Zoonymie du papillon le Cuivré fuligineux Lycaena tityrus (Poda, 1761).
La zoonymie (du grec ζῷον, zôon, animal et ónoma, ὄνομα, nom) est la science diachronique qui étudie les noms d'animaux, ou zoonymes. Elle se propose de rechercher leur signification, leur étymologie, leur évolution et leur impact sur les sociétés (biohistoire). Avec l'anthroponymie (étude des noms de personnes), et la toponymie (étude des noms de lieux) elle appartient à l'onomastique (étude des noms propres).
Elle se distingue donc de la simple étymologie, recherche du « vrai sens », de l'origine formelle et sémantique d'une unité lexicale du nom.
Résumé.
— Lycaena Fabr, 1807: du grec loukaïna, "louve", Comme la plupart des noms génériques de Fabricius, il s'agit d'un épithète d'Aphrodite, "La Louve porte-sceptre des Dieux" des Hymnes orphiques.
— tityrus (Poda, 1761), du nom d'un pâtre de la première Églogue de Virgile, gardant ses brebis et jouant de la flûte en s'entretenant avec Mélibée. Ce nom est d'usage récent, puisqu'il fut oublié aussitôt créé au profit de duos de noms : Papilio Xanthe et Circe (Denis & Schiffermüller 1775), Hesperia Xanthe et Garba (Fabricius) ; mais pendant le XIXe et la moitié du XXe siècle, les faveurs allaient souvent au nom de dorilis (Hufnagel, 1766). L'antériorité du tityrus de Poda affirmée en 1911 ne permit de vaincre le dorilis d'Hufnagel que vers 1935.
— Notre nom de "Cuivré fuligineux" est une création de G. Chr. Luquet en 1986 : si le terme de Cuivré qualifie un groupe de douze espèces françaises remarquables par la couleur fauve feu métallique de leurs ailes, l'épithète "fuligineux", "couvert de suie", signale le brun sombre des ailes du mâle. En 1762, Geoffroy, reprenant un nom que Linné avait délaissé, nomma cette espèce "l'Argus myope", car elle n'a que 42 "yeux" ouverts alors que le géant Argus en possède cent. Engramelle reprit ce nom plaisant en 1779. Godart (1821) créa le nom grinçant de Polyommate Xanthé, qui peut être oublié.
I. Nom scientifique.
1. Famille et sous-famille.
a) Famille des Lycaenidae, William Elford Leach, 1815. Les Lycènes.
La référence de la publication originale de Leach ne fut pas facile à trouver, d'autant qu'elle se cacha derrière le nom de Brewster. La voici :
Leach, William Elford, 1790-1836 "Insecta" pp. 329-336."Entomology". pp 646-747 in D. Brewster éditeur, Brewster's Encyclopaedia Edinburgh, [Edinburgh, volume 9, 1, 04/1815 pp. 57-172 : selon Sedborn 1937] [Philadelphia, E. Parker,1816? selon BHL Library] page 718. [ Article publié anonymement et attribué à Leach, qui avait annoté son propre manuscrit]
Voici un autre lien, c'est plus sûr :https://archive.org/details/CUbiodiversity1121039
L' Edinburgh Encyclopædia était une encyclopédie en 18 volumes, imprimée et publiée par William Blackwood et éditée par David Brewster entre 1808 et 1830. En rivalité avec l'Encyclopædia Britannica publiée à Edimbourg, elle était considérée comme étant la meilleure sur les sujets scientifiques ; la plupart des articles étaient rédigés par le physicien D. Brewster, qui fut recteur de l'Université de 1859 à 1869, mais elle faisait appel à d'éminents contributeurs.
Ce n'est qu'en 1832 que Joseph Parker de Philadelphia, et Whiting et Watson de New York éditèrent la version américaine.
Cette publication de Leach donne la première bibliographie jamais publiée en entomologie. Cet auteur, alors bibliothécaire adjoint en zoologie au British Museum, a fondé également les ordres Phasmida, anoploures, thysanoures et Rhaphidides, les familles hémiptères Pentatomidae, Coreidae, Belostomidae; la famille de diptères Tipulidae et la famille des hyménoptères Chrysididae.
Leach et les anagrammes de Caroline.
Puisque mon sujet est la zoonymie, je ne laisserai pas passer l'occasion de signaler les particularités des créations onomastiques de W. Leach. On dit en effet qu'il avait été amoureux d'une certaine Caroline, dont on ne sait si elle était son épouse, sa sœur, ou sa maîtresse, mais dont il s'ingénia, l'année de ses 28 ans, à dissimuler les acronymes de son prénom dans ses noms de genre de crustacés, tels que Anilocra (1818), Canolira (1818), Cinolara (1818), Conilera (1818), Nelocira (1818), Nerocila (1818), et Rocinela (1818) ! D.M. Damkaer, qui relate cette originale série (The Copepodologist cabinet, page 148) en citant Stebbing, 1893 et Gosse, 1860, aurait pu citer aussi Lironeca 1818 / Livoneca 1818, ou Olencira 1818. Ses successeurs s'amusèrent à poursuivre le jeu avec Renocila (Miers, 1880), Alcirona (Hansen, 1890 ), Lanocira(Hansen, 1890 ) et Corilana (Kossman, 1880), Nalicora (Moore, 1902) , Orcilana (Nierstrasz, 1931) , Creniola (Bruce, 1987) et Norileca (Bruce, 1990).
Ces noms ont été publiés dans le Dictionnaire d'histoire naturelle Tome 12, Levraut, Le Normant : Paris 1818, page 69-75 dans lequel Leach était chargé de l'article Crustacés. Page 74, il écrit page 74 "Je crois utile de donner la liste des noms de tous les genres de crustacés qui ont été publiés jusqu'à ce jour", de Aegée, Aeglée jusqu'à Zoé, Zozime, Zuzare. Voir la liste de tous les noms de crustacés créés par Leach ici. Mais c'est dans l'article Cymothoadées page 338 que les genres sont présentés. Ils débutent, est-ce un hasard, par le genre Eurydice Belle (on connaît l'air de Gluck Che farò senza Euridice "J'ai perdu mon Eurydice, rien n'égale mon malheur"..) Les noms de genre en français sont les anagrammes de Caroline, et leurs espèces se déroulent comme une longue marche orphique appelant de l'Hades les entomologistes : Nélocire de Swainson, Conilère de Montaigu, Rocinèle de Devonshire, [Aega (une nymphe)], Canolire de Risso, Anilocre de Cuvier, Olencire de Lamarck, Nérocile de Blainville, Livonèce* de Redman ou de Rafinesque, puis se termine (après Cymothoa de Fabricius) par son Limnorie, qui porte le nom d'une Néreïde.
