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14 juin 2012 4 14 /06 /juin /2012 21:00

   

 Chapelle Sainte-Suzanne, paroisse de Sérent (Morbihan).

            Paramentique et vieilles dentelles.

 

  La chapelle de Sainte-Suzanne, sur la route reliant Sérent à Josselin, près du village de Quéhellec, a été construite entre 1500 et 1550. Elle est composée d'une nef unique et d'un chevet Beaumanoir à trois pans. Un calvaire-autel très original se trouve dans le placître.

 

  I. L'exposition de vêtements sacerdotaux et de culte .

 L'exposition telle que je la découvre le 28 mai 2012 (Sur le mur, 4 des 8 panneaux des fresques du XVIe siècle, découvertes en 1837  sous l'enduit, par le recteur, l'abbé Marot et représentant des scènes de croisades ou de la vie de sainte Suzanne.) :

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   Quelle bonne idée ! J'en rêvais depuis longtemps, après avoir vu tant de magnifiques chasubles alignées dans les placards dans ces armoires basses nommées "chasubliers" de sacristie, sur de tristes porte-manteaux, avec, en guise de chasse-spleen, une ou deux pastilles de naphtaline comme dans le mauvais vieux temps. La personne qui, habitant la maison voisine, fait visiter la chapelle m'explique que c'est son fils qui ayant créé un musée des costumes bretons à proximité, a eu l'idée d'utiliser les mannequins dont il disposait pour mettre en valeur le beau patrimoine de la sacristie de Sérent. 

      Autour de l'autel, il a placé les enfants de choeur. Ceux-ci portent non l'aube, mais la soutane, longue robe noire ou rouge  boutonnée par devant que vient recouvrir partiellement le surplis blanc (en lin, chanvre ou coton descendant jusqu'aux genoux) ou comme ici  la cotta, petit surplis très court, à manches courtes et larges, fendue sur la poitrine et sans col. La cotta comporte ici une bande de dentelle dans la partie inférieure, simple mais élégante et très seyante dans le premier exemple, mais brodée de motifs floraux et  religieux dans le second. C'est l'occasion pour moi de me perdre dans le monde infini du textile. Cette dentelle est-elle un tulle ? Et si oui, est-ce du tulle bobin, à maille hexagonale  et arrondies, ou du tulle de Malines à maille hexagonale mais allongée ?  Du tulle grenadine en soie, du tulle de Bruxelles à maille carrée avec torsion à quatre pans, du tulle grec à gros réseau, du tulle Tosca à maille circulaire, ou du tulle filet à larges mailles carrées ? A choisir, j'aimerais, pour ces enfants de choeur, du tulle point d'esprit, à plumes, ou du tulle zéphir, très fin et très léger, dont on imagine qu'il s'envole au moindre  soupir d'un ange qui passe, mais je dois sans-doute m'en tenir à la dentelle, une de ces dentelles liturgiques 100% coton motif Calice, IHS ou Croix et Roses fabriquées autrefois par de laborieux ouvroirs.


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  Nous pouvons commencer la visite ; chaque pièce attend les commentaires de personnes compétentes, capable d'expliquer le nom et l'usage de chaque vêtement :

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      S'agit-il  d'un pavillon de ciboire, ou d'une tenue de cérémonie destinée à orner une statuette d'Enfant-Jésus ?: 

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Couleur violette :

     Les vêtements et linges liturgiques forment un ensemble, obligatoirement de même tissu et de même décor, associant la chasuble, le voile de calice, la bourse ou portefeuille, le manipule et l'étole. Seules les chasubles, les dalmatiques, les chapes et deux manipules, sont présentées. 

  La couleur doit être adaptée au "temps liturgique" de l'année. Celle-ci débute avec la couleur violette le premier dimanche de l'Avent. La couleur violette s'applique aux temps de préparation (Avent, Carême) et de Pénitence. Elle peut désormais remplacer aussi le noir pour les funérailles.

