Henry Moore à Landerneau, et l'ostéologie.
.
.
Voir aussi sur les expositions du FHEL :
.
.
.
Le visiteur de l'Exposition 2018 du FHEL ne peut manquer d'être frapper par les références du sculpteur britannique Henry Moore (1898-1996) à l'anatomie, et plus précisément à l'ostéologie, ou étude des os. Sa propriété, Perry Green près de Much Hadham, Hertfordshire était entourée de moutons qui fournissaient les carcasses nécessaires. Mais ne peut-on aller plus loin ?
.
PRÉSENTATION :
Traduction automatique d'extraits de l'article d'Edward Juler :
"Herbert Read écrit en 1933 que l’artiste doit se rendre compte que l’aspect extérieur des objets dépend de leur structure interne: il doit devenir géologue pour étudier la formation des roches; botaniste, pour étudier les formes de végétation; et anatomiste, pour étudier le jeu des muscles et la structure des os .
Cette approche obligeait l'artiste à interroger la nature structurelle des objets, jouant ainsi le rôle d'un scientifique.
Aucun artiste moderne n'incarnait plus parfaitement l'idéal scientifique de Read que Henry Moore. Dans une monographie sur l'artiste, publiée en 1934, Read voyait la prépondérance des formes naturelles dans l'œuvre de Moore comme symptomatique des sympathies biologistes:
"[L’artiste] se familiarise tellement avec les voies de la nature - en particulier avec la voie de la croissance - qu’il peut, à partir de la profondeur et de la certitude de cette connaissance, créer des formes idéales qui présentent tout le rythme vital et la structure des formes naturelles ... Moore a [...] recherché parmi les formes de la nature des formes de croissance plus dures et plus lentes, réalisant qu'il trouverait dans celles-ci les formes naturelles de ses matériaux de sculpture. Il est allé sous la chair à la structure dure de l'os".
En effet, Moore n’a pas caché son intérêt pour l’histoire naturelle, ajoutant à ses déclarations des allusions aux principes biologiques et à la forme organique des années 1930 et suivantes Interviewé par Arnold Haskell en 1932, il a parlé de l’importance de la morphologie dans sa pratique, expliquant notamment sa joie de découvrir de nouveaux préceptes biologiques à appliquer à son art: «J’ai étudié les principes de la croissance organique des os et des coquillages du Natural History Museum et j'ai trouvé une nouvelle forme et un nouveau rythme à appliquer à la sculpture ».
Cet essai va donc explorer les inclinations "biologistiques" de Moore par rapport aux théories contemporaines de la morphologie, de biomorphisme, de néo-vitalisme et d'organicisme." (E. Juler)
.
Un dessin exposé à Landerneau montre la main de l'artiste tenant un os (une vertèbre animale). Il est évident qu'il l'observe en la faisant tourner dans l'espace:
.
Exposition Henry Moore, Fonds Hélène et Édouard Leclerc 2018, Landerneau. Photographie lavieb-aile 9 octobre 2018.
.
Henry Moore montre la réalité de ce travail de recherche des structures organiques par une série de dessins du squelette d'une tête d'éléphant (la vidéo de l'exposition expose cela en détail).
.
Exposition Henry Moore, Fonds Hélène et Édouard Leclerc 2018, Landerneau. Photographie lavieb-aile 9 octobre 2018.
Exposition Henry Moore, Fonds Hélène et Édouard Leclerc 2018, Landerneau. Photographie lavieb-aile 9 octobre 2018.
Exposition Henry Moore, Fonds Hélène et Édouard Leclerc 2018, Landerneau. Photographie lavieb-aile 9 octobre 2018.
.
.
Faite tourner une pièce anatomique dans l'espace pour en reconnaître le développement des formes, est une démarche désormais intégré à l'étude de l'ostéologie, humaine ou animale : je propose de jeter un œil à l'animation disponible sur Wikipédia pour l'os coxal :
.
Un document publié in Edward Juler témoigne de cette étude de l'os coxal.
"Aucun projet ne traduisait plus éloquemment les intérêts biologiques de Moore qu'une série de dessins expérimentaux qu'il avait réalisés au début des années 1930, qui seraient connus sous le nom de Transformation Drawings . Cherchant à divulguer les "principes de forme et de rythme de l'étude d'objets naturels", Moore suggéra que ces esquisses d'os, de racines d'arbres et de griffes de homard - illustrées à différentes étapes de la rotation - étaient des études graphiques des lois morphologiques sous-jacentes aux construction de la forme dans la nature.L'aspect le plus remarquable de ses dessins de transformation est la manière dont l'angle de vision change radicalement la forme de l'objet représenté. Une étude d'un os du bassin, par exemple, illustre de manière dynamique une section d'une ceinture pelvienne vue de différentes manières, vue de face, de côté, de dessous et à vol d'oiseau ."(E. Juler)
Au travers du dessin Moore comprend l’anatomie d’un corps avant de le déformer et le transformer.
.
.
.
.
.
.
Nous découvrons ensuite le fruit de cette transformation. La cavité cotyloïdienne, parfaitement mais schématiquement représentée, centre la pièce sculptée.
.
Exposition Henry Moore, Fonds Hélène et Édouard Leclerc 2018, Landerneau. Photographie lavieb-aile 9 octobre 2018.
.
La pièce en plâtre est encore plus évocatrice de la structure osseuse par sa couleur bien-sûr, mais aussi par ses aspérités, ses stries et griffures.
.
Exposition Henry Moore, Fonds Hélène et Édouard Leclerc 2018, Landerneau. Photographie lavieb-aile 9 octobre 2018.
.
Cette structure organique est sous-jacente à d'autres œuvres, mais sous la forme de figures couchées (reclining figures) dont l'anthropomorphisme est d'intensité variable.
