Nom d'un chien ! Tristan et le chien Petit-Crû : magie des couleurs et magie du son.
Voir aussi : Tristan et la Ronce : la blanche fleur et le fruit rouge de la passion.
Ouverture.
C'est l'un des épisodes du roman de Tristan les plus séduisants à mes yeux ; enchâssé dans le texte comme un élément autonome, il me plonge dans ces délicieuses apories dont la poésie a le secret. Et je reviens de mon exploration sur ce thème de l'animal magique et du grelot qui apaise, comblé d'étranges charmes.
Déflorons le sujet par un résumé qui lui ôtera l'essentiel : séparé d'Yseut par l'exil après un procès pour adultère, Tristan, ayant risqué sa vie pour obtenir le chien magique Petit-crû dont la vision et le grelot font oublier tout tourment, l'envoie à la reine qui se ravie de sa compagnie ; mais réalisant que les sons cristallins du collier la détournent de son chagrin d'amour, elle arrache le grelot et elle le jette afin de rester fidèle à son amant par le partage du mal d'amour. Nom d'un chien !
La reine Yseut recevant le chien Petit-Crû adressé par Tristan, xylographie de 1448 ou 1484 par Anton Sorg d' Augsbourg. Source: Kay Körner, Dresde.
Qu'en pensez-vous ? Mille questions ne naissent-elles pas aussitôt ? Le geste plein de sollicitude de Tristan n'est-il pas ambiguë, qui propose à Yseut l'oubli ? Le comportement d'Yseut n'est-il pas riche de réflexion, qui préfère rejeter tout remède à son chagrin, hormis la présence de Tristan lui-même ? La jouissance du chagrin d'amour est-elle supérieure à son apaisement ? Le manque qui constitue le désir est-il, pour des amants, un mal auquel il ne faut avoir la sagesse de ne jamais rechercher de remède ?
Pourquoi un chien? De quelle antique tradition vient-il ? Que signifie son nom énigmatique ? Quel est le pouvoir du grelot ? Pourquoi le merveilleux fait-il retour dans le récit ?
Noué au thème de l'amour souffrant, celui de l'animal magique et celui de la musique de guérison ont-ils dans le corpus du Tristan d'autres expressions ?
Pourquoi cet épisode, parenthèse qui ne semble avoir aucun rôle dans l'économie du récit ?
Et pourquoi, mais pourquoi ai-je choisi ce sujet, croyant saisir un point de détail cocasse du corpus avant de m'apercevoir qu'il m'entourait en se développant en orbes sans fin comme les serpents étouffant Laocoon ?
Car l'épisode qui semblait serti comme un solitaire dans le poème se découvre en réalité lié comme en un collier à d'autres gemmes identiques, où Petit-Crû, parfois sous un hétéronyme comme un vrai Pessoa, fait son retour tandis que le lecteur jappe et bondit, étranglé par l'émotion des retrouvailles. Ainsi lorsque Tristan, banni de la cour du roi Marc et séparé d'Yseut, se décide par dépit à épouser sa contrefaçon Yseut aux Belles Mains mais la dédaigne dès le soir des noces. Menacé de mort par les parents de celle-ci, il n'est sauvé que parce qu'il peut faire la preuve qu'il est lié par la fidélité à une amante extraordinaire : il démontre que son Yseut n°1 témoigne au chien Petit-Crû plus d'amour que Yseut n°2 n'en prodigue à Tristan. Petit-Crû est alors l'alter ego de Tristan sous une forme animale, et l'objet intermédiaire du couple.
Oui, ce Petit-Crû a des prête-noms. On connaît Husdent, le braque de Tristan qui retrouve la trace de son maître après sa fuite dans la forêt, que celui-ci dresse à chasser à la muette sans aboyer, et qui reconnaît Tristan déguisé en fou alors qu'Yseut elle-même se méprend. Mais on sait moins que, dans une version, la chienne d'Yseut lèche le philtre d'amour tombé de la coupe qui unît les amants, et associe son sort au leur , alors que dans d'autre version, un chien, Husdent ou un autre, vient les rejoindre lors de leur mort et meurt à son tour. L'analogie des destins entre les amants et l'animal devient complète.
Et c'est sous le déguisement d'un cheval féerique —celui que cette fois-ci Yseut a offert à Tristan — qu'il revient dans un clin d'œil complice.
Je lis d'abord ce récit dans le texte de Joseph Bédier qui l'a écrit en 1902 à partir des manuscrits médiévaux. A-t-il arrangé cet épisode, a-t-il créé le nom du chien, comment se nommait le chien dans les textes originaux, peut-on en déduire l'étymologie ?
J'ai trouvé des réponses, j'ai lu les premières descriptions de Petit-Crû, j'ai tenté de lire entre les lignes des différentes versions du XIIe et XIIIe siècle, j'ai connu d'autres chiens, d'autres animaux aux pouvoirs magiques, d'autres sons aux puissants pouvoirs, le fil a tiré l'aiguille et l'aiguille a conduit le fil plus loin encore... Je souhaite en partager les émotions, mais plutôt que de livrer mes conclusions (qui sont de nouvelles interrogations) je vais vous proposer de parcourir le chemin, ses détours ou ses impasses, et les bonheurs qui s'y trouvent. On ne prend jamais trop son temps pour calmer son attente, si tant est, précisément, qu'il faille la calmer.
N.B : toutes les citations de texte sont placées en retrait.
I. Le texte de Joseph Bédier (1902).
http://fr.wikisource.org/wiki/Le_Roman_de_Tristan_et_Iseut/14
XIV. LE GRELOT MERVEILLEUX
... "Tristan se réfugia en Galles, sur la terre du noble duc Gilain. Le duc était jeune, puissant, débonnaire ; il l’accueillit comme un hôte bienvenu. Pour lui faire honneur et joie, il n’épargna nulle peine ; mais ni les aventures ni les fêtes ne purent apaiser l’angoisse de Tristan.
Un jour qu’il était assis aux côtés du jeune duc, son cœur était si douloureux qu’il soupirait sans même s’en apercevoir. Le duc, pour adoucir sa peine, commanda d’apporter dans sa chambre privée son jeu favori, qui, par sortilège, aux heures tristes, charmait ses yeux et son cœur. Sur une table recouverte d’une pourpre noble et riche, on plaça son chien Petit-Crû. C’était un chien enchanté : il venait au duc de l’île d’Avalon ; une fée le lui avait envoyé comme un présent d’amour. Nul ne saurait par des paroles assez habiles décrire sa nature et sa beauté. Son poil était coloré de nuances si merveilleusement disposées que l’on ne savait nommer sa couleur ; son encolure semblait d’abord plus blanche que neige, sa croupe plus verte que feuille de trèfle, l’un de ses flancs rouge comme l’écarlate, l’autre jaune comme le safran, son ventre bleu comme le lapis-lazuli, son dos rosé ; mais, quand on le regardait plus longtemps, toutes ces couleurs dansaient aux yeux et muaient, tour à tour blanches et vertes, jaunes, bleues, pourprées, sombres ou fraîches. Il portait au cou, suspendu à une chaînette d’or, un grelot au tintement si gai, si clair, si doux, qu’à l’ouïr, le cœur de Tristan s’attendrit, s’apaisa, et que sa peine se fondit. Il ne lui souvint plus de tant de misères endurées pour la reine ; car telle était la merveilleuse vertu du grelot : le cœur, à l’entendre sonner, si doux, si gai, si clair, oubliait toute peine. Et tandis que Tristan, ému par le sortilège, caressait la petite bête enchantée qui lui prenait tout son chagrin et dont la robe, au toucher de sa main, semblait plus douce qu’une étoffe de samit, il songeait que ce serait là un beau présent pour Iseut. Mais que faire ? le duc Gilain aimait Petit-Crû par-dessus toute chose, et nul n’aurait pu l’obtenir de lui, ni par ruse, ni par prière.
Un jour, Tristan dit au duc :
« Sire, que donneriez-vous à qui délivrerait votre terre du géant Urgan le Velu, qui réclame de vous de si lourds tributs ?
— En vérité, je donnerais à choisir à son vainqueur, parmi mes richesses, celle qu’il tiendrait pour la plus précieuse ; mais nul n’osera s’attaquer au géant.
— Voilà merveilleuses paroles, reprit Tristan. Mais le bien ne vient jamais dans un pays que par les aventures, et, pour tout l’or de Pavie, je ne renoncerais pas à mon désir de combattre le géant.
— Alors, dit le duc Gilain, que le Dieu né d’une Vierge vous accompagne et vous défende de la mort ! »
Tristan atteignit Urgan le Velu dans son repaire. Longtemps ils combattirent furieusement. Enfin la prouesse triompha de la force, l’épée agile de la lourde massue, et Tristan, ayant tranché le poing droit du géant, le rapporta au duc :
« Sire, en récompense, ainsi que vous l’avez promis, donnez-moi Petit-Crû, votre chien enchanté !
— Ami, qu’as-tu demandé ? Laisse-le-moi et prends plutôt ma sœur et la moitié de ma terre.
— Sire, votre sœur est belle, et belle est votre terre ; mais c’est pour gagner votre chien-fée que j’ai attaqué Urgan le Velu. Souvenez-vous de votre promesse !
— Prends-le donc ; mais sache que tu m’as enlevé la joie de mes yeux et la gaieté de mon cœur !
Tristan confia le chien à un jongleur de Galles, sage et rusé, qui le porta de sa part en Cornouailles. Le jongleur parvint à Tintagel et le remit secrètement à Brangien. La reine s’en réjouit grandement, donna en récompense dix marcs d’or au jongleur et dit au roi que la reine d’Irlande, sa mère, envoyait ce cher présent. Elle fit ouvrer pour chien, par un orfèvre, une niche précieusement incrustée d’or et de pierreries et, partout où elle allait, le portait avec elle en souvenir de son ami. Et, chaque fois qu’elle le regardait, tristesse, angoisse, regrets s’effaçaient de sen cœur.
