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7 octobre 2012 7 07 /10 /octobre /2012 16:12

     

 

 

            Les Grandes Croniques de Bretaigne 

                d'Alain Bouchart, édition de 1514 :

        les exemplaires de Brest et de Landevennec.

 

 

  Engagé dans l'étude du reliquaire et du retable des Dix mille martyrs de l'église de Crozon (Finistère) consacrés à cette légende, j'ai poursuivi la mise en ligne des textes relatant la Passion des Dix mille martyrs crucifiés sur le mont Ararat sous Adrien. Après le premier texte, en latin, d'Anastase au IXe siècle, puis celui de l'abbaye de Saint-Denis en 1270-1285 qui en est une traduction en ancien français Les Dix mille martyrs dans le manuscrit Fr. 696 La Vie et passion de Saint-Denis : confrontation avec le texte latin d'Anastase.    et  Les Dix mille martyrs dans le manuscrit Fr. 696 La Vie et passion de Saint-Denis : transcription, annotations, adaptation en français moderne., nous trouvons la version de Vincent de Beauvais en latin en 1254 dans le Speculum historiale, et sa traduction en français par Jean de Vignay vers 1320-1338. 

  Ces Grandes Chroniques d'Alain Bouchart de 1514 fournissent donc la troisième version conservée en français de la Légende des Dix mille martyrs. Inutile de souligner que, pour la compréhension de la présence d'un reliquaire de 1516 dans une église bretonne, celle-ci est particulièrement précieuse.

 

 J'en ai donné la transcription ici : Légende des Dix mille martyrs : la version des Grandes Croniques de Bretaigne de 1514.

  Parmi les 14 exemplaires de l'édition de 1514, j'étudie ici les deux exemplaires conservés actuellement tout près de Crozon, à Landevennec et à Brest. Mon idée était de rechercher en les examinant, un indice de compréhension de la présence de ce culte des Dix mille martyrs à Crozon, espoir qui ne s'est pas concrétisé ; j'ai été récompensé par le privilège émouvant d'admirer des grands ouvrages et d'en approfondir la connaissance, privilège que je souhaîte à présent partager.

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DESCRIPTION : L'édition de 1514 des Grandes Croniques de Bretaigne d'Alain Bouchart.

 Les Grandes Croniques de Bretaigne  composées en 1514 par Maître Alain Bouchart et rééditées à quatre reprises jusqu'en 1541, ont attendu 1886 pour  être à nouveau éditées  (de façon "assez médiocre" selon Jean Kerhervé) par H. Le Meignen et Arthur Lemoyne de la Borderie sous les auspices de la Société des Bibliophiles Bretons à Rennes ¹. (consultable en ligne sur Gallica :link )

  Un siècle plus tard, une nouvelle édition ² des Grandes croniques de Bretaigne  d'Alain Bouchart a été publiée par Marie-Louise Auger, Gustave Jeanneau et Bernard Guenée aux éditions du C.N.R.S. Le tome 3, paru en 1998 par M.L. Auger avec un avant-propos de Bernard Guenée, apporte  l'introduction situant l'auteur dans l'histoire de l'historiographie contemporaine.

  1. Grandes Croniques de Bretaigne composées en l'an 1514  par Maître Alain Bouchart ; Nouvelle édition publiée sous les auspices de la Société des bibliophiles Bretons et de l'histoire de Bretagne par H. Le Meignen, ed. H. Caillières, Rennes 1886, XII pp. 325 ff. 58pp. , ill. in 4° (28cm).
  2. Grandes croniques de Bretaigne d' Alain Bouchart ; Auger Marie-Louise, Guenée Bernard, Jeanneau Gustave, Ed. C.N.R.S., 1986-1998, 3 vol. : 469p + 506 p. + 392 p. ; 24cm.

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  Les Grandes Chroniques de Bretagne, premier livre breton imprimé pour lequel ont été composés une suite de bois gravés ont connu cinq éditions successives de 1514 à 1541 ; c'est la première édition qui sera décrite ici. 

Elle a été faite à Paris en 1514 par Jehan de la Roche pour Galliot du Pré. Marie-Louise Auger a pu en retrouver 14 exemplaires existant actuellement :

  • Aix, Bibliothèque Méjane, Rés. Q 94
  • Brest, B. M 30576.
  • Landevennec, Bibl. abbatiale
  • Londres, British Library G. 5999, reliure aux armes du duc de Roxburghe.
  • Nantes, B.M 48220.R.
  • Nantes, Musée Dobrée, 710
  • Paris, BNF, Rès.Folk. Lk².442 (acquis en 1860 de la bibl. de Félix Solar)
  • Paris, Bibl. de l'Arsenal 4° H.4844
  • Paris, Bibl. de l'Institut, Rés. 4° Y 1ª
  • Paris, Bibl. Mazarine, Rès. F° 6300 B1
  • Rennes, B.M 11815 (48 D-9)
  • Saumur, B.M 4070
  • Vienne, Österreichische Nationalbibliothek BE.4.L. 38.
  • Washington, Library of Congress, DC 611. B842B6. 1514.

 L'édition de 1886 par la Société Bibliophile Bretonne serait une reproduction de l'exemplaire de Nantes, avec recours occasionnel à l'exemplaire de Brest. Elle possède le mérite d'être numérisée sur Gallica.

 

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  Les photographies des deux exemplaires ont été réalisées par mes soins lors de la consultation le 6 novembre 2012 à la Bibliothèque de Brest , que je remercie de son accueil,  et à la Bibliothèque bretonne de l'abbaye de Landevennec, dont je remercie la conservatrice Isabelle Berthou.

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 1. Exemplaire de la Bibliothèque Municipale de Brest, 30576.

1.Présentation, reliure.

  Ce livre est conservé par la bibliothèque d'étude de la Bibliothèque Municipale de Brest sous la cote Res. F.B B 255.

  Sa belle reliure a été (je pense) réalisée sur la commande d'Arthur de la Borderie. Celui-ci, bibliographe et bibliophile,  choisissait lui-même les reliures. En tout cas, elle date du XIXe siècle : décrivons son maroquin brun, l'encadrement gr. à froid des plats par un triple filet, son dos à cinq nerfs avec fleurons aux entre nerfs, et sa tranche dorée.

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                          grandes-croniques-de-bretaigne 0254

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Dos :

Le titre Les gra(n)des CRONIQUES de Bretaigne Paris 1514 : on a pris soin de conserver le tilde sur le a de "grande".

                                                grandes-croniques-de-bretaigne 0255c

 

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2.   propriétaires et Ex-libris.

 Ce livre a été la possession d'un certain G. Riperdy, d'Arthur de la Borderie, de Taisne de Raymonval. Il fut vendu en 1898 par la librairie Morgand sous le numéro de catalogue 27939

  Cet exemplaire contient, outre le tampon de la Bibliothèque Municipale B M B, deux ex-libris :

 

a) contreplat :

Les gardes sont en papier marbré à motif plume de paon.

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grandes-croniques-de-bretaigne 0257

 

 

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Ex-libris d'Arthur de la Borderie sur le contreplat :

L'ex-libris " à la barque accostant la côte armoricaine" de Louis-Arthur Le Moyne de la Borderie (1827-1901) a été dessiné par Théophile Busnel (1882-1908). Elle comporte la devise parlante "Qui l'aborde rie". Elle s'inscrit dans un "cuir" ou "écu" au sommet duquel quatre bretons en costume traditionnel et chapeau de feutre semblent guetter un ennemi ; l'un brandit un drapeau frappé d'hermines. Au centre, une fleur de lys.

  Il est accompagné d'un Ex-libris manuscrit à la plume : Ex libris Arthur de la Borderie Britonis et Vitriacensis Anno Domini MDCCCLXXVI, Livre rare en cet état.

  La Borderie, "breton et de Vitré", a donc acquis ce livre en 1876.

On trouvera ici un lien vers l'exposition que la Bibliothèque de Rennes a consacré à Arthur de la Borderie, père de l'historiographie bretonne,  en 2001 : http://www.bibliorare.com/exposition-de-la-borderie.htm.

  Il faut surtout souligner ici l'attachement très particulier de l'auteur de l'Histoire de Bretagne (1905-1914) pour ces grandes Chroniques d'Alain Bouchart, attachement qui le conduisit à étudier et  à décrire minutieusement toutes ses éditions successives et à en publier le résultat dans  : Étude bibliographique sur les Chroniques d'Alain Bouchart (1514-1541) (en ligne Gallica) par Arthur de la Borderie, correspondant de l'Institut, Rennes, H. Caillière, Librairie-Éditeur, MDCCCXIC.

  Je puiserai très largement ici dans cette publication.

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DSCN6497.jpg

 

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grandes-croniques-de-bretaigne 0259

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On peut le comparer à celui que présente la Bibliothèque de Rennes :

ex-libris_La_Borderie_par_Theophile_Busn

 

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b) Ex-libris armorié De Taisne de Raymonval sur la première garde:

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grandes-croniques-de-bretaigne 0258

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  Il porte, sous la couronne de marquis, les armoiries de sinople à trois croissants d'argent.

Cet ex-libris est signalé sur un Montaigne avec la mention "gravé vers 1900", sur un Triomphe de l'Amour de Lully, sur un Francis Jammes, etc... De Taisne de Raymonval fut un bibliophile réputé, mais j'en ignore jusqu'au prénom (*).

 J'ignore aussi la justification de la couronne de marquis ; A... (*) de Taisne de Raymonval (1840-1898) , marié avec Amicie Russel de Bedford, avait le titre de baron de Raymonval, de même que son fils Stanislas.

(le prénom signifiant ange en italien est abrégé à la demande de son descendant et homonyme né vers 1996, afin de dérouter les moteurs de recherche ;  demande reçue le 23/10/2017 et correction le 24/10/2017).

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grandes-croniques-de-bretaigne 0260c

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Après ces éléments viennent successivement deux gardes portant des inscriptions manuscrites (photo) , deux gardes vierges, une garde portant un ex-bris manuscrit d'Arthur de la Borderie et un cachet BMB au coin inférieur droit, une garde verso vierge, et enfin la première page du texte proprement dit qui est la page de titre. Celle-ci sera suivie du Privilège, de la table , puis du Prologue.

