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17 janvier 2016 7 17 /01 /janvier /2016 23:56

PRÉSENTATION.

Pourquoi ne pas lire en introduction ce qu'écrivaient les auteurs de l'Inventaire général de 1975 ? 

"Les origines de la chapelle et du culte local de saint Fiacre sont mal connues. Il est probable que les Boutteville, originaires de Normandie, ont favorisés l'introduction de son culte au Faouët ; il est déjà attesté à Radénac (56) en 1460 et une chapelle de Melrand lui est dédiée ; mais il n'est étendu en Bretagne qu'au XVIIe siècle. Une chapelle a peut-être existé avant la chapelle actuelle, et un hôpital fut vraisemblablement construit près de là, comme l'indique l'inscription portée par une pierre réemployée dans une maison voisine : L AN MIL CCCC XXXVI FUT FAIT CEST OSPITAL PAR C(BOUTE)VILLE. L'existence d'un hôpital peut être lié, comme à Kerascleden, à un pèlerinage."

 

On estime que la chapelle Saint-Fiacre fut bâtie à la fin du XVe siècle. Le début des travaux peut être estimé vers 1450 en se fondant sur une inscription du jubé datant celui-ci de 1480. Le vitrail le plus ancien, celui de l'Arbre de Jessé, date de la même époque, alors que les autres baies reçurent leurs vitraux actuels en 1550-1557. Tous les vitraux portent les armoiries de la famille de Boutteville, en sommité, et de leurs alliances. Le vitrail de la vie de saint Fiacre dénote parmi ces vitraux Renaissance des années 1550, car il reprend la disposition médiévale des vitraux historiés à texte inscrit en légende à leur base.

Avant même la chapelle, un hôpital avait été construit, et une inscription d'une maison située à quelques mètres du sud de la chapelle énonce : "L'AN MIL CCCC XXXVI FUT FAIT CEST OSPITAL PAR C BOUTEVILLE". La famille de Boutteville a donc fait ériger à la fois un hôpital (en 1436) et une chapelle (1450 ?), et  les deux édifices avaient quelque chose à voir avec saint Fiacre. 

En 1427, Jean III de Boutteville était captif des anglais au Mont Saint-Michel. Ce seigneur, ou sa fille Clémence, firent-ils alors le vœu de fonder cet hospice pour les pauvres ? et d'invoquer saint Fiacre, grand saint thérapeute pour toutes sortes de maux du corps et de l'âme ?

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Rappel sur la famille de Bouteville.

 

Les Bouteville (ou Boutteville) sont originaires de Normandie. Puis ils se scindèrent en une branche anglaise qui, sous le nom de Botfield, conserva le  blason, et une branche bretonne qui suivit Pierre de Dreux lorsque celui-ci fut nommé duc de Bretagne en 1213, et adoptèrent les armoiries d'argent à cinq fasces de gueules. Ils alors devinrent seigneurs du Faouët par alliance, et y disposèrent d'un château. Le château fort des Boutteville au Faouët, que le chroniqueur médiéval Jean Froissart qualifie de « petit fort », fut assiégé en 1342 par les troupes du roi d'Angleterre Édouard III pendant la guerre de Succession de Bretagne. Une garnison anglaise s'y installa mais le château fut successivement repris par les partisans de Charles de Blois et de Jean de Montfort. À la fin de la guerre, le château était ruiné et les seigneurs du Faouët firent de leur manoir à Le Saint leur résidence principale. Ils ne se réinstalleront dans la petite ville qu'au milieu du xvie siècle. 

Les Bouteville seront toujours de fidèles alliés des ducs de la dynastie des Montfort. Ils en seront récompensés en figurant parmi les chambellans de la cour ducale sous le duc François II et en étant honorés du titre de barons par la duchesse Anne.

 

  • Hervé, sénéchal de Ploërmel et Broërec en 1270, est sans-doute celui qui épousa l'héritière du Faouët.

  • ... 

  • Jean I de Bouteville, seigneur du Faouët, marié à Andrée de la Rivière

  •  Jean II, marié en 1373 à Jeanne de Quélen.