  La chasuble est le vêtement porté par le prêtre au dessus de l'aube et de l'étole lors de la célébration de la messe. Son nom qui dériverait de casa, la maison, vient du bas-latin casula, nom d'un vêtement de dessus, à deux pans et sans manches, que l'on enfile par la tête. Du Ve au XIXe siècle, elle se réduit à deux pans étranglés à la taille, forme qui lui a valu le nom de "chasuble violon", avant de revenir au XXe siècle à la forme initiale plus ample, dite "chasuble gothique". Réalisées en soie, en drap, en Gros de Tours ou en velours, doublées ou non, elles sont très souvent brodées et enrichis d'adjonction d'éléments textiles ou métalliques (cannetille, fil doré ou argenté). Un galon, ou un tissu délimité par un galon, dessinent au dos une ligne verticale, une  croix ou un Y, et sur le devant une forme en T. 

  La chape est un grand vêtement en soie ou en drap, semi-circulaire agrafé par devant  qui est revêtu lors des processions, vêpres, au salut ou à l'absoute par n'importe quel clerc. Elle comportait jadis un capuchon, dont le chaperon, pièce d'étoffe en forme de tablier décorée et bordée de franges située au revers, est un vestige. Elle est bordée par devant par un galon ou par une bande plus large nommée orfroi.

 

 

Cette chape porte, sur un fond damassé, un symbole eucharistique, la représentation du pélican se frappant la poitrine pour nourrir ses enfants de sa chair.

 

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Couleur blanche :

C'est la couleur des jours de fête et de réjouissance des Temps de Noël et de Pâques et autres fêtes du Christ, de la Vierge Marie et des saints qui ne sont pas martyrs: 

  Cette chasuble est ornée d'une croix enrichie de décors végétaux et floraux au fil d'or, et de l'inscription IHS dans un cercle central carmin.

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      Cette chape porte le christogramme IHS au coeur d'une sorte de mandala chatoyante.

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Couleur verte :

        C'est la couleur du Temps ordinaire de 34 dimanches qui va de l'Épiphanie jusqu'au Carême et de la Pentecôte (exclue) au 34ème dimanche ordinaire précédent l'Avent.

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 Cette chasuble possède la particularité d'être ornée sur un fond damassé d'un motif central  en broderie au point de tapisserie. Le monogramme IHS y est entrelacé avec des roses, des épis de blés et une fleur bleue. Un galon trace une croix s'évasant à l'encolure.

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Couleur jaune / Or :

  Le drap d'or peut remplacer, par concession du rite romain, les couleurs, rouge, blanc ou vert, alors que le jaune peut remplacer toutes les couleurs, sauf le noir.

  Cette chasuble fait jouer le moiré de son étoffe. La figure centrale du Sacré-Coeur apparaît dans une mandorle au croisement des branches de la Croix, alors que Jean-Baptiste vêtu de peaux de bêtes annonce l'arrivée du Messie par sa banderole Ecce Agnus Dei.

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  Cette chape plus simple est brodée ton sur ton des lettres IHS.

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Une chasuble vieil-or dont les rinceaux tracent une croix autour du monogramme christique est présenté à coté d'une dalmatique particulièrement somptueuse.

         Les dalmatiques sont des tuniques courtes, que l'on enfile par la tête comme les chasubles mais qui sont de forme rectangulaire (et non -pour les premières chasubles- semi-circulaire en forme de planète ) et qui disposent de manches courtes. Elles sont portées par les diacres et sous-diacres.

  Celle-ci porte, tracé par un galon blanc, une fourche à trois branches dans lesquelles grimpent des entrelacs d'or délimitant un cercle et six losanges. Le cercle porte le monogramme marial MA , alors qu'une inscription en lettres rouges se répartit dans les losanges, disant : Dominus Initium Viarum Suarum. C'est une citation de Proverbes 8, 22 : Dominus creavit me initium viarum suarum, en parlant de la Sagesse : "Dieu m'a créée dans le commencement de ses oeuvres et avant qu'il créat aucune chose. Il m'a établit dès l'éternité et dès le commencement, avant qu'il eût fait la terre et les abîmes, avant que les fontaines fussent sorties de la terre et qu'il eût affermi les montagnes; Il m'a enfanté avant toutes les collines". Saint Jérome (Epistola CXL ad Cyprianum prebysterum, 6) fait du Christ la figure de la Sagesse.

Quelques déchirures témoignent de la fragilité de la soie de ce vêtement.

On admirera aussi les dessous en dentelle.

