Le 11 juin, la sortie naturaliste de Bretagne-Vivante nous amenait à découvrir le Bois de Nevet, à Kerlaz, Finistère.
Chaque guide se plaît à rappeler que le bois de Nevet est un ancien lieu sacré druidique, et que son nom vient du gaulois Nemeton, sanctuaire, par le breton neved, nevedou. Il est longé par un cours d'eau alimentant un étang, Gwazh Stank Nevet qui déservait jadis un moulin, et il est sillonné par d'innombrables chemins qui portent des noms tels que Hent ar Louarn, le chemin du renard, Hent ar Maro (chemin de la mort, souvenir possible de fourches patibulaires), Hent ar Spern (le chemin des épines ou des aubépines), Hent ar Stankou (des étangs comme celui de Stang ar Bleis, étang du loup), Hent Kreis (du milieu), Hent Plas al Lochou (pluriel de loch, cabane, qui évoque la présence des charbonniers de jadis), Hent Roz ar Veilh (de meilh, moulin), Hent Treuz (chemin de traverse, raccourci), Hent Sant Per (de Saint Pierre), ou de Karront ar Mul, le sentier de la mule, celle du meunier de Keratri lorsqu'il se rendait à Locronan.
J'apprends tout cela grâce à l'enquête toponymique que l' Office de la Langue Bretonne (ofis-bzh.org) a mené à Kerlaz, et c'est elle aussi qui m'apprends que la racine nem- de nemet qui a évolué en nevet désigne le ciel (comme dans le breton actuel où nenvdésigne les cieux). Ce que désignait pour nos ancêtres les gaulois un "sanctuaire" ou nevet n'était pas un temple, mais se rapprochait plus des lieux de culte animiste comme dans le shintoïsme japonais : un espace naturel.
C'est en la cité voisine de Locronan que l'on a gardé, sous forme christianisé, la tradition de la déambulation rituelle du sanctuaire : c'est la fameuse Tromènie, dont le nom signifie tro-minic'hi, le tour du sanctuaire ( et non tro-menez, tour de la montagne, comme je le croyais).
Les déambulations qui amènent les fidèles à faire le tour d'une enceinte ou d'un sanctuaire sont très anciennes et cosmopolites : par leur répétition cyclique, elles nouent l'espace et le temps et le parcours magique inscrit le lieu délimité comme un microcosme en miroir du macrocosme de l'univers.
Nul doute que notre promenade naturaliste puisait d'anciennes racines dans ces rites, et que lorsque nous pratiquions des haltes recueillies devant telle "station" qu'une plante rare honorait de sa présence, devant telle source, tel arbre, tel étang, pour s'y assurer que les forces animales les animaient toujours, nous percevions bien que nous venions honorer une Bretagne Vivante cosmique, grandiose et solennelle.
Aussi, pour m'amuser à donner une allure celte à notre Tro-Koad ou Tour du Bois, j'en marquerais les étapes au rythme des douze mois de l'année du "calendrier celtique des arbres", beaucoup plus fantaisiste que celui de Coligny, mais qui marquera les douze kilomètres de ce parcours initiatique dont chacun était dédié à une divinité .
1. Beith, le mois du bouleau .
Deux Opilions parasités par des acariens :
Les opilions font partie des Arachnides, comme les araignées ou...les acariens, mais différent des araignées par l'absence de séparation visible entre le thorax et l'abdomen. ils n'ont que deux yeux, placés sur un tubercule central nommé ocularium, et orientés vers les cotés. Ce sont les Faucheurs, Faucheur triangulaire, Faucheur morio, Faucheur épineux, Faucheur des murailles... mais je ne me hasarde pas :
2. Luis, mois du sorbier.
Un Ténébrion, Lagria hirta Linnaeus, 1758 ou Lagrie hérissée :
3. Nion, mois du frêne.
Le Triton tacheté, découvert sous une vieille souche d'arbre :
4. Fearn, mois de l'aulne.
Elona quimperiana, l'escargot de Quimper :
D'où vient le nom Elona ? c'est un prénom d'origine hébraïque.
Comparons-le au Petit-Gris Helix aspersa que j'ai vu par dizaine sur la dune de l'aber à Crozon ce soir après la pluie : on voit bien que chez lui les spires ne sont pas du tout plates, mais forment un cône :
5. Sail, mois du saule.
Sous une autre souche, le Triton palmé :
6. Huat, mois de l'aubépine.
Un Pyrale, la Phalène du nénuphar Elophila nymphaeata
7. Duir, mois du chêne.
L'accouplement des Panorpes, Panorpa communis :
8. Tinne, mois du houx.
Le Ceriagrion tenellum:
9. Coll, mois du noisetier.
Enallagma sciatigerum, l' agrion Portecoupe.
10. Muin, mois de la vigne.
Coenagrion puella, l'agrion Jouvencelle :
11. Gort, mois du lierre.
Le Myrtil :pour rappeler que sous le taillis de chêne, le sol est couvert de plants de myrtilles. (Les autres essences d'arbres sont le hêtre, le bouleau et le châtaignier, et parfois le sapin pectiné, les pins laricio, sylvestre et Douglas.)
12. Peith, mois du tilleul.
Le Petit Sylvain Limenitis camilla, hôte des lisières des bois. Sa plante-hôte est le chèvrefeuille, qui tient compagnie aux myrtilliers dans les sous-bois où prédomine le chêne.
Pour finir, ce sera le millepertuis qui nous offrira ses fruits aussi rouge que des pommes d'api :
Kenavo, et que Toutatis vous protège !