  •  Jean III, marié à Isabeau de Penhoet. En 1420, il prit les armes pour délivrer le duc Jean V, alors prisonnier des Penthiève. En 1427, il fut capturé par les anglais au Mont Saint-Michel

  •  Jean IV  (1405 -, marié à Alix de Coetquénan.

  • Jean V de Bouteville, seigneur du Faouët et de Barrégan, vicomte de Coetquénan, chambellan du duc François II. Il épousa  le 28 novembre 1453  Marie de Quimerc'h, la fille de Charles, seigneur de Kerimerc'h (1415 - 1485). Ils eurent onze enfants dont Catherine et Louis. 

  • Louis de Bouteville (- 18 mars 1539), épousa le 19 janvier 1498 Jeanne du Chastel (fille d'Olivier du Chastel et de Marie du Poulmic). La famille du Chastel porte fascié d'or et de gueules de six pièces. On trouve leurs armoiries sur les vitraux de Saint-Fiacre.

  • Yves de Bouteville (aveu du 4 juin 1542), marié avec Renée de Carné. Il commandait en 1546 le ban et l'arrière-ban de l'évêché de Cornouaille .

  • Jeanne de Bouteville,  dame du Faouët, vicomtesse de Coëtguenan †1572 , mariée en secondes noces en février 1559 avec Claude, marquis de Goulaine, 1512-1579 

Les successeurs à la seigneurie du Faouët. Goulaine et du Fresnay.

  La famille Goulaine succède aux Bouteville, par alliance, à partir de 1559. 

La baronnie du Faouët sera rachetée par Sébastien du Fresnay, conseiller du roi au Parlement de Bretagne avant 1644.

On constate que la construction de l'hôpital "de Saint-Fiacre" (cest moi qui le nomme ainsi) date de Jean IV de Bouteville, et la construction de la chapelle de Jean V de Bouteville et Jeanne de Kerimerc'h, (François II étant alors duc de Bretagne), tandis que la seconde campagne de création de vitraux (1550-1557) correspond à Yves de Bouteville (la Bretagne étant alors rattachée à la France). 

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Le culte de saint Fiacre et les soins aux malades.

Nous constatons que saint Fiacre n'est pas invoqué dans les Livres d'Heures d'Anne de Bretagne. Il l'est, par contre, dans celui de Pierre II, duc de Bretagne. de 1450 à 1457 et fils de Jean V.

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La baie 6 est composée de quatre lancettes et d'un tympan à 13 ajours : elle est haute de 4,40 m. et large de 2,20 m. On la décrit en huit panneaux organisés en deux registres, qui sont consacrés au récit hagiographique de saint Fiacre, patron de la chapelle. 
Livre d'Heures de Pierre II de Bretagne, Bnf, Ms 1159, f.126v,  image Bnf recadrée.

Livre d'Heures de Pierre II de Bretagne, Bnf, Ms 1159, f.126v, image Bnf recadrée.

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 Si saint Fiacre est surtout connu aujourd'hui comme saint patron des jardiniers, c'est surtout un saint guérisseur , non seulement  des hémorroïdes et autres fics ou tumeurs, mais aussi de toutes sortes de maladies "dont médicin ne peult garir" . En témoigne une oraison qui apparaît assez tardivement dans les Livres d'Heures, au XVIe siècle : 

Sainct Fiacre, patron de Brie,

seul de ce nom, je te deprie,

quë envers Dieu, le Créateur,

tu soyes mon mediateur.

Glorieux sainct, d'Escosse né,

Certains suis que Dieu t'a donné,

pouvoir sur hommes et sur femmes,

et par toy leurs corps et leurs ames

de grands dangier sont boutés hors :

quant a la partie des corps,

par toy sont garys langoureux,

plains de fievres, crancheux, ficqueux,

desrompus et plains de gravelle,

qui est maladie mortelle,

polipeux, plains de pourriture,

de broches, de ficq et d'ordure,

qui dedans le corps humain entre,

de fleux de sang, de cours de ventre,

de fleux mentrueux et de vers ;

et aussi d'autres maulx divers

dont medecin ne peut garir,

Fiacre tu peulx secourir.