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      Couleur rouge :

   Le rouge, couleur de la Passion et de l'Esprit-Saint,  est porté le dimanche des Rameaux, le Vendredi Saint, à la Pentecôte, et à l'Exaltation de la Sainte-Croix. C'est aussi la couleur des fêtes des apôtres et des saints martyrs.

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      Chasuble et manipule pour la fête de l'Assomption le 15 août.

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Couleur noire :

        C'était essentiellement la couleur de l'office des défunts, et aussi celle du Vendredi Saint, mais depuis le concile de Vatican II, le violet est préconisé pour les funérailles et le rouge pour le Vendredi-Saint.

 

  Ce vêtement n'est pas une chasuble ni une dalmatique puisqu'il est doté de manches longues. 

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Couleur bleue.

  Son utilisation pour le culte marial est qualifiée d'abusive en dehors de l'Espagne lors de la fête de l'Immaculée Conception. Pourtant, elle est attestée en Bretagne, par exemple dans un inventaire de 1792 de la chapelle de Rocamadour à Camaret-sur-Mer, ou sur un vitrail de Lanvoy à Hanvec.

 

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Les manipules :

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Le dais de la Fête-Dieu


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  Un dais (ou pavillon, ou parasol liturgique, ou encore un poële) de Saint-Sacrement est un baldaquin mobile composé d'une armature portée par quatre hampes, aux sommités parfois ornées de plumes d'autruche, et de quatre bandes de soie brodée appelées "pentes". Il est porté par quatre hommes, quatre notables choisis soigneusement. Il est destiné à abriter le prêtre qui présente le Saint-Sacrement lors de la procession de la Fête-Dieu. Le dais est encadré par les enfants de choeur, les diacres, des porteurs de cierges ou de photophore, de bannières et de croix, et par les thuriféraires ou porteurs des encensoirs, et il est  suivi de la musique, des communiants de l'année, et des fidèles.

  Cette fête qui célèbre la Solennité du Corps et du Sang du Christ a lieu soixante jours après Pâques. Sortant de l'église à l'issu de la messe, la procession se dirige en suivant un chemin de sciure et de pétales dans les rues pavoisées de draperies, de feuillages et de guirlandes vers les reposoirs que les paroissiens de chaque quartier ont réalisés. Ces reposoirs sont des autels ornés de décorations florales et d'objets pieux, devant lequel la procession s'arrête : le prêtre encense l'hostie contenue dans l'ostensoir et présente celui-ci à l'assistance avant de la bénir. Lors de cette station, des prières et des chants sont débutés par l'officiant et repris par les fidèles.

  L'office du Saint-Sacrement a été codifié par Thomas d'Aquin afin de célébrer l'Eucharistie : on y chante l'hymne Pange Lingua, l'hymne Panis Angelicus, et on y récite le Lauda Sion. A chaque Salut du saint-Sacrement, deux strophes du Pange Lingua sont entonnées, sous le nom de Tantum ergo. Ce chant débute ainsi :

Tantum ergo Sacramentum veneremur cernui 

Et antiquum documentum novo cedat ritui.

Il est si grand, ce sacrement ! Adorons le, prosternés : 

Que s'effacent les anciens rites devant le culte nouveau !

  Ce sont ces mots que l'on trouvent inscrits ici, sur le "ciel" du dais.

 

Voir l'article suivant (L'oeil-de-boeuf chez Flaubert ) qui reprend cette présentation du dais en l'illustrant d'un texte de Gustave Flaubert.

 

Les bannières

 

Bannière de sainte Anne, scène de la Sainte Éducation.

  Deux armoiries l'une d'azur, l'autre de gueules au trois épées d'argent surmontées d'une couronne


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Bannière de la Vierge à l'Enfant

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 Bannière des Croisés Eucharistiques.

  Je découvre avec cette bannière ce que fut la Croisade Eucharistique créée en 1914 à la suite d'un décret du pape Pie X autorisant la communion des enfants : trois niveaux spirituels hiérarchisent l'accès des enfants à une sorte d'Imitation de Jésus-Christ pour "travailler, souffrir et se réjouir avec Jésus", comme page, puis comme croisé, puis comme chevalier. Allez voir comme moi l'artickle Wikipédia :   http://fr.wikipedia.org/wiki/Croisade_eucharistique

 

  Ces drapeaux étaient sans-doute crées dans chaque paroisse sur le même modèle, puisqu'à Sainte-Mélaine, La Chapelle-de-Brain (35), l'Inventaire Régional rapporte un exemple très proche, avec la même inscription ECCE PANIS ANGELORUM, Voici le pain des anges, écrit sur le cercle circonscrivant la croix. L'autre face porte l'inscription INVENIAT REGNUM TUUM et Apostolat de la prière.   Voir : http://patrimoine.region-bretagne.fr/sdx/sribzh/main.xsp?execute=show_document&id=PALISSYIM35011536

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Les statues.