Elle ne comprit pas d’abord la merveille ; si elle trouvait une telle douceur à le contempler c’était, pensait-elle, parce qu’il lui venait de Tristan ; c’était, sans doute, la pensée de son ami qui endormait ainsi sa peine. Mais un jour elle connut que c’était un sortilège, et que seul le tintement du grelot charmait son cœur.
Ah ! pensa-t-elle, convient-il que je connaisse le réconfort, tandis que Tristan est malheureux ? Il aurait pu garder ce chien hanté et oublier ainsi toute douleur ; par belle courtoisie, il a mieux aimé me l’envoyer, donner sa joie et reprendre sa misère. Mais il ne sied pas qu’il en soit ainsi ; Tristan, je veux souffrir aussi longtemps que tu souffriras. »
Elle prit le grelot magique, le fit tinter une dernière fois, le détacha doucement ; puis, par la fenêtre ouverte, elle le lança dans la mer."
II. D'où vient le texte de Bédier ?
Dans une démarche parfaitement scientifique, Joseph Bédier a donné tout le détail des sources qui composent son texte dans Le Roman de Tristan par Thomas, paru en 1903. Dans le chapitre XXV, "Petitcrû", page 217, il signale qu'il a suivi essentiellement la traduction du texte allemand de Gottfried de Strasbourg ; il signale ses emprunts aux autres sources du Roman, et renvoie aux pages ou références du texte :
1°) Thomas v. 1170-1173 , version écrite en Angleterre dans l'entourage des Plantagenêt (sans-doute pour Aliénor d'Aquitaine) en français en vers de huit syllabes à rime plate ; il n'en reste que six passages issus de six manuscrits, soit 3298 vers c'est à dire le quart du roman complet de 13000 vers environ, dont le fragment dit de Carlisle de 154 vers. L'histoire de Petit-Crû ne figure pas dans ces fragments.
2°) l'anglo-normand Béroul ; v. 1181, manuscrit très incomplet ne mentionnant pas non plus l'épisode de Petit-Crû.
3°) Saga de Frère Robert (S) : copie en prose norroise du Tristan de Thomas (en en rejetant la moitié environ), composée en 1226 et commandée par Hákon V, roi du Danemark ; Edition E. Kölbing 1878. Notre chien est le héros des chapitres LXI et LXIV.
4°) Tristan und Isolde (G), poème inachevé de près de 20 000 vers en moyen haut-allemand de Gottfried de Strasbourg composé vers 1200-1220: Edition de Belchstein 1890, de Golther 1889, remaniement par William Hertz 1901. Petit-Crû apparaît dans les vers 15769-16406.
5°) Sir Tristem, (E) poème composé dans le nord de l'Angleterre : 3343 vers groupés en strophes de 11 vers rimés et souvent allitérés. Edition Kölbing, 1883. Le chien est cité dans la strophe CCIX vers 2293- strophe CCXXII vers 2436.
6°) La Folie Tristan d'Oxford poème de 996 vers composé en Angleterre, Bodleian Library manuscrit Douce d6 , fin XIIe siècle. Voir les vers 742-755-760.
7°) Tavola ritonda, (titre complet : Il libro delle istorie della Tavola Ritonda, e di missere Tristano e di missere Lancillotto e di moltri altri cavalieri) Tableau Ritonda : Le livre de l'histoire de la Table Ronde, et de Messire Tristan et de Messire Lancelot) : conservé à la Bibliothèque Nationale Centrale de Florence (Codex Palatinus 556), ce manuscrit appartient à la tradition littéraire de la matière de Bretagne. Daté du 20 Juillet, 1446, il a été écrit par le scripte Zuliano Anzoli et ses collaborateurs. Travail de grande valeur, tant sur le plan littéraire que artistique, il comprend 289 miniatures attribuées la main de Bonifacio Bembo ou son frère Ambroise. Son commanditaire serait un membre de la famille des Gonzague, des Visconti, ou le condottiere Pier Maria Rossi. Il a été édité par F.L. Polidori à Bologne en 1864-1865 en italien. Le chapitre concernant le chien Petit-crû (nommé Araviuto) correspond aux pages 241-244.
En réalité, le frère Robert pour la Saga, ou Gottfried pour Tristan und Isolde , et l'auteur de Tavola ritonda suivent sans-doute le même modèle, qui est le texte perdu de Thomas.
L'épisode de Petit-Crû n'apparaît pas dans le fragments disponibles du texte de Thomas, mais tout laisse à penser qu'il figurait dans son texte complet, car on le retrouve dans les versions qui en découlent. Mais cet épisode n'est pas traité de la même façon dans ces différents textes, et seul Gottfried relate la réaction d'Iseut arrachant le grelot : "La comparaison du poème de Gottfried avec la Saga montre que dans cet épisode le poète strasbourgeois est sans nul doute resté très proche de son modèle, dont il aura fait une adaptation serrée. Cependant, à la fin, il s'écarte du Tristan de Thomas, si l'on en croit la Saga, Sire Tristrem et la Tavola ritonda : il y a dans le poème de Gottfried un épilogue long d'environ soixante vers où il est dit qu'Isolde a arraché le grelot qui délivre de toute peine, car elle ne veut pas éprouver de joie sans Tristan qui, à cause d'elle, vit dans le chagrin. Nous pensons que c'est Gottfried qui a ajouté cet épisode dans un double but : d'une part pour illustre la thèse exposée dans le prologue : l'acceptation par les nobles cœurs, les edele herzen, aussi bien des peines que des joies de l'amour, d'autre part pour amorcer un parallélisme entre l'épisode de Petitcreiu, où Isolde la reine peut assumer un amour même malheureux, et celui d'Isolde aux Blanches Mains, où Tristan en est incapable et est tenté de trahir son amour pour la reine." (D. Buschinger 1995)
L'édition de la Pléiade.
Publiée aux éditions Gallimard sous la direction de Christiane Marchello-Nizia en 1995, elle donne le texte traduit ou adapté en français moderne et annoté de douze auteurs (dont ceux mentionnés par Bédier), et huit fragments ou versions en différentes langues européennes.
III. Petit-Crû dans les versions originales de Gottfried, de la Saga, de Sire Tristrem et de la Tavola Ritonda.
Le texte de Bédier est, nous l'avons vu, une synthèse des traductions du texte allemand de Gottfried, du texte en vieux norrois de la Saga , du Sire Tristrem en anglo-normand et du texte italien anonyme de la Tavola ritonda.
1. Gottfried ou Godefroy de Strasbourg : Das Hündlein Peticriu.
Le texte de Gottfried est disponible en ligne 1) dans sa version originale sur Gutenberg Projekt, et dans Schroder page 220, dans celle de Karl Marold page 266, ou 2) adapté en allemand moderne par Karl Simrock 1855 et mis en ligne par Gutenberg Projekt, ou bien par Herman Kurtz (ci dessous) et mis en ligne par Zeno.org.
Contemporain de Wolfram von Eschenbach, Gottfried de Strasbourg, l’auteur de cette version de Tristan und Isolde, reste peu connu, mais on lui prête des origines cléricales. Conservé dans onze manuscrits complets (Heidelberg, Munich,... ) et seize fragments du XIIIe au XVe siècle, son texte, demeuré inachevé, se rattache à la tradition du Tristan de Thomas (vers 1175) et à la version norroise du poème anglo-normand, la Saga de Tristan de frère Robert (1226), augmentée de commentaires personnels, voire de digressions lyriques.
On peut aussi consulter en ligne le manuscrit Bruxellensis 14697,[KBR - Cabinet des Manuscrits, ms. 14697 illustré de près de cent dessins coloriés. Il est daté de 1447-1449 ou 1455 et provient de l’officine de Diebolt Lauber, miniaturiste et copiste de l’avouerie de Haguenau en Alsace, comme en témoignent des caractéristiques dialectales. Sorte de « maison d’édition » avant la lettre, cet atelier, un des plus connus de l’espace germanophone au XVe siècle, s’est montré actif entre 1427 et 1467
J'en donnerai la traduction en français parue dans le recueil de la collection Pléiade de Gallimard qui suit le Ms d'Heidelberg Cod.pal.germ. 360:
Vers 15796-16402 ... "Tristan était justement assis à coté de Gilan, plongé dans une profonde tristesse, quand tout à coup il soupira, sans s'en rendre compte. Gilan s'en aperçut et ordonna aussitôt qu'on apportât son chien Petitcreiu. Ce petit chien d'Avalon était la joie de son cœur et le plaisir de ses yeux. On fit ce qu'il avait ordonné. Tout d'abord une étoffe de soie noble et précieuse, rare et merveilleuse fut devant lui étendue sur la table, qu'elle recouvrit complètement. Puis on posa dessus le petit chien. On disait qu'il était enchanté, et le duc l'avait reçu d'Avalon, le pays des fées, offert par une déesse en gage d'affection et d'amour. Or le petit chien avait été pourvu avec grand art d'un pouvoir magique et d'un pelage chamarré tels qu'il n'y eut jamais langue assez éloquente ni esprit assez ingénieux pour décrire ou dire sa nature ou sa beauté. Ses nuances se fondaient les unes dans les autres avec un art si rare que personne ne savait exactement de quelle couleur il était. Le poil chatoyait si merveilleusement que lorsqu'on le regardait de face on ne pouvait dire s'il était plus blanc que neige, avec des lombes plus vert que le trèfle, un flanc plus rouge que l'écarlate et l'autre plus jaune que le safran ; dessous, il était bleu comme l'azur, mais si on le regardait d'en haut, c'était un mélange de teinte si parfaitement fondues qu'aucune ne l'emportait sur les autres : on ne voyait ni vert, ni rouge, ni blanc, ni noir, ni jaune, ni bleu : tous les tons se fondaient en une sorte de brun pourpré. Et si on regardait à rebrousse-poil cette merveilleuse créature d'Avalon, personne, si perspicace fût-il, n'aurait pu dire sa couleur : toutes les teintes se mêlaient de façon si déroutante qu'on eût cru qu'il n'y en avait aucune.
