les racines, il a deux petites boules, semblables à une noix muscade, au dessus desquelles il sort des chevelures."
Le casque ou bonnet de fou : O. mascula à gauche, O. morio à droite.
"Quand à la femelle [O morio], elle a semblablement des feuilles lisses, mais elles sont plus étroites, avec quelque peu de veines ou de cannelures aucunement semblables à celles du plantain aux feuilles étroites. Ses fleurs sont aussi ouvertes à mode de capuchon, ayant chacune une corne pendante par derrière ; mais les petites feuilles qui sortent de la crête à mode d'oreille ne sont pas droites, mais si couchées contre le capuchon de la fleur qu'il est malaisé de les apercevoir. Elle a aussi deux pelotes à mode de couillons, avec quelques chevelures au dessus."
Le "capuchon crêté d'un badin" doit se comprendre comme "bonnet de fou", si on prend en compte la signification du mot badin (CNRTL) : " "Qui manifeste un naturel gai et enjoué, parfois un peu folâtre ou moqueur". Étymologie et hist : A.- Subst. 1. 1452 « fou, sot » B.− Adj. 1. 1543 « sot, niais » Le changement de sens au xviies. s'explique par le fait que badin a été employé pour désigner le bouffon dans les comédies au xves. (Lew., p. 153) et au xvies. (Rab., III, 37 ds Hug.), personnage qui fait le sot, par conséquent qui provoque un rire facile."
La phrase "par devant elles retirent au capuchon crêté d'un badin, avec les oreilles" et la traduction de anterior vero cucullum auriculatum et cristatum Morionis referunt.
Ce bonnet de fou est composé d'un bonnet en casque, d'une ou deux cornes en arrière, et de deux oreilles : de quoi obtenir un franc succès.
En somme, l'épithète morionis se traduit par "badin, "bouffon", et qualifie la fleur des deux orchis comparée à un bonnet de fou, au capuchon d'un bouffon avec sa forme en casque, sa crête, ses oreilles, et avec son éperon comparé à une corne. Notre nom vernaculaire "Orchis bouffon" est la traduction juste d'Orchis morio.
Les bouffons, fous du roi ou fous de cour portaient un costume formé d'une jaquette généralement bariolée de jaune et de vert, découpée à angles aigus, avec une culotte de même genre; à la ceinture, le plus souvent une épée de bois doré, ou parfois une vessie suspendue à l'extrémité d'une baguette et renfermant une poignée de pois secs; sur la tête, une sorte de bonnet, ou plutôt de grand capuchon pointu, avec deux grandes oreillettes en forme d'oreilles d'âne, terminées par des grelots.
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II. Nom vernaculaire :
Orchis bouffon.
Autres noms vernaculaires:
Orchis casque
Satirion
Soupe à vin
Morion
Folle femelle
Damette
Couillon de Chien, Couillon de Renard, Petite Dame des Prés, Monrion,
Etymologie des noms d'Orchis morio et orchis bouffon, telebotanica.
Dans d'autres langues :
— Green-winged Orchid or Green-veined Orchid (orchidée veinée de vert), en anglais.
— Kleine Knabenkraut (petite orchidée), Salep-Knabenkraut (orchidée-salep) , Narrenkappe (bonnet du bouffon (narren)) en allemand
— Orchide minore (petite orchidée) en italien, Zonzelle, Giglio caprino (Lily chêvre ?), Giglio vino (couleur de vin) , ou Pan di cuculo (pain de coucou ?), Cimiciattolo, ou Salep /Thaleb, testicolo di cane (testicule de chien) en 1544 (Matt.)
— Testículo de perro, Coyen de perro (couillon de chien) en español:
—De harlekijn en néerlandais (arlequin)
— Göknycklar en suédois. (orchidée coucou)
— Adam-en-eva (Adam et Éve) en bas-saxon et bas-allemand
Mais aussi : Azərbaycanca: Mürgü səhləbi · Беларуская: Ятрышнік дрэмлік · Česky: Vstavač kukačka · · Eesti: Arukäpp ; Hornjoserbsce: Mała pihawka · Latviešu: Zalkšu dzegužpuķe · Lietuvių: Mažoji gegužraibė · Magyar: Agárkosbor · Norsk bokmål: Narrmarihand · Polski: Storczyk samiczy · Română: Untul vacii · Slovenčina: Vstavač obyčajný · Suomi: Ruusukekalkkikämmekkä·
Cette revue onomastique permet de déterminer des séries sémantiques liées aux particularités de cette orchidée:
1. Description :
- "veinée de vert".
- "petite", "orchide minore", "Kleine Knabenhaut"
- "bonnet de fou" , Monrion, "Orchis casque", "morion"
- couleur violette comme le vin: "Soupe à vin", "Giglio vino"
2. Précocité d'apparition, caractère printannier :
- "coucou" ; Pan di cuculo ; Göknicklar
3. Thème burlesque (ou description de la fleur en bonnet de fou):
- fol ; folle femelle ; bouffon
- arlequin
4. Thème analogique / testicule:
- Couillon de chien", "couillon de renard", "Testiculo de perro",
- Satyrion.
- Salep (remède aphrodisiaque).