 

La garde verso porte la mention Paris Galliot du Pré 1514, édition originale, rarissime Cat. Morgand n° 27939 1898, rel. anc. veau   1000 F or. En haut à gauche se lit une cote à demi effacée I D 3569 (?).

 Le catalogue Morgand fait référence à Damascène Morgand, auteur de catalogues de bibliophilie avec Charles Fatout à la fin du XIXe siècle, et du catalogue de leur librairie. Ces catalogues sont consultables en ligne "BULLETINS DE LA LIBRAIRIE MORGAND (1876-1904) 10 volumes - 10.000 pages - plus de 75.000 notices de libraire à prix marqués - une des plus grandes librairies parisiennes de la fin du XIXe siècle."

 

Sur la garde recto a été inscrite la liste des 20 bois gravés.

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DSCN7598c.jpg

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Ex-libris manuscrit d'Arthur de la Borderie :

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3. Page de titre.

 

  Celle-ci comporte le tampon de la Bibliothèque Municipale de Brest et deux autres ex-libris où on déchiffre "Bibliothèque de M. G. Ripery".

 On ignore tout de ce bibliophile, dont le nom apparaît sur un ouvrage passé chez Sotheby's (Imperatorum romanum de Jacques de Bie).

 La gravure représente l'écusson de Bretagne d'hermine plain surmonté de la couronne ducale et soutenu par deux anges, avec deux fleurs (h : 71 mm x larg. 93 mm).

Texte : " L [lettre ornée]es grãdes Croniques de Bretaigne, nouvellement imprimees à Paris, tant de la grande Bretaigne depuis le roi Brutus, qui la conquist et la appella Bretaigne, jusques au temps de Cadualadrus, dernier roy breton dicelle grande Bretaigne ensemble tous les aultres bretons y estant furent contraint lors de habandonner pour les pestilences de maladie qui y sourvindrent que lors les angloys de Saxonie y vindrent habiter et la nommerent Angleterre. Que aussi de nostre Bretaigne de present, depuis la conqueste du roy conan meriadec breton, qui lors estoit appelle le royaulme darmorique, iusques au temps et trespas de françois II de ce nom, duc de Bretaigne, dernier trespasse.. esquelles cronicques est mencion faicte daucuns notables faiz advenuz es royaulmes de france, Dangleterre, Despagne, Descosse, Darragon et de Navarre, es Allemaignes, es Itales, en Lombardie, en Tartarie, en Ihierusalem, et aillieurs... Imprime à Paris par la permission de treshault  tres excellãt tres puissãt et treschrestian prince Loys.xii. de ce nom roy de france  aux despens, fraiz et mises de Galliot du pre demourant a paris tenant sa boutique en la grant salle du palays au second pillier auquel led. seigneur a p(er)mis les faire imprimer co(m)me appert par ces lettres patentes estant au premier fueillet de ce livre."

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4. Description bibliographique par Arthur de la Borderie.

Source  déjà citée: Étude bibliographique sur les Chroniques d'Alain Bouchart (1514-1541) par Arthur de la Borderie, Rennes,1889.

  "Édition à longues lignes. Format petit in-folio carré ou court, assez semblable d'aspect à notre grand in-8 jésus, quoique un peu plus large. Hauteur du texte 201 mm, largeur 129. Avec les marges, l'exemplaire de la Bibliothèque nationale (coté L²K 42) mesure en hauteur 263 mm, en largeur 188. Nous en possédons un qui va à 268 mm hauteur et 189 mm largeur.

  "La page de texte n'a pas 42 lignes, comme le dit M. Baron du Taya, mais 41. Quelques pages longues seulement vont à 42.

  " De même, le volume n'a pas 350 feuillets chiffrés, outre les 16 ff. chiffrés de titre et de table [...] En réalité ce livre comprend 16 ff. liminaires non chiffrés et 322 ff. formant le corps de l'ouvrage, tous chiffrés sauf les deux derniers soit en tout 338 ff. au lieu de 366. Quelques exemplaires en ont 339, par suite de l'intercalation d'un feuillet non chiffré entre le 24ème et le 25ème cahier du corps de l'ouvrage ou, si l'on veut, entre le f. chiffré CXLVI et CXLVII.

  " Le premier des feuillets liminaires non chiffrés est occupé au recto par le titre et au verso par le privilège. Les 15 autres feuillets liminaires sont remplis par la table. Ces 16 ff. liminaires se partagent en trois cahiers signés Aa, Bb, Cc, les deux premiers de six folios chacun, le dernier de quatre.

  "Le corps de l'ouvrage se comporte de 53 cahiers, tous de six ff. chacun, sauf le premier et le dernier qui ont 8 ff. chacun. Soit, comme nous l'avons dit, 322 feuillets. Ces cahiers sont signés comme suit : a,b,c,d,e,f,g,h,i,k,l,m,n,o,p,q,r,,s,t,u,v,w,x,y,z, 7*, 2*,_ A,B,C,D,E,F,G,H,I,K,L,M,N,O,P,Q,R,S,T,V,_ aa,bb,cc,dd,ee,ff,gg,hh.

[*Les chiffres 7 et 2 remplacent, à défaut de caractères spéciaux, les abréviations de l'alphabet  gothique représentant respectivement la conjonction et et la syllabe initiale com.]

"Pour les 41 premiers de ces cahiers, la chiffrature des feuillets ets assez exacte. Il s'y trouve prés d'une vingtaine d'erreurs, mais ces erreurs sont réparés et annulés dans la chiffrature des feuillets suivants [...]

   "Le premier livre commence par le prologue de l'auteur, au premier feuillet, qui n'est point chiffré, non plus que le 2e ; le second livre commence au f. xlv verso ; le tiers livre au f. xcvιι recto ; le quatrième, aussi appelé le quart livre, au f. cxlι verso et il va à la fin de l'ouvrage dont il forme à lui seul plus de la moitié."

  Plus loin : " Le papier de cette édition est beau, blanc et fort. Le tirage, très noir, est généralement très net. toutefois on y a employé deux caractères, qui se ressemblent beaucoup, mais dont l'un semble tout neuf et l'autre un peu usé, celui-ci moins net par conséquent, moins beau au tirage ; en outre, le plus neuf a un aspect plus allongé, plus délié. On voit surtout la différence des deux caractères quand ils sont employés en regard l'un de l'autre, par exemple au f.146 recto et au verso précédent, au f.170v et 171r, 314v et 315r, 319v et 320r,,etc... Il y a aussi quelques feuillets d'un tirage médiocre, tantôt trop maigre, plus souvent trop gras, parfois jusqu'à la bavure, entre autre aux ff.322r et 325v. "

 

Un exemple : la table (signature Aaii) : le texte de la table est disposé, à la différence du texte principal, en deux colonnes.  La mention folio eodem signifie "même feuille", "sur la même page".

  Tabula. Sensuyt la table de ceste presente cronicque de bretaigne contenant quatre livres : pour plus facillement trouver les matieres contenues en icelle selon le nombre des fueilles.

  P : Lettrine ornée d'une fleur.

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      Les caractères typographiques.

  Je donnerai un exemple tiré du prologue : ce n'est pas un pangramme (il manque les lettres k, j et w, mais on ne lit pas ici "Portez ce vieux whisky au juge blond qui fume" !).

      Il s'agit d'une typographie gothique dite "bâtarde française", qui reproduit l'écriture manuscrite cursive de l'époque, et qui est employée par les imprimeurs français pour les textes en français alors qu'ils réservent la rotunda (ou lettre de somme) pour les livres en latin traitant de théologie, de droit ou de philosophie. Ils n'abandonneront la gothique au profit des caractères romains et italiques (développés par Jenson en 1470, Alde Manuce en 1495, Garamond en 1535) qu'à partir de 1530. La bâtarde se caractérise par ses a fermés et par ses  ascendantes et descendantes longues terminées en pointes. Je note aussi la façon dont les hastes montantes des b, h et l forment des boucles, les lettre f, ∫ et h qui descendent sous la ligne de pied, les majuscules au fût doublé et ornées, comme le L, d'une petite queue. Il y a deux sortes de n et de m, car lorsqu'elles trouvent place en fin du mot, ces lettres se prolongent d'un trait de fuite. Il y a aussi deux lettres d différentes ( commande et commandement)

 On la comparera à l'écriture de cet Ovide de 1491, ou à cet exemple  de la BM de Chateauroux.

  Sa hauteur est de 2,3 mm et s'étend dans un cadre de justification de 208 x 129 mm.

  Les abréviations sont le tilde, la conjonction et (abréviée par une sorte de r), la forme a~ps pour "après",  terminaison en -us (no9 pour "nous", bru9 pour brutus), la forme l~res pour "lettres", p~senter pour "présenter", le p au jambage barré (ici, bifide) transformant psonne en "personne". Enfin citons l'abréviation du mot défunte (la deffud' dame royne).

La ponctuation ignore la virgule, mais utilise le point et le deux-point, ainsi que la barre oblique là où nous employons le point ou pe point-virgule. Les ligatures ne sont pas employées. Les majuscules sont placées devant le point ; elles sont employées parfois au début du prénom mais ne le sont pas devant les noms propres ou les noms de lieux, avec des exceptions complexes.

  L'encre ne s'est pas altérée et n'a pas bavé.

  Enfin, mais ce n'est pas visible sur cet exemple, les alinéas sont rentrant.

   L'ensemble est agréable à lire, sans peine pour le lecteur.

 

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5. Privilège pour ce présent livre.

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  Il est placé au verso du titre et est donné in extenso. On y note la mention du décès d'Anne de Bretagne, survenu le 9 janvier 1514.

À une époque où le marché du livre se développe rapidement, en particulier depuis le début du XVIe siècle, les droits exclusifs  sur une publication semblait être, comme dans tous les l'Europe, les moyens les plus évidents pour protéger ce nouveau marché et de ses protagonistes, imprimeurs et des libraires, mais aussi des auteurs .