Sainte Suzanne

Bois polychrome du XVIIe siècle.

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Saint Yves 

est présenté dans ses fonctions d'official de Tréguier, coiffé du bonnet carré, tenant un placet de la main droite et des sacs de justice à gauche.

Statue en bois polychrome du XVIIe.

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Sainte Marguerite d'Antioche issant du dragon.

Bois polychrome, XVIIe siècle.

    Le détail, c'est bien-sûr le noeud qui s'est formé sur la queue du dragon, vengeance castratrice sans-doute de la Vierge qui devait repousser les avances d'Olibrius, l'affreux gouverneur romain qui portait si bien son nom. Elle, Marguerite, la pure perle blanche sertie dans le triomphe de sa virginité, mains jointes, menton haut, se campe fièrement dans sa posture de sainte , alors que le monstre hurle dans les douleurs de cet accouchement peu banal.
  Sainte Catherine est la protectrice des femmes enceintes. 

 

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Sainte Anne trinitaire.

Bois polychrome, fin XVIe siècle.

Graduation de taille correspondant aux trois générations. Comme à l'accoutumée, Anne est assise et  porte le voile, la guimpe, et une robe verte, alors que Marie, debout ou juste appuyée sur le siège, porte une couronne sur ses cheveux dénoués, et une robe bleue. On retrouve les objets usuels, le livre, ici tenu par sainte Anne est fermé, ce que l'on peut interpréter comme l'Ancien Testament qui vient se clore, et le globe terrestre, que Jésus bénit.

  Selon Michèle Bourret ( Le Patrimoine des communes du Morbihan, vol.1, 1996), cette statue pourrait être due au ciseau en taille directe du sculpteur Guillovic qui travaille à Cléguerec et Séglien entre 1574 et 1583 car elle reprend en modèle une statue de sainte Anne de Cléguerec. 

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Les vitraux.

 

Ils datent de la fin du XVe-début XVIe siècle.

Baie 2, éléments datés de 1500.

  Il représente un saint évêque bénissant, et saint Nicolas présentant le donateur, (un seigneur de Sérent) avec l'inscription Mater mei me ma~to n. On signale aussi l'écusson de Sérent, qui est de gueules à trois quintefeuilles d'hermine : j'ai peut-être oublié de le photographier, à moins qu'il s'agisse de l'élément rouge à trois pièces blanches situé sous le cou du donateur. Les vitraux ont été restaurés, sans-doute par Le Bihan de Quimper (?? : le Corpus Vitrearum indique actuel des panneaux a été réalisé en 1978 par Hubert de Sainte-Marie)

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Baie 0 (Abside)

ici, il s'agissait pour moi de Jean l'évangéliste (cheveux longs) tenant son calice, mais le Corpus Vitrearum y voit un saint sans attribut particulier. Le fond damassé est semé de "gouttes" blanches par la technique du verre gravé. L'auréole relève de la même technique.

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Baie 1  une Vierge à l'Enfant datant du 4ème quart du XVe siècle (restaurée vers 1974), et une sainte aux cheveux longs tenant dans la main droite un flacon doté d'un couvercle, et dans celle de gauche des rouleaux. Je penchais pour Marie-Madeleine, mais les experts du Corpus, plus observateurs, reconnaissent dans ces objets un encrier et un matériel d'écriture, sans pouvoir proposer d'identification ; ils datent cette oeuvre de 1500.

  Un écritoire permet de ranger les plumes d'oie, de corbeau ou de cygnes, la boite à sable de séchage, le grattoir ; ne pourrait-il pas s'agir alors d'une Sibylle ? Ou de Saint-Jean ?

 

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Published by jean-yves cordier

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  • : Le blog de jean-yves cordier
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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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