Le culte de sainte Nonne à Dirinon II : la chapelle Saint-Divy.
Voir la série sur Dirinon :
L'enclos paroissial de Dirinon I : les crossettes, les inscriptions et sculptures extérieures.
L'enclos paroissial de Dirinon III. la Poutre de Gloire (1623).
L'enclos paroissial de Dirinon V. Les sablières (1623), les blochets et poinçons.
L'enclos paroissial de Dirinon VI : le gisant de sainte Nonne (vers 1450-1468) et son reliquaire.
Le culte de sainte Nonne à Dirinon I : la fontaine Sainte-Nonne et les trois pierres de Sainte Nonne.
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Le nom de la commune de Dirinon fait référence à sainte Nonne : Diri-non, c'est "les chênes [de] sainte Nonne".
http://www.dirinon.fr/l-origine-du-nom-de-la-commune-de-dirinon.htm
La commune est donc sous le double patronage des chênes et de sainte Nonne, donc d'un élément naturel mais très anciennement sacré, avec une princesse galloise du Ve siècle qui, entrée au couvent mais violée par Kérétic, s'enfuit en Armorique et donna naissance à son fils Dewy ou Divy (ou David).
Or, cette intrication d'un culte de la nature avec celui d'une mère et de son fils est un fil rouge très fertile, car ce ne sont pas seulement les chênes d'un territoire couvert de bois et de taillis ( forêt antique de Talamon le long des rives de l'Elorn) qui s'y invitent, mais surtout les eaux de quatre fontaines sacrées et les multiples affleurements rocheux, dont trois pierres dédiées à sainte Nonne.
Ce nouage du naturel et du sacré est très fortement ressenti par le marcheur qui se rend, comme moi, sur les traces de la sainte et de son fils, car leurs sanctuaires ont conservé une simplicité rustique remarquable. Pas de parkinge ni d'aires de stationnement, pas de "mobilier urbain", mais des bois, des sources et des rochers parmi lesquels se nichent quelque clocher ou quelque oratoire.
Ma visite débutera par une route boueuse entourée d'arbres, égayée par le meuglement de vaches et les ritournelles des grives, mais elle s'achèvera par la découverte d'un couple établi dans un moulin au bord de l'eau, à Poulquijou.
Tout nous sourit, tout resplendit, vaches et brebis viennent picorer le miel de nos habits Coui Coui Coui coui coui.
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Situation :
Au sein du hameau de Lannuzel, au sud du bourg de Dirinon. Carte Maps. tout près d'une exploitation agricole en élevage de vaches laitières (le GAEC Orcil), près du passage de la voie ferré TER Landerneau-Quimper, près de l'entreprise Tech-nature (fabrication de cosmétiques : alginates Peel-off), sur la crête (alt. : 80 m) entre deux ruisseaux alimentant la rade de Brest, le Glanvez à l'ouest qui se jette dans l'anse de Penfoul en Loperhet , et, à l'est, un affluent de la Mignonne qui forme la Rivière de Daoulas.
La carte de Cassini (vers 1780) signale la chapelle (St Divi Chap.) entre les hameaux de Lannuzel et de Kerneouarn.
Le nom de Lannuzel est compris comme venant de l'ermitage d'un moine celtique nommé Uzel (Lann = ermitage / Uzel) qui y a été implanté au VIe siècle. Mais Uzel comme Huel signifie "en haut" et F. Falc'hun propose pour le nom Lannuzel : "pour Uann uzel, "le haut". Le hameau devint important avec les toponymes Lannuzel Creis, Lannuzel Uhella (d'en haut) et Lannuzel Izella (d'en bas) . Il serait à l'origine du patronyme Lannuzel ou Lanuzel.
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L'entrée et son allée plantée de hêtres.
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Saint Divy est donc, selon la Buez Santez Nonn, le fils de Nonne et de Kérétic (ou Xanthus), que la sainte mit au monde dans un marécage situé au sud de Dirinon : son berceau (une pierre creusée d'une fente) s'y voit encore.
Pour la tradition galloise, fondée sur la Vita de Rhygyfarch,, voir :
https://fr.wikipedia.org/wiki/David_de_M%C3%A9nevie
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Je lis dans l'article "Dirinon" de Wikipédia qu'il y avait jadis à cet emplacement, une enceinte protohistorique ou lieu sacré de l'époque païenne.