.
Exposition Henry Moore, Fonds Hélène et Édouard Leclerc 2018, Landerneau. Photographie lavieb-aile 9 octobre 2018.
Exposition Henry Moore, Fonds Hélène et Édouard Leclerc 2018, Landerneau. Photographie lavieb-aile 9 octobre 2018.
Exposition Henry Moore, Fonds Hélène et Édouard Leclerc 2018, Landerneau. Photographie lavieb-aile 9 octobre 2018.
.
Un autre exemple peut être développé à partir d'un os plat, l'omoplate ou scapula, humaine ou animale.
Voici une omoplate de cheval sur le site d'une célébre école vétérinaire :
http://theses.vet-alfort.fr/Th_multimedia/mraffaelli/SCRIPT/form.php?action=2&id=488
.
Exposition Henry Moore, Fonds Hélène et Édouard Leclerc 2018, Landerneau. Photographie lavieb-aile 9 octobre 2018.
.
Voici ce que, selon moi, Moore en fait :
.
Exposition Henry Moore, Fonds Hélène et Édouard Leclerc 2018, Landerneau. Photographie lavieb-aile 9 octobre 2018.
.
Ou encore ici, où "l'os" est brisé et laisse voir une coupe avec son tissu spongieux et sa moelle rouge :
.
Exposition Henry Moore, Fonds Hélène et Édouard Leclerc 2018, Landerneau. Photographie lavieb-aile 9 octobre 2018.
.
Exposition Henry Moore, Fonds Hélène et Édouard Leclerc 2018, Landerneau. Photographie lavieb-aile 9 octobre 2018.
.
Cette compréhension modifie notre regard qui se met à observer autrement certaines sculptures. Dans une étude, Moore dessine sur la même feuille une mandibule animale, et une figure féminine couchée (source : Edward Juler) : le condyle , rehaussé de trois points, devient manifestement la tête de la Reclining figure, tandis que les molaires semblent être assimilés aux genoux repliés façon Chac Mool.
"La pertinence de l'hypothèse de Thompson [D’Arcy Wentworth Thompson, On Growth and Form (1917)] pour la pratique de Moore peut être jugée par le simple fait que ses dessins de transformation ont été à la base de nombreuses de ses grandes sculptures en bois et en pierre.
Une esquisse, par exemple, montre un os de la mâchoire imagé à partir d’un éventail ahurissant de points de vue (fig.3). Reposant sur son bord inférieur dans l'image centrale, la mandibule est la plus reconnaissable; le creux profond dans la partie supérieure gauche de la mâchoire et la rangée de dents saillantes signalant ses origines corporelles. Moore, cependant - dans un tour de force d'improvisation artistique inverse l’objet, le retourne, le tourne et modifie subtilement son profil. Sur une image, il ajoute le moindre soupçon de visage (trois simples piqûres pour les yeux et la bouche), tandis que sur une autre, il exagère les contours de la mâchoire pour évoquer les formes bombées des bras, des jambes et de la tête. Ainsi métamorphosées, les images résultantes rappellent puissamment les formes inclinées et turgescentes qui caractérisent la sculpture de Moore de l’époque.
De nombreux dessins morphologiques de Moore comportent des annotations au crayon griffonnées sur la page. Ces notes ont été utilisées comme une sorte de raccourci créatif pour le processus de sculpture, permettant à Moore d'adapter visuellement la morphologie des objets naturels et d'imaginer des formes hypothétiques, liées à la forme décrite et s'inscrivant dans une configuration artistique nouvelle et unique.
La légende est illustrée, par exemple, sur le croquis de la mâchoire: ‘In transferring studies into stone – harden & tighten, stiffen, taughten [sic] them up’ «En transférant ces études en pierre - durcissez et resserrez, raidissez, faufilez-les».27 Dans une déclaration publiée en 1934, Moore résumait les propriétés morphologiques de divers objets naturels dans des termes très évocateurs de l'œuvre de Thompson: «Les os», écrit-il, «ont une force structurelle merveilleuse et une tension dure, une transition subtile d’une forme à l’autre et une grande variété de sections. Les arbres (troncs d'arbre) montrent les principes de croissance et de résistance des articulations, en passant facilement d'une section à l'autre. Ils donnent l'idéal pour la sculpture sur bois, mouvement de torsion vers le haut. Les coquillages montrent la forme dure mais creuse de la nature et ont une merveilleuse complétude d'une forme unique. ' (E. Juler)
.
.
.
Ce type de dessin permet au visiteur de s'autoriser à des rapprochements et évocations insolites.
.
Exposition Henry Moore, Fonds Hélène et Édouard Leclerc 2018, Landerneau. Photographie lavieb-aile 9 octobre 2018.
Exposition Henry Moore, Fonds Hélène et Édouard Leclerc 2018, Landerneau. Photographie lavieb-aile 9 octobre 2018.
Exposition Henry Moore, Fonds Hélène et Édouard Leclerc 2018, Landerneau. Photographie lavieb-aile 9 octobre 2018.
.
Exposition Henry Moore, Fonds Hélène et Édouard Leclerc 2018, Landerneau. Photographie lavieb-aile 9 octobre 2018.
Exposition Henry Moore, Fonds Hélène et Édouard Leclerc 2018, Landerneau. Photographie lavieb-aile 9 octobre 2018.
.
LIENS :
JULER (Edward), 2015, , ‘Life Forms: Henry Moore, Morphology and Biologism in the Interwar Years’, in Henry Moore: Sculptural Process and Public Identity, Tate Research Publication, 2015, https://www.tate.org.uk/art/research-publications/henry-moore/edward-juler-life-forms-henry-moore-morphology-and-biologism-in-the-interwar-years-r1151314
.