* Livonèce Il s'agit d'une faute typographique pour Lironeca, comme en témoigne une version anglaise du texte français, écrit de la main de Leach et conservé aux archives de la Société linnéenne de Londres , dans lequel il a clairement écrit Lironeca. De même, dans sa liste donnée page 74 du même dictionnaire, c'est le terme Lironecée qui est indiquée. Dans la réédition du dictionnaire, Latreille a corrigé à plusieurs reprises "Livoneca / Livonèce" par "Lironeca / Lironèce". La Commission Internationale de nomenclature zoologique a néanmoins déterminé "Livoneca" comme la forme valide pour ce genre. Dans un article paru en 1994 dans le Bulletin de nomenclature zoologique, Ernest H. Williams , Jr. et Thomas E. Bowman ils ont défendu l'orthographe originale de Lironeca et demandé à la Commission Internationale de nomenclature zoologique de décider que Livoneca est une orthographe originale incorrecte de Lironeca.
Dans ses manuscrits inédits , il avait également utilisé le nom Cilonera . " Ibid . ( Note 116 , p.402
Depuis près de 200 ans, des esprits curieux ont tentés de savoir qui se cachait derrière Caroline. Leach n'était pas marié, n'avait pas de maîtresse connue, si tant est que son dévouement pour la science, ses fonctions au Muséum et ses publications incessantes [ son Entomology de 1815 est un travail considérable] lui en ait laissé le temps. Il avait une sœur, mais elle se prénommait Jenny. On a pensé à Caroline de Suède, à l'astronome Caroline Herschel, à Caroline de Brunswick et à Caroline Clift, la fille du naturaliste William Clift ; il pourrait s'agir d'une simple combinaison aléatoire de phonèmes.
J'ai tout de suite pensé au poème d'Edgar Poe : Annabel Lee.
It was many and many a year ago,
In a kingdom by the sea,
That a maiden there lived whom you may know
By the name of Annabel Lee;—
And this maiden she lived with no other thought
Than to love and be loved by me.
[...]
And so, all the night-tide, I lie down by the side
Of my darling, my darling, my life and my bride
In the sepulchre there by the sea—
In her tomb by the side of the sea.
Quel merveilleux moyen d'élever un Tombeau à un amour d'enfance que d'immortaliser le nom de l'aimée dans le marbre de l'onomastique zoologique des animalcules marins, et de le laisser se refermer sur l'indicible secret ?
La Caroline de Leach rejoint alors — pour moi seul —la Vanessa de Fabricius, et les amours que Nabokov a exprimé pour mieux les cacher dans le personnage de sa nymphette Lolita.
(N.B Ces données sont issues de la présentation d'un travail artistique inspiré par ce thème : voir :http://www.victoriamanning.com/statement/elfortiana/elfortiana_statement.html. L'auteur y évoque les autres pistes possibles, telles que Cornelia, Caroli Linné, Lonicera, Craniola, Carniola, Coraline, Caroline, Cerniola, et Arenicola.)
Leach ne se limitait ni au prénom de Carolina, ni aux isopodes, ni à l'année 1818 : il avait déjà osé nommer un martin pêcheur australien Dacelo Leach 1815, par anagramme du genreAlcedo des martins-pêcheurs de la vieille Europe. Ses créations avaient parfois le don d'irriter, et en 1842, six ans après la mort de Leach , le Comité de l'Association britannique sur la " Révision de la nomenclature botanique et zoologique " a éliminé les noms Azéka et Assiminea pour leur absence de sens. En 1900 , le révérend Knight a enquêté sur ces noms ...et a découvert que ces "nonsense names" correspondaient sans-doute à la ville biblique de Azekah et à Assémani, un «grand savant oriental ". De plus, lors de l'examen des dizaines d'autres noms, il a également conclu que Leach semblait avoir une prédilection particulière pour les indications géographiques et des noms dérivés de personnes, ayant souvent une origine biblique ou oriental . (Journal of conchology , Vol. 9, n ° 9, Janvier 1900)
La famille Lycaenidae tient son nom du genre Lycaena de Fabricius (1807). Elle comprend les Blues ou Azurés, les Coppers ou Cuivrés et les Hairstreaks ou Thécla, et nos Argus, soit les sous-familles des Polyommatinae Swainson, 1827, Lycaeninae [Leach, 1815] et Theclinae Butler, 1869.
b) sous-famille des Lycaeninae, [Leach, 1815]. Les Lycènines.
Un seule tribu :
c) Tribu des Lycaenini [Leach, 1815]. Les Cuivrés.
Cette tribu ne contient (en France) que le genre Lycaena depuis le regroupement récent (cf. infra) sous ce nom des genres Heodes, Helleia, Thersamolycaena, Thersamonia et Paleochysophanus.
2. Nom de genre : Lycaena Fabricius, 1807
Lycaena Fabricius, "Nach Fabricii systema glossatorum" in Magazin für Insektenkunde. (K. Illiger) Braunschweig [ Brunswick] 6 page 285, n°32.
Type spécifique: Papilio phlaeas Linnaeus.
Cette publication est parue en avant-première pour informer les amateurs de la nouvelle division en 49 genres par lesquels Fabricius répartissait ses papillons diurnes (parmi lesquels in accueillait les Sphinx, les Sésie ou les Zygènes). Le Systema glossatorum, la taxonomie complète desGlossata, ainsi que Fabricius nommait les lépidoptères, devait paraître en 1808, mais la faillite de l'éditeur et la mort de l'entomologiste danois n'a pas permis cette parution.
Le genre Lycaena est le 32ème des 49 genres ; il est divisé dans la publication originale en trois groupes, dont seuls sont donnés les noms de quelques unes des 150 espèces prévues. Parmi ces noms se trouvent hesperia virgaureæ et hesperia phlæas.
LERAUT considère les taxa Lycaena Fabricius, 1807, Helleia Verity, 1943, Heodes Dalman, 1816, Thersamolycaena Verity, 1957 et Palaeochrysophanus Verity, 1943, comme des genres différents. Provisoirement, Dupont et al. ( 2013) adoptent le nom de genre Lycaena pour toutes les espèces présentes en France : Donc, le genre contient actuellement les sept espèces suivantes :
Lycaena helle ([Denis & Schiffermüller], 1775). Cuivré de la Bistorte.
- Lycaena helle arduinnae Meyer, 1980.
- Lycaena helle arvernica Bernardi & De Lesse, 1952.
- Lycaena helle deslandesi Hemming, 1932.
- Lycaena helle eneli Betti, 1977.
- Lycaena helle leonia (Beuret, 1926).
- Lycaena helle magdalenae Guérin, 1959.