"La pierre d'angle sud-est sur laquelle repose le transept du sanctuaire semble être une stèle de l'âge de fer. ".
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La chapelle Saint-Divy porte trois inscriptions lapidaires de fondation ou de restauration, qui permettent de penser qu'elle fut rebâtie en 1702 sous la direction du fabrique Jean Diverres, réparée en 1778 sous la supervision de François Quenecadec, dotée d'une nouvelle cloche en 1782 et, alors qu'elle tombait en ruine au début du XIXe siècle, restaurée en 1824 (ou 1829). Il s'agit d'un édifice en forme de croix latine dont le clocheton porte l'inscription . En ruines en 1809, elle aurait dû être démolie sur accord de l'évêque pour en extraire les matériaux employés à réparer la chapelle de Sainte-Nonne, mais elle a été restaurée en 1824 (ou 1829) ainsi que l'indique une plaque au-dessus de la porte latéral sud.
Le pardon a lieu le dernier dimanche de juillet.
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I. L'ÉLÉVATION OUEST : STATUE ET INSCRIPTIONS.
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La statue de saint Fiacre.
Kersanton, XVIe (?)
On admirera le talent de saint Fiacre, patron des jardiniers, qui réussit à faire pousser dans sa niche depuis des générations un prunellier, qui retrouvera ses feuilles puis ses fruits en été.
Notez aussi l'effet créé par le capuchon du scapulaire rabattu sur l'arrière de la tête.
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Comparez avec la statue de saint Fiacre à la chapelle Sainte-Nonne (photo lavieb-aile) :
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Le blason : centré par un calice, il affirme que le donateur était un prêtre. Les initiales Y-G qui l'encadrent ne correspondent à aucun des curés et recteurs connus à Dirinon à cette époque si ce n'est Messire Guillaume Yven , vicaire perpétuel de la paroisse de 1687 à 1717, qui bénit en 1691 une cloche de la chapelle Sainte-Nonne.
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Les inscriptions
L'une est placée au dessus de la statue, l'autre en dessous.
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Inscriptions entourant la statue de saint Fiacre, chapelle Saint-Divy à Dirinon. Photographie lavieb-aile.
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Inscription supérieure.
Inscription sur une pierre de kersanton sur deux lignes au sein de cartouches indépendants. Lettres majuscules romaines. Présence d'un N rétrograde. Ponctuation entre les mots par deux-points.
IAN : DIVER-
F :1702
"Jean Diverres Fabricien en 1702".
Les généalogistes mentionnent :
Jean Diverres (1628-Dirinon1708) épousa Jeanne Caret. Ils eurent 5 enfants dont Nicolas (mars 1662 / 9 juin 1720) , probable auteur d'une inscription lapidaire comme fabricien de l'église Sainte-Nonne en 1713,
Jean Diverres, exerçant la profession de ménager, fils de Jean Diverres et de Jeanne Caret, né le 7 janvier 1663 à Dirinon, il épousa Marie Salaun le 26 février 1691,
Jean Diverres, fils de Jean Diverres (décédé av. 1695) et de Marguerite Elleouet, épousa à Dirinon en 1696 Catherine Le Gall, d'où 8 enfants de 1699 à 1717.
N.B : François Diverres est signalé prêtre ou sous-curé de Dirinon en 1704.
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Inscription de 1702 au dessus de la statue de saint Fiacre, chapelle Saint-Divy à Dirinon. Photographie lavieb-aile.
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Inscription au dessous de la statue.
F : QUENECADEC
FABRIQVE : 1778.
"F. Quenecadec, fabrique en 1778".
Là encore, cela nous renvoie à une inscription de l'église paroissiale en 1756
FAIT PAR JEAN / QVENECADEC / ET IOSEPH MVSE / LEC, FABRIQVE, L'AN 1756.
Je notais alors :
Jean Quenecadec, né le 23 août 1725 à Dirinon et décédé au lieu-dit L'Isle à Dirinon le 3 décembre 1761 ; il est le fils de François Quenecadec et de Françoise Caret. Il est le frère aîné d'Hervé, Marie et Françoise Quenecadec. Il épousa en 1747 Marie Kernéis et eut cinq enfants. Voir généalogie G. Kerautret.
Un de ses successeurs a inscrit sur le pignon de la chapelle de Saint-Divy l'inscription F. QVECADEC FABRIQVE 1778. Il s'agit sans-doute de François Quenecadec, né le 8 avril 1748 au lieu-dit L'isle à Dirinon.