- Adam-en-eva (cf supra)
5. Caractère "féminin" :
- Folle femelle, Damette, Petite Dame des prés
Annexe
Il eût fallu peut-être,, pour mieux suivre mon propos, débuter par la lecture de l' Histoire generale des plantes contenant XVIII livres egalement de partis en deux..1615, Chapitre XII, Du couillon de chien de Jacques Dalechamps (1513-1588) et Jean Desmoulins ( 1580-1620) page 428 , qui est pleine d'intérêt :
"Il faut mettre parmi les bulbes, Hyacinthes et Oignons, et autres semblables, les Couillons et Satyrions. Entre lesquels celui qui est appellé en grec orchis, est aussi appellé en latin orchis, et cynosorchis, et par les Apothicaires Testiculus Canis, en Arabe Chasi Alkes, en Italien testicolo di cane, en Espagnol Coyon de Perro ; en Allemagne Knabenkraut, en Français Couillon de chien et Satyrion suivant les Apothicaires qui appellent Satyrions les Couillons et se servent de leurs bulbes au lieu de vrai Satyrions de quoy Apulée semble avoir été cause, d'autant qu'il ne met point de différence entre les Couillons et les Satyrions, mais confond l'un et l'autre avec le Couillon appellé de chien et l'autre appellé Sérapias. Les Grecs, dit-il, appellent Satyrions, ou Cynosorchis, ou Eutaticos, Panion, Serapion, et les autres Orchis ce que les Gaulois appellent vram, les Italiens Priapiscus, ou Orminalis, ou Couillons de Lièvre.
"Cette herbe a été dite Orchis, pour ce que ses racines s'entretiennent à la mode de deux testicules ; et Cynosorchis pour ce que sa racine est faite à la mode de Couillon de chien. Dioscoride, Pline et Galien ont établis deux espèces d'Orchis ou Couillons, à savoir le Couillon de chien, et l'Orchis Serapias. Mais les modernes en ont remarqué bien d'avantage, toutes lesquelles ils ont nommé de même à cause de la figure de leurs racines. Fusche met deux espèces de Couillons, à savoir le mâle et la femelle. Quand au mâle il y en a aussi deux sortes, dont l'un a les feuilles larges et l'autre les a étroites. Quand à la femelle il y en a semblablement deux sortes, l'une grande et l'autre moindre."
"Matthiol* a mis le portrait de cinq espèces de couillons, qui sont différentes quant aux feuilles et à la fleur, ajoutant en outre une Palma Christi grande, et une autre petite, desquelles nous parlerons au chapitre du Satyrion. Dodon** a divisé les Couillons en quatre genre ; et quant au premier, qui est l'Orchis, ou Couillon de chien, il en met cinq espèces, dont il appelle les deux premières mâles et les trois autres femelles. Quand au second il l'appelle Tragorchis, c'est à dire Couillon de bouc. Quand au troisième, il en fait aussi deux espèces, à savoir le mâle et la femelle. Comme aussi du quatrième, l'une grande et l'autre petite. En un autre livre il comprend tous les Couillons sous cinq genres, dont il appelle le premier Cynosorchis, ou Couillon de chien, et en met cinq espèces. Quand au second il l'appelle Testiculus morionis ; le troisième Tragorchis ; le quatrième Couillon serapias ; le cinquième Couillon odorant, ou couillon petit."
Sources et liens :
* Pierandrea Mattioli (1501-1577), médecin et botaniste italien, a écrit en 1544 Commentarii in libris sex Pedacii Dioscoridis, dont le succès fut immense.
** Rembert Dodoens (ou Rembert Van Joenckema ou Rembert Dodonée), né le 29 juin 1517 à Malines et mort le 10 mars 1585 à Leyde, est un botaniste et un médecin flamand qui écrivit un herbier, utilisant les planches du travail de Leonhart Fuchs en y ajoutant des gravures nouvelles. Une édition en flamand, sous le titre Crŭÿdeboeck, paraît en 1554 suivie d'une version en français, Histoire des plantes traduite par Charles de l'Écluse. En 1583, Dodoens fait paraître Pemptades, une œuvre plus botaniste que la précédente. Ses propres observations sont mêlées à celles de Charles de l'Écluse et Mathias de Lobel. Rembert Dodoens 1557 Histoire des plantes en laquelle est contenue la description entiere des ... p.153
— Gaspard Bauhin, 1596 Pinax theatri botanici sen Index in Theoplirasti, Dioscoridis, Plinii, et botanicorum qui a seculo scripserunt opera p.82:http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k97448m/f105.image
— Mathias de Lobel (1538-1616) Stirpium adversaria nova 1570 ; Icones stirpium http://www.biodiversitylibrary.org/bibliography/9308#/summary
—Dalechamps, Jacques, 1513-1588; Desmoulins, Jean, 1580-1620? : Histoire generale des plantes : contenant XVIII livres egalement de partis en deux..1615, Chapitre XII, Du couillon de chien page 428.
— Sébastien Vaillant, Botanicon parisiense 1727.
Jean-François Séguier,1745 Plantae Veronenses p. 124
— Linné, Species plantarum p. 940 http://www.botanicus.org/page/358961
Voir aussi : Bibliothèque Latine-Française, 1833 Volume 86