- Lycaena helle perretei Weiss, 1977.
Lycaena phlaeas (Linnaeus, 1761). Cuivré commun. [Présent en Corse]
Lycaena alciphron (Rottemburg, 1775). Cuivré mauvin.
- Lycaena alciphron alciphron (Rottemburg, 1775).
- Lycaena alciphron gordius (Sulzer, 1776).
Lycaena dispar (Haworth, 1802) (141). Cuivré des marais.
Lycaena hippothoe (Linnaeus, 1761). Cuivré écarlate.
- Lycaena hippothoe hippothoe (Linnaeus, 1761).
- Lycaena hippothoe eurydame (Hoffmannsegg, 1806).
Lycaena tityrus (Poda, 1761) (143). Cuivré fuligineux.
- Lycaena tityrus tityrus (Poda, 1761).
- Lycaena tityrus subalpina (Ad. Speyer, 1851).
Lycaena virgaureae (Linnaeus, 1758). Cuivré de la Verge-d’or.
Étymologie.
1. Sodoffsky page 81.
" Lycaena. Von ly.., Wölfin. Wie passt die unter die Göttingen hier ? Besser schon wäre :Lycia, Beiname der Diana (v. Vollmer*, I.c page 602.) ; noch besser aber ein Beiname der Venus, etwa : Migonitis, von …, "vermischen, vermengen". V . Vollmer I.c p. 1203."
*Dr. W. Vollmer, voliständiges Wörterbuch der Mythologie aller Nationen. Stuttgart 1836.
— Trad : "Lycaena, du grec ..., "la louve". Comment passe-t-on ici [au nom d']une divinité ? Ce serait mieux avec Lycia, épithète de Diane (Vollmer I. page 602), et encore mieux d'après un épithète de Vénus, par exemple Migonitis, du grec ... "mélangé, réuni". Voir Vollmer I page 1203."
Vénus/Aphrodite Migonitis (du grec "unir", latin misceo, "s'unir (sexuellement)" cf. Virgile, Mista Deo mulier) est vénérée selon Pausanias (Livre III chap. 22) à Gytheion pour l'union conjugale. Elle avait reçu ce nom après que Pâris se soit uni à elle sur l'île voisine de Cranaé. Mais comment Sodoffsky passe-t-il de lycaena à Migonitis ?
2. A.M. Emmet 1991 page 148:
"Lycaena est l'une des trois familles (Thecla, Lycaena et Hesperia) entre lesquelles Fabricius répartit ses Théclas, Cuivrés et Azurés après qu'il les ait séparés du groupe des Skippers. Ce nom [créé par Fabricius en 1807] a été donné à cette Famille malgré qu'il soit postérieur au nom Cupido de Schrank 1802 et de Polyommatus de Latreille 1804, qui recouvraient tous les deux les mêmes groupes.
"Le nom provient peut-être du grec lukaina, "louve", mais les auteurs ont boudés cette explication. Sodoffsky suggéra en 1807 "Lycia, épithète de Diane". Pickard et al. citent Sodoffsky sans autre alternative ; Macleod, avec plus de vraisemblance, propose Lukaios, d'Arcadie, soulignant que plusieurs espèces portent le nom de bergers arcadiens. Une autre possibilité encore est Lukeion, le Lycée, un gymnase athénien, faisant référence aux activités animées des papillons. Néanmoins, les noms scientifiques n'ont pas besoin de trouver leur légitimité dans des caractéristiques entomologiques et la première interprétation est sans-doute la bonne, même si elle peut renvoyer aux autres suggestions en écho. Le problème est le même pour d'autres noms créés par Fabricius, comme Zygaena, dans lequel il semble se livrer spirituellement à une sorte d'argot rimé, poursuivant un train de pensée avant de conclure par les sonorités d'un terme polysémique."
A.M. Emmet aborde toujours les noms de genre de Fabricius avec la conviction qu'il a devant lui ce que Pef a baptisé un Motordu. D'autre part, il ignore la règle que s'est fixé l'entomologiste danois, et qu'il respecte assez souvent, qui consiste à choisir ses noms génériques des papillons diurnes parmi les épithètes de Vénus/Aphrodite, et ceux des nocturnes parmi ceux de Diane/Artémis. Or, selon A. Spuler, Vénus est bien surnommée "La Louve" (voir Glaser 1882 page311). Spannert reprend aussi cette hypothèse. Néanmoins, la louve est plutôt un animal liè à Artémis, et je n'ai pas trouvé de confirmation de cette hypothèse dans les listes d'épiclèses de Vénus.(ici) A contrecœur, j'allais l'abandonner, non sans m'amuser à évoquer les associations entre lupanar / Lupa, "louve", mais aussi "courtisane, prostituée" c'est à dire, "prêtresse de Vénus", en quelque sorte. Cette association me fait découvrir, à la page 135 du Mémoire sur Vénus de Pierre-Henri Larcher (1775), la référence que je cherchais : Les Hymnes orphiques 54 [52], vers 11. La traduction qu'en donne Leconte de Lisle sous le titre Parfum d'Aphrodite est la suivante :
Ouranienne, célébrée par mille hymnes, Aphrodite qui aimes les sourires, née de l’écume, Déesse génératrice, qui te plais dans la nuit noire, vénérable, nocturne, qui unis, pleine de ruses, mère de la nécessité, toutes les choses sortent de toi, car tu as soumis le Kosmos et tout ce qui est dans l’Ouranos et dans la mer profonde et sur la terre fertile, ô Vénérable ! Conseillère de Bakkhos, qui te réjouis des couronnes et des noces, mère des Érôs, qui aimes les lits nuptiaux, qui accordés en secret la grâce, visible et invisible, aux beaux cheveux, Louve porte-sceptre des Dieux, génératrice, qui aimes les hommes, très-désirable dispensatrice de la vie, qui unis les vivants par des nécessités invincibles et qui saisis, à l’aide de tes charmes, d’un désir furieux, la race innombrable des bêtes sauvages, viens, Déesse née dans Kypros, sois-nous favorable, belle Reine, soit que tu souries dans l’Olympos, soit que tu parcoures tes demeures dans la Syriè qui abonde en encens, soit que, sur tes chars ornés d’or, tu visites les rives fertiles du fleuve Aigyptos ; soit que, sur les hauteurs qui dominent l’onde marine, tu te réjouisses des danses circulaires des hommes, ou que tu te plaises, sur la terre divine et dans ton char rapide, au milieu des Nymphes aux yeux bleus, le long des sables du rivage ; soit que, dans la royale Kypros qui t’a nourrie, les belles vierges et les nouvelles mariées, ô Bienheureuse, te célèbrent par leurs hymnes, toi et l’ambrosien Adônis, viens, ô belle et très-désirable Déesse ! Je t’invoque avec un cœur innocent et par des paroles sacrées.
