Église Saint-Mériadec en Stival (Pontivy, 56)
Le vitrail de la Passion (1552).
Cette baie de la façade sud est faite de trois lancettes trilobées (A à C) de cinq panneaux et d'un tympan ajouré, sur le thème de la Passion et de la Résurrection. Les couleurs principales sont le rouge, le bleu et le violet, le vert, le jaune ou l'or (jaune d'argent), et le vieux rose.
I. Registre inférieur
Panneau A1 : Jésus au Mont des Oliviers ; signature du restaurateur.
a) signature inscrite sur le pilier gauche : L'an 1908 fut réparée cette verrière et fut par l'ouvrier Marcel Delon de Paris.
Cette signature imite le style graphique et la forme littéraire de la signature du maître-verrier, placée sur le pilier de droite (panneau C1). L'"ouvrier"Marcel Delon est un maître-verrier ou plus exactement peintre-verrier parisien, élève d'Oudinot avant de créer son propre atelier en 1889, qui a travaillé en restauration de vitraux, mais aussi bien-sûr en création, par exemple au Couvent des Jacobins de Saintes dans le style Art Nouveau ou au Musée Adrien Dubouché à Limoges.
b) inscription gothique : Come notre signeur s'en fut prier au jardin des olives.
Je rappelle que la scène se passe à Gethsémani, littéralement pressoir à huile" en araméen. Jésus est tourné vers un calice présenté par un ange, alors que les trois apôtres Pierre, Jacques et Jean chargés de l'accompagner des cette nuit obscure se sont endormis. En arrière-plan à droite, on voit la troupe des gardes du Grand-Prêtre arriver : "Comme il parlait encore, voilà que Judas, l'un des douze, arriva, et avec lui une foule nombreuse armée de glaives et de bâtons, envoyée par les grands prêtres et les anciens du peuple." (Mat 26, 47)
Le Christ est vêtu d'une robe violette, qui servira à le distinguer jusqu'à la scène de son dépouillement, et qu'il retrouvera sur le tympan, après avoir porté lors de la résurrection le manteau rouge pourpre propre à la gloire de cet évènement.
Panneau B1 : arrestation de Jésus.
Inscription : Come n(o)tre Signeur fut .. ins par les juifz.
Blason non identifié.
"Celui qui le trahissait leur avait donné un signe : "celui à qui je donnerai un baiser, c'est lui : arrétez-le ". Et aussitôt, s'avançant vers jésus, il dit :"Salut, Rabbi !" et il lui donna un baiser. Jésus lui dit :" Ami, tu es là pour cela !"; Alors, ils s'avancèrent, mirent la main sur Jésus et le saisirent." (Mat, 26, 48-50)
Panneau C1. Comparusion devant Anne.
Inscription : Come notre signeur fut mené devant An(n)as.
Selon Matthieu, Jésus fut d'abord présenté à Caïphe, le grand prêtre, et non à Anne, beau-père de Caïphe et grand prêtre avant celui-ci.
Inscription sur le pilier droit : EN lan 1552 fut faicte cette vitre et f.t lou(v)rier Jeha. Le Flaman.
II. Registre intermédiaire.
Panneau A2 : Couronnement d'épine et scène d'outrage.
Inscription : Come n(o)tre signeur fut co(u)roné par les juifz
Panneau B2 : Flagellation.
Inscription : Come notre signeur fut flagellé.
Panneau C2 :
Inscription : Come n(ot)re signeur fut mené devant Anne.
C'est seulement dans l'évangile de Jean que Jésus est présenté, juste après son arrestation, devant Anne, (ou Hanne, Anan ben Seth), qui l'interroge en son palais avant de le renvoyer à son gendre Caïphe, grand prêtre en fonction cette année-là.
Sur cette image, Anne porte la tiare et le diadème (ici orné d'un croissant lunaire), en dehors de toute vraisemblance car les habits sacerdotaux ne sont portés que dans le temple.
A l'arrière-plan, sous une main, on voit la tête auréolée de saint Pierre, qui, pendant cette comparution, assis dans la cour du palais et se réchauffant auprès d'un brasier, est reconnu par les serviteurs, puis par Malchus, celui-là même à qui il a coupé l'oreille lors de l'arrestation : c'est l'épisode du triple reniement de Pierre, et du chant du coq.
L'interrogatoire d'Anne a donc lieu en pleine nuit.
Lire : http://theologiedelepiscopat.chez-alice.fr/episodes/209.htm
3. Registre intermédiaire 2 :
Panneau A3 :
Inscription : Come n(ot)re signeur fut prése(n)té aux juifz.
Cette scène est la plus originale de la verrière. Elle correspond au texte évangélique suivant dans Jean 19, 4-6 : "Pilate sortit de nouveau, et dit aux Juifs : Voici, je vous l'amène dehors, afin que vous sachiez que je ne trouve en lui aucun crime. Jésus sortit donc, portant la couronne d'épines et le manteau de pourpre. Et Pilate leur dit : Voici l'homme."
Cet épisode est représenté traditionnellement en art statuaire ou en peinture sous le titre Ecce Homo, qui reprend en latin les derniers mots de Pilate, "Voici l'homme". Mais le Christ y est souvent figuré seul. Ici, l'accent n'est pas mis sur le portrait dramatique de l'homme accablé et souffrant, mais sur la dérision, et sur le déchaînement de la "crise mimétique", lorsque par une fascination haineuse qui s'amplifie et réunit toute une foule contre un bouc émissaire, l'unanimité se forme vers le sacrifice final.
Le personnage en robe jaune porte inscrit le nom PILAT ; il est représenté en costume et chapeau juif, comme souvent. On ne peut distinguer le reste des inscriptions de sa robe : VCE...SINO.. Il se courbe en avant et adopte la même posture fléchie humiliante qu'il fait prendre au Christ, et tient son sceptre d'une façon comparable à celle par laquelle Jésus tient le roseau qui singe sa royauté, si bien qu'il se crée un jeu de miroir entre les deux protagonistes. La cruauté de l'outrage fait au Christ est dramatiquement mise en scène, et on pense à ce que devaient être les Mystères de la Passion du Moyen-Âge. Le texte de Jean peut être complété par celui de Matthieu, dans laquelle les injures faites au Christ se passent dans le prétoire et sont exercées par les soldats : "Alors les soldats du gouverneur prirent Jésus avec eux dans le prétoire, et ils assemblèrent toute la cohorte. L'ayant dévêtu, ils jetèrent sur lui un manteau écarlate. Ils tressèrent une couronne avec des épines, qu'ils posèrent sur sa tête, avec un roseau dans sa main droite ; et fléchissant le genou devant lui, ils lui disaient par dérision : "Salut, roi des Juifs !". Ils lui crachaient aussi dessus et, prenant le roseau, ils en frappaient la tête".
Mais ici, c'est la violence de la foule qui est exprimée : dans les cris, les gestes, les postures, les regard et la haine des visages.
Panneau B3 :
Inscription : Come n(ot)re signeur porta sa croix.
Panneau C3.
Inscription : Come n(ot)re signeur fut despoillé.
4.Registre supérieur :
Panneau A4:
Inscription : Come notre signeur ressuscita
Panneau B4 : Crucifixion.
Inscription : Come n(ot)re signeur fut crucifié.
Panneau C4. Déposition.
Inscription : Come n(ot)re signeur fut desce(n)du de la croix.
5. Tympan
Ce qui est du au restaurateur dépasse très largement l'oeuvre du XVIe siècle. Au centre, l'Ascension du Christ. Dans les mouchettes inférieures, anges dont l'un porte la colonne de la flagellation, l'autre la couronne d'épine.