Le premier privilège royal fut obtenu auprès de Charles VIII pour l'Avicenne de Jean Treschel, de Lyon, sur intervention de Jacques Ponceau, premier médecin du roi. Dans un monde où la liberté d'imprimer et publier était encore la règle, avant le développement de la censure, la demande d'un monopole royal précieux devait être fondée sur des raisons simples: celles notamment économiques, c'est-à protéger les investissements dangereuses impliquées dans ce nouveau métier, surtout si ces risques financiers ont été prises afin de publier des livres utiles et intéressantes pour les sujets du roi. Par conséquent, les privilèges n'ont pas été admis comme une reconnaissance d'un droit préexistant, et devait, en particulier, être limités dans le temps. Le privilège était attribué pour trois ans. Dès le terme échu, en 1518 Michel Antier un éditeur concurrent établi à Caen a fait paraître une nouvelle édition des Grandes Croniques, version surtout destinée selon A. de la Borderie à un bénéfice commercial au détriment de la qualité du papier, de l'impression ou des gravures afin "de couper l'herbe sous le pied de Galliot du Pré, qui avait certainement encore des exemplaires à vendre". Pris de cours, Galliot du Pré ne fit paraître une nouvelle -très belle-édition qu'en 1531.

 

"Loys par la grace de dieu roy de france au prevot de paris ou a son lieutenant et a tout aultres justiciers ou à leurs lieutenant salut de la partie de nostre bien ame Galliot du pre marchant libraire demourant a Paris nous a humblement este expose qu il a intention de brief faire imprimer ung livre des histoires de bretaigne de tous les princes qui ont este iusque au temps du Duc francoys de bretaigne dernierement faictz a l honneur et louenge de feue nostre tres chere et tres amee compaigne la reyne que dieu absoulle mais il doubte quil ne peust ou offast ce faire sans noz conges et licence. A ceste cause nous a iceluy exposant faict supplier et requerir que nostre plaisir soit luy permettre ce faire et que inhibitions et deffences soient faitz a tout aultres quels quil soient de ne les pouvoir imprimer iusqu a troys ans perchais venant a compter du jour et date de ces presentes a ce que leditcs exposant  puisse etre recompense de ses paynes labeurs coutz et mises quil luy conviendra faire a faire imprimer et corriger yceulx livres Requerant sur ceux luy octroier noz lettres sur ce convenables Pour ce est il que nous ces choses consideres vous commandons et commettons et a chacun de vous si comme a luy appartiendra que vous permettez et souffrez audit exposant et auquel nous avons permis et souffert de grace especial par ces presentes quil puisse et luy loyse faire imprimer touttefoyss que bon luy semblera ledit livrez Et a ce faire souffrir  et obeir  contraignez et faites contraindre royaulement et de fait tous ceux qu il appartiendra et qui pour ceux feront a contraindre toutes loys et manieres devez et raisonnables Et faisant ou faisant faire sur ce expresse inhibition et deffence de par nous sur grans peines a nous a appliquer a toutes manieres de gens de quelque estat  ou condition que ilz soient quilz naient a imprimer les dites lutres iusque a ce que le dit temps de troys ans soit expire et passeret en cas de debat les dites inhibitions et deffences tenant et a ce contraignez tous ceulx qui pour ce feront a contraindre /non obstant oppositions ou appelations quelzconques faitz ou a faire et sans preiudice dicelles pour lesquelles ne voulons estre differer faicte et administrez aux parties ouyes raison et iustice : car ainsi il nous plaist estre faict nonobstant comme dessus et lettres subreptices a ce contraires. Donne a paris le .vi.iour de may mil cinq cent et quatorze et de nostre regne le dix septieme.

  C Par le roy Maistre pierre de la vernade  chevalier maistre des requestes ordinaires de lostel : et autres presens. Et sygne Geuffroy    "

 

n.b : Pierre de la Vernade, seigneur de Brou et de Théméricourt, décédé en 1532, était effectivement Maître des requêtes de l'hôtel ordinaire du Roi et conseiller d'État sous Louis XII. Alain Bouchart occupa aussi cette fonction, qui amenait à juger souverainement en matière de sceau, de la librairie et de l'imprimerie.    

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6. Le prologue.    

Voir article à suivre consacré à ce prologue.

 

7. Les bois gravés.

  (Le premier livre imprimé illustré par des bois fut un Missel publié en 1481 par Pasquier Bonhomme et Jean du Pré.) 

  Les auteurs des bois gravés du XVIe siècle sont le plus souvent anonymes car considérés comme des artisans et non comme artistes.

  Comme l'indique leur inventaire dressé (par A. de la Borderie ?) à la mine de plomb, l'édition comporte 20 bois, dont plusieurs sont répétés, ce qui porte à treize le nombre de bois originaux. Sur les treize, trois sont des réemplois [l'Annonciation, la Nativité et sainte Catherine ?] et dix  ont été réalisés spécifiquement pour elle.

  Parmi les treize bois originaux, il est remarquable, pour des Chroniques à visée historique, que six d'entre eux ont un sujet religieux. C'est dire la place du sacré dans l'étayage d'une dynastie nouvelle (celle des Montfort) et dans " la défense et l'illustration du pays et de toute la nacion de Bretaigne" (J. Kerhervé, citant l'épilogue d'Alain Bouchart). C'est dire aussi, puisque le point de départ de cette étude est le récit de la passion des Dix mille martyrs qui se trouve dans ces  Grandes Croniques, combien hagiographie et historiographie se mèlent.

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I. Écusson de Bretagne : voir page de titre. On le retrouve aussi à la souscription, et au folio 135.

  Ces Grandes croniques représentent la première histoire de la Bretagne.

DSCN6105c.jpg

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II. Alain Bouchart à son pupitre de travail. f.1, 135x118 mm.

   Cette représentation de l'auteur au travail est classique ; l'éditeur lyonnais Trechsel représentait de façon très proche en 1493 Guy Jovenneaux rédigeant son Térence (Histoire de l'Imprimerie p. 67) ; ou encore Michel le Noir montrait en 1501 Jean de Guerson à son pupitre , et surtout Pierre le Baud, le chroniqueur breton, représenté de face écrivant le début de ses Compilations et croniques dans une édition de 1505.

Alain Bouchart, coiffé du bonnet carré,  est assis à son pupitre, écrivant ses Chroniques de Bretagne, dans une chaire en bois à dais et dossier sculptés ; prés de lui, sur le pupitre, son encrier et son canif. Tout autour de lui, des livres, et sur la base du pupitre, l'écusson des Bouchart, d'argent à trois dauphins pâmés de sable, 2 et 1. Le tout encadré dans un P majuscule de la plus grande dimension, formant l'initiale de POVR, premier mot du prologue de l'auteur.

  On notera néanmoins que l'auteur n'est pas nommément désigné dans l'ensemble de l'ouvrage; il ne le sera que dans l'édition de 1531, après son décès.

 

Alain Bouchart appartient à la petite noblesse bretonne de la presqu'île de Guérande, dont le fief est Kerbouchart (Batz). Un Nicolas Bouchart fut amiral de Bretagne en 1365 et participa à la bataille d'Auray.

Wikipédia : "Alain Bouchart (ou Bouchard) (avant 1478 à Batz-sur-Mer - <1530 à Paris) est un chroniqueur breton de langue bretonne. Son nom apparaît pour la première fois en 1471 dans un aveu de Guérande comme notaire. Il participe comme capitaine d'un baleinier à un acte de piraterie envers un groupe de bateaux de commerce génois, allemand et espagnol.

Juriste, il est secrétaire de la Chancellerie du duc François II en 1484, En 1485, il collabore avec son frère Jacques Bouchart à l'édition de La Très ancienne coutume de Bretagne. En 1488, il est maître des requêtes. En 1489, il participe à l'ambassade envoyé par Anne de Bretagne à Charles VIII dont les troupes sont victorieuses en basse Bretagne. En Novembre 1489, il reçoit un sauf-conduit de Anne de Bretagne pour se rendre aux États à Redon, ce qui indique qu'il fait partie des partisans du Maréchal de Rieux. En Septembre 1491, il reçoit 100 Livres de Charles VIII de France sans doute dans le but d'influencer un des conseillers d'Anne. Le mariage aura lieu, le 6 décembre 1491. En 1494, il est conseiller du roi de France Charles VIII, il est marié à  [Marie] de la Fremierre et demeure en la Seigneurie de Vaux-le-Vicomte qui lui appartient en partie. Il est ensuite avocat au parlement de Paris. En 1496, veuf il se remarie avec Jeanne Le Resnier, il est qualifié de conseiller au Grand Conseil avec un Jehan Bouchard. En 1498, après la mort de Charles VIII, la reine Anne revient à Nantes, Alain a du suivre la Reine puisqu'il apparaît dans une enquête d'information à Varades en Novembre 1499.  En 1504-1505, il est cité à comparaître à plusieurs reprises dans le procès où s'affrontent Anne de Bretagne et Pierre de Rohan-Gié (Maréchal de Gié) pour crime de lèse-majesté. Il se dérobe à cette citation par le Maréchal de Gié.

Il publie les Grandes Chroniques de Bretaigne, premier livre imprimé d'histoire de Bretagne, qui a connu cinq éditions, de 1514 à 1541. L'imprimeur déclare en 1531 que l'auteur n'est plus."

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On connaît, par une vente chez Sothesby's en 2002 son Livre d'Heures (Jean-Luc Deuffic, blog pecia)

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III. Prise du Capitole à Rome par Brennus, f.9v, 186 x120 mm

   Illustration du chapitre XXIV : Comment Romme fut assiégé par Brenus et comment il fist pendre et estrangler les hostages devant Romme, et puis, par l'ayde de Belinus, Romme fut prinse et peillée, et du chapitre XXV Comment le Capitolle fut assiégé et comment les dames qui dedens estoient tondirent leurs cheveulx et les baillerent pour refaire les cordes des arbalestres de la place, laquelle fut prinse depuis par composition . 

 Les noms des chefs bretons Brenus et Belinus sont inscrits, ainsi que les noms de lieux Romme et Capitolle ; l'oriflamme frappée d'hermine est visible. Des corps sont pendus à des potences horizontales au fond. Cela se rapporte au récit légendaire des rois de Grande Bretagne par Geoffroy de Monmouth, Historia regum Britanniae (v1135) dans lequel Belin le Grand et son frère Brenne se rejoignent en Italie pour assiéger Rome.