Il portait autour du cou une chaîne d'or ; à cette chaîne était suspendu un grelot, au son si doux et si clair que lorsqu'il se mit à tinter le triste Tristan fut libéré de tout le souci et de toute l'affliction que le destin faisait peser sur lui. Il avait totalement oublié la peine qui le torturait à cause d'Isolde. Le tintement du grelot était si doux que nul homme ne pouvait l'entendre sans qu'en un clin d'œil tout son chagrin et toute sa peine ne s'envolent. Tristan regarda et écouta cette merveille des merveilles. Il se mit à examiner le chien et le grelot ; le chien tout d'abord et sa robe merveilleuse, puis le grelot, écoutant attentivement sa douce et fascinante musique. Tous deux l'émerveillaient, pourtant des deux prodiges c'est la merveille qu'était le chien qui lui sembla bien plus merveilleuse que le doux tintement du grelot qui chantait à ses oreilles et lui ôtait sa tristesse. Il lui semblait incroyable que toutes ces couleurs pussent tromper ses yeux grands ouverts et qu'il n'en reconnut aucune, quelque mal qu'il se donnât.
Il se mit alors à le caresser. Mais quand il toucha de sa main le pelage, il sembla à Tristan qu'il posait ses doigts sur la plus douce des soies, tant il était doux. A quelque jeu qu'on jouât avec lui, il ne grognait pas, ni n'aboyait, ni ne montrait sa hargne. On raconte aussi qu'il n'avait besoin ni de manger ni de boire. Mais quand on l'eut remporté, la tristesse et le chagrin de Tristan reprirent de plus belle, et son affliction grandit tant qu'il se concentra toutes ses facultés et toutes ses pensées sur un seul but : trouver quelque occasion favorable ou quelque ruse qui lui permît d'obtenir pour sa souveraine la reine Petitcreiu, le petit chien enchanté, car il espérait ainsi apaiser la peine d'amour d'Isolde."
[ Tristan obtient Petit-Crû et l'adresse à Isolde par l'intermédiaire d'un ménestrel qui le cache dans sa rote (instrument de musique). Isolde écrit alors à Tristan qu'il peut revenir à la cour du roi Marc, et Tristan revient dans son pays] "La reine Isolde avait dit à son seigneur que c'était sa mère, la sage reine d'Irlande, qui le lui avait envoyé. Elle fit aussitôt faire une délicieuse petite niche ornée d'objets précieux, de joyaux et d'or, aussi belle qu'on pouvait le rêver. On l'avait tendue à l'intérieur d'un riche brocart sur lequel le petit chien était couché. Isolde l'avait ainsi nuit et jour sous les yeux, en public et en privé. Elle avait pour habitude de l'avoir toujours avec elle, où qu'elle fut, où qu'elle chevauchât, —jamais elle ne le perdait de vue.On le conduisait ou le portait partout de façon qu'elle l'eut toujours sous les yeux. Elle ne faisait pas cela pour trouver une consolation, elle le faisait, comme on dit, pour renouveler sa peine amoureuse ! Elle le faisait uniquement par amour pour Tristan, qui lui avait envoyé l'animal par amour. La présence du petit chien ne lui apportait ni consolation ni apaisement.
En voici la raison : à peine la reine fidèle eut-elle reçu le petit chien et entendu le grelot qui lui faisait oublier sa tristesse, qu'aussitôt elle songea que Tristan, son ami, était à cause d'elle, accablé de souffrance, et elle pensa : "Hélas ! hélas ! je me réjouis ! Que fais-je donc, infidèle que je suis ? Pourquoi serais-je jamais joyeuse un seul instant, aussi longtemps que Tristan sera triste à cause de moi — lui qui pour moi a livré à la tristesse sa joie et sa vie ? Comment puis-je me réjouir sans lui, moi qui suis sa tristesse et sa joie ? Ah comment pourrai-je jamais rire, quand son cœur ne peut trouver ni tranquillité ni joie, si mon cœur n'y prend part ? Il ne connaît pas de vie sans moi : et je vivrais sans lui gaie et joyeuse, pendant qu'il serait triste ? Que le Dieu de bonté me préserve d'avoir jamais sans lui de joie dans mon cœur ! " Puis elle arracha le grelot, si bien qu'il ne resta que la chaîne. Mais de ce fait, le grelot perdit sa vertu et sa puissance. Jamais il n'eut plus en tintant le pouvoir qu'il avait eu auparavant. On dit que depuis ce temps jamais plus il ne libéra personne de la peine de son cœur. Isolde n'en avait cure, puisqu'elle ne voulait pas être gaie ! L'amante constante et fidèle avait donné sa joie et sa vie au mal d'amour et à Tristan."
Petitcreiu est encore mentionné à la fin du chapitre suivant, celui du bannissement pour indiquer qu'il n'accompagne pas les deux amants dans leur exil dans la grotte d'amour "Avec lui ne resta que Curvenal. Il lui confia sa harpe, et il prit lui-même l'arbalète, le cor et le chien aussi, Huidan, pas Petitcreiu. Ainsi tous trois quittèrent la cour sur leurs chevaux." (Ed. Pléiade page 600). Une note p. 1460 indique : "Dans la Saga, Petitcreiu est entraîné à la chasse dès qu'il est offert par Tristan à Isolde. Dans Sir Tristrem, Hodain, comme chez Gottfried, mais aussi Petitcrewe accompagne les amants dans la forêt".
La suite du texte semble faire perdre tout son sens à cet épisode de Petit-Crû, puisque Tristan rentre immédiatement après à la cour du roi Marc et retrouve Yseut : la consolation offerte à la reine devient caduque, le chien merveilleux également, et les auteurs l'escamotent.
Première halte : Onomastique, l' origine du nom Petit-Crû.
Muni de ces renseignements me procurant les noms exacts du chien (l'orthographe peut varier dans la même version selon les manuscrits et au sein du même manuscrit), je constate que seul le nom de la version italienne (Petitto Araviuto) s'écarte du modèle principal variant autour de Petitcreiu ( Gottfried de Strasbourg , Tristan ) petitcriu, peticriu, piticriu , petitcrew , petit crev ,petitcrev, petecrew , piticrev , pitigrenu , pytikru , piticrey, pittikrey, pitikry, Piticrey, pititcrin, piticrew, pititcriuch , pititetrev Pencru, Peticrewe, Peticru, Petit Crû, Petit Creü, Petitcriur.
Dans le dictionnaire de Godefroy, Crû, moderne, renvoie à Creu, lequel signifie "ce qui croit dans un territoire déterminé". C'est donc ce qui a crû, le résultat d'une production ou d'un terroir, avec le même sens que lorsque nous parlons, pour un vignoble, d'un "cru". (Godefroy signale aussi un terme de fauconnerie qui ne semble pas devoir être retenu ici). Le lexique de Chrétien de Troyes indique creü, s. croire, et creü, s. croître.
On doit donc considérer ce zoonyme comme signifiant "Petit-Croissance", "Petite-Créature", Petit-Créé", "Petit-être-du cru", ou par extension, "petite bête", un nom très vague Ce qui a amené un commentateur (Philipowski p. 31) à penser que son caractère surnaturel le rendait innommable, non représentable, sans nom, tout comme ses multiples couleurs le rendent indéfinissable. Il est alors désigné de façon générale comme un "petit-être", une "petite-chose". Son nom témoignerait de son étrangeté ambivalente ; arrivé de l'Autre-Monde (l'île d'Avalon), paradoxalement, il n'est pas d'ici, "il n'est pas du cru".
Mais on peut y voir aussi l'expression des forces naturelles de croissance, celles qui s'expriment dans la nature à partir du début février, l'équivalent d'une force sexuelle primordiale, quoique dans sa version mineure, avec cette vigueur inquiétante attribuée aux nains.
Le terme italien Araviuto n'a pas pu être étudié.
Seconde halte : consulter le répertoire de la Pléiade.
L'édition Pléiade est dotée d'un Répertoire, dont un article est consacré à Petit-Crû.
"PETIT-CRÛ : PETIT CREU (Oxford), PETIT CREIU (Gottfried), PETITCRU (Ulrich), PETITCREWE (Sire Tristem), PETIT ARAVIUTO. [...] Venu de l'autre-Monde, cet animal merveilleux a été donné au duc par une fée en gage d'amour. Si, selon Gottfried, Petit-Crû provient de ce lieu féerique par excellence qu'est l'île d'Avallon (589), devenue par la fantaisie de la translation l'île de Vallone, dans la Tavola ritonda (1066), selon frère Robert qui essaie d'adapter les données de la mythologie celtique à la mythologie scandinave, Petit-Crû serait le don d'une Alfe, créature surnaturelle de rang divin dans les croyances nordiques, et viendrait de l'île de Polin (Saga, 872). Merveille visuelle, cet animal possède un pelage aux couleurs d'arc-en-ciel (blanc, rouge, vert, jaune, bleu) qui changent selon l'angle du regard pour se fondre en un brun pourpré (Gottfried, 589-590). A ce prodige cinétique s'ajoute le charme auditif : autour de son cou tinte un grelot qui possède le don d'apaiser tout chagrin (Gottfried, 590 ; Saga, 872). [...] Le sens de ce conte apparaît au dénouement. Si Tristan sacrifie son bonheur, symbolisé par Petit-Crû, pour l'offrir à Iseut, celle-ci, en arrachant le grelot magique à l'animal, refuse la jouissance féerique oublieuse des souffrances de son ami, et accepte au contraire de vivre avec lui dans le chagrin de la séparation. Petit-Crû révèle ainsi la part de renonciation et de sacrifice de soi inhérente à la passion tristanienne. "( Pléiade p.1678).
