Damien Roudeau et Nicolas Le Roy exposent à la bibliothèque de la Faculté Victor Segalen de Brest.
Voir aussi :
Lavieb-aile à Brest : 15 articles pour partager ma ville... et quelques autres.
Le 30 mai de l'année dernière, je vous ai raconté comment j'avais découvert Damien Roudeau :
J'avais souscrit avec enthousiasme au livre en préparation chez La Boite à Bulles, et j'ai rongé mon frein jusqu'à la parution de celui-ci.
Je pensais juste au plaisir de retrouver la qualité des illustrations qui m'avait séduites, mais je n'imaginais pas que j'allais découvrir un texte de grande qualité, dû à Nicolas Le Roy : ce fut une lecture choc, ma meilleure lecture depuis longtemps, et je fus convaincu qu'il s'agissait d'un des plus remarquables ouvrages parus sur le port de Brest, un document puissant qui allait faire date.
Je fréquente, par ailleurs, la bibliothèque de la faculté de Lettres Victor Segalen de l'Université de Bretagne Occidentale depuis longtemps (j'ai retrouvé récemment et rendu samedi un document que j'avais emprunté en...1987 ! ), et c'est grâce à l'efficacité et la disponibilité des personnes chargées de son service de prêt entre bibliothèque que, depuis 2009, je nourris la documentation des quelques 1000 articles de ce blog.
Lorsque je reçus une invitation au vernissage de l'exposition organisée par l'U.B.O et les deux auteurs, "le jeudi 10 mars à 18h", je ne me le suis pas fait dire deux fois.
Mon rôle n'est pas de présenter cette manifestation, les allocutions qui furent prononcées (la gentillesse attendrie des mots d'Alain Boulaire comparant les auteurs à Germaine Tillon et à Geneviève De Gaulle- Anthonioz !), ou de dresser un compte-rendu journalistique, et d'autres expliqueront que " pour comprendre les ports de Brest, Nicolas Le Roy, marin et sociologue, et Damien Roudeau, dessinateur, sont allés rencontrer ceux et celles qui y travaillent. Ils ont recueilli leurs témoignages et croqué leur vie au travail. Dockers, soudeurs, démineurs, pilotes, marins… Ils confient et racontent leur quotidien : le travail, la camaraderie, les peines et les espoirs. "
Je me suis juste offert le plaisir, un samedi matin au soleil levant, de laisser mon objectif flâner dans la grande galerie conçue en 1994 par l'architecte Massimiliano Fuksas. J'étais à l'écoute de mon cœur, je pensais aux griots dont on dit qu'ils sont les bibliothèques vivantes de l'Afrique : Nicolas Le Roy m'avait appris que chaque travailleur du port était aussi une mémoire incomparable, faite de données techniques, de gestes professionnels, de savoir-faire qui ne se transmettent à un "jeune", un "matelot" qu'au prix de longues années de compagnonnage.
C'est peut-être un lieu commun (je crois l'avoir lu ailleurs) de dire que dans une ville comme Brest, presque totalement détruite en 1944, le monument le plus remarquable, ce sont ses habitants. C'est néanmoins une vérité à laquelle les 312 pages et les innombrables illustrations de "Brest à quai" confèrent une profondeur singulière.
N.B La préface est d'Hervé Hamon, les ouvertures de chapitre sont de Josiane Gueguen et le dossier historique d'Alain Boulaire. Pas moins.
.
I. IN SITU A L'U.B.O.
Il est temps de nous tourner
vers les panneaux exposés.
Demi-tour.
.
LES DIX PORTS.
Dès la porte franchie, par un bel effort didactique, vous découvrez une partition de Brest en dix ports distincts, dont vous découvrez les localisations sur un plan.
Essayons de les découvrir d'ouest en est, comme un navire venant du large. Peu à peu, nous allons comprendre que cette division en dix ensembles n'est pas administrative ou conceptuelle, mais qu'elle recouvre dix tribus dont les codes, les parlers, les costumes, les figures ancestrales, les embarcations, les us et coutumes, sont aussi différentes que ceux de dix ethnies de Nouvelle-Guinée. Partons avec les auteurs comme des Argonautes du Port Atlantique Occidental, pour explorer cet exotisme du quotidien et de la proximité.
.
Le port militaire.
L'un des métiers (ou plutôt l'un des hommes) que j'ai découvert dans "Brest à quai" est celui de "Moniteur d'entrainement sportif et militaire" . Il illustre comment, dans ce Port, les corps et les esprits ont des particularités, des airs de famille, car ils bénéficient de programmes de mise en forme (j'entends soudain ce terme sous son sens propre), de gainage corporelle et de techniques mentales approprié à aiguiser le sens de la combattivité.
Bref, nous feuilletons un album illustré de l'Esprit de corps. Pour découvrir plus tard que ce dernier n'est pas propre à la Marine, et que les neuf autres Ports sont aussi des Corps avec leur Esprit spécifique.
.
Le port de plaisance.
Le port de liaison et le port de sécurité.
Le port de pêche.
.
Le port de commerce.
.
Le port scientifique
Le port de réparation et le port des énergies marines.
.
LA GUEULE DE L'EMPLOI.
Nicolas Le Roy et Damien Roudeau m'ont appris que les corps eux-mêmes devaient se former au métier exercé, et ces dessins montraient ces postures de travail criantes de vérité, cette incorporation du métier. Le corps d'un "voileux" se distingue de celui du marin-pêcheur, celui du marin-pompier de la Flotte de celui du réparateur naval comme on reconnaît le cormoran huppé du grand cormoran, la mouette tridactyle de la sterne Pierregarin. Rien d'inné pourtant, bien que la plupart des travailleurs interrogés étaient fils, petit-fils ou neveux d'un ou de plusieurs travailleurs du port, ou de marins.
C'est le métier qui rentre!
Cette boutade est profondément juste : c'est à coup d'éreintement de fin de journée, à coups de blessures et de contusions, d'erreurs, d'égarements, de coup de gueule ou de regard critique mâtinés de conseils et d'exemples, c'est à coup d'ajustement du corps aux contraintes qu'il subit, c'est en cherchant jour après jour à économiser sa dépense physique, à endurer la peine, à accompagner les mouvements d'un navire jusqu'à les épouser, c'est en apprenant à son regard à veiller aux dangers (dans la cale lors du chargement, c'est vers le haut), que le métier rentre. Non sans user les organes et altérer la santé.
Des regards.
Il y a aussi, dans ces dessins, une limpidité et une éloquence des regards qui, en photographie, ne s'obtient que si une qualité privilégiée de contact avait été établie.
Beaucoup de ces dessins ont été réalisés sur du papier récupéré, couvert de calculs, de schémas et de cotes : il était chargé de labeur, noirci par les travaux de construction, et le parallèle s'établissait ainsi pour dire combien les ouvriers, les marins, les ingénieurs et les employés des ports de Brest étaient leurs archives vivantes.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
LES NAVIRES.
.
.
.
Un grand merci aux auteurs et aux organisateurs pour cette grande exposition.