Zoonymie du papillon l'Azuré de l'ajonc Plebejus argus Linnaeus, 1758.
La zoonymie (du grec ζῷον, zôon, animal et ónoma, ὄνομα, nom) est la science diachronique qui étudie les noms d'animaux, ou zoonymes. Elle se propose de rechercher leur signification, leur étymologie, leur évolution et leur impact sur les sociétés (biohistoire). Avec l'anthroponymie (étude des noms de personnes), et la toponymie (étude des noms de lieux) elle appartient à l'onomastique (étude des noms propres).
Elle se distingue donc de la simple étymologie, recherche du « vrai sens », de l'origine formelle et sémantique d'une unité lexicale du nom.
Résumé.
— Plebejus Kluk, 1780 : du latin -plebeius, "plébéien, appartenant à la plèbe, le peuple romain". Les Plebeji étaient parmi les six phalanges dans lesquelles Linné a réparti les papillons, la cinquième, formé des espèces plus petites et aux chenilles ramassées par comparaison à la première phalange des Equites ou Chevaliers (nos Papilionides). Elle était alors divisée en Ruraux et urbains, Rurales et Urbicolae qui formeront par la suite respectivement les Lycènes et les Hespéries. Comme pour les genres Nymphalis et Danaus, Kluk fut le premier à utiliser les noms de Linné d'une manière qui soit conforme aux règles de la future ICZN pour l'établissement des noms génériques et il en est donc considéré comme l'auteur (Emmet, 1991).
— argus, (Linnaeus, 1758). L'emploi du nom d'Argus pour désigner un papillon a été d'abord suggéré par l'anglais Thomas Moffet en 1634, dans sa description d'un papillon aux ailes d'un bleu céleste parsemées d'ocelles, où il envisage que les yeux d'Argus, qui sont venues après sa mort sur la queue du paon, aurait bien pu en orner les ailes de cette espèce. Il a peut-être repris cette image du naturaliste zurichois Conrad Gessner, dont il avait hérité de la collection entomologique, et qui était l' auteur dans son Onomasticon de 1544 d'une des premières compilations sur le nom d'Argus. Gessner renvoie aux Métamorphoses d'Ovide, Livre I où le géant Argus, qui dispose de cent yeux, surveille pour le compte de Junon la jeune Io, maîtresse de Jupiter transformée en génisse. Tué par Mercure sur ordre de Zeus, ses yeux furent recueillis par Junon comme autant de pierres précieuses sur la queue de son paon emblématique. Si Thomas Moffet n'utilise pas le nom Argus lui-même mais le désigne par son épithète Panoptes, l'apothicaire londonien James Petiver crée le nom d'Argus en 1695 sous la forme The Little Blew-Argus ("le Petit Argus Bleu") avant de décliner ce nom en 4 espèces de sa collection dans son Gazophylacii de 1704, The Blue Argus, The pale Argus, the mixt' Argus et The edg'brown Argus. Qu'on le date de Gessner, de Moffet ou de Petiver, il s'agit d'un des tout premiers noms de papillon.
Le nom est repris par Linné qui, dans sa Fauna suecica de 1746 crée sous la forme vernaculaire en latin les quatre Argus ocelatus ("couvert d'yeux"), fuscus ("brun"), myops ("aux yeux à demi-fermés") et caecus ("aveugle"). Dans son Systema Naturae de 1758, il ne donne le nom Argus qu'à une seule espèce Papilio Plebejus argus "au dessous des ailes postérieures à bordure brun-rouille et à ocelles bleu-argenté". Il deviendra notre Plebejus argus.
—ssp. philonome (Bergsträsser, 1779) : nom issu de deux héroïnes de la mythologie : Philonomé 1 compagne de Diane qui eut de Mars deux jumeaux qu'elle exposa sur le mont Erymanthe ; ils furent recueillis par une louve et devinrent rois d'Arcadie. Et Philonomé 2, fille de Tragasos et épouse de Cygnos. Éprise de son beau-fils Ténès. Cette passion n'étant pas partagée, elle le dénonça à son père en l'accusant de tenter de la séduire.
— ssp. plouharnelensis Oberthür, 1910. Elle doit son nom à sa description par le rennais Oberthür dans ses Études de lépidoptérologie comparée. "La race de Plouharnel est petite [...]. J'ai fait figurer le ♂ et la ♀ de cette Aberration sous les n° 252 et 253 de la Planche XXXVIII de cet ouvrage. J'ai donné à cette Aberration le nom de Plouharnelensis. " Il indique que ses 2 spécimens ont été capturés du 4 au 6 juin 1909 entre les dunes de Plouharnel à Kerhostin (Quiberon). Ce nom est donc parfaitement représentatif des caractères écologiques de Philonome qui se rencontre en Bretagne, en juin dans les dunes grises à immortelles Helychrisum stoechas de la presqu'île de Quiberon à Guidel.
—Geoffroy créa en 1762 un groupe Argus, parmi lequel l' "Argus bleu" désigne le Papilio Plebejus argus de Linné. Latreille, Godart et Duponchel employèrent le nom de "Polyommate Argus". La plus grande confusion régnant jusqu'au milieu du XXe siècle dans la détermination scientifique des noms argus, aegon, argyrognomon, aegus, etc., il est difficile d'être plus précis jusqu'à la création par Gérard Luquet en 1986 du nom d"'Azuré de l'Ajonc" qualifiant à la fois la couleur bleue des ailes des mâles des Azurés, et le genre de l'une des plantes-hôtes, celui des Ajoncs ou Ulex.
1. Famille et sous-famille.
a) Famille des Lycaenidae, William Elford Leach, 1815. Les Lycénides ou Lycènes.
Leach, William Elford, 1790-1836 "Insecta" pp. 329-336."Entomology". pp 646-747 in D. Brewster éditeur, Brewster's Encyclopaedia Edinburgh, [Edinburgh, volume 9, 1, 04/1815 pp. 57-172 : selon Sedborn 1937] [Philadelphia, E. Parker,1816? selon BHL Library] page 718. [ Article publié anonymement et attribué à Leach, qui avait annoté son propre manuscrit]
La famille Lycaenidae tient son nom du genre Lycaena de Fabricius (1807). Elle comprend les Blues ou Azurés, les Coppers ou Cuivrés et les Hairstreaks ou Thécla, et nos Argus :
- Sous-famille des Theclinae Butler, 1869 : [Thiéclines : Théclas ou Thècles et Faux-Cuivrés].
- Sous-famille des Lycaeninae [Leach, 1815] : [Lycénines : Cuivrés].
- Sous-famille des Polyommatinae Swainson, 1827 : [Polyommatines : Azurés, Argus et Sablés].
b) Sous-famille des Polyommatinae Swainson, 1827.
Elle tient son nom du genre Polyommatus créé par Latreille en 1804; "Tableau méthodique des Insectes" in Nouveau Dictionnaire d'Histoire naturelle appliqué aux arts, principalement à l'Agriculture et à l'Économie rurale et domestique, par une Société de naturalistes et d'agriculteurs ; avec des figures des trois Règnes de la Nature, Paris : Deterville, an XII [1804] 24 (6) p. 185 et 200, espèce-type: Papilio icarus Rottemburg.
Polyommatus vient du grec polus "beaucoup", et omma, ommatos, "œil" : c'est un qualificatif du géant Argos qui disposait de cent yeux, dont cinquante étaient toujours ouverts. C'est lui que la jalouse Héra envoya surveiller Io, transformée en génisse après ses amours avec Zeus.
Ce nom est en rapport avec les nombreux ocelles des ailes des papillons bleus.
Cette sous-famille contient, en France, 18 genres :
- Leptotes Scudder, 1876
- Lampides Hübner, [1819]
- Cacyreus Butler, 1897
- Cupido Schrank, 1801
- Celastrina Tutt, 1906
- Maculinea Eecke, 1915
- Pseudophilotes Beuret, 1958
- Scolitantides Hübner, [1819]
- Iolana Bethune-Baker, 1914
- Glaucopsyche Scudder, 1872
- Plebejus Kluk, 1780
- Aricia [Reichenbach], 1817
- Plebejides Sauter, 1968
- Eumedonia Forster, 1938
- Cyaniris Dalman, 1816
- Agriades Hübner, [1819]
- Lysandra Hemming, 1933
- Polyommatus Latreille, 1804.
2. Nom de genre : Plebejus, Kluk, 1780.
a) Description originale :
Plebejus [ou Plebeius] Krzysztof Kluk : Zwierząt domowych i dzikich osobliwie kraiowych historyi naturalnéj Potzatcki i gospodarstwo. Potrzebnych pozytecznych domowych chowanie...[...] Warszawa [Varsovie] J.K. Mosci i Rzeczypospolitey u XX Scholarum Piarum 1802, 4: 89.
Jean Christophe Kluk est un naturaliste polonais, né le 13 septembre 1739 et mort le 2 juillet 1796, qui vivait à Ciechanowiec, ville de l'est de la Pologne, où il était prêtre. Sa curiosité était universelle, mais portait en premier lieu sur l'étude naturaliste des régions de Podlaskie et Masovia. Ses talents de dessinateur et de graveur lui ont permis d'assurer lui-même l'illustration de ses publications. La Princesse Anna Jabłonowska lui donna accès à la grande bibliothèque et aux collections de son palais de Siemiatycze. Il décrivit plusieurs genres de Lépidoptères, comme le genre Nymphalis, le genre Sud-américain Heliconius, et le genre Danaus auquel appartient le Monarque. Le titre exact de sa publication en quatre volumes est Zwierząt domowych i dzikich, osobliwie krajowych historii naturalnej początki i gospodarstwo que je traduis approximativement par "Histoire naturelle des animaux sauvages et domestiques, particulièrement au niveau national (Pologne)" ; le tome 4 de 1780 contient page 89 la description de ce genre Plebejus riche d'une liste de 79 espèces, réparties en 57 Rurales ou Wiesniaki (paysans) et 22 Urbicolae ou Mieszczanie (citadins).
-
Zwierząt domowych i dzikich, osobliwie krajowych, historii naturalnej początki i gospodarstwo. Potrzebnych i pożytecznych domowych chowanie, rozmnożenie, chorób leczenie, dzikich łowienie, oswojenie, zażycie, szkodliwych zaś wygubienie:
-
t. 1: O zwierzętach ssących, Warszawa 1779; wyd. następne: Warszawa 1795; Warszawa 1809
-
t. 2: O ptastwie, Warszawa 1779; wyd. następne: Warszawa 1797; Warszawa 1813
-
t. 3: O gadzie i rybach, Warszawa 1780; wyd. następne: Warszawa 1798; Warszawa 1816
-
t. 4: O owadzie i robakach, Warszawa 1780; wyd. następne: Warszawa 1802; Warszawa 1823
-
przekł. litewski: fragmenty t. 4 – rozdz. o pszczołach: K. Niezabitowski: Surinkimas dasekimu par Mokintus żmonias senowias amziose tikray daritu apey bytes... Wilno 1823; wydane pod nazwiskiem brata: C. J. Niezabitowskiego
-
-
— Type spécifique: Papilio argus (Hemming 1933)
— Description :
Rodzay V. Pospolitek (Plebejus) zawiera naypospolitsze dzienne Motyle, ktore iak wszedzie widziec sie daia, tak od wszystkich poprzedzaiacych mnieysze sa. Kolory na nich sa slabe. Jedne maia plamy ledwie znaczne, u drugich przechodza az na dolna strone skrzydel : pierwsze zowia sie Rurales, albo Wiesniaki : drugie Urbicolae, albo Miesczanie.
(transcription ne respectant pas les caractères propre à la langue).
Traduction approximative :"Le genre Pospolitek (Plebejus) réunit les papillons diurnes les plus courants, que chacun peut voir partout en été, aux couleurs discrètes avec quelques taches sur les ailes. Ceux du premier groupe sont appelés Rurales, ou paysans, et ceux du second Urbicolae, ou Citadins"
Jean-Christophe Kluk donne alors une liste de 57 Plebejus Rurales ("Pospolitek Wiesniaki") et de 22 Plebejus Urbicolae ("Pospolitek Miesczanie"). Plebejus argus ( "Srebnook") porte le n° 15.
—Sous-genres
Ce genre renferme 2 sous-genres en France :
1°) Sous-genre Plebejus Kluk, 1780.
- Plebejus argus (Linnaeus, 1758). Azuré de l’Ajonc.
2°) Sous-genre Lycaeides Hübner, [1819]
- Plebejus argyrognomon (Bergsträsser, 1779) (Azuré des Coronilles).
- Plebejus bellieri (Oberthür, 1910) Azuré tyrrhénien.
- Plebejus idas (Linnaeus, 1761) Azuré du Genêt.
b) caractéristiques.
Selon les clefs de détermination, Plebejus se reconnaît parmi les Polyommatinae par :
- Une série de lunules submarginales fauves ou orangées au revers des ailes
- ET : Pas de point cellulaire sous l'aile antérieure
- ET : les points noirs marginaux du dessous de l'aile postérieure sont généralement pupillés de bleu-vert brillant (Lafranchis)
Voir aussi la clef d'identification bien illustrée de www.poitou-charentes.nature.asso.fr
Origine et signification du nom Plebejus .
— Spannert (1888) page 131 :
plebejus bürgerlich, niedrich.
— L. Glaser (1887) page 308 :
"Plebejer (plebs, -bis, gemeines Volk etc.,)"
— August Janssen (1980) page 43 :
"plebejer (in tegenstelling tot Patriciër) " .
— A.M. Emmet (1991) page 150 :
"-plebeius, plebeian, belonging to the plebs, the Roman common people. The plebeji were the fifth of the six phalanges into wich Linnaeus divided the butterflies, a group including all the smaller species (blues and skippers). As with Nymphalis and Danaus, Kluk was the first to use the Linnean name in a way that complied with future I.C.Z.N. rules for the establishment of generic names and is therefore deemed the author."
Trad : "plebeius, plébéien, appartenant à la plèbe, le peuple romain. Les Plebeji formaient la cinquième des six phalanges par lesquelles Linnaeus divisait les papillons, un groupe comprenant les espèces les plus petites (les bleus et les skippers); Comme pour Nymphalis et Danaus, Kluk fut le premier à utiliser le nom de Linné d'une manière qui soit conforme avec les règles de la future Commission Internationale de Nomenclature Zoologique I.C.Z.N pour la formation des noms génériques et il est donc par conséquent considéré comme auteur de ce nom."
— Hans A. Hürter (1998) pages 355-357:
Deuntung : Die Bedeutung des Wortes Plebejus ist vorstehend hinreichend dargelegt ; es wird heute jedoch anders benutzt als vor etwa 200 jahren.V.Linné teilte die Arten in 5 Gattungen, deren fünfte er Plebeji nannte. 200 Jahre Forschung schufen zusätzliche Einteilungsbegriffe im Tierreich, nach F-W I S.181, für die Schuppenflügler/Schmetterlinge folgendermaßen (hier nur für in F-W II vorkommende Familien) : [...] Die Familie Hesperiidae findet sich in der Unterkohorte Pyralidiformes unter der überfamilie Hesperioidea. Der ehedem alle damals bekannten Lycaeniden umfassende Name Plebejus/Plebeji ist heute Gattungsname für nur noch 2 mitteleuropaïsche Arten : argus und pylaon
Trad : "Le sens du mot Plebejus est suffisamment expliqué ci-dessus: mais il est utilisé différemment aujourd'hui qu'il y a quelques années, environ 200 ans. ..."
—Luquet in Doux et Gibeaux (2007) page 224 :
" Du latin plebeius, "propre à la plebs", c'est-à-dire au bas-peuple romain. Le termePlebejus est repris du mot Plebeji, créé par Linné en tant que phalange dans lequel il réunissait tous les papillons de petite taille, les "modestes" (d'où l'allusion au bas-peuple), par comparaison avec ceux, plus "nobles", des autres phalanges (Equites, "chevaliers" pour les papilionides, par exemple)."
— Perrein et al (2012) page 268.
" Étymologie : du latin plebeius, "commun, vulgaire", de plebs, plebis "peuple". Cinquième des six phalanges suivant lesquelles Linné subdivise les Papiliones ou papillons de jour, lesPlebeji regroupent toutes les petites espèces dont les chenilles sont le plus souvent contractées, ("parvi : larva saepius contracta") : Rurales et Urbicolae qui deviendront par la suite respectivement les Lycènes et les Hespéries."
— Arrizabalaga & al. 2013 :
Plebejus A Roma, el poble, els que no són nobles Linné agrupa amb aquest nom les papallones petites
Discussion.