N.b : le chien ne porte pas de nom dans la Saga de frère Robert.
Premier détour. Le cryptogramme du Tristan de Gottfreid.
Plus qu'un détour, ce sera une digression. Elle tendra à montrer que Gottfried est un maître en écriture et non un simple traducteur ou adaptateur de Thomas, et que son texte doit être étudié de près, car cet habile lettré peut y dissimuler des messages seulement destinés aux happy few qui savent les y trouver.
En effet, la lecture d'une traduction française de son texte nous fait perdre non seulement la versification, mais aussi la disposition des majuscules. Jan Hendrik Scholte a découvert en 1942 que les majuscules des onze quatrains monorimes du début de l'œuvre composent l'acrostiche G DIETRICH TI . On y voit la lettre initiale du nom Gottlied, suivi du nom d'un dédicataire ou mécène, et suivi des initiales de Tristan et Iseut. Or cet acrostiche se poursuit dans toute l'œuvre au moyen d'une série d'autres quatrains monorimes semés dans le poème à de grands intervalles jusqu'au vers 12507 du manuscrit inachevé pour donner G DIETRICH TIIT O RSSR T IOOI E SLLS dont le décryptage donne
ISOL[DE]
TRIS[TAN]
GOTE[VRIT]
Non seulement l'auteur entrelace amoureusement les lettres de son nom avec celles des amants, mais il place celles de Tristan et celles d'Isolde dans une série d'accouplement en miroir ou en face à face T.I./I.T, R.S/S.R, etc. dans un véritable culte de ses héros utilisant le pouvoir "sacré" de l'écriture et des lettres (de même que l'évêque trace les lettres majuscules de l'alphabet sur le sol d'une église lors de la dédicace).
2. Poursuite du chemin : le texte de Frère Robert dans la Saga islandaise.
Le chapitre LXI s'intitule Un chien venu du royaume des Alfes. Entendez par là non les elfes au sens où nous l'entendons, mais des "álfars", créatures surnaturelles semi-divines jeunes, petites et belles associées au culte des ancêtres et à la fertilité. On apprend avec intérêt, vu la couleur fantastique de Petit-Crû, que ce nom dériverait d'une racine indo-européenne signifiant "blanc" (Wikipédia, Elfe) Plus encore que chez Gottfried où il provenait d'une fée d'Avalon, Petit-Crû est un être de la Surnature, de l'Autre Monde dont le nom de "petite créature" et les qualités (beauté, petite taille, pouvoirs magiques) recouvrent parfaitement celles des "álfars" de la mythologie nordique.
En voici quelques extraits :
..."Là-dessus, les pages du duc apportèrent une précieuse étoffe qu'ils étalèrent sur le plancher devant le duc. Et d''autres arrivèrent qui lui amenèrent son chien, lequel lui avait été amené du monde des Alfes. C'était une créature merveilleusement belle, au point que jamais homme ne naquit qui eût pu rapporter ou relater sa nature ou sa taille. Car de quelque façon que l'on regardât ce chien, il montrait tant de couleurs que nul ne pouvait les discerner ni les fixer. Si on le regardait de face, il paraissait blanc, noir et vert du coté que l'on observait. Mais si on le regardait de coté, il paraissait rouge sang comme si on avait retourné son pelage coté chair, poils vers l'intérieur, alors que, par moment, il semblait de couleur brun foncé et aussitôt après comme si sa peau était rouge clair. . Et ceux qui le regardait sur toute la longueur ne parvenaient nullement à voir comment il était fait, car il leur paraissait n'avoir aucune couleur pour autant que l'on pût savoir.[...] Les pages du duc menaient ce chien par une chaîne d'or tirée de son trésor. Puis ils enlevèrent sa chaîne. Et dès qu'il fut libre, il s'ébroua et la clochette qui était attachée à son cou sonna d'un son si beau que Tristram vit disparaître tout son deuil et oublia sa bien-aimée, et son esprit, son cœur et son humeur changèrent tant que c'était à peine s'il savait s'il était lui-même ou quelqu'un d'autre. Il n'était homme vivant qui n'entendait le son de la clochette , qu'il ne fût aussitôt consolé de tout cœur de son chagrin et qu'il ne fût empli de liesse et de joie, sans vouloir d'autre divertissement. Tristram écouta attentivement ce son et considéra soigneusement ce chien : il trouva bien plus merveilleuse sa couleur que le son de la clochette. Et il posa sa main sur le chien et il sentit que sa toison était toute de laine douce et soyeuse. Et il considéra qu'il ne pourrait vivre s'il ne pouvait procurer à Isönd, sa bien-aimée, ce chien pour qu'elle se divertisse."
[ Tristan tue le géant Urgan, contraint le duc à lui céder le chien, et le fait porter à la reine] Chap. LXIII. "Et elle le reçut avec grande joie et force remerciements. Car jamais il ne pourrait exister créature plus belle. Pour lui fut faite une maison d'or brûlé, avec grande habileté, et bien verrouillée. Et cet envoi fut plus cher que tout à Isönd.[...] C'est de la sorte que ce chien fut obtenu et acquis. Je veux maintenant que vous sachiez que le chien de Tristram ne resta pas longtemps à la cour du roi Markis. Par la suite, il prit l'habitude d'aller dans les forêts chasser le sanglier et le cerf lorsque Tristram et Isönd étaient là tous les deux. Ce chien attrapait tout animal de telle sorte que cela ne lui échappait jamais, et il avait un tel flair qu'il éventait tous les sentiers et toutes les pistes".
Hans Mielich Le duc Albert et sa femme Anne jouant aux échecs (1552), Livre des bijoux de la Duchesse Anne de Bavière. :
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3. Petit-Crû dans Sire Tristrem.
Poème anonyme copié dans la première moitié du XIVe siècle en anglais du Nord.
Traduction par André Crépin dans « Tristan et Yseut , les premières versions européennes », Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard 1995. Sire Tristrem, traduction du manuscrit de la National Library of Scotland Advocate's MS 19.2.1 ou recueil Auchinleck. Les notes du traducteur sont indiquées par une astérisque.
Une surprise nous y attend : un deuxième chien (ou premier si l'on veut) déjà mentionné par Gottfried mais comme étant le chien de chasse de Tristan, tient ici une place non négligeable dans le récit, le chien Hodain.
1°) Extrait 1 : le Philtre d'amour et le chien Hodain.
...L'aimable et noble Ysonde demanda une boisson à Brengwain. La coupe était richement ouvragée : d'or était le couvercle. Au monde il n'y avait de boisson pareille à son contenu. Brengwain se trompa. Elle alla prendre la coupe et la tendit à l'aimable Ysonde. Ysonde pria Tristrem de commencer -ainsi-dit-elle. Leur amour resterait à jamais uni jusqu'à leur dernier jour. Un chien se trouvait près d'eux, qui s'appelait Hodain*. Il lécha la coupe au moment où Brengwain la reposa à terre. Ils furent tous amoureux manifestement et heureux. Ensemble ils goûteraient et la joie et la peine. _Mais à y réfléchir, néfaste fut le jour où ce breuvage fut fabriqué. A bord, Tristrem couchait avec Ysonde chaque nuit, jouant joyeusement, en toute liberté, avec la noble créature. Dans la chambre, nuit et jour, le chevalier goûtait avec elle le bonheur de partager avec elle les jeux de l'amour. Brengwain la belle était au courant -dès lors. Ils aimaient de toute leur force et Hodain faisait de même. Page 943.
* Hodain est le Hiuden de Gottfried, Husdent dans les textes français. L'association du chien Hodain à l'amour que se portent les maîtres ne se trouve que dans Sire Tristrem [ André Crépin oublie la Tavola ritonda]. Walter Scott ne la relève que pour se moquer des superstitions pseudo-scientifiques ; Köbling trouve l'idée trop géniale pour être du poète anglais ; Bédier la trouve « moins géniale que bizarre ». J'y vois de la sympathie pour nos frères animaux, et de l'humour. Ces bêtes de compagnie, au XIVe siècle, envahissait même les couvents.[ …]. Pléiade page 1561.
2°) Le chien Petitcrewe.
...Tristrem a tué Urgan, tous les gens du pays l'apprirent -avec joie. Le roi alors embrassa Tristrem et lui céda en propre tout le pays de Galles. Le roi apporta en présent un chiot aux pieds de Tristrem le fidèle. De quelle couleur était son poil, je vais vous le dire. La soie n'est pas plus douce. Le chiot était rouge, vert et bleu. Ceux qui le fréquentaient le trouvaient joueur et joyeux -c'est sûr. Il s'appelait Petitcrewe*, et il était de grande valeur. Le roi Triamour le donna au courtois Tristrem, car il avait libéré du malheur Triamour et les siens. Tristrem à son honneur montra sa courtoisie. Il donna à Blancheflour le pays de Galles à perpétuité -sans hésiter. Et il envoya Petitcrewe à dame Ysonde la reine. Ysonde, c'est la vérité, lorsqu'elle vit le petit chien, fit savoir à Tristrem qu'elle lui rendait son amitié.
* Petitcru se trouve dans le manuscrit orthographié Petitcrewe, Petitcrowe, Petitcru. Il correspond à Petitcriu chez Gottfried. (Note page 1562)
3°) Hodain et Petitcrewe accompagnent dans la forêt Tristrem et Ysonde bannis de la cour de Marc.
