Acoustique, guérison et liturgie : l'abbatiale Sainte-Croix à Quimperlé, et le moteur de la Jaguar F-Type.
Ce modeste "post" ne présente d'intérêt qu'en complément à mes articles sur le pouvoir de guérison attribué en Bretagne (et ailleurs) aux Roues de carillon et aux Cloches de saints irlandais.
La Roue à carillon de Confort-Meilars, celle de Locarn et de Priziac .
Chapelle St Nicolas en Priziac.
L'église Saint-Mériadec en Stival : la légende de saint Mériadec en peintures murales.
I. Pour entendre des (troisièmes) voix, un CD vendu sur ordonnance au presbytère ?
Mon intérêt découle de la lecture de quelques lignes du Télégramme de Brest du 1er mars 2014 :
QUIMPERLÉ. L'église qui soigne le dos !
D'après les croyances, l'acoustique de l'église Sainte-Croix, à Quimperlé (29) aurait des vertus...médicales. L'édifice, accordé en si, soignerait, en effet, le dos ! Mais aussi, la folie, les maux de tête et même la goutte. Mais pour cela, il faut, dit-on, passer dans la crypte, sous le gisant de Gurloës. Une enquête, menée en compagnie d'un acousticien, a permis de sortir un enregistrement "Comme si on y était, indique le livret du CD, on peut entendre des battements sonores si particuliers et la troisième voix produite par la résonance harmonisée des voûtes". CD en vente au presbytère de Quimperlé.
Selon le pharmacien Charles Guyotjeannin citant M.H. Kervran, la nef centrale de la crypte abrite le gisant gothique de saint Gurloës, premier abbé de Sainte-Croix de Quimperlé. Les Bretons passaient à quatre pattes sous le ponceau aménagé sous la tombe afin d'obtenir la guérison de leurs maux de rein ("ça passe ou ça casse") ou bien pensaient atténuer leur maux de tête en engageant celle-ci dans une cavité aménagée à l'extrémité du support du gisant ("ça passe ou ça casse", bis).
Charles Guyotjeannin "Notes sur quelques saints guérisseurs bretons" Revue d'histoire de la pharmacie 1971 59 n° 210 pp. 479-483
II. Un clavier plus tempéré dans Ouest-France.
Article de Béatrice GRIESINGER.
Il est curé de la paroisse de Quimperlé. Elle est policière municipale. Avec leur complice, Kerwin Rolland, ils utilisent le chant grégorien pour comprendre les phénomènes acoustiques.
L'initiative
Olivier Manaud est prêtre et curé de la paroisse de Quimperlé. Sa passion : la musique liturgique. Cécile Barrandon est policière municipale à Quimperlé. Sa passion : la sculpture et leur symbolique dans les édifices religieux.
Tous deux se rencontrent alors qu'elle mène de recherches sur les chapiteaux et leur lecture. « Son itinéraire de recherche m'intéressait », explique Olivier Manaud. Car, « dans les chants grégoriens, le mode est donné par la première et la dernière note. Il y a en a huit en tout. Pour chaque mode, se dégage une ambiance. Sur les chapitres, on trouve des sculptures qui indiquent ce mode. » Tout est lié.
Tous deux décident de se lancer dans une autre recherche. Celle de la IIIe voix des édifices religieux. Pour Olivier Manaud, « la recherche sonore n'est pas incompatible avec le reste. Dans les sculptures des chapiteaux, on trouve des codes qui donnent des indications pour se positionner et chanter ».
Cécile Barrandon ne sait pas chanter ? Pas de problème. Elle intègre l'atelier de chants grégoriens créé par le père Manaud. « Je ne suis pas du tout chanteuse. Mais de décembre 2012 à juin 2013, j'y ai chanté avec les hommes. Je ne trouvais pas ma voix. » Et puis, « elle est passée dans un registre pus aérien, avec une voix très claire, qui passe très bien », détaille Olivier Manaud.