Vingt-huit ans après la parution de la dixième édition du Systema Naturae de Linné de 1758, Jean-Christophe Kluk reprend, pour en faire un nom de genre, le nom de la cinquième "phalange" des Papilio de Linné, où celui-ci avait classé les papillons les plus petits ou les moins spectaculaires dans sa partition organisée autour du thème de la société grecque de la Guerre de Troie : loin des nobles Chevaliers (Equites), des divinités et Muses du mont Hélicon (Heliconi), des filles de Danaus ou des fils d'Aegyptos (Danai), des divinités des sources ou des bois (Nymphales), les Plebejus, du latin plebeius, "propre à la plebs", de plebs, plebis "peuple" rassemble le petit peuple des Blues et des Skippers anglais, nos Lycènes et nos Hespéries. Ce grand genre de 79 espèces de Kluk a fondu au fur et à mesure de son démembrement en nouveaux genres, pour ne plus contenir actuellement que les quatre espèces françaises, et un nombre divers selon les classifications d'espèces étrangères.
Voir le passionnant dossier La Plèbe romaine sur le site de Philippe Remacle : http://remacle.org/bloodwolf/institutions/plebs.htm
Les six phalanges crées par Linné pour ses Papiliones (rhopalocères) peuvent être considérés en deux groupes principaux : c'est ce que fera Hübner en 1819 dans son Verzeichniss en ne créant que deux Phalanges, Nymphales et Gentiles, c'est à dire Personnages mythologiques d'une part, et Personnages Humains de l'autre. Parmi ces derniers, se trouvent les Equites et les Plebeji, c'est à dire les deux grands éléments de la nation romaine depuis le VIe siècle av.J.C , les Praticiens issus des Patres, et les Plébéiens. Chez Linné, la phalange V des Plebeji s'oppose à la phalange I des Equites, les phalanges II, III, et IV relevant de la Mythologie surnaturelle, si je puis dire.
Voir mon article Noms des Papillons diurnes (rhopalocères) créés par Linné dans le Systema Naturae de 1758.
Les Plebejii sont eux-mêmes répartis chez Linné en deux sous-catégories, les Rurales et les Urbicolae, ce qui correspond à la Plèbe romaine, constituée de 90% d'agriculteurs, mais dont les membres des villes se répartissaient en proletarii, artisans (tisserands, cadreurs, tuiliers, boutiquires ou tabernarii), et Homines quasi-boni (riches financiers et négociants en gros).
Mais cette classe a laissé dans l'Histoire moins de personnages célèbres ou légendaires, et Linné, pour son onomastique, a souvent fait appel à une dénomination par la plante-hôte, ou aux noms d'artisans-artistes sculpteurs, peintres ou architectes.
Le Dictionnaire latin en ligne de Gérard Jeanneau donne pour ce mot Plebejus :
plēbēius (plēbējus), a, um. [plebs] : - 1 - plébéien, de la plèbe, de la populace. - 2 - du commun.
- philosophus plebeius, Cic. Tusc. 1 : philosophe de bas étage.
- cassis plebeia, Luc. : casque de simple soldat.
- plebeium sapere, Petr. : avoir un goût peu relevé.
- plebeius sermo, Cic. Fam. 9, 21, 1 : langage courant.
On remarque les connotations méprisantes du terme, que le mot français "la plèbe" possède aussi. Si on consulte le mot plebs, on découvre son étymologie latine, le verbe pleo, impleo, "remplir", du grec πίμπλημι : "remplir"; πλήρης : "plein"; cf. πλῆθος : "multitude". Ces racines sont aussi évoquées à l'origine du mot peuple. Plebs, c'est à la fois la plèbe, opposée au patriciens ; le peuple ; la populace ; et la foule, la multitude.
Issu du radical indo-européen *pel- (« plein (de monde, de gens) » → voir plenus) qui a donné des noms tels que pléthore, folk (« peuple » → voir full) en anglais, Volk (« peuple » → voir voll) en allemand, le latin plebs, plebis est à l'origine dans notre vocabulaire des mots plébiscite, plébéiens, mais aussi à une quantité de toponymes commençant par Ple, Plo, Plou, au sens de "paroisse". Indirectement, les noms de communes bretonnes débutant par Plou- ont favorisé la survenue du qualificatif familier ou péjoratif "plouc" au sens de paysan rustre.
3. Nom d'espèce : Plebejus argus (Linnaeus, 1758).
a) Description originale
Linnaeus, C. 1758. Systema naturæ per regna tria naturæ, secundum classes, ordines, genera, species, cum characteribus, differentiis, synonymis, locis. Holmiæ. (Salvius). Tomus I: 824 pp. page 483 .
— Description :
Argus n° 152. P[apilio] P[lebejus] alis ecaudatis cæruleis ; posticis subtus limbo ferrugineo ocellis cæruleo argenteis.
-Trad. : "Papillon de jour de la phalange des Plébeiens, aux ailes bleues dépourvues de queue ; dessous des ailes postérieures à bordure brun-rouille et à ocelles bleu-argenté ".
— habitat in Rhamno* Europae, Africae
* Rhamnus = Nerpruns
b) références données par Linné: (étudiées infra)
- [Linné] Fauna suecica 803 804
- De Geer ins. t.4 f.14, 15.
- Wilkes pap. 63 t.1 a1
- Roesel Insecten belustigung app. I. t.37 f.3-5.
- Merian, Eur. t.163. 174.
- Mouffet, ins. 106 f.1
- Robert ic. t.17
- Petiver gazophylacii t.35 f.1
- Ray, Historia insectorum, page 131 n° 11, 12
- Jonston, ins. t.6 f. penult.
c) Localité-type et description.
—Localité-type : sud de la Suède, selon Vérity qui se base sur le Fauna suecica. Suède désignée par Honey & Scoble (2001)
— Selon Dupont et al. 2013, cette espèce est présente dans toute la région paléarctique, sauf en Afrique du Nord. Elle est signalée dans toute la France. Les chenilles se nourrissent principalement sur diverses espèces de Fabaceae.
— Selon Wikipédia :
C'est un petit papillon qui présente un dimorphisme sexuel, le dessus du mâle est bleu violet à bordure noire et frange blanche, celui de la femelle est marron avec une ligne de lunules sub marginales orange surtout visibles aux postérieures. Le revers est beige chez le mâle, ocre chez la femelle orné d'une ligne marginale de points noirs pupillés de bleu vert argenté doublée d'une ligne de lunules orange puis d'une ligne de points noirs cerclés de blanc. Il vole en deux générations, en mai-juin puis juillet-août. Les sous-espèces Plebejus argus aegidion, Plebejus argus hypochionus et Plebejus argus corsica sont univoltines.
Il hiverne à l'état d'œuf ou de chenille.La chenille, petite et trapue, possède une tête rétractile noire et un corps verdâtre avec une bande dorsale brune et sur les flancs une ligne blanche.
Ses plantes hôtes sont des fabacées (gousses et fleurs): Astragalus, Coronilla, Cytisus, Galega, Genista, Lotus, Ulex. Pour Plebejus argus caernensis, la plante hôte est Helianthemum nummularium; pour Plebejus argus aegidion, c'est Onobrychis supina et Dirycnium pentaphyllum.
L'aire de répartition de l'Azuré de l'ajonc est paléarctique et recouvre toute l'Europe (sauf au nord la majorité de l'Angleterre et de la Scandinavie) et l'Asie tempérée jusqu'au Japon.
Il réside dans des lieux variés herbus et fleuris.
d) Synonymes et sous espèces.
Leraut retient la présence de neuf sous-espèces en France :
-1. argus Linnaeus, 1758.
-2. aegiades Gerhard, 1852. Localité-type : Nord de l’Allemagne —— Lycaena aegon aegiades Gerhardt, 1853 : Gerhard, B. [1850-1853]. Versuch einer Monographie der europaeischen Schmetterlingsarten Thecla, Polyomattus, Lycaena, Nemeobius. Als Beitrag zur Schmetterlingskunde. Hamburg. 21 pp. page 19.
-3. aegidion Meisner, 1918. Localité-type : Suisse.— Meisner, F. 1818. "Verzeichniss der Schweizerischen Schmetterlinge (Zweite Fortsetzung.)". Naturwissenschaftlicher Anzeiger der allgemeinen Schweizerischen Gesellschaft für die gesammten Naturwissenschaften, 1818(11): 86-88. page 88.
-4. corsicus Bellier, 1862. Localité-type : Corse. — Lycaena aegon corsica Bellier, 1862 : Bellier de La Chavignerie, J.-B. E. 1862. "Variétés nouvelles de Lépidoptères observées en Corse et décrites". Annales de la société entomologique de France, 4(2): 615-616. [http://www.biodiversitylibrary.org/page/8239557] page 615.
-5. gaillardi Beuret, 1950. Localité-type : Nîmes, Gard. — Plebejus argus gaillardi Beuret, 1950 : Beuret, H. 1950. "A propos de Plebejus argus L. [Lép. Lycaenidae] de la région de Nîmes (30)". Revue française de Lépidoptérologie, 12(13/14): 225-232.page 232.
-6. hypochionalpina Verity, 1931. Localité-type : Annot, Alpes de Haute-Provence. Verity, R. 1931. "On the geographical variations and the evolution of Lycaeides argus L." Deutsche Entomologische Zeitschrift, Iris, 45: 30-69. page 52.
-7. hypochionoides Tutt, 1909. Localité-type : Gavarnie, Hautes-Alpes.
-8. lydiades Fruhstorfer, 1910. Localité-type : Moulinet, Alpes-Maritimes.
-9. philonome Bergsträsser, 1779. Hanau, Hesse, Allemagne. — Papilio philonome Bergsträsser, 1779 : Bergsträsser, J. A. B. 1779. Nomenclatur und Beschreibung der Insecten in der Graffschaft Hanau-Münzenberg wie auch der Wetterau und der angränzenden Nachbarschaft dies und jenseits des Mains mit erleuchteten Kupfern. Zweiter Jahrgang. Hanau. (Stürner). 79 pp. page 72.
" Philonome : de Philonomé, fille de Tragasos, et seconde épouse de Cycnos, qui devint amoureuse de son beau-fils Ténès." (C. Perrein et al. 2012)
On cite encore :
— Lycaena aegon plouharnelensis Oberthür, 1910 : Oberthür, C. 1910. Etudes de lépidoptérologie comparée. Fascicule IV. Imprimerie Oberthür, Rennes. 691 pp. page 186.
— Lycaena hypochiona Rambur, J. P. 1858-[1866]. Catalogue systématique des Lépidoptères de l'Andalousie. Paris. 1: 412 pp. page 35.
— Papilio aegon [Denis & Schiffermüller], 1775 : [Denis, J. N. C. M. & Schiffermüller, I.] 1775. Ankündung eines systematischen Werkes von den Schmetterlingen der Wienergegend, herausgegeben von einigen Lehrern am k. k. Theresianum.. Vienne. 322 pp. page 185. [http://gdz.sub.uni-goettingen.de/dms/load/img/?PPN=PPN574458115&DMDID=DMDLOG_0006&LOGID=LOG_0008&PHYSID=PHYS_0178]
.
d'. Les deux sous-espèces philonome et plouharnelensis.
La zoonymie de deux sous-espèces, traitées dans l'atlas régional de Bretagne (et également dans l'ouvrage de C. Perrein & al. 2012 concernant la Loire-Atlantique et la vendée) seront détaillées ici.
d'1. La sous-espèce philonome.
philonome Bergsträsser, 1779. Hanau, Hesse, Allemagne. — Papilio philonome Bergsträsser, 1779 : Bergsträsser, J. A. B. 1779. Nomenclatur und Beschreibung der Insecten in der Graffschaft Hanau-Münzenberg wie auch der Wetterau und der angränzenden Nachbarschaft dies und jenseits des Mains mit erleuchteten Kupfern. Zweiter Jahrgang. Hanau. (Stürner). 79 pp. page 72. Vier und vierzigste Tafel der Nomenklatur. Dreifigste Tafel der Schmetterlinge
http://gdz.sub.uni-goettingen.de/dms/load/img/?PPN=PPN587686561&DMDID=DMDLOG_0004&LOGID=LOG_0008&PHYSID=PHYS_0079
[Planche 44, fig. 6, 7 et 8] : http://resolver.sub.uni-goettingen.de/purl?PPN587691166
http://gdz.sub.uni-goettingen.de/dms/load/img/?PPN=PPN587691166&DMDID=DMDLOG_0002&LOGID=LOG_0005&PHYSID=PHYS_0091
Charles Oberthür a représenté en 1910 dans Études de Lépidoptérologie comparée fascicule 4, planche 40 (lithogravure de J. Culot), fig. 283-284, p. 669 [légende] l'avers et le revers d'un couple capturé à Rennes en juillet 1909, avec la légende "Lycaena Aegon ♂ et ♀ W.V Rennes captur. juillet 1909". Il avait précisé page 172 "J'appelle Argus, Linné, ce que Staudinger et Rebel (Catalog. 1901) appellent Argyrognomon, et Aegon, W.V [Denis & Schiffermüller], ce que les mêms auteurs, dans le même catalogue, appellent Argus."
Image BHL : http://www.biodiversitylibrary.org/item/40144#page/711/mode/1up
.
.
Caractéristiques écologiques de P. argus philonome.
Je les emprunte à Donovan Maillard 2014 avec la comparaison avec Plebejus idas:
Plebejus argus philonome est généralement rencontré dans des landes mésophiles à Ulex minor et Erica ciliaris.
Plebejus argus philonome occupe essentiellement des landes basses mésophiles, et plus ponctuellement des landes xéro-mésophiles ou méso-hygrophiles. Plebejus idas armoricana se rencontre quant à lui dans des landes généralement plus hautes, mésophiles à xérophiles, et plus ponctuellement xéro-thermophiles ou méso-hygrophiles
Plebejus argus philonome occupe généralement des landes basses tandis que Plebejus idas armoricana a été rencontré dans des landes plus hautes. Ce constat est en adéquation avec les besoins de leurs fourmis symbiontes respectives d’une part, et avec les plantes-hôtes larvaires attestées de P.idas d’autre part. En effet, Plebejus argus philonome vit vraisemblablement en symbiose avec Lasius niger lors de son développement larvaire, puisque des pontes de l’azuré ont été déposées à proximité des fourmilières de cette espèce. Cette symbiose est d’autant plus probable que la fourmi a été rencontrée sur d’autres colonies de P.argus philonome en Bretagne, et que Fielder (1991) l’a déjà observée. [...] Ainsi Lasius niger a un essaimage de juillet à août (Blatrix et al, 2013) quand P.argus philonome vole en juin et juillet en Bretagne.
.
Zoonymie de philonome.
Ce nom de Philonome suit, dans la publication de Bergsträsser, ceux de Telegonus et de Polysperchon. On peut penser que l'auteur s'inspire d'un des dictionnaires de mythologie, qui se copient mutuellement et dont voici un exemple :
Dictionnaire portatif de mythologie pour l'intelligence des poëtes, par André de Claustre, Richer, 1765 :
— Philonomé 1 , fille de Nyctimus et de la Nymphe Arcadie , allait d'ordinaire à la chasse avec Diane. Mars prenant la forme d'un berger , s'accosta de Philonomé , et la rendit mère de deux enfants jumeaux ; mais craignant l'indignation de son père, elle les jeta dans l'Erimanthe. Le Dieu, leur père, prit soin de les sauver, au rapport de Plutarque. Voyez Lycastus
— Philonomé 2, fille de Craugasus, renouvela envers Ténès, son beau-fils, l'histoire de Phèdre à l'égard d'Hippolyte. Voyez Cygnus, Ténès.
Cet extrait du Dictionnaire me conduit à en rechercher les sources :
Pour Philonomé 1, il s'agit de Parallela minora des Oeuvres Morales de Plutarque, trouvées sur le site de Philippe Remacle dans la traduction de Ricard, 1844 page 130 § 72 :
72. Phylonome, fille de Nyctimus et d'Arcadia, suivait Diane à la chasse. Mars, sous l'habit d'un berger, la séduisit, et la rendit mère de deux fils jumeaux, que la crainte de son père fit exposer sur le mont Érymanthe. Par une providence particulière, ils tombèrent dans le creux d'un chêne, sans se blesser. Une louve, qui y avait mis bas, alla jeter ses petits dans un fleuve voisin, et allaita ces deux enfants. Le berger Tyliphus, témoin d'un fait si extraordinaire, prit les enfants, les éleva comme s'ils eussent été à lui, nomma l'un Lycastus, et l'autre Parrhasius. Ils parvinrent depuis, l'un et l'autre, au trône d'Arcadie. (Zopyre de Bysance, au troisième livre de son Histoire.)