Les Hymnes orphiques Hýmnoi pròs Mousaîon ou Ὕμνοι πρὸς Μουσαῖον sont un recueil de 87 ou 88 hymnes d'origine incertaine, datant sans doute du IIe ou IIIe s. ap. J.-C., chacun étant une invocation à une divinité. - Il en existe trois manuscrits connus de la traduction latine : Codex Laurentianus XXXVI, 35 ; Codex Ottobonianus Lat. 2966 , et le Codex Vaticanus 6891 qui relève d'une autre tradition que les précédents.
Si Fabricius ne les avaient pas sur sa table de chevet, sans-doute pouvait-il en trouver le contenu (ces hymnes sont très riches en épiclèses : cf. M. Hopman-Govers) dans des compilations.
L'hypothèse qu'énonce Emmet, de rapprocher le Lycée d'Athènes, Λύκειον / Lúkeion, cet ancien gymnase où se réunissait les péripatéticiens élèves d'Aristote, est fantaisiste, avec sa comparaison entre les évolutions des athlètes et le vol des papillons. Le lien avec le Mont Lykaion, ou Mont Lycée en Arcadie, consacré à Zeus Lycien, depuis que Lycaon fils de Pelasgos en avait institué le culte, correspond d'avantage aux habitudes onomastiques de Linné.
Hans-Arnold Hürter développe une très brillante réflexion sur les liens sémantiques entre les mots grecs Likeri Lycoreia , Lycoreus , Lykaios et Lykeios et les dérivés du grec λευκος [leukos], « blanc, brillant », de l’indo-européen commun *lewk (« briller, brillant > clair, vu > voir ») qui donne le latin lux, lumen "lumière",, l’allemand Licht, Leuchte, l’anglais light. Ainsi jadis déjà on comprenait le nom d' Apollon Lycios comme "dieu de la lumière", ou comme "né en Lycie", soit parce qu'il avait débarrassé la région de Sicyone des loups. Ce rapprochement est très séduisant pour une famille de papillons cuivrés ou azurés, mais Hürter après avoir joué autour de cette idée comme un phalène autour de la flamme, rappelle doctement que les noms de Linné sont attribués de manière parfaitement arbiraire, sans ressemblance ou relation avec les taxons qui les reçoivent.
Enfin, le lien entre entre le Papilio lycaon nommé par Kühn en 1774 (Misis lycaon) et le genre lycaena 1807 reste spéculatif.
2. L'Ancien genre Heodes (Dalman, 1816).
Heodes Dalman, "Försölk till systematisk Uppställning af Sveriges Fjärilar", Kungliga Svenska vetenskapsakademiens Handlingar, Stockholm, 1816, 37(1), p. 63.
Étymologie :
—Perrein et al. 2012 : "à rapprocher du radical grec héo-, héoth, que l'on retrouve dans héos, "aurore", par extension "orient", point cardinal où le ciel prend la couleur de l'or au soleil levant, par allusion à la teinte dorée de l'avers des ailes".
Cet aussi l'hypothèse de Janssen (1988). Hans-A. Hürter en donne une analyse approfondie et conclue à une formation associant Eos ou Heos avec la lettre d de liaison et le suufixe -es, comme dans Ixo-d-es.
Dans la mythologie grecque, Éos (en grec ancien Ἠώς / Êốs ou Ἕως / Héôs) est une Titanide, déesse de l'Aurore. Elle est la fille des Titans Hypérion et Théia, et la sœur d'Hélios (le Soleil) et de Séléné (la Lune).
Elle est souvent affublée des épithètes homériques « aux doigts de rose » (ῥοδοδάκτυλος / rhododáktulos), « en robe de safran » (κροκόπεπλος / krokópeplos), ou « aux avant-bras de rose » (ῥοδόπηχυς / rhodópêkhus). Homère et Hésiode la présentent également comme « enfant du matin » (ἠριγένεια / êrigéneia).
3. Nom d'espèce : L. tityrus (Poda, 1761)
a) Description originale
Tityrus. 46. P[apilio] Plebeji rurales] Poda, N. 1761. Insecta Musei Græcensis, quæ in ordines, genera et species juxta systema naturæ Caroli Linnæi. Graecus [= Graz]. (Widmanstadius). 127 pp. Page 77.
Nicolaus (ou Nikolaus) Poda von Neuhaus (1723-1798), jésuite qui enseigna les mathématiques à l’université de Graz de 1758 à 1765 tout en étant conservateur de l’observatoire et en réunissant une collection d’histoire naturelle. Il fait paraître en 1761 à Graz Insecta Musei Graecensis premier ouvrage purement entomologique à suivre la nomenclature binomiale de Carl von Linné (1707-1778).Outre une collection de minéraux, il avait constitué une importante collection d’insectes dont on a perdu la trace.
— Localité-type : Graz, Autriche
Cette espèce est présente dans une grande partie de l’Europe jusqu’au massif de l’Altaï. Elle est observée dans toute la France. Les chenilles se nourrissent principalement sur Rumex acetosa L.
— Description :
alis subangulatis fuscis nigro punctatis : utrinque punctis ocellaribus marginalibus, subtus luteis subocellis plurimis.
Puncta ocellaria annulo fracto ferrugineo. Alarum pagina inferior variat colore luteo vel cinereo.
Synonymes (INPN, Muséum).
- Heodes dorilis (Hufnagel, 1766)
- Heodes tityrus (Poda, 1761)
- Papilio circe [Denis & Schiffermüller], 1775
- Papilio dorilis Hufnagel, 1766
- Papilio tityrus Poda, 1761
- Papilio xanthe [Denis & Schiffermüller], 1775
- Polyommatus xanthe ([Denis & Schiffermüller], 1775)
Leraut retient la présence de cinq sous-espèces en France :
- catherinei Verity, 1948. Localité-type : Cauterets, Hautes-Pyrénées.
- dorilis Hufnagel, 1766. Localité-type : environs de Berlin, Allemagne.
- italorum Verity, 1919. Localité-type : Lucca, Toscane, Italie.
- pallidepicta* Verity, 1934. Localité-type : Mont Ventoux, Vaucluse.
- subalpina Ad. Speyer, 1851. Localité-type : Patscherkofel, Autriche.
Le taxon subalpina est considéré par certains auteurs comme une espèce distincte (Parenzan & Porcelli, 2005-2006).
* de pallere, "pâlir" et picta "peinte".
étymologie.