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Inscription sous la statue de saint Fiacre, chapelle Saint-Divy à Dirinon. Photographie lavieb-aile 2017.
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LE BRAS DU TRANSEPT NORD. INSCRIPTION DE 1824.
L'inscription est gravée sur le linteau de granite de la porte d'accès au bras nord du transept, et les deux pierres qui l'encadrent.
—Linteau :
RESTAUREE 1824
Y. MADEC M. N. MEVEL FP.
Yves Madec, agriculteur à Poulescadec, fut maire de 1824 à 1830 et de 1839 à 1843.
—Bloc de gauche:
N. PENN Dt
J. MACE V
Nicolas Penn, de Plouënan, fut recteur de Dirinon de 1814 à 1858. J. Macé était peut-être son vicaire : il est signalé vicaire de Plouënan de 1825 à 1828.
— Bloc de droite :
MB DE MARIGNY
Le vice-amiral de Bernard de Marigny, né le 1er février 1740 à Sées, décédé le 25 juillet 1816 à Brest, préfet maritime de Brest, marié avec Alexandrine-Gabrielle de Coëtnempren de Kersaint, habitait sous l'Empire le manoir de Lesquivit et fut maire de Dirinon entre 1808 et 1813. Il était propriétaire des fermes à Lannuzel. Grâce sa générosité il sauva la chapelle de Saint Divy de la démolition.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_de_Bernard_de_Marigny
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LA CLOCHE DE 1782 ET SON INSCRIPTION CAMPANAIRE.
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Inscription sur la faussure de cette cloche :
---DE MISSIRE LE GAC DU QUISTILLIC RECTEUR DE
DIRINON M. VERGOS PRETRE ET CHAP DE ST AUBIN PARRAIN ET
MICHEL MARTIN LE MENDOUR FABRIQUE ET CLAUDINE PRIGENT ---
FAIT --- AN 1782. (hermine)
Décor : Croix
–Ange-Christophe Le Gac de Quistillic fut recteur de Dirinon de 1773 à 1792 . Originaire de Plounéventer, il refusa le serment, ainsi que son vicaire, M. Cudennec ; en Mai 1792, il se retira à Plounéventer, retourna à Dirinon en Novembre 1794 jusqu'au mois de Ventose an IV (Février 1795) ; il fut soigné comme paralytique à l'hôpital de Landerneau, et revint à Dirinon pour y mourir le 23 Septembre 1795 (Abgrall 1907). Lire le travail d'André Croguennec qui reproduit l'acte de succession de ce prêtre.
–Un Jean Vergoz fut prêtre à Dirinon de 1647 à 1671 ; le manuscrit, jadis conservé au presbytère de Dirinon, du Buez santez Nonn portait une mention " Mr. Vergoz pretre ". Mais le prêtre dont fait mention cette inscription était chapelain de la chapelle Saint-Aubin, aujourd'hui disparue depuis la Révolution. Elle était située jadis non loin du château de Lesquivit.
– Cette cloche semble le seul témoin de l'existence de Michel Martin Le Mendour comme fabrique à Dirinon, et mes recherches sont vaines sur ce personnage.
Y-P. Castel signalait en 1990 qu'une cloche "est déposée en mairie fondue en 1782 par Le Beurrier à Brest. Le cartouche qu'il adopte montre qu'il était aussi fondeur de canon pour le compte de la Marine". Il me semblait donc qu'il s'agisse d'une cloche différente.
J'allais boucler cet article lorsque je découvris un autre papier d'Yves-Pascal Castel, dans le Courrier du Léon / Progrès de Cornouaille du 28 juin 1997, aux "Annonces légales et judiciaires" : "Pardon de Saint-Divy le 27 juillet" :
Quand au mois de mai, Michel Cann de Plounéventer a été appelé à consolider le petit clocher dont les pierres de disjoignaient, il a constaté que la cause de ce désordre était provoqué par la cloche qui n'était pas faite pour la loge où on l'avait naguère placée. Trop large, frottant contre les parois de l'étroite chambre, elle avait tendance à en bousculer les pierres.
Or, existait, dans le vestibule de la mairie de Dirinon, une cloche ancienne sortie d'usage sans que personne apparemment ne sache sa provenance. Mesures prises, Michel Cann constata que moins large que l'autre celle-ci pourrait être utilisée.