Pour Philonomé 2, je parviens au texte d' Apollodore :
III,24 De sa femme Procléia, fille de Laomédon, Cygnos avait eu un fils, Ténès, et une fille, Hémithéa ; puis il s’était marié avec Philonomé, la fille de Tragasos. Mais cette dernière, amoureuse de Ténès, et incapable de le séduire, l’avait calomnié auprès de son père, Cygnos, en lui disant qu’il avait cherché à la corrompre, et qu’elle avait même un témoin, le joueur de flûte Eumolpos.
III, 25. Cygnos la crut. Il enferma Ténès et sa sœur dans un coffre qu’il jeta à la mer. Le coffre échoua sur l’île de Leucophrys ; Ténès mit pied à terre et colonisa l’île que de son nom il appela Ténédos. Quand plus tard Cygnos apprit la vérité, il fit lapider le joueur de flûte et enterrer vive sa femme. Apollodore, Epitomé III, 22-27
L'histoire de Philonomé 2 est donc liée à celle de son époux Cygnus, ou Cygnos, ou Cycnos :
"Cycnos. - Fils de Poséidon et de Calycé, ou d'Harpalé, en encore de Scamandrodicé. Ayant été exposé sur le rivage de la mer après sa naissance clandestine, il fut trouvé par des pêcheurs, qui, voyant un cygne descendre sur sa tête, l'appelèrent Cycnos. Plus tard, il devint roi de Colone en Troade, et épousa Proclée, fille de Laomédon, qu'il rendit mère de Ténès et d'Hémithée. Suivant Dictys, ses enfants s'appelaient Cobis, Cotianos et Glaucé.
Après la mort de Proclée, il se maria avec Philonomé, fille de Craugasos, qui, éprise de son beau-fils, et n'étant pas payée de retour, le calomnia auprès de son père. Cycnos l'enferma avec sa soeur Hémithée dans un coffre, et les jeta dans la mer. Plus tard, ayant découvert la vérité, il tua Philonomé, et se rendit chez son fils, qui, parvenu avec son coffre sur la côte de Ténédos, en était devenu roi. Suivant une autre tradition, Ténés ne laissa pas débarquer son père, mais il coupa le câble de son vaisseau."
Bergsträsser a créé selon Animalbase 65 noms entre 1779 et 1783. Ce sont pour la plupart des noms construits sur des racines grecques, et puisés dans la mythologie, et es papillons de la faune française argyrognomon baton, bellargus, nausithous, teleius, qui sont des Azurés, en témoignent.
" Philonome : de Philonomé, fille de Tragasos, et seconde épouse de Cycnos, qui devint amoureuse de son beau-fils Ténès." (C. Perrein et al. 2012).
.
d'2.La sous-espèce Plouharnelensis.
— Lycaena aegon plouharnelensis Oberthür, 1910 : Oberthür, C. 1910. Études de lépidoptérologie comparée. Fascicule IV. Imprimerie Oberthür, Rennes. 691 pp. page 186 et 667 [lég.]
Elle a été décrite par Oberthür page 186 dans le texte suivant :
"La race de Plouharnel est petite ; le mâle est gris de lin en dessous ; quelquefois ses ailes inférieures en dessus sont ornées de taches marginales aurores ; assez souvent il y a une grosse tache noire en forme de barre sur le milieu des ailes inférieures en dessous ; je possède ainsi 7 exemplaires semblables, pris en trois jours de chasse . J'ai fait figurer le ♂ et la ♀ de cette Aberration sous les n° 252 et 253 de la Planche XXXVIII de cet ouvrage. J'ai donné à cette Aberration le nom de Plouharnelensis. "
texte : http://www.biodiversitylibrary.org/item/40144#page/194/mode/1up
Planche 38 : http://www.biodiversitylibrary.org/item/40144#page/707/mode/1up
Légende : http://www.biodiversitylibrary.org/item/40144#page/675/mode/1up
La légende est particulièrement précieuse car elle précise le lieu et la date de capture, et son biotope, les dunes :
252 LYCAENA AEGON-PLOUHARNELENSIS ♂, Obthr. Dunes entre Plouharnel et Kerostin (Morbihan) : 4 à 6 juin 1909.
253 LYCAENA AEGON-PLOUHARNELENSIS ♀, Obthr. Dunes entre Plouharnel et Kerostin (Morbihan) : 4 à 6 juin 1909.
La pointe de Kerhostin se trouve en commune de Saint-Pierre-Quiberon, au sud de Plouharnel (voir carte). Le vol en juin, la fréquentation des dunes, particulièrement celles du Morbihan autour de Plouharnel, caractèrisent parfaitement cette sous-espèce.
Oberthür, 1910. Études de lépidoptérologie comparée. Fascicule IV, page 186. et planche 38 fig. 252-253. BHL
Oberthür, 1910. Études de lépidoptérologie comparée. Fascicule IV, page 667, légende de la planche 38 fig. 252-253. BHL
.
Zoonymie de plouharnelensis :
Elle a été parfaitement commentée par Christian Perrein & al 2012 page 172 :
"Latinisation avec le suffixe -ensis pour "de Plouharnel" commune du Morbihan, du vieux-breton ploiv, ploev, "paroisse" — du brittonique emprunté au latin plebs "peuple" et du nom de saint : Armel." (C. Perrein et al. 2012).
Il reste à préciser que cette commune du Morbihan est située au fond de la baie de Quiberon, à 3 km de Carnac, et qu'on y trouve l'un des plus grands domaines dunaires de la Bretagne Sud : de la plage d'Erdeven (plage de Sainte-Barbe) au fort de Penthièvre sur la commune de Saint-Pierre-Quiberon. Voir ce dossier pdf http://www.site-gavres-quiberon.fr/bases/pdf/document/223/recueilpart2.pdf auquel j'emprunte l'image suivante. Je signale que c'est devant cette plage d'Erdeven que le cargo maltaisTK Bremen s'est échoué dans la nuit du 15 au 16 décembre 2011, lors de la tempête Joachim.
Le nom de cette sous-espèce est, pour celui qui connaît le biotope dunaire de la commune de Plouharnel, particulièrement représentatif de la distinction, adoptée par les naturalistes de l'Ouest, entre philonome (dans les landes) et plouharnensis (dans les dunes). Je cite Donovan Maillard, 2014 :
"En Bretagne, l’espèce s’observe sous deux formes respectivement présentes dans les landes puis dans les dunes. La différenciation de ces deux entités semble identique en Bretagne administrative et dans le territoire d’étude de Perrein (2012), à savoir la Loire-Atlantique et la Vendée. Il a donc été décidé de reprendre les dénominations de Perrein (2012) distinguant Plebejus argus philonome Bergsträsser, 1779 dans les landes et Plebejus argus plouharnelensis Oberthür, 1910 dans les dunes, bien que ces noms ne soient pas reconnus dans le référentiel taxonomique de Dupont et al (2013)."
"Plebejus argus plouharnelensis aurait des individus de petite taille, avec les ailes antérieures saupoudrées de bleu chez les femelles. En revanche, Plebejus argus philonome aurait des individus plus robustes avec le dessous des ailes à fond bleuâtre, plus clairs que ceux du littoral (Perrein, 2012 ; Perrein & Guilloton, 2003 )."
"Plebejus argus plouharnelensis a été rencontré sur 8 mailles depuis 2000. Le taxon a ainsi été recensé de la pointe de la presqu’île de Quiberon jusqu’à Guidel, à l’ouest de Lorient, avec une interruption dans le secteur de Larmor-Plage où le littoral est longé par une route et des infrastructures souvent liées au tourisme. Par ailleurs, un individu isolé a été observé en septembre 2010 dans les dunes de Poulguen à Penmarch (Finistère, VT09) sans qu’aucune colonie n’y ait été revue depuis. Enfin deux individus ont été observés le 19 août 2014 sur les dunes de Donnant, à Sauzon, sur l’île de Belle-île en-mer. Cette répartition correspond aux milieux dunaires de la région où les conditions météorologiques sont les plus c l é m e n t e s ( f o r t e n s o l e i l l e m e n t , températures élevées, pluviosité modérée), à l’exception de l’individu isolé observé à Penmarch (figure 29 - LeGarff et al, 2014)."
"Ecologie de P.argus plouharnelensis dans les dunes : La forme des dunes de l’Azuré de l’Ajonc Plebejus argus plouharnelensis a été rencontrée exclusivement sur des dunes grises - ou dunes stabilisées - dominées par l’Immortelle des sables Helichrysum stoechas. Il a été remarqué que les stations comportent toujours la luzerne Medicago littoralis et parfois Medicago minima, comptant parmi les rares fleurs de ce milieu et souvent butinées par les imagos. Toutes les colonies ont été observées dans des micro-habitats peu exposés aux vents (dépressions dunaires, abords de chemins, zones en arrière de ganivelles…) mais bénéficiant d’un bon ensoleillement. De plus, les colonies ont toujours été rencontrées à proximité de zones où la végétation atteint quelques dizaines de centimètres. Il a été observé que ces zones servent de refuge aux Plebejus en dehors de leurs périodes de vol (conditions climatiques défavorables, nuits…), phénomène déjà renseigné dans la littérature (Dennis & Sparks, 2006). De plus, les colonies ont été observées dans des zones faiblement exposées au piétinement (zones isolées, bords de routes, arrières de ganivelles, zones militaires, sites protégés…)." Plebejus argus plouharnelensis n’est rencontré que sur les dunes grises. Ceci s’explique par la présence de sa plante-hôte Helichrysum stoechas (de Joannis, 1908 ; Perrein, 2012) ne se développant pas sur les autres stades de développement dunaire (embryodunes, dunes blanches…). A l’heure actuelle, aucune information n’a été collectée quant à la fourmi avec laquelle les larves peuvent se développer sur les dunes."
e) Origine et histoire du nom argus.
— Spannert (1888) page 26 :
"Der hundertäutiger Wächter der Io"
— L. Glaser (1887) page 308 :
""hundertäutiger Wächter der Jo")"
— Spuler (1903-1908) page 60:
"hundertäutiger Wächter der Io"
Le gardien aux cent yeux d'Io.
— August Janssen (1980) page 43 :
"plebejer (in tegenstelling tot Patriciër) " .
— Emmet (1991) page 150 :
Zeus was in love with Io, and to indulge himself without arousing the jealousy of his wife Hera, he turned Io into a heifer. Hera, however, learnt of this and placed Io in the care of Argos who have a hundred eyes. Not to be outdone, Zeus enlisted the aid of Hermes who lulled Argus to sleep with the sound of his flute and then cut off his head ; the lascivious Zeus then had the opportunity he had sought. Hera consoled herself by transplanting the eyes of Argus into the tail of the peacock. The name, therefore, is apt and refers to the eye-spots on the underside of the butterfly's wings. Linnaeus here gives references to the descriptions and figures of Polyommatus icarus by Petiver, Ray and Wilkes, so it is not altogether certain to which species the name properly belongs; see also celastrina argiolus.
— Hans A. Hürter (1998) page 361 :
Nach welchem Argos v. Linné die Bläulingsart benannte, hat er uns nicht hinterlassen. Man darf aber sicher annehmen, daß er Argos Panoptes, den Bewacher der Io, im Sinn hatte.
— Doux et Gibeaux (2007) page 194 :
Argus : Héros de la mythologie grecque pourvu de cent yeux. Épris d'Io, Zeus, pour s'abandonner à son penchant amoureux pour attiser la jalousie de sa femme Héra, métamorphosa celle-là en génisse. Informée du subterfuge, Héra plaça Io sous la surveillance d'Argus. Afin de contourner la difficulté, Zeus s'assura l'aide d'Hermès qui, au son de sa flûte, plongea Argus dans un profond sommeil, puis lui trancha la tête. Zeus eut alors le champ libre pour mettre ses projets lascifs à exécution. Héra se consola en transplantant les yeux d'Argus sur la plume du paon. C'est à ce récit que fait allusion le nom donné aux Lycènes dénommés "Argus" en référence aux nombreuses tâches ocellées dont est ornée le revers de leurs ailes.
— Perrein et al (2012) page 268.
Du nom du célèbre personnage de la mythologie grecque, Argos, descendant de Zeus, qui régna sur l'Argolide dans le Péloponnèse, doté d'une force prodigieuse et, selon certaines versions, d'une infinité d'yeux répartis sur tout le corps. Surnommé Panoptes — qui voit tout — ce prince argien exerçait une surveillance inégalable car ses yeux ne dormaient que par moitié : il en avait toujours autant d'ouverts que de fermés. C'est bien-sûr un clin d'œil de Linné à des espèces qui ont de très nombreux ocelles et points au revers des ailes.
— Arrizabalaga & al.
Argos, gegant de cent ulls que vigila Io en forma de vedella
Discussion sur le nom argus : reportée à la suite du paragraphe suivant.
Les publications qui précèdent celle de Linné 1758 et que celui-ci donne en référence.
Placées dans l'ordre chronologique :
- Mouffet, 1634 insectorum page 106 f.1
- Johannes Jonston, Di insectis Liber I . t.6 f. penult. (reprise de Moffet)(ici page 43 et tableau V page 36)
- Merian, 1683, Eur. t.163. 174.
- Petiver 1704 gazophylacii page 55 t.35 f.1
- Ray, 1710 Historia insectorum, page 131 n° 11, 12
- [Linné] Fauna suecica 1746 803 804
- Roesel 1746 Insecten belustigung app. I. t.37 f. 3-5.
- Wilkes 1747-49 pap. 63 t.1 a1
- De Geer 1771 insectes. t.4 f.14, 15.
- Robert ic. t.17
a) Thomas Moffet, 1634 Insectorum sive Minimorum Animalum theatrum page 106 f.1.
Cette référence désigne la première figure (non numérotée) en haut de la page 106, mais le texte correspondant se situe au paragraphe 4 de la page 105 ; ce décalage du texte et de la figure est signalée par Petiver page 35 de son Musei (infra) :
Diurnae papiliones minimae. Laetiore aspectu prodit, alis oculatis, cyanum coelestem atque incomparabilem spirantibus. Fecit illam D[a]edala rerum artifex natura totam oculeam, adeo ut πανοπτλω [Πανόπτης : panoptes] illum in Mythologo Arctoris filium, non pavonis caudae insertum, sed in hujus alis habitantem haud inepte fingeres : quas quidem non minori superbia adverso sole expandit, atque illa avis Junonia, quam (prae coelesti quo excellit colore) fere in ruborem dat.
En raison des longs développements nécessaires, j'ai reporté l'analyse de cette référence en Annexe. Pour la résumer, Moffet, en 1634, s'il n'a pas donné un nom propre à ce papillon (dont la grossière gravure sur bois et la description sommaire —ailes bleues ocellées— ne permettent pas une identification spécifique), est le premier à établir une relation entre ce papillon, et Argus aux cent yeux qui fut nommé par Junon gardien de lo (aimée par Jupiter qui l'avait transformé en génisse) puis qui fut tué par Mercure sur ordre de Jupiter. Junon plaça ses yeux en ornement de la queue de son paon emblématique comme autant de pierres précieuses. Moffet suggère que ces yeux d'Argus auraient pu plutôt venir orner les ailes incomparables du papillon.
Mieux, cette comparaison, avec la dénomination qu'elle suscite, proviendrait peut-être du naturaliste de Zurich Conrad Gessner (1516-1565), dont Moffet a hérité des notes et des illustrations d'insectes, ce qui ferait d'elle l'une des plus anciennes origines des noms de papillons. Car c'est Gessner qui a rédigé dans son Onomasticon de 1544 la première compilation complète sur le personnage d'Argus Panoptes dans l'antiquité.
b) James Petiver 1704 gazophylacii page 55 planche 35 f.1 :
A1 : papiliunculus coeruleus vulgatissimus Mus.nost 318. The Blue Argus. Very common in Heath.
[A2 : The pale Blue Argus
A3 : the mixt' Argus.
A4 : The edg'd brown Argus.]
Dans son texte, l'auteur crée un renvoi vers son Musei, ce qui nous impose de le consulter :
b' James Petiver 1695 Musei petiveriani page 34 n°A318
Papiliunculus caeruleus ocellus plurimis subtus eleganter aspersis. The little Blew-Argus There are frequently met with about Autumn on Heaths.