« Abbayes masculines ou féminines »
Leur premier CD vient de sortir des presses. C'est la IIIe voix de l'arche de pierre. Une aventure incroyable qui joue avec la résonance des voûtes des édifices religieux. Une oeuvre dans la suite logique du travail d'Olivier Manaud sur l'acoustique dans les églises et abbaye, dont celle de Sainte-Croix.
Au départ de l'aventure musicale, l'envie de « savoir comment sonne une voix de femme. Les édifices religieux sont conçus différemment. Il y a des abbayes féminines et des abbayes masculines. C'est une hypothèse qu'il faut vérifier », poursuit Olivier Manaud, qui a déjà écrit un livre sur l'acoustique des églises, le sujet de sa thèse.
Pour ce faire, tous deux se rendent à Locmaria, à Quimper, une abbaye de femmes, et à Sainte-Croix à Quimperlé, une abbaye d'hommes. Ils explorent aussi d'autres lieux, en Auvergne par exemple. Lui, enrichit ses conférences, fort de ces expériences. Elle, maîtrise aujourd'hui le répertoire grégorien. Pourquoi ne pas faire un CD qui allie chant et expérience ?
« Quelqu'un qui n'est pas prévenu trouvera le CD bizarre. C'est une photo auditive, une empreinte musicale », prévient Olivier Manaud. Réalisé par Kerwin Rolland, « acousticien et « pas fréquentateur » d'église », pour reprendre l'expression du prêtre.
Le technicien du son est tombé sous le charme du mystère, rien qu'à l'écoute d'échantillons sonores. « C'est très curieux qu'un édifice puisse donner un son comme ça ! » Du coup, il est revenu deux fois à Sainte-Croix, pour enregistrer.
Pourquoi la IIIe voix ? « Il existe une note qui surgit, donne l'impression qu'il existe quelqu'un d'autre que nous. Cette note, on l'entend, on la ressent. Le lieu vibre, le corps aussi », explique le duo. Et la résonance des voûtes romanes a aussi une vertu thérapeutique. Mais le sujet reste à explorer.
La IIIe voix de l'arche de pierre, en vente au prix de 12 €, au presbytère de Quimperlé.
On voit que le coté "accrocheur" du pouvoir de guérison des sons liturgiques est évoqué avec prudence, mais que l'étude essentielle est l'architecture acoustique, et les phénomènes de résonance.
On apprend surtout que le curé de Quimperlé, Olivier Manaud, a soutenu une thèse sur ce sujet. Il a aussi publié un livre.
III. Le Père Olivier Manaud, spécialiste des résonnances liturgiques.
- Prêtre du diocèse de Quimper et Léon, ordonné en 1999, le père Olivier Manaud est curé de paroisse et musicien. Il a suivi son cursus à l'Institut Catholique de Paris, au sein de l'Institut de théologie des arts et ensuite du Theologicum pour le doctorat. Il est aussi diplômé de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-La Villette (DPEA) où il poursuit des recherches au sein du laboratoire Gerphau. Il enseigne aussi la théologie de la musique liturgique à l'Institut Catholique de Paris.
a) la thèse.
Elle a été soutenue le 12 janvier 2012 à la Faculté de Théologie de l'Institut Catholique de Paris et s'intitule " "La Fonction d'édification de la musique liturgique". Le concept théologique d’ « écho- résonance » pour qualifier la médiation conjointe de la musique, de l’architecture et de l’assemblée. " Président Mgr André Dupleix, Directeur de thèse R.P. François Cassingéna-Trévidy.
b) Le livre.