...Tristrem et sa compagne furent bannis pour leur conduite. Hodain, c'est l'exacte vérité, et Petitcrewe s'en allèrent avec eux. Ils couchaient dans une maison de terre. Tristrem leur apprenait le jour à attraper les bêtes dont ils avaient besoin -vifs comme l'éclair. Tristrem dressa Hodain à se nourrir dans la forêt. (page 953)
4. La Tavola ritonda.
Poème anonyme rédigé à Florence au deuxième quart du XIVe siècle, qui reprend en partie le Tristan riccardiano de la fin du XIIIe siècle d'origine ombro-toscane, alors que la matière de Bretagne est attestée en Italie dès le XIIe siècle sous forme de prénoms de baptême (Tristaynus...), de sculptures, de références littéraires, puis de motifs de fresques (par Pisanello à Mantoue) ou de manuscrits français du Tristan et Yseut dans les bibliothèques des Visconti, des Estes ou des Gonzague.
Édition par Polidori en 1864 à Bologne du manuscrit de la bibliothèque Laurenziana de Florence Plut. XLIV,27. Traduction par Jacqueline Risset de six épisodes dans le volume « Tristan et Yseut , les premières versions européennes », Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard 1995.
1°) La chienne d'Yseut boit le philtre avec les amants.
Cet épisode n'est pas traduit par Jacqueline Risset, mais raconté par celle-ci dans sa notice page 1593 ; il correspond à la page 116 de l'édition italienne. « S'apercevant de leur erreur, les coupables jettent sur le sol le reste du breuvage ; la petite chienne d'Yseut, aussitôt, le lèche : « elle fut ensuite dans la compagnie des deux loyaux amants, et dans sa vie elle ne les abandonna plus jamais » tandis que les dernières gouttes du philtre tombées sur le sol « s'y fixèrent si étroitement qu'on n'aurait plus pu l'enlever, même avec tous les fers du monde, et que le bois du navire n'aurait jamais pu en être détaché, à cause de la puissance du breuvage ».
2°) Le chien Petit Araviuto apparaît dans le chapitre LXV « Le géant Urgan et le chien merveilleux ».
...Le duc [Bramante] alors, pour le distraire, et le divertir, lui fit amener un petit chien, qu'il tenait auprès de lui pour son plus grand agrément ; on l'appelait le Petit Araviuto, parce qu'il avait été élevé et nourri avec art. Et il n'y avait personne qui pût juger ou décrire sa beauté, ni dire de quelle couleur il était ; car de quelque coté qu'on le vit, il semblait qu'on pouvait indiquer des couleurs différentes. Il était au toucher plus doux que la soie ; il était né d'une chienne braque et d 'un léopard, et la pucelle de l'île de Vallone l'avait donné au duc. Son aboiement imitait les chants de tous les oiseaux dans toute leur variété. Il était attaché avec une chaîne d'argent qui, quand on la secouait, imitait le son de tous les instruments. Et Tristan en regardant son petit braque, en avait un plaisir qui le tirait de toute autre pensée. [ Tristan tue le géant Urgan le Velu...]. Alors le duc embrasse Tristan plus de cent fois ; puis il lui donne un cheval qui était le meilleur et le plus beau qu'on pût trouver alors ; il lui donna aussi le Petit Araviuto, et Tristan le reçut bien volontiers, pour le donner à la reine Yseut. A ce point il prend congé du duc, et retourne à la cour du roi Marc ; et le roi Marc lui fait grand honneur. Page 1067-1068.
IV. Les chiens des autres versions du corpus de Tristan et Yseut.
1°) Petit-Crû chez les continuateurs de Gottfried.
Gottfried ayant laissé son Tristan und Isolde inachevé, deux continuateurs se donnèrent comme but de poursuivre le poème allemand jusqu'à sa fin : ce sont Ulrich de Türheim —ou Türkheim—(Première continuation) et Heinrich de Freiberg.
Ceux-ci font réapparaître le chien Petit-Crû dans l'épisode du Cortège de la reine Yseut devant Tristan et son ami Kaherdin/Kehenis, le frère d'Yseut aux Blanches Mains.
a) Première continuation de Ulrich de Türheim (1230-1235).
Poète originaire de la région d'Augsbourg, Ulrich dédie son poème en au commanditaire Konrad de Winterstetten († 1243), qui fut précepteur du roi Henri de Hohenstaufen. On estime que sa source est puisée dans le Tristrant d'Eilhart d'Oberg.
Il existe sept manuscrit : la traduction est basée sur le manuscrit d'Heidelberg.
...Isolde cajolait Petitcreu tendrement, affectueusement —et plus encore, tandis que le petit chien s'étirait gracieusement dans le giron d'Isolde. quel chien pouvait avoir une vie si douce ? Sa niche était d'or. La belle, la blonde Isolde commença à caresser doucement le petit chien, elle l'embrassa mille fois sur la bouche et dit "Mon cher petit chien, quand pourrai-je enfin embrasser et cajoler ton maître de la sorte ?" En faisant cela, elle fit signe à Tristan de sortir de sa cachette. (Pléiade page 654, traduction Danielle Buschinger)
b) Deuxième continuation de Heinrich de Freiberg (1270-1300).
-Source : Ulrich de Türheim, Eilhart d'Oberg.
Poème de 6890 vers en alémanique (ou francique-rhénan ou moyen-allemand) sous le mécénat de Reinmund de Lichtenburg, favori des rois de Bohème Venceslas II et Jean de Luxembourg.
Cinq manuscrits (Florence, Modène, Cologne, ...), traduction dans l'édition Pléiade par Danielle Buschinger. L'extrait qui nous concerne se trouve page 749 de cette édition.
Pour se justifier devant Kaedin, le frère d'Yseut aux Belles Mains d'avoir épousé celle-ci pour renoncer dès la nuit de noce à consommer ce mariage afin de rester fidèle à la première Yseut, l'épouse du roi Marc, Tristan explique à Kaedin qu'il "a gagné la faveurs d'une dame. Elle est si belle qu'elle éclipse et réduit à néant la beauté de toutes les autres femmes" :
... Cette femme exquise et si pure m'a en toute confiance, fait don de son corps ravissant. J'ai connu mille et mille joies avec cette femme merveilleuse qui, avec son superbe corps, m'a offert tant d'amour. Cette adorable femme s'appelle aussi Isolde, exactement comme Isolde mon épouse, ta sœur. " Écoute maintenant, mon cher Kaedin : un jour, j'étais auprès de la belle et prenais mon plaisir avec elle jusqu'au moment où je fus comblé et où il fut temps que je prenne congé de la bien-aimée. Sa fidélité parfaite lui donna l'idée de me donner cet anneau, et , au nom de la loyauté que je lui devais, elle m'adressa cette prière : si un jour je devais décider à prendre une femme légitime, je ne devrais pas faire avec son corps toutes les choses qu'un homme a l'habitude d'accomplir avec les femmes, avant d'être revenu auprès d'elle et qu'elle épouse j'avais prise. ce serment est la raison pour laquelle ta sœur est restée et restera vierge aussi longtemps que je résiderai ici à Arundel.
... "Kaedin, je vais te dire d'avantage : l'autre Isolde, la blonde, m'a manifesté un immense amour et m'a traité mieux que jamais sur terre homme ne fut traité par une femme. Tu peux bien m'en croire. Là-bas, dans le pays des Gallois, tué un géant, qui s'appelait Urgan. Gilan, le prince du pays, m'a offert en échange un petit chien, que j'ai envoyé à ma dame, caché dans une rote, par l'intermédiaire d'un Gallois. Des fées s'étaient avec amour, occupées de lui, et, pleine de sollicitude, l'avaient élevées dans le lointain pays d'Avalon. Et même si cela te surprend, je peux t'affirmer, et n'en conçois aucune amertume, que ma dame là-bas, mon autre Isolde, a traité ce petit chien avec plus de tendresse qu'Isolde aux Blanches Mains ne m'a traité moi-même". (Ed. Pléiade pages 741-742).
"Ma dame là-bas, mon autre Isolde, a traité ce petit chien avec plus de tendresse qu' Isolde aux Blanches Mains ne m'a traité moi-même." Voilà le chien Petit-Crû au centre d'un enjeu vital pour Tristan : il va conduire Kaedin en Grande Bretagne pour qu'il admire, caché dans les arbres, la reine Isolde, et si celle-ci n'est pas d'une beauté incomparable et ne traite pas Petit-Crû de façon exceptionnelle, Tristan sera mis à mort par les parents d'Isolde aux Belles Mains pour l'avoir déshonorer.
Les deux chevaliers se rendent donc en Angleterre. Tristan fait savoir à la reine Isolde qu'elle décide son mari à se rendre à la Blanche Lande et le messager lui tient ce discours :
..."Il s'agit entre eux d'un pari. Tristan a assuré au guetteur que vous avez un petit chien qui lui appartenait auparavant et que par amour pour lui vous le traitez mieux et avec plus de tendresse que plus d'une princesse ne traite son légitime époux. . si vous voulez lui sauver la vie, vous devez absolument faire en sorte que tout se passe comme je vous l'ai dit et qu'il puisse vous voir demain et avec vous, le petit chien !"