Traduction :"Petit papillon dont le dessous des ailes est aspergé d'ocelles bleues de la plus haute élégance. Le petit Argus Bleu. ils sont fréquemment rencontrés dans les landes en automne."
n.b : on remarquera la forme obsolète Blew au lieu de Blue : en anglais moyen, blew ou plutôt blewe dérive partiellement de l'ancien anglais et partiellement de l' Anglo-Normand blew, blef (“blue”).
Dans cette première publication de 1695, The little Blew-Argus est la seule espèce nommée Argus. Nous nous situons ici sur le lieu de naissance du terme "Argus" pour nommer un papillon. Il me paraissait évident que c'était le le terme ocellus qui avait déterminé ce choix : d'une part parce que cette espèce est la seule des trente papillons de Petiver dans la description duquel figure ce mot ocellus (on trouve ailleurs oculatus ou oculus pour qualifier les "yeux" des ailes) ; d'autre part que (Furetière 1690) les expressions "les cent yeux d'Argus" ou "Avoir des yeux d'Argus" étaient déjà proverbiales au XVIIe siècle. Mais je n'avais pas encore déchiffré le texte de Moffet. James Petiver a repris ici, sous forme d'un nom vernaculaire bien spécifié, la dénomination qui n'était que suggérée avec précision, mais sans mention du nom Argus, par son compatriote Thomas Moffet en 1634.
C'est donc à l'apothicaire londonien James Petiver que l'on doit la création du nom Argus pour désigner, sinon Plebejus argus, (le papillon décrit ici serait plutôt Polyommatus icarus) du moins un équivalent de nom de genre pour quatre papillons bleus à ocelles.
c) John Ray 1710 Historia insectorum, page 131 n° 11, 12 :
11. Papilio parva, alis superne purpureo-caeruleis, subtus cinereis, maculis nigris circulo purpurante cinctis, punctisque nigris pulchre depictis. The most common small blue Butterfly. Papiliunculus coeruleus, ocella plurimis, subtus eleganter aspersis. The little blue Argus, Mus. Pet. 318. Diurnarum minimarum quarta Mouffeti, 105.
12. Papilio parva, alis supinis pullis, cum linea seu ordine macularum lutearum ad imum marginem.
Traduction sous réserve : Petit papillon, au revers sans taches, avec une ligne ou une marque jaune à l'extrémité de la marge
Linné donne deux références de J. Ray pour le même papillon.
f) Linné, 1746 Fauna suecica, page 246 n°803 et 804.
n° 803 : Argus oculatus. "Argus pourvu d'yeux*". Linné renvoie au n°11 de Ray.
n°804 : Argus fuscus. "Argus brun". Linné renvoie au n°12 de Ray.
Dans sa Fauna suecica, Linné avait tenté quelques noms "vulgaires" (précédés de la mention "vulgo"), dont quatre "argus (oculatus, fuscus, myops et caecus). Dans le Systema Naturae de 1758, il réunit les deux premiers sous le même nom d'Argus, peut-être parce qu'il considère qu'il s'agit des deux formes sexuées de la même espèce, la femelle ayant les ailes brunes (fuscus).
La traduction du latin oculatus dans le Gaffiot est "pourvu d'yeux ; clairvoyant", mais Calepino dans son Dictionarium précise : occulatus : "couvert d'yeux", comme Argus centoculus. Ce qui renforce l'image créée par le nom argus.
g) Johann August Roesel 1746 Insecten belustigung I. Classe II Supplément tableau p. 37 fig. 3-5 page 197
De kleine buitengemeen schoone, hoogblaauwe Dagvlinder der tweede classe.
http://www.biodiversitylibrary.org/item/31188#page/269/mode/1up
h) Benjamin Wilkes 1747-1749 pap. 63 t.1 a1.
Voir la Planche des Copper Plates and English Moths and Butterflies de B. Wilkes page 119 (?).
i) Geer, (Charles de), 1771 Mémoires pour servir à l'histoire des insectes , Stockholm : Hesselberg, .Tome 1 [1]-[15] 707 pages, 37 planches, Gallica . Tome second première partie 616 pages, ; Tome second deuxième partie pages 617 à 1175, 43 planches gravées par Bergquist. page 693 planche 4 fig.14
Petit papillon à bouton et à six jambes, d'un bleu céleste, à taches en yeux au dessous des ailes.
Discussion sur le nom argus.
ARGUS, Selon les Poëtes, estoit homme ayant cent yeux, desquels les quatre vingts et dix huit veilloient tousjours. Jean Nicot: Le Thresor de la langue francoyse (1606)
Le nom Argus, Argos en grec, remonte à l'Antiquité où il désigne plusieurs personnages, un roi, une ville, et un chien. Le chien en question est celui d'Ulysse, qui le reconnait à son retour en son île d'Ithaque. La ville grecque située en Argolide (qui en tire son nom) dans la péninsule du Péloponnèse fut l'une des places-fortes de la civilisation mycénienne. Son nom viendrait de la racine grecque arg-, qui signifie « quelque chose de brillant » (cf. argyros signifie « argent »). Enfin le roi Argos fils de Zeus est le fondateur mythique de la ville précédente.
Plus intéressant est l'argonaute Argos : fils d'Arestor, il passe (ou bien son homonyme Argos fils de Phrixos selon les sources) pour l'artisan qui construisit avec l'aide de la déesse Athéna le navire Argo et lui donna son nom. Il s'embarqua ensuite comme pilote avec les Argonautes, et notamment avec Idas (cf. Plebejus idas) et son frère Lyncée, sous la conduite de Jason pour obtenir la Toison d'or.
Mais le plus connu est le géant Argus, célèbre notamment par la légende d'Io racontée par Ovide dans le Livre I de ses Métamorphoses. La voici, résumée par le site Bibliotheca selecta classica :
Io est la fille du fleuve Inachus. Lorsque Jupiter l'aperçoit, il décide de la posséder malgré elle, l'empêche de fuir en couvrant la terre de ténèbres, et lui ravit son honneur. Junon soupçonnant que cette obscurité soudaine couvre une infidélité de son mari, descend sur terre, mais Jupiter, pour soustraire Io à la fureur de son épouse, la transforme en une génisse d'une beauté éclatante. Junon, jalouse et méfiante, obtient que la génisse lui soit offerte en cadeau et décide de la confier à la garde d'Argus, fils d'Arestor. Réduite à courir les pâturages et à ne plus émettre que des mugissements, la génisse Io, impitoyablement surveillée par Argus aux cent yeux, arrive au bord de l'Inachus et parvient, en traçant des signes sur le sol à l'aide de son sabot, à se faire reconnaître. Argus revient arracher Io à son père consterné, et l'emmène en un lieu où il pourra mieux la surveiller.
Jupiter apitoyé par le sort de Io dépêche Mercure sur terre, avec mission de supprimer Argus. Se faisant passer pour un berger jouant sur une flûte de roseaux, Mercure s'approche d'Argus qui, séduit par ses récits et ses chants, cherche à résister à la torpeur qui le gagne en lui demandant l'origine de ce nouvel instrument.
Mercure raconte à Argus l'histoire de Syrinx, naïade adepte de Diane et vouée à la virginité. Pour échapper aux poursuites de Pan, elle obtint d'être métamorphosée par les eaux du Ladon qui lui barrait la route, si bien que Pan ne put saisir que des roseaux. En découvrant que, lorsqu'il soupirait, l'air traversant les roseaux produisait une mélodie agréable, Pan songea à assembler des roseaux avec de la cire pour en faire la flûte de Pan, à qui il donna le nom de syrinx.
Mercure, dont les récits avaient triomphé de la vigilance d'Argus, endormit complètement le monstre à l'aide de sa baguette magique, puis le décapita d'un coup d'épée. Junon recueillit alors les yeux éteints d'Argus, pour en parer la queue du paon, son oiseau sacré.
La caractéristique d'Argus, ce sont ses yeux. Voici comment Ovide les décrit, en des vers qui seront à jamais associés au personnage :
Centum luminibus cinctum caput Argus habebat
inde suis uicibus capiebant bina quietem,
cetera seruabant atque in statione manebant.
Constiterat quocumque modo, spectabat ad Io,
ante oculos Io, quamuis auersus, habebat.
"Argus avait la tête entourée de cent yeux,
qui, par deux, à tour de rôle, se reposaient ;
les autres veillaient et restaient en faction.
Quelle que soit la position adoptée, il regardait vers Io.
Même le dos tourné, il avait Io sous les yeux." (1, 713-724);
Ovide, auteur latin du Ier siècle av/Ier siècle ap. J.C. reprend ici la tradition des auteurs grecs qui avaient attribué à Argos l'épithète de « Panoptès » (Πανόπτης / Panóptês, « celui qui voit tout ») en raison de ses yeux multiples :
Le surnom panoptes (qui qualifie aussi Zeus) est mentionné dans Apollodore de Rhodes Livre 2,1 2-3 (I-IIe siècle ap. J.C)
"Ecbasos eut un fils, Agénor, et ce dernier eut Argos, appelé « Panoptès », parce qu'il avait des yeux sur tout le corps".
On trouve aussi les yeux d'Argus mentionné sur un fragment n°5 de l'Aigimos, poème perdu attribué à Hésiode ou à Cercops de Millet, Scholiaste sur Euripides, Phoen. 1116 : http://omacl.org/Hesiod/frag2.html :
"Et (Hera) plaça sur Io un surveillant, le grand et fort Argus, qui par ses quatre yeux regarde tans toutes les directions. La déesse se reposait sur sa force infatigable. Le sommeil ne tombait jamais sur ses yeux ; mais il restait toujours vigilant.".
Les autres sources grecques concernant Argos sont : Eschyle, Prométhée enchaîné. (Ph. Remacle) :
565-566 :
" Ἆ ἆ, ἒ ἔ,"χρίει τις αὖ με τὰν τάλαιναν οἶστρος,
εἴδωλον Ἄργου γηγενοῦς, ἄλευ᾽ ἆ δᾶ· φοβοῦμαι
τὸν μυριωπὸν εἰσορῶσα βούταν
Ah! ah! hélas! hélas! un taon me déchire encore de son dard.
— Malheureuse! c'est l'affreux fantôme d'Argus, du fils de la Terre
677-681 "βουκόλος δὲ γηγενὴς
ἄκρατος ὀργὴν Ἄργος ὡμάρτει, πυκνοῖς
ὄσσοις δεδορκὼς τοὺς ἐμοὺς κατὰ στίβους "
Le bouvier fils de la Terre, l'impitoyable Argus me suivait,
attachant sur mes traces ses yeux innombrables
Voir l'ensemble des sources sur le site theoi.com
http://www.theoi.com/Gigante/GiganteArgosPanoptes.html
N.b Hübner a nommé un papillon papilio panoptes : notre Pseudophilotes panoptes Hübner, 1813.
L'autre passage important pour cette zoonymie est celui où les yeux d'Argus sont récupérés à sa mort par Junon pour orner le plumage du paon, puisque c'est ce passage qui associe les ocelles des ailes avec le personnage d'Argus.
Arge, iaces, quodque in tot lumina lumen habebas,
exstinctum est, centumque oculos nox occupat una.
Excipit hos uolucrisque suae Saturnia pennis
collocat et gemmis caudam stellantibus inplet.
"Argus, te voilà gisant ; la lumière de tes regards si nombreux
s'est éteinte, et sur tes cent yeux règne une nuit sans fin.
La Saturnienne les recueille et les place sur le plumage de l'oiseau
qui est sien, lui couvrant la queue d'étincelantes pierres précieuses."
Hermès et Argos Panoptès, vase attique à figures rouges Kunsthistorisches Museum, Vienne, Autriche theoi.com
Comme nous l'avons vu, l'emploi du nom Argus pour désigner un papillon a été d'abord suggéré par l'anglais Thomas Moffet en 1634, dans sa description d'un papillon aux ailes d'un bleu céleste parsemées d'ocelles, où il envisage que Mercure, au lieu d'avoir disséminé les yeux d'Argus après l'avoir tué sur la queue du paon, oiseau de Junon, avait bien pu en avoir orné les ailes de cette espèce. Il a peut-être repris cette image du naturaliste zurichois Conrad Gessner, dont il avait hérité de la collection entomologique, mais qui était aussi auteur dans son Onomasticon de 1544 d'une des premières compilations sur le nom d'Argus panoptes.
Si Thomas Moffet n'utilise pas le nom Argus lui-même mais le désigne par son épithète Panoptes, l'apothicaire londonien James Petiver crée le nom d'Argus en 1695 sous la forme The Little Blew-Argus ("le Petit Argus Bleu") avant de décliner ce nom en 4 espèces de sa collection dans son Gazophylacii de 1704, The Blue Argus, The pale Argus, the mixt' Argus et The edg'brown Argus. Le nom est repris par John Ray en 1710, puis surtout par Linné qui, dans sa Fauna suecica de 1746 crée sous une forme vernaculaire en latin les quatre Argus oculatus (Argus ocellé, "couvert d'yeux",subtus ocellus numerosis), fuscus ("brun" subtus ocellus numerosis , idem), myops ("aux yeux à demi-fermés" subtus punctis nigris quadraginta duobus : "42 points noirs à la face inférieure") et caecus ("aveugle", subtus viridis immaculatis : "dessous vert sans tache, sans yeux"). Dans son Systema Naturae de 1758, il ne donne le nom Argus qu'à une seule espèce Papilio Plebejus argus "au dessous des ailes postérieures à bordure brun-rouille et à ocelles bleu-argenté". C'est l'espèce-type du Plebejus argus.
II. Noms vernaculaires.
Rappel : je m'efforce de suivre ici l'origine du nom argus, et non pas de déterminer qui a décrit précisément notre Plebejus argus. Le voudrais-je, que je rencontrerais bien des déboires, connaissant l'imprécision des premières descriptions, puis la grande confusion qui régna dans l'esprit de Linné à propos des papillons qu'il nomma argus, puis celle que favorisa la multiplication des noms créés par les auteurs du XIX et du XXe siècle.
I. Les Noms français.
1. L'Argus bleu , Geoffroy, 1762.
Étienne Louis Geoffroy Histoire abrégée des Insectes qui se trouvent aux environs de Paris, page 61-62 n°30
Geoffroy, qui suit Linné dans son Systema Naturae de 1758 (SN1) et la Fauna suecica de 1746 (Fn(1)), décrit son Argus bleu en lui donnant les références Argus bleu Geoffroy = Argus ocelatus Fn(1) n°803 = papilio plebeius argus SN1. Il complète ces références par toutes celles qu'a donné Linné dans le SN1 et que nous avons énuméré, (Moffet, Petiver, Ray, Jonston, Robert, de Geer, Roesel) en omettant Wilkes et en ajoutant le Pinax de Merret.
En fidélité à l'esprit de la Fauna suecica, Geoffroy a donné le nom générique d'ARGUS au troisième groupe de sa seconde famille des "Papillons à six pieds" (les hexapus de Linné). Huit espèces figurent dans ce groupe, dont cinq portent le nom d'Argus : Argus bleu, brun, myope, vert et Demi-argus.
S'il ne rentre pas dans mes compétences de dire si les papillons décrits par Geoffroy correspondent bien à notre Plebejus argus (alors qu'aujourd'hui seule la recherche de l'absence de l'épine tibiale ou l'examen des genitalia permet un réel diagnostic entre P. argus et P. idas), il paraît bien établi qu'en matière de zoonymie l'Argus bleu correspond, dans la description de Geoffroy, à l'espèce décrite par Linné en 1758 et considéré comme l'espèce-type de Plebejus argus. Sur le plan de la dénomination, on peut dire : Argus bleu Geoffroy, 1762 = papilio argus Linné, 1758.
Dés 1803, Olivier et Latreille redistribuent les cartes (Nouveau dictionnaire d'Histoire naturelle vol. 17) et considèrent l'Argus Brun comme la femelle de l'Argus Bleu, le couple devenant le "Polyommate Alexis" de Godart 1821 avant de devenir notre Polyommatus icarus. L'Argus myope devient une espèce propre, leur "Papillon Argus myope" de leur genre Argus assimilé à l'Hesperia Xanthe et à l'Hesperia Gabbas de Fabricius, qui sera le "Polyommate Xanthé" de Godart 1821, puis notre Heodes tityrus.
2. L'Argus bleu, Engramelle, 1779
Engramelle (R.P. Jacques Louis Florentin), 1779, Papillons d'Europe peints d'après nature par M. Ernst page 168 n°80 planche XXXVIII dessinée par Ernst et gravée par Juillet .