Belinus porte une tunique frappée d'hermines. Je ne vois pas les femmes qui coupent leurs cheveux, une seule femme est visible, coiffée d'un bonnet, au sommet de la tour...mais je remarque par contre huit oies, dont chacun comprendra la présence.

 

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IV L'Annonciation. f.19., 145 x 122 mm
 
Après un chapitre XLI consacré à la Nativité de la Vierge et un chapitre XLII racontant la présentation au temple de Marie par Anne et Joachim, un troisième chapitre religieux (tous les autres étaient consacrés à l'histoire des rois de  Bretagne depuis la fondation de Troie) XLIII porte le titre De l'incarnation de Nostre Saulveur Jésus et des bénéfices que nous avons par son sainct avénement.
 
Inscription aave gracia plena d(omi)n(u)s tecum.
  A. de la Borderie suppose que cette gravure, comme la suivante, n'a pas été sculptée pour cette édition mais a été emprunté à quelque missel, ce qui semble très convaincant.
 
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V. Naissance de Notre-Seigneur, f.20v, 145 x 122 mm.
  C'est une représentation de la Nativité devenue classique à l'époque, où la Vierge et Joseph sont à genoux devant le Christ, lequel est couché sur le manteau de Marie ; Joseph, barbu et portant une canne, est plus présent que dans les Nativités antérieures, et il tient une bougie, symbole du Christ comme Lumière, comme dans l'œuvre de Robert Campin de 1425. Ces éléments iconographiques sont apparus après la description de la nativité dans les Meditationes de Vita Christi du Pseudo-Bonaventure (1300) et les Revelationes de Brigitte de Suède (1303-1373). C'est ce stéréotype que reprend Bourdichon pour sa splendide enluminure du Grand livre d'Heures d'Anne de Bretagne.
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VI. Sainte Catherine, f.37v, 95 x 70 mm.
 
La légende de sainte Catherine fait l'objet des chapitres LXXVIII à LXXXI, (...Et comment Maxence fist mourir par martyre madame saincte Katherine en Alixandrie, cité en Égypte...)    accompagnant l'histoire de Constantin le Grand, roi de Bretagne, et de l'empereur Maxence, responsable de la mort de Catherine.
  Ce récit forme avec celui de la légende de saint Maurice au chapitre LXVIII (Comment saint Maurice et ses compaignons furent martyrisez), et avec celui des Dix mille martyrs, les trois seuls récits de martyrs de l'ensemble de cette Cronique; associés aux chapitres consacrés à sainte Sophie, sainte Hélaine (LXXIII-LXXV) et à saint Pierre et enfin aux saints Germain et Loup (Livre II, XXVIII), et à la canonisation de Vincent Ferrier (CCXXXI) ce sont les seuls récits hagiographiques. Cela souligne leur importance, leur place très singulière dans la représentation imaginaire de l'Histoire.
La sainte est représentée nimbée et couronnée, portant ses attributs, la roue par laquelle on voudra vainement la torturer, et l'épée de sa décollation.
  Le bois est jugé par A. de la Borderie " médiocre, mis là par mégarde, tout-à-fait au dessous des autres "
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VII. Les  saints de Bretagne, f. 45 et 322,  186 x 120 mm.

Treize saints sont représentés, tous (sauf un) portant l'hermine:

  • Saint Gicquel, avec couronne, sceptre, épée
  • Saint Salomon avec couronne, sceptre, main de justice
  • Sainte Hélaine avec couronne, sceptre, croix en T.
  • Saint Donatien avec couronne et palme du martyre
  • Saint Rogatien avec couronne et palme du martyre
  • Sainte Ursule avec couronne, palme et flèche de son martyre
  • Les "Sept saints de Bretaigne" : Samson, Malo, Brieuc, Pater, Corentin, Tudual, Paul, tous en tenue d'évêques avec mitre et crosse. Samson, évêque de Dol, tient la croix d'archévêque, et selon La Borderie, "tous les autres, sauf st Patern, tournés vers lui reconnaissent leur métropolitain". (on sait pourtant que le siège de Dol ne fut pas reconnu, en 1209, comme métropolitain par l'archévêque de Tours).

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      VIII. Arthur et Flollo f. 64, 182 x 120 mm.

  Les hauts-faits du roi Arthur font l'objet des chapitres LXVI (son couronnement) à CI (sa mort). La présente gravure appartient au chapitre LXXVIII, Comment Artus passa la mer pour conquérir les Gaulles, et comment Nostre Dame luy couvrit d'ermines son escu, lorsqu'il combatoit Flollo en l'isle de Paris.

  Le récit, qui contient une explication de la présence des hermines bretonnes, étant peu connu, j'en donne la relation (selon l'édition de 1886) en modernisant le texte:  

   "Tantôt aprés passa Arthur la mer avec sa compagnie esparties en Gaule laquelle il dégasta moult. La Gaule était alors en l'obéissance des romains, et un tribun de Rome nommé Flollo qui était païen en  était gouverneur . L'empereur Léon, premier de ce nom, l'y avait commis et il y avait en Gaule douze royaumes qui étaient sous l'obeissance des Romains, sauf le royaume d'Armorique appellé alors Petite Bretagne dont Hoël était roi. Flollo fut averti de la descente d'Arthur et voulut le combattre avec moult grande compagnie de Gaulois, mais Arthur avait toujours la victoire pour la grande abondance de jeunes hommes qui le fuyaient, et aussi que pour sa libéralité il avait déjà acquis  sans coup férir la plus grande partie des princes de toute la Gaule. Flollo voyant que ce serait chose dangereuse de s'en tenir aux champs, se retira avec les gens d'armes en la cité de Paris, laquelle cité il fortifia comme ce   lui fut possible.  Arthur vint assiéger Paris et s'y tint le temps d'un mois. Flollo voyant que les vivres lui manquaient fit offrir à Arthur qu'il voulait permettre de départir toute cette guerre entre Arthur et lui, et celui des deux qui aurait la victoire serait souverain de la Gaule. Flollo se fiait en sa force car il était beaucoup plus haut qu'Arthur, et était une sorte de géant d'une force et d'un courage merveilleux. Arthur lui octroya ce qu'il requérait et lui manda qu'il s'y consentait et lui demanda qu'il s'apprêtât.  Les princes fournirent les plèges et cautions de chaque part et convinrent du lieu en l'île qui est appelée à présent l'île Notre-Dame à Paris, lieu dans lequel ils se trouvèrent convenablement armés et étaient si vaillants l'un et l'autre qu'il était bien difficile de juger lequel des deux triompherait. Leur premier combat fut à la lance dont ils firent moult belles armes, et puis ils combattirent à la hache, mais Flollo atteignit si durement Arthur au front qu'il tomba sur les genoux et du coup fut très ébranlé car le sang qui coulait de la plaie lui aveuglait les yeux. Il plaçait toute son espérance en la Vierge Marie Mère de Dieu, laquelle Vierge comme le dit le Memoriale Hystoriarum apparut alors auprès d'Arthur et de l'envers de son manteau qui semblait être fourré d'hermines lui couvrit  son écu l'envers dehors, ce dont Flollo fut moult effrayé et de cette vision il perdit la vue. Arthur qui n'avait pas vu la vision reprit courage et se releva et de son épée nommée Caliburne donna tel coup à Flollo dessus la tête qu'il lui fendit le front dont il tomba et de ce coup rendit l'esprit sur le champ. 

  A cette cause dès lors Arthur averti de cette vision prit les hermines pour ses armes. Et pour cette cause les rois et princes de Bretagne ont depuis porté et portent encore en leurs armes les hermines."

 

On voit deux armées qui s'affrontent, l'une sous l'étendard à l'aigle bicéphale, l'autre sous un étendard à trois couronnes. ARTUR, qui porte ces armoiries aux trois couronnes, plie le genou devant le géant FLOLLO, mais Marie, dans des nuées, tenant le Christ au nimbe crucifère, place la doublure d'hermine de son manteau sur l'écu, qu'elle escamote ainsi.

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IX. Écusson de Bretagne soutenu par deux lions et surmonté d'un heaume au lion entre deux cornes d'hermines. f. 96v, 144r, 228, 229v et  305; 134 x 120mm.

  On reconnaît ici les armoiries supportées par deux lions d'or, surmontées du chapeau de gueules, rebrassé d'hermine, sommé d'un lion arrêté d'or, assis entre deux cornes pointues d'hermine, qui sont celles du duc Jean IV (1364-1399) ou qui sont plus généralement les armoiries ducales entre 1316 et 1514.

   Wikipédia :Jean IV de Bretagne

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X. Le Duc de Bretagne en son Parlement, F. 112v, 237v, 286, 301v, 309, 182 x 120mm.

      Chapitre Comment le duc Alain quatriesme crea premierement les sieges de la justice et du Parlement de Bretaigne.

  On voit deux rangées de 9 personnages assis de chaque coté, et parmi ceux de gauche 6 portant une étoffe noire sur les épaules ; au centre, assis sur un trône, un personnage coiffé d'un bonnet et tenant une couronne. J'en ferais volontiers le duc lui-même, s'il n'y avait le personnage debout, tenant sceptre et main de justice, couronné, vêtu d'hermines. Enfin, devant eux, seize personnages assis, coiffés du bonnet doctoral, soit un total de 36 personnages.

  Le Parlement de Bretagne, réorganisé en 1492, tint sa première cession en 1493, composé de 8 conseillers ecclésiastiques, de 12 conseillers laïcs et de 2 présidents, Jean de Ganay et Roland du Breil. Une ordonnance de 1495 en fixe la réunion du 1er septembre au 5 octobre de chaque année, et le lieu en est fixé à Vannes par ordonnance de 1500. En 1512, le président devient Maure de Quenec'hquivilly.

  La gravure, dans ce livre d'histoire, n'est pas censée décrire le Parlement tel qu'il était en 1514, mais le Parlement des ducs, constitués de 22 conseillers, et dirigé depuis 1380 par un Président, ou encore les Cent Jours créés par le duc François II en 1485.

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      XI. Écusson de Bretagne soutenu par deux anges ; arbre auquel est suspendu un écu dépourvu d'armoiries. f. 135r.