Poda a baptisé notre fuligineux du doux nom du chevrier joueur de flûte de la première églogue des Bucoliques de Virgile : Tityre. Il a en réalité repris trois noms que Linné avait utilisé dans son Fauna suecica de 1746 : Coridon, Alexis et Tithyrus, trois noms de bergers des Bucoliques. Mais, dans le Systema Naturae de 1758 (et de 1764), Linné se donna comme régle de ne faire appel qu'au monde grec, et de banir tout nom de poésie latine hormis l'Énéide (épopée liée au monde grec).
Corydon et Alexis apparaissent dans le deuxième des dix églogues de Virgile : Corydon se plaint d'être dédaigné par Alexis, dont il est amoureux.
Tityre est l'un des deux bergers de la première églogue, et il s'entretient avec Mélibée. Virgile a repris à son modèle le poète grec Théocrite le berger Tityre qui, dans la première Idylle (l'idylle du Chevrier, ou Amaryllis) se plaignait du mépris de la belle nymphe Amaryllis :
"Je chante pour Amaryllis, alors que mes chèvres paissent sur la montagne sous la conduite de Tytire. Tytire, ami de mon cœur, fais paître mes chèvres et conduis-les à la fontaine. Prends garde au bouc blanc de Libye, qu'il ne te frappe de ses cornes." (Théocrite).
Dans l'églogue de Virgile, Amaryllis est la femme ou la maîtresse de Tityre, qui est assez âgé. Grace à celle-ci, il a pu se rendre à Rome, avoir un entretien avec Octave, et obtenir que ses champs ne soient pas confisqués pour être donné aux guerriers victorieux. Il est donc serein, et joue de la flûte contre un hêtre. Mélibée (du grec meliboes, "doux comme le chant du cygne) au contraire, est obligé de fuir sa terre et ses biens, Octave ayant distribué des terres à ses généraux pour les remercier.
" Melebeus:
Tityre, tu patulae recubans sub tegmine fagi
silvestrem tenui Musam meditaris avena
nos patriae finis et dulcia linquimus arua;
nos patriam fugimus ; tu, Tityre, lentus in ombra
formosam resonare doces Amaryllida siluas. "
( Couché sous le vaste feuillage de ce hêtre, tu essayes, ô Tityre, un air champêtre sur tes légers pipeaux. et nous, chassés du pays de nos pères, nous quittons les douces campagnes, nous fuyons la patrie. Toi, Tityre, étendu sous de frais ombrages, tu apprends aux échos de ce bois à redire le nom de la belle Amaryllis. Trad M.Nisard, 1850.).
Dans la septième églogue, nous retrouvons Mélibée, désigné comme arbite d'un concours de chant entre Corydon et Thyrcis.
La poésie bucolique de Théocrite et celle de Virgile va fournir à l'onomastique des papillons un grand nombre de noms, mais jamais sous la signature de Linné. Ce sont soit des noms vernaculaires français (créés par Geoffroy en 1762), soit des noms scientifiques, dont certains n'ont plus cours. Citons :
Le Mélibée ou Fadet de l'Elyme : Coenonympha hero
Le Tircis , Pararge aegeria
L'Amaryllis Pyronia tithonus
Lycaena tityrus, ...l'Argus myope.
Glaucopsyche alexis (Poda, 1761), l'Azuré des cytises.
Lysandra coridon (Poda, 1761) Argus bleu nacré.
Le Palémon ( ou Fadet des garrrigues ou Doré) : Coenonympha dorus.
Papilio menalcus Herbst p. 319
Polyommate Damon.
Il reste à comprendre pourquoi Théocrite a nommé son berger Tityros. Ce nom évoque les mots grecs Τιτυρος Tityros Τιτυροι Tityroi (latin : Tityre Tityri), signifiant "De la flûte de berger", une flûte à deux tuyaux (les tityrinos) dont jouent, sur les vases grecs rustiques les génies qui accompagnent de leur musique et de leurs danses lubriques le dieu Dionysos. Ainsi, les Tityroi accompagnaient les Satyroi (satyres), Silenoi (Silenes), Bakkhai (Bacchantes), ou Lenai et étaient comme eux petits, velus, aux oreilles d'âne et dotés d'une longue queue comme l'explique Strabon dans sa Géographie.
Voir : http://www.theoi.com/Georgikos/SatyroiTityroi.html
Tityros ( Τίτυρος) était l'ancien nom d'un promontoire au nord-ouest de l'île de Crète; un sanctuaire de la déesse Dictynna (dont le nom a été donné par Esper à l'actuel Melitaea diamina) s'y trouvait.
Strabon, Géographie 10. 3. 7 (trad. Jones) (géographe grec C1ST BC à C1ST AD):
— Doux et Gibeaux (2000) :
"Tityrus : Tityre (tityrus), nom d'un pâtre mythique mentionné par Virgile dans ses Églogues (1 : 1) : "tityre, tu patulae recubans sub tegmine fagi" ("Tityre, toi qui es assis à l'ombre de l'opulente frondaison d'un hêtre".) On notera au passage que de nombreux Lycènes portent des noms de pâtres arcadiens (cf. par exemple coridon, alcon, etc.)."
— Perrein et al. (2012) :
Tityrus est le nom d'un berger —cité par Virgile dans les Églogues— qui chante assis sous uh hêtre. Dans la mythologie grecque, les Tityres sont des génies à figure humaine et à corps couvert de peaux de bêtes, représentés dansant et jouant de la flûte, accompagnant le cortège dyonisiaque".
Archeo-taxonomie.
L'étude de ce nom doit maintenant être associée à d'autres, avec lesquels il est tissé selon des motifs compliqués.
1. Fauna suecica de Linné, 1746 : Argus myops.
Dans cette publication qui précède le Systema Naturae de 1758, (le point d'origine de la nomenclature avant lequel aucune description ne peut être validée), Linné décrit page 247 n° 805, le :
papilio hexapus alis rotundatis : supra fuscis, subtus punctis nigris quadraginta duobus. "Papillon aux ailes arrondies, brun au dessus, quarante-deux points noirs au dessus" Vulgo : argus myops. Habitat in ericetis.
Il appartient à un groupe de papillons nommés Argus (oculatus, fuscus, caecus), vivant "in ericetis" (dans les landes). On sait que dans la mythologie Argus est un géant "aux cent yeux". Linné a-t-il nommé celui-ci "myops" parce qu'il n'avait que quarante-deux yeux ?
1bis Fauna suecica, Linné, 1746 : Papilio tithyrus.
Selon Linné lui-même, qui y fait référence dans son Systema naturae de 1767 dans sa description de Papilio Pamphilus, il aurait nommé son papillon 789 du Fauna suecica de 1746 "papilio tithyrus". Cette référence "tithyrus, fauna suecica n°789" est reprise par différents auteurs, dont Latreille et Godart. Mais je ne trouve pas mention de ce nom en consultant le texte page 240. Un oubli ? Il viendrait juste après Papilio Coridon n° 786 et Papilio Alexis n° 787.