Par contre, le nom d'Argus brun n'est pas repris par Engramelle qui considère que Linné et Esper se sont trompés en affirmant que les mâles d'Argus sont bleus et les femelles brunes. C'est, selon lui, le contraire (il sera démenti par Latreille en 1803). Pour lui, le n° 30 Argus bleu de Geoffroy et l'Argus brun n°32 sont les deux formes sexuées de son Argus bleu (l'argus brun étant le mâle).
3. Polyommate argus Latreille et Godart 1819
Latreille et Godart Encyclopédie méthodique, Paris : Vve Agasse tome 9, page 684 n°212 .
Les auteurs considèrent, conformément à Linné dans sa 12e édition du Systema Naturae, le Papilio argus de Linné comme le mâle et P. idas comme la femelle.
Cet article permet de disposer de l'ensemble des références bibliographiques sur cette espèce, notamment par les auteurs germaniques, autrichiens ou suisses.
Latreille avait crée en 1804 le genre des Polyommates ("à plusieurs yeux", un équivalent d'Argus), défini par "des palpes inférieurs de longueur moyenne, ou courts". (Considérations générales sur l'ordre des insectes p. 355).
4. Le Polyommate argus , Godart 1821,
Jean-Baptiste Godart, Histoire naturelle des lépidoptères ou papillons d'Europe, Paris : Crevot 1821/1823, page 215 n°78 planche 11 fig.1 (femelle) et pl. 11tert. fig.4 (mâle) peinte par Vauthier et gravée par Lanvin .
Là encore, je suis le fil des références données (le papilio argus de Linné) plutôt que celui de l'exactitude des descriptions et des figures. Notamment, la figure 4 montre bien l'absence de point noir dans la cellule de l'aile antérieure, mais ne représente ni la bande blanche au dessus des lunules oranges, ni les pupilles bleu-vert des ocelles, caractéristiques des Plebejus.
Source image :http://raf.dessins.free.fr/2bgal/blog.php?id_img=13902
Ce nom a été repris par Hippolyte Lucas (1834) .
5. Polyommate argus, La Chenille (Duponchel, 1849).
P.A.J. Duponchel, 1849 Iconographie et histoire naturelle des chenilles page 71 n°22 e) Origine et histoire du nom argus.
— Spannert (1888) page 26 :
"Der hundertäutiger Wächter der Io"
— L. Glaser (1887) page 308 :
""hundertäutiger Wächter der Jo")"
— Spuler (1903-1908) page 60:
"hundertäutiger Wächter der Io"
Le gardien aux cent yeux d'Io.
— August Janssen (1980) page 43 :
"plebejer (in tegenstelling tot Patriciër) " .
— Emmet (1991) page 150 :
Zeus was in love with Io, and to indulge himself without arousing the jealousy of his wife Hera, he turned Io into a heifer. Hera, however, learnt of this and placed Io in the care of Argos who have a hundred eyes. Not to be outdone, Zeus enlisted the aid of Hermes who lulled Argus to sleep with the sound of his flute and then cut off his head ; the lascivious Zeus then had the opportunity he had sought. Hera consoled herself by transplanting the eyes of Argus into the tail of the peacock. The name, therefore, is apt and refers to the eye-spots on the underside of the butterfly's wings. Linnaeus here gives references to the descriptions and figures of Polyommatus icarus by Petiver, Ray and Wilkes, so it is not altogether certain to which species the name properly belongs; see also celastrina argiolus.
— Hans A. Hürter (1998) page 361 :
Nach welchem Argos v. Linné die Bläulingsart benannte, hat er uns nicht hinterlassen. Man darf aber sicher annehmen, daß er Argos Panoptes, den Bewacher der Io, im Sinn hatte.
— Doux et Gibeaux (2007) page 194 :
Argus : Héros de la mythologie grecque pourvu de cent yeux. Épris d'Io, Zeus, pour s'abandonner à son penchant amoureux pour attiser la jalousie de sa femme Héra, métamorphosa celle-là en génisse. Informée du subterfuge, Héra plaça Io sous la surveillance d'Argus. Afin de contourner la difficulté, Zeus s'assura l'aide d'Hermès qui, au son de sa flûte, plongea Argus dans un profond sommeil, puis lui trancha la tête. Zeus eut alors le champ libre pour mettre ses projets lascifs à exécution. Héra se consola en transplantant les yeux d'Argus sur la plume du paon. C'est à ce récit que fait allusion le nom donné aux Lycènes dénommés "Argus" en référence aux nombreuses tâches ocellées dont est ornée le revers de leurs ailes.
— Perrein et al (2012) page 268.
Du nom du célèbre personnage de la mythologie grecque, Argos, descendant de Zeus, qui régna sur l'Argolide dans le Péloponnèse, doté d'une force prodigieuse et, selon certaines versions, d'une infinité d'yeux répartis sur tout le corps. Surnommé Panoptes — qui voit tout — ce prince argien exerçait une surveillance inégalable car ses yeux ne dormaient que par moitié : il en avait toujours autant d'ouverts que de fermés. C'est bien-sûr un clin d'œil de Linné à des espèces qui ont de très nombreux ocelles et points au revers des ailes.
— Arrizabalaga & al.
Argos, gegant de cent ulls que vigila Io en forma de vedella
Discussion sur le nom argus : reportée à la suite du paragraphe suivant.
Les publications qui précèdent celle de Linné 1758 et que celui-ci donne en référence.
Placées dans l'ordre chronologique :
- Mouffet, 1634 insectorum page 106 f.1
- Johannes Jonston, Di insectis Liber I . t.6 f. penult. (reprise de Moffet)(ici page 43 et tableau V page 36)
- Merian, 1683, Eur. t.163. 174.
- Petiver 1704 gazophylacii page 55 t.35 f.1
- Ray, 1710 Historia insectorum, page 131 n° 11, 12
- [Linné] Fauna suecica 1746 803 804
- Roesel 1746 Insecten belustigung app. I. t.37 f. 3-5.
- Wilkes 1747-49 pap. 63 t.1 a1
- De Geer 1771 insectes. t.4 f.14, 15.
- Robert ic. t.17
a) Thomas Moffet, 1634 Insectorum sive Minimorum Animalum theatrum page 106 f.1.
Cette référence désigne la première figure (non numérotée) en haut de la page 106, mais le texte correspondant se situe au paragraphe 4 de la page 105 ; ce décalage du texte et de la figure est signalée par Petiver page 35 de son Musei (infra) :
Diurnae papiliones minimae. Laetiore aspectu prodit, alis oculatis, cyanum coelestem atque incomparabilem spirantibus. Fecit illam D[a]edala rerum artifex natura totam oculeam, adeo ut πανοπτλω [Πανόπτης : panoptes] illum in Mythologo Arctoris filium, non pavonis caudae insertum, sed in hujus alis habitantem haud inepte fingeres : quas quidem non minori superbia adverso sole expandit, atque illa avis Junonia, quam (prae coelesti quo excellit colore) fere in ruborem dat.
En raison des longs développements nécessaires, j'ai reporté l'analyse de cette référence en Annexe. Pour la résumer, Moffet, en 1634, s'il n'a pas donné un nom propre à ce papillon (dont la grossière gravure sur bois et la description sommaire —ailes bleues ocellées— ne permettent pas une identification spécifique), est le premier à établir une relation entre ce papillon, et Argus aux cent yeux qui fut nommé par Junon gardien de lo (aimée par Jupiter qui l'avait transformé en génisse) puis qui fut tué par Mercure sur ordre de Jupiter. Junon plaça ses yeux en ornement de la queue de son paon emblématique comme autant de pierres précieuses. Moffet suggère que ces yeux d'Argus auraient pu plutôt venir orner les ailes incomparables du papillon.
Mieux, cette comparaison, avec la dénomination qu'elle suscite, proviendrait peut-être du naturaliste de Zurich Conrad Gessner (1516-1565), dont Moffet a hérité des notes et des illustrations d'insectes, ce qui ferait d'elle l'une des plus anciennes origines des noms de papillons. Car c'est Gessner qui a rédigé dans son Onomasticon de 1544 la première compilation complète sur le personnage d'Argus Panoptes dans l'antiquité.
b) James Petiver 1704 gazophylacii page 55 planche 35 f.1 :
A1 : papiliunculus coeruleus vulgatissimus Mus.nost 318. The Blue Argus. Very common in Heath.
[A2 : The pale Blue Argus
A3 : the mixt' Argus.
A4 : The edg'd brown Argus.]
Dans son texte, l'auteur crée un renvoi vers son Musei, ce qui nous impose de le consulter :
b' James Petiver 1695 Musei petiveriani page 34 n°A318
Papiliunculus caeruleus ocellus plurimis subtus eleganter aspersis. The little Blew-Argus There are frequently met with about Autumn on Heaths.
Traduction :"Petit papillon dont le dessous des ailes est aspergé d'ocelles bleues de la plus haute élégance. Le petit Argus Bleu. ils sont fréquemment rencontrés dans les landes en automne."
n.b : on remarquera la forme obsolète Blew au lieu de Blue : en anglais moyen, blew ou plutôt blewe dérive partiellement de l'ancien anglais et partiellement de l' Anglo-Normand blew, blef (“blue”).
Dans cette première publication de 1695, The little Blew-Argus est la seule espèce nommée Argus. Nous nous situons ici sur le lieu de naissance du terme "Argus" pour nommer un papillon. Il me paraissait évident que c'était le le terme ocellus qui avait déterminé ce choix : d'une part parce que cette espèce est la seule des trente papillons de Petiver dans la description duquel figure ce mot ocellus (on trouve ailleurs oculatus ou oculus pour qualifier les "yeux" des ailes) ; d'autre part que (Furetière 1690) les expressions "les cent yeux d'Argus" ou "Avoir des yeux d'Argus" étaient déjà proverbiales au XVIIe siècle. Mais je n'avais pas encore déchiffré le texte de Moffet. James Petiver a repris ici, sous forme d'un nom vernaculaire bien spécifié, la dénomination qui n'était que suggérée avec précision, mais sans mention du nom Argus, par son compatriote Thomas Moffet en 1634.
C'est donc à l'apothicaire londonien James Petiver que l'on doit la création du nom Argus pour désigner, sinon Plebejus argus, (le papillon décrit ici serait plutôt Polyommatus icarus) du moins un équivalent de nom de genre pour quatre papillons bleus à ocelles.
c) John Ray 1710 Historia insectorum, page 131 n° 11, 12 :
11. Papilio parva, alis superne purpureo-caeruleis, subtus cinereis, maculis nigris circulo purpurante cinctis, punctisque nigris pulchre depictis. The most common small blue Butterfly. Papiliunculus coeruleus, ocella plurimis, subtus eleganter aspersis. The little blue Argus, Mus. Pet. 318. Diurnarum minimarum quarta Mouffeti, 105.
12. Papilio parva, alis supinis pullis, cum linea seu ordine macularum lutearum ad imum marginem.
Traduction sous réserve : Petit papillon, au revers sans taches, avec une ligne ou une marque jaune à l'extrémité de la marge
Linné donne deux références de J. Ray pour le même papillon.
f) Linné, 1746 Fauna suecica, page 246 n°803 et 804.
n° 803 : Argus oculatus. "Argus pourvu d'yeux*". Linné renvoie au n°11 de Ray.
n°804 : Argus fuscus. "Argus brun". Linné renvoie au n°12 de Ray.
Dans sa Fauna suecica, Linné avait tenté quelques noms "vulgaires" (précédés de la mention "vulgo"), dont quatre "argus (oculatus, fuscus, myops et caecus). Dans le Systema Naturae de 1758, il réunit les deux premiers sous le même nom d'Argus, peut-être parce qu'il considère qu'il s'agit des deux formes sexuées de la même espèce, la femelle ayant les ailes brunes (fuscus).
La traduction du latin oculatus dans le Gaffiot est "pourvu d'yeux ; clairvoyant", mais Calepino dans son Dictionarium précise : occulatus : "couvert d'yeux", comme Argus centoculus. Ce qui renforce l'image créée par le nom argus.
g) Johann August Roesel 1746 Insecten belustigung I. Classe II Supplément tableau p. 37 fig. 3-5 page 197
De kleine buitengemeen schoone, hoogblaauwe Dagvlinder der tweede classe.
http://www.biodiversitylibrary.org/item/31188#page/269/mode/1up
h) Benjamin Wilkes 1747-1749 pap. 63 t.1 a1.
Voir la Planche des Copper Plates and English Moths and Butterflies de B. Wilkes page 119 (?).
i) Geer, (Charles de), 1771 Mémoires pour servir à l'histoire des insectes , Stockholm : Hesselberg, .Tome 1 [1]-[15] 707 pages, 37 planches, Gallica . Tome second première partie 616 pages, ; Tome second deuxième partie pages 617 à 1175, 43 planches gravées par Bergquist. page 693 planche 4 fig.14
Petit papillon à bouton et à six jambes, d'un bleu céleste, à taches en yeux au dessous des ailes.
Discussion sur le nom argus.
ARGUS, Selon les Poëtes, estoit homme ayant cent yeux, desquels les quatre vingts et dix huit veilloient tousjours. Jean Nicot: Le Thresor de la langue francoyse (1606)
Le nom Argus, Argos en grec, remonte à l'Antiquité où il désigne plusieurs personnages, un roi, une ville, et un chien. Le chien en question est celui d'Ulysse, qui le reconnait à son retour en son île d'Ithaque. La ville grecque située en Argolide (qui en tire son nom) dans la péninsule du Péloponnèse fut l'une des places-fortes de la civilisation mycénienne. Son nom viendrait de la racine grecque arg-, qui signifie « quelque chose de brillant » (cf. argyros signifie « argent »). Enfin le roi Argos fils de Zeus est le fondateur mythique de la ville précédente.
Plus intéressant est l'argonaute Argos : fils d'Arestor, il passe (ou bien son homonyme Argos fils de Phrixos selon les sources) pour l'artisan qui construisit avec l'aide de la déesse Athéna le navire Argo et lui donna son nom. Il s'embarqua ensuite comme pilote avec les Argonautes, et notamment avec Idas (cf. Plebejus idas) et son frère Lyncée, sous la conduite de Jason pour obtenir la Toison d'or.
Mais le plus connu est le géant Argus, célèbre notamment par la légende d'Io racontée par Ovide dans le Livre I de ses Métamorphoses. La voici, résumée par le site Bibliotheca selecta classica :
Io est la fille du fleuve Inachus. Lorsque Jupiter l'aperçoit, il décide de la posséder malgré elle, l'empêche de fuir en couvrant la terre de ténèbres, et lui ravit son honneur. Junon soupçonnant que cette obscurité soudaine couvre une infidélité de son mari, descend sur terre, mais Jupiter, pour soustraire Io à la fureur de son épouse, la transforme en une génisse d'une beauté éclatante. Junon, jalouse et méfiante, obtient que la génisse lui soit offerte en cadeau et décide de la confier à la garde d'Argus, fils d'Arestor. Réduite à courir les pâturages et à ne plus émettre que des mugissements, la génisse Io, impitoyablement surveillée par Argus aux cent yeux, arrive au bord de l'Inachus et parvient, en traçant des signes sur le sol à l'aide de son sabot, à se faire reconnaître. Argus revient arracher Io à son père consterné, et l'emmène en un lieu où il pourra mieux la surveiller.
Jupiter apitoyé par le sort de Io dépêche Mercure sur terre, avec mission de supprimer Argus. Se faisant passer pour un berger jouant sur une flûte de roseaux, Mercure s'approche d'Argus qui, séduit par ses récits et ses chants, cherche à résister à la torpeur qui le gagne en lui demandant l'origine de ce nouvel instrument.
Mercure raconte à Argus l'histoire de Syrinx, naïade adepte de Diane et vouée à la virginité. Pour échapper aux poursuites de Pan, elle obtint d'être métamorphosée par les eaux du Ladon qui lui barrait la route, si bien que Pan ne put saisir que des roseaux. En découvrant que, lorsqu'il soupirait, l'air traversant les roseaux produisait une mélodie agréable, Pan songea à assembler des roseaux avec de la cire pour en faire la flûte de Pan, à qui il donna le nom de syrinx.
Mercure, dont les récits avaient triomphé de la vigilance d'Argus, endormit complètement le monstre à l'aide de sa baguette magique, puis le décapita d'un coup d'épée. Junon recueillit alors les yeux éteints d'Argus, pour en parer la queue du paon, son oiseau sacré.
La caractéristique d'Argus, ce sont ses yeux. Voici comment Ovide les décrit, en des vers qui seront à jamais associés au personnage :
Centum luminibus cinctum caput Argus habebat
inde suis uicibus capiebant bina quietem,
cetera seruabant atque in statione manebant.