 Pierre Rézeau 1983, Les prières aux saints en français à la fin du Moyen Age: Tome 2, Volume 2  page 215

 

C'est en effet pour nourrir les malades qui affuaient que saint Fiacre s'est préoccupé, nous allons le voir,  de se doter d'un jardin et de manier la bêche. C'est aussi  sa protection que sont placées un certain nombre de maladreries et léproseries : ainsi, quatre chapelle de Loire-Atlantique : http://www.infobretagne.com/leproseries-saint-fiacre.htm

Il est donc probable, ou du moins plausible, que l'hôpital fondé par "C. de Bouteville" fut placé d'emblée sous le patronyme de saint Fiacre, et que la chapelle était destinée à assurer aux malades le bénéfice des prières et des dons des fidèles. 

Un détour par Robert Gaguin : où saint Fiacre s'emporte contre les femmes et leur ferme la porte.

Robert Gaguin (1433-1501) est un religieux, humaniste et historien auteur du Compendium de Francorum origine et gestis,  grande histoire de la monarchie franque, puis française, depuis les origines légendaires  jusqu'au 9 janvier 1500 et dont  la première édition fut imprimée en 1495, avant de voir son texte  étoffé dans les  éditions imprimées qui se sont succédées de 1495 à 1500

Or, dans son chapitre consacré au règne de Dagobert, Liber III folio XV (je le trouve dans une édition de 1504) Gaguin écrit ceci :

  Huic clotarii aetate fiacrus venit Scotus i briam que dum solitariu sibi locu quaerit : a sancto faro ne meldensiu pontifice susceptus et loco ubi nunc ob sanctitatis merita religiose colit donatus est. In cuius facellum foemina non ingredit. quae emmaliqñ ingredi temere tentavit in rabiem versa est. De hoc sancto heremita qu-dam hoc disticon composit « Foemina quae laesit blasphemo murmure sanctum : Fecit quod sancti non intrat foemina templum". 

En 1525, le Compendium fut traduit en français sous le titre de La mer des croniques et miroir historial de France, ce qui nous permet d'obtenir la traduction : Livre III folio XXVII

"Sainct Fiacre escocote hermite.

"Au temps diceluy Clotaire Sainct Fiacre escossoye vint au pays de Brye lequel querant long lieu solitaire fut devotement receu de sainct Pharon evesque de Meaulx qui luy donna lieu auquel maintenant pour les merites de sa saincteté est revere et honore. Et en la chapelle de ce benoist sainct ne entrent point les femmes : pour ce que celle qui follement sefforca austreffoys y entrer enragea. De ce devot hermite Sainct Fiacre auscun versificateur fist et composa ces deux vers :

femina qui fecit blasphemo murmuro sanctum.

Fecit quod sancti non intrat femina templum.

La femme qui blessa saint Fiacre par le blasphème de murmure feist et causa que auscune femme ne entre poinct au temple ou eglise de ce benoist sainct."

Ce passage donne plusieurs indications : 1. Saint Fiacre avait suffisament d'importance pour que la création de son ermitage soit signalé comme un des évenements notables de la période mérovingienne. 2. Peu avant que ne soit peint le vitrail de la Vie de saint Fiacre de la chapelle du Faouët, il était acquis que saint Fiacre était écossais ("escossoye"). 3. L'interdiction faite aux femmes de pénétrer dans les sanctuaires voués à saint Fiacre était l'un des éléments saillants  concernant son culte. 4. Ces données bénéficièrent de la publicité d'un ouvrage trés renommé, et  de la diffusion permise par l'imprimerie et par la traduction française.

Certes, Gaguin se contenta en partie de reprendre le texte des Grandes Chroniques de France conservées à Saint-Denis.

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Un Mystère de saint Fiacre.

L'existence d'une Vie de monsieur sainct Fiacre filz du roy descosse par personnaiges publiée en 1529 à Paris (exemplaire de la Bibliothèque nationale de France  RES-YF-1605), et d'une Vie Monseigneur sainct Fiacre  en 1260 vers et 25 personnages (Manuscrit, Bibliothèque Sainte-Geneviève, Paris, ms 1131)  témoignent du fait que des Mystères de saint Fiacre étaient joués devant un public pendant la période historique qui nous concenre (1450-1550).

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ÉTUDE DU VITRAIL PANNEAU PAR PANNEAU.

