L'église de Guipavas I. Les crossettes.
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— Sur Guipavas, voir aussi :
- L'église de Guipavas II. Le porche de 1563 : l'extérieur.
- L'église de Guipavas III. Les apôtres du porche de 1563 par Bastien Prigent.
— Sur les crossettes, voir :
- Sur la piste des crossettes de Landerneau.
- L'enclos paroissial de Brasparts. II. Le clocher et ses gargouilles, l'ossuaire et les crossettes : Eros et Thanatos.
- L'église Notre-Dame de Rumengol. V. Les gargouilles et les crossettes.
- La charmante petite sirène de Saint-Urbain (29).
- Les Sirènes et Démones de l'église de Sizun (29) : la diabolisation d'Ève, ou la féminisation de Satan.
- Les sculptures extérieures de l'enclos paroissial de Sizun (29).
- L'enclos paroissial de Lannédern I. Les sculptures extérieures : le calvaire, l'ossuaire et les crossettes.
- Le porche de l'église de Landivisiau. I. L'extérieur.
- L'église Saint-Salomon de La Martyre. IV. L'ossuaire, les inscriptions et les crossettes.
- L'enclos paroissial de Dirinon. I. Les crossettes. Les inscriptions lapidaires et chronogrammes.
- L'église Sainte-Marie-Madeleine de Dinéault VII. La crossette.
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De l'ancienne église Saint-Pierre-et-saint-Paul de Guipavas, restaurée au XVIe siècle, mais reconstruite en 1848, il ne restait plus, lors de la visite du chanoine Abgrall en 1912, que le porche nord et un bénitier de 1565, ainsi que les pignons des bras du transept. L'incendie consécutif aux bombardements d'août 1944 entraîne la reconstruction de l'église en 1952-1955 dans un style contemporain, mais intégrant ces éléments anciens. C'est précisément eux qui vont nous permettre d'observer de belles crossettes.
1°) Je poursuis ici ma petite enquête photographique sur les crossettes, enquête qui s'enrichit à chaque étape des comparaisons avec les visites précédentes.
J'utiliserai le terme de "crossette" tel que je le trouve défini dans Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne (2014) d'Emmanuelle Le Seac'h page 40 :
"Les pierres d'amortissement, nécessaires à la structure et à l'équilibre d'un fronton ou d'un pignon, sont généralement prolongées par des acrotères, des crossettes ou des pots-à-feu. Les crossettes, situées à la terminaison des rampants d'un pignon ou d'un fronton, sont extrêmement nombreuses. Les plus belles sont sculptées dans la pierre de kersanton sur les porches de la vallée de l'Élorn, comme à Landivisiau où un lion et un dragon se font pendant. "
Régulièrement photographiées pour leur beauté et leur thème pittoresque, les crossettes zoomorphes et anthropomorphes de Bretagne ont fait l'objet d'une seule étude réglée, celle d'Emmanuelle Le Seac'h, mais elle s'est « limitée » aux quatre cantons du Finistère de Landerneau, Landivisiau, Ploudiry, et Sizun. Néanmoins, le bestiaire, la thématique et la stylistique sont suffisamment homogènes pour en étendre les conclusions à l'ensemble de la Basse-Bretagne.
2°) Cette axe d'investigation iconographique en croise un autre, puisque je tente aussi de documenter en ligne les ouvrages d'un atelier de sculpture sur pierre (et surtout sur kersanton) établi à Landerneau entre 1527 et 1577, celui de Bastien et d'Henry Prigent. Or, ce sont eux qui sont les auteurs du porche de Guipavas, daté de 1563, mais aussi auparavant des porches de Pencran (1553) et de Landivisiau (1555-1565). Existe-t-il des points communs entre les crossettes qui encadrent ces trois porches ?
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Précisément, la crossette la plus visible et la plus spectaculaire de Guipavas, car elle termine le rampant gauche du porche nord par lequel le visiteur pénètre dans l'église, est un dragon qui est le frère jumeau de celui de Landivisiau. Parlons plutôt ici de triplets, car l'air de famille avec celui de Pencran est aussi évident.
