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14 mai 2011 6 14 /05 /mai /2011 21:23

                                                                                              C'était pendant l'horreur d'une profonde nuit

                                                                                               Ma mère Jezabel devant moi s'est montrée,

                                                                                              Comme au jour de sa mort pompeusement parée.

                                                                                              Ses malheurs n'avaient point abattu sa fierté;

                                                                                               Même elle avait encore cet éclat emprunté

                                                                                               Dont elle eut soin de peindre et d'orner son visage,

                                                                                               Pour réparer des ans l'irréparable outrage.

                                                                                               Tremble, m'a-t-elle dit, fille digne de moi ;
                                                                                               Le cruel Dieu des Juifs l’emporte aussi sur toi.
                                                                                               Je te plains de tomber dans ses mains redoutables,
                                                                                               Ma fille.» En achevant ces mots épouvantables,
                                                                                               Son ombre vers mon lit a paru se baisser;
                                                                                               Et moi, je lui tendais les mains pour l’embrasser.
                                                                                               Mais je n’ai plus trouvé qu’un horrible mélange
                                                                                               D’os et de chairs meurtris et traînés dans la fange,
                                                                                               Des lambeaux pleins de sang et des membres affreux
                                                    Que des chiens dévorants se disputaient entre eux.

                                                                                                                                 Jean Racine : Athalie, Acte II, scène 5

  

  

  

La Mélitée du mélampyre Mellicta athalia ( Rottemburg, 1775)

Protonyma Papilio athalia: Rottemburb, Der Naturforscher 6 : 5 .

C'est le Type Spécifique du genre Mellicta, décrit par Billberg en 1820 dans Enum. Ins. Mus. Billb.: 77. 

 

     S. A. Freiherr von Rottemburg  est un entomologiste allemand qui a travaillé dans les années 1770sur les collections de lépidoptères de la région de Berlin de J.F.Hufnagel (1724-1795), reprenant de manière plus précise ce que ce dernier n'avait publié que sous forme de planches.

 

   Observée le 14 mai à Landeleau (29) :

 

DSCN7144cc

 

 

 

melitee-melampire-athalia 0753cc

 

Zoonymie.

• genre Mellicta  : du grec meli, "le miel," et liktes, "lécheur" : vient du comportement alimentaire des Mellicta.

 

• espèce  athalia :

  Emmet écrit en 1991 : "généralement expliqué comme venant d'Athalia, l'épouse d'Omri, roi d'Israel, et la mère du roi Ahaziah. Après que son fils eut été tué, elle régna six ans avant d'être assassiné à son tour; il est difficile de voir pourquoi une obscure et imméritante reine du Royaume du Nord (et non de Juda, comme signalé par Macleod de manière erronée ) pourrait avoir été choisie pour donner son nom à un papillon; en général, les auteurs ne recherchent pas leur inspiration dans la Bible. Rottemburg a voulu probablement utiliser Thalia, l'une des Grâces, le nom des deux autres ayant déjà été attribué à des Argynninae ( B. euphrosyne et A. aglaja), mais découvrant que Linné avait déjà donné ce nom à un heliconiinae, il introduisit une légère modification. Aucune connotation biblique n'était voulue."

    Cette interprétation me parait surprenante : il semble ("une reine obscure et indigne") que A.M.Emmet ignore tout de la célébrité de ce nom d'Athalia après que Georg Friedrich Haendel ait composé son oratorio Athalia HWV 52 en 1733, pour ne rien dire de la tragédie  Athalie écrite par Jean Racine pour les pensionnaires de Saint-Cyr en 1691 !

    Leach a choisi ce nom pour le donner  en 1817 à un genre de tenthrédes : faut-il y voir aussi une  ruse pour déguiser le nom des Grâces ?

    Bien qu'on ignore pourquoi Rottemburg a choisi ce nom royal pour ce papillon, Athalia appartient à ces patronymes de la grande culture classique européenne, où la grande majorité des noms d' espèce de papillon a été puisée. Sa publication  a été faite à Paris, et peut-être donnait-on, la veille, Athalie à la Comédie Française ou Athalia au concert ?

    Spuler (1908), cité par le site lepiforum, me surprend autant qu' Emmet, lorsqu'il donne comme étymologie :

"épithète d'Artemis : ou encore nom de femme dans la bible ".  Athalia, un épithète de la déesse grecque Artemis ? Je ne trouve cela nulle part,mais une Mélitée s'appella Argynnis Artemis ou Melitoea Artemis (Fab) et au milieu du XIXème siècle, la distinction entre les trois mélitées Cinxia, Athalia et Artemis faisait l'objet de mise au point.

   Athalie (Deuxième Livre des Rois, 11) était la fille du roi Achab (comme le capitaine Achab de Moby Dick ) et de la reine Jezabel ( il existe aussi une Melitaea jezabel décrite par Oberthür en 1888), et lorsque son mari le roi Joram fut assassiné, elle fit tuer tous les descendants du roi pour conserver pour elle le pouvoir. Tous ? Non, car l'un d'entre eux, Joas, fut sauvé par sa tante Josabet, l'épouse du grand prêtre qui, l'heure venue, sacre l'enfant comme roi légitime et tue la reine usurpatrice.

  Une reine obscure, Athalie, l'un des grands rôles féminins de notre théâtre, le parangon de la souveraine cruelle, "sanguinaire", la mère infanticide égale de Médée ?

Un personnage de mère qui hanta Marcel Proust et  La Recherche cite plusieurs fois des vers de la  tragèdie racinienne,  dont sa propre mère juive assimilée Jeanne connaissait les vers par coeur. Le couple Jeanne et Marcel fut obsédé par le thème du fils matricide ( lire deProust "Sentiments filiaux d'un parricide" écrit en février 1907 dans Pastiches et Mélanges, où il prend la défense de Henri van Blarenberghe,et voit dans La Recherche le narrateur accablé par la culpabilité de la mort de la Grand-mère) et de la mère infanticide.

 

   Athalie : la gloire solaire, apollinienne de la royauté et du pouvoir, et l' ombre glacée du crime.

Seul un papillon aux ailes jaunes et noires pouvait porter son nom.

 

melitee-melampire-athalia 0749cc

 

 

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Published by jean-yves cordier

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  • : Le blog de jean-yves cordier
  • : 1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
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  • jean-yves cordier
  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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