 

La baie 6 est composée de quatre lancettes et d'un tympan à 13 ajours : elle est haute de 4,40 m. et large de 2,20 m. On la décrit en huit panneaux organisés en deux registres, qui sont consacrés au récit hagiographique de saint Fiacre, patron de la chapelle. 

 

 

 

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PREMIER REGISTRE.

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Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

REGISTRE INFÉRIEUR.

 

Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

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1. Enfance de saint Fiacre.

Françoise Gatouillat et Michel Hérold décrive ici "Saint Fiacre en prière devant ses parents le roi et la reine d'Irlande". Mais rien n'atteste sur le vitrail  que les deux personnages soient les parents du petit Fiacre, ou qu'ils  soient irlandais. Selon la tradition, saint Fiacre serait un moine d'origine celte (les Scots) et qui serait apparenté à saint Kilien, fils lui-même du roi d'Écosse ; et certains auteurs, des plus autorisés, fournissant des pièces justificatives, donnent saint Fiacre comme étant le fils du roi d’Ecosse Eugène III . Ou même d'Eugène IV .

Ce que nous voyons, c'est un enfant (notez le plumier suspendu à la ceinture) agenouillé devant un couple de souverain ; la reine pose la main gauche sur l'épaule droite de l'enfant et lui dnne sa bénédiction tracée par la main gauche . Le roi, coiffé d'un turban à oreillette, tient un sceptre particulièrement long.  Nous sommes tentés de penser que papa et maman Fiacre sont ravis d'avoir engendrés un fils si pieux, mais dans les Mystères, ils se lamentent plutôt de voir leur fiston se confire en dévotion, ou se morfondre en mortifications, ascèses et macérations, et ils se préoccupent plutôt de le marier ; ils envoient un chevalier quérir une belle pucelle. Mais la Vierge envoie saint Gabriel qui donne l'ordre à Fiacre d'aller en France. "Se dérobant à la cour à l'insu du roi", et prenant le bateau à la ckloche de bois, il traverse The Channel , avec quelques compagnons et peut-être sa sœur la belle Sira. C'est ainsi que nous allons le voir, dans les panneaux suivants, devant Faron, le saint évêque de Meaux. Après 49 heures de route (sans bouchons) entre Boulogne et Meaux, par la Chaussée Brunehault. 

— Inscription :

—  Cõe . Sait fiacre enfant. Priot. Lue comme : "CO(M)E SAI(N)T FIACRE ENFANT PRIOIT.", ou en clair "Comment saint Fiacre priait".

— P. ANDROVET OVVRIER DEMEVRANT A / KEMPARALÉ 1552

Cette inscription a été manifestement restaurée, mais la partie "P. ANDROUET, ouvrier à Kemparalé" a été relevée telle quelle en 1849 (Bull. arch. Assoc. Bret.). Kemparalé est assimilé à Quimperlé, mais pourtant cette forme n'est attestée nulle part ailleurs. Les généalogistes ne signalent pas de famille portant ce patronyme à Quimperlé.  En outre, le prénom n'est pas précisé. Pourtant, les auteurs du volume du Corpus Vitrearum considère qu'il s'agit de la signature de "Pierre Androuet de Quimperlé" ; les auteurs du Bulletin de la Société archéologique du Morbihan placent en 1858 "Pierre Androuet de Quimperlé, peintre verrier" dans une liste d'artisans. Les auteurs du Bulletin et mémoires de la Société archéologique du département d'Ille-et-Vilaine  1878 page 320 s'en étonnent :

On a voulu voir dans Pierre Androuet l'ouvrier auteur de ces beaux vitraux, et dans l'indication de sa demeure la ville de Quimperlé; mais quelqu' importante que serait une indication de cette nature, d'autant plus précieuse qu'elle serait plus rare et plus inusitée, il faut renoncer à cette illusion. L'ouvrier est ici le maître d'œuvre , gouverneur ou fabricien , qui a ordonné et dirigé la pose des vitraux, et qui, suivant un usage assez constant, a perpétué par cette inscription la mémoire de son office. Aucun document certain n'indique d'ailleurs à Quimperlé la présence de peintres-verriers. Quant à expliquer ce nom de lieu, qui ne se rapporte à aucune localité connue, c'est difficile. Peut-être n'y faut-il voir que soit une mauvaise leçon, soit une incorrection d'écriture ou d'orthographe, rendant le mot incompréhensible. [...]