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P. Olivier Manaud, décembre 2013, La musique liturgique édifie l’Église, éd. Pierre Téqui, 583 p. Références bibliographiques p. 541-573 : ill. ; 22 cm. Préface de Mgr Dupleix, diplômé de fin d’Études d’Orgue, ancien recteur de l’Institut catholique de Toulouse
Résumé
Saint Augustin ou Claudel affirment clairement le rôle déterminant du chant liturgique dans leur conversion. La musique a une puissance que la tradition de l’Église a apprivoisée et intégrée en lien avec l’architecture des édifices et l’architecture de l’assemblée. Ainsi le lecteur comprendra, au fil des pages, la raison d’être du chant des cloches, des phénomènes acoustiques des voûtes romanes, des ambiguïtés de la sonorisation électrique des églises... Les animateurs de chants, musiciens et compositeurs s’accorderont sur l’incidence que les caractéristiques sonores des édifices ont sur le répertoire qu’on y joue. Les architectes redécouvriront qu’il faut construire une église comme un véritable instrument de musique. Et l’assemblée chantante apprendra à y faire sonner, vibrer les lieux pour faire surgir des harmoniques de résonance. À la lecture de ce livre, on conçoit que le bruit qui a retenti à la Pentecôte, lorsque les apôtres étaient réunis tous ensemble en prière, n’était pas un bruit, mais un écho. L’auteur nous fait mieux voir que cet écho est la clé de toute la puissance de la musique liturgique, de ses phénomènes de résonance quasi émotionnels qui parfois nous bouleversent. On peut dire que la musique liturgique est une auxiliaire de l’Esprit Saint.
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La liturgie comme écho-système -- Écosystème ou "écho-système" -- Les réalités en présence : visibles et invisibles -- Cercles concentriques ou cercles en rosace -- Ni magie, ni fusion -- La notion de musique -- La musique liturgique : un univers sonore en expansion -- Le vocabulaire de "musique sacrée", une problématique récente -- La musique liturgique comme acte -- La notion d'édification et d'architecture -- Dans le Nouveau Testament et particulièrement dans 1Co. 14 -- Quelle approche de l'architecture -- Problématique et méthode d'investigation -- Interroger les réalités deux à deux, comme pour un syllogisme -- Des rapports de proportion au concept d'analogie -- Ambiguïté de la notions de circumincession : le choix de l'"écho-résonance" -- Les rapports de l'ecclesia-assemblée et l'ecclesia-bâtiment -- Quelques éléments de l'histoire du rapport entre les deux concepts -- Les sources archéologiques et la communication des idiomes -- L'héritage de Maxime le Confesseur : la circumincession des rapports -- Guillaume Durand de Mende et "l'église corporelle" -- Leon Battista Alberti et l'édifice vivant -- Les homélies sur la dédicace de saint Bernard -- Sainteté des pierres et sainteté de l'ecclesia -- Les rites de la dédicace spirituelle -- Dédicace terrestre et perspectives eschatologiques -- La signature théologique du rituel de la dédicace -- Quelques repères historiques et archéologiques -- Commentaire du rituel selon le Pontificale Romanum de 1595 -- Le nouvel Ordo de 1978 -- Assemblée chantante et bâtiment sonore -- L'ecclesia est née en chantant -- La musique comme réalité structurelle de l'édifice -- La liturgie : un écho-système musical -- Le pouvoir bâtisseur de la musique dans l'antiquité -- L'art d'édifier ou de détruire des cités par la musique -- Amphion et la construction de la ville de Thèbes -- Orphée et l'ordonnancement de la nature -- Josué et la destruction des murailles de Jéricho -- Le rôle de la musique dans le passage des mythes antiques au Mystère chrétien -- Le héros antique et son instrument de musique : préfiguration de l'union hypostatique des deux natures du Christ -- Les trompettes de la prédication apostolique et les remparts des cultes païens -- De la voie platonicienne à la voie christologique et sacramentelle -- L'évolution de la figure des musiciens-bâtisseurs -- Les musiciens-bâtisseurs de l'Antiquité -- Les lévites-musiciens à l'époque