Constiterat quocumque modo, spectabat ad Io,
ante oculos Io, quamuis auersus, habebat.
"Argus avait la tête entourée de cent yeux,
qui, par deux, à tour de rôle, se reposaient ;
les autres veillaient et restaient en faction.
Quelle que soit la position adoptée, il regardait vers Io.
Même le dos tourné, il avait Io sous les yeux." (1, 713-724);
Ovide, auteur latin du Ier siècle av/Ier siècle ap. J.C. reprend ici la tradition des auteurs grecs qui avaient attribué à Argos l'épithète de « Panoptès » (Πανόπτης / Panóptês, « celui qui voit tout ») en raison de ses yeux multiples :
Le surnom panoptes (qui qualifie aussi Zeus) est mentionné dans Apollodore de Rhodes Livre 2,1 2-3 (I-IIe siècle ap. J.C)
"Ecbasos eut un fils, Agénor, et ce dernier eut Argos, appelé « Panoptès », parce qu'il avait des yeux sur tout le corps".
On trouve aussi les yeux d'Argus mentionné sur un fragment n°5 de l'Aigimos, poème perdu attribué à Hésiode ou à Cercops de Millet, Scholiaste sur Euripides, Phoen. 1116 : http://omacl.org/Hesiod/frag2.html :
"Et (Hera) plaça sur Io un surveillant, le grand et fort Argus, qui par ses quatre yeux regarde tans toutes les directions. La déesse se reposait sur sa force infatigable. Le sommeil ne tombait jamais sur ses yeux ; mais il restait toujours vigilant.".
Les autres sources grecques concernant Argos sont : Eschyle, Prométhée enchaîné. (Ph. Remacle) :
565-566 :
" Ἆ ἆ, ἒ ἔ,"χρίει τις αὖ με τὰν τάλαιναν οἶστρος,
εἴδωλον Ἄργου γηγενοῦς, ἄλευ᾽ ἆ δᾶ· φοβοῦμαι
τὸν μυριωπὸν εἰσορῶσα βούταν
Ah! ah! hélas! hélas! un taon me déchire encore de son dard.
— Malheureuse! c'est l'affreux fantôme d'Argus, du fils de la Terre
677-681 "βουκόλος δὲ γηγενὴς
ἄκρατος ὀργὴν Ἄργος ὡμάρτει, πυκνοῖς
ὄσσοις δεδορκὼς τοὺς ἐμοὺς κατὰ στίβους "
Le bouvier fils de la Terre, l'impitoyable Argus me suivait,
attachant sur mes traces ses yeux innombrables
Voir l'ensemble des sources sur le site theoi.com
http://www.theoi.com/Gigante/GiganteArgosPanoptes.html
N.b Hübner a nommé un papillon papilio panoptes : notre Pseudophilotes panoptes Hübner, 1813.
L'autre passage important pour cette zoonymie est celui où les yeux d'Argus sont récupérés à sa mort par Junon pour orner le plumage du paon, puisque c'est ce passage qui associe les ocelles des ailes avec le personnage d'Argus.
Arge, iaces, quodque in tot lumina lumen habebas,
exstinctum est, centumque oculos nox occupat una.
Excipit hos uolucrisque suae Saturnia pennis
collocat et gemmis caudam stellantibus inplet.
"Argus, te voilà gisant ; la lumière de tes regards si nombreux
s'est éteinte, et sur tes cent yeux règne une nuit sans fin.
La Saturnienne les recueille et les place sur le plumage de l'oiseau
qui est sien, lui couvrant la queue d'étincelantes pierres précieuses."
Hermès et Argos Panoptès, vase attique à figures rouges Kunsthistorisches Museum, Vienne, Autriche theoi.com
Comme nous l'avons vu, l'emploi du nom Argus pour désigner un papillon a été d'abord suggéré par l'anglais Thomas Moffet en 1634, dans sa description d'un papillon aux ailes d'un bleu céleste parsemées d'ocelles, où il envisage que Mercure, au lieu d'avoir disséminé les yeux d'Argus après l'avoir tué sur la queue du paon, oiseau de Junon, avait bien pu en avoir orné les ailes de cette espèce. Il a peut-être repris cette image du naturaliste zurichois Conrad Gessner, dont il avait hérité de la collection entomologique, mais qui était aussi auteur dans son Onomasticon de 1544 d'une des premières compilations sur le nom d'Argus panoptes.
Si Thomas Moffet n'utilise pas le nom Argus lui-même mais le désigne par son épithète Panoptes, l'apothicaire londonien James Petiver crée le nom d'Argus en 1695 sous la forme The Little Blew-Argus ("le Petit Argus Bleu") avant de décliner ce nom en 4 espèces de sa collection dans son Gazophylacii de 1704, The Blue Argus, The pale Argus, the mixt' Argus et The edg'brown Argus. Le nom est repris par John Ray en 1710, puis surtout par Linné qui, dans sa Fauna suecica de 1746 crée sous une forme vernaculaire en latin les quatre Argus oculatus (Argus ocellé, "couvert d'yeux",subtus ocellus numerosis), fuscus ("brun" subtus ocellus numerosis , idem), myops ("aux yeux à demi-fermés" subtus punctis nigris quadraginta duobus : "42 points noirs à la face inférieure") et caecus ("aveugle", subtus viridis immaculatis : "dessous vert sans tache, sans yeux"). Dans son Systema Naturae de 1758, il ne donne le nom Argus qu'à une seule espèce Papilio Plebejus argus "au dessous des ailes postérieures à bordure brun-rouille et à ocelles bleu-argenté". C'est l'espèce-type du Plebejus argus.
II. Noms vernaculaires.
Rappel : je m'efforce de suivre ici l'origine du nom argus, et non pas de déterminer qui a décrit précisément notre Plebejus argus. Le voudrais-je, que je rencontrerais bien des déboires, connaissant l'imprécision des premières descriptions, puis la grande confusion qui régna dans l'esprit de Linné à propos des papillons qu'il nomma argus, puis celle que favorisa la multiplication des noms créés par les auteurs du XIX et du XXe siècle.
I. Les Noms français.
1. L'Argus bleu , Geoffroy, 1762.
Étienne Louis Geoffroy Histoire abrégée des Insectes qui se trouvent aux environs de Paris, page 61-62 n°30
Geoffroy, qui suit Linné dans son Systema Naturae de 1758 (SN1) et la Fauna suecica de 1746 (Fn(1)), décrit son Argus bleu en lui donnant les références Argus bleu Geoffroy = Argus ocelatus Fn(1) n°803 = papilio plebeius argus SN1. Il complète ces références par toutes celles qu'a donné Linné dans le SN1 et que nous avons énuméré, (Moffet, Petiver, Ray, Jonston, Robert, de Geer, Roesel) en omettant Wilkes et en ajoutant le Pinax de Merret.
En fidélité à l'esprit de la Fauna suecica, Geoffroy a donné le nom générique d'ARGUS au troisième groupe de sa seconde famille des "Papillons à six pieds" (les hexapus de Linné). Huit espèces figurent dans ce groupe, dont cinq portent le nom d'Argus : Argus bleu, brun, myope, vert et Demi-argus.
S'il ne rentre pas dans mes compétences de dire si les papillons décrits par Geoffroy correspondent bien à notre Plebejus argus (alors qu'aujourd'hui seule la recherche de l'absence de l'épine tibiale ou l'examen des genitalia permet un réel diagnostic entre P. argus et P. idas), il paraît bien établi qu'en matière de zoonymie l'Argus bleu correspond, dans la description de Geoffroy, à l'espèce décrite par Linné en 1758 et considéré comme l'espèce-type de Plebejus argus. Sur le plan de la dénomination, on peut dire : Argus bleu Geoffroy, 1762 = papilio argus Linné, 1758.
Dés 1803, Olivier et Latreille redistribuent les cartes (Nouveau dictionnaire d'Histoire naturelle vol. 17) et considèrent l'Argus Brun comme la femelle de l'Argus Bleu, le couple devenant le "Polyommate Alexis" de Godart 1821 avant de devenir notre Polyommatus icarus. L'Argus myope devient une espèce propre, leur "Papillon Argus myope" de leur genre Argus assimilé à l'Hesperia Xanthe et à l'Hesperia Gabbas de Fabricius, qui sera le "Polyommate Xanthé" de Godart 1821, puis notre Heodes tityrus.
2. L'Argus bleu, Engramelle, 1779
Engramelle (R.P. Jacques Louis Florentin), 1779, Papillons d'Europe peints d'après nature par M. Ernst page 168 n°80 planche XXXVIII dessinée par Ernst et gravée par Juillet .
Par contre, le nom d'Argus brun n'est pas repris par Engramelle qui considère que Linné et Esper se sont trompés en affirmant que les mâles d'Argus sont bleus et les femelles brunes. C'est, selon lui, le contraire (il sera démenti par Latreille en 1803). Pour lui, le n° 30 Argus bleu de Geoffroy et l'Argus brun n°32 sont les deux formes sexuées de son Argus bleu (l'argus brun étant le mâle).
3. Polyommate argus Latreille et Godart 1819
Latreille et Godart Encyclopédie méthodique, Paris : Vve Agasse tome 9, page 684 n°212 .
Les auteurs considèrent, conformément à Linné dans sa 12e édition du Systema Naturae, le Papilio argus de Linné comme le mâle et P. idas comme la femelle.
Cet article permet de disposer de l'ensemble des références bibliographiques sur cette espèce, notamment par les auteurs germaniques, autrichiens ou suisses.
Latreille avait crée en 1804 le genre des Polyommates ("à plusieurs yeux", un équivalent d'Argus), défini par "des palpes inférieurs de longueur moyenne, ou courts". (Considérations générales sur l'ordre des insectes p. 355).
4. Le Polyommate argus , Godart 1821,
Jean-Baptiste Godart, Histoire naturelle des lépidoptères ou papillons d'Europe, Paris : Crevot 1821/1823, page 215 n°78 planche 11 fig.1 (femelle) et pl. 11tert. fig.4 (mâle) peinte par Vauthier et gravée par Lanvin .
Là encore, je suis le fil des références données (le papilio argus de Linné) plutôt que celui de l'exactitude des descriptions et des figures. Notamment, la figure 4 montre bien l'absence de point noir dans la cellule de l'aile antérieure, mais ne représente ni la bande blanche au dessus des lunules oranges, ni les pupilles bleu-vert des ocelles, caractéristiques des Plebejus.
Source image :http://raf.dessins.free.fr/2bgal/blog.php?id_img=13902
Ce nom a été repris par Hippolyte Lucas (1834) .
5. Polyommate argus, La Chenille (Duponchel, 1849).
P.A.J. Duponchel, 1849 Iconographie et histoire naturelle des chenilles page 71 n°22
e) Origine et histoire du nom argus.
— Spannert (1888) page 26 :
"Der hundertäutiger Wächter der Io"
— L. Glaser (1887) page 308 :
""hundertäutiger Wächter der Jo")"
— Spuler (1903-1908) page 60:
"hundertäutiger Wächter der Io"
Le gardien aux cent yeux d'Io.
— August Janssen (1980) page 43 :
"plebejer (in tegenstelling tot Patriciër) " .
— Emmet (1991) page 150 :
Zeus was in love with Io, and to indulge himself without arousing the jealousy of his wife Hera, he turned Io into a heifer. Hera, however, learnt of this and placed Io in the care of Argos who have a hundred eyes. Not to be outdone, Zeus enlisted the aid of Hermes who lulled Argus to sleep with the sound of his flute and then cut off his head ; the lascivious Zeus then had the opportunity he had sought. Hera consoled herself by transplanting the eyes of Argus into the tail of the peacock. The name, therefore, is apt and refers to the eye-spots on the underside of the butterfly's wings. Linnaeus here gives references to the descriptions and figures of Polyommatus icarus by Petiver, Ray and Wilkes, so it is not altogether certain to which species the name properly belongs; see also celastrina argiolus.
— Hans A. Hürter (1998) page 361 :
Nach welchem Argos v. Linné die Bläulingsart benannte, hat er uns nicht hinterlassen. Man darf aber sicher annehmen, daß er Argos Panoptes, den Bewacher der Io, im Sinn hatte.
— Doux et Gibeaux (2007) page 194 :
Argus : Héros de la mythologie grecque pourvu de cent yeux. Épris d'Io, Zeus, pour s'abandonner à son penchant amoureux pour attiser la jalousie de sa femme Héra, métamorphosa celle-là en génisse. Informée du subterfuge, Héra plaça Io sous la surveillance d'Argus. Afin de contourner la difficulté, Zeus s'assura l'aide d'Hermès qui, au son de sa flûte, plongea Argus dans un profond sommeil, puis lui trancha la tête. Zeus eut alors le champ libre pour mettre ses projets lascifs à exécution. Héra se consola en transplantant les yeux d'Argus sur la plume du paon. C'est à ce récit que fait allusion le nom donné aux Lycènes dénommés "Argus" en référence aux nombreuses tâches ocellées dont est ornée le revers de leurs ailes.
— Perrein et al (2012) page 268.
Du nom du célèbre personnage de la mythologie grecque, Argos, descendant de Zeus, qui régna sur l'Argolide dans le Péloponnèse, doté d'une force prodigieuse et, selon certaines versions, d'une infinité d'yeux répartis sur tout le corps. Surnommé Panoptes — qui voit tout — ce prince argien exerçait une surveillance inégalable car ses yeux ne dormaient que par moitié : il en avait toujours autant d'ouverts que de fermés. C'est bien-sûr un clin d'œil de Linné à des espèces qui ont de très nombreux ocelles et points au revers des ailes.
— Arrizabalaga & al.
Argos, gegant de cent ulls que vigila Io en forma de vedella
Discussion sur le nom argus : reportée à la suite du paragraphe suivant.
Les publications qui précèdent celle de Linné 1758 et que celui-ci donne en référence.
Placées dans l'ordre chronologique :
- Mouffet, 1634 insectorum page 106 f.1
- Johannes Jonston, Di insectis Liber I . t.6 f. penult. (reprise de Moffet)(ici page 43 et tableau V page 36)
- Merian, 1683, Eur. t.163. 174.
- Petiver 1704 gazophylacii page 55 t.35 f.1
- Ray, 1710 Historia insectorum, page 131 n° 11, 12
- [Linné] Fauna suecica 1746 803 804
- Roesel 1746 Insecten belustigung app. I. t.37 f. 3-5.
- Wilkes 1747-49 pap. 63 t.1 a1
- De Geer 1771 insectes. t.4 f.14, 15.
- Robert ic. t.17
a) Thomas Moffet, 1634 Insectorum sive Minimorum Animalum theatrum page 106 f.1.
Cette référence désigne la première figure (non numérotée) en haut de la page 106, mais le texte correspondant se situe au paragraphe 4 de la page 105 ; ce décalage du texte et de la figure est signalée par Petiver page 35 de son Musei (infra) :
Diurnae papiliones minimae. Laetiore aspectu prodit, alis oculatis, cyanum coelestem atque incomparabilem spirantibus. Fecit illam D[a]edala rerum artifex natura totam oculeam, adeo ut πανοπτλω [Πανόπτης : panoptes] illum in Mythologo Arctoris filium, non pavonis caudae insertum, sed in hujus alis habitantem haud inepte fingeres : quas quidem non minori superbia adverso sole expandit, atque illa avis Junonia, quam (prae coelesti quo excellit colore) fere in ruborem dat.
En raison des longs développements nécessaires, j'ai reporté l'analyse de cette référence en Annexe. Pour la résumer, Moffet, en 1634, s'il n'a pas donné un nom propre à ce papillon (dont la grossière gravure sur bois et la description sommaire —ailes bleues ocellées— ne permettent pas une identification spécifique), est le premier à établir une relation entre ce papillon, et Argus aux cent yeux qui fut nommé par Junon gardien de lo (aimée par Jupiter qui l'avait transformé en génisse) puis qui fut tué par Mercure sur ordre de Jupiter. Junon plaça ses yeux en ornement de la queue de son paon emblématique comme autant de pierres précieuses. Moffet suggère que ces yeux d'Argus auraient pu plutôt venir orner les ailes incomparables du papillon.
Mieux, cette comparaison, avec la dénomination qu'elle suscite, proviendrait peut-être du naturaliste de Zurich Conrad Gessner (1516-1565), dont Moffet a hérité des notes et des illustrations d'insectes, ce qui ferait d'elle l'une des plus anciennes origines des noms de papillons. Car c'est Gessner qui a rédigé dans son Onomasticon de 1544 la première compilation complète sur le personnage d'Argus Panoptes dans l'antiquité.
b) James Petiver 1704 gazophylacii page 55 planche 35 f.1 :
A1 : papiliunculus coeruleus vulgatissimus Mus.nost 318. The Blue Argus. Very common in Heath.