C'est un ouvrage de kersanton, tout en finesse, non sans préciosité, audacieusement ancré à la pierre d'amortissement par une attache très réduite correspondant à l'arrière-train de l'animal. Le dragon à l'échine épineuse dresse vers le ciel des yeux exorbités et une gueule fort pourvue de crocs ; puis vient une forte paire d'oreilles de chauve-souris et une courte crinière méchée. Le thorax annelé et l'abdomen long et mince forment une courbe en S, précédant une queue aux anneaux dentelés, si longue et si contournée qu'on en perd l'itinéraire. C'est qu'elle passe d'abord sous les pattes postérieures, entoure le col comme une écharpe, et achève sa prestation par une boucle fermée sur elle-même. Les pattes antérieures se saisissent de ce lasso, comme pour en modérer les spasmes rageurs.
Tout laisse à penser que ce dragon est contemporain du porche, dont il est solidaire, et qu'il date de 1563.
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Dragon, kersanton (1563), B. et H. Prigent, crossette du rampant gauche du porche nord de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Comparons-le maintenant à celui du rampant gauche du porche de Landivisiau :
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Retour à Guipavas :
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Dragon, crossette du rampant gauche du porche nord de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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2. Crossette du rampant gauche du bras sud du transept : dragon ailé.
Cette crossette n'est pas en kersanton, mais en pierre de Logonna. Le dragon aux dents menaçantes a le corps couvert de pustules verruqueuses et la queue formant une boucle. Le corps est dirigé vers l'ouest mais la tête se tourne vers le sud, vers le spectateur auquel il adresse sa mise en garde.
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3. Crossette du rampant droit du bras sud du transept : lion.
Le lion est l'animal le plus représenté avec le dragon. Je ne suis donc pas surpris de le trouver ici, avec sa tête frisée comme un mouton, sa gueule débonnaire à la langue bien pendue, la crinière fournie, sa queue passant entre les pattes avant de se diviser sur la croupe en trois digitations, et la patte postérieure velue. Se tient-il posé sur un os à moelle ou sur un rouleau de papier ? Les branchages d l'arbre voisin ne me permettent pas de le dire.
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SOURCES ET LIENS.
— ABGRALL (Jean-Marie), 1912, Notices sur les paroisses : Guipavas Chanoines Jean-Marie Abgrall et Paul Peyron, "[Notices sur les paroisses] Guipavas", Bulletin diocésain d'histoire et d'archéologie, Quimper, 12e année, 1912, p. 114-124, 148-158, 183-192, 205-218, 237-248.
http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/243b23ce0573cffab3d8cd3e7b8a3048.pdf
— CASTEL (Yves-Pascal), 1979, “ Le porche de Guipavas...,” Courrier du Léon et Progrès de Cornouaille 1er septembre 1979 Collections numérisées – Diocèse de Quimper et Léon, consulté le 14 mars 2017, http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/items/show/1935.
— CASTEL (Yves-Pascal), 1979, Le patrimoine architectural et les sites de la commune de Guipavas, “0016 patrimoine commune de Guipavas 1.09.79,” Collections numérisées – Diocèse de Quimper et Léon, consulté le 14 mars 2017, http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/items/show/1476.
http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/0264d74a8e17fd1da31a25ef0df9b90d.jpg
http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/0264d74a8e17fd1da31a25ef0df9b90d.jpg
— COUFFON (René), LE BARS (Alfred), 1988 Répertoire des églises : paroisse de GUIPAVAS Notice extraite de : Diocèse de Quimper et Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles, par René Couffon, Alfred Le Bars, Quimper, Association diocésaine, 1988.
http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/d7fa2365a76658fe5c12b1ddf3e34546.pdf
— INFOBRETAGNE, "Guipavas"
http://www.infobretagne.com/guipavas.htm
— LE SEAC'H (Emmanuelle), 1997, Les crossettes et les gargouilles dans quatre cantons du Finistère : Landerneau, Landivisiau, Ploudiry, Sizun. Éditeur: s.n., 2 vol. : 359 p. + 135 p. : ill. ; 30 cm .
http://portailcrbc.univ-brest.fr/cgi-bin/koha/opac-detail.pl?biblionumber=34066
— LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne, les ateliers du XVe au XVIIe siècle, 1 vol. (407 p.) - 1 disque optique numérique (CD-ROM) : ill. en coul. ; 29 cm ; coul. ; 12 cm; Note : Index. - Notes bibliogr., bibliogr. p. 373-395. Rennes : Presses universitaires de Rennes , 2014. Éditeur scientifique : Jean-Yves Éveillard, Dominique Le Page, François Roudaut