Le jour venu, le cortège de la reine défile devant Tristan et son ami Kaedin. Viennent d'abord les dames de sa suite, toutes plus belles les unes que les autres, puis Kameline de Scheteliure, puis la belle Brangene, la servante d'Isolde dont Kaedin tombe amoureux. Elles dépassent de si loin tout ce qu'il a connu qu'il pense à chaque fois que c'est de la reine Isolde qu'il s'agit. "Celle-ci ne serait même pas l'aurore, comparée à l'éclat du soleil que tu verras aujourd'hui pour ton ravissement et pour ta joie." lui répond Tristan. Mais la reine est précédée d'une niche portée par deux palefrois :
... La niche était d'or. Dedans se trouvait le petit chien Petitcriu, que jadis Gilan avait par son prodige reçu d'Avalon, le pays des fées, et que plus tard le noble Tristan avait vaillamment conquis dans un combat. Derrière la litière chevauchait la merveilleuse Isolde, le trésor des joies de Tristan: comparée à sa beauté, celle de toutes les jeunes filles et des dames qui vivaient alors n'était rien. Elle avançait comme si elle défiait toute beauté féminine en ce monde. [...] Elle se laissa glisser de son cheval et s'assit dans le trèfle. Elle attira à elle le petit chien : "Viens, Petitcriu, viens ici!" Aussitôt le petit chien quitta la niche d'or et courut dans la direction de la blonde reine. Il se roula dans les fleurs, secouant gaiement la tête si bien que ses oreilles volaient. Il aboya de joie, et, frétillant de la queue, rejoignit Isolde. Elle le prit avec tendresse dans ses bras et le pressa contre son cœur. Elle l'étreignit, le serrant contre sa poitrine. Je ne voudrais certes pas oser prétendre qu'elle donna des baisers au petit chien. Isolde, la belle Isolde, ne se lassait pas de jouer avec Petitcriu. Pour finir, elle le mit sur ses genoux et l'enveloppa de sa blanche main dans le riche manteau de soie. Kaedin suivait attentivement tout ce qui se passait, observait chacun de ses gestes, et finalement il dit: "Mon compagnon, mon cher beau-frère Tristan, je veux te libérer de ton serment. Je sais à présent que ma sœur Isolde ne t'a jamais témoigné autant de tendresse, si fidèlement dévouée soit-elle. Jamais elle ne t'a traité avec autant d'affection qu'Isolde la reine traite ici ce petit chien". (Pléiade page 748-749)
2°) Petit-Crû dans le Tristrant de Eilhart d'Olberg.
Dans ce poème, le chien correspondant à Petit-Crû dans les deux passages précédents ne porte pas de nom propre, mais la description du Cortège de la reine Yseut et ses caresses données au chien sont identiques.
Le Tristrant d'Eilhart d'Oberg, poème en haut-allemand datant de 1170-1190, est la seule version complète subsistant pour le XIIe siècle : outre trois fragments de la fin du XIIe, elle est conservée par un manuscrit de la fin du XIIIe (Monastère de Saint-Paul en Carinthie) et trois manuscrits du XVe siècle (Dresde, Heidelberg et Berlin). Mis en prose en 1464. Traduction en Pléiade par René Pérennec.
Eilhart était poète à la cour de Brunswick en Saxe, et ses protecteurs seraient donc Mathilde d'Angleterre ( 1156-1189), fille d'Aliénor d'Aquitaine, et son époux Henri le Lion duc de Saxe. Son poème est structuré en 63 blocs autour du chiffre sept et de la figure du chandelier à sept branches (D. Buschinger).
... La reine descendit de selle sans demander l'aide de quiconque, ce qui ne lui était jamais arrivé jusque-là. ce geste montrait la force de son amour. Elle alla vers la litière dorée et en sortit le chien. Puis elle se mit -je vous assure que le fait est véridique- à frotter très affectueusement le chien avec son manteau. L'habit était constellé de hyacinthes, magnifiquement paré d'or et de gemmes et rehaussé de fils d'or ; il avait été cousu avec un art consommé ; le dessus était fait d'une soie à trois tons, la doublure était une riche fourrure d'hermine. C'est avec ce vêtement que la reine caressa le chien avec amour. Elle prit l'animal dans ses bras et le cajola avec beaucoup de tendresse, ce qui fit dire au vaillant Kéhenis : "Cher compagnon, je te délie de ton serment. Jamais ma sœur n'a eu autant d'égard pour toi". (Pléiade page 350)
3°) La Folie Tristan.
Il s'agit d'un épisode particulier, bien que proche de ceux où Tristan se déguise en lépreux ou en pèlerin pour revoir Yseut sans se faire reconnaître. Il date du dernier tiers du XIIIe siècle (après les poèmes de Thomas et de Béroul, mais avant Gottfried) et est rapporté dans des versions distinctes par deux manuscrits, dits d'Oxford (Bibliothèque bodléienne, Manuscrit Douce d.6, folio 12v-19r, où il suit un long fragment du texte de Thomas dans les folios 1r-12v) et de Berne (Ms : Burgerbibliothek, Berne (ms 354) ; Fitzwilliam Museum (ms 302, fragment correspondant aux vers 150-198 du ms de Berne).
Dans la Folie de Tristan d'Oxford (998 octosyllabes à rimes plates), Tristan est parvenu à s'entretenir avec la reine dans sa chambre, mais quoiqu'il lui donne tous les détails de leur passé pour la convaincre de son identité, il est si bien transformé (visage gonflé, tanné en noir, et surtout voix contrefaite) que, quoique troublée, elle l'accuse de sortilège et d'envoûtements et se refuse à reconnaître son bel amant, "Tristan l'Amoureux" dans cet hideux fou.
Le texte est traduit et adapté par Mireille Demaules. On peut découvrir le manuscrit original folio 17v :
Ne membre vus, ma bele amie,
De un petite druërie
Ke une faiz vus envaiai
Un chenet ke vus purchaçai ?
E ço fu le petit cru,
Ke vu tant cher avez eü.
...Ne vous souvenez-vous pas, ma bien-aimée, du petit gage d'amour que je vous ai un jour envoyé, de ce petit chien dont je vous fis présent ? C'était Petit-Crû que vous avez tant aimé.
Ce bref rappel ne doit pas nous empêcher de remarquer qu'il s'agit (si j'ai bien suivi la chronologie assez complexe des nombreuses versions) du texte le plus ancien donnant le nom de Petit-Crû, puisque nous ne possédons pas le passage de Thomas qui, selon toute vraisemblance, le mentionnait.
D'autre part, cet extrait me donne l'occasion d'un détour par le dictionnaire de Godefroy pour préciser et savourer le terme drüerie du vers 758 : il signifie ici "marque d'amour, témoignage, enseigne, cadeau galant", mais le terme peut aussi prendre le sens d'amitié ou d'affection, d'amour, de tendresse ou de galanterie, ou plus crûment de plaisir d'amour : faire sa druerie, c'est jouir du plaisir d'amour. Je me dis que Petit-Crû est tout cela à la fois.
Un peu plus loin (page 240 de la Pléiade et vers 915-918 folio 18v du manuscrit d'Oxford), Tristan à court d'argument demande à voir son chien Husdent.
Folio 18r : "Ke en avez fait ? Mustrez le mai."
Ysolt respunt :"Je les ai, par fai !
Cel chen ai dunt vuz parlez.
Certes, ore en dreit le veret.
Folio 18v : Brengain, ore alez put le chen !
Amenez le od tut le lien."
Vint a Huden e cil joï, E le deslie, aler le lait.
Cil junst les pez, si s'en vait.
Tristan li dit : "ça ven, Huden !
Tu fus jas men, ore te repren."
Huden le vit, tost le cunuit :
Joie li fist cum fait dut.
Unkes de chen ne oï retraire
Ke post merur joie faire,
Ke Huden fit a sun sennur,
Tant par li mustrat grant amour.
..."Yseut, souvenez-vous : je vous ai alors donné Husdent, mon chien. Qu'en avez-vous fait. Montrez-le-moi." Yseut répond : "Je l'ai toujours, par ma foi, ce chien dont vous parlez. Oui, vous allez le voir tout de suite. Brangien, faites venir le chien. Amenez-le avec sa laisse. Brangien se lève sans attendre pour aller chercher Husdent qui lui fait fête, puis elle le détache et le laisse aller. D'un bond, le chien s'élance.
Tristan lui dit : "Viens ici, Husdent ! Tu étais à moi, il n'y a pas si longtemps, je te reprends maintenant." Dès qu'il le vit, Husdent le reconnut aussitôt. Il lui fit fête, cela va sans dire. A ma connaissance, jamais aucun chien n'aurait pu manifester joie plus pure que celle d'Husdent retrouvant son maître, tant il lui témoigna une vive affection. Il courut vers lui, la tête en l'air : jamais animal n'eut l'air plus joyeux. Il frottait son museau contre Tristan et lui donnait des coups de patte : c'était un spectacle très émouvant.
Yseut en fut stupéfaite. Elle eut honte et rougit de voir le chien accueillir joyeusement son maître, dès qu'il eut entendu sa voix. Car Husdent était méchant et peu docile !Il mordait et faisait du mal à tous ceux qui voulait jouer avec lui ou le toucher. Personne ne pouvait l'approcher sinon la rein
e et Brangien, tant il était hargneux depuis qu'il avait perdu son maître qu'il avait élevé et dressé.
Tristan caressait Husdent et le retenait. Il dit à Yseut : "Il se souvient mieux du maître qui l'a dressé et élevé que vous ne le faîtes de l'amant qui vous a tant aimé. Il y a une grande noblesse chez le chien et, chez la femme, une grande déloyauté. (Pléiade page 240-241)
Nouvelle halte : animalisation de Tristan dans les Folies.
La façon dont Tristan se transforme en fou, puis dont il se présente au roi en alléguant des origines fantastiques, témoigne d'un processus d'animalisation par laquelle non seulement il adopte l'aspect d'un homme sauvage (tunique de poil, massue), mais encore qu'il se déshumanise dans un processus de renversement des valeurs : dans le manuscrit d'Oxford il se teint la peau en sombre, se rase les cheveux, déforme sa voix, se prétend être le fils d'Urgan le Velu, puis raconte que sa mère était une baleine et qu'il a été allaité par une tigresse (Pléiade page 224). Cette inversion des critères de civilité qui le caractérisait (peau claire, chevelure soignée et blonde, voix humaine) se retrouve encore lorsqu'il inverse son nom en la forme Tantris. Dans le manuscrit de Berne, son père est un "morse" (traduction du mot du manuscrit galerox évoquant wahlros, "cheval marin"), sa mère une baleine, et sa sœur se nomme Bruneheut, la plaçant du coté de la couleur noire qui l'oppose à Yseut la Blonde. La reconnaissance de ce Tristan animalisé par son chien, et non par Yseut tant qu'il n'a pas repris sa voix normale, participe à cette inversion.