On retrouve encore, vingt-cinq ans environ plus tard, dans l'église de la Trinité de Langonnet, le même nom d'Androuet. Au bas de l'une des fenêtres du chœur est l'inscription suivante : LE : XXIII : DE : MARS : P : ANDROVET : 157.: Mais il ne faut y voir également qu'un nom, commun dans le pays, désignant un fabricien.

Ces vitraux de la Trinité de Langonnet, avaient été en partie offerts par un Boutteville. Autrefois vendus, des éléments de ces verres ont été retrouvés dans la chapelle de Kerozer, commune de Saint-Avé, et une série d'anges musiciens ont une grande parenté stylistique avec ceux de Saint -Fiacre. 

 

Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

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2. Saint Fiacre demande à saint Faron, évêque de Meaux, un espace pour construire  son ermitage :

moderne, par Marcel Delon 1912.

Inscription Cõe St fiacre . demanda à St faron . un emplace / ment p~r : bastir un ermitage. 

Le frère Fèfre (Fefrus, forme ancienne de Fiacre jusqu'au XIe siècle) fut reçu avec bienveillance par Faron, qui lui donna une de ses vastes propriétés appelée Breuil, à deux lieues de Meaux,où le jeune homme créa un monastère (ou un ermitage). Il attira du monde.

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Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

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3. Deux femmes sont semoncées pour avoir voulu troubler la solitude de saint Fiacre.

Le livre tenu par saint Fiacre porte le monogramme M.D. du restaurateur. Seule la partie supérieure de la scène est ancienne.

Inscription Cõe . deux . dames s / punies : pour avo / voulu : petruire / l'ermitage.

Le texte est douteux en raison du mot "petruire". L'Inventaire donnait en 1975  la lecture suivante (avec entre parenthèses les lettres ou mots manquants) : "Co(m)e deux d(ames furent) punies p(avoir) voulu (pénétrer) dans l'ermitage". La partie du texte actuel qui diffère du texte relevé en 1975 correspond à un verre indépendant séparé de son voisin par un plomb, et qui a du être restauré depuis. Or, il est peu probable, par rapport aux éléments de la Légende de saint Fiacre,  que des femmes soient accusées d'avoir détruit l'ermitage. Je propose de lire "Comme deux dames sont punies pour avoir voulu pénétrer dans l'ermitage."

J'ai déjà dit comment Robert Gagnin avait relaté l'interdiction faite aux femmes de pénétrer dans les sanctuaires de saint Fiacre en raison d'un mystérieux "blasphème du murmure" : femina quae laesit blasphemo murmuro sanctum. Fecit quod sancti non intret femina templum. La femme qui blessa saint Fiacre par le blasphème de murmure fit et causa qu'aucune femme n'entre point dans l' église de ce  saint. Le distique eut un retentissement certain, car il fut cité par les auteurs protestants comme les frères Zwinger.

Le tort de la femme (la Becnaude") fut de devenir enragée (in rabiem versa) de colère, et en voici la cause et le récit :

 