du second temple -- Les moines des premiers siècles de l'ère chrétienne -- Le musicien et son instrument rapport d'habitation et union d'efficience -- L'instrument de musique : un édifice proportionné à l'être humain -- Lieu naturel et lieu artificiel -- Les matériaux utilisés -- Formes et proportions -- La résonance et la tonalité musicale de l'édifice -- L'instrument de musique comme lieu d'identification -- Orientation et identification -- L'ornementation et la décoration -- Fonction féminine et maternelle -- L'instrument de musique comme lieu d'unification -- Le cosmos et les quatre éléments -- Espace unifiant ciel et terre -- La Parole et l'écho -- Union hypostatique ou union d'efficience -- La nature humaine du Christ comme un instrument de sa divinité
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Le Christ "interprète du Père" -- Quand l'habitation devient un "sanctuaire" : conditions de communication des idiomes entre l'ecclesia-bâtiment et l'instrument de musique -- La christologie de Chalcédoine appliquée au rapport musicien/instrument -- L'ecclesia-bâtiment véritable instrument de musique -- L'aménagement des volumes comme une caisse de résonance -- Les points acoustiques remarquables et la gestion matérielle de l'écho -- La question des vases acoustiques352 -- La musicalité intrinsèque de l'architecture -- Les édifices qui chantent -- Modifier l'architecture entraîne des modifications dans la mise en oeuvre musicale -- La primauté de la vue ou de l'ouïe et ses répercussions sur l'architecture -- Des voûtes romanes aux voûtes gothiques : du chant grégorien à la polyphonie -- Architecture contemporaine pour quel répertoire ? -- Composer de la musique en fonction du lieu -- Modifier l'espace en fonction du répertoire ? -- Le rapport complexe à la sonorisation électrique : prostitution ou innovation ? -- Modification du rapport à l'espace architectural -- Modification du rapport à la musique et au chant -- Modification du rapport de l'assemblée à son chant -- Questions et propositions pour la liturgie aujourd'hui. -- Les rapports de proportion de l'architecture et de la musique -- Proportions : passage d'une question métaphysique à une question mathématique -- L'influence pythagoricienne ou l'inscription architecturale du cosmos -- Proportionnalités arithmétiques, géométriques ou harmoniques -- La divine proportion et le nombre d'or : mythe ou réalité ? -- Les rapports de proportion du corps humain comme règle d'harmonie -- Le motet de Guillaume Dufay pour la dédicace de la cathédrale de Florence -- Le "Corps" du Christ comme clé herméneutique de proportion -- Vers une métaphysique du corps -- Le corpus ecclesiae ou l'ecclesia-corpus -- Le rapport Christ-Eglise : modèle nouveau du rapport à l'espace et au chant -- La nécessaire métaphysique des rapports de proportions -- Le tournant charnière du XVIIe siècle en architecture : l'opposition Claude Perrault ? François Blondel -- Malaise dans la métaphysique et décadence des arts -- La phénoménologie et le dialogue renouvelé de la théorie et de la pratique -- Vers une théologie de l'"écho-résonnance" -- Emotion musicale ou résonance pentecostale ? -- "j'ai été touché par la musique dans la liturgie" : compte rendu d'une enquête -- Fragile lisibilité du rapport architecture/répertoire musical -- La prééminence des actes de chants -- Le contexte d'une église pleine et chantante -- Les actes de musique instrumentale et de chant soliste -- La prégnance de l'événement musical plusieurs années après -- Description des phénomènes et des perceptions sensibles -- Ces perceptions relèvent-elles de l'émotion musicale ? -- Synthèse des résultats des études de psychologie -- Ressemblances et divergences avec les résultats de l'enquête -- Des émotions spécifiques à la liturgie ? -- Lecture théologique des résonances émotionnelles en liturgie -- Relecture du récit de Pentecôte -- Quelques échos des résonances sensibles chez les Pères -- La catégorie d'"expérience" en théologie : une difficulté