[A2 : The pale Blue Argus
A3 : the mixt' Argus.
A4 : The edg'd brown Argus.]
Dans son texte, l'auteur crée un renvoi vers son Musei, ce qui nous impose de le consulter :
b' James Petiver 1695 Musei petiveriani page 34 n°A318
Papiliunculus caeruleus ocellus plurimis subtus eleganter aspersis. The little Blew-Argus There are frequently met with about Autumn on Heaths.
Traduction :"Petit papillon dont le dessous des ailes est aspergé d'ocelles bleues de la plus haute élégance. Le petit Argus Bleu. ils sont fréquemment rencontrés dans les landes en automne."
n.b : on remarquera la forme obsolète Blew au lieu de Blue : en anglais moyen, blew ou plutôt blewe dérive partiellement de l'ancien anglais et partiellement de l' Anglo-Normand blew, blef (“blue”).
Dans cette première publication de 1695, The little Blew-Argus est la seule espèce nommée Argus. Nous nous situons ici sur le lieu de naissance du terme "Argus" pour nommer un papillon. Il me paraissait évident que c'était le le terme ocellus qui avait déterminé ce choix : d'une part parce que cette espèce est la seule des trente papillons de Petiver dans la description duquel figure ce mot ocellus (on trouve ailleurs oculatus ou oculus pour qualifier les "yeux" des ailes) ; d'autre part que (Furetière 1690) les expressions "les cent yeux d'Argus" ou "Avoir des yeux d'Argus" étaient déjà proverbiales au XVIIe siècle. Mais je n'avais pas encore déchiffré le texte de Moffet. James Petiver a repris ici, sous forme d'un nom vernaculaire bien spécifié, la dénomination qui n'était que suggérée avec précision, mais sans mention du nom Argus, par son compatriote Thomas Moffet en 1634.
C'est donc à l'apothicaire londonien James Petiver que l'on doit la création du nom Argus pour désigner, sinon Plebejus argus, (le papillon décrit ici serait plutôt Polyommatus icarus) du moins un équivalent de nom de genre pour quatre papillons bleus à ocelles.
c) John Ray 1710 Historia insectorum, page 131 n° 11, 12 :
11. Papilio parva, alis superne purpureo-caeruleis, subtus cinereis, maculis nigris circulo purpurante cinctis, punctisque nigris pulchre depictis. The most common small blue Butterfly. Papiliunculus coeruleus, ocella plurimis, subtus eleganter aspersis. The little blue Argus, Mus. Pet. 318. Diurnarum minimarum quarta Mouffeti, 105.
12. Papilio parva, alis supinis pullis, cum linea seu ordine macularum lutearum ad imum marginem.
Traduction sous réserve : Petit papillon, au revers sans taches, avec une ligne ou une marque jaune à l'extrémité de la marge
Linné donne deux références de J. Ray pour le même papillon.
f) Linné, 1746 Fauna suecica, page 246 n°803 et 804.
n° 803 : Argus oculatus. "Argus pourvu d'yeux*". Linné renvoie au n°11 de Ray.
n°804 : Argus fuscus. "Argus brun". Linné renvoie au n°12 de Ray.
Dans sa Fauna suecica, Linné avait tenté quelques noms "vulgaires" (précédés de la mention "vulgo"), dont quatre "argus (oculatus, fuscus, myops et caecus). Dans le Systema Naturae de 1758, il réunit les deux premiers sous le même nom d'Argus, peut-être parce qu'il considère qu'il s'agit des deux formes sexuées de la même espèce, la femelle ayant les ailes brunes (fuscus).
La traduction du latin oculatus dans le Gaffiot est "pourvu d'yeux ; clairvoyant", mais Calepino dans son Dictionarium précise : occulatus : "couvert d'yeux", comme Argus centoculus. Ce qui renforce l'image créée par le nom argus.
g) Johann August Roesel 1746 Insecten belustigung I. Classe II Supplément tableau p. 37 fig. 3-5 page 197
De kleine buitengemeen schoone, hoogblaauwe Dagvlinder der tweede classe.
http://www.biodiversitylibrary.org/item/31188#page/269/mode/1up
h) Benjamin Wilkes 1747-1749 pap. 63 t.1 a1.
Voir la Planche des Copper Plates and English Moths and Butterflies de B. Wilkes page 119 (?).
i) Geer, (Charles de), 1771 Mémoires pour servir à l'histoire des insectes , Stockholm : Hesselberg, .Tome 1 [1]-[15] 707 pages, 37 planches, Gallica . Tome second première partie 616 pages, ; Tome second deuxième partie pages 617 à 1175, 43 planches gravées par Bergquist. page 693 planche 4 fig.14
Petit papillon à bouton et à six jambes, d'un bleu céleste, à taches en yeux au dessous des ailes.
Discussion sur le nom argus.
ARGUS, Selon les Poëtes, estoit homme ayant cent yeux, desquels les quatre vingts et dix huit veilloient tousjours. Jean Nicot: Le Thresor de la langue francoyse (1606)
Le nom Argus, Argos en grec, remonte à l'Antiquité où il désigne plusieurs personnages, un roi, une ville, et un chien. Le chien en question est celui d'Ulysse, qui le reconnait à son retour en son île d'Ithaque. La ville grecque située en Argolide (qui en tire son nom) dans la péninsule du Péloponnèse fut l'une des places-fortes de la civilisation mycénienne. Son nom viendrait de la racine grecque arg-, qui signifie « quelque chose de brillant » (cf. argyros signifie « argent »). Enfin le roi Argos fils de Zeus est le fondateur mythique de la ville précédente.
Plus intéressant est l'argonaute Argos : fils d'Arestor, il passe (ou bien son homonyme Argos fils de Phrixos selon les sources) pour l'artisan qui construisit avec l'aide de la déesse Athéna le navire Argo et lui donna son nom. Il s'embarqua ensuite comme pilote avec les Argonautes, et notamment avec Idas (cf. Plebejus idas) et son frère Lyncée, sous la conduite de Jason pour obtenir la Toison d'or.
Mais le plus connu est le géant Argus, célèbre notamment par la légende d'Io racontée par Ovide dans le Livre I de ses Métamorphoses. La voici, résumée par le site
38600#page/89/mode/1up">planche VI fig. 22 a-b par Dumenil fig.
"Cette chenille vit sur le mélilot officinal (melilotus, officinalis) le genêt allemand (genista germanica), le Genêt à balais (Genista scoparia), le sainfoin (Hedysarum onobrychis) et autres légumineuses."
6. La revue des noms vernaculaires par Gérard Luquet en 1986.
Dans la révision des noms vernaculaires français des rhopalocères parue dans la revue Alexanor en 1986, Gérard Christian Luquet crée comme nom principal pour Plebejus argus "L'Azuré de l'Ajonc", mais réfute "l'Argus Bleu-violet", "l' Argus satiné", "l'Argus" et l'Argus bleu", en commentant ces décisions par les notes 50, 43, 52 et 53.
[50] : L'emploi du nom « Argus bleu-violet » doit être prohibé, car il désigne, selon les auteurs, tantôt Glaucopsyche alexis, tantôt Plebejus argus, tantôt P. idas.
[43] Bien que le nom d' "Argus satiné " soit tout à fait consacré par l'usage pour désigner Heodes virgaureae, il y a lieu de l'éviter, car il a également été employé (manifestement par erreur) pour désigner Plebejus argus.
[52] Le nom d'Argus s'appliquant à une entité générique, et représentant même un groupe de rang supérieur (il sert de nom collectif pour désigner toutes les espèces de la famille des Lycénides) , il n'est gère conseillé de l'employer pour désigner Plebejus argus, d'autant que dans ce cas précis il n'est que la reprise du nom latin de l'espèce.
[53] C'est sans doute par erreur que le nom d' "Argus bleu" a été attribué par Rappaz à Plebejus argus, car, traditionnellement, ce nom s'applique exclusivement à Polyommatus icarus."
Parmi les 73 Polymmatinae ou Polyommatines français nommés par Luquet, on compte outre le Collier-de-Corail 62 Azurés, 5 Argus, et 14 Sablés, tous construits sur la structure habituelle à cet auteur, Nom de groupe + Plante-hôte ou Nom de groupe + adjectif géographique ou descriptif. Ainsi, il existe plus de 40 "Azuré + Plante-hôte".
On se méfiera de prendre pour argent comptant les noms vernaculaires d'Azuré de l'Ajonc et d'Azuré du Genêt laissant croire que Plebejus argus pond sur l'Ajonc et non sur le Genêt, et inversement pour Plebejus Idas. En Bretagne, où Donovan Maillard a procédé à une étude des deux espèces (avec pour argus les deux sous-espèces P. argus plouharnelensis et P. argus philonome), la plante-hôte de P. argus plouharnelensis est Helichrysum stoechas, (Immortelle commune) alors que pour P. argus philonome, aucune plante-hôte n'a pu être attestée faute d' y avoir observé des chenilles. Des pontes de Plebejus argus philonome ont été observées sur l’ajonc nain Ulex minor, sur l’Astéracée Leontodon autumnalis , la Graminée Holcus mollis, la Rosacée Potentilla erecta ou le ligneux Betula pubescens. Tous les œufs ainsi pondus ont été déposés à quelques centimètres du sol seulement, à proximité de fourmilières de Lasius niger, la fourmi symbionte de cette sous-espèce.
L'Azuré de l'Ajonc Plebejus argus forme un couple avec l'Azuré du Genêt Plebejus idas , l'Ajonc et le Genêt formant eux-mêmes un couple assez caractéristique des landes, notamment en Bretagne, si bien qu'un moyen mnémotechnique permet aux enfants ou aux béotiens de les différentier par la comptine "Ajonc je pique, Genêt, je ne pique pas". Plus sérieusement, ce couple avait été constitué par Denis et Schiffermüller dans leur Wiener Verzeichniss de 1775 où Papilio argus portait le nom de "Stechginsterfalter" ou Papillon de l'Ajonc et leur papilio aegon le nom de "Geißkleefalter" ou Papillon du Genêt. De même, Hübner nommait le Papilo aegon "Geisklee Bläuling" , ou Azuré du Genêt.
7. Noms vernaculaires contemporains :
— Doux & Gibeaux 2007 : "L'Azuré de l'Ajonc".
— Lafranchis, 2000 : "L'Azuré de l'Ajonc" .
— Perrein & al., 2012 : "Azuré de l'Ajonc".
— Wikipédia : "L'Azuré de l'Ajonc ou Petit argus ou Argus bleu ".
III. Les noms vernaculaires dans d'autres pays.
- "Argus-Bläuling" en allemand.
- "Silver-studded Blue" en anglais
- "Mazais viršu zilenītis" en letton.
- " Modráčik čiernoobrúbený" en slovaque
- "Modrásek černolemý" en tchèque
- "Akiuotasis melsvys" en lithuanien.
- "Niña hocecillas" en espagnol
- "El Blavet" en catalan : Blavet Pel color
- "Argusblåfugl" en dannois.
- "Ezüstös boglárka" en hongrois.
- "Heideblauwtje" en néerlandais
- "Ljungblåvinge" en suédois.
- "Ogasäär-sinitiib" en estonien.
- "Argusblåvinge" en norvégien.
- "Gümüşlekeli Esmergöz" en turc.
- "Kangassinisiipi" en finlandais
- "Modraszek argus" en polonais.
HÜBNER, Jacob, 1761-1826 Das kleine Schmetterlingsbuch : die Tagfalter : kolorierte Stiche, Insel-Bücherei ; Planche 19 Geisklee-Bläuling Lycaena aegon 1-2 et Argus-Blaüling Lycaena argus figure 4,5, 6
. http://www.biodiversitylibrary.org/item/138312#page/35/mode/1up
Langues celtiques :
1. langues gaéliques : irlandais (gaeilge) ; écossais (Gàidhlig ) ; mannois ( gaelg :île de Man).
-
en irlandais
- en mannois.
-
"" en gaélique écossais*
2. Langues brittoniques : breton (brezhoneg) ; cornique (kernevek); gallois (Welsh, cymraeg).
-
pas encore de nom en breton ;
-
" Glesyn serennog " en gallois.
*Liste des noms gaéliques écossais pour les plantes, les animaux et les champignons. Compilé par Emily Edwards, Agente des communications gaélique, à partir de diverses sources. http://www.nhm.ac.uk/research-curation/scientific-resources/biodiversity/uk-biodiversity/uk-species/checklists/NHMSYS0020791186/version1.html
Voir aussi :http://www.lepidoptera.pl/show.php?ID=70&country=FR
IV. Les noms vernaculaires en anglais (M.A. Salmon, 2000).
Moffet ? 1634 ; Harris, 1775.
- "The Small Lead Argus" ? Petiver, 1717 ? Stephens, 1829.
- "The Silver-studded Blue", Harris 1775 ; Lewin, 1795 ; Haworth, 1803 ; et la plupart des auteurs suivants.
- "The Lead Blue" : Rennie, 1832.
- The Lead Argus : Newman et Leeds, 1913.
Nom en usage : Silver-studded Blue, le "Bleu constellé d'argent", en raison de la rangée submarginale de taches bleu-argent de la face inférieure des ailes postérieures. Ces marques peuvent être néanmoins totalement absentes et sont très variables selon les individus. Mais le nom de Lead Argus, "l'Argus (couleur de) plomb", signale la teinte particulière, grisâtre "plombée" des ailes du mâle.
ANNEXE : Argus, Thomas Moffet (1634) et Gessner.
Thomas Moffet, 1634 Insectorum sive Minimorum Animalum theatrum page 106 f.1.
Cette référence désigne la première figure (non numérotée) en haut de la page 106, mais le texte correspondant se situe au paragraphe 4 de la page 105 ; ce décalage du texte et de la figure est signalée par Petiver page 35 de son Musei (infra) :
Diurnae papiliones minimae. Laetiore aspectu prodit, alis oculatis, cyanum coelestem atque incomparabilem spirantibus. Fecit illam D[a]edala rerum artifex natura totam oculeam, adeo ut πανοπτλω [Πανόπτης : panoptes] illum in Mythologo Arctoris filium, non pavonis caudae insertum, sed in hujus alis habitantem haud inepte[m] fingeres : quas quidem non minori superbia adverso sole expandit, atque illa avis Junonia, quam (prae coelesti quo excellit colore) fere in ruborem dat.
Traduction très hasardeuse (!) : Plus heureux apparaît l'aspect des ailes ocellées [L'Aspect des ailes ocellées est des plus réjouissant], bleues d'inspiration céleste et incomparable. Dédale, ingénieur de toute chose de la nature lui fit des yeux en entier , à tel point que Panoptes fils d'Arctoris dans la Mythologie, n'aurait pas trouvé stupide de les insérer non pas sur la queue du paon, mais sur ces ailes ; que pas moins insolent face au soleil [...] oiseau de Junon, que donne environ la rougeur (qui est prééminente par rapport à la couleur du céleste). ??,
N.B : la formule papilio alis oculatis cyanum coelestem spirantibus a été reprise par Christopher Merret dans son Pinax, Londres 1567 page 199 f.4.
Bien que je sois incapable de traduire ce texte correctement, j'ai obtenu quelques résultats dans mes tentatives de le déchiffrer. Ainsi,l'une des sources de ces lignes se trouve dans les dictionnaires des imprimeurs Estienne. Les deux fils du libraire-imprimeur parisien Henri Estienne, Robert Estienne (1502-1559) et Charles Estienne (1504?-1564) ont été des lexicographes reconnus. Le premier, latiniste et imprimeur royal pour l'hébreu, le latin et le grec, est l'auteur d'un Dictionarium seu latinae linguae thesaurus de 1532 et du plus ancien Dictionnaire latin-français existant (1539) ainsi que d'un Thesaurus lingua latinae de 1532.
Son frère Charles, docteur-Régent de la faculté de Paris, latiniste et imprimeur est l'auteur, pour ce qui nous concerne, en 1512 d'un Dictionnaire des noms propres (Dictionarium propriorum nominum ), parfois attribué à Robert. Si on le consulte au nom "Argus", on trouve ceci :
Argus filius Aristoris, de quo ait Ovidius
Centum luminibus cinctum caput Argus habebat Inque suis vicibus capiebat bina quietem : Caetera seuabant, atque in statione manebant. Huic Iuno custodiendam dedi Io Inachi filiam mutatam in vaccam.