On peut y voir un trait de l'abnégation sacrificielle poussée jusqu'au reniement de soi qu'un amant est prêt à accepter pour satisfaire son désir (comme Lancelot dans sa charette) ; ou encore, y voir des arguments pour comprendre que le roman de Tristan et Yseut s'oppose radicalement au cycle du Graal et que la sexualité (métaphoriquement, le philtre) conduit les amants à renier les valeurs de la civilité, de la morale et de la culture, valeurs qu'ils possédaient pourtant avec excellence (la musique et le chant, la composition de lais, la maîtrise du jeu d'échec, l'élégance vestimentaire, le maintien corporel ). Quand aux valeurs religieuses du christianisme qui sont l'âme du Graal, elles sont ici inexistantes. "Tandis que le Tristan exalte l'amour et l'adultère, le Graal glorifie la virginité. Dans le Tristan subsiste la croyance au destin, un vieux fond celte et païen ; dans le Graal, on reconnaît la foi libératrice, le symbole des plus hautes espérances chrétiennes."(cf Breillat 1938).
Évoquer Ulysse.
Bien-sûr, cet épisode évoque les chants XIV à XX de l'Odyssée dans lesquels Ulysse de retour à Itaque se déguise en mendiant pour tester la fidélité de la mémoire de son épouse Pénélope et qui, à son arrivée au palais, est reconnu par son vieux chien Argos qui en meurt d'émotion.
4°) Tristram et Izalda.
Version tchèque de 9000 vers du dernier tiers du XIVe siècle, connu par deux versions tardives de 1449 et 1483. Quatre épisodes sont traduit dans l'édition de la Pléiade par Hana Voisine-Jechova : le chien Utan apparaît page 1119 de cette édition, dans l'épisode de la Mort des amants :
...Car, quand cela se passa, leur chien, leur chien chéri qui s'appelait Utan se mit comme s'il était frappé à mort à pousser de tels cris et de tels hurlements qu'il ne laissa personne en repos, gémissant et courant çà et la, cherchant à se donner la mort. Puis, à la fin, il rampa jusqu'à eux en hurlant, leur sauta sur la poitrine, fit trois tours, ferma les yeux, et expira sur eux.
VI. Les autres animaux merveilleux du Tristan et Yseut.
1°) Le cheval merveilleux dans Tristan le Moine.
Poème épisodique en allemand de 2705 vers qui daterait de 1210 et 1260 en Alsace et connu par 2 manuscrits du XVe siècle, dont Ms 14697 de Bruxelles. Traduction et annotation par Danielle Buschinger dans l'édition « Tristan et Yseut , les premières versions européennes », Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard 1995.
Dans ce récit est décrit le cortège par lequel Tristan et son épouse Isolde se rendent à la cour du roi Artus pour participer à une fête courtoise. Après la description des riches toilettes des dames vient celle du cheval de Tristan.
Une reine [Isolde épouse du roi Marc] avait envoyé à Tristan, par amour pour lui, un magnifique cheval. Elle était très bien disposée à son égard. L'un des pieds du cheval était vert comme l'herbe, l'autre blanc, et une oreille était rouge foncé. Elle lui fit savoir que les couleurs avait différentes valeurs symboliques. Avec la couleur rouge de l'oreille elle lui contait sa détresse, qu'elle s'était enflammée d'amour, et la couleur verte donnait à entendre que tout cela était récent. La couleur blanche montrait la fidélité, car la couleur blanche est dépourvue de toute impureté. Le harnais qu'elle avait envoyé à Tristan sur le cheval était si précieux et si parfait que j'ai grande envie de ne pas le passer sous silence. Il y avait une selle large et bien tendue. Les arçons étaient) précieux ; le troussequin d'avant était en ivoire, celui d' arrière était une belle pierre précieuse que nous connaissons tous : c'était un cristal. Dans la selle on avait incrusté des images d'oiseaux. On avait l'impression qu'ils bougeaient comme s'ils étaient vivants. Les branches du mors étaient en fanon de baleine, les panneaux de soie rouge ; au lieu de cuir on avait utilisé une épaisse étoffe de soie brodée d'or. Le poitrail était très beau : c'était une sangle pas très large ornée d'une précieuse bande de soie garnie d'or fin. Son éclat était rehaussé par de nombreuses images de nobles animaux. Des clochettes y étaient accrochées, qu'on entendait de loin. Les étrivières étaient solides et faites de la plus belle soie qu'on avait jamais vue. Les larges sous-ventrières étaient bien proportionnées et avaient à leurs extrémités des anneaux d'or. La selle était, comme il se doit, joliment parée de cordelettes tressées en soie rouge, blanche, bleue, brune et jaune ; elles pendaient bas vers le sol. Et on avait ornée cette selle d'objets très précieux. Je vais maintenant présenter et vous décrire la bride comme elle était. Elle était alourdie de nombreux ornements. Le mors était en acier, la gourmette en argent, la muserolle en or. Une petite statue, posée dessus, entourait toute la tête. A l'intérieur était gravé le nom du propriétaire du cheval. L'inscription courait tout autour. Une pierre était sur le front qui la nuit brillait clair comme le jour. La bride était tressée en soie, on ne pouvait en trouver de meilleure depuis que les brides avaient été inventées. Mon maître m'a parlé de beaucoup de jolies choses (j'ignore s'il les a vu lui-même) : quand on prenait la bride dans la main, un merle commençait à chanter, c'est la souveraine elle-même qui en avait décidé ainsi. Si vous l'aviez-vu vous-même, vous pourriez dire que le harnais était très précieux. (page 1028-1029).
Comme Petit-Crû, le cheval offert à Tristan par la reine Yseut est " un petite drüerie", un gage d'amour qui par ses caractères est aussi la métaphore de l'acte d'amour saturant les sens et transportant les amants dans le pays du merveilleux indicible, celui du ravissement sexuel.
Évoquer le cheval de Camille dans l'Eneas.
Cette description évoque immédiatement (Alain Corbellari in Joseph Bédier note 231 ) le passage de l'Eneas (adaptation de l'Énée de Virgile dans la matière de Bretagne) dans laquelle est décrit le cheval de la reine des Volques, Camille. Il s'agit des vers 4049 à 4084 :
Onkes ne fu tant gente beste
come neis ot blanche la teste.
Le top ot neir, et les oreilles
ot ambesdeus totes vermeilles,
le col ot bai et fu bien gros,
les crins indes et verz par flos ;
tote ot vaire l'espalle destre
et bien fu grisle la senestre ;
les piez devant ot lovinez
et fu toz bruns par les cotez ;
soz le ventre fu leporins
et sor la crope leonins
et fu toz neirs de soz les alves ;
les deus jambes devant sont falves,
les deus desriers roges sans ;
les quatre piez ot trestoz blans,
neire ot la coe une partie,
l'altre blanche, tote crespie,
les piez copez, les jambes plates :
molt fu bien faiz et bien aätes.
Li palefreis fu bien anblanz,
et li freins fu molt avenanz ;
de fin or fu li cheveçals,
faiz a pierres et a esmals,
et les resnes de fin argent,
bien treciees menuëment ;
la sele ert buene, et li arçon
furent de l'uevre Salemon,
a or taillié de blanc ivoire ;
l'entaille en ert tote trifoire,
de porpre fu la coverture
et tote l'altre a feltretire,
dt d'un brun paile andeus les cengles,
de buen orfreis les contrecengles ;
li estrier furent de fin or,
li peitrals valut un tresor.
Mais si les points communs sont nombreux, cette description est purement visuelle et ne fait pas intervenir le son des clochettes et le chant féerique du merle du cheval de Tristan, deux éléments qui, par contre, le rapprochent de Petit-Crû.
On comparera aussi avec le palefroi à robe bigarrée d'Enide dans Erec de Chrétien de Troyes v.7289, qui vient aussi d'une créature surnaturelle.
2°) Le cerf merveilleux dans le Tristan de Gottfried
Le cerf chassé par Marc Tristan de Gottfried v1798 est "étrange. Celui-ci avait une crinière semblable à celle d'un cheval et une robe blanche, il était en outre d'une stature imposante et solidement bâti. Seuls ses bois étaient petits et courts, à peine renouvelés, comme s'il les avait perdu peu de temps auparavant." (page 607).
Dans les romans bretons, le cerf blanc est féerique, il sert à introduire le héros vers les profondeurs surnaturelles de la forêt. Celui-ci va mener le roi Marc vers la grotte où se sont réfugiés les amants, grotte dont la description page 603 accumule les poncifs de la féerie : "blanche comme neige, lisse et plane de toute part.[...] La paroi blanche lisse et plane montrait la droiture de l'amour : sa blancheur immaculée ne doit pas porter de diaprure, et nulle part la suspicion ne doit non plus y faire ni plaie ni bosse". On voit que la féerie est utilisée pour transformer une description en une métaphore.
Synthèses et considérations diverses.
Les caractères et propriétés de Petit-Crû. :
-Origine féerique. C'est la seule intervention d'une fée et de l'île d'Avalon où elle réside dans le récit.
-Toutes les couleurs sont réunies ensemble, créant une sidération des sens, de la même façon que la blancheur peut être éblouissante mais aussi aveuglante. Cette perte de repère, comme l'errance d'un héros perdu dans une forêt, est le chemin qui mène vers l'Autre Monde
-Tous les sons et toutes les mélodies ensemble.