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Conclusion : La musique liturgique édifie l'Église par la compunctio -- Vers une théologie de l'écho-résonance -- La trajectoire de l'"écho-résonance", entre continuité et nouveauté -- Une "écho-résonance" d'origine divine : venue du ciel au jour de Pentecôte -- Une "écho-résonance" portée par l'assemblée : la psalmodie à choeurs alternés -- Une "écho-résonance" portée par les voûtes : le dialogue du chant grégorien avec l'architecture romane -- Une "écho-résonance" portée par un instrument et ses harmoniques : le chant des cloches. -- Une "écho-résonance" couchée sur la partition : l'étape palestrinienne -- Le retour du mythe d'Echo : la période baroque et les harmoniques du cosmos -- De l'ekos à l'ethos : une lectio divina des ambiances sonores en liturgie -- Une lecture littérale : l'"écho-résonance" dans sa matérialité -- Lecture allégorique : l'écho-résonance comprise comme ambiance diffractée -- Une lecture tropologique : la résonance intérieure -- Une lecture anagogique : "l'écho-résonance" du choeur céleste -- L'harmonique de convocatio -- L'ecclesia est Une et appelle à l'unité : conséquences pour la musique -- La nécessité de se rassembler pour recevoir le don de l'Esprit -- Une assemblée bigarrée et chantante de pauvres gens -- Une force d'attraction et d'envoi -- Non pas de manière autonome, mais de manière "ecclésionome" -- La musique liturgique édifie l'ecclesia par la convocatio -- La musique et les chants : les hérauts du rassemblement -- La notion de "participation active" a surgi par la porte de la musique -- Convocatio ad extra : quand on entend la musique derrière les murs -- Convocatio ad intra : quand la musique recentre vers le mystère divin -- Le chant des cloches, lieu théologique de la convocatio de la musique -- Anatomie et personnification des cloches -- Vers la canonisation des cloches : rapide relecture historique -- Baptême ou bénédiction des cloches -- Une convocatio d'ordre théophanique et ecclesiophanique -- Les harmoniques d'agregatio et de communio -- De la sacramentalité de l'ecclesia à celle de la musique liturgique -- Église-sacrement et sacramentalité de l'ecclesia-assemblée -- Conditions de sacramentalité et sainteté de la musique liturgique -- Le munus ministeriale de la musique : expression de la sacramentalité de l'ecclesia -- La vie chrétienne exprimée dans le chant de l'Amen et de l'Alléluia -- La musique liturgique édifie l'ecclesia par l'agregatio et la communio -- La communio par la suavitas (ad intra) -- La communio avec le cosmos et avec les choeurs célestes (ad extra) -- La dimension consécratoire de la musique à l'égard de l'ecclesia -- Les "couleurs liturgiques" de la musique -- Les introïts et les chants de communion -- Les chants traditionnels de chaque région -- Le chant de l'Exultet : soliste ou assemblée ? -- Le danger d'une suavitas "a-chromique" -- Les harmoniques de confessio et de traditio -- De l'ecclesia gardienne et enseignante du mystère de la foi à la dimension paraclétique de la musique -- La fonction magistérielle de la liturgie -- La fonction maternelle et catéchétique de l'édifice -- De l'imprimatur à la validation du répertoire musical en liturgie --
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La musique liturgique édifie l'ecclesia par la confessio et la traditio -- Louange et confession de foi -- La fonction de prédication et d'exégèse de la musique -- Au carrefour de la lex credendi et de la lex orandi -- Les dangers de la distraction et de la trahison -- La fonction magistérielle des hymnes et des séquences -- Rapide parcours historique -- Quelques hymnes et leur influence sur les formulations dogmatiques. -- Les compositions actuelles : difficulté d'un "raz-de-marée" -- Quelles exigences vis-à-vis des compositeurs ? -- Conclusion générale : La musique liturgique, auxiliaire de l'esprit saint -- De l'"écho-résonance" sensible à la l'"écho-résonance" intérieure -- L'écho-résonance, un concept analogique : relecture méthodologique -- Une théologie de la médiation du sensible -- Perspectives pastorales.
c) Les conférences.