La cloche recueillie à la mairie marquée d'une fleur de lis, porte une longue inscription :
J'AI ETE FAITE DU TEMPS DE MISSIRE LE GAC DU QUISTILLIC, RECTEUR DE DIRINON. M : VERGOS, PRETRE ET CHAP(ELAIN) DE ST : AUBIN. PAREIN ET MAREINE MICHEL MARTIN LE MENDOUR FABRIQUE ET CLAUDINE PRIGENT.
FAITE A BREST LAN 1782.
R. LE BEURRIEE MA FAIT.
L'abbé Castel fit les mêmes recherche que moi pour identifier le recteur du Quistillic et la chapelle de Saint-Aubin. Grâce à l'aide d'Annie Le Men, maire de Dirinon, qui consulta les anciens registres de catholicité de la paroisse, il identifia Martin Lamendour, originaire de Lambézellec, installé dans le village voisin de Loperhet, et qui devint dirinonais par son mariage avec Marie Anne Le Gall de Kergleuziec, d'une famille d'avocats établis à Poulquijeau. Il constata que la signature de Martin Lamendour prouvait qu'il savait écrire. Martin Lamendour et son épouse eurent un fils, Yves Lamendour, né le 18 juillet 1787.
De même, il identifia la "mareine" Claudine Prigent, née le 1er mars 1752 et fille de Yves Prigent, meunier de Poulquijeau au confluent de l'Elorn.
Kergleuziec et Poulquijeau (aujourd'hui Poulquijou) sont deux hameaux proche de Saint-Aubin au nord de l'étang du Roual sur la route dite "du vieux Moulin". Il est fait mention du moulin, mais aussi du manoir "de Poulquegeau".
Voir sur la carte de Cassini la chapelle "St-Albin", le lieu-dit Keraleusiec et le symbole topographique du moulin de Poulquijeau .
Voir sur la Carte d'Etat-Major 1820-1866 le même endroit.
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Enfin Y-P. Castel décrit le cachet du fondeur R. Le Beurriée qui travaillait à l'arsenal de Brest : "composé de canons en sautoir et d'une cloche", il montrait la double casquette de cette dynastie de fondeurs, vraisemblablement originaires de Villedieu-les Poëles et établis à Brest après un passage à Vannes. Jean-François Beurriée de la Rivière fondit la cloche de Bodilis en 1718.
— G-M. THOMAS, 1981, "Fondeurs de cloches du temps passé", Bulletin Société archéologique du Finistère : Fonte des cloches en Bretagne aux XVII et XVIII siècles: contrat entre la paroisse et le fondeur| les familles de fondeurs: les Le Beurriée de La Rivière, et essai de classification des cloches fondues par les Le Beurriée, les Le Moyne, les Le Soueff. 1981, vol. 109, pp. 263-274 (notes)
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SOURCES ET LIENS.
— ABGRALL (Chanoine Jean-Marie), 1907, Notice sur les paroisses : Dirinon, in Bulletin Diocesain d'Histoire et d'Archéologie, Quimper.
https://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/bdd181929b72800d010461e5f4ff222d.pdf
https://archive.org/stream/bulletindiocsai00arcgoog/bulletindiocsai00arcgoog_djvu.txt
— ABGRALL (Chanoine Jean-Marie), 1890, « Sainte Nonn et saint Divy », Bull. soc. arch. Fin., t. XVII, 1890, p. 67 sq.
—APEVE (Association pour la Promotion des enclos paroissiaux de la vallée de l'Élorn), 2013, "Dirinon", texte, photos, mise en page : François LE MEN, Jean PRZYGODA, Pierre CHAMARD-BLOIS.
— COUFFON (René) & LE BRAS (Alfred), 1988, "Dirinon" Diocèse de Quimper et de Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper, Association diocésaine, 1988, 551 p.
http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf-Couffon/DIRINON.pdf
—FALC'HUN (Chanoine François), 1986, Dirinon, Editions Ouest-France, 32 pages.
— LE BERRE (Yves), CASTEL (Yves-Pascal ), TANGUY ( Bernard), 1999, Buez Santez Nonn Mystère breton, vie de sainte Nonne préface LE MEN (Annie), CRBC / Minihi-Lenevez - 199 pages - 23x 28 cm - ISBN 2-908230-10-0
http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/80d88f81a9a064fda9b122ff0d667bbc.pdf
— TOPIC-TOPOS http://fr.topic-topos.com/chapelle-saint-divy-dirinon
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