-Imitation.
-Plaisir qui suscite l'oubli (des soucis) et l'apaisement des douleurs : analgésie et amnésie, comme dans l'Odyssée .
-Le son thérapeutique des cloches et son origine celte : les cloches de guérison attribuées en Bretagne aux saints venus d'Irlande. Voir les liens de mon article Acoustique, guérison et liturgie : l'abbatiale Sainte-Croix à Quimperlé, et le moteur de la Jaguar F-Type.
Ici, ce grelot, le Zauberglockchen enchanté est le contraire de la cloche suspendu au sommet des clochers et qui structure le temps pour en vouer chaque heure à Dieu : c'est un moyen de déstructurer le temps dans l'ivresse obsédante, quasi folle, de la répétition métallique d'un son. J'aurais voulu m'attarder à rechercher combien les grelots apparaissent dans les contes et légendes, dans les romans bretons et l'imaginaire médiéval, mais j'y renonce. J'évoquerais le grelot des bonnets de fou, la crécelle des lépreux, et surtout les tintamarres des charivari destinés à éloigner les risques qui surviennent lors de toute rupture de l'ordre, qu'il soit moral, météorologique (tirer le canon ou sonner les cloches en cas d'épidémie ou d'orage), ou cosmique (lors des "douze petits jours" de l'année.
Son nom Petit-Crû , petite créature, se rattache à cette problématique du souvenir douloureux ou du "blanc", du "trou de mémoire" si on considère qu'il indique l' ineffable de cette créature, dans un au-delà des mots. Comme Ulysse qui remplace son orthonyme par le nom de Personne pour donner au cyclope Polyphème une non-identité, comme Pessoa dont le nom en portuguais signifie "personne" mais qui dissout cette identité sous 70 hétéronymes, Petit-Crû efface son nom sous le pseudonyme de "petite créature", de même que le nom "fée" signifie "fatum", destin. Son nom est comme, en musique, un soupir, un espace réservé pour des phénomènes qui ne peuvent être mis en mots, soit par excès du Jouir, soit par l'oubli de soi.
Son affiliation évidente avec le monde magique est une indication claire que Petit-Crû doit être interprété symboliquement ou métaphoriquement tant comme représentant la jouissance sexuelle elle-même (le chien devenant un objet intermédiaire, un artefact féerique de leur amour) que des dangers de l'endormissement de la mémoire, dans une polysémie contradictoire qui en fait toute la richesse.
Mémoire douloureuse ou oubli ? Petit-Crû et les Lotophages.
La problématique à laquelle est confrontée Yseut en recevant Petit-Crû et son grelot du doux oubli est la même que celle de l'équipage d'Ulysse dans l'île des Lotophages : le lotos confère la soporifique perte de mémoire qui apaise la nostalgie des voyageurs en retour vers le pays natal, au risque de les détourner de celui-ci et de leur fidélité à eux-mêmes et à leur passé.
Voir Odyssée :
Mes gens, ayant goûté à ce fruit doux comme le miel,
ne voulaient plus rentrer nous informer,
mais ne rêvaient que de rester parmi ce peuple
et, gorgés de lotus, ils en oubliaient le retour…
Odyssée, IX, 87-97.
Yseut, en arrachant le grelot magique, s'arrache aussi à la douceur de l'oubli de ce qui fait l'essence de son amour : l'amertume, depuis qu'elle a lié pour toujours, sur la nef où elle a bu le philtre, les mots mer, amer et aimer.
C'e sont des dangers analogues auxquels Ulysse s'est arraché en quittant Calypso et ses promesses d'éternité, ou l'île de Circé et son breuvage de l'oubli qui transforme ses marins en porcs. Ni dieu ni porc : préserver la souffrance de l'absence de l'être aimé, c'est préserver l'amour propre à l'humain. Mieux vaut souffrir, pourvu que cela soit pour lui (pour elle), mieux vaut mourir que de vivre sans elle (sans lui) :
Murir desiret, murir volt,/ Mais sul tant k'ele lo soüst / Ke il pur la sue amur murrust : Mourir il désire, mourir il veut / Mais pourvu qu'elle sache / Qu'il est mort pour elle. (Folie d'Oxford vers 20-23)
Petit-Crû est, au yeux d'Yseut, une distraction, un objet d'amour qui la distrait, la détourne de l'amour ; plus tard, Yseut ira plus loin, et non contente de rejeter les hochets, elle portera un cilice pour ressentir en permanence la douleur de l'absence de Tristan (Thomas in Pléiade page 183). Tout le poème rappelle en leitmotiv que leur amour est amertume, souffrance et qu'il les mène à la mort.
Ainsi, tout pourrait opposer la chienne d'Yseut qui, dans Sire Tristrem, lèche quelques gouttes du philtre et qui,sous le nom d'Utan, partage dans la version tchèque la fidélité indéfectible des amants jusqu'à venir mourir avec eux, tout pourrait opposer ce symbole de fidélité avec l'ambiguë Petit-Crû qui associe à ses charmes visuelles un grelot d'amnésie et ses risque diaboliques d'infidélité. débarrassé du ricanement infernal et métallique de ce hochet, Petit-Crû, alors dépourvu de tout caractère fée, pourra être le héros des épisodes du Cortège de la Reine comme substitut de Tristan.
Le Coussin magique, et l'amour manqué.
Il existe dans le récit un autre élément magique, mais ce n'est plus un animal, mais un simple coussin. Alors que Kaedin l'ami de Tristan demande de coucher avec Brangein, la reine Yseut contraint sa fidèle servante à accepter, mais elle lui confie un coussin magique. Sitôt que Kaedin a posé la tête dessus, il s'endort, et se réveille au matin fort dépité de l'occasion qui vient de lui passer sous le ...nez. Ce coussin soporifique pourrait sembler anecdotique, mais D. Buschinger 1973 a révélé la place remarquable qui lui est donnée par Eilhardt, en symétrie dans le poème avec la scène du Philtre.
Sources et liens.
Les textes :
— « Tristan et Yseut , les premières versions européennes », Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard 1995.
— BÉDIER Joseph, 1903 Le Roman de Tristan par Thomas, poème du XIIe siècle, S.AT.F. Firmin Didot : Paris, 2 volumes, Chap. XXV Petitcrû, page 217-231
https://archive.org/stream/leromandetrista00premgoog#page/n248/mode/2up
— La Tavola ritonda o l'istoria di Tristano edité par Polidori, Bologne 1865https://archive.org/stream/latavolaritonda01poligoog#page/n10/mode/2up
— Texte italien en ligne
—Version allemande par Gottfried de Strasbourg en ligne sur Zeno.org Das Hündlein Peticriu.
— Version allemande par K. Marold 1906 avec numérotation des vers :en ligne page 266 et suivantes.
Les commentaires critiques:
Les études portant sur le chien Petit-Crû sont rares en langue française. Je rassemble quelques données bibliographiques que j'ai pour la plupart omis de consulter.
— Un article Mediawiki a été rédigé en allemand sur le sujet que j'ai traité ici : Das Zauberhündchen Petitcreiu (Gottfried von Straßburg, Tristan)
— ANDIEL Martin Petitcreiu als Allegorie auf den Ineinanderblick der Liebenden in Gottfried von Straßburgs "Tristan" GRIN Verlag, 11 mai 2004 - 18 pages en ligne Google
— BREILLAT (Pierre). 1938 "Le manuscrit Florence palatin 556 La Taviola ritonda et la liturgie du Graal". Mélanges d'archéologie et d'histoire Volume 55 pp. 341-373 Persée :
— BUSCHINGER (Danielle), 1971 "Louise Gnädinger. — Hiudan und Petitcreiu. Gestalt und Figur des Hundes in der mittelalterlichen Tristandichtung" in Cahiers de civilisation médiévale Volume 14 N° 14-56 pp. 376-382 en ligne : Persee
— BUSCHINGER (Danielle) 1995, " édition et annotation du Tristan und Isolde" in Tristan et Iseut, Pléiade, Gallimard : Paris
— BUSCHINGER (Danielle) 1973 "La composition numérique du Tristrant d'Eilhart von Oberg" in Cahiers de civilisation médiévale Volume 16 pp. 287-294 En ligne Persée
— CORBELLARI (Alain) in Joseph Bédier note 231 Parallèle entre le chien multicolore et le cheval coloré de Camille dans Enée Eneas de Chrétien de Troyes vers 4047-4080(?) En ligne
— GNÄDINGER (Louise) 1971 Hiudan und Petitcreiu: Gestalt und Figur des Hundes in der mittelalterlichen Tristandichtung Atlantis Verlag, 107 pages. Non consulté.
— HIRSCHBERG (Ruth), 2013, iconographie des chiens et animaux au Moyen-Âge sur le site en ligne.
— MULLER Katharina Die 'Hundchen Petitcriu-Scene' in Gottfried Von Strassburgs Tristan
— OKKEN (Lambertus) Kommentar zum Tristan-Roman Gottfrieds von Strassburg en ligne Google
—PIQUET (F.) 1904-1905 L' originalité de Gottfried de Strasbourg dans son poème de Tristan et Isolde, étude de littérature comparée l'Université de Lille chap.XXV pp. 270-274
— SCHRÖDER Werner, Das Hündchen Petitcreiu im Tristan Gotfrids von Strassburg, in : Dialog. Literatur und Literaturwissenschaft im Zeichen deutsch-französischer Begegnung Festgabe für Josef Kunz, Berlin, E. Schmidt, 1973 : p. 32-42.
— Bnf français 776 gallica http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b6000110d.r=.langFR.swf
— Bnf NAF 6579 Tristan en prose par Luce de Gaste 1201-1300: Gallica
Film Marie-Antoinette