2. Dans le Systema Naturae de 1758, ce papillon Argus myops devient Papilio rubi (cf. Callophrys rubi) page 483 n° 154... mais il n'habite plus les landes ou les bruyères, mais la ronce! Ses ailes ne sont plus rondes (alis rotundatis) mais "dentato-subcaudatis" ! Et où sont passés les 42 points noirs ?.
3. Puisque Linné a fait ainsi disparaître son argus myops, la description de Papilio tityrus par Poda en 1761 acquiert donc sa légitimité. Mais, étonnamment, Poda, au lieu de respecter la logique de dénomination des Plebejus rurales (des noms de sculpteurs ou d'artistes grecs), lui donne un nom de berger acadien qui complète la série débutée dans la Fauna suecica (Alexis et Corydon) pour des papillons à quatre pattes fonctionnelles (tetrapus). Poda reprend à son compte les noms de Linné puisqu'il décrit, juste à la suite de son tityrus, un P. Alexis et un P. coridon.
4. L'année suivante (1762), Geoffroy decrit l'Argus myops de Linné dans son Histoire des insectes : il le nomme, très logiquement, "l'Argus myope" (cf infra, noms vernaculaires). Ce papillon appartient à un groupe nommé par Geoffroy Les Argus parce qu'ils sont ocellés, et comportant le Mars, l'Argus bleu (argus ocellatus de la Fauna suecica), le Demi-Argus (pas de référence à Linné), l'Argus brun (argus fuscus de la Fauna suecica), l'Argus Myope, l'Argus vert ou l'Argus aveugle (argus caecus de la Fauna suecica, Papilio rubi du Systema Naturae), Le Bronzé (n°807 butyracea vulgaris de la Fauna suecica) et le Miroir.
4' Scopoli s'interroge en 1763 sur son papilio Alexis variété 4 : est-ce le tityrus de Poda ?
5. En 1766, Hufnagel décrit dans son Tabel von den tagvögeln un Papilio Dorilis "schwarzlich grau mit einigen schwarzen flecken. Unten blaßgelb mit vielen schwarzen Flecken von ungleicher Grösse". "gris noirâtre avec des taches noires. Dessous jaune pâle avec de nombreuses taches noires de taille inégale ". Ne pas confondre avec dorylas, créé par Denis et Schiffermüller en 1775 (Polyommatus dorylas, l'Azuré du Mélilot).
6. En 1775, les auteurs viennois Denis & Schiffermüller reprennent les papillons décrits par Geoffroy, Linné et Poda sous le nom de "Schmallschildraupen /Larvae oblongos cutatae" — "Goldglanzende Falter" traduisant "Les Bronzés" de Geoffroy page 180. Ils décrivent successivement :
1. P. virgauraea L.
2. P. hippothoe L.
3. P. Chryseis.
4. P. Helle.
5. P. Phlaeas L.
6. P. Xanthe (P. Tityrus Poda)
7. P. Circe (L'Argus myope Geoffroy).
Nous avons donc trois séquences :
- argus myops de Linné 1746>> Argus Myope Geoffroy 1762 >> Papilio Circe D&S 1775,
- P. tityrus Poda 1761>>> P. Xanthe D&S 1775.
- P. dorilis de Hufnagel.
7. Pour simplifier, en 1777 Esper décrivit ce papillon sous le nom de Phocas !
Il inscrit par ses références son nom dans la séquence : argus myops de Linné 1746>> Argus Myope Geoffroy 1762 >> Papilio Circe D&S 1775.
Esper, tome I, page 339 XXXV, suppl. XI fig. 1-2
8. Fabricius décrit en 1787 (Mantissa ins. T.II p. 81 n° 731) le P.R. Xanthé, mais aussi l'espèce suivante n° 732 le P.R. Garbus.
9. Fabricius en 1797 (Ent. Syst. em tome 3 pars 1 page 312) renomme ces papillons Hesperia Xanthe (= Xanthe = Phocas) n° 182 et Hesperia Garbas (= Circe) n°183.
10. En 1819, Godart réunit toutes ces dénominations comme une seule espèce qu'il nomme Polyommate Xanthé. (le nom de tityrus a été pris par Fabricius [Hesperia tityrus Ent Syst em III pars 1 n° 331 ] qui a nommé ainsi une de ses Hespéries vivant en Amérique, et ce nom apparaît page 2362 dans les plebejus urb. d'une édition de 1789 du Systema Naturae par Gmelin).
11. De 1819 à maintenant.
Mais néanmoins, on trouvera des auteurs pour utiliser l'un ou l'autre de ces noms tout au long du XIXe ou du XXe siècle. Pour Staudinger, il se nomma Dorilis, et pour W.F. Kirby, L. Dorilas (Hufn). En régle général, on s'attacha, en utilisant un nom, à rappeler l'autre par des équations telles que Xanthe (Fabr.) = Dorilis (Hufn.).
Le tityrus de Poda resta dans l'ombre jusqu'au début du 20e siècle : la première mention de son nom dans les publications, avec son genre Heodes, survient en 1929. Première mention en langue française en 1939, première mention en France en 1949.
C'est semble-t-il en 1911 que tityrus fut exhumé par le Pr. L. G. Courvoisier, dans un article "Synonymie der Palearktischen Lycaeniden" paru dans ? Ent. Zeitschr , XXIV, n°50, 1911. et Intern. entom. Zeitschr. Guben 6 p. 71, 1912. Pendant longtemps, "tityrus, Poda 1761" garda comme une étiquette la mention "(= dorilis—ou dorilas— Hufn). En 1918, on écrivait "Chrysophanus tityrus Poda, mieux connu sous le nom de dorilis (Hufn)"
Ce n'est qu'en 1935 que l'injonction :" C. tityrus Poda doit remplacer C[hrysophanus] dorilis (Hufn)" parut dans les Annales de la Société Entomol. De France.
Tityrus fut associé au XXe siècle aux genres Chrysophanus, Loweia Tutt 1906 et, Palaeolowiea Verity 1934. Heodes apparut vers 1929 : Lycaena tityrus est tout récent (v.2010) et les publications du début du XXIe siècle utilisent Heodes tityrus.
Étymologie des synonymes.
- Dorilis :a) Doris, fille de l'Océan et de Thétis, épouse de Nérée, mère des Néréides. Étymologie peu claire pour Hürter. b)Doritis : surnom de Vénus à Cnide : Doris ou Doritis
- Xanthé : une Océanide selon la liste d'Hésiode.