Olivier Manaud a particulièrement étudié l'abbatiale Sainte-Croix de Quimperlé et expose ses découvertes à l'occasion de conférences.
Il souhaite montrer le lieu «comme un instrument de musique», et démontrer le lien entre l'architecture et le sonore, à l'époque romane, dans un temps où tout a été pensé pour que l'édifice résonne et que l'église chante. Elle ne chante pas seule, mais animée par l’assemblée chrétienne qui se réunit dans une église pour la faire « sonner » en union avec le chœur des anges ; car à l'époque, tout était chanté ou psalmodié, sans aucun discours parlé. Puis, à l'époque gothique, le concept d'édifice-instrument a cédé la place à celui d' édifice-monument dédié à la lumière. «l'orgue est arrivé dans les églises au XVe siècle.»
Par exemple, pour en revenir aux phénomènes de guérison, il s'est exprimé le 14 septembre 2011: sur le sujet « Le chant grégorien a-t-il une valeur thérapeutique dans l’église Sainte-Croix ?»
Il donne des exemples anciens du pouvoir des sons, comme celui d'Amphion, dont la lyre participe à la construction des murailles de Thèbes, sa musique déplaçant les blocs de pierre. On sait que la tradition prétend que les murailles de Jéricho se sont écroulées au son des trompettes et de la clameur du peuple.
Selon lui, la liturgie de l’Eglise a intégré cette puissance dans le sens de l’édification spirituelle. Le point de départ de la Tradition de l’Eglise sur cette question a été, l’événement de la Pentecôte. Dans un interview donné à Christian Rédier ici en décembre 2013, il déclare :
"Le texte parle non pas d’un « bruit », mais d’un « écho ». C’est cet écho qui a été la matrice de l’inscription sonore des chants. Je montre qu’elle a été la trajectoire de cet écho dans la tradition de l’Eglise et comment il s’est déployé différemment au fil des siècles.Quels sont les liens entre architecture et musique liturgique ?
En fait, il faut comprendre que les églises ont très rapidement conçues comme de véritables instruments de musique. Les formes et les proportions ont été étudiées pour qu’un écrin sonore soit édifié de manière à magnifier les louanges divines. Chaque monastère était construit avec une note de résonance spécifique qui permettait aux moines de placer leur psalmodie sur elle. Cette fréquence suscite un phénomène harmonique très particulier qui donne à la mélodie grégorienne une composante polyphonique suscitée par l’acoustique du bâtiment.
Les voûtes romanes, ou d’autres éléments architecturaux, influent-elles la qualité du chant offert à Dieu ?
La recherche de qualité a fait partie de l’enseignement du maître de chapelle Joseph Samson, pour qui j’ai une réelle admiration : « Si le chant n’a pas la valeur du silence qu’il a rompu, qu’on me restitue le silence. Oui, l’œuvre d’art n’agit que par sa qualité. C’est là qu’elle s’inscrit dans l’ordre de la Charité. » Pour œuvrer dans ce sens, il est certain que l’architecture des églises y a été associée de près. L’acoustique romane magnifie la monodie grégorienne, l’acoustique des grandes cathédrales gothiques magnifie la polyphonie classique et plus tard le grand répertoire de l’orgue.
Les caractéristiques sonores des édifices ont-elles donc une incidence sur le répertoire ?
A l’époque médiévale certainement. On chantait sur le diapason du lieu et non pas au La 440Hz qui a été normalisé assez récemment. Aussi chantait-on conformément à ce diapason, et conformément aux caractéristiques acoustiques du lieu. Aujourd’hui, il serait bon que le chantre choisisse son répertoire en fonction du lieu… Mais qui le fait encore aujourd’hui ? Mon étude pourrait susciter une prise de conscience renouvelée dans ce sens.
Lisons par exemple l'article paru dans le Télégramme de Brest du 3 avril 2011 : en ligne.