Sed Mercurius à Ione missus duldecine cantus ilum sopitum occidit. Oculos tame[n] Argi Iuno indidit caudae Pavonis, quae dicitur avis Iunonia. Ovid. Metamorph.
Ce texte reproduit un passage du Livre I des Métamorphoses d'Ovide v 625-629; Le voici avec son contexte v.620-629 (Itinera Bibliotheca electronica):
Paelice donata non protinus exuit omnem
diua metum timuitque Iouem et fuit anxia furti,
donec Arestoridae seruandam tradidit Argo.
centum luminibus cinctum caput Argus habebat
inde suis uicibus capiebant bina quietem,
cetera seruabant atque in statione manebant.
constiterat quocumque modo, spectabat ad Io,
ante oculos Io, quamuis auersus, habebat.
1,620] mais Jupiter peut-il refuser un don si léger à sa sœur, à la compagne de son lit, sans qu'elle ne soupçonne que ce n'est pas une génisse qu'on lui refuse ? Junon, l'ayant obtenue, ne fut pas même entièrement rassurée; elle craignit Jupiter et ses artifices, jusqu'à ce qu'elle eût confié cette génisse aux soins vigilants d'Argus, fils d'Arestor. Ce monstre avait cent yeux, dont deux seulement se fermaient et sommeillaient, tandis que les autres restaient ouverts et comme en sentinelle. En quelque lieu qu'il se plaçât, il voyait toujours Io, et, quoique assis derrière elle, elle était devant ses yeux.
Là se trouve l'origine de la mention Arctoris filium du texte de Moffet, par une coquille dans la traduction du nom Aristoris. Cela apporte la preuve que cette étrange mention de Arctoris filium, "fils d'Arctoris" mal compréhensible, désigne, une fois corrigée en Aristoris filium, le "fils d'Arestor", c'est-à dire Argus. Autrement dit, c'est Moffet qui a, pour la première fois, établit le lien entre Argus, le Géant aux cent yeux, et le papillon aux ailes ocellées.
En 1553, Charles Estienne publia à Paris son Dictionarium historicum, geographicum ac poeticum. Cet ouvrage devient immensément populaire durant un siècle et connaîtra plusieurs éditions successives, à Lyon 1579, à Genève ou à Paris (40 éditions en 163 ans!). En Angleterre, où le Dictionnaire est particulièrement apprécié des poètes et dramaturges du XVIe siècle, il est corrigé et augmenté par Nicolas Lloyd qui le publie à Oxford en 1670 et à Londres en 1686. Mais l'édition que Thomas Moffet a du consulter est sans-doute celle de Thomas Soubron et Moïse Desprez, imprimée à Lyon et datant de 1595, ou celle de Jacob Stoer de 1590. En effet, on y trouve à la page 67 la coquille Argus Arctoris filius qui n'existait pas dans la première édition de 1553 On y découvre surtout que le texte est différent de celui du Dictionnaire des Noms Propres. Ce texte mérite notre intérêt car il éclaire le texte de Thomas Moffet :
Argus, Arctoris filius, Πανόπτης à Graecis cognominatus, quod totus oculis scateret. Hunc poetae fabulantur à Iuone constitutum fuisse custodem Ius Inachi fillae, à Iove in iuvencae formam commutatae : quam postea Mercurius Iovis iussu interfecit, oculis eius fistulae sono sopitis. Iuno autem oculos eius avi[s] suae, hoc est, pavonis caudae inseruit. Ovidius lib.I Metam. : Centum [....] manebant. Mythologii Argum interpretantur, sphaeram stelliferam, innumeris oculis, hoc est , stellis refulgentem : Mercurium autem solem esse volunt, qui tunc Argum dicitur occidere, cum diurno suo lumine stellarum lucem observat. Vide Macrobium primo Satur. Cap.19. unde & …. Mercurius cognominatus est, cp Argum peremerit.
"Argus, fils d'Arctoris, surnommé Panoptes [qui voit tout] par les Grecs, dont tous les yeux pullulent. Les poètes dans leurs légendes disent que Junon le nomma le gardien de Io, la fille d'Inachis transformée en génisse par Jupiter ; et qu'il fut tué plus tard sur ordre de Jupiter par Mercure qui endormit ses yeux grâce au son de la flûte. Mais ses yeux furent insérés plus tard sur la queue du paon, l'oiseau de Junon. Ovide, Met. livre I [Centum...manebant]. La mythologie interprètait Argus en disant que ses yeux innombrables étaient les étoiles qui brillent dans la sphère étoilée : Mercure fait la volonté du soleil,qui pour ainsi dire tue Argus et l'observation de la lumière des étoiles par sa lumière diurne...Voyez Macrobe, Saturnales livre I chap.19. ["Argus tué par Mercure signifie la voûte du ciel ornée d'étoiles, que le soleil tue, pour ainsi parler, en les obscurcissant, et en les dérobant par l'éclat de sa lumière aux yeux des mortels"] "
La même erreur est présente dans l'édition de 1590 par Jacob Stoer à Genève. L'édition de Jacob Crispin la comporte toujours en 1633. Mais la première édition de 1553 BVH.univ.tours en est exempte.
Ce texte n'est pas de Charles Estienne, mais il trouve son origine dans l'Onomasticon (1544) de Conrad Gessner (1516-1565) page 40 . (Ou bien, les deux textes ont la même source, le Dictionarum poeticum ou Elucidarium carminum de Torrentinus (Van der Beeck) publié en 1498 et édité onze fois jusqu'en 1518) mais que je n'ai pu consulter.)
Partis de la description d'un papillon par Thomas Moffet en 1634, nous y avons reconnu l'influence du Dictionnaire de Charles Estienne dans son édition de 1590, qui se rapproche lui-même de l'Onomasticon de Conrad Gessner (1544). Cette découverte est intéressante puisque Thomas Moffet ne décrit pas dans son Theatrum insectorum sa propre collection d'insectes, mais celle de ...Gessner lui-même.
Thomas Moffet, dit aussi Moufet ou Muffet, est un médecin et naturaliste anglais puritain, né vers 1552 à Londres et mort le 5 juin 1604 à Wilton dans le Wiltshire. Il est principalement connu pour l'étude des « insectes », en particulier les araignées, et leur impact en santé humaine. Après ses études à Cambridge, il se rendit à Bâle en 1578 pour y étudier la médecine, exerça à Francfort puis voyagea en Italie (1580) où il s'intéressa au vers à soie, en Espagne et Allemagne avant de s'installer à Ipswich puis à Londres en 1584. Il entra ensuite au service de Henry Herbert, second comte de Pembroke, à Wilton. En 1599, il publia un long poème sur le vers à soie, The Silkworms and their flies.
Theatrum insectorum : On croit communément que Thomas Muffet est l'auteur de cet ouvrage, mais il en a simplement hérité, enrichi et mené jusqu'à la publication, qui ne se produira pas avant 30 après sa mort, malgré le fait qu'il fut près pour la presse dès 1589 ou 1590. La principale raison de cette publication posthume consiste en la faiblesse du marché anglais, à l'époque, pour les livres de sciences naturelles. La page de garde originale, inutilisée, est datée de 1589. Des négociations avec des imprimeurs de La Haye échouent en 1590. Les illustrations originales furent abandonnées car trop chères et remplacées par des gravures sur bois qui apparaissent dans l'édition de 1634.
il a bénéficié des contributions de grands assistants, comme Wotton, Gessner, de l’Écluse, Penny, Knivett, Bruer et d'autres."
Moffet avait repris en réalité le travail du médecin botaniste et entomologiste Thomas Penny (1530-1588). Penny avait collectionné des plantes dont il avait envoyé des spécimens à Gessner (qui le cite pour 22 des 375 plantes de son Historia plantarum), collectionné, dessiné et étudié les insectes. Il avait fait plusieurs longs voyages sur le continent (France, Allemagne et Suisse durant 4 ans jusqu'en 1569) et avait rencontré Conrad Gessner en 1565 à Zurich, peu de temps avant la mort de ce dernier. Il obtint de lui, en échange de ses propres travaux botaniques, un certain nombre d’illustrations et de notes manuscrites sur les insectes. Il retourna en Angleterre où il commence à exercer la médecine à Londres et où devint un proche ami de Thomas Moffet (1553-1604) : ils avaient tous deux étudié au Trinity College de Cambridge et s’intéressaient aux insectes. Ayant obtenu la confiance et l'estime de Gessner, il fut intégré à l'équipe des naturalistes européens qui étaient ses correspondants, comme Carolus Clusius, Mathias de L'Obel, Joachim Camerarius le Jeune, et Jean Bauhin. En même temps, T. Penny établit des contacts avec les naturalistes anglais, comme Sir Edmund Knyvet (1508-1551) qui possédait son propre musée et ses collections d'histoire naturelle à Ashwellthorpe. En tant que médecin, il bénéficiait aussi des relations du monde médical, et il reçut d'un chirurgien, Edward Elmer, un spécimen d'insecte aux ailes argentées venant de Moscou.
Penny consacra ses quinze dernières années à accumuler des observations qui seront reprises dans le Theatrum Insectorum . Penny reçoit également diverses contributions et illustrations de ses correspondants en Europe comme Charles de l'Écluse (1525-1609) qui l’informe sur les abeilles, Jean Bauhin (1541-1613) qui explique l’origine des scorpions à la fois par la reproduction sexuelle et la génération spontanée, et Joachim Camerarius le Jeune (1534-1598) qui lui envoie une illustration de coléoptère. La mort l’empêche de mener à bien son projet d’écrire une Histoire naturelle des insectes et il laissa ses notes à Moffet. Celui-ci compléta le manuscrit en mars 1589, la page de titre datée de 1589 fut imprimée, mais la publication fut retardée. A la mort de Moffet, le texte fut recueilli par son pharmacien, un certain Mr. Darnell, mais un certain nombre de naturalistes semblent y avoir eu accès durant le temps où le manuscrit était en sa possession (B.L Sloane MS 4014.)
Il fut peut-être acquis par Théodore de Mayerne, un médecin huguenot établi à Londres en 1611 et qui le fit publier en 1634 sous le titre Insectorum, sive, Minimorum animalium theatrum. Il fut traduit en anglais par J. Rowland sous le titre de The Theatre of Insects, or Lesser Living Creatures et placé en appendice de History of Four-Footed Beasts and Serpents de Edward Topsell (1658).
L'ouvrage se compose ainsi :
- Titre
- Epistola de Théodore de Mayenne 10 pages
- Index (une page) : deux Livres : Livre I, chapitre 1 à 29, pp. 1-174. Livre II chapitre 1 à 42, pp. 175-324.
- Preaefatio : De Argumenti hujus susceptione, atque ejusdem dignitate & usu, Praefatio
- Texte.
Les papillons sont traités au Livre I, chapitre 14 De papilionibus pp.87. 41 Papillons nocturnes : Dix-huit papillons de nuit (89-93), puis dix-sept autres papillons (94-97), deux séries de trois petits papillons. 39 Papillons diurnes : première série de seize espèces, débutant par des Papilionides pp. 98-102, puis 13 espèces moyennes (pp. 103-105) puis 10 espèces de petite taille (pp. 103-106). Conclusion sur un chapitre intitulé Deusu papilionum (107-108).
L'erreur Arctoris pour Aristoris prouve (à moins de la retrouver dans une édition antérieure) que Moffet est intervenu dans la rédaction des notes après la date de 1590 (édition du Dictionnaire d'Estienne par Stoer). C'est ce que lui-même déclarait : "I have inserted intire Histories, and above a hundred and fifty pictures, which Gessner and Pennius knew not; I have mended the methods and language, and I have put above a thousand tautologies, trivial matters, and things unseasonably spoken".
Au point où nous en sommes, nous pouvons chercher la racine de la racine de notre texte, en amont de l'Onomasticon de Gessner : le Dictionarium d'Ambrogio Calepino dans son édition de 1514 et surtout de 1550, plus proche de Estienne et de Gessner (l'Onomasticon de celui-ci fut publié dans une ré-édition de Calepino).
On y lira avec intérêt l'article -occulatus- avec la mention de la définition "modo dicitur qui per totum corpus oculos habet ; qualis fuisse fertur Argus Argus ille centoculos. Ius custos, qui oculos habet vigilantes, et qui cuncta perspiciat"
Essai de traduction : "occulatus : se dit d'un corps couvert d'yeux ; ainsi fut Argus centoculos. Gardien d'Io, qui a un regard vigilant, et qui voit tout". Car cette définition éclaire singulièrement le nom d'Argus oculatus donné par Linné en 1746 à l'espèce que nous étudions.
Synthèse.
Le début du XVIe siècle est marqué par la rédaction de vastes compilations mythologiques et de travaux de lexicographie en Italie, en Suisse, aux Pays-Bas ou en France. A coté de la Syntagmata de Giraldi (1548), le Dictionarium de Calepino et l'Onomasticon que Gessner place en annexe de sa publication de Calepino (1544) réunissent des informations sur les Noms Propres écumés dans les textes de l'antiquité grecque et latine, que ce soit les œuvres poétiques elles-mêmes, ou leurs commentaires anciens.
Parallelement, l'intérêt porté à l'Histoire naturelle incite les savants à aller au delà de la constitution des Cabinets de curiosité dont les Princes paraient leurs châteaux, et à réaliser des collections en botanique (privilégiée en raison des retombées médicales) et en zoologie, tout en compilant les informations fournies par les Anciens. L'italien de Bologne Ulisse Aldrovandi (1522-1605) et le suisse de Zurich Conrad Gessner (1516-1565) sont les figures principales de ce nouvel intérêt.
Gessner cumule donc les deux compétences (parmi beaucoup d'autres) de philologie et de zoologie, et donne, pour chaque espèce qu'il décrit suivant huit chapitres, son nom dans différentes langues (vivantes ou mortes), son habitat et son origine ainsi que sa description anatomique, sa physiologie, les qualités de son âme, les divers usages que l'on peut en tirer, son intérêt alimentaire et médicale, ainsi que son utilisation par les poètes et les philosophes...
Puisque sa description des différents sens du nom Argus figure dans son Onomasticon, il est probable que c'est lui qui, dans ses notes préparatoires au Livre de son Histoire Naturelle consacrée aux Insectes et qu'il ne put publier, eut l'idée, face aux ailes du papillon bleu à ocelles de sa collection, d'imaginer que les yeux d'Argus y avaient été jetés, plutôt que sur la queue du paon ou dans le ciel étoilé.
Il est probable aussi que la note qu'il avait rédigé pour ce papillon ainsi que l'illustration qu'il prévoyait d'en donner ait été remises à Thomas Penny lorsque celui-ci lui rendit visite en 1565 avant de regagner Londres. A moins que Penny ait dessiné lui-même l'illustration, et qu'il ait prit en note des commentaires évoqués par oral par Gessner.
Il est certain par contre que le texte publié par Thomas Moffet dans son Theatrum insectorum n'est pas le texte original de Gessner mais qu'il a été amendé par Moffet après consultation du Dictionarium de Charles Estienne, comme en témoigne une erreur de copie sur le nom du père d'Argus, Arctoris au lieu d'Arestoris. La version fautive est présente dans l' édition de 1590 par Stoer et dans celle de Soubron 1595. La page de titre de son ouvrage ayant été imprimée en 1589, il est possible que le texte avait été rédigé auparavant, et que Moffet (ou Penny) ait consulté une édition de Paris 1561 ou 1575 ; de Genève 1579 ; ou de Lyon 1581 dont je n'ai pu vérifié l'article.
Bibliographie, liens et Sources.
— Funet : Plebejus
— Inventaire national du patrimoine naturel (Muséum) : Plebejus argus.
— UK Butterflies : Silver-studded blues
— lepiforum : Plebejus argus.
— Le Dictionarum ...d'Estienne, in Janick Auberger (sous la direction de ), Quand les Jésuites veulent comprendre l'Autre: le témoignage de quelques livres anciens de la collection de l'UQAM Presses de l' Université Québec 2011. En ligne.
— NERI (Janice) The Insect and the Image: Visualizing Nature in Early Modern Europe, 1500-1700 En ligne
— MAILLARD (Donovan) 2014 "Synthèse des connaissances relatives aux deux espèces Plebejus argus et Plebejus idas en Bretagne". Stage de Master 2 70 pp. En ligne
http://www.bretagne-vivante.org/images/stories/expertises/atlas/lepidoptere/les%20plebejus%20de%20bretagne%20-%202014.pdf