- Circé : magicienne de la mythologie grecque, qualifiée par Homère de "polypharmakon", "aux multiples drogues".
- Garbus/Garba : on signale un roi du Maroc ou de Grenade — un Sarassin— cité dans les Grandes Chroniques de France, XVIe siècle. C'est le nom d'un vent de mer dans le Languedoc (1727). Thomas Grabus écrivit une Somme médicale summa. medic. scien. tract.
- Phocas : nom d'un empereur byzantin (de 602 à 610). Il existe aussi des saints Phocas à Sinope et à Antioche.
II. Noms vernaculaires.
I. Les Noms français.
1. L'Argus myope, Geoffroy, 1762.
L'Argus myope, Étienne Louis Geoffroy Histoire abrégée des Insectes qui se trouvent aux environs de Paris, Volume 2 page 64 n° 33.
Nous avons vu que Geoffroy reprenait ici le nom Argus myops créé par Linné en 1746 dans sa Fauna suecica dans une courte série argus oculatus, fuscus, myops et caecus, Argus ocellé, brun, myope, et aveugle.
Geoffroy a lui même créé un groupe des Argus, dans lequel il décrit le Mars, l' Argus bleu (l'oculatus de Linné), le Demi-Argus, l'Argus brun (le fuscus de Linné), l'Argus myope, l'Argus vert ou Argus aveugle (caecus de Linné), le Bronzé (butyracea vulgaris de Linné) et le Miroir.
S'ils se référent tous au héros ou géant mythologique Argos Panoptes, qui a cent yeux pour mieux surveiller la génisse Io, parce qu'ils ont tous des "yeux" ou ocelles, ils évoquent aussi par leurs couleurs cuivrées ("bronzées") le fait que le nom d'Argus viendrait de la racine grecque arg-, qui signifie « quelque chose de brillant » (cf. argyros signifie « argent »).
Si Argus possède cent yeux, un argus myops est un argus dont certains yeux sont fermés, selon l'étymologie de notre mot "myope", et du latin myops, ōpis, "qui a la vue basse" car le grec gr. μυώψ, ωπος évoque μύω, múô (« fermer ») + ὤψ, ốps (« œil »). Or Linné a compté 42 yeux sur les ailes de cet argus myope, il en ferme donc plus de la moitié.
On est aujourd'hui étonné de voir que, lorsque le livre de Geoffroy a été édité par Fourcroy en 1785 dans une édition en latin compatible avec les exigences de la communauté savante, cette espèce reçut le nom de Papilio rubi alors que son Argus vert (le "vrai" P. rubi) reçut celui de Papilio caecus. Cela témoigne seulement du désarroi dans lequel se trouvaient les entomologistes soucieux de s'en tenir scrupuleusement aux descriptions de Linné, lorsque ces descriptions ne recouvraient pas les espèces existantes.
2. L'Argus myope, Engramelle, 1779.
Jacques Louis Engramelle Papillons d'Europe, peints d'après nature, Volume 1 page 183 n° 89 Planche 43 par J.J Ernst gravée par J.J. Juillet 1779.
3. Polyommate Xanthé, Latreille et Godart 1819
Latreille et Godart Encyclopédie méthodique, Paris : Vve Agasse tome 9, page 666,".
Cet article permet de disposer de l'ensemble des références bibliographiques sur cette espèce, notamment par les auteurs germaniques, autrichiens ou suisses.
6. Le Polyommate Xanthé , Godart 1821,
Hesperia Xanthe et Hesperia Garbas (Fabr), Papilio Circe (Hübn), Argus myope (Geoffr.)
Jean-Baptiste Godart, Histoire naturelle des lépidoptères ou papillons d'Europe,
Paris : Crevot 1821/1823, page 51 et page 196 Planche 9 secund.fig.3 peinte par C. Vauthier et gravées par Lanvin.
Pour une raison qui m'échappe, Godart, qui intègre souvent le nom créé par Geoffroy dans son Histoire des Lépidoptères, renonce ici à proposer le nom de "Polyommate myope" qu'on attendrait, et impose ce nom grinçant et latinisé de Polyommate Xanthé.
Ce nom a été repris par Hippolyte Lucas (1834) page 31, P.A. Duponchel et Guenée 1849 page 82, par Le Borgne de Kermorvan en 1836 (in E. Souvestre), Aristide Dupuis 1865.
La Chenille.
Le Polyommate Xanthé. (Duponchel, 1849).
P.A.J. Duponchel, 1849 Iconographie et histoire naturelle des chenilles page 82 n°32 Planche IX . (B.H.L. Libr)
6. La revue des noms vernaculaires par Gérard Luquet en 1986.
Dans la révision des noms vernaculaires français des rhopalocères parue dans la revue Alexanor en 1986, Gérard Christian Luquet propose comme nom principal "Le Cuivré fuligineux" et comme nom accessoire "L'Argus myope" de Geoffroy, tout en rejetant "Le Polyommate Xanthé" de Godart ("imité du latin"). Il donne en note le commentaire suivant : " J'ai proposé pour Lycaena phlaeas, Heodes virgaureae et H. tityrus les noms respectifs de "Cuivré commun", "Cuivré de la Verge-d'or" et "Cuivré fuligineux" dans un travail récent".
Il s'agit de : Pfletschinger (Hans). Papillons. Traduit et adapté de l'allemand par G. Chr. Luquet. Fernand Nathan : Paris, 1986.
Le nom de Cuivré fuligineux est donc une création de G. Chr. Luquet en 1986. Cela illustre combien les traductions d'ouvrages étrangers ont été l'élément moteur du renouveau de nos noms vernaculaires.
Il permet à Luquet de constituer une série de douze Cuivrés, équivalent des Copper anglais : Cuivrés commun, de la Bistorte, de la Verge-d'or, des Balkans, fuligineux, mauvin, flamboyant, des marais, du Genêt, de l'Atlas, de l'Anatolie, et écarlate.
Ce terme de Cuivré est une allusion aux couleurs rouge feu, métalliques des ailes, que Geoffroy avait comparé au Bronze et que Luquet compare au Cuivre et à ses reflets.
Dans le nom d'espèce de Cuivré fuligineux, il prolonge habilement la métaphore métallurgique d'une forge dont la suie, échappée du foyer, vient ternir la plaque d'airain. en effet, "fuligineux" signifie "qui a la couleur noirâtre de la suie" par le bas-latin fuliginosus « couvert de suie », dérivé du latin classique fuligo, -inis « suie ». En effet, les ailes de cette espèce, surtout chez le mâle, sont, à la face supérieure, couleur de suie.