 

 

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XII Saint Yves et le pauvre, f. 146 bis, 118 x 182mm.    

  La gravure illustre le chapitre XX du "Tiers Livre", "De monseigneur sainct Yves confesseur qui fut en ce temps".

La planche de saint Yves n'existait pas à l'origine dans l'édition de 1514, elle est gravée au recto d'un feuillet non chiffré intercalé entre le 24e et le 25e cahier du corps de l'ouvrage, entre le f. 146 et le f. 147; au verso de ce feuillet intercalaire on a reporté , sauf trois lignes, toute la composition du f. 146verso, en sorte que, sauf ces trois lignes terminant le chapitre commencé au recto, le verso du feuillet 146 reste vierge. Dans les exemplaires, assez nombreux, de l'édition de 1514 où l'on n'a pas ajouté le feuillet intercalaire et la planche de saint Yves, le feuillet 146 verso est au contraire aussi chargé d'impression que les autres pages. 

  La planche est décrite ainsi par Arthur de la Borderie : " Saint Yves debout, dans son costume d'ascète, avec la housse (manteau fendu sur le coté), la cotte à larges manches, le capuchon rabattu, la bible à la main : le tout conforme au costume du saint décrit dans l'enquête originale de sa canonisation, sauf le bonnet dont le dessinateur l'a affublé à tort alors que l'enquête ne lui donne d'autre coiffure que le capuce de son chaperon."
  On sait peut-être que ce thème de la coiffure et du costume de saint Yves tient à cœur  Arthur de la Borderie, qui avait consacré à l'iconographie du saint l'article suivant : Rétablissement du tombeau de saint Yves : projet de note pour les artistes bretons, L.Prud'homme, Saint-Brieuc, 1885, pp. 18-27, et qui avait écrit ailleurs : " de l’étude des quatre images de Saint Yves les plus anciennes connues, de leur rapprochement avec les données fournies par l’Enquête de Canonisation, il se dégage nettement le seul costume historique vrai qu’on puisse donner à notre Saint, sous peine de faire, de ses prétendues effigies, un recueil de travestissements grotesques et mensongers, qui n’auraient plus désormais comme ils l’ont eu jusqu’ici, l’excuse de l’ignorance et de la bonne foi".  Certains fabricants de statues de l'époque (Cachal-Froc) l'avaient mal pris. Car Arthur de la Borderie distinguait le costume d'official du costume d'ascète (porté semble-t-il peu avant qu'il ne devint recteur de Louannec), le premier composé d'une cotte (tunica) d'un surcot (super-tunicale), d'un surtout appelé housse, d'un chaperon et de bottes. Ce qui distinguait surtout les deux tenues, c'était la couleur et la qualité de l'étoffe. Pour tous ses vêtements, Yves préférait au fin drap perse que lui avait donné l'évêque un gros drap de bureau blanc de bon marché qui se fabriquait dans le pays de Léon ; il préféra aux manches serrées et boutonnées de sa cotte des manches larges et ouvertes, et à ses molles bottines ou "estivaux" de gros souliers fixés à la jambe par des courroies. Et il rejeta les fourrures dont étaient garnies toutes les pièces d'habillement composant  la robe fournie par l'évêque de Tréguier.

  Dans ce combat pour défendre la réalité de l'ascétisme d'Yves Hélory contre les riches tenues dont les marchands paraient ses statues, nul doute que Arthur le Moyne de la Borderie s'est senti conforté en découvrant cette gravure, même si le bonnet de clerc était, à son idée, contestable.

  Je reprends ma copie du texte de la Borderie : " A droite du saint, un homme du peuple lui tend un sac de procès, sans-doute pour supplier "l'avocat des pauvres" de défendre sa cause. Suivant un usage fréquent dans l'art du Moyen-Âge, le saint, déjà entré dans la gloire puisqu'il est nimbé,  a dans cette image une taille nettement supérieure à celle du commun des mortels : si le pauvre qui l'implore se relevait et se redressait de toute sa hauteur, le sommet de sa tête n'atteindrait pas à l'épaule du saint. "

  Le président de la Société des Bibliophiles bretons n'oublie qu'une chose dans sa description, qui est le placet que saint Yves tient dans la main droite.

 

  Une interprétation de la présence, dans ce livre commanditée par Anne de Bretagne, de l'official de Tréguier est proposée par Jean-Marie Gillouët dans son article iconographie de saint Yves et la politique dynastique des Montfort à la fin du Moyen Âge, Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest , 2000, Volume   107, pp. 23-40  en ligne sur Persée . L'auteur montre que "loin d'être la figure bretonne que célébrera l'historiographie moderne des XVIIe et XVIIIe siècles et, à sa suite, les auteurs du début du [XXe] siècle, le saint de Kermartin apparaît bien au contraire issu de l'importation dans le duché et de l'appropriation par les Monfort (au premier rang duquel se tient bien-sûr Jean V) des pratiques monarchiques capétiennes.", puis il précise que les chroniqueurs bretons du XIVe - XVe siècle n'attribuent qu'une place modeste (ou pas de place du tout) à saint Yves dans l'établissement de l'identité bretonne, les trois pages des Croniques d'Alain Bouchart étant à cet égard exceptionnelles (Pierre le Baud, prédécesseur de Bouchart, lui consacrant onze, quinze et zéro lignes respectivement dans ses deux Histoire de Bretagne et sa Compilation des croniques).

  Canonisé par une bulle de Clément VI le 19 mai 1347 grâce aux démarches de Charles de Blois (l'ennemi des Montfort lors de la guerre de succession) qui lui vouait une dévotion particulière, saint Yves verra son culte récupéré (timidement ?) par les Montfort sous le règne de Jean V.

La présence d'une gravure représentant saint Yves, mais ajoutée "après-coup" dans l'édition d'Alain Bouchart, montre les ambiguïtés de la place de ce saint ; de fait, ce ne sera qu'en 1924 qu'il sera nommé par Pie XI co-patron avec sainte Anne de la Bretagne et des bretons.

 

 

N.B Saint Yves n'apparaît pas dans le grand livre d'Heures d'Anne de Bretagne, qui inclut pourtant dans ses suffrages une douzaine de saints et saintes, mais aucun saints "bretons".

 

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      XIII. La bataille d'Auray. f. 172v, 120 x 182 mm

Livre Quatre, chapitre LXXXVII, Le commencement de la bataille d'Aulray, et chapitre LXXXVIII, Comment, après la bataille les coprs morts furent recueilliz et enterrés.

  La bataille d'Auray (29 septembre 1364) est la dernière bataille de la guerre de succession de Bretagne, guerre régionale qui s'inscrit dans la rivalité franco-anglaise de la guerre de Cent Ans. Elle oppose une armée anglo-bretonne aux ordres de Jean IV de Montfort à une force franco-bretonne soutenant le parti de Charles de Blois.

 La position d'Auray, dont on voit les remparts et le château, est indiquée par la mer et un navire. Deux armées s'affrontent,  mais Jean de Montfort (inscription Mo(n)tfort), couronné, à cheval, revêtu de la tunique d'hermines, domine Charles de Blois (Cha. de Bloys), également couronné et vêtu d'hermines, mais terrassé. Charles de Blois fut renversé d'un coup de lance avant d'être achevé par un soldat anglais.

Si le croissant que l'on voit sur un écu de la troupe de Charles de Blois correspond aux armoiries de la Maison de Cornouailles (Hoël II, 1066-Berthe 1156), c'est alors un croissant de gueules. Mais celui-ci apparaît entre deux fasces ; je ne trouve que les armoiries de la famille Meschinot (d'azur à deux fasces d'argent au croissant de même ), ce qui n'est pas satisfaisant.

 

  La présence en arrière-plan d'un navire prend toute son importance si on lit la description de la bataille sur Wikipédia (je souligne) :" Au début de 1364, après l'échec des négociations d'Évran, le jeune Jean IV de Bretagne, fils de Jean de Montfort, vient attaquer Auray avec l'aide de l'Anglais John Chandos, aux mains des Franco-Bretons depuis 1342. Il entre dans Auray et assiège le château que bloquent par mer les navires de Nicolas Bouchart en provenance du Croisic."

 Voilà ce que dit le texte f. 170v :

" Messire Jehan conte de monfort acampaigne de messire Robert canolle messire Gaultier huet messire Mathieu de gournay et plusieurs autres tenoit le siege devant le chasteau d aulray ouquel chasteau les gens de messire charles bloys estoient (.) et y avoit ung bon nombre de navires du havre de croisic que avoit amenez messire Nicolas bouchart qui lors estoit soubz le dict de monfort admiral de bretaigne lequel avecques les navires tenoit le siege devant la place contre les gens de Charles de bloys."

 f 171r "Quand monseigneur le conte de montfort fut adverty de leur venue il escripsit en diligence ces nouvelles en la duche dAcqitaine a messire jehan chandos et autres chevaliers d angleterre qui y estoient  en leur priant cherement qu ilz le voulsissent venir ayder et conforter lesquelz par le congie du prince de galles qui estoit en guyenne vindrent en Bretagne et se rendirent par mer devant aulray avecques l armee que l admiral Nicolas bouchart y tenoyt pour monseigneur le conte de montfort lequel fut moult ioyeulx de leur venue."

f 174v : "Chapitre XC le conte de montfort se retira apres sa victoire se retira au croisic et permist a son admiral messire Nicolas bouchart y edifier un chasteau." 

"... Ce fait, le conte de monfort se retira en la ville du croisic et la se estoit par mer rendu son admiral messire Nicolas bouchart auquel le conte de monfort ordonna qu il fist faire quelque chastean et forte place  au croisic ce que ledit messire Nicolas bouchart fist faire bien voulentiers pource qu il estoit natif dudit croisic et y fist edifier le chasteau qui encores a present y est. Ceulx du croisic avoient moult bien conforte le conte de monfort en son grant affaire soubz la conduite du dessusdit admiralde navires et de gens. Car iamais ceulx du parti de bloys ne les peurent gaigner ne conquerir. "

 

  L'ancêtre d'Alain Bouchart, l'amiral Nicolas Bouchart a donc joué un rôle important dans cette bataille. 

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enluminure des Croniques de FroissartLa bataille d'Auray, miniature par Jean Froissart.