La réverbération des sons
... mieux cerner la valeur des chants religieux à l'époque médiévale et notamment leur dimension sonore utilisant l'écho naturel et le temps de réverbération des sons. À Sainte-Croix, un simple claquement de main s'entend pendant cinq à six secondes. «La nuit, je suis venu au chœur de la nef de cette église pour trouver la note fondamentale de l'édifice», a souligné le prêtre. Il s'agissait de retrouver le niveau de note donnant lieu au phénomène harmonique de la résonance. Car, au Moyen-Âge, chanter dans une église ne se faisait pas aussi simplement que maintenant. «Selon la température et le taux d'humidité, le chant doit varier et s'adapter». Aussi, le prêtre souligna qu'il faudrait chanter beaucoup moins vite à Sainte-Croix qu'à Notre-Dame. L'idéal serait de reprendre les techniques médiévales. Les exemples sonores donnés par le prêtre ont été flagrants. Bien chanté et sur de bonnes notes, les chants donnent des phénomènes harmoniques aux sonorités que l'on a jamais l'occasion d'entendre. Cela s'approche des sons produits par les verres musicaux.
Des chants différents
Le prêtre a fait écouter des enregistrements avant de chanter lui-même au chœur de la nef. «Lorsque j'ai fait écouter mes enregistrements, les gens ont voulu savoir combien de personnes chantaient alors qu'en réalité j'étais seul à chanter». En ayant trouvé la note fondamentale de Sainte-Croix, le prêtre se joue des caractéristiques acoustiques et superpose l'écho avec le chant. «Avec ces techniques, on pense entendre plusieurs chanteurs, dont des femmes, alors que je suis seul». Cette notion et ces sons exceptionnels permettent de mieux se rendre compte de la valeur des chants, notamment au temps cistercien. «À l'époque, on a construit jusqu'à 350 abbayes en 50 ans. Le phénomène des acoustiques était connu et entretenu pour qu'il se produise dans les églises. La résonance de l'écho entendu était censée accompagner l'arrivée de l'esprit saint». Olivier Manaud cita aussi l'exemple de l'abbaye du Thoronet (Var), édifice à l'acoustique exceptionnelle, un simple claquement de mains s'y entendant pendant plus de dix secondes... [Voir lien]
IV. Des voûtes romanes au moteur d'une Jaguar : à quand "La voiture qui soigne le dos" !
Quittons la liturgie, mais restons dans l'acoustique : Si ces phénomènes sonores vous passionnent autant que moi, vous avez sans-doute été fascinés par ces ingénieurs du son qui règlent le bruit de chaque claquement de porte de nos voitures, chaque musique d'essuie-glace ou de clignotant. De même qu'il est possible au Père Manaud de déterminer que son église est accordée sur la note si (493 Hzh), de même, cela peut être calculé pour le moteur de votre Ferrari 458 Italia ou de votre Lamborghini Aventador, la Porsche 911 de votre belle-mère, la CLS 63 AMG de votre majordome, le V10 de la Lexus LFA de votre associée, ou le V8 de la BMW F5 empruntée à votre ostéopathe ou votre astrologue. C'est ici : Moteurs, harmoniques et perception.
Mais j'ai trouvé plus d'intérêt à découvrir comment la Jaguar F-Type, "propulsée par son nouveau blog V6 de 340 ch," est transformée en instrument de musique en concevant ses deux tuyaux d'échappement comme des tuyaux d'orgue percés de trous très étudiés, et dont les gaz peuvent, par une valve, diffuser dans une vaste chambre sonore pour une acoustique plus étouffée. Le reportage montre ainsi deux ou trois images édifiantes. Susciter la sensation d'un félin qui rugit est, pour les ingénieurs, aussi important que, au XIe siècle, de rapprocher les âmes des fidèles des concerts angéliques.
Liens et sources :
Démonstration de résonance à l'abbaye du Thoronet : https://www.youtube.com/watch?v=8KFmBIk28Zs