Ce n'est, bien-sûr, qu'une traduction du nom anglais "Sooty Copper", le.."Cuivré fuligineux", de "sooty", adjectif construit sur soot, "suie", et Copper, "Cuivre" ou "Cuivré". Mais le nom anglais n'est lui-même pas très ancien, la première occurence d'une publication l'employant sur le net datant de 1973.
7. Noms vernaculaires contemporains :
Charles Oberthür et Constant Houlbert , dans leur Faune armoricaine de 1912-1921, utilisent le nom scientifique de Chrysophanus Xanthé Fabr. (Dorilis Hufn.) pour présenter ce papillon mais ne citent aucun nom vernaculaire .
—Bellmann / Luquet 2008 : "Le Cuivré fuligineux ".
— Chinery / Luquet 2012 : non décrit
— Doux & Gibeaux 2007 : "Le Cuivré fuligineux".
— Higgins & Riley /Luquet 1988 : "Le Cuivré fuligineux, l'Argus myope".
— Lafranchis, 2000 : " L'Argus myope, le cuivré fuligineux" .
— Perrein, 1012 : "Cuivré fuligineux" .
— Tolman & Lewington / P. Leraut 2009 : " Cuivré fuligineux".
— Wikipédia : "Le Cuivré fuligineux, l'Argus myope".
III. Les noms vernaculaires dans d'autres pays.
L'espèce n'est pas observée en Grande-Bretagne, sauf, selon le site UK Butterflies, à quatre reprises en 1887 : "Quatre spécimens de cette espèce ont été trouvés dans les îles britanniques. Le premier a été capturé à Lee, près de Ilfracombe en Août 1887, la deuxième à Kincardine-sur-Forth près de Fife, en Écosse, le troisième (une femelle) par un écolier à Seaford, East Sussex , en Août 1958, et le dernier au Grand Havre à Guernesey en Août 1966. Cette espèce n'est pas considérée migratoire. Cependant, on pense que les deux derniers spécimens auraient été menées par les vents dominants du continent vers les îles britanniques."
- "Brauner Feuerfalter" ou "Schwefelvögelchen" en allemand ("Le Cuivré ("couleur de feu") bruni, ou le Papillon Soufré")
- "Brūnais zeltainītis"
- "Manto oscuro" en espagnol
- "Ohniváček černoskvrnný en tchèque ("Cuivré ...")
- "Tamsusis auksinukas" en lithuanien
- "Sort Ildfug"l en danois
- "Barna tüzlepke" en hongrois
- "Bruine vuurvlinder" en néerlandais ("Papillon Feu bruni")
- "Dansk Guldvinge" en suédois ("Papillon doré danois")
- "İslibakırgüzeli" en turc
- "Pruun-kuldtiib" en estonien ("Papillo doré bruni")
- "Sooty Copper" en anglais (Cuivré fuligineux")
- "Czerwończyk uroczek" en polonais
- "Tanskankultasiipi" en finnois
- "Titiro" en italien
- "Ohniváčik čiernoškvrnný " en slovaque
Langues celtiques :
1. langues gaéliques : irlandais (gaeilge) ; écossais (Gàidhlig ) ; mannois ( gaelg :île de Man).
-
en irlandais
- en mannois.
-
en gaélique écossais*
2. Langues brittoniques : breton (brezhoneg) ; cornique (kernevek); gallois (Welsh, cymraeg).
-
pas de nom en breton ;
-
" Copor pyglyd" en gallois.
*Liste des noms gaéliques écossais pour les plantes, les animaux et les champignons. Compilé par Emily Edwards, Agente des communications gaélique, à partir de diverses sources. http://www.nhm.ac.uk/research-curation/scientific-resources/biodiversity/uk-biodiversity/uk-species/checklists/NHMSYS0020791186/version1.html
Voir aussi :http://www.lepidoptera.pl/show.php?ID=70&country=FR
Les autres publications jusqu'en 1819.
Muller, Faun. Sileciasa. : P. Circe
Scopoli Ent. Carn. p. 180 Papilio Alexis variété 4.
Schoeffer, Icon. Tab..272 fig. 1,2.
Borkh. Pap. Europ. Part I p. 148 et 149 n° 8 et 9 / part.2 p. 222 et 223. : Pap. Xanthe et Circe.
Rossi, Fauna Etr. Tom. 2. p. 157 n°1039. Pap. Xanthe
Hübner, pap. Tab. 64 fig. 334-336.Papilio Circe.
Illiger : Papilio Xanthe et Pap. Circe.
Ochsenheimer, Pap. Eur. Tom. I. : Pap; Circe
Bibliographie, liens et Sources.
— Funet : lycaena.
— Inventaire national du patrimoine naturel (Muséum) : Lycaena tutyrus .
— UK Butterflies : lycaena tityrus .
— lepiforum : lycaena tityrus
—Images : voir les superbes dessins de Hübner (ne décrit pas L. tityrus).
HÜBNER, Jacob, 1761-1826 Das kleine Schmetterlingsbuch : die Tagfalter : kolorierte Stiche, Insel-Bücherei ; Nr. http://www.biodiversitylibrary.o
I. Étymologie des lépidoptères :
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— GLASER L, 1887 Catalogus etymologicus Coleoperum et Lepidopterum. Erklärendes und verdeutschendes namensverzeichnis der Käfer und Schmetterlinge fûr Liebhaber und wissenschaftliche Sammler, R. Friehändler : Berlin 1887, 396 pages. BHL Openlibrary.
— GLASER, L, 1882 "Zur Nomenklatur des deutschen Tagfalter, in Entomologischen Nachrichten, Stettin 1882 pages 303-317,
https://archive.org/stream/entomologischena81882berl#page/310/mode/2up/search/lycaena)
— Gozmány, László: Vocabularium nominum animalium Europae septem linguis redactum. 2 vols. Budapest: Akadémiai Kiadó, 1979.
— JERMYN L.: The Butterfly Collector's Vade Mecum: or a Synoptical Table of English Butterflies. 1824. http://archive.org/stream/butterflycollect00jerm#page/n6/mode/1up
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— BOISDUVAL (Jean-Alphonse) Essai sur une monographie des zygénides : suivi du Tableau méthodique des lépidoptères d'Europe Paris : Méquignon-Marvis 1829 Gallica
— BOITARD (Pierre ) Manuel d'entomologie ou Histoire naturelle de insectes: contenant la synonymie de la plus grande partie des espèces d'Europe et des espèces exotiques les plus remarquables, Tome second, Paris : Roret, 1828, Gallica
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— DALE (Charles William) 1890 The history of our British butterflies containing - a full bibliographical note of each species, with copious extracts from the old authors; and full descriptions of all the British species, their eggs, caterpillars, chrysalides and varieties, with a notice of their habits, localities, frequency, J. Kempster : London 1890 Archiv.org.
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