 

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XIV. Le libraire Galliot du Pré.

 

     Né en 1491, d'une famille de laboureurs du Calaisis, Galliot du Pré, en latin Galeotus ou Galliotus a Prato ou Pratesis fut reçu maître libraire en 1511 quoiqu'on trouve une édition à son nom en 1506. Il s'installa à Paris, non pas dans le quartier des imprimeurs-libraires, mais au Palais, lieu de passage obligé des gens de robe qui deviendront sa principale clientèle ; les adresses inscrites dans ses ouvrages sont :

 

 en 1511 : Paris, En la grande salle du Palais (au second pilier vers la chapelle où l'on chante la messe de messieurs les Présidents ; au premier pilier), [Sgn.:] À (l'enseigne de) la Galère d'or 

Paris, Sur le pont Notre-Dame (et au Palais au second pilier de la grande salle ; et près la Madeleine ; ou au troisième pilier de la grande salle du Palais), [Sgn.:] À (l'enseigne de) la Galère d'or 

Demeurant sur le pont Nostre Dame à l'enseigne de la Gallée : et en la grande salle du palays au troisiesme pillier (1520)

Paris, Près la Madeleine, en la grande salle du Palais au tiers pilier, [Sgn.:] À (l'enseigne de) la Galère d'or 

Paris, Au premier pilier (de la grande salle) du Palais, [Sgn.:] À (l'enseigne de) la Galère d'or.

En effet, Le Palais de justice où siège le Parlement et où se réunissent les grands corps de l'État n’accueille aucun imprimeur, mais la "grande salle" adjacente, sorte de galerie marchande, abrite de nombreuses échoppes de libraires qui proposent aux avocats et aux procureurs du Parlement leurs éditions du Corpus Juris Civilis, des coutumiers, des recueils d’actes notable et d’édits royaux, etc. Cette grande salle possède au moins trois piliers puisque la boutique de Galliot, où il propose sur un étal 1317 ouvrages reliés en veau ou en parchemin dont 160 portant sa marque, passe du premier au troisième pilier. En réalité elle en contenait sept, qui servaient à soutenir en son centre les retombées de la double voûte de la salle réputée la plus vaste au monde; le premier pilier, dit "pilier de la consultation", voyait s'assembler autour de lui les anciens avocats consultants (Dict. Académie française 1694). Victor Hugo décrit avec précision (grâce à la description de du Breul en 1549) dans Notre-Dame de Paris ces énormes piliers dont les quatre premiers étaient entourés de boutiques et les trois derniers entourés des bancs de chêne usés par les plaideurs et les procureurs.

 

 Lors de la parution des Grandes Croniques en 1514, c'était donc le début d'activité de celui qui allait devenir l'un des plus grands libraires parisiens du siècle. Il fut libraire juré* de l'Université, et exerça sans-doute son activité jusqu'à sa mort en avril 1560, puisque son fils Galliot II s'inscrivit comme libraire en 1560 et fut l'un des 24 libraires jurés à son tour.

 * Libraire (juré). Marchand chargé de vendre les copies des manuscrits originaux sous la surveillance de l'Université, devant laquelle il a prêté serment. Les Universités se font leurs propres éditeurs, (...) déléguant leurs pouvoirs pour la vente à leurs libraires jurés (Civilis. écr.,1939, p. 14-5).  [CNRTL]

Galliot, s'en tenant à son rôle de libraire, ne se fera jamais imprimeur, utilisant les services des plus grands : Augereau, Josse Bade, Simon de Colines, Gilles de Gourmoint, Jean Ruelle, Michel Vascosan et Pierre Vidoue, ou, comme pour l'édition d' Alain Bouchart, Jehan de la Roche.

 Il est l'auteur de nombreuses préfaces. 

  Il est vraisemblablement le fils de Jean I du Pré (1481-1504) (thesaurus reprenant Paul Delalain, et Annie Charon-Parent cf. infra), un des meilleurs libraires-imprimeurs de son temps, installé rue Saint-jacques, spécialisé dans l'impression de beaux livres liturgiques, et qui introduisit le livre illustré à Paris avec un missel de 1481. Galliot du Pré eut deux fils (Pierre Dupré, avec comme marque un pré, et Galiot II Dupré, qui conserva la marque de son père en la modifiant) qui lui succédèrent

      fig_10_p_125_33.jpg la marque typographique de Jean du Pré, père de Galliot du Pré.

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Selon la notice de 1689 de Jean de la Caille, il fit imprimer le Grand Coustumier de FranceInstruction et manière de procéder es cours de Parlement de 1514, Biblia sacra (1541), Egregii opera Tract. Juris Regaliorum (1542). Mais il serait vain de vouloir citer l'ensemble de sa production, qui s'élève à un total de 330 éditions, soit 7 titres par an, avec 2 ou 3 titres par an les premières années et jusqu'à 15 titres dans l'année 1530. Si plus de 40% de sa publication est constitué d'ouvrages juridiques, et s'il ne négligea pas les livres liturgiques (6%) Galliot du Pré participe à la diffusion des œuvres humanistes vers un large public et traduit les auteurs classiques tels que César, Cicéron, Tite-Live, Suétone, Virgile ou Ovide, mais aussi l'Asne d'Or d'Apulée (9% de ses publications), propose parmi les oeuvres littéraires (19%) sept romans de chevalerie, mais aussi Villon et Marot, Jean Meschinot, Saint-Gelais , et ne néglige pas la géographie et la science (4 %) avec le Novis Orbis de 1532. La proportion de livres illustrés est élevée, atteignant 70 des 330 éditions.

 Les livres d'histoire représentent 20 % de ses éditions, parmi lesquelles Gallia Historia de Robert Ceneau en  1557, les Croniques de France de Robert Gaguin en 1514, la Mer des ystoires, les Chroniques de France en 1553, les Chroniques de Commines, celles de Froissart, les Chroniques des rois de France.

      

Quelques exemples :

 

  • Meliadus de Leonnoys en 1528
  • Les croniques de France Robert Gaguin, 1514, gallica
  • Les annalles et cronicque de France. - Paris (1538). 
  • La Tresplaisante et recreative hystoire de Perceval le Galloys, publiée en 1530
  • La tres elegante, delicieuse, melliflue et tres plaisante hystoire du tres noble, victorieux et excellentissime roy Perceforest, roy de la Grande Bretaigne, Paris, Galliot du Pré, 1528.
  •  Roland furieux, L'Arioste,1545
  •  Summaire ou Epithome du livre de Asse, G. Budé,1529
  •  les faicts et ditz, Alain Chartier,1526
  • Les œuvres feu maistre Alain Chartier, 1529
  •   Breuiarium seu repertorium juris canovici aureum domini,Guillaume Durand, 1513
  • Le Rommant de la Rose nouvellement Reveu et corrige oultre les precedentes Impressions (par Clement Marot). 1529-1530.
  •  Contemplationes idiotae, Raymond Jordan 1538
  •  L'histoire et chronique nouvellement imprimée, Jean Froissart,1530

 

 Galliot du Pré réédita les Grandes Croniques d'Alain Bouchart en 1531, avec des additions jusqu'à cette date, mais en association avec un autre libraire, Jean Petit. L'imprimeur est alors Anthoine Cousteau. Le texte de 1514 fut repris en corrigeant seulement quelque fautes et en modernisant parfois le vocabulaire et souvent les graphies (M.L. Auger) : Les croniques annalles des pays d'Angleterre et Bretaigne contenant les faictz et gestes des rois et princes qui ont régné audit pays et choses dignes de mémoire advenues durant leurs règnes puis Brutus jusques au trespas du feu duc de Bretaigne Françoys second du nom décédé  / faictes et rédigées, ... et augm. et contin. jusques en l'an mil cinq cens XXXI par noble homme et sage maistre Alain Bouchard,... in-folio, x-234 ff., à longue ligne. Consultable sur gallica : 

La page de titre y est encadrée dans des colonnes antiques et quatre médaillons ; la mention GALLIOT DV PRE est placée au dessus d'une marque représentant un cheval blanc en liberté dans un pré. Au dessus se trouve l'adresse : On les vend a paris en la grant salle du palais au premier pillier de la bouticque de Galiot du pre marchant libraire iuré de l universite. mil v C.xxxi.

 -colophon :Fin des cronicques annalles des pays d'angleterre bretaigne et pays d armoricque faictes et compilees par noble homme et sage maistre Allain bouchart en son vivant advocat en la cour de parlem~et a paris esquelles sont adioustees puis le trepas du duc Jehan de Bretaigne.xii.eme du nom les choses dignes de memoyre advenues es ditz pays en lan mil cinq cens .xxxi. Nouvellement reveues et corrigées et imprimées à Paris par Anthoine Cousteau le unzieme jour de septembre mil cinq cens XXXI pour honorables personnes jehan petit et Galliot du pré libraires iurez de l universitez duduit lieu. - Marque de Galliot du Pré au colophon.

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 Sources disponibles sur Galliot du Pré:

§ le site Garamond pour sa rubrique Le monde du livre en 1540 qui donne un remarquable plan de Paris et des libraires qui y sont établis .

§ Arthur Thilley, A Paris bookseller, Galliot du Pré, in Study in the french Renaissance  (Cambridge University Press, 1922, pp. 168-218.

§ Paul Delalain, Notices sur Galliot des Pré, libraire parisien de 1512 à 1560, Journal général de l'Imprimerie et de la Librairie, Paris 1890

§ Annie Charon-Parent, aspect de la politique éditoriale de Galliot du Pré, Le Livre dans l'Europe de la Renaissance.

 

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La marque de libraire.

      Les libraires cherchent aussi à rendre leur production aisément identifiable par la clientèle. Ils emploient pour ce faire une marque typographique. Celle-ci est liée à l'atelier de fabrication et se retrouve sur les autres productions de l'atelier, participant à éviter les conterfaçons. Cette gravure sur bois, d’abord reléguée à la fin du volume avec le colophon, puis (au début du XVIe siècle) rapportée sur la page de titre, possède avant tout une fonction publicitaire  permettant  au client d’identifier au premier coup d’œil le fabriquant d’un livre. L’objet représenté sur cette marque n’est jamais anodin.

