La Jacinthe sauvage Hyacinthus non scriptus.
plus exactement Hyacinthoides non-scripta (L.) Chouard ex Rothm., 1944.
Puisque les orchidées mâle et bouffon sont régulièrement nommées "jacinthes sauvages", je place ici cette photographie pour faire la différence ; en breton elle est nommée bokidi-koukou, pour-bran, roz-koukou , kilked-broen.
C'est le port affaissé et fatigué de la tige sous le poids des clochettes qui l'a fait nommer aussi Endymion nutans, du nom de ce héros mythologique plongé dans un sommeil éternel par la déesse de la lune dont il était l'amant.
Linné, dans Species plantarum de 1753 page 316, la classe parmi les hyacinthus en suivant Bauhin et le Hyacinthus oblongo flore caeruleus major de son Pinax Theatri page 43 .
Si le nom Jacinthe, Hyacinthus, vient des grecs Théophraste et Dioscoride, c'est au botaniste flamand Rembert Dodoens que revient en 1568 celui de Hyacinthus non scriptus, comme l'expliquent Daléchamps et Desmoulins.
Dodoens écrit page 168 de Florum, coronariarum odoratarumque nonnullarum herbarum historia
: cognominatur autem hic hyacinthus nons scriptus, ad differentiam nempe alteriius superius descripti qui luctus notas inscriptas habet. "Il porte maintenant ce nom pour le distinguer de l'autre décrit plus haut et qui porte les inscriptions de son trépas." (adaptation (très) personnelle).
On estime que Dodoens a voulu marquer la différence avec la jacinthe mythologique, celle de la littérature grecque, où le héros Hyacinthe est aimé d'Apollon : alors que celui-ci lui apprend le lancer du disque, le beau Hyacinthe est frappé à la tempe par le disque et meurt ; de son sang naît une fleur, la Jacinthe, mais les larmes d'Apollon viennent marquer les pétales des lettres AIAI (hélas) (Ovide, Métamorphoses, livre X). Apollon s'écrit :
Nouvelle fleur écrite aux marques des douleurs
Tu iras imitant mes soupirs et mes pleurs
Le temps viendra après qu'un héros très illustre
Changé en cette fleur relèvera son lustre
Et en la même feuille on y lira son nom.
Le "héros très illustre" est Ajax, dont le nom est proche d'AIAI.
Nous comprenons maintenant pourquoi cette jacinthe des bois, dont les pétales ne portent aucun mot d'amour et de lamentation, porte l'épithète non scriptus.
ANNEXE : le texte latin : Trad.de A.-M. Boxus et J. Poucet, Bruxelles, 2008
Te lyra pulsa manu, te carmina nostra sonabunt
flosque nouus scripto gemitus imitabere nostros.
Tempus et illud erit, quo se fortissimus heros
addat in hunc florem folioque legatur eodem. ”
Talia dum uero memorantur Apollinis ore,
ecce cruor, qui fusus humo signauerat herbas,
desinit esse cruor Tyrioque nitentior ostro
flos oritur formamque capit quam lilia, si non
purpureus color his, argenteus esset in illis.
Non satis hoc Phoebo est (is enim fuit auctor honoris) ;
ipse suos gemitus foliis inscribit, et AI AI
flos habet inscriptum, funestaque littera ducta est.
"Ma lyre sous mes doigts, et mes chants retentiront pour toi
Et, fleur nouvelle marquée d'une inscription, tu symboliseras mes plaintes
Viendra aussi un temps où le plus vaillant des héros
Aura son nom sur les mêmes pétales et s'ajoutera à cette fleur.
Tandis qu'Apollon à la bouche véridique tient ces propos,
Voici que le sang, qui avait taché l'herbe en s'écoulant sur le sol
Cessa d'être du sang, et plus brillant que la pourpre tyrienne,
Une fleur éclot, qui par sa forme ressemblerait à un lys,
Si elle n'était pas pourpre et si les lys n'étaient pas argentés."