"Le nombre des pèlerins et des pauvres qui venaient implorer la charité de saint Fiacre, augmentant de jour en jour, il se trouva dans l'impossibilité de les recevoir tous sans un nouveau secours de saint Faron. Il l'alla trouver pour le prier de lui donner dans la forêt un terrain suffisant pour y semer des légumes, avec lesquels il pût subvenir aux nécessités de ses hôtes. Ce prélat acquiesa à sa demande, et lui accorda auprès de son ermitage autant de terre qu'il pourrait, en creusant lui-même un jour entier, en entourer d'un petit fossé : tout ce qui se trouverait renfermé dans l'étendue de cette circonvallation lui appartiendrait en propre et comme un bien de patrimoine. Dieu permit qu'on lui prescrivit cette condition, afin de faire éclater davantage la sainteté de son serviteur ; car saint Fiacre ne fut pas plus tôt de retour en sa solitude, que, prenant un bâton à la main, après avoir adressé à Dieu une prière pleine de confiance, il traça sur la terre une ligne pour faire le circuit du jardin qu'il désirait. Mais, par un prodige surprenant et presque incroyable, à mesure qu'il avançait, la terre s'ouvrait d'elle même , et les arbres tombaient de coté et d'autre. Pendant cette merveille, une femme, vulgairement appelée la Becnaude, qui, ayant vu la terre s 'ouvrir à la seule présence de l'homme de Dieu, courut propmptement à l'évêque lui dire que cet ermite, qu'il considérait tant, n'était qu'un magicien et un enchanteur, et qu'elle l'avait vu faire des sortilèges inouïs ; puis, retournant sur ses pas à la forêt, elle entreprit le saint, et, après avoir vomi mille injures contre lui, elle eut l'effronderie de lui interdire son travail au nom de l'évêque de Meaux auquel elle l'avait dénoncé, et de lui déclarer avec fierté que lui-même allait venir pour lui faire défense de passer outre. A ces paroles, saint Fiacre s'arrêta et cessa son travail, quoique fort affligé de cette calomnie ; mais, comme il voulut s'asseoir sur une pierre, pour se reposer en attendant la venue du prélat, les prodiges se succédant les uns aux autres, la pierre se creusa d'elle-même, en forme de chaise , présentant une surface concave plus commode au saint. On la voit encore dans l'église qui fut, depuis, bâtie en son honneur, où elle se conserve pour servir de monument et de ce prodige et de la bonté divine qui se manifeste envers ceux qui, travaillés par certaines douleurs, et, s'y asseyant, avec foi, sont guéris de leurs infirmités.

Cependant saint Faron arriva, et, voyant la vérité de toutes ces merveilles, il fut encore plus persuadé qu 'auparavant du grand mérite et de la sainteté du bienheureux ermite : il l'en aima plus tendrement que jamais et l'honora depuis toute sa vie, d'une singulière familiarité.

La malice et l'indiscrétion de cette femme furent cause que saint Fiacre défendit l'approche de son monastère à toutes les femmes ; il demanda même à Dieu que toutes celles qui, à l'avenir, auraient la témérité d'y entrer, fussent punies sur le champ de quelque infirmité corporelle : ce qu'il lui accorda et ce qui a été confirmé par plusieurs miracles ; car une dame de qualité, qui n'ajoutait pas foi a ce qu'on disait de cette merveille, voulant faire l'expérience de ce qui arriverait à une femme qui entrerait dans le monastère de notre saint, poussa un jour sa servante dedans ; mais à l'instant même, la dame qui violait ainsi la cloture perdit un œil, en punition de son attentat et de son incrédulité."

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On comprend mieux ce qui est représenté : la "dame" de peu de foi porte la main devant ses yeux, car elle perd la vue. Saint Fiacre la repousse dédaigneusement et se plonge dans son bréviaire. La deuxième femme, moins bien habillée est a priori la servante.

 

 

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Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

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4. Saint Fiacre reçoit et nourrit les pauvres.

avec signature M. Delon 1910 dans le cartouche explicatif .

Inscription : Cõe ​Sai~t fiacre re/cevoit et nourrissoit les po(u)vres .

"Il partageait avec les pauvres le fruit de son travail. Guidé par les vertus du christianisme, la charité et la mortification, il mangeait peu, pour avoir plus à donner aux pélerins. Il fit bâtir, à quelque distance de sa cellule, une espèce d'hôpital pour les loger. On lui amena de toutes parts des énergumènes et des infirmes travaillés de diverses sortes de maladies. Et, par la vertu de ses prières et l'imposition de ses mains, il délivra les uns et rendit aux autres une parfaite santé." (Abbé R..., aumônier des Dames de la Conception, à Carpentras, 1865)

 

 

 

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Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

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REGISTRE SUPÉRIEUR.

Deuxième registre, Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

Deuxième registre, Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

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5. La Becnaude accusant saint Fiacre devant l'évêque de Meaux.

Inscription : Cõe la vieille vint p/laindre et accuser saint / fiacre a levesq de Meaux : disãt q.la gaste so(n) bois.

Dans la Vie de saint Fiacre, cet épisode vient après  la scène relatée dans le panneau suivant, et avant celle de la punition de la femme incrédule. On peut suspecter une erreur de remontage. On se reportera au texte de la légende donné précedemment.

L'inscription témoigne  d'une version un peu différente, dans laquelle la Becnaude accuse Fiacre "de gâter son bois". 

Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

6. Saint Fiacre délimite son jardin avec l'aide d'un ange.

Inscription : Cõe . sai~t . fiacre traça / le circuit de son jardin / avec . l'aide de Dieu. 

Dans la Légende initiale de saint Fiacre , ce dernier traçait son jardin avec un bâton, mais dans les versions plus tardives, c'est une bêche qui fut l'outil de cette miraculeuse enceinte. La bêche est ainsi devenue l'attribut du saint, sur d'innombrables statues des église et chapelles bretonnes, où saint Fiacre devenait le patron des jardiniers, à coté de saint Isidore, patron des agriculteurs dont l'attribut est la faucille.

 

 

 

Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

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7. Saint Fiacre guérissant les aveugles.

Inscription : Cõe . sai~t .  fiacre / gerissoit . / les aveugles:

Voir le commentaire plus haut. 

Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

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8. Entretien de saint Fiacre et de la Becnaude.

Inscription : Cõe la vieille tãsa sai~t / fiacre po l'amour qu'il / abatoit le / bois s. q. le fit céder de par die/u et il cessa.

 

 

 

 

 

Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

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Décor d'architecture Renaissance  à cartouches (vides) et masques. Grisaille et jaune d'argent.

 

Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

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Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

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Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

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LE TYMPAN

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Tympan à treize ajours et à écoinçons. 

 

Tympan de la baie 6, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

Tympan de la baie 6, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

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Trois ajours supérieurs : armoiries modernes . Boutteville en sommité, d'argent à cinq fusées de gueules en fasce , Boutteville et alliance à gauche, armoiries Du Chastel fascé d'or et de gueules  à droite.

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Tympan de la baie 6, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

Tympan de la baie 6, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

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Ajours des rangs inférieurs : 6 anges musiciens, en surplis plissés blancs et or. 

Joueur de (harpe).

Tympan de la baie 6, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

Tympan de la baie 6, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

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Joueur de viole à archet. 3 cordes, 4 ouïes.

 

Tympan de la baie 6, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

Tympan de la baie 6, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

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Joueur de flûte traversière.

 

Tympan de la baie 6, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

Tympan de la baie 6, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

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Joueur de chalemie.

 

Tympan de la baie 6, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

Tympan de la baie 6, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

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Joueur de chalemie.

 

Tympan de la baie 6, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

Tympan de la baie 6, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

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Ange offrant une corbeille de fruits.

 

Tympan de la baie 6, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

Tympan de la baie 6, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

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SOURCES ET LIENS.

 Le Faouët et Gourin, inventaire topographique, 1975, Secrétariat d'État à la Culture, Paris, Imprimerie Nationale. page 41 et fig. 118 et 119 page 288.

— GATOUILLAT (Françoise), HEROLD (Michel), 2011, Les vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum VII, Presses Universitaires de Rennes, 

— LENA (Laurent), 1989, Le Faouët, la chapelle Saint-Fiacre : son histoire et ses merveilles, Priziac, Presses de Saint-Michel,‎ 1990, 104 p.

— Abbé R..., aumônier des Dames de la Conception, à Carpentras, 1865 La Vie et les miracles de Saint Fiacre ... d'après les Bollandistes. Paris, Charles Douniol ed.. 

https://books.google.fr/books?id=WfxfAAAAcAAJ&dq=saint+fiacre&hl=fr&source=gbs_navlinks_s 

 

Bulletin et mémoires de la Société archéologique du département d'Ille-et-Vilaine vol. 12 1878 page 319-320

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2077642/f344.image

Bulletin archéologique de l'Association bretonne, Volume 1, 1849

— Vie de saint Fiacre, Acta sanctorum 30 août : 

https://www.heiligenlexikon.de/ActaSanctorum/30.August.html

— Les vitraux de Dreux, XVIe siècle : la Vie de saint Fiacre, 9 panneaux. 

http://www.patrimoine-histoire.fr/Patrimoine/Dreux/Dreux-eSaintPierre_v10.htm#SFiacre

 

 

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Published by jean-yves cordier - dans Le Faouët.

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  • : Le blog de jean-yves cordier
  • : 1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué). "Les vraies richesses, plus elles sont grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)

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