La première marque typographique est apparue en 1457 sur  un psautier de Mayence. La première marque en France apparaît en 1483 à Paris chez Guy Marchand. Elle reprennent souvent l'enseigne de la boutique, telle qu'elle est installée suspendue au dessus de la porte, et c'est bien le cas ici, puisque l'adresse de Galliot précise "à l'enseigne de la Galère d'or".

      Les marques de libraire font aussi office de captatio benevolentiae destinées à disposer plaisamment le lecteur à poursuivre sa lecture.

Celle de Galliot du Pré représente une embarcation de formes très rondes, au mât haubané de quatre cordages de chaque bord frappés au dessous d'une sorte de nid-de-pie. Une voile carrée, envergée, est amurée sur deux des haubans. Bien que celle-ci soit gonflée par un vent portant, un équipage de six rameurs manie les trois paires d'aviron, assis sur leurs bancs de nages ; ils sont curieusement habillés de capuches les faisant ressembler à des pénitents blancs. Installé sur le château arrière, sous un abri voûté, un capitaine aux allures de Dieu-le-Père, enturbanné, barbu, muni d'un bâton de commandement, mène la manœuvre d'un index impérieux. A la proue, c'est un homme fringant, en tenue Renaissance, un "héraut" qui souffle dans une trompe, déployant ainsi dans le ciel que vient voûté un rinceau une banderole où s'inscrivent les mots VOGVE LA GVALLEE. Un ange, derrière la voile, souffle en symétrie dans une trompe productrice de devise.

  En dessous, un autre cuir déroule son inscription limpide : GALLIOT DV PRE.

  Sur le travers de la coque, un emblème en cœur surmonté d'une croix empâtée et à double traverse renferme les trois initiales du libraire : G D P. La hampe de la croix sépare le cœur en trois compartiments, et ainsi le G et le D se place en miroir et jouent de l'effet de symétrie de leur forme. On reconnaît là un graphisme très proche du "quatre de chiffre", très ancien mais obscur symbole, utilisé par les Assyriens et les Babyloniens, puis par diverses corporations ouvrières lors des foires médiévales (drapiers, carriers, céramistes), puis repris par les imprimeurs et les libraires (Claude Chevallon,. Selon Aurélie Vertu, "le cœur se serait peu à peu substitué au globe initialement sur les marques, associé lui aussi à la croix, il renforce l'idée religieuse primitive en évoquant une vertu théologale, la Charité. Le cœur est sans-doute le fruit de l'influence italienne par les Alpes et Avignon. En 1479, la marque cordiforme apparaît sur la Bible  lyonnaise de Perrin Lathomus mais il n'est pas le premier à l'utiliser. Les imprimeurs parisiens Georges Mittelhus (1484-1500) et Jehan Lambert (1493-1510) utilisent dans leur marque le cœur ou le quatre de chiffre. Gilles Corrozet, libraire à Paris en 1536 exploite lui-aussi une représentation du cœur mais cette fois-ci associé à la rose pour faire un rappel de son nom par rébus."

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  La marque et la devise sont "parlantes" car elles traduisent en image et en mot commun le nom du libraire. Mais elles jouent sur un double-sens, puisque "la galée" désigne à la fois une petite galère, petit bateau de guerre à voile et à rames mue par des galériens, mais de tonnage plus petit que la galéasse,  mais aussi par analogie en typographie "une planchette rectangulaire munie, sur trois de ses faces, d'un rebord, et sur laquelle le compositeur typographe dépose les lignes composées dans le composteur" (CNRTL). On peut penser que le libraire s'amuse à se présenter comme le  seul maître à bord régnant en potentat sur ses ouvriers. Les deux mots ont la même origine, et le premier dérive depuis le XIe siècle du grec byzantin galea, « galère », issu du grec classique galeos, « requin ». 

 

  Est-ce là tout ? Non, car Galliot a choisi d'écrire "Vogue la Guallée" et non "la Gallée". Or, il se trouve que le verbe gualler est attesté chez Rabelais avec le sens " ripaille, réjouissance" (Et Dieu sçait comment il y eut beu et guallé, Quart-Livre, 25,12 et  Vray Dieu, comment il y eut beu et guallé! QL, 64,59 reprenant la Farce de Pathelin, Il y aura beu et guallé). Mais fallait-il rajouter cet lettre V, quand l'ancien français (dict. Godefroy) utilisait Galee, "joyeuse compagnie, assemblée" et galer, galler, gualler, "s'amuser, danser, faire la noce" avec la citation du Grand Testament de Villon : Je plains le temps de ma jeunesse,/ auquel j'ay plus qu'autre, gallé ? Et le moyen français l'utilisait couramment sous cette orthographe, dans l'expression galer bon temps, dans le verbe intransitif galer (s'amuser) ou transitif galer qqn, qqchose, ou dans trente-cinq mots dérivés comme nos galant (et l'ancien mais drôle galin galant), galopin, et la galerie, mener grant galerie- (réjouissance). D'ailleurs, ce serait l'origine même du patronyme Galliot, pour surnommer un joyeux drille.

  En choisissant sa devise Vogue la guallée, Galliot reprenait une formule très ancienne et très courante, une expression presque proverbiale, un refrain populaire. "vogue la galère" se dit pour "advienne que pourra", et l’un des premiers emplois connus de cette locution se trouve dans la Farce de Maître Mimin (anonyme, v. 1450-1500), qui fut l’une des farces les plus populaires du Moyen-Âge :  "Il suffist, il faut s'en aller ; Chantons haut à la bien allée, Et à Dieu, vogue la galée ! Rabelais l'utilise (« Et vogue la galée, puisque la panse est pleine ») ainsi que Montaigne  (« Celuy à qui le bourreau donnoit le bransle, s'escria : vogue la galée » )

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       En somme j'en venais à penser que le libraire avait choisi cette graphie par simple réflexe typographique d'équilibre symétrique entre VOGVE et GVALLEE. Mais il existe une seconde marque typographique de Galliot du Pré qui porte, sur des ouvrages de 1528 et de 1531 la devise VOGVE LA GALEE. La raison est plus simple, qui est que l'orthographe du nom commun n'était pas plus fixée à l'époque que celle du nom propre. Cela autorise tous les jeux de polysémie qui font toute la subtilité inépuisable des emblèmes et des devises.

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grandes-croniques-de-bretaigne 0284c

 

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Plus tard apparût une autre marque dont la devise était VOGVE LA GALEE, dont la mâture était haubanée différemment avec une échelle, dont les bordés de la coque n'étaient plus rivetés, qui armait sept paires d'avirons (les employés du libraire avaient-ils atteint le nombre de quatorze ?), dont le héraut était réduit à une silhouette sombre lorgnant l'horizon ou soufflant dans une trompe droite, les pieds posés sur un gaillard d'avant. Le capitaine, invisible, s'abritait sous une voûte ornée de fleurs de lys, une flamme était disposée sur un mâtereau ou un artimon, et enfin les neuf hommes d'équipage, silhouettes noirs où certains ont vu des "nègres", avaient délaissés les avirons et les bancs de nage pour s'activer sur le pont. Il n'y avait plus de mention du nom du libraire, plus d'ange, plus de cœur frappé d'initiales, et, globalement, le bois était de facture bien plus grossière que la marque initiale

  Les fleurs de lys peuvent peut-être se comprendre par la publication par Galliot des ordonnances des rois Charles VII, Louis IX, Charles VIII, Louis XII et François Ier ; en 1539, il obtiendra le privilège pour l'édition de l'Ordonnance de Villers-Cotterêts.

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Galliot+du+Pr%C3%A9+2,+libraire+%C3%A0+P

 Voir aussi site Librairie Ferraton

      Sources :

§ belle collection de marques sur le site Bibliothèques Virtuelles Humanistes de l'université de Tours.

§ Les marques typographiques d'imprimeurs et de libraires (XV et XVIe siècles), Aurélie VERTU, DESS-RIDE 2004.

 

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   8. Jehan de la Roche, imprimeur ; le colophon.

Source  Philippe Renouard  Imprimeurs parisiens, libraires, fondeurs de caractères et correcteurs

Selon Jean de la Caille dans son Histoire de l'Imprimerie de 1689, Jean de la Roche imprima pour Emond le Fèvre Libraire  plusieurs traités de Gasparis Lax en latin en 1512 et 1514, et pour Jean Petit et Michel Le Noir les Fleurs et manières des temps passez et des faitz merveilleux de Dieu, tant en l'Ancien Testament qu'au Nouveau, in folio 1513. Le Catalogue chronologique des Libraires[...]de Paris,  Paris, 1789 le mentionne pour 1512 sous le titre de Libraire et Imprimeur avec sept autres libraires, dont Galliot du Pré, Geoffroy Tory. Philippe Renouard distingue Jean de la Roche de son fils Jean II, libraire, sans-doute celui dont il est dit que "Jean de La Roche, libraire, emploie Pierre Le Fèvre en 1544 pour « entretenir de lettres ses deux presses, besognant en sa maison toutes et quantes fois qu’il lui plaira », et que l'imprimeur Louis Tarroreau épousa la pupille en 1543." (Site Garramond). Car Jean I exerça de 1512 à 1524, localisé en 1517 à Orléans.

  En 1514, lors de l'édition des grandes Chroniques, il demeurait en la rue Saint-Jacques, et ne possédait pas son matériel propre puisqu'il dut louer un matériel d'imprimerie à Pierre Attaingnant le 7 janvier de cette année là.

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 Le colophon.

 

      "Imprimees a paris par Iehan de la roche imprimeur demourãt en la rue saint Iacques, pour Galliot du pre marchant libraire demourãt a paris tenant sa bouticq au second pilier vers la chappelle ou lon chãte la messe de messeigñrs les p(re)sidens. Faict & paracheve dimprimer Le.xxv. de novembre Mil cinq cent & viiii De la grande salle du palais."

 

 

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2. Exemplaire de la Bibliothèque bretonne de l'Abbaye Saint-Guénolé de Landevennec.

 

      I. Présentation de la Bibliothèque.

    L'abbaye de Landevennec, qui adopta la règle de Saint-Benoit en 818, disposait de quelques 2000 volumes avant que sa blbliothèque ne soit dispersée  au moment où elle fut vendue comme bien national  à la Révolution. Les batiments détruits devinrent une carrière de pierres, les livres furent transportées à Châteaulin, (une partie est conservée sur quatre mètres de rayonnage aux Archives départementales), les parchemins s'en allèrent à Morlaix pour servir à envelopper le tabac, ou à Brest pour faire des gargousses à poudre. Lorsque la nouvelle abbaye fut construite, de 1950 à 1965, une nouvelle bibliothèque se constitua, notamment sous l'impulsion d'un médecin de Bourbriac, bibliophile et érudit en culture bretonne, le docteur Louis Lebreton. De la fin des années 50 jusqu'à sa mort, durant près de quarante ans, il alimenta la bibliothèque de ses dons et trouvailles, amenant chaque mois quelque ouvrage, jusqu'à constituer un fond d'un millier de livres, pièces manuscrites, revues, documents divers, journaux, cantiques... Outre les éléments collectés par la communauté de Kerbénéat, la jeune bibliothèque, qui prit le nom de Levraoueg sant Gwenolé a bénéficié d’une partie du fonds de Kerjégu ( château de Trévarez) , à la suite à une donation de la marquise de La Ferronnays

  Aujourd'hui, la bibliothèque bretonne dont est responsable Isabelle Berthou contient 25 000 ouvrages et de nombreuses revues. Elle est accessible aux chercheurs sur demande.

  En 1993, les pièces les plus estimables de la bibliothèques étaient selon frère Marc Simon : "cette édition originale des Grandes Chroniques de Bretagne de 1514, avec sa reliure d'origine, sa belle typographie des débuts de l'imprimerie, ces célèbres bois gravés. Non loin de là, les diverses éditions de l'histoire de d'Argentré, dont la première, de 1582. Dans un tout autre domaine, deux volumes d'algues constitués en 1827 dans la région de St-Pol-de-Léon par Du Dresnay, et dont la plupart des pièces ont conservé la fraîcheur de leurs couleurs. Parmi les ouvrages de géographie, les quatre volumes de la "Topographia Galliae" de Vranckrick , géographie de la France entière en néerlandais avec cartes et dessins des villes en 1660. Parmi les grammaires et dictionnaires bretons, la grammaire de Grégoire de Rostrenen de 1738, et ces curieux "collocou" du roscovite Quicquer, manuels de conversation breton-français du XVIIe siècle. Cinq énormes volumes, tout en velin, représentant cinq des neuf "terriers" couvrant la Bretagne que Colbert en 1682 fit exécuter pour réajuster la base de l'impôt du fouage : pour les cinq, 250 m² de peau ! En géographie aussi, les deux volumes impressionnants des dessins de Taylor et Nodier. Enfin, malgré l'absence d'archives constituées, quelques lots de parchemins vénérables : un mandement inédit du duc Jean V, et toute une série de mandements successifs de la chancellerie ducale concernant l'abbaye Notre-Dame de la Joye à Hennebont de Jean IV jusqu'à François II de France."

Le Docteur Louis Lebreton ( -19 juillet 1991).

  "Originaire de Saint-Seglin en Ille-et-Vilaine, le docteur Lebreton exerça la médecine générale à Bourbriac à partir de 1937. Membre actif du Bleun-Brug* et du Gorsedd* de Bretagne, mouvements culturels, ses relations avec le monde des bibliophiles et antiquaires de Bretagne (et au-delà) lui permirent de mettre ses projets à exécution et de rassembler chez lui une bibliothèque presque complète : ouvrages, revues, journaux, documents divers. Son intention était de la confier à une communauté monastique en mesure de la prendre en charge et de la mettre au service du public. Après qu'il eut songé à l'abbaye, alors en reconstruction, de Boquen, ce fut l'annonce faite à Saint-Pol-de-Léon dans la nuit du 5 au 6 août 1950[ de la renaissance de Landevennec lors du "Grand Bleun-Brug de tous les saints" par Dom Colliot devant 20 000 personnes] qui emporta sa décision, laquelle reçut, dès l'année suivante, l'accord du père abbé : sa bibliothèque serait déposée dans la nouvelle abbaye de Landevennec et en deviendrait la propriété après sa mort. En 1951 était mise sur pied en vue de la reconstruction de Landevennec une "Association des Amis de Landevennec" et les statuts en précisaient ainsi l'un des objets : favoriser l'étude et la mise en valeur du patrimoine artistique et littéraire de la Bretagne... création d'une bibliothèque bretonne et d'un foyer de culture celtique avec aménagement de locaux permettant de recevoir les chercheurs. Dés lors, la bibliothèque, avec les éléments venus de Kerbénéat, et d'autres donations, connut un développement rapide. A telle enseigne que dès le 29 février 1960 pouvait avoir lieu [...] son inauguration sous le nom de "Levraoueg Sant-Gwenolé". [...] Quarante années durant, le docteur Lebreton, non content d'assurer le transfert de sa bibliothèque, s'occupa de concert avec le père Grégoire Ollivier du rangement, du répertoriage, de l'amélioration de cette bibliothèque désormais l'une des plus importantes en Bretagne."

  On retrouve aussi le nom du docteur Lebreton pour le relevé qu'il effectua du rituel de circumduction de Bourbriac, le Lev Dro, et qu'il décrivit en 1979 dans un courrier à Dom Grégoire.

* Bleun-Brug est "un mouvement catholique d'orientation nationaliste bretonne créé en 1905 par l'abbé Perrot." (Wikipédia) et qui prit comme organe d'association la revue Feiz ha Breiz (Foi et Bretagne). Une scission de Bleun-Brug se produisit en 1956 entre nationalistes ((revue Barr-Heol) et régionalistes (revue Bleun-brug)

L'abbé Jean-Marie Perrot  ( 1877-1943) est "un prêtre catholique séculier militant indépendantiste breton et collaborationniste pendant la Seconde Guerre Mondiale" (Wikipédia) , directeur de la revue Feiz ha Breiz de 1911 à 1943. Je note dans un blog d'Erwan Chartier-Le Floch que, jeune séminariste, Jean-Marie Perrot était très influencé par sa lecture de l'Histoire de Bretagne d'Arthur de la Borderie.

* Gorsedd est une institution néodruidique bretonne. 

 

 Source : historique par le frère Marc Simon, Bull. Association des Archivistes de l'Église de France, 1993 

             histoire de l'abbaye et de sa bibliothèque

 

Ex-libris de la Bibliothèque Bretonne, sur l'exemplaire de Étude bibliographique sur les Chroniques d'Alain Bouchart, d'Arthur de la Borderie, présenté plus haut.

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                        DSCN6498

 

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Ex-libris du docteur Louis Lebreton, voisinant avec celui de l'abbaye dans le même exemplaire de l'Étude bibliographique. :

DSCN6549c

 

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2. Présentation de l'exemplaire.

Cote BBL 22 189.

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DSCN6450

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grandes-cron.-landevennec 0335

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  La reliure d'origine a souffert, et le plat verso est détaché ; la description typographique est la même que celle déjà détaillée pour l'exemplaire de Brest, mais celui-ci possède la particularité d'avoir conservé la marque des réglures limitant les marges. Ont-elles été tracées spécifiquement pour cet exemplaire, ou bien a-t-on omis d'effacer les lignes de ce livre-ci ?

  N'ayant plus l'ouvrage sous les yeux, je ne peux dire si elles sont tracées à la mine de plomb, ou à l'encre rouge pâle. Trois lignes verticales et deux lignes horizontales délimitent de haut en bas la marge de tête, l'espace dédié à la justification, et la marge de queue, et de l'intérieur (couture) vers l'extérieur la marge interne, la justification dans son cadre de réglure, et une marge externe. Cette dernière est divisée en deux avec une marge destinée aux manchettes, et une marge destinée à rester vierge.

  Comme on le voit sur ce folio 25v de la passion des dix mil martirs, la manchette S. Acace. S. heliad. se place exactement dans l'espace délimité par sa marge, et la mention Le Premier (Livre) se centre au milieu de la marge de tête.

 Mesurées sur l'exemplaire de Brest, les largeurs sont respectivement de 17 mm pour la marge interne,  de 129 mm de la justification, de 43 mm pour la marge externe avec 19 mm pour la marge de manchette et 24 mm pour la marge vierge. Soit un total de 189 mm.

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grandes-cron.-landevennec 0344

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DSCN6457c

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      La marque typographique, identique à celle de Brest.

DSCN6484

 

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3. Propriétaires et ex-libris.

  Cet exemplaire a appartenu à la bibliothèque du château de Trévarez*, et a été donné à la Bibliothèque du monastère de Kerbénéat par la marquise de la Ferronnays** dans les années 1950 avec une partie de la bibliothèque du château. Les Grandes Chroniques d'Alain Bouchart constitue l'une des pièces les plus estimées de ce don.

   *Le château de Trevarez (1893-1907), construit par l'architecte Walter-André Destailleurs pour James Monjaret de Kerjégu (1846-1909), ancien président du conseil général du Finistère.

 ** Françoise Monjaret de Kerjégu (1884-1958), mariée vers 1910 avec Henri FERRON, Marquis DE LA FERRONNAYS 1876-1946.

 

On trouve donc sur la page de garde deux cachets, l'un, rond, portant l'inscription BIBLIOTHÉQUE DE TRÉVAREZ, l'autre ovale avec la mention LEVRAOUEG S. GWENOLE LANDENNENEG.

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DSCN6455

 

 

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Liens :

 

 

 Etienne Port     Alain Bouchard, chroniqueur breton Annales de Bretagne  1925 Volume 37       pp. 68-101 sur persée en  deux articles

  Marie-Louise Auger  : « Alain Bouchart, Grandes Chroniques de Bretagne : un compilateur et sa source ». Résumé et documents de l’intervention de M.L. Auger. Séance du 18 mai 2000 du cycle thématique « Archives et bibliothèques » de l’IRHT

  Marie-Louise Auger, « Variantes de presse dans l'édition de 1514 des "Grandes chroniques de Bretaigne" d'Alain Bouchart », dans Bibliothèque de l'école des chartes, 141, 1983, p. 69-90 

 

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Published by jean-yves cordier

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